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41 Préambule historique Construit en 1820 par l’architecte Duckers et restauré en profondeur en 1875 par l’architecte Rémond, le Théâtre royal de Liège est un monu- ment urbain qui a fortement évolué au gré des modes, des besoins et des évolutions techniques. À l’origine de style néo-classique, il a épousé le style Second Empire lors de sa première grande restauration qui a vu la salle et ses accès complè- tement transformés ainsi que la fermeture des galeries latérales et du porche afin d’agrandir substantiellement le théâtre. Le début du 20 e siècle a laissé son empreinte stylistique dans le grand lustre de la salle et la peinture de sa coupole par émile Berchmans. En 1930, la construction d’un fronton sculpté par Oscar Berchmans modifia sensiblement la façade principale du théâtre en même temps que l’on décidait de dérocher l’enduit qui recouvrait les pierres de tuffeau. À la fin des années 1950, ce sont surtout les techniques qui furent amélio- rées : rehausse de la cage de scène, extension des loges d’artistes, divers aménagements concer- nant les techniques scéniques et la réouverture du porche qui redevint une entrée carrossable. Enfin, à l’approche des années 1970, on fit un constat de l’inadaptation du théâtre aux règles de sécurité, de l’état de délabrement des locaux annexes à la salle et de la nécessité de moderni- sation de la ventilation et des installations élec- triques. Des travaux furent faits en conséquence jusqu’en 1982, travaux de modernisation qui tou- chèrent aussi l’ensemble des châssis des façades et le Grand Foyer, qui perdit une grande partie de ses décors – les décors en plâtre du plafond, tombant par morceaux au début des années 1980, furent alors complètement démolis –. Le Théâtre royal fut classé comme Monument en 1999 par la Région wallonne. En 2004, la Ville de Liège et l’Opéra royal de Wallonie furent en mesure de décider de la mise en œuvre d’un vaste projet architectural de restauration, rénovation et extension du théâtre afin de répondre aux exigences tech- niques, scéniques, acoustiques et sécuritaires modernes et en même temps de redonner au monument son lustre d’antan. C’est ainsi que le projet a pu se développer suivant plusieurs axes : d’une part la restaura- tion des parties classées: façades, salle, grand foyer, hall et escaliers d’honneur. D’autre part la rénovation des loges d’artistes, des locaux techniques et sanitaires et surtout la refonte complète de la cage de scène, rehaus- sée, et de ses équipements, y compris la fosse d’orchestre. Enfin, la création de nouveaux espaces fonctionnels et de représentation dont une vaste salle de répétition aux dimen- sions de la scène qui accueillera également des événements festifs. Le projet La philosophie de restauration des parties classées a été la suivante : pour l’extérieur, retrouver les qualités néo-classiques épurées du bâtiment d’origine en démontant toutes les extensions construites de façon hétérogène au-dessus de l’acrotère, ré-enduisant les pierres très altérées par leur exposition aux intempé- ries et renouvelant l’ensemble des châssis hété- roclites par des châssis très contemporains en acier. Au rez-de-chaussée, l’enlèvement des allèges tardives des baies permet d’évoquer les anciennes galeries ouvertes d’origine et la mise en peinture de l’ensemble des façades est conforme à l’état initial du bâtiment. Cette philosophie a accompagné la conception de l’extension en toiture, volume parallélépipé- dique pur dont la hauteur fut définie par celle de la future cage de scène pour abriter les nouveaux espaces. La double peau métal- lique ajourée, créant des effets d’ombre et lumière sur la façade du nouveau bâtiment, est déclinée aux étages inférieurs dans les baies du bâtiment ancien afin d’exprimer le lien entre la modernité et le passé. Pour l’intérieur, on doit distinguer les deux espaces majeurs du théâtre : la salle et le grand foyer. La salle a fait l’objet d’impor- tants travaux mais le fil conducteur était la conservation de l’ensemble des éléments décoratifs, hétéroclites mais esthétiquement qualitatifs: ils nécessitaient surtout des travaux de nettoyage et de restauration pour retrouver toutes leurs qualités, mises à mal par un manque d’entretien et surtout de nom- breux travaux de réparations hâtives de piètre qualité. L’implantation et le renouvellement des sièges ont été partiellement revus afin de permettre à la fois une meilleure visibilité, un accès aux personnes à mobilité réduite et une ventilation intégrée. Un nouveau rideau de scène est mis en place dans l’esprit du rideau ancien d’après une photo de 1958 (lambrequin en drapé, franges et galons en bas de rideau). Pour le Grand Foyer, la philosophie était autre puisque les éléments de décors anciens étaient lacunaires. Les archives iconographiques et l’observation des décors encore existants nous ont permis d’envisager une reconstitution des décors du plafond et de la partie haute des murs ainsi que du parquet marqueté en chêne et noyer afin de retrouver l’esprit fastueux Second Empire. De nouvelles tentures et des lustres en verre de Murano ainsi que deux longs bars en polyester blanc complètent le décor pour parachever l’esprit festif du lieu tout en démon- trant que les ajouts contemporains s’intègrent harmonieusement aux décors anciens. Intégration des techniques Depuis de nombreuses années, les installations techniques du théâtre avaient fait l’objet de Travaux de restauration des balcons de la salle de l’Opéra royal de Wallonie, Avril 2012. © ORW Françoise Olivier ORIGIN Architecture & Engineering sc scrl Architecte associée Yves Jacques Architectes associés sa Ir. Architecte La restauration de l’Opéra royal de Wallonie Les Cahiers nouveaux N° 83 Septembre 2012 41-42

La restauration de l’Opéra royal de Walloniedocum1.wallonie.be/DOCUMENTS/CAHIERS/CN83/C2A3_Olivier.pdf · 2014. 6. 17. · MRW049_CN83_Intérieur_v2.indd 41 26/07/12 12:11. 42

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Préambule historique

Construit en 1820 par l’architecte Duckers et restauré en profondeur en 1875 par l’architecte Rémond, le Théâtre royal de Liège est un monu-ment urbain qui a fortement évolué au gré des modes, des besoins et des évolutions techniques.À l’origine de style néo-classique, il a épousé le style Second Empire lors de sa première grande restauration qui a vu la salle et ses accès complè-tement transformés ainsi que la fermeture des galeries latérales et du porche afin d’agrandir substantiellement le théâtre. Le début du 20e siècle a laissé son empreinte stylistique dans le grand lustre de la salle et la peinture de sa coupole par émile Berchmans. En 1930, la construction d’un fronton sculpté par Oscar Berchmans modifia sensiblement la façade principale du théâtre en même temps que l’on décidait de dérocher l’enduit qui recouvrait les pierres de tuffeau. À la fin des années 1950, ce sont surtout les techniques qui furent amélio-rées : rehausse de la cage de scène, extension des loges d’artistes, divers aménagements concer-nant les techniques scéniques et la réouverture du porche qui redevint une entrée carrossable. Enfin, à l’approche des années 1970, on fit un constat de l’inadaptation du théâtre aux règles de sécurité, de l’état de délabrement des locaux annexes à la salle et de la nécessité de moderni-sation de la ventilation et des installations élec-triques. Des travaux furent faits en conséquence jusqu’en 1982, travaux de modernisation qui tou-chèrent aussi l’ensemble des châssis des façades et le Grand Foyer, qui perdit une grande partie de ses décors – les décors en plâtre du plafond, tombant par morceaux au début des années 1980, furent alors complètement démolis –. Le Théâtre royal fut classé comme Monument en 1999 par la Région wallonne.En 2004, la Ville de Liège et l’Opéra royal de Wallonie furent en mesure de décider de la mise en œuvre d’un vaste projet architectural de restauration, rénovation et extension du théâtre afin de répondre aux exigences tech-niques, scéniques, acoustiques et sécuritaires modernes et en même temps de redonner au monument son lustre d’antan.

C’est ainsi que le projet a pu se développer suivant plusieurs axes : d’une part la restaura-tion des parties classées: façades, salle, grand foyer, hall et escaliers d’honneur. D’autre part la rénovation des loges d’artistes, des locaux techniques et sanitaires et surtout la refonte complète de la cage de scène, rehaus-sée, et de ses équipements, y compris la fosse d’orchestre. Enfin, la création de nouveaux espaces fonctionnels et de représentation dont une vaste salle de répétition aux dimen-sions de la scène qui accueillera également des événements festifs.

Le projet

La philosophie de restauration des parties classées a été la suivante : pour l’extérieur, retrouver les qualités néo-classiques épurées du bâtiment d’origine en démontant toutes les extensions construites de façon hétérogène au-dessus de l’acrotère, ré-enduisant les pierres très altérées par leur exposition aux intempé-ries et renouvelant l’ensemble des châssis hété-roclites par des châssis très contemporains en acier. Au rez-de-chaussée, l’enlèvement des allèges tardives des baies permet d’évoquer les anciennes galeries ouvertes d’origine et la mise en peinture de l’ensemble des façades est conforme à l’état initial du bâtiment. Cette philosophie a accompagné la conception de l’extension en toiture, volume parallélépipé-dique pur dont la hauteur fut définie par celle de la future cage de scène pour abriter les nouveaux espaces. La double peau métal-lique ajourée, créant des effets d’ombre et lumière sur la façade du nouveau bâtiment, est déclinée aux étages inférieurs dans les baies du bâtiment ancien afin d’exprimer le lien entre la modernité et le passé.

Pour l’intérieur, on doit distinguer les deux espaces majeurs du théâtre : la salle et le grand foyer. La salle a fait l’objet d’impor-tants travaux mais le fil conducteur était la conservation de l’ensemble des éléments décoratifs, hétéroclites mais esthétiquement qualitatifs: ils nécessitaient surtout des

travaux de nettoyage et de restauration pour retrouver toutes leurs qualités, mises à mal par un manque d’entretien et surtout de nom-breux travaux de réparations hâtives de piètre qualité. L’implantation et le renouvellement des sièges ont été partiellement revus afin de permettre à la fois une meilleure visibilité, un accès aux personnes à mobilité réduite et une ventilation intégrée. Un nouveau rideau de scène est mis en place dans l’esprit du rideau ancien d’après une photo de 1958 (lambrequin en drapé, franges et galons en bas de rideau).

Pour le Grand Foyer, la philosophie était autre puisque les éléments de décors anciens étaient lacunaires. Les archives iconographiques et l’observation des décors encore existants nous ont permis d’envisager une reconstitution des décors du plafond et de la partie haute des murs ainsi que du parquet marqueté en chêne et noyer afin de retrouver l’esprit fastueux Second Empire. De nouvelles tentures et des lustres en verre de Murano ainsi que deux longs bars en polyester blanc complètent le décor pour parachever l’esprit festif du lieu tout en démon-trant que les ajouts contemporains s’intègrent harmonieusement aux décors anciens.

Intégration des techniques

Depuis de nombreuses années, les installations techniques du théâtre avaient fait l’objet de

Travaux de restauration des balcons de la salle de l’Opéra royal de Wallonie, Avril 2012.© ORW

Françoise OlivierORIGIN Architecture & Engineering sc scrlArchitecte associée

Yves JacquesArchitectes associés saIr. Architecte

La restauration de l’Opéra royal de Wallonie

Les Cahiers nouveaux N° 83 Septembre 2012

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modifications, de transformations, de mises aux normes et d’adaptations nécessaires à la poursuite de l’activité.La restauration du bâtiment a nécessité le renouvellement de l’ensemble de ces installa-tions, pour répondre aux normes actuelles tant au point de vue de la sécurité qu’au point de vue du confort des utilisateurs et des spectateurs.

Les installations électriques

Les circuits d’éclairage sont contrôlés par une gestion centralisée afin de limiter le gaspillage et d’augmenter la durée de vie des sources. Les luminaires historiques (grand lustre, girandoles, appliques anciennes) sont restau-rés, câblés et équipés de nouvelles sources à meilleures performances énergétiques. Les luminaires neufs font appel aux derniers progrès en matière d’efficacité et de faible consommation d’énergie. Un réseau de distribution d’information à haut débit est intégré dans l’ensemble du bâtiment et permet une gestion pointue de l’ensemble des organes techniques et scénographiques.Une détection incendie centralisée générale augmente la sécurité des spectateurs. Les détecteurs sont choisis en fonction de leur destination ; dans les parties du bâtiment aux décors riches, on utilise une détection « par aspiration » qui permet de rendre les détec-teurs invisibles, pour ne pas nuire à l’aspect des espaces restaurés.

Les installations de chauffage et de ventilation

L’objectif de ces installations est d’assurer le confort du public, des artistes et du person-nel tout en préservant l’énergie. L’étude pour atteindre cet objectif a conduit à l’amélioration de l’enveloppe thermique et acoustique du bâtiment, couplée à une utilisation rationnelle de l’énergie par le biais des installations de chauffage et de ventilation.La grande difficulté du projet réside en l’inté-gration de nombreux équipements techniques, souvent volumineux, dans un bâtiment historique au décor important. La nécessité de respecter des normes acoustiques draconiennes impose également une grande attention lors de l’étude et un grand soin dans la réalisation. Dans la salle, pour assurer le confort des spec-tateurs, l’air est pulsé à très faible vitesse par les pieds des sièges et par des bouches disposées de manière à ne pas provoquer de mouvements d’air gênants. Dans le grand foyer, le hall principal, les esca-liers d’honneur et la nouvelle salle de répétition, la ventilation assure également le chauffage et le rafraîchissement. Le froid est produit par des compresseurs installés dans le local technique principal sous la salle tandis que l’échange thermique se fait à l’aide d’aéro-réfrigérants situés dans la partie supérieure du bâtiment et dissimulés derrière l’enveloppe du claustra afin de les rendre invisibles de l’extérieur du théâtre.

De haut en bas :Préparation du plancher du parterre après mise en place de la ventilation par les pieds de sièges, Mai 2012.© ORW

La cage de scène, Mai 2012.© ORW

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