53
OPÉRA MONDE / DOSSIER DÉCOUVERTE OPÉRA MONDE LA QUÊTE D’UN ART TOTAL 22.06.2019 > 27.01.2020

OPÉRA MONDE · 2019-07-10 · Actuellement, l’Opéra national de Paris regroupe l’Opéra Garnier, l’Opéra Bastille, la 3e Scène, lieu de création numérique, l’École

  • Upload
    others

  • View
    0

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: OPÉRA MONDE · 2019-07-10 · Actuellement, l’Opéra national de Paris regroupe l’Opéra Garnier, l’Opéra Bastille, la 3e Scène, lieu de création numérique, l’École

OPÉRA MONDE / DOSSIER DÉCOUVERTE

OPÉRA MONDE LA QUÊTE D’UN ART TOTAL

22.06.2019 > 27.01.2020

Page 2: OPÉRA MONDE · 2019-07-10 · Actuellement, l’Opéra national de Paris regroupe l’Opéra Garnier, l’Opéra Bastille, la 3e Scène, lieu de création numérique, l’École

OPÉRA MONDE / DOSSIER DÉCOUVERTE

2

SOMMAIRE

1. PRÉSENTATION DE L’EXPOSITION………………………..P.3

2. SE SITUER …………………………………………P.5

3. PARCOURS DE L’EXPOSITION…………………………...P.6

4. COMMENT CONSTRUIRE UN OPÉRA ? ……………………P.22

5. LES 350 ANS DE L’OPÉRA NATIONAL DE PARIS ……………P.37

6. INTERVIEW DU COMMISSAIRE DE L’EXPOSITION…………....P.38

7. LISTE DES CRÉATEURS PRÉSENTÉS……………………...P.40

8. LISTE DES OPÉRAS PRÉSENTÉS………………………...P.41

9. ATELIERS POUR LES SCOLAIRES………………………..P.49

10. INFORMATIONS PRATIQUES…………………………....P.51

En couverture :

Norma, Teatro La Fenice, Venise, 2015 (reprise, 2016),avec Luca Tittoto (Oroveso) et Mariella Devia (Norma) Photos Michele Crosera © Michele Crosera / Teatro La Fenice, Venise © Kara Walker, courtesy Sikkema Jenkins & Co., New York

Page 3: OPÉRA MONDE · 2019-07-10 · Actuellement, l’Opéra national de Paris regroupe l’Opéra Garnier, l’Opéra Bastille, la 3e Scène, lieu de création numérique, l’École

OPÉRA MONDE / DOSSIER DÉCOUVERTE

1. PRÉSENTATION DE L’EXPOSITION 22.06.2019 > 27.01.2020 Galerie 3 Commissaire : Stéphane Ghislain Roussel « Il ne s’agit pas de re-composer un opéra avec ses hiérarchies, mais plutôt de fabriquer un instrument à produire de la liberté.1 » Opéra Monde témoigne de la rencontre entre les arts visuels et l’opéra aux XXème et XXIème siècles. Plus qu’une exposition consacrée aux scénographies d’opéra réalisées par des artistes, elle entend mettre en lumière, en résonance, ou au contraire en tension avec l’héritage du Gesamtkunstwerk2 wagnérien, comment les arts visuels et le genre lyrique se sont nourris mutuellement, et parfois même influencés de manière radicale. Dans ce mouvement de va-et-vient, l’opéra sert ainsi de terrain fertile d’expérimentations et de ferment pour de nouvelles sensibilités esthétiques et politiques. Exposer aujourd’hui l’opéra a plus d’un sens. C’en est fini avec le mythe du « dernier opéra ». « Il faut faire sauter les maisons d’opéra », déclarait Pierre Boulez en 1967. Si la sentence semblait tomber comme un verdict fatal et définitif, on peut constater que le genre a, au contraire, donné lieu tout au long du XXe siècle et précisément ces dernières décennies, à d’importantes et remarquables créations. La spectacularisation dénoncée alors a amplement touché les autres domaines artistiques. L’opéra comme lieu du spectaculaire permet, dès lors, d’explorer sous un angle nouveau cette théâtralité innervant de plus en plus, après des années d’un art plus conceptuel, le champ de l’art contemporain. Présentant des maquettes, costumes, éléments de scénographie, autant que d’imposantes installations et de nouvelles créations, le parcours, qui mêle images et sons, montre comment l’opéra est la fois une manufacture de désirs artistiques partagés autant qu’un symbole de liberté. Des expériences scéniques des premières avant-gardes, telles que La Main heureuse (1910-1913) d’Arnold Schönberg, aux partitions durablement inscrites au programme des grandes salles comme Saint François d’Assise (1983) d’Olivier Messiaen, en passant par des formes plus expérimentales, mais emblématiques, comme Einstein on the Beach (1976) de Philip Glass et Bob Wilson, Opéra Monde esquisse une cartographie différente de l’interdisciplinarité. Se déployant en différentes sections thématiques, allant de la scène comme peinture en mouvement, aux productions politiques et parfois utopiques, de formes plus radicales et de nouveaux lieux d’opéra, à la féérie ou encore la fureur des mythes, le projet prend essentiellement pour focus une sélection de créations représentatives de ces relations fructueuses scénariste. Certains grands classiques – La Flûte enchantée, ou Norma – sont également exposés, soulignant comment le répertoire manié avec audace, a servi à la fois de lieu de transgression, de transformation, tout en garantissant une certaine pérennité du genre. L’exposition questionne la capacité même d’une exposition, sinon à restituer, du moins à évoquer le pouvoir sensoriel de l’opéra et son caractère envoûtant. Un important travail de réactivation de certaines créations du passé, de même que certaines commandes passées à des artistes contemporains, permettent de montrer la passion

1 Pascal Dusapin, à propos de To Be Sung, Arles-Caen, Actes Sud – Théâtre de Caen, 1994, p.20. 2 Le concept d’œuvre d’art totale.

Page 4: OPÉRA MONDE · 2019-07-10 · Actuellement, l’Opéra national de Paris regroupe l’Opéra Garnier, l’Opéra Bastille, la 3e Scène, lieu de création numérique, l’École

OPÉRA MONDE / DOSSIER DÉCOUVERTE

4

que suscite encore le genre aujourd’hui, et de plonger le visiteur dans la magie singulière du spectacle lyrique. Prolongeant la réflexion sur les affinités électives entre le spectacle et les arts visuels – portée par de précédents projets, parmi lesquels Musisircus ou Oskar Schlemmer. L’homme qui danse, l’exposition Opéra Monde questionne la théâtralité qui innerve les champs de l’art moderne et contemporain, avec une résonance d’autant plus forte qu’elle s’inscrit dans le cadre du 350ème anniversaire de l’Opéra national de Paris, berceau de gestes artistique novateurs – ceux de Bill Viola, Romeo Castellucci ou Clément Cogitore, pour ne citer qu’eux.

Page 5: OPÉRA MONDE · 2019-07-10 · Actuellement, l’Opéra national de Paris regroupe l’Opéra Garnier, l’Opéra Bastille, la 3e Scène, lieu de création numérique, l’École

OPÉRA MONDE / DOSSIER DÉCOUVERTE

5

2. SE SITUER La scénographie Scénographe et costumière, collaboratrice de longue date du metteur en scène Krzysztof Warlikowski, Małgorzata Szczęśniak (née en 1954) développe un travail qui ne se plie en rien au conformisme de certaines traditions théâtrales. Remettant en question le potentiel expressif de la scène, à travers une recherche sur le pouvoir symbolique des lieux et la transformation du réel, son travail – reconnaissable notamment par son architectonique – oscille entre une sobriété étincelante et une forme de baroquisme contemporain. Nourri de nombreuses sources d’inspiration, allant des arts visuels au grand écran, il rejette tout caractère illustratif, pour faire de la scénographie un élément charnière de la dramaturgie. À l’invitation du commissaire de l’exposition et en étroit dialogue avec l’équipe artistique, la créatrice polonaise réalise la scénographie de l’exposition. Elle propose un labyrinthe, se déployant de part en part de la galerie, telle une métaphore de la traversée à la fois sensorielle et dramaturgique du déroulé du parcours, pensé lui-même comme un opéra structuré en actes, scènes et sensations. Suivant cette quête qui propose autant de réponses que d’invitations à la découverte, la déambulation permet une véritable rythmique, provoquant des effets de surprise, des moments de pause ou encore des espaces plus vastes de contemplation. D’un point de vue symbolique, la forme labyrinthique convoque et met en résonance des récits tels que celui d’Ariane ou encore d’Orphée, figures mythiques fondatrices ou tutélaires de l’histoire de l’opéra et d’un désir passionné sans limite. Enfin, à l’opposé d’une vision homogène et globalisante, cette architecture met en avant la richesse protéiforme des nations, des histoires et des rêves, que peut constituer le genre lyrique comme miroir du monde.

ENTRÉESORTIE

1

« Ma peintureest ma scène »

2Die Zauberflöte

95

« Ici le tempsdevient espace »

8 Saint François

d’Assise

9« Je veuxconstruireun opéra »

3Fureur des mythes

4Le Désir de l’œuvre

d’art totale

10Corps opératiques

46Einstein on the Beach

7Chemin biblique

et synesthésie spirituelle

Page 6: OPÉRA MONDE · 2019-07-10 · Actuellement, l’Opéra national de Paris regroupe l’Opéra Garnier, l’Opéra Bastille, la 3e Scène, lieu de création numérique, l’École

OPÉRA MONDE / DOSSIER DÉCOUVERTE

6

3. PARCOURS DE L’EXPOSITION OUVERTURE : L’AFFAIRE MAKROPOULOS, 2007

Ouvrant de manière spectaculaire l’exposition Opéra Monde, un immense King Kong occupe le Forum du Centre Pompidou-Metz. Cette sculpture conçue par Małgorzata Szczęśniak pour la mise en scène de L’Affaire Makropoulos (de Leoš Janáček par Krzysztof Warlikowski) est la plus imposante jamais réalisée par les ateliers de l’Opéra national de Paris. Cette œuvre monumentale plonge le visiteur dans l’univers hors limite de l’opéra et de son dialogue avec le cinéma.

L’Affaire Makropoulos Mise en scène de Krzysztof Warlikowski, décors et costumes de Małgorzata Szczęśniak, Opéra Bastille, Paris, 2007, avec Angela Denoke (Emilia Marty). Photo Pascal Victor ˝ Pascal Victor / ArtComPress. Courtesy Opéra national de Paris

Page 7: OPÉRA MONDE · 2019-07-10 · Actuellement, l’Opéra national de Paris regroupe l’Opéra Garnier, l’Opéra Bastille, la 3e Scène, lieu de création numérique, l’École

OPÉRA MONDE / DOSSIER DÉCOUVERTE

7

1. MA PEINTURE EST MA SCÈNE Les mots de William Hogarth, appuyés par ses compositions en plusieurs tableaux qui se lisent comme des mises en scène, trouvent un écho tout particulier lorsqu’Igor Stravinsky compose en 1951 un opéra inspiré du portfolio du peintre et graveur anglais, The Rake’s Progress (La Carrière d’un libertin), pour lequel de nouveaux univers visuels sont inlassablement imaginés. Tout au long du XXème siècle, nombre d’artistes, souvent novices dans les métiers du théâtre, ont intensément incarné l’ambition d’Hogarth en réinventant la scénographie au coeur des grandes maisons d’opéra, et ainsi impulsé d’inédites collaborations avec les metteurs en scène. L’acte introductif aborde ces grandes rencontres où la scène se fait tableau vivant, tantôt en filiation avec le décor pictural ou, au contraire, en rupture avec la tradition historique de la toile sur scène. Loin de transposer simplement leur peinture de l’échelle du chevalet à celle de la scène, les artistes se métamorphosent en scénographes, transformant cette expérience fondatrice en un terreau fertile pour leur propre pratique artistique. En 1979 au Teatro Comunale de Bologne, l’artiste français Roland Topor réalise de truculents décors et costumes pour Le Grand Macabre de György Ligeti, créant de vastes fresques en résonance directe avec l’univers de Bosch, source d’inspiration du compositeur hongrois. Il affirme ainsi la nécessité à ses yeux « de rendre le visuel aussi mouvant que l’univers sonore, de réaliser du théâtre animé, comme on réalise du cinéma d’animation3». Certains artistes, sans jamais avoir collaboré à aucun projet scénique, ont parfois été bouleversés par l’art lyrique, au point de considérer, comme Aloïse Corbaz, l’ensemble de leur œuvre comme un véritable opéra. Devant renoncer à son rêve de devenir cantatrice au moment où elle est internée dans un hôpital psychiatrique, l’artiste imprègne son répertoire de l’univers lyrique, s’inspirant de Tosca, La Traviata ou d’Orphée et Eurydice. Ouvrant l’opéra à d’autres horizons, l’association museum in progress invite depuis 1998 des artistes – parmi lesquels David Hockney, Cy Twombly, Kara Walker – à repenser la question historique du rideau de scène en déployant sur la scène du Wiener Staatsoper une création inédite, que le public découvre lorsque les musiciens accordent leur instrument dans la fosse avant le début du spectacle. Renouvelé à chaque saison, le rideau de fer se mue alors en une exposition éphémère en interaction avec l’espace du théâtre, qui dépasse les frontières du musée. L’oeuvre imaginée par Dominique Gonzalez-Foerster en 2015, Helen & Gordon, sera présentée de manière exceptionnelle à l’Opéra-Théâtre de Metz dans le cadre du Festival Constellations4 tout au long de l’été, prolongeant la visite de l’exposition dans l’un des plus anciens théâtres de France.

Roland Topor, Le Grand Macabre acte I, scène 1, et acte II, scène 2, Paysage de Breughelland, 1978 Encre et pastel sur papier, 24 x 32 cm Bologne, Fondazione Teatro Comunale di Bologna © ADAGP, Paris, 2013

3 Roland Topor, « Préface », Le Grand Macabre, Dessins des décors et costumes de l’opéra de György Ligeti, Paris, Hubschmid & Bouret / L’Avant-Scène, 1981, p.10 4 Cf programmation associée p.24

Page 8: OPÉRA MONDE · 2019-07-10 · Actuellement, l’Opéra national de Paris regroupe l’Opéra Garnier, l’Opéra Bastille, la 3e Scène, lieu de création numérique, l’École

OPÉRA MONDE / DOSSIER DÉCOUVERTE

8

Le Coq d’or, Natalia Gontcharova Persuadée que « l’agrandissement d’un tableau de chevalet, porté à l’échelle de la scène, ne fera jamais un décor5», et que par ailleurs « la création en matière de décoration théâtrale autorise tout anachronisme, toute déformation, toute reconstitution, toute invention6», Natalia Gontcharova réinvente l’univers de l’opéra-ballet Le Coq d’or sur la scène du palais Garnier en 1914, sur l’invitation du chef de file des Ballets russes, Serge de Diaghilev. Pour sa première collaboration avce le théâtre, elle crée des décors et costumes qui témoignent de la complexe synthèse qu’elle tente d’accomplir dans son œuvre entre l’art traditionnel de sa Russie natale et les pratiques des artistes modernes qu’elle rencontre en France.

Natalia Gontcharova, Le Coq d’or, décor de l’acte III, 1914 Impression photomécanique, 15 x 21 cm / Paris, Bibliothèque nationale de France, bibliothèque-musée de l’Opéra / ESTAMPES SCENES Coq d’or (1) © Bibliothèque nationale de France, Paris / © Adagp, Paris 2019 The Rake’s Progress, David Hockney Souvent cité comme modèle d’implication d’un artiste sur la scène lyrique, le Rake’s Progress d’Igor Stravinsky, opéra basé sur l’oeuvre de William Hogarth - créé en 1975 au festival de Glyndebourne avec les décors et costumes de David Hockney, dans une mise en scène de John Cox - a activement participé à la prise de pouvoir du visuel sur scène, tout en influençant le style même de l’artiste. Depuis, cette production iconique est entrée au répertoire de nombreuses maisons d’opéra, et a détrôné en 2006 la mise en scène d’Ingmar Bergman, pourtant au programme depuis 1961 à l’Opéra de Stockholm. Lors du Maggio Musicale Fiorentino en 1982, Derek Jarman, à rebours de David Hockney, transpose l’histoire au début des années 1980 à Londres, et la

5 Natalia Gontcharova et Michel Larionov, « Serge de Diaghilev et l’évolution du décor et du costume de ballet », in Natalia Gontcharova, Michel Larionov et Pierre Vorms, Les Ballets russes. Serge de Diaghilew et la décoration théâtrale, Belvès, Pierre Vorms éditeur, 1955, p.27 6 Ibid, p.39

Page 9: OPÉRA MONDE · 2019-07-10 · Actuellement, l’Opéra national de Paris regroupe l’Opéra Garnier, l’Opéra Bastille, la 3e Scène, lieu de création numérique, l’École

OPÉRA MONDE / DOSSIER DÉCOUVERTE

9

représente à partir de l’iconographie des magazines punk anglais, où il puise des idées neuves pour transgresser les codes de l’opéra.

David Hockney, The Rake’s Progress : Drop Curtain, 1975-1979 Encre et collage sur carton, 35,6 × 52,1 cm Los Angeles, Collection The David Hockney Foundation © David Hockney

Page 10: OPÉRA MONDE · 2019-07-10 · Actuellement, l’Opéra national de Paris regroupe l’Opéra Garnier, l’Opéra Bastille, la 3e Scène, lieu de création numérique, l’École

OPÉRA MONDE / DOSSIER DÉCOUVERTE

10

2. DIE ZAUBERFLÖTE Créé deux mois avant sa mort au Theater auf der Wieden à Vienne, le dernier opéra de Wolfgang Amadeus Mozart, Die Zauberflöte, conjugue les puissances du merveilleux et de la mythologie. Dès la première mondiale le 30 septembre 1791, la magie des décors et des costumes a concouru au succès jamais démenti de cette pièce incontournable du répertoire, pour laquelle les metteurs en scène continuent de rivaliser d’inventivité pour sans cesse la réinventer. Si, en 1929, Ewald Dulberg esquisse une scénographie radicalement épurée, dépouillée de toute intention décorative, William Kentridge imagine en 2005 un univers empreint d’un Orient fantasmé fidèle aux symboles maçonniques du livret, tout en plantant le décor à l’ère coloniale, et invite ainsi à une relecture politique de l’oeuvre. Dans son projet de mise en scène non réalisée, Alfred Roller imagine dès 1926 d’exploiter les nouvelles techniques d’éclairage pour symboliser les changements d’atmosphère du livret par des ambiances lumineuses spécifiques, idée qui sera mise en oeuvre en 1955 par Oskar Kokoschka sur la scène du Festival de Salzbourg. La séquence sera couronnée par l’un des chefs-d’œuvre de l’opéra filmé, La Flûte enchantée d’Ingmar Bergman, qui, à l’instar du travail protéiforme du réalisateur, oscille entre cinéma et théâtre.

Ewald Dülberg, Die Zauberflöte (La Flûte enchantée), maquette de décor pour le Temple du Soleil, acte II, scène 38, 1929 Bois, bronze doré, feutre, gouache et installation électrique, 52,5 x 67,5 x 7 cm Cologne, Theaterwissenschaftliche Sammlung–Universität zu Köln © Theaterwissenschaftliche Sammlung, Cologne

Page 11: OPÉRA MONDE · 2019-07-10 · Actuellement, l’Opéra national de Paris regroupe l’Opéra Garnier, l’Opéra Bastille, la 3e Scène, lieu de création numérique, l’École

OPÉRA MONDE / DOSSIER DÉCOUVERTE

11

Oskar Kokoschka Après avoir assuré les rôles de décorateur et de metteur en scène pour plusieurs pièces qu’il a écrites dans les années 1900, Oskar Kokoschka réalise les décors et costumes de La Flûte enchantée, donnée lors du Festival de Salzbourg en 1955. Afin de répondre aux complexités du plateau du Manège des Rochers – la scène, qui mesure quarante mètres de largeur, se trouve toujours dans le champ de vision du public – l’artiste imagine rythmer les changements de scène par des effets lumineux : tandis que la présence de la Reine de la Nuit est parée de violet et de bleu, la scène de Sarastro est marquée par une lumière oscillant du jaune au rouge. William Kentridge Dans sa mise en scène de La Flûte enchantée donnée sur la scène du Théâtre royal de la Monnaie à Bruxelles en 2005, pour laquelle il crée également les costumes et décors, William Kentridge réalise une véritable œuvre d’art totale en combinant en symbiose tous les médiums artistiques. Reprenant le dispositif scénique pensé comme un appareil photographique, l’artiste imagine après la première du spectacle un théâtre à l’italienne miniature où la cage de scène fonctionne comme surface de double projection pour ses dessins, sur fond des célèbres airs de l’opéra.

William Kentridge, Preparing the Flute, 2004-2005 Animation vidéo, structure en bois, panneaux peints, 240 x 150 x 118 cm, éd. 3/3 Rome, MAXXI – Museo nazionale delle arti del XXI secolo, inv.: 10491 Courtesy Fondazione MAXXI – Museo nazionale delle arti del XXI secolo / photo Patrizia Tocci © William Kentridge, courtesy Marian Goodman Gallery

Page 12: OPÉRA MONDE · 2019-07-10 · Actuellement, l’Opéra national de Paris regroupe l’Opéra Garnier, l’Opéra Bastille, la 3e Scène, lieu de création numérique, l’École

OPÉRA MONDE / DOSSIER DÉCOUVERTE

12

3. LA FUREUR DES MYTHES

Lié dès ses origines aux mythes, avec le récit fondateur d’Orphée, qui, par son chant au pouvoir miraculeux, libère Eurydice des enfers, l’opéra entretient de la Renaissance à aujourd’hui, une relation forte avec les grands récits anciens. Les grandes figures aux destins singuliers, telles qu’Isolde, Elektra, Penthésilée apparaissent comme de véritables icônes scéniques. Ainsi, Bill Viola magnifie l’action en trois actes Tristan und Isolde de Richard Wagner à l’Opéra Bastille en 2005, avec une « scénographie vidéo » monumentale et reflète l’onirisme des quatre éléments et des corps. Avec la scénographie et les costumes d’Elektra au Teatro di San Carlo de Naples en 2003 dans la mise en scène de Klaus Michael Gruber, puis une installation monumentale occupant toute la scène de Bastille pour la création Am Anfang en 2009, fêtant les vingt ans de la nouvelle salle, Anselm Kiefer crée un univers où les matières servent de leitmotivs pour construire un monde où le symbole interroge la catastrophe. Pour Rusalka d’Antonín Dvořák, Robert Carsen et son scénographe Michael Levine composent en 2002 une imagerie jouant sur de somptueux effets de miroir, opposant la société des humains au monde des ondines, qui révèle à la fois la candeur étincelante du conte et les tourments d’ordre psychanalytique qui le traverse. Enfin, Berlinde De Bruyckere fait de la scène de Penthesilea de Pascal Dusapin en 2015 un abattoir où s’expriment la violence et la chair dans le récit inspiré de Heinrich von Kleist.

Tristan und Isolde, Bill Viola L’invitation que lance Gerard Mortier à l’artiste américain Bill Viola (né en 1951) de créer pour la nouvelle production de Tristan und Isolde de Richard Wagner une vidéo fleuve dialoguant avec la mise en scène de Peter Sellars, constitue un jalon dans l’histoire de la mise en scène wagnérienne, autant que celle de l’Opéra national de Paris. Avec cette création, Bill Viola, qui mène depuis de nombreuses années d’importantes expérimentations filmiques explorant la force expressive des états psychologiques, entame un nouveau chapitre sur la picturalité et le tableau vivant. Suivant la durée exacte de l’opéra de plus de quatre heures, sa vidéo mène sa propre voie narrative, tout en épousant les grandes courbes du flux musical wagnérien. Bill Viola, Isolde’s Ascension (The Shape of Light in the Space after Death) [L’Ascension d’Isolde (La forme de la lumière dans l’espace après la mort)], 2005 Video HD sur écran plasma, couleur, sonore, 10’30’’Turin, Fondazione per l’Arte moderna e contemporanea CRT, en prêt au Castello di Rivoli Museo d’Arte Contemporanea, Rivoli-TorinoPhotographe: Kira Perov

Vergine Keaton Intéressée par la capacité de l’opéra à convoquer tous les sens en créant son propre espace-temps sensoriel et émotionnel, la jeune réalisatrice de films d’animation Vergine Keaton (née en 1981) est invitée à créer pour l’exposition Opéra Monde un triptyque vidéo, alliant la mythologie à un travail autour de La Divine Comédie de Dante. Son œuvre propose une réflexion poétique sur la percée des mystères et des entrailles du monde, autant que sur la décomposition et la recomposition de l’image, prolongeant ses recherches dans la filiation des expérimentations des avant-gardes du début du XXe siècle, où formes, couleurs et sons interagissent dans un travail sur le rythme et le contrepoint.

Page 13: OPÉRA MONDE · 2019-07-10 · Actuellement, l’Opéra national de Paris regroupe l’Opéra Garnier, l’Opéra Bastille, la 3e Scène, lieu de création numérique, l’École

OPÉRA MONDE / DOSSIER DÉCOUVERTE

13

4. LE DÉSIR D’ŒUVRE D’ART TOTALE Dans le sillage du romantisme, la modernité repousse les limites du projet utopique de Gesamtkunstwerk formulé par Richard Wagner en 1849. Tout en poursuivant la quête d’une communion entre les arts, les tenants de l’avant-garde se sont rebellés contre la suprématie de la musique, de la poésie et de la danse sur les arts visuels, imaginant de nouvelles stratégies formelles et esthétiques. Du dialogue entre les différentes formes d’expression émergent des projets scéniques questionnant la forme opératique traditionnelle. Les compositions scéniques de Vassily Kandinsky s’éloignent ainsi de la narration pour se concentrer sur une succession de tableaux pensés comme des images en mouvement, tandis qu’Arnold Schönberg compose de concert la musique, le texte et les décors de La Main heureuse entre 1910 et 1913, imaginant dans l’acte III de la partition un Crescendo de couleurs orchestrant des changements de lumière d’une mesure à l’autre. László Moholy-Nagy tente quant à lui, pour Les Contes d’Hoffmann de Jacques Offenbach donnés au Kroll-Oper à Berlin en 1929, de construire l’espace scénique grâce à des jeux d’ombre et de lumière. La Damnation de Faust, Eugène Frey et Ernest Klausz Décors lumineux À la recherche du spectacle total, les artistes décorateurs se muent en ingénieurs et transcendent les traditionnels rideaux peints et praticables en proposant des décors monumentaux, qui dynamisent la mise en scène des pièces du grand répertoire. Dès l’époque wagnérienne, Carl Emil Doepler tente ainsi d’animer la chevauchée de La Walkyrie à Bayreuth grâce à des décors projetés. À l’Opéra de Monte- Carlo, Eugène Frey perfectionne cette technique au début du XXème en immergeant littéralement le spectateur dans de spectaculaires images en mouvement. Les décors lumineux seront également développés à l’Opéra de Paris dans les années 1930 par Ernest Klausz, convaincu que « dans cette œuvre d’art totale résultant de la collaboration de tous les arts que doit être un opéra, ce n’est plus la partie auditive qui prédomine mais la partie visuelle7».

Ernest Klausz, La Damnation de Faust, L’Enfer (30), maquette de décor, 1933 Gouache sur papier, 29,5 x 44,5 cm Paris, Bibliothèque nationale de France, bibliothèque-musée de l’Opéra, ESQ O-1933 (DAMNATIONDEFAUST 30) © Bibliothèque nationale de France, Paris © Remy Klausz

7 Lettre d’Ernest Klausz à Jacques Rouché, Paris, Bibliothèque nationale de France, Bibliothèque-Musée de l’Opéra, Fonds Rouché, 302-8

Page 14: OPÉRA MONDE · 2019-07-10 · Actuellement, l’Opéra national de Paris regroupe l’Opéra Garnier, l’Opéra Bastille, la 3e Scène, lieu de création numérique, l’École

OPÉRA MONDE / DOSSIER DÉCOUVERTE

14

5. « ICI LE TEMPS DEVIENT ESPACE » D’Adophe Appia à Romeo Castellucci, en passant par Wieland Wagner et Josef Svoboda, l’expérimentation autour des oeuvres de Richard Wagner sert ici de fil conducteur, montrant comment le refus du naturalisme et le développement de nouvelles formes de stylisation, ont permis de révéler autrement la force expressive de ces récits, autant que de transformer le goût du public. Avec Parsifal et sa singulière dilatation de la temporalité, s’ouvre un vaste spectre de possibles scéniques et scénographiques. Portés par cette aura et la déclaration de Gurnemanz à l’Acte I du Festival Scénique Sacré « Ici le temps devient espace », – qui résonne comme un manifeste visionnaire – les arts s’engagent sur de nouvelles voies. Le traitement de la durée, matérialisé par Rodney Graham, et le rapport à l’architecture deviennent pour certains compositeurs des paramètres de premier ordre, grâce à un travail sur la spatialisation, mais aussi, à travers la métamorphose des salles de spectacle. Le modèle classique du théâtre à l’italienne devenant pour certains obsolète, l’opéra sort de son écrin, pour investir de nouvelles infrastructures ou donner forme à d’autres types de lieux et de scènes, questionnant le rapport au public. Les plans de salles métamorphosées de Guillermo Kuitca rendent sensibles ces réflexions sur des modalités de représentation et de perception plus ouvertes.

Guillermo Kuitca, The Met, 2002 Impression à jet d’encre et aquarelle sur papier, 21,5 x 28 cm Paris, Centre Pompidou, Musée national d’art moderne, AM 2012-565 Courtesy de l’artiste et Hauser & Wirth / Stefan Altenburger Photography Zurich © André Morin/Dist. RMN-GP / © Guillermo Kuitca, courtesy Hauser &Wirth

Prometeo, Renzo Piano Créé en 1984 dans le cadre de la Biennale de Venise, Prometeo, composé par Luigi Nono sur un livret de Massimo Cacciari, est présenté dans un dispositif conçu par l’architecte italien Renzo Piano, vaste coque en bois, occupant tout l’intérieur de l’église San Lorenzo à Venise telle la caisse de résonance d’un instrument de musique. Cet opéra, ou « tragédie de l’écoute » comme l’a sous-titré le compositeur, participe d’une expérimentation extrêmement poussée sur les modalités de perception. Avec cette forme révolutionnaire, représentative des préoccupations de nombreux créateurs de développer de nouveaux moyens d’expression en phase avec la technologie, le compositeur émet une critique esthétique de l’opéra, symbole d’un cérémonial dépassé, figé dans un divertissement désengagé politiquement et philosophiquement.

Page 15: OPÉRA MONDE · 2019-07-10 · Actuellement, l’Opéra national de Paris regroupe l’Opéra Garnier, l’Opéra Bastille, la 3e Scène, lieu de création numérique, l’École

OPÉRA MONDE / DOSSIER DÉCOUVERTE

15

6. EINSTEIN ON THE BEACH « Par une série de suggestions visuelles et sonores je propose le portrait d’Einstein en gros plan. Puis l’Évocation jusqu’à embrasser tout l’horizon de sa réalité et de son rêve8 ». Après plusieurs mois de répétition aux États-Unis, c’est finalement le 25 juillet 1976 au Festival d’Avignon qu’est présenté au public Einstein on the Beach, opéra phare de la seconde moitié du XXème siècle, qui n’aurait pu voir le jour sans le soutien du monde français de la culture. Cette oeuvre d’art totale, née de la rencontre du metteur en scène Robert Wilson et du compositeur Philip Glass, en étroite collaboration avec les chorégraphes et danseurs Lucinda Childs et Andrew de Groat, déroge à toutes les règles conventionnelles de l’opéra. Après avoir hésité entre plusieurs figures marquantes du XXème siècle – Charlie Chaplin, Adolphe Hitler ou Gandhi – Wilson et Glass décident de consacrer leur oeuvre à Albert Einstein. Le choix du scientifique le plus connu de son temps leur permet d’inventer un théâtre libéré de toute narration artificielle pour explorer la notion suprême dans leur travail, « un certain sens de la construction du temps et de l’espace 9». Témoignage essentiel, le story-board dévoile le subtil processus de création de Wilson, qui pense littéralement son spectacle en images, conférant à l’ombre et la lumière le rôle d’éléments scéniques essentiels. Chaque vignette semble participer à la constitution d’une œuvre sérielle, au sein de laquelle, en d’infimes variations dessin après dessin, le temps se déploie. Dans un second temps, Philip Glass est venu prolonger cette trame visuelle en composant « chaque section au piano comme un portrait de chaque dessin 10 ». La structure dramaturgique traditionnelle s’éclate, scandée par un flux de sons et d’images qui bouleverse notre perception de l’espace et du temps.

Robert WILSON, Einstein on the beach, storyboards 1-13, 1975 Compositeurs : Robert Wilson et Philip Glass Première : festival d’Avignon, 1976 Paris, Centre Pompidou, Musée national d’art moderne

8 Bob Wilson cité in Le Figaro, 8 juillet 1976 9 Bob Wilson cité in Einstein on the Beach, Paris, Dilecta, 2012, p.149 10 Philip Glass cité in SHYER Laurence, Robert Wilson and his collaborators, New York, Thetaer Communications Group, 1989

Page 16: OPÉRA MONDE · 2019-07-10 · Actuellement, l’Opéra national de Paris regroupe l’Opéra Garnier, l’Opéra Bastille, la 3e Scène, lieu de création numérique, l’École

OPÉRA MONDE / DOSSIER DÉCOUVERTE

16

7. CHEMIN BIBLIQUE ET SYNESTHÉSIE SPIRITUELLE Nombreux sont les compositeurs à voir dans l’opéra un espace sacré ou convoquant le divin. De par sa monumentalité et sa capacité à réunir les sens, cette forme de création totale apparaît tout particulièrement à même d’exprimer le transcendant. Les correspondances entre couleurs, sons et images, sont au cœur de ce cheminement. Ainsi, les phénomènes tels que la révélation et l’épiphanie semblent propices au développement de la synesthésie, manifestation physique d’un transfert des arts et de bouleversement des sens. De même, la dialectique entre texte et musique, et la primauté alternante de l’un sur l’autre, est souvent une question centrale. Dans l’opéra inachevé d’Arnold Schönberg Moïse et Aaron, la tension discursive entre l’aura de la voix chantée et le pouvoir de la parole déclamée, s’engage dans un saisissant déploiement expressif. Romeo Castellucci, en s’emparant de ce chef-d’œuvre, magnifie cette réflexion et interroge le pouvoir de l’image, sa nécessité et son dépassement. La partition, qui s’éteint dans les ultimes mesures sur une question ouverte et quasi méditative, avec la déclaration de Moïse « Ô parole, parole qui me manque », entre ici en écho avec le somptueux cycle de l’artiste anglais John Murphy, au titre incantatoire O Dio Rispondi. Moses und Aron, Romeo Castellucci Plasticien, metteur en scène, scénographe, créateur de costumes et de lumières, Romeo Castellucci (né en 1960) est reconnu comme l’une des figures majeures de la création théâtrale de ces vingt-cinq dernières années. Sur la scène de Bastille, pour sa mise en scène de Moïse et Aaron – opéra au coeur duquel résident l’expression de la parole de Dieu et sa représentation – l’artiste italien propose une série de tableaux aussi oniriques que mystérieux, où matières, corps, paysages et symboles dialoguent sans cesse.

Moses und Aron (Moïse et Aaron), Opéra Bastille, Paris, 2015 Photo Bernd Uhlig Courtesy du photographe et de l’Opéra national de Paris © Bernd Uhlig / Opéra national de Paris © Romeo Castellucci

Page 17: OPÉRA MONDE · 2019-07-10 · Actuellement, l’Opéra national de Paris regroupe l’Opéra Garnier, l’Opéra Bastille, la 3e Scène, lieu de création numérique, l’École

OPÉRA MONDE / DOSSIER DÉCOUVERTE

17

8. SAINT FRANÇOIS D’ASSISE Répondant à l’invitation de Rolf Liebermann à créer un opéra pour l’Opéra national de Paris, Olivier Messiaen choisit d’illustrer le cheminement spirituel de Saint François d’Assise. Résultat de huit années de travail, le spectacle donné en 1983 au palais Garnier révèle les choix scéniques insufflés par le compositeur, qui décrit notamment avec une grande précision le costume du personnage de l’ange, pour lequel il puise son inspiration dans une fresque de Fra Angelico. Près de trente ans plus tard, l’opéra de Messiaen se mue en un temple de la synesthésie avec la mise en scène, la scénographie et les costumes imaginés pour le Bayerische Staatsoper à Munich en 2011 par le co-fondateur de l’actionnisme viennois, Hermann Nitsch, pour qui la scène se fait l’écho de sa croyance en un art total. Créant un lien nodal entre sa théorie des couleurs et des sons, ainsi que la mystique synesthésique de Messiaen, le créateur fait de l’opéra un théâtre rituel où le récit et le réel de la performance actionniste se répondent sans relâche. Un acte entier de l’exposition sera consacré à cette production majeure du Bayerische Staatsoper. Présentés dans un écrin, les projections et costumes créés par l’artiste pour Saint François d’Assise résonneront avec son travail performatif et pictural.

Saint François d’Assise Mise en scène, scénographie, décors et costumes de Hermann Nitsch, Bayerische Staatsoper, Munich, 2011. Photo Wilfried Hösl Courtesy du photographe et Bayerische Staatsoper, Munich © Wilfried H.sl / Bayerische Staatsoper München © Adagp, Paris 2019

Page 18: OPÉRA MONDE · 2019-07-10 · Actuellement, l’Opéra national de Paris regroupe l’Opéra Garnier, l’Opéra Bastille, la 3e Scène, lieu de création numérique, l’École

OPÉRA MONDE / DOSSIER DÉCOUVERTE

18

9. « JE VEUX CONSTRUIRE UN OPÉRA » Déjouant l’apparence et la réputation d’un simple divertissement aux allures bourgeoises, l’opéra est considéré au contraire, par bien des artistes, comme un lieu d’engagement. Doté de ce caractère politique, il a montré à de nombreuses reprises, sa capacité à relater, à travers la richesse des messages exprimés, la complexité des rapports humains, autant que les grands évènements qui marquent l’histoire de nos sociétés et de ses mutations. Maniant avec audace le répertoire ou proposant d’autres modalités formelles en des espaces inédits, des créateurs d’horizons différents, voient dans cette forme capable de convoquer tous les sens, la possibilité de créer de nouvelles utopies, aux potentiels sinon salvateurs, du moins déclencheurs. En 1961, a lieu à la Fenice de Venise, la création mondiale de l’opéra Intolleranza 1960 de Luigi Nono. Dans une scénographie conçue par le peintre Emilio Vedova et le créateur Josef Svoboda, l’opéra relate avec force la destinée d’un réfugié et ses méandres sociétaux. Un demi-siècle plus tard, Kara Walker transpose l’intrigue de Norma de Vincenzo Bellini de la Gaule occupée par les romains à un pays africain sous le joug européen à la fin du XIXème siècle. Avec son village opéra entamé au Burkina Faso en 2009, Christoph Schlingensief gomme les frontières entre fiction et réalité, pour faire du genre lyrique un art au cœur même de la vie. Transcendant ses origines européennes, l’opéra devient, lentement mais crescendo, une plateforme d’échanges et de dialogues des cultures. Du microcosme sensible au macrocosme social et humaniste, il se fait alors véritable miroir du monde. Walker Kara, « Notes on Norma », publiées in Kara Walker – Norma, Londres, Victoria Miro, 2015, p.21

Norma, Teatro La Fenice, Venise, 2015 (reprise, 2016), avec Luca Tittoto (Oroveso) et Mariella Devia (Norma) Photos Michele Crosera © Michele Crosera / Teatro La Fenice, Venise © Kara Walker, courtesy Sikkema Jenkins & Co., New York Operndorf Afrika, Christoph Schlingensief « Enfant terrible » de la scène artistique allemande, réalisateur de films, metteur en scène de théâtre et d’opéra, auteur et actionniste, Christoph Schlingensief (1960-2010), a développé pendant plus de vingt ans, une œuvre protéiforme aussi iconoclaste qu’engagée. Metteur en scène en 2004 au Festival de Bayreuth, d’un Parsifal aussi controversé qu’adulé, où il fait de la scène une véritable installation, il propose en 2007

Page 19: OPÉRA MONDE · 2019-07-10 · Actuellement, l’Opéra national de Paris regroupe l’Opéra Garnier, l’Opéra Bastille, la 3e Scène, lieu de création numérique, l’École

OPÉRA MONDE / DOSSIER DÉCOUVERTE

19

pour l’Opéra de Manaus au Brésil une interprétation du Vaisseau Fantôme de Wagner qui mélange le récit wagnérien à la culture brésilienne. Quelques années avant son décès, il s’engage dans un projet aussi ambitieux qu’a priori utopique, qu’il considère comme sa création la plus importante : construire un village opéra au Burkina Faso. Cette réalisation entamée en 2009 et qui jouit aujourd’hui d’une grande activité, rassemble un centre de santé, un théâtre et une école dans un ensemble de bâtiments conçus par l’architecte burkinabé Francis Kéré. Symbole de liberté et de décloisonnement, le village opéra de Schlingensief apparaît comme une remise en question de tous les cadres liés aux conventions de l’opéra.

Page 20: OPÉRA MONDE · 2019-07-10 · Actuellement, l’Opéra national de Paris regroupe l’Opéra Garnier, l’Opéra Bastille, la 3e Scène, lieu de création numérique, l’École

OPÉRA MONDE / DOSSIER DÉCOUVERTE

20

10. CORPS OPÉRATIQUES Vecteur d’une singulière expressivité, le corps en scène est l’objet de toutes les attentions à l’opéra. Temple sacré de la voix, il apparaît comme le symbole et l’incarnation d’un art total. Du chuchotement au bel canto, du récit au cri, la voix sert de messagère de ce « corps opératique ». L’attitude figée et monolithique des solistes est encore visible dans les premières mises en scène du XXème siècle, comme le montre la photo d’Alice Guszalewicz en Brunnhilde datant de 1911-1912. La modernité a fait place à des langages bien plus subtils et convaincants. La gestuelle et le jeu d’acteur ont subi d’importantes et salvatrices évolutions, grâce à l’implication de metteurs en scène venant du théâtre, du cinéma ou plus récemment de l’univers de la danse, emportant l’interprète en terres inconnues. De la puissance expressionniste de Teresa Stratas magnifiée par Patrice Chéreau dans Lulu, au tour de force de la brillante Barbara Hannigan dans le même opéra d’Alban Berg qui chante chez Krzysztof Warlikowski le rôle-titre sur des pointes de ballerine, le corps s’engage sur des voies hors limites. Lieu de la métamorphose, la scène se fait l’écho des changements d’états et d’incarnations physiques, comme le relate la vidéo de Portrait de Wolfgang Koch de Christoph Brech. Visages exaltés, membres dénudés et physiques hautement expressifs, constituent une galerie de portraits déployant le travail de Paul Klee ou de Nina Childress, le cliché pris sur le vif de Christiane Eda-Pierre vue par Michel Delluc, les photos de scène des mythiques Château de Barbe-Bleue chorégraphié par Pina Bausch et le Pelléas et Mélisande de Robert Wilson, jusqu’au travail onirique de Federico Fellini. Aloïse Corbaz Internée à l’âge de 22 ans jusqu’à sa mort en 1964, Aloïse Corbaz développe une oeuvre colossale, tout d’abord avec des moyens de fortune en cachette, avant d’obtenir des cahiers et crayons grâce à la complicité de ses médecins. Le docteur Jacqueline Porret-Forel présente en 1946 son travail à Jean Dubuffet, qui organisera sa première exposition personnelle deux ans plus tard au Foyer de l’art brut à Paris. Aloïse Corbaz, qui rêve d’être cantatrice, chante souvent des airs d’opéra selon les infirmières de l’hôpital psychiatrique. Fascinée par le monde du spectacle, de la musique mais aussi des grands personnages historiques, elle consacre un pan important de son oeuvre à la représentation de cantatrices qu’elle admire, à l’instar de Jenny Lind (1820-1887), La Malibra (1808-1836) ou encore la soprano Lilas Goergens, dépeinte ici dans un manteau rouge écarlate, couleur symbolisant pour l’artiste l’amour et la puissance. Nina Childress Après avoir fait partie dans sa jeunesse du groupe punk Lucrate Milk (1981-1984), Nina Childress s’éprend par hasard du genre lyrique lors d’une représentation de La Dame de pique de Piotr Tchaïkovski en 1999. Tout en s’inscrivant dans la tradition de la peinture d’après photographie, Childress s’emploie à dépoussiérer le genre avec ses portraits de cantatrices, parmi lesquelles Ewa Podleś à qui elle consacre un portrait magistral 793 – famous contralto (2008). La peintre a choisi un cliché de la cantatrice polonaise à ses débuts dans le rôle-titre de Rinaldo au Metropolitan Opera en 1984. Dans ce portrait en buste, elle questionne à la fois la notion de genre, soulignant la moustache que la chanteuse arbore fièrement, et l’univers du spectacle et de l’artifice, mettant à l’honneur sa majestueuse coiffe en plumes.

Page 21: OPÉRA MONDE · 2019-07-10 · Actuellement, l’Opéra national de Paris regroupe l’Opéra Garnier, l’Opéra Bastille, la 3e Scène, lieu de création numérique, l’École

OPÉRA MONDE / DOSSIER DÉCOUVERTE

21

Nina Childress, 793 – famous contralto, 2008 Huile sur toile, 195 x 130 cm Collection Ewa Podleś et Jerzy Marchwinski. Photo Andrzej Świetlik

© Adagp, Paris 2019

Page 22: OPÉRA MONDE · 2019-07-10 · Actuellement, l’Opéra national de Paris regroupe l’Opéra Garnier, l’Opéra Bastille, la 3e Scène, lieu de création numérique, l’École

OPÉRA MONDE / DOSSIER DÉCOUVERTE

22

4. COMMENT CONSTRUIRE UN OPÉRA ? CE CHAPITRE A ÉTÉ RÉALISÉ PAR LES PROFESSEURS RELAIS DU CENTRE POMPIDOU-METZ EN PARTENARIAT AVEC LE SERVICE DES PUBLICS DE L’OPÉRA-THÉATRE DE METZ METROPOLE.

1/ DÉFINITION D’OPÉRA L’opéra est une œuvre musicale et théâtrale pour un orchestre et des chanteurs, basée sur un livret qui met en scène des personnages et leur histoire. Les rôles sont chantés et distribués à des interprètes possédant le registre vocal adéquat. L’opéra est le genre musical le plus spectaculaire car il réunit en un projet unique, la musique instrumentale, le chant, la poésie, le jeu d’acteur, la création artistique (décors, lumières, costumes) mais aussi la danse, qui peut y tenir une place importante. À cela s’ajoutent des projections et des vidéos qui sont de plus en plus présentes à l’opéra aujourd’hui. L'opéra peut être divisé en deux branches principales : l'opera seria (sérieux) qui s’apparente à de la tragédie et traite de sujets mythologiques ou historiques, et l'opera buffa, appelé opéra-bouffe ou bouffon (comique) qui utilise plutôt des personnages tirés de la vie quotidienne. 2/ POURQUOI PARLER D’OPERA MONDE ? Universalité L’opéra, mariage de la musique avec d’autres formes artistiques, est un spectacle complexe qui, lorsque l’alchimie opère, provoque des émotions esthétiques fortes avec l’idée, toujours la même, d’atteindre directement le coeur de l’homme. Dans le monde entier, dans chaque civilisation, il existe une forme d’art correspondant à cette définition de l’opéra. De plus, en s’affranchissant des barrières linguistiques et nationales grâce au langage universel de la musique, l’opéra est un médium puissant pour toucher un large public. Partout dans le monde des théâtres lyriques ont ouvert ces dernières années, en Chine, à Taïwan, en Algérie, au Maroc, au Kazakhstan, en Arabie Saoudite, en Égypte.

Diversité Au-delà de l’opéra « à l’occidentale », on trouve d’autres déclinaisons, certaines très anciennes et d’autres plus récentes, qui mêlent codes classiques et traditions locales. L’opéra n’est donc pas une réalité unitaire mais un genre varié, et c’est sa diversité et celle de son public qui en explique sans doute la survivance, en dépit d’une mort annoncée depuis les années 1960. Lieu de création, de vie, d'échange et de passage, l’opéra n’échappe pas à l'éclatement des styles et des formes qui caractérise le XXe siècle. Au XXIe siècle, l'innovation dans l'opéra continue, les compositeurs contemporains réinventant continuellement le genre.

Page 23: OPÉRA MONDE · 2019-07-10 · Actuellement, l’Opéra national de Paris regroupe l’Opéra Garnier, l’Opéra Bastille, la 3e Scène, lieu de création numérique, l’École

OPÉRA MONDE / DOSSIER DÉCOUVERTE

23

La diversité se retrouve également dans la large palette des métiers et des compétences en jeu dans l'élaboration d'un opéra, cette « grande fabrique du spectacle 11». On y trouve dans l’ordre le nom du compositeur, de l’auteur du livret, des chanteurs, de l’orchestre, des chœurs et du chef, du metteur en scène. C'est lui qui analyse la partition pour y révéler le sens. Il travaille le plus souvent en étroite collaboration avec le scénographe, qui interpréte l'histoire par des volumes et des matières. Autrefois il s’agissait plutôt d’artisans puis d’artistes, mais la formation s’est professionnalisée. La réussite d'un spectacle suppose aussi la présence de bien d'autres participants dont le travail s'effectue le plus souvent dans l'ombre. Autour du régisseur, qui assure la jonction entre la technique et la partie artistique, on trouve les différents artisans de ce succès : costumiers, habilleuses, perruquiers, décorateurs, peintres, électriciens, sculpteurs, voiliers, machinistes, cintriers, etc

L'Opéra peut ainsi naître en tant que création spectaculaire, métissant avec brio les arts du langage, du son, du visuel, de l'espace et du spectacle vivant.

3/ POUR CONSTRUIRE UN OPÉRA, IL FAUT…

Un livret avec une histoire et des personnages, une musique, des voix, une salle et son rideau de scène, une mise en scène et des acteurs, une scénographie, des costumes et de la lumière.

UN LIVRET Le livret, de l’italien libretto12 « petit livre » correspond au « script » de l’opéra. On y trouve le résumé acte par acte de l'action, le texte de la partie chantée, les éventuels passages parlés, la liste des rôles accompagnée du nom des interprètes et parfois des notes d’intention de l'auteur. Souvent versifié, le livret est écrit par un auteur ou un poète (appelé librettiste), plus rarement par le compositeur lui-même (Richard Wagner écrivait lui-même ses livrets). Plutôt d’un format conséquent pour un « petit livre », il était distribué avant la représentation, afin de permettre à l’œuvre et au dramaturge de se faire connaître, et au public de se préparer au spectacle. À l’origine de l’opéra proprement dit, un groupe de musiciens et d’intellectuels humanistes florentins de la Renaissance, la Camerata florentina, revendiquent une musique qui suive mot pour mot la signification du texte : « prima le parole, dopo la musica 13» (d'abord les mots, après la musique). Et pour comprendre chaque mot, récité ou chanté, une voix seule suffit : le passage de la polyphonie à la monodie14 au début du XVIIe siècle est une véritable révolution. Jusqu’au XVIIIe siècle, et plus particulièrement en France, même si la notoriété du compositeur domine, la primauté du texte sur la musique fait du librettiste le créateur de l’opéra. Des écrivains séduits par le genre opératique, Fontenelle, Rousseau, Voltaire, Beaumarchais, se font auteurs de livrets. Depuis la fin du XIXe siècle, le texte est plus couramment en prose ou en vers libres. Le choix du sujet n'obéit à aucune règle si ce n’est de transmettre une puissance dramatique ou une verve comique.

11 « L’opéra : la grande fabrique du spectacle », thème retenu pour la 13ème édition de Tous à l’Opéra ! du 3 au 5 mai 2019. 12 Si l’objet existe dès les premiers opéras, le terme de « livret » n'apparaît pas avant 1867, celui de « libretto » est utilisé depuis 1823. 13 « Prima la musica, dopo le parole » (d'abord la musique, après les mots) ou prima le parole, « dopo la musica » (d'abord les mots, après la musique) est la question la plus débattue à l’opéra, elle a même servi de thème central à l'oeuvre de Richard Strauss, « Capriccio». 14 Monodie : déclamation en musique qui rend le texte poétique intelligible (contrairement à la polyphonie et au contrepoint en vogue dans la musique de la Renaissance). La monodie permet également une amplification des émotions par le moyen de la musique, celle-ci devant avant tout chercher à « émouvoir l’âme ».

Page 24: OPÉRA MONDE · 2019-07-10 · Actuellement, l’Opéra national de Paris regroupe l’Opéra Garnier, l’Opéra Bastille, la 3e Scène, lieu de création numérique, l’École

OPÉRA MONDE / DOSSIER DÉCOUVERTE

24

Le début du XXe siècle voit la création d’œuvres novatrices comme en 1902, Pelléas et Mélisande de Claude Debussy, qui privilégie la compréhension et la qualité du texte sur la virtuosité du chant, un excès de vocalité faisant perdre du sens au livret. Au XXe et au XXIe siècle les explorations du genre opératique renouvellent aussi le livret, par un recours à de nouvelles temporalités, en déconstruisant la langue, en abordant des sujets sociaux ou politiques. UNE HISTOIRE Les premiers livrets sont généralement inspirés par des sujets mythologiques, à thèmes pastoraux ou allégoriques. Inspirés de l’histoire antique, les livrets de la période classique deviennent plus graves, les épisodes burlesques se raréfient et ils proposent une fin « morale ». Avec l’apparition des représentations payantes, l’opéra considéré comme un spectacle occasionnel, devient un divertissement public. La préoccupation des auteurs est alors de présenter des situations réalistes, plus proches de l’auditoire, et de terminer par une fin de préférence heureuse. Mais au coeur des intrigues, ce sont toujours les passions humaines qui se déchaînent : l’amour, la trahison, la jalousie, la vengeance, autant de sentiments exacerbés qui, tout en appartenant aux conventions de l’art lyrique, touchent en réalité au plus intime. Depuis le XIXe siècle, si le sujet du livret peut être une création originale, il est le plus souvent l’adaptation d’une histoire déjà connue, qu’il s’agisse de chefs-d'œuvre de la littérature, de grandes fresques historiques, de contes, de légendes, de thèmes métaphysiques ou de romans sentimentaux. La Traviata, au programme de l’opéra-théâtre de Metz Métropole en 2019/2020, est un exemple de roman transformé en livret. Publié en 1848 par Alexandre Dumas fils, l'ouvrage La Dame aux camélias s'inspire de l’amour de l’auteur pour Marie Duplessis, une courtisane notoire. D’abord adaptée au théâtre en 1852, la pièce est vue par Giuseppe Verdi de passage à Paris, qui en emprunte l'argument. La Traviata est créée le 6 mars 1853 à la Fenice de Venise, une multitude d'adaptations suivront, immortalisant le destin tragique de Violetta, la courtisane amoureuse.

À voir dans l’exposition Section 9, « Je veux construire un opéra ». Intolleranza 1960, Première Theatro La Fenice Venise, 1961 Composition musicale : Luigi Nono Librettiste : Luigi Nono, collage de textes Décors et costumes : Emilio Vedova Dispositif Scénographique : Josef Svoboda L’opéra est un genre qui se veut « miroir du monde ». Il peut être porteur de messages engagés, à travers des livrets imprégnés d’utopies politiques et sociales. Avec Intolleranza 1960, un opéra du compositeur Luigi Nono, l’originalité de la démarche tient à la nature du livret : un collage de textes de Brecht, Éluard, Sartre, Maïakovski, Alleg, Fučík, Ripellino. L’histoire relate le voyage d’un migrant vers son pays natal alors qu’il fuit la misère de la cité minière où il travaillait. Pour en savoir plus : Le mythe d’Orphée Le mythe d’Orphée séduit particulièrement les compositeurs d'opéra car ce descendant d'Apollon, premier des poètes musiciens, symbolise le rapprochement souhaité entre la poésie et la musique. Parmi les œuvres musicales ayant Orphée pour sujet, certaines sont représentatives des grands enjeux esthétiques et musicaux de leur époque. C’est le cas de Euridice (1600), de Jacopo Peri et du poète Ottavio Rinuccini qui, avec l’invention de la monodie (union idéale entre poésie et musique) est considéré comme le premier opéra véritable. Crée en 1607, L'Orfeo de Claudio Monteverdi sur un livret de Alessandro Striggio, est l’oeuvre fondatrice du genre lyrique. Alors que L’Euridice de Peri s’oppose à la tradition

Page 25: OPÉRA MONDE · 2019-07-10 · Actuellement, l’Opéra national de Paris regroupe l’Opéra Garnier, l’Opéra Bastille, la 3e Scène, lieu de création numérique, l’École

OPÉRA MONDE / DOSSIER DÉCOUVERTE

25

de la polyphonie, Monteverdi utilise tous les langages sans exclusion et met son écriture musicale au service de l’expression des sentiments de chaque personnage. Orphée et Eurydice (1762), du compositeur Christoph Willibald Gluck, opère une réforme radicale du genre lyrique par un retour aux fondamentaux de l’opéra : raconter une histoire de manière simple et exprimer des émotions par le pouvoir de la musique. Quant à Orphée aux Enfers (1858), de Jacques Offenbach, il consacre la naissance de l'opéra bouffe, un divertissement qui ne craint pas ici de ridiculiser la Grèce antique. Les compositeurs du XXe ne sont pas en reste : avec Orphée 53 (1953), Pierre Schaeffer et Pierre Henry composent le premier opéra de musique concrète (la musique ne s’écrit plus avec des notes sur une partition mais à partir de sons et de bruits de notre environnement, collectés, montés et transformés par la machine). Philip Glass, pionnier de la musique minimaliste, réalise en 1993 un Orphée, musique et livret, basé sur le scénario du film éponyme de Jean Cocteau réalisé en 1950. DES PERSONNAGES À l’opéra, les rôles sont généralement caractérisés par les voix. Les sopranos (voix féminines les plus aiguës) interprètent les rôles principaux féminins, les grandes figures du répertoire, les héroïnes tragiques ou mythologiques, mais également des soubrettes ou des personnages d’ingénues. Les ténors (tonalité la plus aiguë pour une voix d'homme) répondent généralement aux rôles des sopranos. Ils ont souvent le premier rôle masculin, le plus populaire, celui du héros, de l'amant mais parfois aussi celui de l'ennemi. Le baryton (tessiture à mi-chemin entre celle du ténor et de la basse) endosse le statut du méchant, le jaloux, le brutal, que le public adore détester. Il y a cependant des exceptions notables : Mozart a été l'un des premiers compositeurs à choisir un baryton comme premier rôle pour le personnage de Don Giovanni et c’est une mezzo-soprano, plutôt habituée aux personnages secondaires, qui chante le rôle-titre dans Carmen de Bizet. À noter que l’on désigne par Prima donna (littéralement la première dame en italien), la chanteuse qui interprète le rôle principal d'un opéra, souvent synonyme de diva (du latin divine ). À voir dans l’exposition Section 3, « La fureur des mythes ». Tristan et Isolde, Nouvelle production à l'Opéra Bastille, 2005 Composition musicale : Richard Wagner Librettiste : Richard Wagner Mise en scène : Peter Sellars Vidéo : Bill Viola Nourri de textes anciens, l’opéra est le lieu où se déchaînent les passions humaines et les grandes figures qui les incarnent apparaissent alors comme de véritables mythes. C’est le cas des personnages de Tristan et Isolde, un drame musical en trois actes écrit et composé par Richard Wagner. Pour le livret, il s’inspire d’une légende médiévale celtique et de son histoire d’amour contrariée qui le lie à la poétesse Mathilde Wesendonck, l’épouse de son protecteur et mécène, Otto Wesendonck. L’obsession amoureuse, le tragique et la mort sont au cœur de l’intrigue. La production de Tristan et Isolde en 2005, avec la mise en scène épurée de Peter Sellars doublée d’une vidéo de Bill Viola, confirme l'irruption définitive de cette technologie nouvelle sur la scène de l'opéra. Lorsque sur l’écran sont projetés un homme et une femme, il ne faut pas penser à Tristan et Isolde, mais plutôt à des archétypes masculin et féminin. Pour Bill Viola, il ne s’agit pas d’illustrer l’histoire mais d’aller au-delà de ce couple et de toucher à quelque chose de plus universel. Quant à la musique, elle crée son propre paysage sonore.

Page 26: OPÉRA MONDE · 2019-07-10 · Actuellement, l’Opéra national de Paris regroupe l’Opéra Garnier, l’Opéra Bastille, la 3e Scène, lieu de création numérique, l’École

OPÉRA MONDE / DOSSIER DÉCOUVERTE

26

Section 8, « Saint François d’Assise ». Saint François d'Assise, Création au Palais Garnier, Paris, 1983. Composition musicale : Olivier Messiaen Librettiste : Olivier Messiaen Les grandes maisons d’opéra passent régulièrement des commandes à des compositeurs et c’est le cas en 1983 lorsque l’Opéra de Paris passe une commande à Olivier Messiaen. Comme de nombreux compositeurs il voit dans l’opéra un espace sacré capable d’exprimer le divin. Le choix de Saint François d’Assise (« le Saint qui parlait aux oiseaux ») s'est vite imposé au croyant et à l’ornithologue qu’était Messiaen. Pour écrire le livret, il s'inspire de l'Écriture Sainte, de ses souvenirs ornithologiques et des écrits de Saint François lui-même. Il insuffle aussi ses idées pour les décors et les costumes, d’après l’étude des fresques de Giotto à la Basilica di San Francesco à Assise et les tableaux de Fra Angelico au Musée San Marco à Florence. Quant à la musique, qui suit le texte mot pour mot, elle s’accompagne de chants d’oiseaux, fruit de ses recherches en ornithologie qui l’ont conduit de l’Italie à la Nouvelle-Calédonie. Avec Saint François d'Assise, le rôle-titre est écrasant, c'est certainement un des plus longs du répertoire.

Pour en savoir plus Sur le site d'OpéraVision (Opéra 3.0 soutenu par le programme Europe Créative de la Commission européenne), faites les tests pour savoir à quels grands personnages du répertoire vous correspondez : https://operavision.eu/fr/bibliotheque/pour-samuser/baritone-quizz https://operavision.eu/fr/bibliotheque/pour-samuser/soprano-quizz https://operavision.eu/fr/bibliotheque/pour-samuser/mezzo-soprano-quizz https://operavision.eu/fr/bibliotheque/pour-samuser/quizz-tenor

UNE MUSIQUE

La musique est essentielle dans l’opéra : c’est elle qui souligne l’action et procure des émotions aux spectateurs. Les musiciens sont situés dans la fosse et sont dirigés - comme les chanteurs - par le chef d’orchestre. L’orchestre symphonique regroupe les trois familles d’instruments : cordes, vents et percussions, avec parfois l’ajout d’instruments rares, car entre le XIXe et le XXe siècle, on recherche une diversité de timbres et de couleurs.

Avec Le Coq d’or, Rimsky Korsakov nous dévoile ses remarquables talents en orchestration, qui lui valent souvent le titre de « magicien de l’orchestre ». Il influencera nombre de compositeurs comme Prokofiev. Le rôle de l’orchestre est de jouer l’ouverture de l’opéra, puis d’accompagner les chanteurs et de renforcer les moments d’émotion. Chez Richard Wagner, voix et orchestre deviennent indissociables. Il utilise au sein d’une même œuvre plusieurs motifs musicaux différents, associés à un personnage, un sentiment, un lieu ou un thème de l’intrigue, ce qu’on appelle « Leitmotiv » en allemand (ou motif conducteur). DES VOIX La voix humaine est au fondement même de l’opéra.

Une voix d’opéra est déterminée par sa tessiture (ensemble de notes émises par la voix), son timbre (ou couleur de la voix) et son caractère (léger, lyrique ou dramatique). On distingue, de la voix la plus aigüe à la plus grave : Chez les femmes, la soprano, la mezzo- soprano et l’alto.

Page 27: OPÉRA MONDE · 2019-07-10 · Actuellement, l’Opéra national de Paris regroupe l’Opéra Garnier, l’Opéra Bastille, la 3e Scène, lieu de création numérique, l’École

OPÉRA MONDE / DOSSIER DÉCOUVERTE

27

Chez les hommes, le ténor, le baryton et la basse. Le choix que fait le compositeur est très important pour que le rôle incarné par le chanteur soit crédible.

UNE SALLE Au XIXe siècle, on utilise le « théâtre à l’italienne », en forme de fer à cheval et à la structure à étages. L’espace scénique crée l’illusion d'un espace profond à travers le jeu de la perspective, comme le plancher incliné de la scène. Des exemples d’opéras à l’italienne : le Palais Garnier à Paris, l’opéra-théâtre de Metz Métropole. Parallèlement, Wagner veut donner une place prépondérante à l’orchestre. Il a conçu, avec le soutien du roi Louis II de Bavière, une salle spéciale, avec une architecture unique, pour représenter ses opéras, le Festspielhaus à Bayreuth. Contrairement à d'autres théâtres, l'espace de la scène devient la priorité. Il reprend, en opposition au style du théâtre à l'italienne, une architecture d'amphithéâtre grec afin de créer une égalité de point de vue des spectateurs face à l'œuvre. Le XXe siècle est une période de rupture et de remise en question qui entraîne de grands bouleversements dans tous les arts. On développe des interactions entre son et espace, musique et architecture. L’opéra Prometeo de Nono a été donné dans une coque de bois réalisé par l'architecte Renzo Piano, pour parvenir à une pureté sonore et acoustique. UN RIDEAU DE SCÈNE Un rideau de scène est une toile de dimensions variables, plissée ou tendue, peinte ou non. Placé entre la scène et la salle, il a d’abord une fonction d’usage, celle de dissocier des espaces tout en préservant leur communication. Le rideau de scène est aussi un vecteur de théâtralité : fermé il développe le goût du secret, ouvert il fait se rencontrer l’imaginaire de l’acteur et celui du spectateur. Avec sa couleur pourpre à passementerie or, il participe du décorum de la salle. Apparu dès l’antiquité pour masquer la scène, utilisé dans les représentations ambulantes sur tréteaux, souvent décoré d’allégories antiques ou de figures glorifiant la monarchie, le rideau est indissociable de la machinerie de la salle à l’italienne. C’est en effet dans l’Italie de la seconde moitié du XVIIe siècle que le rideau est intégré au spectacle, marquant le commencement et la fin de la représentation. Il peut également tomber entre des actes pour marquer des changements de lieu ou permettre le remplacement du décor. Et au XIXe siècle, ce quatrième mur clôture chaque acte, rythmant le découpage de l'histoire. Aussi faut-il distinguer les rideaux de draperie scénique des rideaux décoratifs, qui font leur apparition sur les scènes italiennes à la Renaissance. La perspective, déjà utilisée par les artistes dans leurs tableaux, est appliquée au décor peint sur une toile tendue en fond de scène, pour parfaire l'illusion théâtrale. Au XXe siècle, de nombreux artistes plasticiens vont réaliser des rideaux de scène. Une des contributions les plus célèbres est l’œuvre de Pablo Picasso pour le ballet Parade de Serge Diaghilev, composé par Erik Satie, d’après un poème de Jean Cocteau et une chorégraphie de Léonide Massine. Peint sur une toile libre de 10,50 m x 16,40 m et représentant la scène d’un cirque, le rideau ne se soulève pas, il est placé à l’arrière de la scène pour le spectacle. Cette œuvre monumentale a été présentée exceptionnellement le temps de l’exposition 1917 au Centre Pompidou-Metz en 2012. À voir dans l’exposition Section 1, « Ma peinture est ma scène ». Les rideaux de fer du Wiener Staatsoperde Vienne.

Page 28: OPÉRA MONDE · 2019-07-10 · Actuellement, l’Opéra national de Paris regroupe l’Opéra Garnier, l’Opéra Bastille, la 3e Scène, lieu de création numérique, l’École

OPÉRA MONDE / DOSSIER DÉCOUVERTE

28

À voir également, en relation avec l’exposition, l'oeuvre de Dominique Gonzalez-Foerster, intitulée Helen & Gordon, 2015, réactivée pour orner le rideau de scène de l’Opéra-Théâtre de Metz. Pour en savoir plus Extrait du catalogue Collection art moderne - La collection du Centre Pompidou, Musée national d’art moderne, sous la direction de Brigitte Leal, Paris, Centre Pompidou, 2007 : https://www.centrepompidou.fr/cpv/resource/c5pKnn/rbqgAex Conférence « Les pieds dans le rideau » Cité de l'Architecture et du Patrimoine, 22 février 2018 : une petite histoire de l’art racontée par celle des rideaux, une « divagation » pour raconter la migration du rideau de scène vers le champ des arts visuels. https://www.citedelarchitecture.fr/fr/video/les-pieds-dans-le-rideau-histoire-de-lart-travers-le-rideau

UNE MISE EN SCÈNE

La mise en scène est l’ensemble de toutes les dispositions relatives à l’action, aux mouvements isolés ou concertés des acteurs-chanteurs, des artistes du chœur et des figurants, dont la gestion scénique fait partie intégrante de la réussite d’un spectacle. Elle est en lien étroit avec la dramaturgie qui est l’art de transformer une histoire, vraie ou imaginaire, en un récit construit. Le dramaturge est le conseiller littéraire et artistique d’un metteur en scène. La mise en scène intégrant la scénographie s’assure de l’harmonie générale du spectacle dont elle règle les moindres détails. Si Mozart (1756-1791) semble avoir été l'un des premiers à se préoccuper autant de la direction musicale que de la dimension théâtrale de ses ouvrages, la conception de la mise en scène telle qu'on l'entend aujourd'hui apparait réellement au XIXe siècle avec les écrits théoriques de Richard Wagner. Dans son projet révolutionnaire d'œuvre d’art totale, toutes les formes d’art, texte poétique, musique, image et représentation scénique, sont pris en compte simultanément. Dès 1892, Adolphe Appia (1862-1928), admirateur du compositeur mais déçu par ses mises en scène (exemple de Parsifal), fait évoluer encore plus loin ce concept, en renonçant à tout élément anecdotique sur scène. Avec une importance accrue donnée à la lumière, l’espace scénique dénudé est modelé par la puissance évocatrice de la musique. L’acteur-chanteur devient une priorité et les espaces créés doivent mettre son corps et son jeu en valeur. En multipliant les niveaux scéniques avec des praticables, Appia détourne la scène de sa platitude et de sa frontalité et favorise ainsi les déplacements. S'en est fini du corps statique en face à face avec le public, allégé de ses vêtements pour que ses mouvements ne soient pas entravés, il est le lien garantissant la communion entre la scène et la salle. Il faut attendre le théâtre abstrait de Wieland Wagner (1917-1966), petit-fils de Richard Wagner, pour voir la concrétisation et la domination de ce style de mise en scène d’opéra dans les années cinquante et soixante. Structuré par la lumière, le spectacle, qui redonne à la musique une place première, devient l'expression d'archétypes universels, hors du temps. Mais ce théâtre abstrait n'est pas le seul possible, le décor peut aussi occuper le premier rôle amenant le metteur en scène à composer avec un univers esthétique prégnant (exemple de Tristan et Isolde de Bill Viola, du Pélléas d'Anish Kapoor). Pour produire des spectacles forts en émotion, le primat de l’acteur est parfois privilégié, c'est le cas lorsque la légendaire Maria Callas est mise en scène par Luchino Visconti. Les années soixante-dix voient l'appropriation de l'opéra par une génération de metteurs en scène engagés venus du théâtre. Désormais, il n'y a plus une seule manière d'envisager la mise en scène d'un opéra, et les adaptations vont se multiplier (on va voir le Wozzeck de Patrice Chéreau et non plus celui d'Alban Berg).

Page 29: OPÉRA MONDE · 2019-07-10 · Actuellement, l’Opéra national de Paris regroupe l’Opéra Garnier, l’Opéra Bastille, la 3e Scène, lieu de création numérique, l’École

OPÉRA MONDE / DOSSIER DÉCOUVERTE

29

En Allemagne dans les années 1980, le « Konzept » (« conception d'ensemble ») devient une fin en soi. C'est la réinterprétation de l'œuvre qui fait office d'œuvre, le metteur en scène ayant la liberté de refaçonner l’opéra à sa guise. Aujourd'hui tous ces styles hérités d'époques et de pensées différentes coexistent. Pour apprécier une œuvre, le spectateur doit multiplier les expériences.

À voir dans l’exposition : Section 5, « Ici le temps devient espace ». D’Adolphe Appia à Romeo Castellucci, en passant par Wieland Wagner et Josef Svoboda, l’expérimentation scénique autour des œuvres de Richard Wagner sert ici de fil conducteur pour montrer le refus du naturalisme et le développement de nouvelles formes de stylisation. DES ACTEURS Si le corps en scène est l’objet de toutes les attentions à l’opéra, le métier de chanteur lyrique a beaucoup évolué ces dernières années, se libérant d’une image désuète. La gestuelle et le jeu d’acteur des interprètes ont subi d’importantes évolutions. Et si l’attitude statique des solistes a fait place à des langages corporels bien plus convaincants, c’est dû en partie à l’implication dans l'univers de l’opéra de metteurs en scène venant du cinéma, du théâtre et de la danse. À voir dans l’exposition Section 10, « Corps opératiques ». À travers des peintures, vidéos, photographies et films, est exposée une galerie de portraits hautement expressifs de chanteurs lyriques et de cantatrices incarnant les grands rôles du répertoire opératique. Il est possible de faire un focus plus développé sur le travail d'Aloïse Corbaz, figure emblématique de l’art brut, internée en psychiatrie, évoquant dans ses créations des héroïnes empruntées au répertoire lyrique : Tosca, La Traviata, Marie Stuart, Manon Lescaut, Orphée et Eurydice, Boris Godounov, Tristan und Isolde ou La Walkyrie. Grandeur nature et en trois dimensions, les personnages en papier de Karen Sargsyan (né en 1973), autodidacte, sont mis en scène dans des postures et des expressions du visage théâtrales. Sans croquis préparatoire, en quelques mouvements rapides, les différentes parties sont découpées aux ciseaux ou au cutter dans du papier. Une seule installation nécessite souvent des milliers de feuilles de différentes épaisseurs, que l’artiste peint au préalable dans les couleurs désirées.

UN DÉCOR Pendant longtemps, la création du décor et des costumes incombe à des décorateurs professionnels aux propositions visuelles guidées avant tout par un souci d'illusion et de restitution de modèles traditionnels. Dans la lignée de Serge de Diaghilev qui, dès la première saison des Ballets russes en 1909, collabore avec des peintres ( Bakst, Gontcharova, Picasso, Braque, Matisse, Max Ernst et Miró ), de plus en plus d’artistes au début du XXe siècle sont amenés à créer des décors et des costumes pour la scène, avec des propositions s'inscrivant encore parfois dans l'héritage du décor traditionnel. Ainsi Cassandre, Antoni Clavé, André Derain, Balthus, André Masson, Jean Cocteau peignent pour Wolfgang Amadeus Mozart, Christoph Willibald Gluck et Francis Poulenc. Loin de transposer simplement la peinture de chevalet à l'échelle de la scène, des plasticiens se transforment en scénographes et nourrissent leur pratique artistique de cette expérience. Ainsi, le Rake's Progress de David Hockney à Glyndebourne, La Walkyrie d'Eduardo Arroyo à Paris, le Tristan du vidéo-plasticien Bill Viola ou le Pelléas d'Anish Kapoor explorent les croisements féconds des arts plastiques avec la musique et la mise en la scène.

Page 30: OPÉRA MONDE · 2019-07-10 · Actuellement, l’Opéra national de Paris regroupe l’Opéra Garnier, l’Opéra Bastille, la 3e Scène, lieu de création numérique, l’École

OPÉRA MONDE / DOSSIER DÉCOUVERTE

30

À voir dans l’exposition Dans le Forum. L’affaire Makropoulos, Première Opéra Bastille, Paris, 2007. Composition musicale : Leoš Janácek Scénographie et costumes : Malgorzata Szczesniak Mise en scène : Krzysztof Warlikowski Ouvrant de manière spectaculaire l’exposition Opéra Monde, un immense King Kong occupe le Forum du Centre Pompidou-Metz. Cette sculpture conçue par Małgorzata Szczęśniak pour la mise en scène de L’Affaire Makropoulos (de Leoš Janáček par Krzysztof Warlikowski) est la plus imposante jamais réalisée par les ateliers de l’Opéra national de Paris. Une telle présence est l'occasion pour le public d'appréhender « l'envers du décor » et l'écart existant entre les matériaux bruts et la magie du spectacle. Section 1, « Ma peinture est ma scène » The Rakes’s Progress, Creation au Teatro La Fenice, Venise, 1951. Nouvelle production a Glyndebourne, Lewes, 21 juin 1975. Composition musicale : Igor Stravinsky Décors : David Hockney Mise en scène : John Cox The Rake’s Progress (La Carrière d’un Roué) est un opéra inspiré du portfolio du peintre et graveur anglais William Hogarth (1697-1764), dont les tableaux se lisent comme des mises en scène. David Hockney choisit de transposer la technique de la gravure de Hogarth en reprenant les hachures et en choisissant les couleurs d'encre standard utilisées en imprimerie au XVIIIe siècle. La réussite de sa collaboration avec John Cox donne un nouvel élan à sa production picturale, le libérant du style naturaliste dans lequel il dit s’être enfermé. Section 2, « Die Zauberflöte » Dès la première mondiale le 30 septembre 1791, la magie des décors et des costumes a concouru au succès jamais démenti de cette pièce incontournable du répertoire. Nombre d’artistes, metteurs en scène et cinéastes ont rivalisé d’inventivité pour donner un nouveau souffle aux mises en scène de la Flûte enchantée. Pour en savoir plus The Rakes’s Progress, à consulter sur le site de David Hockney https://thedavidhockneyfoundation.org/series/the-rakes-progress

Dossier Pédagogique de l’Opéra de Reims http://www.cndp.fr/crdp-reims/fileadmin/documents/preac/spectacle_vivant_opera/dossiers_pedagogiques/CARNET_D_OPERA_THE_RAKE_S_PROGRESS.pdf

UNE SCÉNOGRAPHIE

Le rôle de la scénographie est de concevoir et de mettre en forme l'espace, avec la prise en compte des décors, des costumes, des éclairages et du public. « Elle n'a d'existence que dans une relation entre une action (domaine de la dramaturgie), un jeu (domaine de la mise en scène) et une scène (domaine de la scénographie) »15. Le terme provient étymologiquement du grec « skênêgraphia » qui désigne l'art de la décoration du skênê, c’est à dire de l’édifice qui clôture l'espace de jeu du théâtre grec.

15 p.13 dans « Scénographier l'art » aux éditions Canopé, Éditeur : Réseau Canopé. Auteur : Susanna Muston, Emmanuelle Gangloff, Marcel Freydefont. Collection : Maîtriser. Date de parution : 01/11/2015

Page 31: OPÉRA MONDE · 2019-07-10 · Actuellement, l’Opéra national de Paris regroupe l’Opéra Garnier, l’Opéra Bastille, la 3e Scène, lieu de création numérique, l’École

OPÉRA MONDE / DOSSIER DÉCOUVERTE

31

Les architectes de la Renaissance ont assimilé le terme à la perspective. Tandis qu’en Italie dès le XVe siècle on désigne par « scenografia » un procédé pictural appliqué au décor de scène pour accentuer l'illusion théâtrale, en France le terme de « décoration de théâtre » lui succède à partir du XVIIe siècle. Dans la tradition romantique, puis naturaliste, le décor du XIXe siècle reproduit la réalité sur scène de manière la plus fidèle possible. Au tout début du XXe siècle, des visions novatrices bouleversent les codes établis. Edward Gordon Craig (1872-1966), l’irlandais, et Adolphe Appia (1862-1928), le suisse, partisans d’une approche moins descriptive, refusent l’utilisation de toiles peintes réalistes en fond de scène et privilégient une grande sobriété. Ils ouvrent les perspectives de l’éclairage par une utilisation picturale des lumières et les espaces créés doivent mettre le corps et le jeu du chanteur-acteur en valeur. Enfin, ils recherchent l’harmonie entre les différents éléments du spectacle. En Russie, Vsevolod Meyerhold (1874-1940) commence lui aussi sa réforme de la scène en s’opposant au naturalisme par la « stylisation ». Il se nourrit des différentes avant-gardes pour réaliser ses spectacles modernes et se sert de la peinture cubiste et futuriste pour les décors. Il supprime le rideau et les coulisses, réunit la scène et la salle avec un proscenium pour avancer le jeu des acteurs vers les spectateurs. Le rapprochement scène-salle l’amène à s'intéresser, lui aussi, au problème du jeu de l’acteur. Au milieu du XXe siècle le terme de « scénographie » se substitue à celui de « décor » et prend définitivement son sens actuel. Avec le passage du décor à la scénographie, il ne s’agit plus de situer ou d’embellir l’action mais de manifester visuellement une idée et d'éveiller la sensibilité du spectateur.

DES COSTUMES Le métier de chanteur lyrique ayant évolué vers celui d’acteur, le rôle ne se crée plus nécessairement par l'intermédiaire du costume. Ce n'était pas le cas à la fin du XIXe siècle quand le chanteur enfilait son pourpoint, réutilisé des années durant, pour incarner le personnage. Il faut attendre le début du XXe siècle pour qu’on engage des équipes différentes à chaque spectacle et que des artistes comme Léon Bakst, Jean Cocteau ou encore Raoul Dufy imaginent des costumes. De 1960 à 2000, une succession de grands courants esthétiques (historicisme, baroque et goût pour le spectaculaire) conduit à un changement radical avec l’apparition de costumes contemporains. Un choix artistique largement partagé aujourd'hui par des metteurs en scène et leurs costumiers, comme un moyen d'être en phase avec l’époque et pouvoir y transposer les ouvrages. Le costume participant d’autant plus à la dramaturgie qu’il est réduit à sa forme la plus simple, on opte donc pour des vêtements du quotidien ou pour des uniformes. À voir dans l’exposition Section 1, « Ma peinture est ma scène ». Costumes pour Le Coq d’or et le Grand Macabre. Le Coq d’or, Première Palais Garnier, Paris, 1914 Composition musicale : Nikolaï Rimski-Korsakov Chorégraphie et mise en scène : Michel Fokine Décors et costumes : Natalia Gontcharova Le Grand Macabre, Nouvelle production Teatro Comunale Bologna en 1979 Composition musicale : Gyorgy Ligeti Mise en scène : Giorgio Pressburger Décors et costumes : Roland Topor

Page 32: OPÉRA MONDE · 2019-07-10 · Actuellement, l’Opéra national de Paris regroupe l’Opéra Garnier, l’Opéra Bastille, la 3e Scène, lieu de création numérique, l’École

OPÉRA MONDE / DOSSIER DÉCOUVERTE

32

Pour en savoir plus Exposition « Le Grand Macabre », 14 mai-13 juillet 2003, Musée de la Musique, Paris. Commissaires : Emma Lavigne, Stéphane Roussel. Exposition « Habiller l’opéra », 25 mai-3 novembre 2019, Centre National du costume de scène, Moulins. À l’occasion des 350 ans de l’Opéra de Paris, célébré en 2019, le Centre national du costume de scène (CNCS) présente une exposition sur l’histoire du costume depuis l’ouverture du Palais Garnier en 1875 jusqu’à aujourd’hui. Une sélection d’une centaine de costumes et de toiles de décor évoquant la création lyrique et chorégraphique ainsi que les grands succès du répertoire, s’articulent autour des grands courants esthétiques du domaine scénique au cours des XIXe, XXe et XXIe siècles.

Dossier de presse : http://www.cncs.fr/sites/default/files/DP%20CNCS%20Habiller%20l%27Op%C3%A9ra.pdf

LA LUMIÈRE L'éclairage de scène est une notion relativement récente. Pendant des siècles, les spectacles se jouent généralement à la lumière naturelle, puis à la Renaissance des lustres avec des chandelles éclairent aussi bien le public que le spectacle. Au XVIIe siècle on installe les premières rampes, une série de lampes installées au sol à l'avant de la scène, qui crée un éclairage plus ou moins uniforme mais peu naturel. Jusqu'au début du XIXe siècle, toutes les salles de spectacle sont éclairées pendant toute la durée de la représentation. Il faut attendre l'avènement du gaz d'éclairage vers 1820 et la popularité des opéras de Richard Wagner pour plonger les salles dans l'obscurité. C’est en effet lors de la première représentation de L’Anneau de Nibelung en 1876, dans le Festspielhaus de Bayreuth, que Wagner plonge la salle dans la pénombre. S’il n’est pas à l’origine de l’idée, il en généralise la pratique, et l'obscurcissement des salles de théâtre pendant les représentations se développe à travers le monde. Le noir complet, obtenu avec l’avènement de l'électricité, permet une meilleure concentration du public et optimise la mise en valeur des éclairages scéniques, alors beaucoup plus élaborés, gradués et colorés. Au début du XXe siècle, les techniques d'éclairage naissantes offrent à la lumière de nouvelles possibilités que les pionniers de la scénographie moderne ont bien sûr intégré à leurs recherches, faisant évoluer le rôle de la lumière dans le spectacle. Puisque tout spectacle doit être mis en lumière, un métier apparait dans les années 1950, celui d'éclairagiste, jusque-là, c'est principalement le metteur en scène qui s'occupe de régler les lumières avec l’électricien. En collaboration avec le metteur en scène et le scénographe, il choisit, installe et contrôle depuis la régie chaque lumière : l'éclairage de scène devient un art. Dans le prolongement de ces expérimentations, les projections et la vidéo vont envahir la scène lyrique, notamment avec un scénographe comme Josef Svoboda (1920-2002) qui n’aura de cesse d’élaborer de nouveaux procédés pour trouver un équivalent au discours musical. À voir dans l’exposition Section 4, « Le désir de l’œuvre d’art totale ». L'importance donnée à la lumière est visible dans les spectaculaires décors projetés de Carl Emil Doepler puis perfectionnés par Eugène Frey au début du XXe siècle. Une pratique reprise à l’Opéra de Paris dans les années 1930 par Ernest Klausz, convaincu que « dans cette œuvre d’art totale résultant de la collaboration de tous les arts que doit être un opéra, ce n’est plus la partie auditive qui prédomine mais la partie visuelle». Les Contes d’Hoffmann, Kroll-Oper, Berlin,1929. Composition musicale : Jacques Offenbach

Page 33: OPÉRA MONDE · 2019-07-10 · Actuellement, l’Opéra national de Paris regroupe l’Opéra Garnier, l’Opéra Bastille, la 3e Scène, lieu de création numérique, l’École

OPÉRA MONDE / DOSSIER DÉCOUVERTE

33

Décors et costumes : László Moholy-Nagy Après avoir quitté son poste d’enseignant au Bauhaus en 1928, László Moholy-Nagy devient décorateur au Kroll-Oper, maison d’opéra berlinoise avant-gardiste. Sa première réalisation, les Contes d’Hoffmann composé par Jacques Offenbach, est pour lui l’occasion de développer sa théorie d’un théâtre total élaborée au Bauhaus. L’influence réciproque du théâtre et des arts visuels dans sa pratique pluridisciplinaire l’amène à créer un décor jouant sur la transparence des toiles de projection, les décors ajourés et sur la qualité réfléchissante du matériau dominant, le métal. Ce sont les jeux d’ombre et de lumière produits par la mobilité de ces éléments de décor traversés par la lumière, qui construisent l’espace scénique. Pour en savoir plus : Josef Svoboda (1920-2002) Véritable sculpteur de lumière, le scénographe tchèque Josef Svoboda est l’une des figures marquantes de l'intégration à l'opéra des techniques de pointe en éclairage, électronique, projection d'image et mécanique de scène. On lui doit plus de six cents scénographies pour le théâtre, l'opéra ou le ballet à travers le monde, son installation multimédia la plus célèbre restant la Lanterna Magica, réalisée pour l’Expo 67 à Montréal. Entre art et science, il est également l’inventeur d’un système de rampe à basse tension pour la scène, appelé « svoboda ». 4/ EN QUÊTE D'UN ART TOTAL Si l’idée d’une association des expressions artistiques remonte à la tragédie grecque antique, il faut attendre le romantisme allemand au XIXe siècle pour qu'apparaisse dans la réflexion esthétique, la notion de Gesamtkunstwerk, traduit en français par Œuvre d’art totale. En réaction contre le réalisme conventionnel régnant sur les arts de la scène et plus particulièrement à l'opéra, Richard Wagner, dans L’Œuvre d’art d’avenir (1849), rétablit l’alliance originelle des arts et imagine une création unique qui additionne les différents champs artistiques, mais dont le résultat final les transcende en délivrant un message à portée universelle. Loin de voir dans l’opéra un divertissement bourgeois, Richard Wagner souhaite éduquer le public et l’amener à ressentir la catharsis de la tragédie grecque, grâce au pouvoir évocateur de la musique et à la synthèse des arts. « L’Art total » avec sa vocation artistique mais également sociale, va inspirer des générations de créateurs et dépasser largement le cadre de l’opéra. Les avant-gardes du premier quart du XXe siècle y voient une manière d’abolir les frontières et les hiérarchies entre les arts, mais également entre l’art et la vie, ouvrant le concept wagnérien à celui d’union des arts pour tous (mouvement De Stijl 1917, avant-gardes russes (1917-1925), formation du Bauhaus en 1919). S’inscrivant dans ces différents courants de pensée, Wassily Kandinsky, Laszlo Moholy-Nagy et Kasimir Malevitch, expérimentent des projets scéniques en rupture avec les conventions établies et en particulier contre la suprématie de la musique et du livret sur les arts visuels. Se faisant, ils éprouvent les limites de la quête romantique du Gesamtkunstwerk et proposent de nouvelles expériences sensorielles où sons, images, textes et corps ne sont pas forcément unis par une ambition d’harmonie. Dans la lignée des avants-garde historiques, les formes du Gesamtkunstwerk au XXe siècle sont expérimentales et critiques. Avec la destruction du modèle wagnérien, elles cherchent une nouvelle articulation des arts fédérant une œuvre d’art collective. À voir dans l’exposition Section 4, « Le désir de l’oeuvre d’art totale ». La Victoire sur le soleil, 1913 Librettiste : Alexeï Kroutchonykh

Page 34: OPÉRA MONDE · 2019-07-10 · Actuellement, l’Opéra national de Paris regroupe l’Opéra Garnier, l’Opéra Bastille, la 3e Scène, lieu de création numérique, l’École

OPÉRA MONDE / DOSSIER DÉCOUVERTE

34

Composition musicale : Mikhaïl Matiouchine Mise en scène, décors et costumes : Kasimir Malevitch Premier opéra cubo-futuriste mis en scène par Kasimir Malevitch, La Victoire sur le soleil relate la lutte des aveniristes contre le soleil qui incarne les valeurs artistiques du passé. C'est une parodie caustique de l'opéra romantique, avec un livret rédigé en zaoum, (langage caractérisé par l’absence de ponctuation et la succession de mots choisis pour leur sonorité) et une partition jouée par un unique piano aux sonorités discontinues. Cette œuvre collective a pour intention de rompre avec les conventions établies, tant formelles que narratives, et redonner une place à l'élément plastique négligé par Wagner dans sa triade, poésie, musique et danse16 . Dans la réalisation des décors Malévitch fait apparaître pour la première fois le carré noir, métaphore de l’occultation du soleil, et marque ainsi le passage de l'artiste à une peinture non-figurative. Malévitch attribuera à cet « anti-opéra » l'origine de la peinture suprématiste.

To be Sung, Creation mondiale au théâtre des Amandiers, Nanterre, 1994 Composition musicale : Pascal Dusapin Livret : d’après un texte poétique Gertrude Stein, Lyrical Opera Made by Two (Un opéra lyrique fait à deux) Mise en scène : Pascal Dusapin Installation et scénographie : James Turell Certaines productions, imaginées conjointement entre le compositeur, le metteur en scène et le scénographe marquent également la seconde moitié du XXe siècle, comme To Be Sung (1994), créé en symbiose par Pascal Dusapin et James Turrell, à partir d’un livret inspiré du texte poétique de Gertrude Stein. Cette œuvre interroge le processus même de création d’un opéra, la scénographie n’ayant pas été déduite de la partition mais pensée parallèlement. Déjouant la perspective, James Turrell brouille les repères perceptifs, faisant de la scène non plus un espace scénographique, mais une véritable installation lumino-sonore. À expérimenter dans l’exposition : l’œuvre Red Eye (1992) de James Turell qui appartient à la série des « Wedge Works ». Elle permet au visiteur de faire l’expérience sensible du travail de Turrell, car aucun élément scénique ne subsiste de sa collaboration à l’opéra To be Sung.

Section 6, « Einstein on the Beach». Einstein on the Beach, Creation mondiale au Theatre municipal d’Avignon,1976 Composition musicale : Philip Glass Librettiste : Philip Glass et Robert Wilson avec des textes de Christopher Knowles, Samuel M. Johnson et Lucinda Childs. Mise en scène, décors et lumières : Robert Wilson Chorégraphie : Lucinda Childs Einstein on the Beach, est une œuvre d’art totale qui accorde un rôle fondamental à l’image. Robert Wilson et Philip Glass consacrent leur opéra à une figure marquante du XXe

siècle, Albert Einstein, un grand mathématicien qui aimait la musique. Le story-

board, présent dans l'exposition, élaboré à partir de données abstraites, dévoile un processus de création pensé en images et qui confère à l’ombre et à la lumière une place prépondérante. La partition est dictée par la composition visuelle imaginée par Robert Wilson selon trois thèmes : le train, le tribunal et l’engin spatial, métaphores du siècle parcouru par Einstein.

16 Vassili Kandinsky soulève également ce manque dans la théorie du Gesamtkunstwerk de Wagner. Il le développe dans son texte manifeste, Über Bühnenkomposition, paru en 1912 dans l'almanach du Blaue Reiter.

Page 35: OPÉRA MONDE · 2019-07-10 · Actuellement, l’Opéra national de Paris regroupe l’Opéra Garnier, l’Opéra Bastille, la 3e Scène, lieu de création numérique, l’École

OPÉRA MONDE / DOSSIER DÉCOUVERTE

35

Le compositeur Philip Glass, diplômé en mathématiques et en philosophie, est un des représentants les plus éminents de la musique minimaliste. Il étudie la composition des râgas de la musique indienne dont l’appréhension du temps inspire la structure de son œuvre en constante « progression », terme qu’il privilégie au qualificatif de « répétitif ». Si chaque élément du spectacle reste indépendant, (le texte, dont une partie est écrite par un jeune autiste de 14 ans, Christopher Knowles, la musique, les gestes des acteurs ou des danseurs, la lumière, le décor) leur relation n'est jamais liée au hasard, Robert Wilson cherchant à obtenir la tension nécessaire à la cohésion de l'ensemble. Section 4, « Je veux construire un opéra » Avec son village opéra, débuté au Burkina Faso en 2009, Christoph Schlingensief abolit les frontières entre fiction et réalité, pour faire du genre lyrique, un art au cœur même de la vie et de la communauté. Du microcosme sensible au macrocosme social et humaniste, il se fait alors véritable miroir du monde. 5/ QUELQUES RESSOURCES Pop up Opéra : Une animation du Festival d’Aix-en-Provence qui passe en revue le processus de la création d’un opéra, en partant d’un concept, de l’histoire, de la musique pour arriver à la mise en scène, au planning et à la représentation. https://operavision.eu/fr/bibliotheque/faire-de-lopera/pop-opera#

La 3e scène : À la rentrée 2015, l’Opéra national de Paris lance un troisième espace (après le Palais Garnier et l’Opéra Bastille), un lieu de création numérique accessible gratuitement sur son site internet. Ce projet est unique dans le monde de l’art lyrique et du ballet. L’Opéra national de Paris invite des artistes internationaux à créer des œuvres originales (films, photos, dessins, etc) offrant un regard différent sur l’univers de l’opéra. L’idée est de toucher un public qui n’est jamais venu à l’opéra et qui va découvrir à travers cette plateforme de création des œuvres inédites. https://www.operadeparis.fr/3e-scene

O comme opéra : Loren Denis, réalisatrice, photographe et mannequin, a exploré les recoins cachés du Palais Garnier et de l’Opéra Bastille pour faire communiquer ces deux bâtiments qui, malgré leur esthétique différente, ont une âme commune. Avec son co-scénariste Anthony Vibert, elle a inventé un abécédaire inversé poétique, en pointant l’humour et le second degré, porte d’entrée insolite vers l’univers de l’Opéra. On y découvre des danseurs, chanteurs, musiciens, mais aussi des personnes et des endroits invisibles pour le public, tels les nombreux ateliers où sont fabriqués les décors, les costumes et les accessoires, avec un savoir-faire artisanal d’exception. https://www.operadeparis.fr/3e-scene/o-comme-opera

Battle de Krump, Les Indes galantes : Clément Cogitore adapte une courte partie de l’opéra-ballet des Indes galantes de Jean-Philippe Rameau, avec le concours d’un groupe de danseurs de Krump, et de trois chorégraphes : Bintou Dembele, Igor Caruge et Brahim Rachiki. Le Krump est une danse née dans les ghettos de Los Angeles dans les années 1990. Sa naissance résulte des émeutes et de la répression policière brutale qui ont suivi le passage à tabac de Rodney King. https://www.operadeparis.fr/3e-scene/les-indes-galantes

Page 36: OPÉRA MONDE · 2019-07-10 · Actuellement, l’Opéra national de Paris regroupe l’Opéra Garnier, l’Opéra Bastille, la 3e Scène, lieu de création numérique, l’École

OPÉRA MONDE / DOSSIER DÉCOUVERTE

36

Ne pas manquer :

SAM. 11.01.20 LES INDES GALANTES 19:30 | Forum et Studio | Performance | Danse De Clément Cogitore par la chorégraphe Bintou Dembélé

« Les Indes galantes, ce sont de jeunes gens qui dansent au-dessus d’un volcan en éruption » Clément Cogitore Un groupe de douze danseurs réinterprètera certaines chorégraphies de l’opéra-ballet Les Indes galantes, mis en scène par Clément Cogitore et donné à l’Opéra Bastille en septembre-octobre 2019 à l’occasion des 350 ans de l’Opéra national de Paris. Comment la musique de Jean-Philippe Rameau peutelle mettre en mouvement les corps d’une autre époque, sculptés par d’autres histoires ? Ici c’est le Krump, l’Électro, le Voguing et le Popping qui seront convoqués et relieront la dimension incantatoire de la musique baroque à la portée cathartique de ces danses. Le parti pris de Clément Cogitore et de Bintou Dembélé sera d’éblouir en se demandant ce qu’éclipse la lumière, sidérer en questionnant ce qui reste dans l’ombre, interroger les Lumières par la lumière.

Page 37: OPÉRA MONDE · 2019-07-10 · Actuellement, l’Opéra national de Paris regroupe l’Opéra Garnier, l’Opéra Bastille, la 3e Scène, lieu de création numérique, l’École

OPÉRA MONDE / DOSSIER DÉCOUVERTE

37

5. LES 350 ANS DE L’OPÉRA NATIONAL DE PARIS L’exposition Opéra Monde est réalisée en résonance avec la célébration des 350 ans de l’Opéra national de Paris. Tout au long de la saison 2018/2019 et jusqu’au 31 décembre 2019, l’Opéra national de Paris célèbre son 350e anniversaire : c’est en 1669, le 28 juin, que Louis XIV a signé la lettre patente autorisant le conseiller Pierre Perrin à établir une Académie royale d’opéra, qui prendra le nom d’Académie royale de Musique. La dénomination « Opéra national de Paris » est née en 1994 afin de regrouper l’Opéra Garnier et l’Opéra Bastille. Ce dernier, inauguré en juillet 1989, est un Opéra construit à l’initiative de François Mitterrand. L’architecture du bâtiment est réalisée par le canadien Carlos Ott, dans un style sobre pour trancher avec le luxe de l’Opéra Garnier, construit de 1861 à 1875, œuvre architecturale de Charles Garnier. Actuellement, l’Opéra national de Paris regroupe l’Opéra Garnier, l’Opéra Bastille, la 3e Scène, lieu de création numérique, l’École de danse située à Nanterre ainsi que les ateliers Berthier dans le 18ème arrondissement de Paris, site de répétition, espace de stockage et plateforme logistique. Outre sa programmation conçue autour de ces trois siècles et demi d’histoire, l’Opéra national de Paris sort de ses murs et s’associe au Musée d’Orsay, au Centre Pompidou Paris et Metz, à la Bibliothèque nationale de France pour de grandes expositions, répond à l’invitation du Collège de France et se produit avec l’Académie dans plusieurs théâtres en région. Ces institutions et l’Opéra ont coordonné leurs projets en vue de couvrir la plupart des grandes époques de l’histoire de l’Opéra de Paris et de dresser un ample panorama historique. Des expositions, conférences, master classes et rencontres permettent de croiser l’héritage de l’institution avec ses aspirations futures.

Page 38: OPÉRA MONDE · 2019-07-10 · Actuellement, l’Opéra national de Paris regroupe l’Opéra Garnier, l’Opéra Bastille, la 3e Scène, lieu de création numérique, l’École

OPÉRA MONDE / DOSSIER DÉCOUVERTE

38

6. INTERVIEW DU COMMISSAIRE DE L’EXPOSITION

STÉPHANE GHISLAIN ROUSSEL, COMMISSAIRE DE L’EXPOSITION

L’interdisciplinarité, l’opéra et le concept d’oeuvre d’art totale sont au coeur du travail de Stéphane Ghislain Roussel, qui, après des études de violon et de musicologie, mène une activité de chercheur, programmateur, commissaire d’exposition, dramaturge et metteur en scène. Il fonde en 2012 à Luxembourg la Compagnie Ghislain Roussel-PROJETEN, bureau de créations au sein duquel il développe des formes scéniques où les rapports entre musique, image et texte, dans leurs interactions avec le corps, s’expriment à la croisée de différentes disciplines. CENTRE POMPIDOU-METZ – Comment est née l’idée de cette exposition ? Est-elle inédite ? STÉPHANE GHISLAIN ROUSSEL – L’idée de cette exposition est née il y a vraiment longtemps, lorsque j’ai commencé ma carrière professionnelle aux côtés d’Emma Lavigne au Musée de la Musique à Paris. À l’époque, nous partagions déjà un grand intérêt pour l’interdisciplinarité et nous avions organisé ensemble une exposition consacrée aux dessins de Roland Topor pour Le Grand Macabre de György Ligeti (dont certains seront aussi présentés à Metz). Ce petit projet sur le lien entre l’opéra et les arts visuels proposait de montrer la façon dont un artiste pouvait s’emparer de l’univers lyrique. Le souhait de créer une grande exposition sur l’opéra et les arts visuels est toujours resté, avec une volonté de montrer comment l’opéra convoque toutes les disciplines artistiques à travers des esthétiques contrastées et semble répondre à un véritable désir de l’œuvre d’art totale. L’exposition Opéra Monde. La quête d’un art total a un caractère inédit, car c’est un sujet qui n’a jamais été abordé dans cette ampleur à l’occasion d’une grande exposition prenant pour focus l’art lyrique. Son parcours n’est volontairement pas chronologique et n’a pas vocation à être exhaustif. En fait, il est pensé comme un grand opéra, composé en actes, qui se déploient en plusieurs temps, avec tout d’abord une « Ouverture » dans le forum où est présenté un gigantesque King Kong de Małgorzata Szczęśniak (qui signe la scénographie de l’exposition) extrait de L’Affaire Makropoulos de Leoš Janáček. Différentes sections ou « scènes » s’enchaînent alors. La première « Ma peinture est ma scène » montre par exemple comment la peinture au prisme du décor se transforme peu à peu en scénographie, à travers le geste de grand(e)s artistes comme Natalia Gontcharova ou David Hockney. Ensuite, on poursuit au sein d’un parcours nous menant de la question de l’art total aux liens entre opéra et espace. Des œuvres clés comme La Flûte enchantée, grand chef-d’œuvre de l’opéra classique, puis des œuvres plus avant-gardistes comme Einstein on the Beach de Philip Glass ou Saint François d’Assise servent également de pôles. L’exposition s’ouvre alors plus encore sur la part politique de l’opéra, en montrant comment il est à la fois un lieu d’utopie et un terrain d’expression de messages engagés, comme c’est le cas avec le village opéra de l’artiste allemand Christoph Schlingensief (décédé en 2010) : ce lieu inauguré au Burkina Faso rassemble une salle de théâtre, un centre de santé et une école. Enfin, l’exposition se clôture sur une grande galerie explorant la place du corps dans ce spectacle total. CP-M – Qu’entendez-vous par le titre Opéra Monde ? SGR – On a tendance à penser que l’opéra n’est qu’une forme élitiste, totalement déconnectée d’enjeux sociétaux et politiques et ne s’adressant qu’à une infime portion

Page 39: OPÉRA MONDE · 2019-07-10 · Actuellement, l’Opéra national de Paris regroupe l’Opéra Garnier, l’Opéra Bastille, la 3e Scène, lieu de création numérique, l’École

OPÉRA MONDE / DOSSIER DÉCOUVERTE

39

de la population. Or, l’opéra lorsqu’il nait à la Renaissance italienne, a pour vocation de retrouver la puissance expressive de la tragédie antique – donc une œuvre capable de changer la société - au sein d’un profond humanisme. En ce sens, quand on voit l’évolution de l’opéra, il s’apparente à la fois à un divertissement mais aussi à un art qui se fait le miroir du monde, en convoquant des problématiques sociales et culturelles, des questions européennes ou encore, des enjeux géopolitiques. Un exemple phare étant l’opéra Intollerenza 1960 de Luigi Nono qui prend pour récit la destinée d’un réfugié. L’exposition tend à souligner ce versant engagé du genre lyrique. CP-M – Comment aborder la notion d’œuvre d’art totale dans l’exposition ? SGR – La question de l’oeuvre d’art totale est subtile, complexe et passionnante, parce qu’on la qualifie généralement d’utopie. Personnellement j’ai tendance à penser que c’est une forme qui peut exister, si tous les talents sont réunis. Elle se matérialise de façon plurielle dans l’exposition, notamment bien sûr avec l’œuvre de Richard Wagner qui a longuement théorisé ce concept qu’il appelait « l’œuvre d’art de l’avenir » et dans lequel il voyait un moyen de transformer l’individu et la société. Le problème est qu’il laissait à l’image une place ambigüe et même tout à fait secondaire. Or, quand on voit les expérimentations qui suivent avec les avant-gardes russes ou allemandes, l’image acquiert un tout nouveau statut. L’exposition montre comment cet art total prend des formes différentes, parfois monumentales ou plus intimistes, mais qui cherchent toujours une grande force expressive, en suscitant chez le visiteur de véritables chocs sensoriels. CP-M – Comment exposer cet art vivant ? SGR – L’opéra conjugue en symbiose tous les arts sur scène et s’inscrit avec le chant, dans une incroyable instantanéité, d’ailleurs les chanteurs d’opéra ne sont ni amplifiés ni en play-back. Il y a quelque chose de l’ordre du profondément vivant mais qui s’inscrit en même temps dans un lieu convoquant une autre temporalité, un temps suspendu. De l’esquisse préparatoire à la vidéo, en passant par le rideau de scène, le costume, l’installation immersive et bien sûr des enregistrements et des extraits de captations, l’exposition est pensée comme un véritable contrepoint interdisciplinaire, dans un rythme musical. Cette dynamique est fortement mise en valeur par le travail de Małgorzata Szczęśniak, extraordinaire scénographe d’opéra, chargée de créer l’architecture d’Opéra Monde. La quête d’un art total. CP-M – Quels sont les temps forts de la programmation associée à l’exposition ? SGR – La programmation associée de l’exposition émane directement de l’exposition et en fait partie intégrante. D’ailleurs, elle figure dans le catalogue de l’exposition comme une oeuvre à part entière, « un membre vivant ». Elle est faite de nombreux rendez-vous. Un des temps fort aura lieu les 30 novembre et 1er décembre 2019, durant un week-end de performances proposant, à travers des formes chorégraphiques, théâtrales ou filmiques, la rencontre sur scène entre deux genres inattendus et a priori antinomiques, l’opéra et la performance. Nous accueillons aussi la projection de River of Fundament de Matthew Barney. C’est la première fois que l’artiste accepte de présenter son film en dehors d’une salle de type Philharmonie. Nous présenterons en plein air, Le Vaisseau Fantôme de Shaun Gladwell, surfeur et artiste majeur en Australie qui a créé ce magnifique film, véritable voyage onirique, sur la musique de Richard Wagner. Il y a encore bien d’autres temps joyeux et festifs, notamment un très beau récital de l’Académie de l’Opéra de Paris, ou encore toute une série de rencontres, de débats et de discussions. En fin de calendrier, Bintou Dembélé, la chorégraphe qui collabore avec Clément Cogitore sur Les Indes galantes (opéra produit dans une mise en scène de Clément Cogitore à l’Opéra Bastille en septembre 2019) proposera un après-midi d’improvisations avec ses danseurs.

Page 40: OPÉRA MONDE · 2019-07-10 · Actuellement, l’Opéra national de Paris regroupe l’Opéra Garnier, l’Opéra Bastille, la 3e Scène, lieu de création numérique, l’École

OPÉRA MONDE / DOSSIER DÉCOUVERTE

40

7. LISTE DES CRÉATEURS PRÉSENTS Adolphe Appia (1862-1928) Matthew Barney (né en 1967) Pina Bausch (1940-2009) Ingmar Bergman (1918-2007) Christoph Brech (né en 1964) Max et Gotthold Brückner Berlinde De Bruyckere (née en 1964) Robert Carsen (né en 1954) Romeo Castellucci (née en 1960) Nina Childress (née en 1961) Giorgio de Chirico (1888-1978) Clément Cogitore (né en 1983) AloÏse Corbaz (1886-1964) Carl Emil Doepler (1824-1905) Michel Delluc (né en 1936) Ewald Dülberg (1888–1932) Federico Fellini (1920-1993) Achim Freyer (né en 1934) Eugène Frey (1863-1930) Natalia Gontcharova (1881-1962) Dominique Gonzalez-Foerster (née en 1965) Rodney Graham (né en 1949) Pieter van der Heyden (1530-1576) David Hockney (né en 1937) Derek Jarman (1942-1994) C.T. Jasper (né en 1971) Vassily Kandinsky (1866-1944) William Kentridge (né en 1955) Vergine Keaton (née en 1981) Anselm Kiefer (né en 1945)

Ernest Klausz (1898-1970) Paul Klee (1879-1940) Oskar Kokoschka (1886-1980) Guillermo Kuitca (né en 1961) Kasimir Malevitch (1879-1935) Joanna Malinowska (née en 1972) Julie Mehretu (née en 1970) Lucia Moholy (1894-1989) Laszlo Moholy-Nagy (1895-1946) John Murphy (né en 1945) Hermann Nitsch (né en 1938) Pier Paolo Pasolini (1922-1975) Renzo Piano (né en 1937) Alfred Roller (1864-1935) Anri Sala (né en 1974) August Sander (1876-1964) Karl Friedrich Schinkel (1781-1841) Karen Sargsyan (né en 1973) Christoph Schlingensief (1960-2010) Arnold Sch.nberg (1874-1951) Josef Svoboda (1920-2002) Małgorzata Szczęśniak (née en 1954) Grazia Toderi (née en 1963) Roland Topor (1938-1997) James Turrell (né en 1943) Emilio Vedova (1919-2006) Bill Viola (né en 1951) Wieland Wagner (1917-1966) Kara Walker (née en 1969) Robert Wilson (né en 1941)

Page 41: OPÉRA MONDE · 2019-07-10 · Actuellement, l’Opéra national de Paris regroupe l’Opéra Garnier, l’Opéra Bastille, la 3e Scène, lieu de création numérique, l’École

OPÉRA MONDE / DOSSIER DÉCOUVERTE

41

8. LISTE DES OPÉRAS PRÉSENTÉS

Wolfgang Amadeus Mozart Die Zauberflöte (La Flûte enchantée) Création au Theater auf der Wieden, Vienne, 1791 Nouvelle production au Théâtre royal de La Monnaie, Bruxelles, 2005 Mise en scène, décors et costumes : William Kentridge Vincenzo Bellini Norma Création mondiale au Teatro alla Scala, Milan, 1831 Nouvelle production au Teatro La Fenice, Venise, 2015 Mise en scène, décors et costumes : Kara Walker Hector Berlioz La Damnation de Faust Création mondiale en version de concert à l’Opéra-Comique, Paris, 1846 Nouvelle production au palais Garnier, Paris, 1933 Mise en scène : Pierre Chéreau Décors : Étienne Ret Décors par projection : Ernest Klausz Richard Wagner Tristan und Isolde (Tristan et Isolde) Création au Königliches Hoftheater, Munich, 1865 Nouvelle production à l’Opéra Bastille, Paris, 2005 Mise en scène : Peter Sellars Vidéo : Bill Viola Claude Debussy Pelléas et Mélisande Création de l’Opéra-Comique, Paris, 30 avril 1902 Nouvelle production au palais Garnier, Paris, 1997 Mise en scène et scénographie : Robert Wilson Nikolaï Rimsky-Korsakov Le Coq d’or Création au théâtre Solodovnikov, Moscou, 1909 Nouvelle production (version opéra-ballet des Ballets russes de Serge de Diaghilev) au palais Garnier, Paris, 1914

Chorégraphie et mise en scène : Michel Fokine Décors et costumes : Natalia Gontcharova Arnold Schönberg Die Gluckliche Hand (La Main heureuse) Création au Volksoper de Vienne, 1924 Mise en scène : Josef Turnau Décors : Eugen Steinhof Moses und Aron (Moïse et Aaron) Création en version concert à la Hamburger Musikhalle, Hambourg, 1954 Nouvelle production à l’Opéra Bastille, Paris, 2015 Mise en scène, décors, costumes et lumières : Romeo Castellucci Igor Stravinsky The Rake’s Progress (La Carrière d‘un Roué) Création au Teatro La Fenice, Venise, 1951 Nouvelle production à Glyndebourne, Lewes, 21 juin 1975 (Glyndebourne Opera Festival) Mise en scène : John Cox Décors et costumes : David Hockney Luigi Nono Intolleranza 1960 Création mondiale (en italien) au Teatro La Fenice, Venise, 1961 Mise en scène : Václav Kašlík Décors et costumes : Emilio Vedova Dispositif scénographpique : Josef Svoboda Luigi Nono Prometeo. Tragedia dell‘ascolto Création mondiale (première version) à l’église de San Lorenzo, Venise, 1984 Conception de l’espace sonore : Renzo Piano Philip Glass & Robert Wilson Einstein on the Beach Création mondiale au Théâtre municipal d’Avignon, 1976 Musique : Philip Glass Mise en scène, décors et lumières : Robert Wilson Chorégraphie : Lucinda Childs et Andrew De Groat

Page 42: OPÉRA MONDE · 2019-07-10 · Actuellement, l’Opéra national de Paris regroupe l’Opéra Garnier, l’Opéra Bastille, la 3e Scène, lieu de création numérique, l’École

OPÉRA MONDE / DOSSIER DÉCOUVERTE

42

György Ligeti Le Grand Macabre Création à l’Opéra royal de Stockholm, 12 avril 1978 Nouvelle production au Teatro Comunale di Bologna, 1979 Mise en scène : Giorgio Pressburger Décors et costumes : Roland Topor Olivier Messiaen Saint François d’Assise Création au palais Garnier, Paris, 1983 Nouvelle production au Nationaltheater, Munich, 2011 Mise en scène, scénographie, décors et costumes :

Hermann Nitsch Pascal Dusapin To Be Sung Création mondiale au théâtre des Amandiers, Nanterre, 1994 Mise en scène : Pascal Dusapin Installation et scénographie : James Turrell Kaija Saariaho Only the Sound Remains Création mondiale au De Nationale Opera, Amsterdam, 2016 Mise en scène : Peter Sellars Décors : Julie Mehretu

Page 43: OPÉRA MONDE · 2019-07-10 · Actuellement, l’Opéra national de Paris regroupe l’Opéra Garnier, l’Opéra Bastille, la 3e Scène, lieu de création numérique, l’École

OPÉRA MONDE / DOSSIER DÉCOUVERTE

43

RÉSUMÉ DES LIVRETS L’Affaire Makropoulos de Leos Janacek Création au Théâtre national de Brno, 1926 À Prague au début du siècle, un procès opposant les familles Gregor et Prus depuis plusieurs générations intéresse beaucoup Emilia Marty, fascinante cantatrice à la fois cynique et infiniment séduisante. À l’issue de l’opéra, il apparaîtra qu’Emilia Marty, de son vrai nom Elina Makropoulos, a bu un élixir de longévité dans son enfance et qu’elle est âgée de… 337 ans ! Usée et fatiguée, elle se laissera finalement mourir. Am Anfang de Jörg Widmann Création à l’Opéra Bastille, Paris, 2009 Ultime commande de Gerard Mortier pour célébrer les 20 ans de l’Opéra Bastille, Au commencement est une « installation-spectacle » conçue par Anselm Kieffer à partir d l’Ancien Testament. Le livret relate l’histoire de l’errance du peuple juif dispersé, tout en faisant écho aux femmes de ruines, qui ont déblayé les gravats des villes bombardées à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Le Château de Barbe-Bleue de Bela Bartok Création à l’Opéra d’État hongrois, Budapest, 1918 Barbe-Bleue fait pénétrer sa nouvelle épouse Judith dans son château aux sept portes mystérieuses. Elle en réclame les clés une à une, décidée à mettre à jour les moindres recoins de l’âme de son époux. Derrière la porte, elle découvre les trois précédentes femmes de ce dernier et les rejoint dans l’obscurité. Les Contes d’Hoffmann de Jacques Offenbach Création a l’Opéra-Comique, Paris, 1881 Le poète Hoffmann, ami de la bouteille et amant de Stella, raconte ses trois amours malheureuses qui prennent l’apparence de trois contes fantastiques : celui d’Olympia, la poupée ; celui d’Antonia, la virtuose qui meurt de chanter ; celui de Giulietta, la courtisane voleuse de reflets. Le Coq d’or de Nikolaï Rimsky-Korsakov Création au théâtre Solodovnikov, Moscou, 1909 Le dernier conte en vers d’Alexandre Pouchkine, écrit en 1834, est une satire du régime tsariste. Personnage tyrannique, fainéant et bon vivant, le tsar Dodon promet une récompense à l’astrologue en échange de sa protection, grâce à son coq doué de visions prophétiques. Le roi trahit sa parole et tue le mage, vengé par l’animal qui chante dans la dernière scène la mort du tsar. La Damnation de Faust d’Hector Berlioz Création a l’Opéra de Monte-Carlo, Monaco, 1893 De retour d’une promenade empreinte de rêverie sur les plateaux de Hongrie, le docteur Faust décide de mettre fin à ses jours. Méphistophélès surgit alors et lui propose de le suivre dans une taverne de Leipzig avant que la jeune Marguerite ne lui apparaisse en songe. Idylle. Puis abandon. Faust se voit précipité dans un Enfer dantesque, tandis que Marguerite entre au Paradis. Einstein on the Beach de Philip Glass et Robert Wilson Création au théâtre municipal d’Avignon, 1976

Page 44: OPÉRA MONDE · 2019-07-10 · Actuellement, l’Opéra national de Paris regroupe l’Opéra Garnier, l’Opéra Bastille, la 3e Scène, lieu de création numérique, l’École

OPÉRA MONDE / DOSSIER DÉCOUVERTE

44

Le livret d’Einstein on the Beach, centré sur la figure d’Albert Einstein, n’est pas inspiré d’une œuvre littéraire mais basé sur une structure décomposée en sections d’égales durées. De cette partition temporelle émergent trois thèmes – le train, le tribunal et l’engin spatial au-dessus d’un champ – à partir desquels Philip Glass a composé la musique. Der fliegende Holländer (Le Vaisseau fantôme) de Richard Wagner Creation au Hofoper, Dresde, 1843 Condamné à une errance éternelle tant qu’une femme ne lui aura pas juré fidélité, le Hollandais volant rencontre Senta, qui l’attendait avec exaltation. Un tragique malentendu précipitera leur sort. Die glückliche Hand (La Main heureuse) d’Arnold Schönberg Creation au Volksoper de Vienne, 1924 La Main heureuse est un « drame avec musique » expressionniste en quatre tableaux, dont le livret, la musique, les premières esquisses scéniques et la lumière sont imaginés par Arnold Schönberg. Le personnage de l’homme, incarnation du génie créateur, est confronté au dilemme entre son amour charnel pour la femme et son don artistique et spirituel supérieur, le plongeant dans un profond désespoir. Le Grand Macabre de Gyorgy Ligeti Creation a l’Opera royal de Stockholm, 1978 Le Grand Macabre n’est autre que Necrotzar, qui surgit d’un tombeau et proclame la mort de tous les habitants de Breughelland. Après plusieurs scènes tragi-comiques illustrant ce bizarre Jugement dernier, il semble que personne ne soit vraiment mort. Et Necrotzar disparaît. Les Indes galantes de Jean-Philippe Rameau Création a l’Académie royale de musique, théâtre du Palais-Royal, Paris, 1736 Au prologue, la déesse Hébé invite la jeunesse de tous les pays à chanter l’Amour plutôt que la belliqueuse Bellone. Suivent quatre courtes intrigues illustrant les victoires de l’Amour en Turquie, au Pérou, en Perse, et chez les Indiens d’Amérique. Intolleranza 1960 de Luigi Nono Création au Teatro La Fenice, Venise, 1961 L’opéra en deux actes et dix scènes raconte le destin tragique d’un mineur immigré à Paris, la violence, tant sociale, politique, religieuse et symbolique, qu’il subit au quotidien, jusqu’à sa noyade dans la Seine. Iphigénie en Tauride de Christoph Willibald von Gluck Création a l’Académie royale de musique, théâtre du Palais-Royal, Paris, 1779 Afin de pouvoir faire voile sur Troie, Agamemnon a dû sacrifier sa fille Iphigénie. Mais celle-ci a été sauvée par la déesse Diane, qui a transporté la jeune femme sur les lointains rivages scythes afin d’en faire une prêtresse. Là, Iphigénie est contrainte d’immoler les étrangers importuns. Or voici que son frère Oreste débarque avec son ami Pylade. Elle ne les reconnaît pas et décide d’épargner l’un d’entre eux… Lady Macbeth de Mzensk de Dmitri Chostakovitch Création au théâtre Maly, Saint-Pétersbourg, 1934

Page 45: OPÉRA MONDE · 2019-07-10 · Actuellement, l’Opéra national de Paris regroupe l’Opéra Garnier, l’Opéra Bastille, la 3e Scène, lieu de création numérique, l’École

OPÉRA MONDE / DOSSIER DÉCOUVERTE

45

Belle mais sans dot, Katerina épouse Zinovy Ismaïlov, riche marchand qu’elle trompe avec le commis Sergueï. Quand son beau-père Boris surprend le couple adultère, elle l’empoisonne, puis tue son mari pour convoler avec son amant. Ils sont arrêtés et déportés. Quand Sergueï tourne ses regards vers une autre, Katerina précipite sa rivale dans un fleuve et se noie avec elle. Lulu d’Alban Berg Création (en trois actes) au palais Garnier, Paris, 1979 L’insaisissable Lulu provoque la perte de tous les hommes qui la désirent : après la mort du professeur de médecine (rôle muet) et du peintre, son protecteur, le Dr Schön, l’épouse et lui assure une vie de luxe. Elle le tuera cependant, avant d’entraîner Alwa et la comtesse Geschwitz dans sa perte. À l’ascension fait suite la déchéance. Devenue putain, Lulu se fait assassiner par Jack l’Éventreur. Moses und Aron (Moïse et Aaron) d’Arnold Schönberg Création au Stadttheater de Zurich, 1957 Dieu, invisible et irreprésentable, parle à Moïse (rôle parlé). Mais c’est Aaron qui transmet sa parole au peuple juif, car il a le don d’éloquence. Échouant toutefois à convaincre la foule de l‘existence du Dieu unique, Aaron restaure les idoles. On danse autour du Veau d’or. Et Moïse ne peut que s’effondrer en invoquant ce « mot qui [lui] manque ». Norma de Vincenzo Bellini Création au Teatro alla Scala, Milan, 1831 Grande prêtresse gauloise, Norma a pactisé avec l’ennemi : elle a eu deux enfants avec l’officier romain Pollione. Lorsqu’elle apprend que ce dernier la délaisse pour une autre prêtresse, la jeune Adalgisa, Norma se fait aussi menaçante que Médée… Mais elle finira par avouer sa faute et se sacrifiera avec Pollione. Only the Sound Remains de Kaija Saariaho Création au De Nationale Opera, Amsterdam, 2016 Inspiré de deux pièces du théâtre nô japonais, Tsunemasa et Hagoromo, l’opéra est composé de deux parties, Always Strong et Feather Mantle. En échange d’une danse, un pêcheur consent a restituer a un ange son manteau de plumes, qu’il a trouvé sur la plage. Satisfaite, la créature celeste s’envole dans la brume du mont Fuji, rejouant le départ du fantôme de Tsunemasa. L’Orfeo de Claudio Monteverdi Création au Palazzo Ducale, Mantoue, 1607 Chanteur capable de faire pleurer les pierres, Orphée a épousé Eurydice. La jeune femme meurt, mordue par un serpent. Orphée part la chercher aux Enfers où ses chants charment le passeur Caron et Pluton, roi du sinistre séjour. Orphée pourra ramener Eurydice à la surface de la terre, à condition de ne pas se retourner. Il échoue et rejoint son père Apollon. Parsifal de Richard Wagner Création au Bühnenfestspielhaus Bayreuth, 1882 Le royaume de Montsalvat se morfond depuis que le roi Amfortas s’est fait dérober la Sainte Lance, l’arme qui perça le flanc du Christ, protégée par les chevaliers du Graal. Parsifal, surnommé le « chaste fol », survient alors comme une lueur d’espoir mais ne sait en fait rien du monde. Égaré dans le jardin maléfique de Klingsor, il résistera aux

Page 46: OPÉRA MONDE · 2019-07-10 · Actuellement, l’Opéra national de Paris regroupe l’Opéra Garnier, l’Opéra Bastille, la 3e Scène, lieu de création numérique, l’École

OPÉRA MONDE / DOSSIER DÉCOUVERTE

46

charmes de Kundry et traversera plusieurs épreuves avant de ramener la relique sacrée à Montsalvat et de devenir le héros salvateur. Pelléas et Mélisande de Claude Debussy Création a l’Opéra-Comique, Paris, 1902 Perdu dans la forêt, le prince Golaud rencontre « une petite fille qui pleure au bord de l’eau ». Il l’épouse et la ramène dans le royaume vieillissant d’Allemonde. Mais cette Mélisande aux longs cheveux et au regard triste suscite le trouble de Pelléas, le demi-frère de Golaud. Ils s’aimeront à demi-mot, mourront à mi-voix. Et Golaud se consumera de ne pouvoir dire « la vérité ». Penthesilea de Pascal Dusapin Création au théâtre royal de la Monnaie, Bruxelles, 2015 Pour son septième opéra, Pascal Dusapin interprète librement la tragédie romantique d’Heinrich von Kleist, qui interroge l’impossibilité de concilier devoir et passion. Penthésilée, la reine des Amazones – dont la loi interdit toute relation avec un homme à l’exception de la procréation – s’éprend du héros de la guerre de Troie, Achille. Troublée par son désir, elle finit par le dévorer dans un acte symbolique d’une violence inouïe. Prometeo. Tragedia dell’ascolto de Luigi Nono Création a l’église San Lorenzo, Venise, 1984 Basée sur un corpus de textes réunis par Massimo Cacciari – de Prométhée enchaîné d’Eschyle à l’essai de Walter Benjamin Sur le concept d’histoire –, la composition de Luigi Nono est une succession d’îlots sonores alliant musique électronique et sons de la nature. L’œuvre, libérée de toute narration, ne donne rien à voir, au contraire d’un opéra traditionnel, pour se concentrer uniquement sur une « tragédie de l’écoute ». I Puritani (Les Puritains) de Vincenzo Bellini Création au Théâtre-Italien, Paris, 1835 Dans l’Angleterre du XVIIe siècle, les partisans des Cromwell (les Puritains) s’opposent à ceux des Stuart. Au cœur de cette histoire complexe, sir Arthur, sur le point d’épouser Elvira, entreprend de libérer la reine Henriette qu’il dissimule sous le voile de sa fiancée. Se méprenant sur son geste, Elvira se croit trompée et en perd la raison pendant deux actes, puis la recouvre juste à temps pour le happy end. The Rake’s Progress (La Carrière d’un Roué) d’Igor Stravinsky Creation au Teatro La Fenice, Venise, 1951 Tom Rakewell aime Ann Trulove. Mais voilà Nick Shadow, personnage diabolique avec lequel Tom conclut un pacte. Sa « carrière de libertin » commence. De bordel en asile, Tom épouse Baba la Turque, rêve de gloire, pense devenir riche en inventant une machine qui transforme la pierre en pain… Il finira ses jours dans un asile d’aliénés, où la fidèle Ann viendra le bercer. Das Rheingold (L’Or du Rhin) de Richard Wagner Création au Nationaltheater, Munich, 1869 Prologue de L’Anneau du Nibelung ou Tétralogie, L’Or du Rhin raconte le vol de l’or, puis comment Wotan, chef des dieux, dérobe à son tour l’anneau d’Alberich afin de payer le luxueux palais (baptisé « Walhalla ») qu’il a commandé à des géants constructeurs pour asseoir sa suprématie. Mais Alberich se rebiffe. Dépouillé de l’anneau, il maudit ceux qui le porteront.

Page 47: OPÉRA MONDE · 2019-07-10 · Actuellement, l’Opéra national de Paris regroupe l’Opéra Garnier, l’Opéra Bastille, la 3e Scène, lieu de création numérique, l’École

OPÉRA MONDE / DOSSIER DÉCOUVERTE

47

Rusalka d’Antonin Dvorak Creation au Theâtre national de Prague, 1901 Cousine de la Petite Sirène, Rusalka est une nymphe des eaux qui rêve de devenir humaine afin d’épouser un prince. La sorcière Jezibaba exauce son vœu. Faite femme, Rusalka doit rester muette. Le prince sera d’autant plus facilement détourné d’elle par une perfide princesse étrangère. L’ondine retourne alors dans son lac, rejointe dans la mort par le prince repenti. Saint François d’Assise d’Olivier Messiaen Création au palais Garnier, Paris, 1983 Huit scènes indépendantes les unes des autres retracent l’existence de saint François d’Assise, sa rencontre avec le lépreux, son dialogue avec l’ange musicien, son prêche aux oiseaux et les stigmates qui apparaissent au moment de sa mort. To Be Sung de Pascal Dusapin Création au théâtre des Amandiers, Nanterre, 1994 To Be Sung est inspiré d’un texte, A Lyrical Opera Made by Two [Un opéra lyrique fait à deux], écrit par Gertrude Stein en 1928 pour l’anniversaire de son union avec Alice B. Toklas. Le livret au style « anti-narratif », ouvertement érotique et autobiographique, est transposé par Pascal Dusapin en un spectacle poétique, musical et visuel. Tristan und Isolde (Tristan et Isolde) de Richard Wagner Création au Königliches Hoftheater, Munich, 1865 Isolde et Tristan se sont pris d’une irrépressible passion l’un pour l’autre. Aussi, lorsque Tristan vient chercher Isolde pour la marier à son ami le roi Marke, est-elle décidée à boire avec lui un philtre de mort. Mais sa servante Brangaine leur tend à la place un philtre d’amour. Dès lors, Tristan et Isolde trouvent refuge dans la nuit amie pour s’aimer… Jusqu’à ce que la « mort d’amour » vienne les libérer. La Victoire sur le soleil de Mikhaïl Matiouchine Création au théâtre Luna-Park de Saint-Petersbourg, 1913 La Victoire sur le soleil raconte la lutte symbolique des « aveniristes » contre les valeurs artistiques du passé – la beauté, la raison, la représentation figurative – incarnées par le soleil. À rebours de toute narration linéaire, le livret écrit en zaoum est caractérisé par l’absence de ponctuation et l’énumération de mots choisis pour leur sonorité indépendamment de leur sens. Die Walküre (La Walkyrie) de Richard Wagner Création au Nationaltheater, Munich, 1870 Première journée de L’Anneau du Nibelung ou Tétralogie, La Walkyrie montre comment Wotan se retrouve prisonnier de ses contradictions. Il rêve de donner naissance à un homme libre, seul, capable de récupérer l’anneau : ce sera Siegmund. Mais ce dernier se rend coupable d’adultère et d’inceste avec sa sœur jumelle Sieglinde. Enferré dans ses propres lois, Wotan se voit contraint de le tuer. Brünnhilde, sa préférée parmi les belliqueuses Walkyries qu’il a engendrées avec la déesse de la Terre, se rebelle. En guise de punition, elle est condamnée à perdre sa nature immortelle et à attendre, sur un rocher bordé de flammes, qu’un mortel vienne l’éveiller. Die Zauberflöte (La Flûte enchantée) de Wolfgang Amadeus Mozart Création au Theater auf der Wieden, Vienne, 1791

Page 48: OPÉRA MONDE · 2019-07-10 · Actuellement, l’Opéra national de Paris regroupe l’Opéra Garnier, l’Opéra Bastille, la 3e Scène, lieu de création numérique, l’École

OPÉRA MONDE / DOSSIER DÉCOUVERTE

48

Le prince Tamino a promis à la Reine de la Nuit d’aller délivrer sa fille Pamina dont il est tombé amoureux et qui a été enlevée par Sarastro. Dans le royaume de ce dernier, le prince sera confronté à d’étranges épreuves au terme desquelles il obtiendra la main de Pamina. Son compagnon, l’oiseleur Papageno, y trouvera aussi une Papagena. La plupart des résumés ont été repris ou adaptés de L’Opéra mode d’emploi, numéro spécial de L’Avant-Scène Opéra sous la direction d’Alain Perroux, publié en 2015.

Page 49: OPÉRA MONDE · 2019-07-10 · Actuellement, l’Opéra national de Paris regroupe l’Opéra Garnier, l’Opéra Bastille, la 3e Scène, lieu de création numérique, l’École

OPÉRA MONDE / DOSSIER DÉCOUVERTE

49

9. ATELIERS POUR LES SCOLAIRES

DE LA GRANDE SECTION MATERNELLE À LA 5ÈME OPERA DE PAPIER KARINE MAINCENT 22.06 > 04.11

« Opéra ». Beaucoup d’enfants n’ont jamais entendu ce mot. Pour d’autres, il fait référence à un univers à la fois magique et intimidant… et à quelques idées reçues. En traitant à la fois la question du costume, du décor et de l’architecture souvent spectaculaire des opéras du monde, ces ateliers pluridisciplinaires dévoileront aux enfants les coulisses de cette incroyable machine à rêver. Le temps d’un atelier, ils pourront s’emparer de cet art total en créant leur propre opéra de papier. Un opéra imaginaire, humoristique, décalé, farfelu, futuriste, un opéra digne des plus grandsdu monde... à hauteur d’enfant ! Pour accueillir ces opéras de papier, l’artiste Karine Maincent a imaginé un écrin inspiré notamment par les œuvres de Kara Walker, Natalia Gontcharova ou encore Karen Sargsyan qui sont présentées dans l’exposition Opéra-Monde. Avant de passer à la pratique, les enfants découvriront les différents corps de métiers qui font de ces opéras des espaces de liberté où se mêlent féérie et créativité. Chacun pourra ensuite se glisser dans la peau d’un metteur en scène, costumier, ou encore décorateur en prenant part à différentes activités autour du costume d’une part et des décors d’autre part. Ils devront à leur tour imaginer un univers inédit avant de donner vie à leur propre opéra, sous la forme d’un petit théâtre de papier qui s’animera progressivement. Ils prendront alors part au processus créatif qui démarre avec la création des costumes et des premières maquettes des décors et s’achève avec la représentation. Les ateliers-visites comportent une heure de visite et une heure d’atelier, la visite de l’exposition s’attachant à explorer le monde de l’opéra, en éveillant les élèves à des ambiances sonores et visuelles.

Page 50: OPÉRA MONDE · 2019-07-10 · Actuellement, l’Opéra national de Paris regroupe l’Opéra Garnier, l’Opéra Bastille, la 3e Scène, lieu de création numérique, l’École

OPÉRA MONDE / DOSSIER DÉCOUVERTE

50

POUR LE PUBLIC SCOLAIRE LUNDI+JEUDI+VENDREDI De la maternelle grande section à la cinquième De 10 :00 à 12 :00 De 13 :00 à 15 :00 2h / 100€ pour un groupe de 30 élèves maximum Pour réserver :

- par Internet www.centrepompidou-metz.fr / Billetterie en ligne - par mél en écrivant à [email protected] - par téléphone au 03 87 15 17 17 du lundi au vendredi et hors jours fériés

POUR LE PUBLIC INDIVIDUEL SAMEDI+DIMANCHE+JOUR FERIÉ (sauf le 1er mai) 5-7 ans : 11 :00 8-12 ans : 15 :00 1h30 / 5€ Inscriptions en ligne et sur place (sous réserve des places disponibles) Horaires supplémentaires pendant les vacances scolaires de la zone B : pour les 5-7 ans : MER. – 15:00 pour les 8-12 ans : LUN. + JEU. + VEN. - 15:00

Page 51: OPÉRA MONDE · 2019-07-10 · Actuellement, l’Opéra national de Paris regroupe l’Opéra Garnier, l’Opéra Bastille, la 3e Scène, lieu de création numérique, l’École

OPÉRA MONDE / DOSSIER DÉCOUVERTE

51

10.INFORMATIONS PRATIQUES OFFRES POUR LE PUBLIC SCOLAIRE Atelier-visite Les ateliers-visites sont spécifiquement adaptés aux 5-12 ans et se déroulent dans des espaces dédiés, ludiques et colorés et dans les lieux d’exposition (2h). Visite guidée La visite est animée par un médiateur Jeune Public qui crée une interaction ludique entre l’élève et l’œuvre : les thématiques des visites sont liées aux expositions en cours, ou à l'architecture du Centre Pompidou-Metz (1h30). Des visites autonomes sont possibles. Des outils de transmission sont mis à la disposition des professeurs pour préparer leur venue (dossiers découverte, livrets pour les élèves). ACCUEIL AU QUOTIDIEN Le Centre Pompidou-Metz accueille les groupes les lundi, mercredi, jeudi et vendredi. RÉSERVATIONS Période de réservation

Il est possible de réserver des créneaux scolaires tout au long de l’année. Les réservations scolaires sont ouvertes au public scolaire depuis le 12 juin 2019 pour la période du 1er juillet au 31 décembre 2019, il est donc possible de réserver des créneaux de visites ou d’ateliers-visites pour cette période.

Les réservations scolaires ouvriront le 11 décembre 2019 pour la période du 7 janvier au 3 juillet 2020.

Modes de réservation

- par Internet www.centrepompidou-metz.fr / Billetterie en ligne - par mél en écrivant à [email protected] - par téléphone au 03 87 15 17 17 du lundi au vendredi et hors jours fériés

Pour toute réservation à J-20, seul le mode de réservation par téléphone sera pris en compte. Pour les maternelles, les réservations se font uniquement par mél ou par téléphone. TARIFS

- Visite guidée d’une heure trente pour une classe de 35 élèves maximum, 70 € - Atelier/visite de deux heures pour une classe de 30 élèves maximum, 100 € - Visite en autonomie d’une heure pour une classe de 35 élèves maximum, gratuit

Page 52: OPÉRA MONDE · 2019-07-10 · Actuellement, l’Opéra national de Paris regroupe l’Opéra Garnier, l’Opéra Bastille, la 3e Scène, lieu de création numérique, l’École

OPÉRA MONDE / DOSSIER DÉCOUVERTE

52

HORAIRES (HORS PERIODE DE VACANCES SCOLAIRES DE LA ZONE B) Les lundi, jeudi et vendredi, les horaires sont les suivants : Matin : créneaux avec Médiateurs Jeune Public entre 10h et 12h Après-midi : créneaux avec Médiateurs Jeune Public entre 13h et 16h

En plus du public scolaire, le mercredi est réservé aux publics spécialisés, aux centres aérés. Pour toute information, nous sommes à votre disposition au 03 87 15 17 17. POUR ALLER PLUS LOIN LES WORKSHOPS Depuis son ouverture, le Centre Pompidou-Metz développe des actions d’éducation artistique et culturelle de la maternelle à la terminale. Pour tout renseignement, envoyer un mél à Anne Oster, chargée de médiation et des actions éducatives : [email protected] / 03 87 15 39 84 RESSOURCES PROFESSEURS RELAIS

Des formations personnalisées sont dispensées par les professeurs relais, sur rendez-vous les mercredis.

Pour tout renseignement s'adresser à [email protected]

OUTILS Le Centre Pompidou-Metz développe des outils de découverte, en étroite collaboration avec des professeurs missionnés par l'Education Nationale. Ces outils sont mis à disposition pour préparer ou approfondir la visite. Il est possible de les consulter sur le site : http://www.centrepompidou-metz.fr/dossiers ACCESSIBILITE OU « L’ART DE PARTAGER » Pour un partenariat enseignement spécialisé et champ social avec accueil adapté, merci de contacter Jules Coly [email protected] (visites et ateliers gratuits sur signature d’une convention).

Page 53: OPÉRA MONDE · 2019-07-10 · Actuellement, l’Opéra national de Paris regroupe l’Opéra Garnier, l’Opéra Bastille, la 3e Scène, lieu de création numérique, l’École

OPÉRA MONDE / DOSSIER DÉCOUVERTE

53

NOTES

Ce document a été réalisé par le pôle des Publics et de la Communication du Centre Pompidou-Metz.

Il est réservé exclusivement à une utilisation dans un cadre pédagogique