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La réussite éducative à l’épreuve du terrain Repères pour Agir Institut Régional de la Ville (IREV) Nord Pas-de-Calais n°1 (oct. 2007)

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La réussite éducative à l’épreuve du terrain

Repères pour Agir

Institut Régional de la Ville (IREV) Nord Pas-de-Calais

n°1 (oct. 2007)

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Repères pour agir_n°1 IREV

Sommaire

Préface 04

Avant-propos 06

Se donner des repères… pour aborder la réussite éducative au-delà du dispositif 06

Rencontres, cycle de qualification, séminaires… la matière constitutive des repères 06

Les paris de la réussite éducative 08

Les cartes « maîtresses » de la réussite éducative 11

Un atout emblématique du plan de cohésion sociale 11

La toile de fond 12

Un nouveau jeu à construire, des conditions à réunir 13

Parole d’expert : Michèle Guigue Dépasser nos propres obstacles, une condition à toute démarche projet 15

Quelle est la plus-value potentielle du Dispositif de Réussite Éducative ? Les hypothèses des acteurs 17

Diagnostiquer, repérer : comprendre pour agir 18

Constats et points d’analyse 21

Expérience : Tourcoing Organiser le repérage autour de « prescripteurs habilités » 24

Parole d’expert : Dominique Glasman Articuler les points de vue pour comprendre les processus de fragilisation 25

Points de vigilance et recommandations 26

Projets, actions, parcours… construire une offre qui fasse sens 28

Constats et points d’analyse 31

Expérience : Le Portel Partir de l’offre, une opportunité pour agir rapidement et répondre aux enjeux éducatifs diagnostiqués localement 34

Parole d’expert : Dominique Glasman Bâtir une offre adaptée 35

Points de vigilance et recommandations 36

Accompagner les enfants et leurs familles au changement 38

Constats et points d’analyse 41

Expérience : Le café des parents à Lambersart Accompagner les parents dans leur fonction éducative en dehors de tout rapport de culpabilité 44

Parole d’expert : Dominique Glasman Le rapport aux familles : un enjeu politique et éthique 46

Points de vigilance et recommandations 47

Quel partenariat interinstitutionnel autour de la réussite éducative ? 50Constats et points d’analyse 53

Photographie des positionnements institutionnels en Nord Pas-de-Calais 54

Expérience : Département du Pas-de-Calais La charte pour la mise en œuvre du programme de réussite éducative 57

Parole d’expert : Élisabeth Charlon Refuser l’inacceptable comme principe d’action 58

Coopération opérationnelle et système d’acteurs 60

Constats et points d’analyse 63

Parole d’expert : Dominique Glasman Identités professionnelles, distribution des rôles, responsabilité… 68

Points de vigilance et recommandations 69

Quelle évaluation pour la réussite éducative ? 73

La notion de plus-value, une entrée transversale pour l’évaluation 73

Principes et rappels méthodologiques 74

Quelques questions évaluatives incontournables pour les Projets de Réussite Éducative 74

Conclusion 76

Ce que nous apprend la réussite éducative 76

Ressources 78

Témoignages, points de débat et pratiques d’acteurs 79

Bibliographie 98

08

18 28

38

50

60

Vous retrouverez ces pictos tout au long du livre :

travail collectif expérience parole d’expert progression

La réussite éducative à l’épreuve du terrain

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04 La réussite éducative à l’épreuve du terrain

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Repères pour agir_n°1 IREV

préface

C’est le cas depuis deux ans dans le Nord Pas-de-Calais, mais aussi dans bien d’autres régions : la mise en place de la Réussite Éducative a mobilisé intensément un grand

nombre et une grande diversité d’acteurs. Ils y croient, ils veulent y croire et voir là une chance pour des enfants et des adolescents désignés comme « fragiles ». Cette mobilisation est à la fois intel-lectuelle (quels diagnostics porter, comment analyser les « fragi-lités » ?), éthique (comment agir en respectant les personnes et l’intimité des familles ?), et pratique (que faire, avec qui coopérer, comment faire du « suivi individualisé » ?). Même s’ils ne sont pas à négliger, ce n’est ni d’abord ni essentiellement l’ampleur des moyens alloués qui met en mouvement autant d’acteurs.

Cette mobilisation oblige les responsables politiques, au plus haut niveau. D’une part, pour l’action à court terme, il y a une attente de continuité des moyens, malgré les changements au sommet de l’État. D’autre part, à terme plus lointain, une attente de cohé-rence : peut-on continuer à alimenter, par des mesures diverses concernant le logement, l’emploi, la santé, l’école, le vivier des enfants fragilisés par leurs conditions d’existence, qui constituent la cible de la Réussite Éducative, et pour lesquels ces acteurs divers s’efforcent d’agir ?

Ce qui donne ou donnera son sens réel à la Réussite Éducative, c’est au moins autant le contexte global des politiques dans le-quel elle s’inscrit que ce qui se fait dans le cadre de ce dispositif. Elle peut représenter une ressource pour surmonter les effets, sur chaque enfant ou adolescent, des situations de pauvreté, de pré-carité ou d’exclusion, que les politiques mises en œuvre cherchent à combattre. Elle peut, aussi, n’être qu’un leurre, si elle consiste à faire croire que c’est en agissant au niveau des individus que l’on viendra à bout de leurs situations produites par le fonctionnement des marchés de l’emploi, du logement, et les décisions politiques en matière éducative ou sanitaire. Or, tout cela ne dépend pas d’abord des acteurs de terrain mobilisés dans le Programme de Réussite Éducative.

Façon de dire que le document présenté ici est à la fois utile pour nourrir et entretenir la mobilisation, et que, comme on le lit en clair ou en filigrane dans de nombreux passages, c’est non seulement dans les sites de Réussite Éducative mais également bien ailleurs que se jouent son efficience et sa signification.

Dominique Glasman Professeur de Sociologie, Université de Savoie

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06 La réussite éducative à l’épreuve du terrain

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Repères pour agir_n°1 IREV

Fiche : Cycle de qualification « réussite éducative » 2006

Objectifs poursuivis

– Accompagner et qualifier les acteurs engagés dans les Projets de Réussite Éducative en Région Nord Pas-de-Calais.

– Construire collectivement, et à partir de la mise en œu-vre des projets un ensemble de repères communs qui sont autant de questions essentielles et concrètes pour répondre à l’enjeu que représente l’accompagnement des jeunes en difficulté et de leurs familles.

Une démarche en 3 étapes :

Étape 1 : état des lieux collectif (18 mai 2006)

Cette première journée a permis de dresser un état de situation de la mise en œuvre des projets sur la Région.

Étape 2 : la co-construction de repères communs (8 journées d’ateliers)

Ces 8 journées d’ateliers ont permis d’aborder, à l’épreu-ve de la mise en œuvre et en partant de l’expérience des participants, 4 questions « clés » :– la construction et l’utilisation de diagnostics locaux ;– les modes de fonctionnement et la coopération ; – la construction de l’offre, les actions ;– l’articulation et la mobilisation des autres dispositifs.

Co-animés par l’IREV et le COPAS (Jean-Bernard Dumortier), ils ont rassemblé 16 communes : – 9 pour le Nord (sur 27 en Dispositif de Réussite

Éducative, soit 1 sur 3) ;– 7 pour le Pas-de-Calais (sur 18 en Dispositif de

Réussite Éducative, soit 40 %).

75% des participants à ces journées étaient des coor-donnateurs, 12,5% des chefs de projet Politique de la Ville (notamment des EPCI).

Étape 3 : temps de synthèse et de restitution (Journée régionale du 5 décembre 2006)

Intitulée « L’accompagnement des jeunes en difficulté et de leur famille à l’épreuve de la réussite éducative », cette journée a permis de restituer et de partager les enseigne-ments de cette démarche. Les acquis, points de plus-va-lue et perspectives issus des ateliers ont ainsi été mis en débat avec les décideurs et les institutions, et confrontés à l’analyse d’autres experts (D. Glasman).

Avant-propos

Les politiques publiques font généralement couler beaucoup d’encre. Entre les productions des experts et chercheurs qui les analysent et les déconstruisent sur le fond, les publications institutionnelles qui, à travers notes et circulaires, rappellent les principes ou précisent la pro-cédure, les rapports d’évaluation ou la littérature méthodologique… les acteurs en charge de la mise en œuvre de ces politiques ont parfois du mal à faire le tri.

La réussite éducative n’échappe évidemment pas à la règle1.

Se donner des repères… pour aborder la réussite éducative au-delà du dispositif

Premier numéro de cette collection, ce « repères pour agir », propose à celles et ceux qui sont engagés dans la mise en œuvre des projets de réussite éducative (qu’ils soient élus ou techniciens et quel que soit leur champ de compétences) une grille de lecture qui permette de (re)visiter et de qualifier leur projet en s’appuyant sur : – des constats, des questionnements et des témoigna-

ges d’acteurs de terrain opérationnellement engagés dans ces projets mais également de responsables ins-titutionnels ;

– une mise à plat des pratiques des acteurs et la présen-tation d’expériences détaillées ;

– des éclairages et des regards d’experts ;– des recommandations et des conseils opérationnels

concrets ;– des ressources bibliographiques commentées.

Mais ne nous trompons pas d’objet. En proposant de passer la réussite éducative au crible des acteurs et de leurs pratiques, il ne s’agit pas d’évaluer un dispositif. La finalité consiste à proposer des constats analysés, quel-ques points de vigilance et des pistes d’amélioration qui permettront aux acteurs de « se repérer », de prendre la mesure des enjeux et de trouver des ressources qui leur permettront de (re)positionner ce dispositif au service d’un projet.

… Tel est le sens de ces repères communs.

Rencontres, cycle de qualification, séminaires… la matière constitutive des repères

Depuis 2002, l’IREV a choisi de faire de l’éducation une de ses entrées prioritaires, en prenant comme fil rouge de son action la question des coopérations autour des jeu-nes “en rupture”. Plusieurs journées régionales (« Jeudi de la Ville ») regroupant les acteurs et les institutions autour des politiques éducatives ont eu lieu : – Jeunes en rupture (6 juin 2002) ;– Parentalité et politiques publiques (13 février 2003) ;– Écoles, Territoires, Exclusions : la nécessité d’agir

ensemble (4 décembre 2003).

En 2005, le lancement, dans le cadre du Plan de cohé-sion sociale, du Dispositif de Réussite Éducative destiné à accompagner les enfants les plus en difficulté et leurs familles, a confirmé le parti pris de l’IREV.

Après avoir organisé dès mars 2005 une journée régio-nale consacrée au « volet éducatif de la loi de cohésion sociale » (31 mars 2005), un cycle d’échanges et de qualification sur la réussite éducative a été engagé de mai à décembre 2006 (cf. fiche ci-contre).

1 On pourrait notamment citer ici le dossier paru dans la revue de l’ANDEV (la communale n°36, mars 2006) ou les articles publiés sur le site de l’OZP ; le guide méthodologique de la DIV intitulé « Mettre en œuvre un Projet de réussite éducative » (Juin 2007) ; les productions des centres de ressources politique de la ville (les après-midi de Profession Banlieue : « la réussite éducative », janvier 2006...) ; l’avis du Conseil National des Villes sur la mise en œuvre du Programme de Réussite Éducative (avril 2007) ; les actes de colloques ou comptes-rendus de journées dans lesquels des spécialistes des questions éducatives s’expriment sur ce dispositif… Cf. bibliographie p. 98 et suiv.

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8 La réussite éducative à l’épreuve du terrain

IREV

9Les paris de la réussite éducative

Repères pour agir_n°1 IREV

Les Paris de la Réussite Éducative

Les cartes « maîtresses » de la réussite éducative 11

Un atout emblématique du plan de cohésion sociale 11

La toile de fond 12

• Approche par territoire ou par publics : le débat

• Un constat d’échec dans la prise en compte des jeunes les plus en diffi culté

Un nouveau jeu à construire, des conditions à réunir 13

• Adapter et coordonner les politiques éducatives territoriales

• Clarifi er le rôle des maires et des institutions

• Identifi er, mobiliser et adapter le droit commun

• Sortir de la logique prestation

• Rester modeste et ambitieux

Dépasser nos propres obstacles, une condition à toute démarche projet Parole d’expert : Michèle Guigue(Professeur en Sciences de l’Éducation, Université Lille 3) 15

Quelle est la plus-value potentielle du Dispositif de Réussite Éducative ? Les hypothèses des acteurs 17

080

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10 La réussite éducative à l’épreuve du terrain

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11Les paris de la réussite éducative

Repères pour agir_n°1 IREV

La réussite éducative est un pari : pari de la construction progressive d’un nouveau mode d’intervention en direction des enfants et des jeunes les plus en difficulté, pari de prise

en compte de spécificités locales sortant d’une logique d’unifor-mité descendante, pari de faire apparaître au grand jour les man-ques…Ce dispositif s’inscrit dans un contexte plus général d’évolution et de transformation des politiques publiques (la politique de la ville, les mesures en direction des enfants et des jeunes en difficulté). Il est, dès lors, nécessaire pour tous les acteurs d’identifier et de comprendre les points de rupture et de continuité de ce dispositif, de les mettre en perspective de ce nouveau contexte et des ten-dances, voire des modèles auxquels ils se réfèrent.

Les cartes « maîtresses » de la réussite éducative

La réussite éducative propose une approche singulière à divers titres

– Les réponses proposées procèdent d’une approche globale de l’enfant et/ou du jeune ; elles relèvent de dif-férents « champs » sans exclusivité : accompagnement social, accompagnement scolaire, socio éducatif, san-té…, dans le cadre d’un parcours individuel.

– Elle ne vise pas à se surajouter aux actions existan-tes mais à les mobiliser, les mettre en cohérence et les amplifier au profit d’une population ciblée ; si ces ac-tions sont insuffisantes, la réussite éducative les com-pense momentanément avec l’objectif que le relais soit pris…

– Elle s’adresse à un public ciblé, les enfants et les jeunes les plus en difficulté, sur des territoires prioritaires iden-tifiés dans le cadre de la politique de la ville : à ce titre la réussite éducative affiche une double discrimination positive.

– Le financement est assuré exclusivement par l’État sur des enveloppes spécifiques sans contre-parties loca-les des collectivités.

– Elle ne propose pas de référentiel précis a priori, ca-drant la nature des difficultés des enfants et des dé-marches à proposer ; les priorités sont déterminées en fonction des réalités locales.

– Le dispositif s’inscrit dans une logique de construction progressive2.

Un atout emblématique du plan de cohésion sociale

La réussite éducative est un outil emblématique du plan de cohésion sociale mis en place par l’État en juin 2004. Avec deux programmes d’action spécifiques (15 et 16) sur six, le Dispositif de Réussite Éducative est au cœur des enjeux du « pilier égalité des chances » (l’emploi et le logement constituant les deux autres piliers de ce plan).Le dispositif répond à deux approches spécifiques ini-tiées par ce plan :– par publics, notamment en matière d’emploi ou concer-

nant les enfants et adolescents en difficulté (en faisant référence aux expériences issues de Grande-Bretagne et des États-Unis) ;

– par programmes d’action, deux programmes font l’ob-jet de dotations pluriannuelles : la Rénovation Urbaine et la Réussite Éducative, confiés à deux agences l’AN-RU et l’ACSE qui suit par ailleurs d’autres missions et dispositifs (CUCS, lutte contre les discriminations).

Bien que bénéficiant de financements distincts, le Dis-positif de Réussite Éducative est un élément essentiel du volet éducatif des Contrats Urbains de Cohésion Sociale (CUCS) initiés par l’État en 2006 dans la suite des con-trats de ville, destinés aux quartiers prioritaires.

2 Allocution de clôture de J.L. Borloo, Ministre de l’Emploi, de la Cohésion Sociale et du Logement, 1res rencontres nationales de la réussite éducative, 29 juin 2006.

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12 La réussite éducative à l’épreuve du terrain

IREV

13Les paris de la réussite éducative

Repères pour agir_n°1 IREV

Un nouveau jeu à construire, des conditions à réunir

Dans ce contexte, la mise en place du Dispositif de Réussite Éducative nécessite le déploiement d’un nou-veau cadre de fonctionnement capable de prendre en compte les spécificités du dispositif et l’évolution du con-texte général et des politiques publiques. Il est possible d’ores et déjà d’identifier quelques conditions nécessai-res au changement :

Adapter et coordonner les politiques éducatives territoriales

Il est prévu que la réussite éducative s’appuie sur les dis-positifs et démarches existants : politique de la ville, con-trats éducatifs locaux, Conseils Locaux de Sécurité et de Prévention de la Délinquance (CLSPD)… La réussite éducative a évidemment vocation à s’inscrire dans les politiques éducatives locales. Celles-ci se concrétisent souvent par la formalisation de Projets Éducatifs Locaux (PEL) qui permettent la mise en cohérence et l’adapta-tion de l’offre éducative, et plus largement la définition de stratégies éducatives sur le territoire. Ces PEL posent un cadre de coopération avec l’Éducation Nationale et les autres partenaires locaux.Cependant, le Dispositif de Réussite Éducative, avec un objectif très opérationnel d’action « globale » en direction des enfants en difficulté, demande d’élargir les partena-riats aux acteurs du social, du médico-social, de la pré-vention… La coordination interne à la ville des différents services et délégations mais aussi des différents dispo-sitifs devient, dans ces conditions, un enjeu crucial pour préserver l’opérationnalité du dispositif.

Clarifier le rôle des maires et des institutions

Le Dispositif de Réussite Éducative invite les communes à piloter un dispositif, dans lequel elles sont amenées à assumer une nouvelle fonction, dévolue jusqu’alors aux travailleurs sociaux ou aux enseignants, en participant au repérage et à l’accompagnement des publics. Il ne s’agit donc plus seulement d’animation de dispositif interinsti-tutionnel.Cette évolution est à mettre en perspective avec la place donnée aux maires dans le cadre de la récente loi de

prévention de la délinquance.La formalisation de nouveaux cadres de travail devra per-mettre le travail collectif. Par ailleurs la question des nou-velles compétences techniques ne pourra être évitée.

Identifier, mobiliser et adapter le droit commun

Le Dispositif de Réussite Éducative a la particularité de mobiliser le droit commun dans un objectif de mise en cohérence et de subsidiarité « provisoire ».Or, dans la majeure partie des cas, il s’agit de territoires qui sont en déficit structurel de réponses5, ce qui rend l’exercice difficile alors même que la volonté de mise à plat du droit commun est un objectif affiché par l’État dans ses nouveaux dispositifs (CUCS, DRE…).

L’expérience acquise dans la politique de la ville fait ap-paraître la nécessité d’une forte volonté institutionnelle qui dépasse l’animation technique locale.Par ailleurs, l’ensemble des institutions et acteurs interve-nant sur les différents champs du Dispositif de Réussite Éducative sont concernés, d’autant qu’ils sont souvent mal identifiés.

L’implication des départements, chefs de file de l’action sociale en charge de l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE) et de la prévention est essentielle.Les communes sont aussi concernées, cependant se pose la question de savoir si les actions à caractère so-cioéducatif, financées par la politique de la ville, doivent désormais faire partie de leur droit commun.

Sortir de la logique de prestation

La spécificité du Dispositif de Réussite Éducative est de proposer à l’enfant ou au jeune la construction d’un pro-jet personnel qui lui permettra d’évoluer. Ce projet néces-sitera de mobiliser différentes prestations qui seront des « moyens » permettant la réalisation du projet.En ce sens, ce dispositif marque une différence avec une tendance des politiques sociales et éducatives qui consiste à ne définir et à mesurer l’action publique qu’à travers la seule prestation.

5 Ibidem.

La toile de fond

Approche par territoire ou par publics : le débat

Le choix d’une intervention croisée sur des publics et des territoires prioritaires intervient dans un débat de portée générale alimenté par la critique des politiques spécifi-ques en direction des territoires les plus en difficulté : po-litique de la ville, Zones d’Éducation Prioritaires (ZEP)…Cette critique est notamment argumentée par Éric Mau-rin dans « Le ghetto Français »3 ; partant d’une analyse des processus de ségrégation urbaine essentiellement induits par des comportements sociaux sur lesquels les marges de manœuvre sont limitées, il préconise une ac-tion centrée sur les publics, sans négliger néanmoins le renforcement des moyens. À ce propos un rapport du Conseil d’Analyse Économi-que publié en 2003 faisait état de l’écart croissant entre les communes riches et les communes en ZUS. Pour les auteurs les écarts se creusent entre les territoires, et l’éducation et la formation apparaissent comme « l’un des relais puissants de la perpétuation des inégalités so-ciales dans les ZUS ».4

Ce débat intervient dans un contexte où se développe l’idée selon laquelle la solidarité publique ne devrait s’adresser qu’aux individus dans une logique méritocra-tique, en se dégageant ainsi des démarches collectives et territoriales.

Un constat d’échec dans la prise en compte des jeunes les plus en difficulté

Le plan de cohésion sociale fait un constat d’échec dans les réponses apportées aux enfants et aux jeunes les plus en difficulté. Cet échec est attribué à l’inadaptation des réponses, à la superposition des compétences institu-tionnelles (sociales, préventives, éducatives, jeunesse…) notamment et à un défaut de capacité à faire collective. C’est la recherche d’un nouveau modèle d’action qui a inspiré le Dispositif de Réussite Éducative.La politique de la ville quant à elle, n’a pas jusqu’alors porté de dispositif spécifique concernant ces publics « prioritaires ». Elle a contribué à organiser les coopéra-tions locales, à apporter des réponses ponctuelles, à interpeller, souvent en vain, sur les déficits de moyens ou de méthodes. Le Dispositif de Réussite Éducative marque donc une évolution dans le positionnement de la politique de la ville.

3 MAURIN Éric. Le ghetto français. Enquête sur le séparatisme social. Paris : Seuil, 2004. 96 p. (La République des idées).4 FITOUSSI Jean-Paul, LAURENT Éloi, MAURICE Joël. Ségrégation urbaine et intégration sociale. Paris : Conseil d’Analyse Économique, La Documentation Française, 2003.

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* Journée intitulée : « L’accompagnement des jeunes en difficulté et de leur famille à l’épreuve de la réussite éducative ».

14 La réussite éducative à l’épreuve du terrain

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15Les paris de la réussite éducative

Repères pour agir_n°1 IREV

Dépasser nos propres obstacles, une condition à toute démarche projet

parole d’expert

Michèle Guigue Professeur en Sciences de l’Éducation, Université Lille 3, Directrice du Laboratoire de recherche PROFEOR

(Intervention lors du Jeudi de la Ville du 31 mars 2005 intitulé : « le volet éducatif de la loi de cohésion sociale)6

La difficulté de coopérer entre professionnels d’un même territoire

Construire collectivement l’éducation des enfants et des jeunes les plus en difficulté, c’est une injonction relative-ment récente, même si elle n’est plus tout à fait nouvelle. L’inscrire dans une logique territoriale nécessite de re-penser les rôles respectifs des professionnels qui y inter-viennent, car ils vont devoir coopérer. Dans cette interaction, on voit se télescoper, s’entrecho-quer des cultures et des pratiques professionnelles fort contrastées qui peuvent créer des décalages et des in-compréhensions, voire des conflits. Et amène à dévelop-per une réflexion sur les logiques professionnelles.

Commencer par le diagnostic de l’existant

Qui plus est, les territoires sont contrastés et connaissent des réalités forcément très différentes. Il est important de commencer par réaliser le diagnostic de l’existant : quels sont les dispositifs présents ? Quelles interventions prennent appui sur quelles institutions ? Puis, en étant plus pragmatique : de quelle manière les professionnels travaillent-ils déjà ensemble ? Autour de quel sujet ? Avec quelles tâches ? Comment se partagent-ils les tâches? Autour de quels « cas » ? De quelles situations ? Le diagnostic devrait donc porter à la fois sur les dispo-sitifs et sur les modalités de coopération grâce auxquels des professionnels aux cultures, aux valeurs, aux com-pétences et aux pratiques très contrastées, voire dispa-rates, coopèrent déjà.

Ce diagnostic peut aussi faciliter, et ce n’est pas à né-gliger, la reconnaissance des professionnels qui se sont déjà investis dans des actions éducatives et qui coopè-rent déjà avec d’autres.

L’après dépistage : la question-clé

Comment dépister ? Poser la question sous cet angle ne semble pas forcément le plus urgent, ni le plus impor-tant. Lorsqu’on cherche à saisir ce que les sociologues appellent pudiquement des « affaires », on comprend que le problème ne se situe pas dans le dépistage, mais dans ce qui est mis en œuvre par la suite. Par exemple, un internat scolaire ayant intégré trois élè-ves signalés et faisant l’objet d’une mesure éducative en milieu ouvert les a exclus moins de deux mois après leur admission. Connaître la situation de ces jeunes n’était pas suffisant, encore fallait-il la prendre en compte dans l’organisation des pratiques au quotidien. Il faut donc se poser les bonnes questions au delà du dépistage. Même si le maillage territorial est inégal, les jeunes en difficulté sont dépistés à peu près partout. En revanche, nous ne savons guère ce qu’il convient de faire avec eux ensuite. Savoir comment traiter la situation d’un jeune, une fois qu’elle a été identifiée, est urgent. L’action devient d’autant plus impérieuse que des études psychosociologiques ont démontré, depuis longtemps, que le dépistage stigmatise l’individu. Il importe donc que celui-ci puisse ouvrir sur des perspectives positives, dy-namiques.

Pour résoudre les difficultés d’éducation chez les enfants, les jeunes et leurs familles, il est es-sentiel de nous interroger sur nos propres obstacles, en tant que professionnels, à collaborer sur cette thématique.

6 Il s’agit ici d’un résumé. Pour la lecture de l’intégralité de l’intervention de Michèle Guigue, consulter « Le volet éducatif de la loi de cohésion sociale », Actes du Jeudi de la Ville du 31 mars 2005, 50 p., à télécharger sur : http://www.irev.fr/upload/F_270.pdf

“Témoignage > Yves Goepfert Chargé de mission éducation culture, Délégation Interministérielle à la Ville (DIV)(Journée régionale du 5 décembre 2006)*

Un dispositif au service d’un projet… qui appelle à de nouvelles posturesLa réussite éducative a été pensée dès le départ en prenant acte de la complexité du champ éducatif, et évidemment avec la certitude qu’il existait localement beaucoup de choses dont il ne s’agissait pas de faire table rase. La réussite éducative s’enracinait dans un terroir éducatif, elle avait besoin de ce terreau pour apporter quelque chose de complémentaire, et éviter la substitution. Cela explique cette gestion qui a été relativement unique dans l’histoire des dispositifs, à la fois précipitée mais longuement mûrie, relativement accompagnée. Nous avons en effet fait beaucoup de déplacements et passé du temps à expliquer qu’il s’agissait à la fois de permettre à ce qui existait de continuer tout en imaginant une suite qui ne serait pas tout à fait la même, et à demander aux acteurs de travailler dans une posture nouvelle. Au fond dans la réussite éducative il n’y a rien de nouveau, il s’agit simplement d’une posture nouvelle de l’action publique.

Aujourd’hui nous insistons beaucoup sur la notion même de projet car il est essentiel de revenir au concept de projet. C’est d’ailleurs le sens de la circulaire sur le volet éducatif des CUCS. La notion de projet que porte la réussite éducative est fondée sur l’idée de base qu’aujourd’hui, face aux enjeux qui nous concernent, notamment vis-à-vis des jeunes qui sont en rupture, à la marge, ou qui quittent le système éducatif, mais aussi de ceux qui sont en difficulté au plan éducatif et pas seulement au plan scolaire, il est urgent que tout le monde puisse se mobiliser à des échelles qui sont peut-être différentes selon les territoires. Mais cette mobilisation doit se faire de manière beaucoup plus forte qu’elle ne s’est faite jusqu’ici, ce qui ne signifie pas qu’elle n’ait pas eu lieu dans certains endroits.

On doit passer d’une forme de partenariat qui était plutôt du gré à gré, d’une institution avec une autre, à une conception beaucoup plus pluripolaire du champ éducatif, qui fasse que l’ensemble des partenaires concernés par l’action éducative se sentent impliqués. C’est une responsabilité collective pour mener à bien certaines initiatives avec nos savoir-faire, nos faiblesses et nos forces, sans formalisme et toujours au bénéfice des enfants.

Rester modeste et ambitieux

L’expérience de la politique de la ville montre qu’afficher des objectifs trop ambitieux, inatteignables, suscite des espérances et provoque des désillusions. Si ce disposi-tif est ambitieux par l’approche qu’il propose, il n’a pas vocation à tout résoudre. C’est sûrement la somme de réussites modestes qui lui donnera progressivement sa légitimité et pourra en faire un levier.

Pour gagner les paris de la réussite éducative, il y a donc nécessité de poser des cadres construits progressive-ment et collectivement sur la base des enseignements des démarches en cours, dans le cadre d’évaluations col-lectives in itinere, aux différents niveaux, local et national.L’évaluation doit permettre d’identifier et de corriger les dérives qui pourraient remettre en cause le dispositif ou ses objectifs. Il ne s’agit évidemment pas d’une évaluation comptable ou quantitative mais bien une interrogation des objectifs initiaux du Dispositif de Réussite Éducative.La conduite de cette évaluation sur cette base constitue-rait une vraie rupture avec les pratiques passées.

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16 La réussite éducative à l’épreuve du terrain

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17Les paris de la réussite éducative

Repères pour agir_n°1 IREV

Quelle est la plus-value potentielle du Dispositif de Réussite Éducative ? Les hypothèses des acteurs

Pour les acteurs du champ éducatif, la réussite éducative propose quatre leviers potentiellement intéressants pour répondre aux enjeux de l’accompagnement des jeunes les plus fragiles. Ces leviers sont incontestablement :

– une prise en compte individualisée des difficultés ;– une conception relativement large de la réussite

éducative, qui ne se limite pas, loin s’en faut, à la réus-site scolaire ;

– une volonté de réactivité et de gestion « courte » des problèmes : un problème, une solution ;

– une volonté de faire coopérer des acteurs apparte-nant à des institutions et des mondes différents.

À partir de ces prémices, 5 hypothèses de travail (non exclusives les unes des autres) peuvent être invoquées pour justifier de la valeur ajoutée du dispositif :

– Première hypothèse : le « repérage » de ces difficultés, (ou plus exactement le repérage des enfants en diffi-culté) n’a jusqu’à présent pas été mené de manière suffisamment systématique, et ce repérage permettra de mieux cibler les réponses à apporter.

– Deuxième hypothèse : il n’y a pas eu jusqu’à présent de réponse adéquate aux « besoins », qu’il s’agirait donc de combler, sur un modèle déficitaire (un manque à combler, quelle que soit la cause de ce manque) ; ce peut être par exemple une liste d’attente trop longue en Centre Médico-Psychologique (CMP), l’inexistence d’une offre spécifique en psychomotricité, le coût finan-cier d’une licence sportive, etc. Le dispositif permettrait alors de combler ces manques.

– Troisième hypothèse : les réponses apportées jusqu’ici n’ont pas produit l’effet escompté, et il y a lieu de com-prendre en quoi les familles n’ont pu se saisir de l’offre existante, de manière à produire de la « réussite » pour leur enfant. C’est l’hypothèse « systémique » qui sup-pose que la réussite éducative résulte d’une attitude positive et d’une dynamique à l’égard de l’enfant. La

nouveauté consiste en un changement de posture des intervenants à l’égard de la famille et de l’enfant, en vue de faire évoluer le système d’acteurs et en accompa-gnant la famille dans une logique de parcours.

– Quatrième hypothèse : les dispositifs actuels sont em-preints de lourdeur administrative, de difficultés d’ac-cès, de rigidités institutionnelles, et il est urgent de proposer une autre logique d’action. Les moyens sont disponibles, il y a lieu de travailler en circuit court : jusqu’à présent, les difficultés étaient repérées, mais la réponse se heurtait à des règles complexes qui frei-naient sa construction. Il s’agit à présent de dépasser ces obstacles, par une mise de fonds suffisamment fongible et disponible, et ne relevant pas d’une ligne budgétaire trop contraignante quant à son affectation. Il s’agit d’une « positive action » qui s’affranchit des rè-gles administratives d’égalité pour rejoindre des règles éthiques d’équité.

– Cinquième hypothèse : l’un des freins traditionnels de l’action publique concertée est la dispersion et la non coopération des acteurs institutionnels. Il s’agit de mettre autour de la table les grandes institutions con-cernées, de faciliter la coopération, et beaucoup de problèmes seront réglés.

Ces hypothèses constituent la trame, le fil rouge de cette publication qui propose de les explorer autant dans leur dimension politique, institutionnelle et opérationnelle. C’est à partir de ces hypothèses et en s’appuyant sur les pratiques et l’expression des différents acteurs engagés dans ces projets que se dégagent in fine ces repères communs, qui sont autant d’éléments qui, sur le fond et sur la forme, pourront être utiles à l’action.

Lorsqu’un nouveau dispositif est mis en place, se proposant d’apporter des réponses à des questions et problèmes non résolus, il est nécessaire de se demander quels sont les leviers supposés apporter un « plus » par rapport aux anciens dispositifs.

Privilégier l’action « sur-mesure » : Quel type d’accompagnement mettre en place ?

Il faut veiller à ne se laisser piéger ni par une individualisa-tion qui séparerait, ni par un regroupement qui concen-trerait les jeunes ou les familles en très grande difficulté. Réfléchissons autrement : nous pouvons opter pour une autre conception de l’individualisation, consistant à faire du sur-mesure. Ainsi, l’enjeu du dépistage ne se limite-rait pas au repérage des enfants ou des familles, mais intégrerait aussi la nécessité de connaître le tissu social, aussi fragile soit-il, dans lequel ces personnes sont in-sérées.En Belgique, au Québec et en Amérique du Nord, des in-terventions et des recherches-interventions adoptent ce principe, encore inhabituel en France : l’action ne porte pas forcément directement, ou uniquement, sur le jeune ou sur sa famille ; elle consiste aussi à aider leur tissu social environnant, c’est-à-dire les aidants, les profes-sionnels de proximité mais aussi (et peut-être surtout) les personnes ordinaires du voisinage. Elle conforte ainsi la permanence du tissu social.

Promouvoir les compétences des familles

Dans cette optique, le professionnel n’est plus celui qui travaille pour et qui apporte ; il est celui qui se met au service des familles et des jeunes pour développer leurs capacités. Voilà une autre façon de voir l’action profes-sionnelle : aider les parents à devenir de véritables ac-teurs, des négociateurs. Évidemment, nous aurons plus tard en face de nous des individus qui auront davantage de répondant qu’aujourd’hui, mais cela signifiera qu’ils seront mobilisés sur leur avenir. De tels dispositifs, no-tamment au Québec, adressent de vraies propositions de partenariat et de réflexion aux parents, et débouchent progressivement sur un regain de confiance et une remo-bilisation, par étape, de ces derniers. De plus, ce que les enfants et leurs parents vivent en-semble quand les professionnels ne sont pas là corres-pond à un système interactif qui n’est pas réductible à ce qui se passe avec les enfants d’un côté et les familles de l’autre. Dans cette interaction, l’impact que les jeunes peuvent avoir sur leurs parents n’est pas négligeable et il est souvent aussi important que celui que les parents ont sur leurs enfants. L’implication des jeunes et de leurs familles dans la réflexion sur l’éducation, dans l’élabora-tion de projets les concernant, ne doit pas être purement formelle. Elle est indispensable dans les pratiques.

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18 La réussite éducative à l’épreuve du terrain

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19Diagnostiquer, repérer : comprendre pour agir

Repères pour agir_n°1 IREV

Diagnostiquer, repérer : comprendre pour agir

Constats et points d’analyse 21

• Repérage individuel et construction de diagnostics éducatifs territoriaux : quelle articulation ?

• Quels référentiels pour le repérage des enfants en diffi culté ?

• Repérer, informer, stigmatiser ?

• Distinguer critères de repérage et critères d’éligibilité ?

• Comment gérer la confi dentialité ?

Expérience : Tourcoing, Organiser le repérage autour de « prescripteurs habilités » 24

Articuler les points de vue pour comprendre les processus de fragilisation Parole d’expert : Dominique Glasman (Professeur de Sociologie, Université de Savoie) 25

Points de vigilance et recommandations 26

• Mieux articuler diagnostics territoriaux, ressources du droit commun et repérage individuel

• Construire à la fois des critères de repérage et des critères d’éligibilité au dispositif

• Se doter de référentiels d’analyse des situations individuelles

• Informer les familles dès le repérage

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20 La réussite éducative à l’épreuve du terrain

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21Diagnostiquer, repérer : comprendre pour agir

Repères pour agir_n°1 IREV

La notion de « repérage individuel » des enfants en difficulté au sein d’un territoire est une donnée constitutive de la philosophie du Dispositif de Réussite Éducative. En rupture

avec une approche uniquement territoriale (les Zones d’Éduca-tion Prioritaire, Zones Urbaines Sensibles…), le dispositif pose à la fois la nécessité de repérer individuellement les enfants en diffi -culté, et de s’appuyer sur un diagnostic territorial pour rendre ce territoire éligible au dispositif.C’est cette double approche qu’il s’agit de comprendre et de mettre en œuvre.

Repérage individuel et construction de diagnostics éducatifs territoriaux : quelle articulation ?

Rappelons que la note de cadrage7 évoque « un diagnos-tic sur le territoire (besoins et ressources) » comme élé-ment constitutif du dossier de candidature. Par ailleurs, le dispositif lui-même évoque le « repérage (…) par la com-munauté éducative, et en particulier, au sein des établis-sements scolaires ».Dès le départ, l’articulation entre les facteurs collectifs et individuels de fragilité est clairement posée.

Or, dans les délais impartis aux opérateurs, la réalisation du diagnostic a été très formelle, et elle a essentiellement consisté en un « recyclage » de diagnostics préexistants. En tout état de cause et, sauf exception, il n’y a pas eu de lien entre diagnostic de territoire et repérage indivi-duel.Cette absence de connexion est due à plusieurs fac-teurs : absence de temps et d’ingénierie, absence de cadre méthodologique portant sur la réalisation de dia-gnostics éducatifs locaux, pression institutionnelle et po-

litique pour aborder le plus rapidement possible l’étape opérationnelle du repérage, etc. La question est aussi celle de la capacité à élaborer un véritable diagnostic éducatif territorial, reprenant l’état des ressources, l’état des diffi cultés des établissements scolaires, les projets éducatifs locaux (CEL, PEL, con-trats temps libres, etc.), et l’articulant avec les diffi cultés et les ressources sociales du territoire.Faute de quoi, la « non-réussite éducative » risque d’être mise à la charge de l’enfant et de sa famille, jamais à la charge de l’institution et des moyens qu’elle met en œuvre8. Sans simplifi er le débat de manière démagogique, on ne peut passer sous silence les lacunes du système éduca-tif sur certains territoires classés en réussite éducative : enseignants sans expérience, établissements en déshé-rence, vacances de postes, etc. Dans ces conditions, il est risqué de s’exonérer d’un véritable diagnostic éduca-tif territorial pour se contenter d’un repérage individuel. Cette analyse concernerait évidemment d’autres « res-sources » territoriales : listes d’attente en CMP, vacance des services sociaux, absences d’activité péri-éducati-ves, etc.

(Les éléments ci-dessous sont issus du cycle d’échange et de qualifi cation « réussite éducative » Nord Pas-de-Calais auquel ont participé les acteurs en charge de la mise en œuvre des PRE)

travail collectif

Constats et points d’analyse

“Témoignage > Bouchta Douichi Chef de service dans un club de prévention à Lille (Journée régionale du 5 décembre 2006)

La vision individualiste a tendance à atténuer les responsabilités sociétales et à tout renvoyer, si on n’est pas vigilant, à la responsabilité parentale. Et on a tendance, dans nos dispositifs au quotidien, à oublier de prendre en compte ces aspects-là. Les institutions aussi, peu à peu, renvoient aux parents toutes les difficultés de leurs enfants.

7 DIV. Note de cadrage pour la mise en œuvre du programme de « réussite éducative », 9 février 2005, 8 p. 8 Le dernier rapport de l’Inspection de l’Éducation Nationale sur l’Académie du Nord est, à ce titre, éloquent. Cf. Bibliographie, p. 100.

Quels référentiels pour le repérage des enfants en diffi culté ?

Les sources d’information utiliséesÀ défaut de réaliser un véritable diagnostic de territoire, la plupart des équipes ont identifi é le travail de repérage

comme étant une étape centrale du Dispositif de Réus-site Éducative. Ce repérage est, au fi nal, nominatif, et se fait en général sur la base d’une confrontation de listes assorties de critères.Sauf exception, la première source utilisée pour repé-rer les enfants en diffi culté a été l’Éducation Nationale,

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22 La réussite éducative à l’épreuve du terrain

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23Diagnostiquer, repérer : comprendre pour agir

Repères pour agir_n°1 IREV

utilisant des grilles internes, sur des critères reprenant notamment difficultés comportementales et échec sco-laire.L’utilisation d’autres sources a été très marginale, et a surtout servi à recouper les informations entre le secteur social et le secteur scolaire notamment.Les questions les plus « présentes » dans l’esprit des opérateurs (coordonnateurs, membres des Équipes Plu-ridisciplinaires et des instances de pilotage) ont été les suivantes :– Comment gérer la confidentialité des informations ?– Comment définir des critères communs ?– Comment rester dans son « champ de compétences »

professionnel pour donner des informations pertinentes ?– Comment « cibler » les populations les plus en difficulté,

puisque l’offre est forcément restreinte ?De fait, la réussite éducative a été souvent identifiée à la réussite à l’école (résultats scolaires, adaptation au cadre scolaire…).

La question du référentielDans la mesure où plusieurs institutions sont potentielle-ment concernées par le repérage, il serait important de confronter les référentiels qui déterminent les pratiques d’identification des publics.– S’agit-il du référentiel scolaire, ciblant les enfants en

échec scolaire ?– S’agit-il d’un référentiel de « l’enfance en danger », ci-

blant les familles « à risque » de maltraitance ?– S’agit-il d’un référentiel lié à la « prévention de la délin-

quance », ciblant les comportements répréhensibles ?– S’agit-il d’un référentiel social, ciblant les familles en

difficulté dans la mise en œuvre de leur responsabilité éducative ?

De fait, la prépondérance du repérage par l’Éducation Nationale conduit à privilégier le référentiel d’échec sco-laire, alors qu’une réflexion approfondie devrait être me-née pour construire des grilles d’analyse, dans la pers-pective d’une approche transversale et intégrée.

Vers un référentiel inter-disciplinaire ?Dans les faits, le repérage repose le plus souvent sur une agrégation de listes, à partir des logiques institutionnel-les en jeu (école, dispositifs sociaux, etc.), sans que la confrontation des critères et des points de vue n’ait été organisée. On constate même une volonté de cloison-nement au sein même de l’Éducation Nationale : critères scolaires pour les enseignants, médicaux pour les mé-decins scolaires, sociaux pour les assistantes sociales scolaires.Cet état de fait part d’une volonté de respecter les lo-giques et les compétences professionnelles de chacun, mais il peut conduire à une absence de confrontation des points de vue, et donc d’une réflexion inter-disciplinaire.C’est par exemple le cas de « l’obésité » : souvent cité

comme critère de repérage par les médecins scolaires, il n’est pas discuté. En quoi l’obésité est-elle un critère de non réussite éducative ? Est-il considéré comme un marqueur social ? Les dérives possibles de ce type de critères sont directement perceptibles.Si ce débat est complexe à l’intérieur de l’institution sco-laire, il l’est bien davantage lorsque les institutions sont étrangères les unes aux autres.

Repérer les difficultés plutôt que les ressources ?Les pratiques de repérage ont été essentiellement cons-truites sur des critères mettant en exergue des difficultés, sans les mettre en regard de ressources. On constate rarement l’aménagement de la grille de repérage par la présence de critères mettant en avant des ressources (de l’enfant, ou, plus clairement, de la famille). Les ra-res outils proposant d’examiner les ressources ont été le plus souvent travaillés avec les services sociaux, en général plus alertes sur cette question des compétences individuelles ou collectives.

Comment déterminer la « position du curseur » ?De toute manière, chacun des critères repérés deman-derait à ce que soient posés des seuils, à défaut de quoi, le curseur peut varier considérablement selon la notion que chacun peut avoir de la « réussite éducative ».Si l’on prend la « pauvreté socioculturelle » du milieu fami-lial comme facteur de non réussite éducative et scolaire (mode de logement, pauvreté des ressources financières, précarité, etc.), on pourrait cibler, dans certains quartiers, près des 3 /4 de la population scolaire.Il en est de même de l’échec scolaire, où des classes entières pourraient ainsi être concernées.Chaque institution est alors amenée, malgré soi, à « met-tre le curseur » assez haut, ne serait-ce que pour rester dans les limites du faisable. Et l’on retrouvera évidem-ment les familles cumulant les difficultés, largement con-nues de tous.Dans des secteurs où la proportion d’enfants et de fa-milles en difficulté est très élevée, la tendance générale-ment observée limite à environ 10 % la proportion d’en-fants relevant du Dispositif de Réussite Éducative. Cette tendance accentue de fait la focalisation sur les enfants et les familles « les plus en difficulté ». Autrement dit, les enfants et les familles « à bas bruit », ou qui pourraient bénéficier d’une simple action de style « coup de pouce » risquent d’être mécaniquement exclus du dispositif, dans une compétition de facto pour l’accès à des ressources (très) limitées.

Repérer, informer, stigmatiser ?

Repérer / stigmatiser ?Le repérage nominatif d’une population, même sous cou-vert de confidentialité, pose évidemment des problèmes

de type éthique et politique. Et ce d’autant plus que le concept de « réussite éducative » (et donc de son corol-laire : la non-réussite éducative) est très large et laisse le champ libre à des risques importants de stigmatisation. Par exemple, le repérage des problèmes de « comporte-ment », comme facteurs et symptômes de la non réussite éducative, ne sont pas sans lien avec le dépistage pré-coce préconisé il y a peu par l’INSERM9, dans une vision de « santé publique » que l’on peut questionner.Les liens avec la prévention de la délinquance, avec le « contrôle social » des familles, avec la généralisation d’une norme scolaire comme critère de réussite sont trop évidents pour ne pas poser question ; et ce d’autant plus que le dispositif est piloté (de près ou de loin) par les élus locaux.

Repérer / informer ?Par ailleurs, la mise en place d’un repérage pose la ques-tion de l’information et de la communication politique autour du dispositif. En effet, tout se passe comme si les bénéficiaires potentiels étaient passifs et qu’il fallait les « repérer » à leur insu. Certaines communes ont cependant mis en place une communication générale sur le dispositif, invitant les fa-milles à s’adresser au service mis en place à cet effet. Une telle démarche a évidemment l’avantage de posi-tionner les familles comme des usagers de droit commun d’un dispositif spécifique, quitte à ce que leur demande ne soit pas nécessairement prise en compte en fonc-tion de critères « publics ». Cette démarche a également l’avantage de rendre publics ces critères, et de sortir de « l’entre-soi », voire d’une certaine clandestinité.Dans les autres cas, cette tendance peut être justifiée par les acteurs de terrain comme une manière d’éviter que les familles « repérées » soient informées sans qu’une solution immédiate puisse leur être apportée.Or, il est clair que l’information des familles est un préala-ble incontournable à toute action qui associe les parents à la réussite éducative de leur enfant. Toute autre atti-tude est vouée à l’échec, au ressentiment et au soupçon, sans même évoquer la source d’information dont on se prive pour comprendre la problématique de l’enfant.

Repérage et droit des usagersEnfin se pose, sur le plan institutionnel, la question du « droit des usagers » et l’équité de traitement entre eux. Au nom de quelle légitimité administrative tel enfant aurait-il accès à des prestations spécifiques (consul-tations de psychothérapie, inscription dans un club de sport, etc.), alors que son voisin (ou même son frère) ne serait pas éligible au dispositif ? Tant que ces ressources

exorbitantes du droit commun étaient collectives et liées à un territoire (ZEP, par exemple), le droit des usagers pouvait être contourné (au nom d’une discrimination po-sitive collective et anonyme). Quand il s’agit d’affectation de ressources à des individus, on se retrouve dans une logique d’aides extra-légales, qui sont d’une nature simi-laire aux aides des CCAS, par exemple. Rappelons que ces aides extra-légales ne sont pas pour autant discré-tionnaires, et qu’elles nécessitent au moins la publication de barèmes, l’existence de commissions officielles et de décisions publiques.

Distinguer critères de repérage et critères d’éligibilité ?

Repérer est une chose, rendre éligible telle personne à un dispositif en est une autre. Souvent, aucune distinction n’est faite entre les deux. La question de savoir si les réponses apportées par le dispositif sont pertinentes par rapport aux difficultés repérées n’est pas explicitement posée.En effet, tout se passe comme si le dispositif devait répon-dre à toutes les difficultés repérées, quelles qu’elles soient.

Comment gérer la confidentialité ?

Le dispositif de repérage se veut interinstitutionnel, et à cet égard place l’enfant et sa famille au cœur d’un lieu où se croisent les regards des différentes institutions. Des précautions ont été prises dans la plupart des cas, notamment en travaillant en amont sur des chartes de confidentialité entre membres des différents organismes concourant au repérage. À cet égard, le travail effectué entre les services de l’Éducation Nationale et les services du Département dans le Pas-de-Calais est exemplaire.Il n’en reste pas moins que, dans certaines communes, en particulier celles de petite taille, la circulation de listes, ainsi que la présence d’élus dans les « équipes restrein-tes » pose concrètement des questions de confidentialité.Ce point est d’autant plus crucial que, dans certains si-tes, ces listes d’enfants et de familles « repérées » n’ont pas fait l’objet de communication à l’endroit des person-nes concernées.

9 Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale (INSERM). Troubles des conduites chez l’enfant et adolescent. Expertise collective. Septembre 2005. 56 p.

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24 La réussite éducative à l’épreuve du terrain

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25Diagnostiquer, repérer : comprendre pour agir

Repères pour agir_n°1 IREV

“Témoignage > Françoise Favreau Adjointe à l’inspecteur d’académie, Inspection Académique du Pas-de-Calais (Journée régionale du 5 décembre 2006)

Gérer la confidentialité et l’information aux familles, poser une pluralité de regardsPremier des principes énoncés dans le Pas-de-Calais : la situation d’une famille ne peut être évoquée sans que le professionnel ne le lui ait fait savoir et n’ait obtenu son accord de principe. Deuxièmement, les équipes restreintes ne sont composées que de professionnels, soumis au secret, autrement dit le travailleur social, le médecin, l’enseignant, le cadre de l’enseignement... Au sujet de la place des élus, nous avons fait signer une charte par les maires du Pas-de-Calais. Dans une équipe, c’est une chose d’avoir un travailleur social du CCAS, c’en est une autre d’avoir un élu. Si un élu y participe, il est évident que les assistan-tes sociales de secteur ne s’exprimeront pas, de même qu’un certain nombre de professionnels de l’Éducation Nationale. Pour le repérage, nous travaillons avec le Conseil Général du Pas-de-Calais. Le repérage, c’est une juxtaposi-tion de regards. On a chacun nos paradigmes de réflexion, de pratiques, et la question est de savoir s’il existe quelque chose qui puisse être construit qui soit commun. Autant il est important d’asseoir les différents regards autour d’une table, autant il est difficile de construire quelque chose qui soit transcendant à tout ça, qui soit un cran au-dessus, et qui permette de voir la globalité. C’est toute la question, et je n’ai pas l’impression que pour l’instant nous soyons capables de définir des outils qui permettraient de définir ce « cran du dessus » qui intègre l’ensemble des regards.

Organiser le repérage autour de « prescripteurs habilités »

expérience

Tourcoing

Pour identifier les personnes potentiellement concernées par le dispositif (9000 enfants, équivalent à 55 % des en-fants scolarisés), la démarche engagée par Tourcoing a consisté à créer un réseau habilité d’une cinquantaine de « repérants » autour de 4 grands champs/institutions : – Scolaire/Éducation Nationale : enseignants, membres

du Réseau d’Aide Spécialisée aux Élèves en Difficul-té (RASED), assistantes sociales scolaires, médecins scolaires…

– Social/Conseil Général : en s’appuyant sur les Grou-pes Sociaux Éducatifs locaux (qui rassemblent les tra-vailleurs sociaux et les professionnels de la santé et du social d’un même secteur soumis au secret profession-nel pour examiner collectivement des situations indi-viduelles), les repérants habilités peuvent orienter une famille vers le PRE si un accompagnement spécifique et complémentaire des actions prescrites dans le cadre du GSE est envisagé.

• Repérage et confidentialité • Les modalités du repérage, une question centrale pour le partenariat

Pour un aperçu plus détaillé des points de débat et des pratiques d’acteurs, cf. Ressources p. 79[…]

Articuler les points de vue pour comprendre les processus de fragilisation

parole d’expert

Dominique Glasman Professeur de Sociologie, Université de Savoie

(Journée régionale du 5 décembre 2006)

Une vision globale qui nécessite l’articulation des points de vue

On se rend compte qu’on a souvent été amenés à juxta-poser des signes de fragilité chez les enfants (questions de sociabilité, questions psychologiques, etc.), sans for-cément avoir les moyens de construire leur articulation et de comprendre ces processus de fragilisation. Plusieurs équipes ont par ailleurs mentionné l’importance de différencier un repérage et un diagnostic. Cela est ex-trêmement intéressant, à condition que ce diagnostic aille jusqu’à l’articulation des différents points de fragilité les uns avec les autres. Comment renvoient-ils les uns aux autres, comment se lient-ils, comment se nouent-ils ? Le paradigme commun pourrait être de penser le diagnostic en termes de liens et non en termes de juxtaposition ou d’empilement de points de fragilité. De ce point de vue, il pourrait être intéressant de solli-citer les familles parce que, malgré leurs grandes diffi-cultés sociales, elles font des liens. Associer les familles dans le repérage ou le diagnostic n’est pas simplement une question de respect à leur égard, ce n’est pas sim-

plement un moyen d’obtenir leur adhésion, c’est aussi vraisemblablement un moyen d’aller vers un peu plus de justesse dans le diagnostic.

Dépasser les représentations immédiates

Peut-on aller au-delà d’une représentation immédiate des familles auxquelles on s’adresse ? Il y a une diversité de territoires, il y a éventuellement des spécificités. Com-ment alors prendre en compte la diversité des publics ? Il y a des familles qui sont en difficulté depuis des géné-rations, il y a des familles qui sont ébranlées par la crise depuis 10 ou 15 ans, il y a des familles frappées plus récemment par le chômage. Les cadres de sociabilité de ces familles ne sont pas les mêmes, la manière dont ces cadres sont ou ne sont pas des soutiens possibles va-rie considérablement, et varient aussi les ressources qui méritent d’être repérées autant que les signes de fragilité. Une analyse de ce type est peut-être plus facile dans les petites communes avec la proximité et la connaissance du terrain, mais sans doute faut-il aussi s’y risquer dans les grandes.

Tout le monde est bien conscient que les dispositifs déjà existants ne sont pas complètement satisfaisants et donc nous invitent à faire autrement, en particulier de manière plus articulée. Nous sommes amenés à un repérage plus complet du fait de la coopération entre différents professionnels, mais la question est de savoir si un repérage plus complet est forcément plus pertinent. Autrement dit, en repérant davantage des facteurs de fragilité, parvient-on suffisam-ment à les articuler les uns avec les autres plutôt qu’à les juxtaposer ?

– Socioéducatif/Structures associatives : référents pa-rents, coordonnateurs jeunesse, animateurs socio-culturels des MJC, Animateurs d’Insertion et de Lutte contre les Exclusions (AILE) des centres sociaux…

– Famille/Point info famille : pour permettre aux familles de saisir directement le dispositif, opérationnel depuis septembre 2007.

À la demande de la ville, chaque professionnel a donc été officiellement habilité par son responsable hiérarchique et chacun a pu être rencontré, informé, sensibilisé…

Une fois l’accord de la famille obtenu, l’équipe de réus-site éducative est sollicitée pour examiner la situation de l’enfant avec ses parents.

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26 La réussite éducative à l’épreuve du terrain

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27Diagnostiquer, repérer : comprendre pour agir

Repères pour agir_n°1 IREV

Le repérage comporte également un risque, que j’appel-lerai le « risque panoptique ». Le souci extrêmement inté-ressant et fécond de porter sur l’enfant un regard croisé, multiple, qui ne se contente pas du scolaire, du social ou du médical, comporte également le risque d’aboutir à une sorte de « casier éducatif ». Si l’intérêt est manifeste, il subsiste un risque, dans la mesure où les parents ne sont pas systématiquement au courant de ce qui se dit de leurs enfants. Il y a donc sans doute une vigilance collective à avoir sur ce point. Enfi n, dans le repérage, on insiste sur des choses diffé-rentes selon les sites. D’une part on s’aperçoit qu’il y a souvent une assez forte prédominance de l’échec sco-laire parce que c’est le plus apparent, mais c’est aussi lié au rôle de l’Éducation Nationale dans le diagnostic. Celle-ci bénéfi cie en effet de la présence des élèves, pu-blic que l’on pourrait appeler captif. Les enseignants ont les élèves de manière continue et il n’est pas étonnant qu’ils insistent sur ce point, ils ont la légitimité pour le faire et on leur reprocherait de ne pas le faire.

L’école : une fenêtre sur la vie des familles

Mais n’oublions pas que, au-delà du scolaire, l’école est une fenêtre incroyable sur la vie des familles. Une fenêtre en raison de ce que disent les enfants, surtout les tout petits qui racontent énormément, et une fois que les en-fants ont appris à préserver la séparation entre la sphère privée et la sphère publique, il y a encore beaucoup de choses qui émergent à travers la manière dont ils sont habillés, ce qu’il y a dans leur cartable, la façon dont ils parlent, leur tenue en classe, etc. Les enseignants ont donc une série d’indices qu’ils ne sont pas forcément toujours les mieux placés pour interpréter, et en tout état de cause il faudrait croiser ces indices avec d’autres pour construire un diagnostic qui soit autre chose qu’une jux-taposition. Une chose est d’être bien placé pour repérer – et c’est le cas des enseignants –, une autre est d’être le mieux placé pour articuler l’ensemble des données et pour contacter les parents. Un certain nombre de fa-milles ont un rapport à l’école qui est diffi cile, leur histoire scolaire n’a pas été pavée de roses, il y a donc là encore nécessité de travailler avec d’autres.

progression

Points de vigilance et recommandationsMieux articuler diagnostics territoriaux, res-sources du droit commun et repérage individuel

Le repérage individuel des enfants en situation de « non réussite éducative » suppose qu’en amont, un volet édu-catif d’un diagnostic territorial soit effectué.Ce diagnostic mettra en évidence :– l’état des ressources du droit commun pour les insti-

tutions, professionnels et bénévoles ayant une part de compétence et de responsabilité en matière d’éduca-tion. Des indicateurs simples (temps d’attente en CMP, ancienneté moyenne des enseignants, existence ou non de CLIS, de SEGPA10, présence d’associations de soutien scolaire , existence de CEL, de PEL, etc.) ;

– les dynamiques à l’œuvre sur le territoire : implication des élus dans le domaine de l’éducation, dynamique des PEL lorsqu’ils existent, richesse du tissu associatif en matière d’éducation populaire, projets d’animation socioculturelle, etc.

Le repérage des enfants en diffi culté pourra alors sortir d’une analyse purement individuelle, imputant implicite-ment à l’enfant et à sa famille l’échec éducatif.

Construire à la fois des critères de repérage et des critères d’éligibilité au dispositif

À défaut de construire explicitement et de formaliser des critères d’éligibilité, on risque de prêter le fl anc à la criti-que d’arbitraire : le simple constat de diffi cultés repérées par plusieurs professionnels ne légitime pas en soi une éligibilité au dispositif. La nature des diffi cultés, leur inten-sité, « la « position du curseur », etc. doivent être posées, de manière à sortir de l’implicite et du « clandestin ».Ces critères d’éligibilité doivent être construits en prenant en compte l’analyse des ressources de l’enfant et de son environnement familial : faciliter la réussite éducative d’une famille et d’un enfant ne peut se concevoir qu’en s’appuyant sur les ressources ou le « potentiel » que l’en-fant et sa famille portent en eux.

Se doter de référentiels d’analyse des situations individuelles

L’une des pierres d’achoppement du travail de repérage est la diffi culté d’articuler des points de vue qui ressortent d’univers étrangers les uns aux autres.

Référentiel Public et entrée Ex. d’indicateurs Institutions / acteurs / compétences

Commentaire…

Scolaire Enfants en échec scolaire

Notes et bulletins scolaires

École Ce sont les référentiels les plus couramment utilisés, par une sorte « d’attraction implicite » : réussite éducative = réussite scolaire

Enfance en danger Familles « à risque » de maltraitance

Suspicion de maltraitance, défi cit éducatif

Services sociaux départementaux, service social scolaire

Derrière les diffi cultés éducatives, on peut faire l’hypothèse de milieu social « pathogène », mettant l’enfant en danger

Prévention de la délinquance

Comportements répréhensibles

Comportements perturbants en classe, incivilités, agressivité, etc.

École, police, services municipaux

La réussite éducative est ici appréhendée sous son aspect de la capacité à « vivre ensemble »

« Médico-social » Défi cit Signes cliniques de défi cience, troubles du comportement, troubles sensoriels, etc.

Médecine scolaire, CMP L’enfant est perçu comme sujet à des « troubles », porteur de défi ciences, ou de handicaps qu’il s’agit de compenser

« Parentalité » Familles en diffi culté dans la mise en œuvre de leur responsabilité éducative

Pauvreté socioculturelle, diffi cultés de communi-cation avec les autres, manque de « cadre »

École, services sociaux La pauvreté sociale est souvent – à tort – associée à un défi cit de « compétences parentales »

La diffi culté vient de ce que l’observation peut, selon les grilles d’analyse utilisées, donner lieu à des interpréta-tions complètement différentes : par exemple, l’agitation en classe relève-t-elle d’un trouble psychique (troubles du comportement), des premiers signes de comporte-ments délinquants, d’un manque de cadrage de la part des parents, ou encore est-elle un appel au secours d’un enfant en danger ?Chacun, selon ses « lunettes », risque de tirer l’interpréta-tion à lui. C’est pourquoi le débat est nécessaire, à partir d’une explicitation des référentiels de chacun, et à partir d’observations croisées : un indicateur isolé, non réfé-rencé à une grille de lecture, n’a pas de sens.Autrement dit, la « réussite éducative » doit permettre d’ar-ticuler ces différents référentiels, sans se limiter à l’un ou à l’autre, et de déterminer les problématiques dominantes qui vont permettre d’enclencher une action, un parcours.

Informer les familles dès le repérage

Il est essentiel que, dès les premières intentions de ren-dre tel enfant éligible au dispositif, en général par l’inter-médiaire d’un enseignant, les familles soient informées de ce qui se joue à travers le repérage.Le dispositif doit être présenté dans ses objectifs et ses modalités, avant même de déterminer si l’enfant est ou non éligible.

En agissant de la sorte, on permet à chaque parent – s’il le souhaite – de refuser que son enfant fasse l’objet d’une évaluation qui, en tout état de cause, ne relève pas du droit commun, ou au contraire de coopérer dans la compréhension des diffi cultés de l’enfant.Cette information permet également de sortir le dispositif de la quasi clandestinité qui le caractérise dans certains sites.10 Classes d’intégration scolaire (CLIS), Sections d’Enseignement Général et Professionnel Adapté (SEGPA).

Il est donc essentiel, avant même de les articuler, de repé-rer ces « référentiels » qui organisent de manière explicite

ou implicite l’analyse des professionnels. Ces référentiels peuvent être identifi és de la manière suivante :

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28 La réussite éducative à l’épreuve du terrain

IREV

29Projets, actions, parcours… construire une offre qui fasse sens

Repères pour agir_n°1 IREV

Projets, actions, parcours… construire une offre qui fasse sens

Constats et points d’analyse 31

• Subsidiarité / complémentarité ?

• Fourniture de prestations / construction de parcours / logique de projet ?

• Logique de l’offre / logique de la demande

• La construction et la modélisation de l’offre

• Actions collectives ou individuelles ?

• Poser la question du rapport à l’usager

Expérience : Le PortelPartir de l’offre, une opportunité pour agir rapidement et répondre aux enjeux éducatifs diagnostiqués localement 34

Bâtir une offre adaptée

Parole d’expert : Dominique Glasman (Professeur de Sociologie, Université de Savoie) 35

Points de vigilance et recommandations 36

• Poser le choix préalable d’une logique d’offre ou de demande

• Déterminer la position du « curseur »

• Construire des référentiels d’action

• Intégrer dès le départ le rapport à l’usager dans la construction de l’offre

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30 La réussite éducative à l’épreuve du terrain

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31Projets, actions, parcours… construire une offre qui fasse sens

Repères pour agir_n°1 IREV

Le Dispositif de Réussite Éducative a été essentiellement conçu comme une capacité d’activer des réponses indivi-dualisées de manière souple et rapide, après identification

des besoins de l’enfant et de sa famille et dans une logique de « parcours » de l’enfant.Il suppose également de mobiliser d’abord des réponses de droit commun et, si nécessaire, d’apporter des réponses innovantes, en complémentarité de ce droit commun.

Subsidiarité / complémentarité ?

La plupart des équipes manifestent une propension cer-taine à proposer des actions qui viendraient combler des manques repérés sur le territoire. En effet, la plupart des territoires concernés cumulent les défi cits au vu des be-soins sociaux de la population : défi cit de moyens des institutions de droit commun (sous-équipement en CMP, sous-effectivité du social départemental par exemple), mais aussi insuffi sance de professions paramédicales (orthophonistes, etc.) ou de réseaux associatifs…Dans ce contexte, certains Projets de Réussite Éducative ont pris le parti de combler les manques des institutions de droit commun, avant de venir en complémentarité de ces institutions.

Les enjeux politiques de la réponse au défi cit d’offreCombler un manque peut ressortir de deux logiques : ou il s’agit d’une absence ou d’un défi cit d’offre (par exem-ple il n’y a pas de psychomotriciens libéraux ou d’or-thophonistes sur le territoire considéré), ou il s’agit d’un problème d’accès (la famille ne peut payer l’inscription à un club de sport).Dans le premier cas, la réponse consiste en une modi-fi cation de la structure de l’offre, et se pose alors claire-ment la question de la substitution aux responsabilités des différentes institutions concernées. Si la liste d’at-tente en CMP est trop importante, faut-il se substituer à l’Assurance maladie au nom de l’urgence du problème posé ?La réponse peut être positive, mais il sera illusoire, lors-que l’on reviendra (tôt ou tard) au droit commun, d’imagi-ner que la CRAM (par exemple), reprendra à son compte les dépenses engagées. S’engager dans la voie de la « réponse aux besoins » lorsque l’offre est notoirement insuffi sante peut conduire à des « transferts de fi nance-ments », que personne n’assumera l’échéance venue.Dans le deuxième cas (la logique du coup de pouce), on en revient à une forme d’aide extra-légale qu’il faudra bâtir suivant un modèle de CCAS élargi (la Caisse des Écoles venant opportunément remplir ce rôle), avec tou-tes les diffi cultés de rendre publics les critères à la base des décisions de prise en charge.

Fourniture de prestations / construction de parcours / logique de projet ?

Le recours et la forme même des fi ches-actions, qui constituent l’ossature administrative et fi nancière du dis-positif, privilégie des actions concrètes, identifi ables par domaine. Et on constate que la tendance dominante est de proposer des « prestations », c’est-à-dire des services à l’enfant et / ou à sa famille, dans une logique souvent individuelle.

Les contraintes des « fi ches actions »Cette forme d’éligibilité au dispositif induit :– une prééminence de la logique de prestation sur la lo-

gique projet ;– une prééminence des actions concrètes, mesurables

en unités d’œuvre (nombre d’heures de psy, par exem-ple) sur les actions collectives, sur l’ingénierie, ou sur l’accompagnement des familles ;

– une diffi culté à penser en termes transversaux : il y a des actions « santé », des actions « scolaires », des ac-tions « sociales », etc. sans que la transversalité néces-saire apparaisse.

En tout état de cause, se dessine majoritairement une lo-gique de prestations dans laquelle le Dispositif de Réus-site Éducative joue un rôle d’ensemblier. Cette logique d’action est d’ailleurs en accord avec les évolutions ac-tuelles des politiques sociales et médico-sociales, dans lesquelles la prestation devient le mode d’entrée privilé-gié.Cette manière d’envisager l’action rejoint la « note de cadrage » qui parle de « problèmes » et de « solutions ». On peut évidemment questionner ce modèle d’action qui suppose en amont une approche défi citaire : les familles et les enfants seraient en diffi culté car il y aurait quelque part un « défi cit » à combler, un défaut à réparer. Mettre en place des séances de psychothérapie, d’orthophonie, d’aide aux devoirs, etc., relève de cette conception.

La notion de parcoursLa notion de parcours a été peu travaillée ; quand elle l’a été, elle l’a plutôt été sous la forme d’un ensemble cohérent de prestations allouées à un enfant ou à sa fa-mille, dans un ordre plus ou moins déterminé, plutôt que dans une logique de projet, à construire avec l’enfant et sa famille.

travail collectif

Constats et points d’analyse(Les éléments ci-dessous sont issus du cycle d’échange et de qualifi cation « réussite éducative » Nord Pas-de-Calais auquel ont participé les acteurs en charge de la mise en œuvre des PRE)

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32 La réussite éducative à l’épreuve du terrain

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33Projets, actions, parcours… construire une offre qui fasse sens

Repères pour agir_n°1 IREV

De fait, en fonction de la typologie des enfants repérés, on constate que les logiques d’action sont soit : – celles du coup de pouce : on s’adresse aux enfants

pour lesquels un simple « plus » leur permettrait de réussir ; cette logique est essentiellement liée au réfé-rentiel scolaire : on met en place du soutien scolaire, un peu d’orthophonie, etc.

– celles de l’accompagnement lourd et durable, sup-posant la construction de parcours, de projets, et la

mobilisation de la famille, etc. Là encore, le mode de repérage et la « position du curseur » influent sur les ré-ponses apportées.

Les textes réglementaires, visant les « enfants les plus fragiles », incitent à travailler sur la deuxième logique, mais les moyens affectés rendraient illusoires la capacité à mobiliser suffisamment de moyens humains autour d’une situation donnée.

« Parcours » : projet personnalisé ou prestation individualisée ?

Au cours des ateliers, les échanges ont fait apparaître que la notion de parcours n’était pas claire. Le parcours pouvait relever selon les acteurs de deux logiques distinctes (prestation versus projet). La plupart reconnaissant que les parcours développés dans le cadre de leur PRE relevaient plus d’une logique de prestation individuelle que de projet personnalisé.

Écla

irage

PRESTATIONDiagnostic initial selon une grille multicritères

,Analyse sectorisée des problèmes de l’enfant (sociaux, scolaires, sanitaires, psychologiques…). Les professionnels discutent des solutions que chacun peut respectivement apporter selon son champ de compétence

,Validation collective d’un plan d’actions individualisé (tentative d’articulation et de mise en cohérence des différentes prestations proposées). Chaque action vise à répondre à une difficulté repérée (logique de résolution de problèmes)

,Le rôle et les attendus de la famille sont de créer les conditions d’un engagement effectif dans le parcours prescrit

,L’évaluation et le suivi du parcours sont contraints à une approche quantitative (l’enfant a-t-il participé à toutes les actions préconisées ?)

PROJETDiagnostic initial selon une grille multicritères (et qui identifie les potentiels) associant la famille

,Chaque professionnel peut discuter des différents champs

,Mise en commun et formalisation de la pro-blématique globale de l’enfant (à partir d’une identification de ses principales difficultés)

,Elaboration d’un projet, d’une « stratégie de changement » avec la famille et les profes-sionnels (débat sur les attendus, les objectifs et les étapes qui jalonnent le parcours)

,Définition et mise en place (avec la famille) d’une démarche d’évaluation et de suivi adaptée à la stratégie

,Le suivi du parcours est lié aux objectifs et aux étapes du parcours

Face à ce constat, et pour la majorité des sites, l’enjeu et les perspectives de progression pour les PRE sont donc bien de dégager les conditions permettant de passer d’un modèle de prestation à un modèle projet.

Logique de l’offre / logique de la demande

À l’observation des pratiques, deux approches se distin-guent. L’une consiste à poser en premier lieu les difficul-tés de l’enfant et à bâtir (au moins potentiellement) une réponse, à partir des actions financées dans le cadre du Dispositif de Réussite Éducative. L’autre consiste à identifier et formaliser une série d’of-fres, par exemple un atelier lecture, pour lequel on pro-posera un nombre d’enfants dont on pense qu’il y aura adéquation entre cette offre et les difficultés de l’enfant. L’entrée par la demande, qui semble la plus pertinente a priori (on répond à des besoins identifiés et individuels) se heurte rapidement à des problèmes d’organisation : « l’heure du conte », par exemple, suppose de réunir un groupe d’enfants à un même moment. Une trop grande individualisation de l’offre rend celle-ci peu opératoire, surtout pour de petits effectifs, en outre dispersés dans des écoles différentes.Une entrée par l’offre présente évidemment des avanta-ges en termes de « rentabilisation » des actions program-mées : telle action collective ou individuelle est program-mée en fonction à la fois des ressources disponibles et du diagnostic éducatif local, et on propose à l’équipe pluridisciplinaire de déterminer le public le plus adéquat parmi les enfants repérés. En revanche, on met à mal la logique de parcours et de projet.

La construction et la modélisation de l’offre

Il est frappant de voir comme chacun voit midi à sa porte et propose des réponses assorties aux « lunettes » pro-fessionnelles qu’il chausse habituellement.Ainsi, par exemple, les médecins scolaires mettent en avant les problèmes d’obésité et de malnutrition, et pro-posent les « petits déjeuners éducatifs ». Les animateurs proposent l’inscription au club sportif, les enseignants orientent vers l’orthophonie, la psychomotricité et le CMP, et les travailleurs sociaux vers le soutien à la paren-talité et les vacances en famille.La construction de l’offre est donc souvent un patchwork de propositions qui, prises individuellement, ne peuvent qu’être lues positivement, mais qui ne font pas sens et n’ont pas de cohérence entre elles.Il est donc essentiel de construire des « modèles d’inter-vention », donnant corps à des hypothèses de travail, à une mise en cohérence des actions proposées, voire à des modes d’évaluation des résultats attendus.À titre exploratoire, il semble que les modèles implicites déjà repérés sont :– le modèle psycho-rééducatif : orthophonie, séances

d’accompagnement psychologique, séances de psy-chomotricité, etc.

– le modèle de santé publique : lutte contre la malnutri-tion, contre l’obésité, contre les conduites addictives,

traitement des troubles du comportement, etc.– le modèle éducatif du soutien parental : Assistance

Éducative en Milieu Ouvert (AEMO), travail en groupe de parole des parents, etc.

– le modèle d’aide à la socialisation : participation à des ateliers socioculturels, à des clubs sportifs, à des sé-jours éducatifs, etc.

– le modèle d’aide à l’apprentissage scolaire : aide aux devoirs, activités périscolaires, etc.

Actuellement, aucune des actions mises en avant dans les différents Projets de Réussite Éducative n’est reliée à un modèle d’action qui lui donnerait sa légitimité, sa forme et sa cohérence. Attention, il ne s’agit pas de « choisir » entre ces modèles, mais de comprendre leurs cohérences internes.Enfin, ce travail de modélisation permettrait d’élaborer de véritables référentiels d’actions évaluables.

Actions collectives ou individuelles ?

On constate que les actions individuelles ont souvent été privilégiées, et que les actions collectives mises en œuvre ont surtout été conçues comme un regroupement orga-nisationnel de prestations individuelles. Ainsi, le soutien scolaire est organisé collectivement, mais il est individua-lisé dans son principe.Des actions réellement collectives, telle la mise en place d’une « école des parents » ouverte à tous, sont rares, et posent alors des problèmes de financement : faut-il faire émarger les parents « éligibles au Dispositif de Réussite Éducative », et ne financer que cette partie de l’action menée, ou est-il possible de financer une prestation de droit commun, s’adressant plus particulièrement aux pa-rents d’enfants en difficulté ?

Poser la question du rapport à l’usager

Quant au rapport de l’usager à ces différentes ressour-ces, il est le plus souvent ignoré, ou posé comme allant de soi, dans la mesure où il s’agit du « bien de l’enfant ». La famille est, là encore, souvent perçue comme simple destinataire de prestations supposées désirables.Or, on sait que, dans beaucoup de cas, c’est le rapport même à ce qui est proposé par les différentes institutions (école, services sociaux, etc.) qui pose problème. Pro-poser du soutien scolaire, des consultations en CMP, ou des heures d’orthophonie, comporte toujours une part de violence symbolique à l’égard de la famille, qui se vit très souvent comme défaillante.Cet aspect ne peut donc être déconnecté de la cons-truction technique de l’offre.

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34 La réussite éducative à l’épreuve du terrain

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35Projets, actions, parcours… construire une offre qui fasse sens

Repères pour agir_n°1 IREV

Partir de l’offre, une opportunité pour agir rapidement et répondre aux enjeux éducatifs diagnostiqués localement

expérience

Le Portel

Ville de 10 866 habitants (commune de la communau-té d’agglomération du Boulonnais). Toute la ville est en REP : 1 collège, (750 collégiens) et 9 établissements sco-laires (1100 élèves, maternelles et primaires confondus) dont un lycée professionnel maritime. Environ 100 jeunes effectivement engagés dans des actions PRE. Le PRE a été lancé en octobre 2005 et une charte de confidentialité permet, depuis juin 2006, le repérage ef-fectif des futurs bénéficiaires du PRE.

Processus de construction de l’offre

La Ville du Portel a initialement donné la priorité à la cons-truction de l’offre. Ce choix correspondait à la volonté de démarrer rapidement les actions.C’est donc à partir d’une offre identifiée (en fonction des capacités et des ressources locales) que le lien avec les bénéficiaires potentiels s’est construit.

La logique s’appuie sur l’offre existante (le repérage des enfants se fait en fonction des capacités, du nombre de places potentielles).Dans cette logique, le repérage s’effectue pour cha-que action en fonction de critères spécifiques à chaque champ (actions socio-éducatives / médico-psychologi-ques…).En fonction des actions, chaque équipe détermine les publics éligibles selon des critères spécifiques. Ainsi c’est à l’aide des résultats obtenus aux tests évaluant les acquis et le niveau des élèves (test de Jade) que sont déterminés les critères d’éligibilité aux actions fléchées sur le soutien scolaire. De même, le passage à l’acte au collège assorti de la validation par le médecin scolaire de difficultés compor-tementales constituent les critères qui permettent de dis-tinguer les adolescents concernés par les actions d’ac-compagnement.

• Des actions parfois éloignées des enjeux éducatifs prioritaires

• Quels types de « contrat » mettre en place avec les familles ? Quels contenus privilégier ?

Pour un aperçu plus détaillé des points de débat et des pratiques d’acteurs, cf. Ressources p. 82[…]

Bâtir une offre adaptée

parole d’expert

Dominique Glasman Professeur de Sociologie, Université de Savoie

(Journée régionale du 5 décembre 2006)

De la réponse à la question

On observe depuis le début des Zones d’Éducation Prio-ritaire, c’est-à-dire depuis le début des années 80, une tendance à aller non pas de la question à la réponse mais de la réponse à la question. On a une action que l’on sait faire et le problème des enfants correspond justement à l’action que l’on sait faire ! Ça tombe bien ! J’ai la ré-ponse, quel est votre problème ? C’est très classique, ça ne concerne pas seulement la réussite éducative, on propose ce qu’on sait faire et ce qu’on sait pouvoir offrir (il ne s’agit pas de faire miroiter à des parents une éven-tuelle prise en charge qu’on ne saura pas faire). Passer de la réponse à la question permet aussi de faire place à une diversité d’intervenants professionnels et associatifs, au risque parfois d’aller vers une logique de partage du marché. Je crois que c’est aussi un point de vigilance qu’il faut avoir collectivement, d’autant que cette présence de réponses déjà construites va marquer en amont les diagnostics que l’on fait sur la situation des enfants.

Articuler et non juxtaposer

On constate cependant que, plutôt qu’une réponse construite et articulée, on a souvent une offre de juxta-position d’interventions qui répond à la juxtaposition des points de fragilité que l’on a repérés chez les enfants. On

a donc une offre de prestations plus que la construction d’un parcours ou d’un projet. Nous ne savons pas très bien, en effet, les uns et les autres, ce que serait vraiment la construction d’un parcours pour un enfant en grande difficulté. C’est extrêmement difficile. Et le fait de produire des réponses juxtaposées risque aussi d’intensifier le ris-que de logique déficitaire, c’est-à-dire dans laquelle on vise à combler les lacunes des enfants. Dans l’offre on voit aussi que prédomine très souvent l’accompagnement scolaire, et ce pour plusieurs rai-sons. D’une part, le repérage était souvent à l’initiative des enseignants, c’est aussi quelque chose que l’on sait faire depuis longtemps, et c’est peut-être aussi ce qui est le plus facilement accessible et compréhensible par les parents. D’autre part, ça a l’avantage de mettre moins en cause leur éducation que d’autres points de fragilité. On peut dire : « Moi je n’ai pas été à l’école, j’ai quitté l’école à 12 ans, je n’aimais pas l’école… », alors qu’il y a d’autres choses qui sont beaucoup plus diffi-ciles à reconnaître et à avouer. Cette prédominance de l’accompagnement scolaire est donc sociologiquement compréhensible. Il y a une distinction qui est faite dans un certain nombre de sites, entre la prise en charge et le suivi. Le suivi peut être individuel, avec un référent, mais la prise en charge n’est pas nécessairement individuelle. Elle peut se faire dans le cadre de dispositifs collectifs qui ne reçoivent pas uniquement des enfants suivis en Réussite Éducative.

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36 La réussite éducative à l’épreuve du terrain

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37Projets, actions, parcours… construire une offre qui fasse sens

Repères pour agir_n°1 IREV

progression

Points de vigilance et recommandations

Poser le choix préalable d’une logique d’offre ou de demande

Comme on l’a évoqué, les deux approches sont possi-bles. Dans un cas, il s’agit de s’appuyer sur la dynamique in-dividuelle de l’enfant (son projet) pour mobiliser les res-sources disponibles (ou à créer).Dans l’autre, on promeut des actions calibrées de telle

manière qu’elles puissent rencontrer la « cible » des en-fants en diffi culté. Celles-ci sont proposées par les équi-pes opérationnelles.Il y a dans chaque option des avantages et des inconvé-nients qu’il s’agit d’identifi er.En tout état de cause, un meilleur cadrage des niveaux de diffi cultés des enfants permettra de mieux évaluer les résultats obtenus. Cette décision est donc politique et doit être prise en amont des actions à mettre en œuvre.

Avantages Inconvénients

Logique de la demande Coller « au plus près » des besoins, construire une logique de parcours, mobiliser les ressources de droit commun

Complexité de construction du parcours, diffi culté de mobiliser les ressources de droit commun

Logique de l’offre Optimiser les ressources fi nancières en construisant d’abord une offre collective, pourvu qu’elle s’appuie sur un diagnostic

Absence de logique de parcours.Tendance à pro-poser du « standard » pour répondre à des besoins « standards ». Risque de « partage du marché » entre prestataires

Déterminer la position du « curseur »

Entre la logique identifi ant les enfants « les plus en diffi -culté » et la logique du coup de pouce, ni les moyens ni les chances de réussite ne sont les mêmes.Il y a lieu, là encore, de bien identifi er les avantages et les inconvénients de ces deux orientations.

Avantages Inconvénients

« les plus en diffi culté » Se donner des objectifs ambitieux Risque de viser des enfants et des familles béné-fi ciant déjà de nombreux intervenants sociaux et médico-sociaux

Le « coup de pouce » Se donner des chances de réussite et optimiser les moyens disponibles

On laisse de côté les publics en déshérence

Construire des référentiels d’action

Il est important de déterminer les référentiels qui permet-tent de situer la pertinence des actions les unes par rap-port aux autres, et d’expliciter ce qui reste trop souvent implicite dans l’action menée.Il est essentiel de noter qu’il ne s’agit pas de « choisir » entre ces référentiels, mais de référer les actions propo-sées à leur cadre « naturel » et aux hypothèses de travail qu’elles véhiculent. C’est donc un outil de compréhen-sion et de construction de la cohérence des actions, et non un outil de « catalogage » des actions.

L’explicitation des hypothèses sous-jacentes permet en outre de proposer une évaluation des diffi cultés de l’enfant, et d’y répondre de manière pertinente. Plusieurs modèles sont compatibles ; il s’agit de déterminer les en-trées les plus pertinentes, à la fois sur le plan individuel et sur le plan collectif, en fonction du diagnostic éducatif réalisé localement.

« Modèle » référentiel Problématique implicite Type d’actions

Modèle psycho-rééducatif

Les enfants en diffi culté présentent des troubles qu’on peut relier à des diffi cultés psychologiques (troubles du lien, de l’humeur, du comportement)

Soutien psychologique

Modèle rééducatif Les enfants en diffi culté présentent des troubles qu’on peut « rééduquer »

Orthophonie - Psychomotricité - Sport

Modèle de santé publique

Les enfants présentent des troubles tels que l’obésité, la malnutrition, l’addiction

Actions d’éducation sanitaire (nutrition, lutte contre l’addiction, etc.)

Modèle « parentalité » L’enfant est en diffi culté en raison de la faible « compétence parentale » de ses parents

Groupes de parole, École des parents,AEMO

Modèle de socialisation L’enfant n’a pas intégré les règles de la société et présente des signes de prédélinquance

Ateliers socioculturels, sport collectif, séjours éducatifs, etc.

Modèle d’apprentissage scolaire

L’enfant est en diffi culté en raison de sa diffi culté à apprendre

Soutien scolaire, ateliers de remédiation cognitive

Intégrer dès le départ le rapport à l’usager dans la construction de l’offre

La construction de l’offre doit intégrer le rapport à l’usa-ger : comment associer les parents à une démarche de soutien scolaire, comment amener peu à peu à consulter le CMP, etc.Pour des familles très en diffi culté, l’institution qui apporte une aide est souvent suspectée de vouloir les disqualifi er.

Par expérience, la plupart des parents en diffi culté ont vécu la violence d’un jugement défi nitif de l’instituteur à l’égard de leur enfant, le regard critique de l’assistante sociale à l’égard de leur logement, etc. Même si ces réactions sont souvent injustes, elles n’en structurent pas moins le rapport des usagers aux institutions inter-venant dans le Dispositif de Réussite Éducative.

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38 La réussite éducative à l’épreuve du terrain

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39Accompagner les enfants et leurs familles au changement

Repères pour agir_n°1 IREV

38Accompagner les enfants et leurs familles au changement

Constats et points d’analyse 41

• Les enjeux politiques de l’accompagnement des familles au changement

• Les enjeux institutionnels de l’accompagnement des familles au changement

• Les enjeux opérationnels de l’accompagnement des familles au changement

Expérience: Le café des parents à LambersartAccompagner les parents dans leur fonction éducative en dehors de tout rapport de culpabilité 44

Le rapport aux familles : un enjeu politique et éthiqueParole d’expert : Dominique Glasman (Professeur de Sociologie, Université de Savoie) 46

Points de vigilance et recommandations 47

• Préciser les modalités d’information

• Garantir la transparence sur les fi nalités du parcours

• Travailler formellement les outils pour encourager les familles

• Formaliser et débattre des fonctions et des postures du référent de parcours

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40 La réussite éducative à l’épreuve du terrain

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41Accompagner les enfants et leurs familles au changement

Repères pour agir_n°1 IREV

En positionnant la famille comme « public cible et partenaire », membre à part entière de la communauté éducative et acteur central du parcours de réussite éducative, le dispo-

sitif pose quelques principes clairs. Il est cependant plus discret quant aux finalités, aux problématiques familiales à privilégier, aux formes et aux limites d’intervention.Accompagner les parents dans l’exercice de leurs responsabili-tés parentales peut prendre plusieurs formes. De l’information-conseil à un accompagnement plus soutenu, les scénarios sont nombreux et les objectifs peuvent se décliner à l’infini : rappel à la loi, résolution de crise, prévention de risque de dégradation de situations familiales, soutien psychologique ou financier ponctuel. Quels sont ceux que privilégie la réussite éducative ? Quels critè-res permettent d’arbitrer et de proposer à une famille de s’inscrire dans un type d’accompagnement ? La procédure étant muette sur ces points, c’est aux partenaires locaux d’établir leurs réponses. Quelle que soit l’utilisation qu’ils feront du dispositif, il est utile de rappeler que le travail avec les familles ne se décrète pas et qu’il est soumis à un ensemble d’obli-gations réglementaires11. Il suppose également une expertise, des compétences et des postures professionnelles adaptées.

Les enjeux politiques de l’accompagnement des familles au changement

Dans ce cas de fi gure, on fait l’hypothèse que « l’effet levier » vient de la capacité des intervenants à nouer une relation d’ordre contractuel avec les familles, et de les « mettre en responsabilité » de la réussite éducative de leurs enfants.On répond par là à une orientation de la note de cadrage, qui préconise un accompagnement sur la durée, dans une construction de parcours individualisé.Cette visée est ambitieuse, puisqu’elle consiste à po-ser que l’appropriation par les familles d’une analyse de leurs diffi cultés et un accompagnement « bienveillant » pourront changer le regard de la famille et des différents intervenants sur l’enfant et le mettre dans une dynamique positive de réussite. La question qu’une telle démarche pose est celle de la nature du lien engendré par cet ac-compagnement :– S’agit-il d’une démarche volontaire de la part des fa-

milles et des enfants accompagnés ?

– S’agit-il d’une « injonction éducative » s’imposant aux familles dont les enfants, en « non réussite », poseraient des problèmes (de comportement) aux intervenants et aux enseignants ?

Cette question est directement en lien avec celle du re-pérage, puisqu’on peut se demander en quoi ce ciblage à la fois « de masse » et « individualisé », conduit ou non à du contrôle social.Que fera-t-on des familles refusant l’aide ou le soutien apporté ? Ou celles qui n’iront pas aux consultations proposées dans le contrat individualisé ? Y aura-t-il des sanctions ? Lesquelles ?Le risque est de tenir un discours du type « malgré tout ce qu’on fait pour eux, il n’y a pas de changement ».

Les enjeux institutionnels de l’accompagne-ment des familles au changement

Sur le plan des institutions concernées, la question est de déterminer en quoi ce « contrat », s’ajoutant à d’autres contrats banalisés par le travail social, viendra prendre sa

“Témoignage > Claire De Backer Responsable opérationnelle des Équipes de Réussite Éducative, Ville de Tourcoing(Interview, mai 2007)

Distinguer les fi nalités des objectifs de moyens dans la défi nition des parcours et la contractualisationAujourd’hui, les équipes de réussite éducative proposent d’élaborer avec la famille les bases d’un projet en s’appuyant sur un diagnostic partagé (le référent, le parent, l’enfant). La première version du document élaboré ne reflétait pas la démarche mise en œuvre : la base de la contractualisation reposait sur des engagements trop formels (venir à toutes les séances proposées, être ponctuel et régulier, signaler tout problème au référent pa-rents…) et non pas explicitement sur l’objectif, la finalité de l’accompagnement (gagner en autonomie, dépasser une situation de conflit parental, réussir à mieux s’impliquer et suivre la scolarité de son enfant…). Nous avons travaillé cette distinction entre la finalité d’un parcours et les objectifs utiles à sa réussite. Cette dis-tinction nous paraît essentielle dans la mesure où elle devrait in fine : – faciliter l’évaluation du parcours et de l’accompagnement ;– permettre l’argumentation et la justification d’une fin d’accompagnement ou de sa prolongation ;– préciser le rôle du référent de parcours, qui n’aura pas pour seule fonction le contrôle de la bonne exécution des moyens mis à disposition.

11 À titre d’exemple, on peut citer la loi 2002-2, la loi n° 2007-293 du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance…

(Les éléments ci-dessous sont issus du cycle d’échange et de qualifi cation « réussite éducative » Nord Pas-de-Calais auquel ont participé les acteurs en charge de la mise en œuvre des PRE)

travail collectif

Constats et points d’analyse

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42 La réussite éducative à l’épreuve du terrain

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43Accompagner les enfants et leurs familles au changement

Repères pour agir_n°1 IREV

À quel moment informer les familles ?La place des familles dans le dispositif est essentielle. Il est évident que l’association des parents au projet édu-catif est la première assise qui permette d’envisager de manière réaliste une « réussite éducative ». D’où la néces-sité d’informer les familles dès la phase du repérage.

Cette pratique ne va pas de soi, et on assiste ici ou là à des pratiques de rétention de l’information auprès des familles, en raison de l’incapacité bien réelle des équipes à proposer de manière réactive un début de réponse aux difficultés repérées.On assiste alors à l’existence de fichiers tellement con-fidentiels qu’ils ne sont pas connus des premiers inté-ressés.

“Témoignage > Sandrine Joffre Coordonnatrice du PRE, Ville d’Arras(Journée régionale du 5 décembre 2006)

Qualifier les référents pour dépasser les insuffisances de la proximité La question des référents est de plus en plus centrale. À Arras, le principe, comme pour de nombreux autres PRE, est de permettre à la personne la plus proche de la famille, ou celle en mesure de comprendre le mieux la complexité du problème, d’être le référent de la situation. Cependant, si ce principe était globalement partagé, il n’empêche pas de faire émerger une multitude de questions : de combien de temps le référent dispose-t-il pour diagnostiquer globalement la situation ? Sa vision, sa connaissance lui permettent-elles véritablement de construire un projet individualisé avec la famille ? Ne sont-elles pas déterminées par sa compétence métier ? N’y-a t-il pas risque de morcellement ?

“Témoignage > Henri Otkowski Responsable d’un centre de jour en prévention spécialisée, Lille (Journée régionale du 5 décembre 2006)

Ne pas négliger l’importance des mots Je crois fondamentalement que l’écoute et la proximité sont essentielles et permettent de mobiliser. Cependant, il est important de rappeler à ce stade l’importance des mots, de l’expression. Je me rends compte régulièrement, par exemple lors des bilans ou quand des familles reviennent d’une audience auprès du juge pour enfants, que le vocabulaire, les mots que l’on utilise sont en décalage. Il n’est pas rare d’utiliser des mots que les familles ne comprennent pas.

place dans la panoplie des dispositifs contractuels.Quelle va être l’institution ou les institutions signataire(s) ? Quels vont être les termes de ce contrat ? Comment éviter le simple formalisme contractuel, tel qu’on le trouve assez souvent dans des contrats d’insertion, par exemple ? Va-t-on instituer un contrôle d’effectivité de ce contrat ? Comment poser un objectif contractuel de changement ?

Les enjeux opérationnels de l’accompagnement des familles au changement

Accompagner en vue de permettre le changementIl s’agit de permettre à des familles et des enfants de s’approprier une offre (soins, prestations, etc.) en vue de faire « bouger » un système éducatif familial défaillant.On rejoint ici les pratiques de l’Assistance Éducative en Milieu Ouvert (AEMO) dite administrative ou, selon les ap-pellations locales, l’Intervention Éducative à Domicile (IED ou IEAD) dans lesquelles un travailleur social est désigné comme « référent » de la famille pour conduire avec elle les changements souhaitables. On sait le coût d’un tel accompagnement et, en conséquence, l’aspect souvent homéopathique de ces pratiques.

Quelles possibilités pratiques ?Si l’on prend au sérieux la construction et l’accompagne-ment d’un parcours individualisé, on est confronté à des questions de moyens, tant sur le plan financier que des compétences mobilisables, ou des modes d’intervention à construire.

Comment construire un projet individualisé ? Faut-il s’ins-pirer des pratiques mises en exergue par la loi 2002-212 ? Comment s’assurer de la « libre adhésion » des familles ? Que faire des familles qui refuseront ?Sur quelles compétences s’appuyer à l’intérieur de l’équipe pluridisciplinaire ? Signalons que les profils pro-fessionnels ne correspondent que très partiellement à des compétences relatives à l’accompagnement psy-cho-social et éducatif des familles.Comment concilier les principes de l’exercice de l’auto-rité parentale avec les propositions de changement ? Sur un autre plan, sur quelle durée construire ces ac-compagnements ?

Organiser un parcours ou construire un projet avec la famille ?Devant les coûts prévisibles d’un véritable accompagne-ment au sens habituel du travail social, et surtout devant le manque de technicité des équipes supposées mettre en œuvre ces accompagnements, il y a probablement à réfléchir à des formules plus légères, sans pour autant réduire cet accompagnement à la simple organisation, dans le planning d’un enfant, de prestations variées, ce qui relèverait plutôt de la notion « d’ensemblier » de pres-tations.La notion de « parcours » ne doit pas être comprise comme l’échelonnement dans le temps d’une série de prestations, mais plutôt comme la mise en place d’une logique de projet éducatif avec la famille.

• Information, adhésion de la famille : quand ? comment ?

• Informer signifie t-il adhérer ? Comment peut-on s’assurer de la compréhension des enjeux par les familles ?

• Compétences, expertise, posture… quel référent pour accompagner les familles ?

• Points de vigilance, perspectives… comment garantir un accompagnement de qualité ?

• La place des parents du diagnostic à la construction des parcours de réussite

Pour un aperçu plus détaillé des points de débat et des pratiques d’acteurs, cf. Ressources p. 84[…]

12 Cf. Bibliographie p. 98.

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44 La réussite éducative à l’épreuve du terrain

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45Accompagner les enfants et leurs familles au changement

Repères pour agir_n°1 IREV

Accompagner les parents dans leur fonction éducative en dehors de tout rapport de culpabilité Contexte Créé en mars 2006 et implanté au cœur du quartier Pa-cot Vandracq (ZUS) à Lambersart, le café des parents est un espace de rencontre, d’information et d’échange exclusivement dédié aux parents.Ce projet initié par le service petite enfance de la ville, s’est concrétisé dans le cadre de la réussite éducative. Cependant, si « Parent’aise » s’adresse en priorité aux fa-milles concernées par ce dispositif, le café est ouvert à tous les parents Lambersartois.

Les objectifs

– Créer du lien ;– Enrichir les « compétences relationnelles » des parents ;– Apporter aux parents des connaissances théoriques

sur le développement de l’enfant et l’adolescent ; – Répondre à des demandes spécifiques du domaine

social et juridique…Globalement, l’objectif poursuivi par le « café des parents » est de nourrir et de soutenir la fonction parentale pour enrichir et favoriser in fine le développement socioaffectif de l’enfant ou de l’adolescent, en permettant aux parents de rencontrer des professionnels dans une autre « pos-ture » que celle d’expert ou d’enseignant.

Partis pris et postures : « la confiance et la reconnaissance comme ciment de la réussite »

Des postulats clairsAprès une première année d’activité, les résultats sont intéressants et consacrent les partis pris et postures dé-fendus par Parent’aise pour permettre à certains parents de s’inscrire dans des dynamiques de réussite et de changement : la non ingérence, le non jugement, la libre adhésion, la reconnaissance, la mobilisation et la valori-sation des compétences parentales. « Notre philosophie de travail part vraiment du principe que les parents ont des compétences. Dans la pratique,

cela signifie que l’on commence toujours par travailler sur ce qu’ils savent faire. Ce sont eux-mêmes qui font le constat des choses qui leur manquent et, à partir de là, ils expriment des demandes. »13

Dans la pratique, d’autres conditions permettent de tra-vailler autrement avec les parents : – un « lieu désinstitutionnalisé » : situé au cœur du quartier,

à proximité de l’école, le café des parents est hébergé dans un local qui n’est pas « marqué » institutionnellement ;

– un « positionnement ouvert » : dépendant du service petite enfance de la ville, Parent’aise n’est pas direc-tement lié à une procédure, à un cahier des charges limitant son fonctionnement ou figeant son activité. Ce positionnement « ouvre à des horizons variés », facilite l’adaptation et la réactivité ;

– des postures professionnelles adaptées : • Ainsi, Aude Geneau est d’abord positionnée comme

« accueillante » et non pas comme responsable de Pa-rent’aise. De formation travailleur social, sa mission consiste d’abord à créer des conditions pour que les parents expriment leurs demandes. Disponible, elle est identifiée par les familles pour son expertise et sa capacité à mettre en place des actions qui répondent à leurs besoins. Le cœur de son action ne consiste donc pas à gérer un dispositif ou à « identifier des pu-blics a priori ».

• De la même manière, les différents intervenants (édu-cateurs, psy, enseignants…) sont recrutés pour leur ex-pertise et leur capacité à adopter ce type de posture.

Prévenir, expliquer, rassurer, inverser les rapports… une approche préventive« Notre objectif consiste aussi à prévenir et informer. Nous essayons d’être autant un sas de sécurité qu’une espèce de plaque tournante dans la mesure où on oriente aussi beaucoup les parents. À titre d’exemple, nous avons permis à quelques professionnels de la santé de venir expliquer un peu leur métier et de répondre à des ques-tions simples : qu’est-ce qu’un orthophoniste, qu’est-ce

qu’un psychomotricien, qu’est-ce qu’un psychologue pour enfant, un pédopsychiatre ? En quoi consiste leur travail, que permettent-ils de comprendre ? Ces temps de travail permettent de mieux appréhender certaines prescriptions que les parents ne comprennent pas tou-jours. Par exemple, à la suite du bilan de 6 ans, donc à l’entrée en CP, quand on oriente certains parents vers des orthophonistes, il n’est pas rare d’entendre : « Non, je ne sais pas ce que c’est, je ne veux pas, ça me fait peur… ». Le simple fait d’expliquer permet aux parents de se repositionner dans des démarches volontaires (…). En huit mois, plusieurs parents ont débloqué pas mal de leurs situations par ce biais informatif. »

Le fil rouge des actions : reconnaître la singularité de chaque parent tout en travaillant collectivement

C’est cette approche qui confère à Parent’aise toute son originalité et qui structure toutes les actions développées au « café » : – accueil café ;– classes de parents ;– ateliers : aide à la prise de conscience de difficultés rela-

tionnelles, approche corporelle (« paroles de mains »…) ;– entretiens individuels ;– événements ponctuels.

« l’accueil café » C’est un temps fort dans la vie de « Parentaise » (tous les matins, les jours d’école). Moment informel, confidentiel, sans ordre du jour… les échanges s’y construisent au fil du temps entre les mamans ainsi qu’avec « l’accueillante » qui se tient à disposition. Les demandes peuvent ensuite trouver une réponse dans des entretiens individuels (qui, outre l’information ou l’orientation, consistent le plus sou-vent à rassurer les mères sur leurs capacités à mettre en place des solutions aux problèmes qu’elles identifient) ou d’actions collectives comme la « classe de parents ».

« On a la chance d’être situés juste à côté de l’école pri-maire. L’accueil café est ouvert le matin à 8h15. En géné-ral, les mamans déposaient leurs enfants à l’école, elles passaient systématiquement devant le café des parents, au début elles passaient la tête et elles ressortaient vite fait, et puis, au fur et à mesure, elles sont rentrées, elles ont posé des questions, on les a invitées à venir boire un café, et ça s’est fait comme ça. L’accueil café du matin a servi de porte d’entrée, de prise de connaissance, et puis on les a orientées vers les ateliers qui les concer-naient le plus. Ce qui est formidable c’est qu’on va démarrer au mois de janvier un atelier à la demande de mamans de familles

recomposées qui sont très en difficulté par rapport à leur place dans ces familles, soit par rapport à leurs beaux-enfants, soit par rapport à leur conjoint. C’est après avoir fréquenté certains ateliers qu’elles nous ont fait cette demande. On va donc débuter cet atelier autour de la famille recomposée, on va créer un blog d’ailleurs sur lequel on va afficher toutes les réflexions des mamans sur ce sujet, on va essayer de lancer une réflexion un peu moins locale, et ça nous permet aussi, par ce biais-là, de mettre en valeur la parole des mamans. »

La « classe de parents ».Cette action a pour rôle de soutenir le parent dans son rôle de parent d’élève dans un double objectif : être en mesure de comprendre et de faire face à l’institution sco-laire d’une part et accompagner son enfant dans sa scola-rité (en travaillant notamment sur le rapport aux devoirs). « La classe des parents consiste à travailler le rapport à la scolarité pour des parents qui en sont très éloignés ou qui fantasment beaucoup sur l’école tout en y investis-sant beaucoup d’espoir pour leurs enfants. L’objectif et le contenu des rencontres permettent de travailler simul-tanément plusieurs questions : celle de la confiance en soi des enfants ; celle de l’aide que les parents peuvent apporter aux enfants, quelles que soient leurs connais-sances notamment pour leur donner confiance dans leur capacité à apprendre ; la relation à l’instituteur, la relation à l’institution… tout en leur permettant aussi d’apprendre autrement ou de faire quelques révisions. »

Evaluation et résultats

L’implication du public (une quarantaine de familles en moins d’un an principalement du quartier Paco Van-dracq) s’est faite par le bouche à oreille, sans qu’il y ait eu à proprement parler « prescription ». C’est ce position-nement de l’action comme « service » non stigmatisant, et non pas comme dispositif socioéducatif qui semble avoir convaincu les parents.

Perspectives, points d’amélioration

Si cette démarche préventive (qui bénéficie du label « écoles des parents et des éducateurs »14) est manifeste-ment pertinente, quelques enjeux se dégagent :– l’ouverture du public : aux pères, aux parents d’autres

quartiers…– l’évaluation et la pérennisation de l’action (au-delà du

Dispositif de Réussite Éducative) ;– l’utilisation de cette dynamique créée dans une perspec-

tive de développement plus global (du micro au macro).

expérience

Le café des parents à Lambersart

13 Les expressions entre guillemets sont des citations d’Aude Geneau, responsable de Parent’aise et accueillante du café des parents.14 Le label « école des parents » est délivré par la Fédération Nationale des Écoles des Parents et des Éducateurs (FNEPE). C’est une association loi 1901, reconnue d’utilité publique et agréée association de jeunesse et d’éducation populaire.

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46 La réussite éducative à l’épreuve du terrain

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47Accompagner les enfants et leurs familles au changement

Repères pour agir_n°1 IREV

Le rapport aux familles : un enjeu politique et éthique Coup de pouce, ou accompagnement lourd ?

Quelle offre : à qui ? À quelles familles et à quels enfants ? Aux enfants les plus en diffi culté ou à ceux qui ont sim-plement besoin d’un coup de pouce pour sortir d’une zone marécageuse provisoire ? Ceux-là n’ont pas besoin d’une prise en charge aussi intense que d’autres qui sont vraiment en grande diffi culté. Essayer de répondre à cette question, c’est déjà souli-gner l’importance de la précision du diagnostic, et d’un diagnostic qui analyse un processus. Ce n’est pas sim-plement une question éthique ou politique du genre « Il faut vraiment aider ceux qui sont les plus paumés ». C’est aussi une question sociologique qui consiste à songer aux effets produits, dans l’environnement, par la prise en charge. De ce point de vue, il faut songer à la question du temps. Le temps nécessaire pour sortir des enfants d’une si-tuation de marasme passager n’est pas le même que pour ceux qui sont en grande diffi culté et qui ont besoin d’une prise en charge beaucoup plus longue. D’ailleurs les textes de la Réussite Éducative précisent qu’on peut les prendre de la maternelle jusqu’à la fi n de la scola-rité obligatoire. Pour asseoir la crédibilité du dispositif et des acteurs il peut être important d’avoir des résultats à échéance pas trop lointaine, dont les acteurs pourront se prévaloir, mais aussi des résultats aux yeux des gens qui sont dans l’environnement de l’enfant. Cela peut con-tribuer à susciter l’adhésion des parents, voire d’autres parents, cela peut contribuer à susciter une demande, voire un accord éventuel de familles qui voient ainsi un objectif et des résultats atteints. Il me paraît donc intéressant de réfl échir collectivement aux effets sur l’environnement de l’enfant. car on risque de l’oublier avec l’idée d’individualisation du diagnostic et du suivi. On risque de faire comme si les enfants et leur famille n’étaient pas dans un contexte de vie leur permet-tant de comprendre leur fragilité, et comme s’il n’y avait pas, autour de l’enfant, un contexte de réception du dis-positif que l’on met en place pour lui. Il faut en convenir, c’est un choix politique et éthique que de cibler plutôt les enfants en très grande « fragilité » ou plutôt des enfants pour lesquels le Programme de réussite Éducative peut être effi cient à plus court terme ; mais c’est également

un choix de dynamisation sociologique d’un milieu. Je ne suis pas sûr de la réponse mais je suis à peu près sûr que la question se pose.

Comment mobiliser les parents ?

Mobiliser collectivement les parents dans des lieux qui peuvent être des lieux de convivialité, par exemple le café du matin, et qui ont pour fonction de permettre de s’ap-privoiser mutuellement, de construire de la confi ance. Ça permet de montrer à des gens qui sont modestes, qui ont un rapport diffi cultueux avec les institutions, qu’ils sont accueillis, qu’ils sont bienvenus, et de surcroît on les accroche par du matériel et pas du langagier. On ne peut pas proposer un groupe de parole à des gens qui sont très loin de la parole. En revanche on peut leur proposer un café et quand on prend un café, on parle. Du coup la parole n’a pas le même statut et cela paraît intéressant.

Contractualiser avec les familles ?

Passer contrat avec les familles, c’est à la fois intéressant et périlleux. C’est intéressant parce que ça montre aux gens qu’on leur fait confi ance, qu’on les responsabilise, qu’on attend quelque chose d’eux. Or la pauvreté ce n’est pas seulement ce qu’on n’a pas, c’est aussi qu’on ne nous demande jamais rien. Passer contrat avec des gens c’est donc au moins leur proposer de se requalifi er symboliquement aux yeux des institutions, aux yeux des acteurs qui passent ce contrat avec eux, et à leurs pro-pres yeux. En même temps ce n’est pas dénué de risques parce que, pour certains parents, la responsabilisation qu’on leur propose va au delà de ce qu’ils sont en mesure de prendre en charge. Du coup cette responsabilisation peut se retourner contre eux car, s’ils n’y arrivent pas, on pour-ra leur dire : « Cette fois c’est vraiment de votre faute ». Il y a aussi un autre risque c’est que, selon la façon de rentrer en contact avec les parents, le contrat est soit ac-cepté et voulu, soit il est extorqué. Les parents se disent qu’ils doivent signer un contrat pour que leur enfant puis-se bénéfi cier de ceci ou de cela, mais au fond c’est un contrat du bout des lèvres, ou du bout de la plume, et ce n’est pas une adhésion. Or les acteurs institutionnels sont

souvent dans une position qui leur permet d’extorquer. Enfi n, le contrat va être interprété par les parents. Ils peu-vent se dire que s’ils signent un contrat avec les gens de la Réussite Éducative, comme on leur dit qu’on va pren-dre en charge leur enfant, eh bien il va réussir à l’école ! Ils en attendent donc un résultat, et un résultat assez immé-diat. Ils l’interprètent avec leur propre grille qui n’est pas

« On prend en charge mon enfant » mais « Mon enfant va réussir », et d’autant plus que moi je vais respecter aussi les termes du contrat ». Il peut donc y avoir dol, marché de dupes autour de ce contrat, alors qu’il procède, dans sa dynamique, d’une démarche qui honore à la fois les parents et les acteurs qui le proposent.

“Témoignage > Franck Agah Agent de développement social, Ville de Vieux Condé(Journée régionale du 5 décembre 2006)

Favoriser des profi ls de référents « désinstitutionnalisés »(…) Nous sommes confrontés à une difficulté dans la mesure où dans nos équipes pluridisciplinaires il y a des intervenants sociaux et des intervenants institutionnels. Or, on sait que les familles dont on s’occupe dans ce dispositif sont pour la plupart en rupture par rapport aux institutions (…). Je crois qu’il est essentiel d’expérimenter dans le cadre du PRE ou de tout autre dispositif des démarches différentes, qui prennent en compte cette défiance à l’institution et qui permettent réellement de fonctionner autrement.

parole d’expert

Dominique Glasman Professeur de Sociologie, Université de Savoie

Plusieurs pistes, partielles et non exhaustives, peuvent être proposées pour (ré)aborder la question de la famille dans les Projets de Réussite Éducative. Du diagnostic à l’évaluation du parcours individuel, il est d’abord souhaitable de garantir une place centrale et active à la famille aux différentes étapes. D’autre part, certaines conditions minimales sont à réunir pour inscrire les familles dans des stratégies de changement.

progression

Points de vigilance et recommandations

Préciser les modalités d’information

En matière de politique publique, l’information est une obligation à laquelle il est impossible de se soustraire même quand il s’agit de dispositifs spécifi ques (à noter que nous n’abordons pas ici la question de la commu-nication institutionnelle qui consiste à valoriser l’action d’une collectivité ou d’une institution à travers l’édition de supports : sites Internet, journaux, relations presse…).

Les collectivités engagées dans un Projet de Réussite Éducative ont donc à mettre en place un système d’in-formation en direction : – de l’ensemble des habitants d’une ville qui doivent être

informés de l’existence de ce dispositif, de ses moda-lités, des objectifs qu’il vise. En tant que politique pu-blique spécifi que, le Projet de Réussite Éducative doit faire l’objet d’une publicité minimale ;

– des familles directement concernées par le dispositif. À ce titre, l’information doit garantir l’implication de la famille à plusieurs niveaux :

• l’information préalable au diagnostic ; • la publicité des critères ; • l’adhésion de la famille : accord pour la mise en place

d’un parcours ; • l’implication tout au long du parcours : diagnostic, bilan…

Garantir la transparence sur les fi nalités du parcours

À l’évidence, il serait prétentieux et suspect de proposer un cadre méthodologique unique qui permette de faire correspondre mécaniquement un parcours à un type de problématique, cependant quelques étapes peuvent aider à la mise en œuvre.

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48 La réussite éducative à l’épreuve du terrain

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49Accompagner les enfants et leurs familles au changement

Repères pour agir_n°1 IREV

“Témoignage > Claire De Backer Responsable opérationnelle des Équipes de Réussite Éducative, Ville de Tourcoing(Interview, mai 2007)

Retravailler le style, le sens des mots… pour valoriser la place des familles au cœur du projet et garantir l’esprit du Projet Au fur et à mesure des accompagnements, il nous a semblé impératif de modifier certains intitulés dans nos do-cuments contractuels afin que les termes employés correspondent à la démarche mise en œuvre (prise en char-ge et accompagnement par exemple). Ainsi les « engagements de chacun » ont été remplacés par « les conditions de la réussite reconnues par chacun ». Dans cette perspective, le fait de « venir à toutes les séances proposées » ou le fait d’ « accompagner son enfant et de venir le chercher à une séance » sont plus facilement considérés comme des moyens visant à la réussite du parcours (et faire levier) que comme un système de contrôle.

Si la taille de la ville, l’ampleur du projet (et sa montée en puissance), le niveau de coopération sont autant d’élé-ments qui auront une incidence sur les missions et le profil du référent de parcours, ces critères sont insuffisants.Outil opérationnel, le tableau ci-dessous peut servir d’appui à une réflexion visant à arbitrer et à clarifier les fonctions et missions du référent (sans qu’elles soient

nécessairement incompatibles entre elles). Selon la/les fonction(s) retenue(s) et au regard de chaque situation familiale, il est proposé de rechercher les compétences et les postures les plus adaptées et d’anticiper quelques points de blocage. Les colonnes vierges sont donc à compléter par les professionnels, en les adaptant aux situations locales.

Informer les parents des problématiques éducatives du territoirePour garantir une information transparente, créer les conditions d’une relation constructive et atténuer le sen-timent de stigmatisation, les professionnels ont intérêt à faire part aux familles des problématiques et des tendan-ces observées sur le territoire. C’est en les informant de difficultés communes, de manques repérés en termes de prise en charge, de données issus de diagnostics édu-catifs locaux… que les familles se sentiront moins isolées et peut-être plus enclines à s’inscrire dans une stratégie de changement.

Débattre de la finalité, des objectifs et des modalités de mise en œuvre du parcoursTrois exigences doivent guider le professionnel en rela-tion avec la famille. – La première est de lui présenter explicitement la logique

du parcours. Vise-t-il à résoudre un problème particu-lier (logique de prestation) ou à inscrire la famille dans une dynamique (logique de projet individualisé) ?

– La deuxième est de faire part à la famille des objectifs qui sont privilégiés. Le parcours vise t-il in fine à :

• Informer ? • Rappeler la loi, les obligations parentales ? • Redonner de la confiance ?

• Permettre aux parents d’échanger, de dialoguer, de s’entraider, voire de se former ?

• Prévenir la dégradation de situations familiales ? • Apporter un appui direct pour travailler sur les dimen-

sions affectives et émotionnelles ou pour faire face ma-tériellement à des difficultés liées à la vie quotidienne ?

• Aider à la résolution de crises ou de conflits familiaux ?– La troisième est de pouvoir débattre avec la famille

des modalités et des moyens qui seront déployés : sur quelle durée s’envisage le parcours ? À quelle fré-quence sont prévues les rencontres avec l’équipe, le référent ? Quelles sont les obligations respectives de la famille et des professionnels ? Quelle sera la mission précise du référent famille ? Qui sont les autres acteurs que la famille pourra éventuellement rencontrer ? Com-ment l’évaluation du parcours est-elle envisagée, quelle place y aura la famille et/ou l’enfant ?

Travailler formellement les outils pour encourager les familles

Plusieurs documents structurent les étapes d’un projet individualisé (fiche de repérage initial, grille d’entretien avec l’Équipe Pluridisciplinaire de Soutien, diagnostic, fi-che projet, contrat, synthèse, bilans…). Chacun est donc potentiellement porteur d’une « charge stigmatisante ». Les mots, le style, la formulation des éléments de cons-tats ou des propositions faites à la famille peuvent être mal interprétés et lui donner le sentiment d’être jugée. Autrement dit, la forme peut desservir le fond. Il devient dans ce cas essentiel de retravailler les outils, de reformu-ler les questions, les objectifs… pour qu’ils contribuent à créer de la confiance et de l’intelligence et ne soient pas contradictoires avec l’esprit de l’accompagnement individualisé. Si ces éléments paraissent a priori marginaux, ils peuvent être perçus par les familles comme des gages d’une pos-ture moins institutionnelle, plus compréhensive… et donc potentiellement plus apte à transformer leur situation.

Formaliser et débattre des fonctions et des postures du référent de parcours

Sans proposition de cadre et d’orientation précise dans les textes, le profil et le rôle du « référent de parcours » sont des questions qui reviennent à l’appréciation du local. Le référent ne doit pas nécessairement être issu de l’équipe de réussite éducative, sa fonction, son rôle et ses limites constituent néanmoins un enjeu qu’il est es-sentiel d’aborder. Si le principe le plus fréquent est de s’appuyer et de le choisir parmi les ressources du droit commun (le plus généralement un travailleur social selon un principe de mise à disposition), l’embauche directe de référents de parcours par les collectivités a tendance à se développer.

Écla

irage

La loi du 2 janvier 2002 visant à engager la rénovation de l’action sociale et médico-sociale a plusieurs objectifs et notamment celui de mieux déterminer le droit des personnes dans ces établissements et services.

Droit des usagers, sécurité des interven-tions, transparence du fonctionnement, professionnalisation des pratiques… sont les objectifs à court terme du législateur.

Ainsi, les établissements et services doivent désormais, par exemple, formaliser :– un livret d’accueil ; – une charte des droits et libertés de la

personne accueillie ;– un contrat de séjour ou document

individuel de prise en charge ;– mettre en place un conseil de la vie

sociale et favoriser toutes formes de participation ;

– un règlement de fonctionnement ;– un projet d’établissement ou de service.

Le référent de parcours doit-il exercer les missions de…

Finalités de la missionSa mission consiste dans ce cas à…

Compétences requises, tech-nicité (savoirs/ savoir-faire)

Posture(attitude, comportement, savoir-être)

Risques / points de blocage à anticiper

« Contrôle » vérifier l’effectivité de l’engagement du jeune et de la famille dans le parcours (contrôle de la participation, la fréquence, le suivi des recommandations…)

« Facilitation » aider le jeune et sa famille à s’approprier le parcours, les objectifs qu’il recouvre, à y trouver de l’intérêt et à donner le « coup de pouce » nécessaire pour que le jeune et sa famille s’engagent dans les actions prescrites (aide au déplacement, à la prise de rendez-vous…)

« Tutorat / accompagnement »

accompagner la famille, la (re)mobiliser, créer les conditions d’une dynamique. En ce sens le référent est un outil mis à disposition du jeune et de sa famille. Il assure dans ce cadre une évaluation du parcours selon des objec-tifs qu’il co-construit avec la famille (dans un cadre contractuel ou non)

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50 La réussite éducative à l’épreuve du terrain

IREV

51Quel partenariat interinstitutionnel autour de la réussite éducative ?

Repères pour agir_n°1 IREV

Quel partenariat inter-institutionnel autour de la réussite éducative ?

Constats et points d’analyse 53

• Les enjeux politiques

• Les enjeux institutionnels

Photographie des positionnements institutionnels en Nord Pas-de-Calais 54

• L’État et ses services

• Les Départements

Expérience : Département du Pas-de-CalaisLa charte pour la mise en œuvre du programme de réussite éducative 57

Refuser l’inacceptable comme principe d’actionParole d’expert : Élisabeth Charlon (Directrice du CUEEP de Lille) 58

50

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52 La réussite éducative à l’épreuve du terrain

IREV

53Quel partenariat interinstitutionnel autour de la réussite éducative ?

Repères pour agir_n°1 IREV

La volonté clairement affirmée de faire coopérer les différen-tes institutions apparaît comme un des principaux leviers de la réussite éducative. Ceci étant, la coopération inter-

institutionnelle ne va pas toujours de soi. Et si elle avait déjà pu être engagée via d’autres dispositifs sur certains territoires, force est de constater qu’elle n’est pas encore la règle.Selon les territoires, la coopération instituée par le Dispositif de Réussite Éducative s’est imposée sur un terrain plus ou moins vierge. Pour certains, faire travailler ensemble l’Éducation Natio-nale et les services du Département, par exemple, a été une pe-tite victoire locale, alors que, sur d’autres territoires, les habitudes de coopération étaient déjà largement installées.

Les enjeux politiques

Faire coopérer des acteurs institutionnels ayant chacun leur légitimité ne peut se faire par directive, et sans débat préalable.La position du Conseil Général du Nord illustre, s’il en était besoin, la nouvelle donne que semble ignorer le dispositif : chaque collectivité publique, et en particulier celle qui, selon les textes législatifs, est le « chef de fi le de l’action sociale » entend garder sa liberté de manœuvre et négocier son implication, d’autant plus que ces institu-tions n’ont pas attendu le Dispositif de Réussite Éduca-tive pour s’engager dans des dispositifs similaires.L’injonction du partenariat a perdu de sa fraîcheur et ne

mobilise plus grand monde, si la valeur ajoutée de la coo-pération n’est pas démontrée a priori.Par ailleurs, le Dispositif de Réussite Éducative semble se poser sur un terrain vierge, alors que dans les faits, des coopérations ont été mises en œuvre de manière plus ou moins systématique.Le portage politique de la coopération et du partenariat reste donc pour le moins prudent, sauf à se situer « au centre » du dispositif partenarial. La question récurrente de savoir qui est porteur du dis-positif parmi les institutions concernées (Éducation Na-tionale, Ville, voire Département) illustre la nécessité pour chaque institution d’asseoir sa légitimité vis-à-vis des autres.

(Les éléments ci-dessous sont issus du cycle d’échange et de qualifi cation « réussite éducative » Nord Pas-de-Calais auquel ont participé les acteurs en charge de la mise en œuvre des PRE)

travail collectif

Constats et points d’analyse

“Témoignage > Pierre-Marie Fontaine Inspecteur de l’Éducation Nationale, circonscription d’Hénin-Beaumont, IA du Pas-de-Calais(Journée régionale du 5 décembre 2006)

Il est très important pour nous que l’Éducation Nationale n’entre pas dans ce dispositif en tant que place forte mais qu’elle se mette bien aux côtés des autres partenaires, considérant que des enfants peuvent être repérés alors qu’ils n’ont pas de difficultés scolaires particulières.Cette position a parfois nécessité des explicitations et un travail avec les équipes enseignantes, notamment parce que celles-ci sont dans la classe mais n’ont pas nécessairement la possibilité d’être en dehors et de participer aux réflexions. Ils ont donc généralement l’information par intermédiaires. Toutefois, les enseignants ont pu participer au repérage et aux propositions, voire même, pour certains, devenir référents pour la famille et pour l’enfant.

Les enjeux institutionnels

Dans l’imbroglio actuel des champs de compétence, chaque institution se recentre sur son domaine d’excel-lence, sur son cœur de métier. Lorsqu’une coopération existe, elle se situe souvent au niveau de protocoles par-tenariaux de grande ampleur (entre l’Éducation Nationale

et le Département, par exemple), et n’a que peu de re-tombées de terrain.À l’inverse, il arrive que des représentants locaux d’insti-tutions diverses coopèrent sur le mode du réseau, mais cela n’a que peu d’infl uence sur les institutions elles-mê-mes.

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54 La réussite éducative à l’épreuve du terrain

IREV

55Quel partenariat interinstitutionnel autour de la réussite éducative ?

Repères pour agir_n°1 IREV

“Témoignage > Françoise Rossignol Vice-présidente du Conseil Général du Pas-de-Calais(Journée régionale du 5 décembre 2006)

Le Département devait-il se positionner ? La question s’est posée, dans un contexte de décentralisations successives, de savoir si cela n’était pas une manière pour l’État de se décharger, sur le Département, d’une nouvelle responsabilité. Je peux donc tout à fait comprendre que certains partenaires aient dit : « On arrête un moment, on a besoin de réfléchir ». Le Conseil Général du Pas-de-Calais n’a pas adopté cette position, en premier lieu en raison de l’habitude fructueuse de travail avec l’Inspection Académique. Nous avions donc en face de nous des partenaires que nous connaissions, en qui nous avions confiance, et avec qui nous savions que nous pouvions bien travailler. La question des compétences pouvait également se poser mais pour nous la réussite de nos jeunes sur le département, entendue au sens large et pas uniquement scolaire, est bien de notre champ de compétences.

Photographie des positionnements institutionnels en Nord Pas-de-Calais

L’État et ses services

Dans le Nord S’attachant au principe que le Dispositif de Réussite Éducative a vocation à compléter les autres dispositifs sans s’y substituer, la Préfecture du Nord a mis en place une co-instruction associant les services de l’État con-cernés : Inspection Académique, Jeunesse et Sports, Direction Départementale des Affaires Sanitaires et So-ciales (DDASS) et Protection Judiciaire de la Jeunesse (PJJ). Ces services sont en effet les mieux à même de préciser la préexistence de démarches sur le territoire afin d’éviter les doublons. Ces séances de co-instruction pourraient être ouvertes aux porteurs de Projets de Réussite Éducative courant 2007 afin qu’ils puissent mieux expliciter les actions qu’ils souhaitent mettre en place.Concernant la mise en œuvre des projets, la Préfecture a rappelé dans une circulaire destinée aux communes souhaitant mettre en place un Dispositif de Réussite Éducative et diffusée le 1er février 2007, l’importance de l’implication de tous les partenaires concernés dès l’ini-tiation du projet :

– services déconcentrés de l’État (Inspection Académi-que, DDASS, DRDJS, DDPJJ) ;

– acteurs des politiques éducatives (CAF, associations de parents d’élèves, Conseil Général) et cellules de veille éducative.

Dans le Pas-de-CalaisAfin d’essayer de combiner l’approche territoriale et la dimension individuelle du projet de réussite éducative, la Préfecture du Pas-de-Calais a mis en place une col-laboration avec l’Inspection Académique pour l’instruc-tion des dossiers. Ceux-ci sont ainsi pré-instruits par un chargé de mission de l’Inspection Académique, en lien avec les équipes des sites (allers-retours, orientation des programmes d’action…). Ce travail permet notamment de : – identifier le droit commun existant sur le territoire ;– repérer les manques (notamment des problématiques

ne trouvant pas de réponse via la politique de la ville) ;– construire une offre nouvelle adaptée aux besoins.Lorsqu’ils sont prévalidés par l’Inspection Académique, les dossiers des Projets de Réussite Éducative sont adressés à la Préfecture pour instruction.

L’Inspection Académique assure également une mission d’information et la mobilisation des enseignants concer-nés par les projets. Sur ce point, l’Inspection Académi-

que se positionne aussi comme le garant d’une vision de la réussite éducative non réduite à la question scolaire.

“Témoignage > Françoise Favreau Inspectrice d’Académie adjointe, Pas-de-Calais (Journée régionale du 5 décembre 2006)

L’accompagnement des équipes locales dans l’écriture de leur projet, réalisé par l’Inspection Académique, a pour but de montrer comment les parcours individuels s’inscrivent dans des diagnostics préexistants dans les territoires et pour lesquels ont déjà été proposées des actions. On peut en effet utiliser un maillage d’actions existantes au niveau d’un territoire s’il apparait, sur la base d’un diagnostic qu’on estime le plus partagé et le plus professionnel possible, qu’en inscrivant ces enfants dans ces actions du droit commun on va leur apporter un bénéfice. On isole aussi quelquefois des problématiques qui ne sont pas couvertes, pour lesquelles nous n’avons pas de réponse dans l’offre existante. Il s’agit donc là de monter de toutes pièces une action nouvelle avec l’objectif qu’elle soit taillée sur mesure par rapport aux problématiques qui ont pu être consolidées sur 7, 8, 9 ou 10 enfants. Le but de notre réflexion est donc bien l’articulation avec le droit commun lorsque c’est possible, et lorsque le droit commun ne répond pas à la demande, construire du nouveau.

Les Départements

Le Département du Nord Le Département du Nord, chef de file de l’action sociale, positionne ses cadres comme des partenaires au niveau de la coordination du Dispositif de Réussite Éducative : – Les Directeurs territoriaux participent aux instances

de pilotage local (Conseil Consultatif du Dispositif de Réussite Éducative), garants à la fois de l’articulation avec le droit commun et des règles éthiques et déon-tologiques nécessaires au traitement des situations individuelles.

– Les Responsables d’Unités Territoriales de Prévention et d’Action Sociale (UTPAS) sont les interlocuteurs des coordonnateurs des équipes de réussite éducative. Ils sont chargés d’organiser, à l’intérieur de l’UTPAS, les instances nécessaires au traitement d’informations individuelles. Au niveau local, les coordonnateurs du Dispositif de Réussite Éducative et les Responsables d’UTPAS se coordonnent lorsqu’il s’agit de s’appuyer sur le partenariat local, généralement animé par les Responsables d’UTPAS, pour des situations indivi-duelles.

– Les professionnels du Département ne sont pas inté-grés dans les équipes de réussite éducative et ne par-ticipent pas au repérage des enfants destinés à bénéfi-cier du Dispositif de Réussite Éducative.

Rappelant sa compétence en matière éducative sur le territoire et s’appuyant sur un partenariat préexistant avec l’Éducation Nationale15, le Conseil Général s’asso-cie à la réussite éducative en tant que porteur de dispo-sitifs de droit commun. Il ne s’engage toutefois pas dans la mise en œuvre opérationnelle des projets de réussite éducative.

Le Département du Pas-de-Calais Compte tenu de l’antériorité des coopérations entre les acteurs du champ éducatif sur le territoire, le Conseil Général du Pas-de-Calais n’a pas les mêmes réticences que le Nord. En effet, l’expérience de coopération entre l’Inspection Académique du Pas-de-Calais et le Conseil Général au sein de la démarche « École et Action Socia-le » permet au Département de s’engager avec un par-tenaire connu, avec lequel les habitudes de coopération et la confiance sont établis. Au sein de l’institution dépar-

15 Protocole de collaboration entre le Département et l’Inspection Académique du Nord dans le cadre de la prévention et de la protection de l’enfance en danger (2003).

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56 La réussite éducative à l’épreuve du terrain

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57Quel partenariat interinstitutionnel autour de la réussite éducative ?

Repères pour agir_n°1 IREV

tementale, la réussite, au sens large et non uniquement scolaire, des jeunes du territoire est une compétence reconnue.

S’appuyant sur ces acquis, le Département s’engage dès lors aux différentes échelles des projets de réussite éducative : – sur le plan institutionnel, avec la Préfecture et l’Inspec-

tion Académique, en rédigeant « une charte pour la

mise en œuvre du programme de réussite éducative » visant le respect des principes déontologiques et de la place des familles et proposant, pour ce faire, des modalités de mise en œuvre opérationnelle ;

– sur le plan opérationnel, au niveau local, dès la défini-tion des projets, en intégrant les équipes opérationnel-les (participation à l’élaboration des diagnostics locaux et au repérage).

Souhaitant garantir le respect des droits des familles dans la mise en œuvre du Dispositif de Réussite Édu-cative, le Conseil Général du Pas-de-Calais a élaboré avec la Préfecture une charte co-signée par l’Inspection Académique du Pas-de-Calais et l’association des Mai-res du Pas-de-Calais. Cette charte engage à la fois les institutions et les participants aux équipes à respecter quelques principes fondamentaux : – la place des familles : association de la famille et de

l’enfant, co-construction des réponses, information sur « l’entrée » en Dispositif de Réussite Éducative…

– la confidentialité des informations : secret profession-nel, informations nominatives…

Concernant la mise en œuvre, une organisation en trois niveaux est proposée. Si elle vise en premier lieu le res-pect des règles de confidentialité dans le suivi des si-tuations individuelles, cette organisation impacte aussi la répartition des tâches de chacune des instances du dispositif. En effet, alors que le Dispositif prévoit que les équipes pluridisciplinaires de soutien soient de taille va-riable (en fonction des situations examinées…), la charte du Pas-de-Calais fixe des missions et compositions dif-férentes suivant les compétences et l’échelle territoriale d’intervention :

– Équipe pluridisciplinaire restreinte : composée des pro-fessionnels au contact direct de l’enfant et de sa famille et du coordonnateur, cette équipe restreinte examine les situations nominativement dans le respect du secret professionnel (diagnostic individualisé, proposition de projet d’action, nomination du référent de parcours…). Positionnée dans une logique de proximité, elle inter-vient à l’échelle infra/micro (établissement scolaire / quartier).

– Équipe pluridisciplinaire élargie : Composée de l’ensem-ble des partenaires du Projet de Réussite Éducative du territoire et animée par le coordonnateur, cette équipe élargie est informée des situations traitées de manière anonyme. Positionnée à l’échelle du territoire commu-nal, l’équipe élargie intervient donc à un niveau supra qui lui permet une mise en perspective des actions d’accompagnement individuel conduites au regard des besoins du territoire (diagnostic) et de ses ressources (droit commun). Son rôle de structuration de l’action collective la conduit à transmettre son diagnostic terri-torial au conseil consultatif.

– Le conseil consultatif, troisième niveau, plus « classi-que », qui assure un rôle de pilotage général du dispo-sitif et de définition stratégique.

“Témoignage > Françoise Rossignol Vice-présidente du Conseil Général du Pas-de-Calais(Journée régionale du 5 décembre 2006)

L’approche de la réussite éducative parlant non pas uniquement de territoires mais de jeunes, d’enfants, reconnaissant à la fois qu’on ne peut traiter de façon homogène l’ensemble des jeunes d’un territoire et en même temps la possibilité de rencontrer des jeunes en difficulté partout, nous a paru intéressante. Traiter à la fois la dimension individuelle et la dimension territoriale amène à avoir une cohérence en termes de transversalité, un travail efficace entre l’éducation, l’enfance, le social, et l’idée est bien que ce travail puisse se mettre en place sur les territoires et que les partenaires du Conseil Général puissent mieux travailler ensemble. On est donc bien à tous les niveaux dans cette démarche de cohérence et de vision globale de l’ensemble des intervenants à partir d’un enfant.

Écla

irage

La démarche « École et Action sociale » dans le Pas-de-Calais

Initiée en 2001 par l’Éducation Nationale et le Conseil Général du Pas-de-Calais, cette démarche partenariale est née du constat de l’interférence permanente des difficultés rencontrées par les jeunes : scolarité / santé / famille / logement / vie de quartier. Face à ces difficultés de divers ordres, la coopération entre les institutions intervenant sur les différentes missions est apparue comme porteuse de solution pour la construction d’une approche globale et de réponses nouvelles.

Les deux institutions se sont donc engagées dans des groupes de travail restreints, sur quatre sites pilotes (Bruay, Hénin-Beaumont, Lens, Montreuil / Etaples / Berck).Un accompagnement par l’Université, piloté par l’IREV, a permis de mettre en perspective dès 2002 les avancées permises par ces expériences de coopération :

– le désir partagé de partenariat dès lors que chaque professionnel de chaque institution se voit autorisé à dire qu’il ne peut atteindre seul l’objectif visé ;

– les préalables nécessaires à la construction d’un partenariat :

• connaître ce qu’on fait : chaque institution peine à connaître ce qu’elle fait ; chaque institution, à chacun de ses niveaux hiérarchiques, construit ses mythes sur lesquels s’appuient des peurs réelles ou fantasmées,

• connaître comment on fait ce qu’on fait afin de répondre à la méconnaissance des institutions entre elles,

• se reconnaître : en connaissant les ressources et démarches des autres partenaires mobilisables pour l’objectif commun et en identifiant ce qui ne peut être fait et pourquoi.

La charte pour la mise en œuvre du programme de réussite éducative

expérience

Département du Pas-de-Calais

• La place des élus dans le dispositif

• La place de l’intercommunalité

• Rendre plus lisible la valeur ajoutée attendue de la coopération

Pour un aperçu plus détaillé des points de débat et des pratiques d’acteurs, cf. Ressources p. 89[…]

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58 La réussite éducative à l’épreuve du terrain

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59Quel partenariat interinstitutionnel autour de la réussite éducative ?

Repères pour agir_n°1 IREV

Refuser l’inacceptable comme principe d’action

Refuser les mots qui tuent

«Déscolarisation, déscolarisés» : ces mots sont rapide-ment assimilés à «délinquance du jeune» et donc à … «défaillance de la famille» qui ne réussirait plus à obtenir de son enfant une conformité élémentaire pour «aller à l’école».

Or, même si massivement ces jeunes sont issus des frac-tions les plus écrasées des classes populaires, souvent logées dans des quartiers dont l’habitat est dégradé, ce sont toujours des histoires singulières individuelles, à replacer dans le contexte d’une lignée familiale, d’une situation sociale et économique à analyser et d’appren-tissages scolaires qui ne sont pas effectués à l’âge pres-crit.

Or, n’oublions pas que, même si la scolarité initiale est décisive pour l’insertion professionnelle, nos sociétés of-frent aussi une formation tout au long de la vie.Soyons vigilants afin qu’elle ne concerne pas que ceux qui ont été les plus dotés lorsqu’ils étaient jeunes !

Refuser les fonctions qui enferment

Refuser les métiers qui isolent et donc réinterroger inlas-sablement les frontières sans perdre de vue ni les com-pétences spécifiques de chacun ni l’objectif commun : – former l’esprit c’est la mission de l’école ; – apprendre les normes sociales, c’est la famille ;– veiller sur la santé du corps et de l’esprit, c’est le travail

social qui segmente les questions posées ;– veiller sur le respect de la loi, c’est la police et la justice.

Mais tous, parce qu’adultes et citoyens, avons la respon-sabilité d’éduquer et de transmettre.

Refuser les dispositifs nouveaux qui :

Isolent, segmentent, séparent, s’institutionnalisent et… stigmatisent les jeunes pendant que le reste de la po-pulation prend peur et que chacune des institutions se choisit un bouc émissaire.– Pour l’école, c’est la faute de la famille ;– Pour l’action sociale, c’est la faute de l’école, la ca-

rence des politiques, etc.

Or cela reste la question de la pauvreté et de la peur qu’elle génère chez chacun d’entre nous.

Refuser que la « dette de vie » ne soit pas acquittée de par notre non-ingérence

La «dette de vie» est un terme employé par les psycha-nalystes et notamment Pierre Kammerer dans son livre Adolescents dans la violence17.

C’est l’engagement des parents à donner, outre la vie, «suffisamment de sollicitude, de limitations et d’interdits pour que l’enfant s’humanise».

Or des parents peuvent, pour des raisons psychologi-ques, économiques, sociales, être rendus, au moins temporairement, incapables, sans aide, d’assurer cette « dette de vie » - la transmission peuvent dire d’autres - à leur enfant ou adolescent.

parole d’expert

Élisabeth Charlon Directrice du CUEEP de Lille

Synthétisant les échanges d’une journée régionale intitulée « École, Territoire, Exclusion : la nécessité d’agir ensemble »16 organisée en décembre 2003 par l’IREV, Elisabeth Charlon inter-pellait les acteurs présents sur l’intérêt pour tous à travailler la question des jeunes en rupture, les invitant également à s’interroger sur les finalités communes qui les motivent.

Chacun des professionnels que nous sommes – éduca-teur, enseignant, travailleur social, élu du peuple – est convoqué et rétribué pour cela, afin, non pas de violer le secret individuel ou familial mais surtout de combler les vides ou casser les frontières entre nos différentes fonctions.

Pourquoi faire cela ?

Au nom des valeurs et tout particulièrement celles d’éga-lité et de fraternité qui sont toujours à reconstruire.

Parce qu’il s’agit de jeunes et donc, pour les adultes, d’être des transmetteurs de vie, c’est-à-dire des édu-cateurs… Or, cette fonction ne devrait pas connaître de barrière d’âge ni de barrière institutionnelle car nous sommes bien dans une société qui a diversifié ses mo-des d’intervention.

16 Synthèse de la journée téléchargeable sur www.irev.fr, Rubrique Programme d’actions (Programme « Education » ou « Jeudis de la ville »). 17 Adolescents dans la violence : médiations éducatives et psychiques. Avec Eliacheff Caroline, Gallimard, 2000.

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60 La réussite éducative à l’épreuve du terrain

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61Coopération opérationnelle et système d’acteurs

Repères pour agir_n°1 IREV

Coopération opérationnelle et système d’acteurs

Constats et points d’analyse 63

• Des résistances à la coopération opérationnelle

• Un apprentissage sur le tas, l’expérimention de la méthode « essai /erreur »

• La nécessité d’un temps de réfl exion et de maturation

• Un travail pluridisciplinaire qui reste fragile

• Coordonnateur, une réalité professionnelle éclatée

• Vers un référentiel métier ?

• L’émergence du référent de parcours comme acteur clé

Identités professionnelles, distribution des rôles, responsabilité… Parole d’expert : Dominique Glasman (Professeur de Sociologie, Université de Savoie) 68

Points de vigilance et recommandations 69

• Formaliser et débattre collectivement des fonctions, des compétences et de la posture du coordonnateur

• Ajuster le recrutement au projet

• Développer les démarches de qualifi cation et d’échange de pratiques

60

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62 La réussite éducative à l’épreuve du terrain

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63Coopération opérationnelle et système d’acteurs

Repères pour agir_n°1 IREV

Les Projets de Réussite Éducative offrent un contexte fa-vorable pour aborder simultanément et globalement les différentes composantes de l’éducation (scolarité, social,

santé, culture…) et leurs interactions. Mais cette évidence d’un point de vue théorique et conceptuel n’en est pas une au regard des situations locales très contrastées. Le champ éducatif est une mosaïque et l’intérêt de la construction d’un projet transver-sal et partenarial apparaît souvent comme un défi face à l’écla-tement et à la diversité des organisations publiques et des prati-ques professionnelles. La diversité des cultures professionnelles et des logiques d’action des acteurs de l’enseignement scolaire, du sanitaire et social, du socioculturel est un fait historique et les collaborations supposent que soient institués des espaces de ré-gulation permettant de construire les interactions autour d’objets communs.

Des résistances à la coopération opérationnelle

Si le Programme de réussite éducative propose un cadre général d’organisation (structures juridiques porteuses, instances de pilotage, composition des équipes pluridis-ciplinaires…) et rappelle que le dispositif ne prendra tout son sens que s’il repose sur l’initiative locale et une mise en œuvre dans un « cadre collégial », la fondation d’un partenariat ne se décrète pas et peut être confrontée lo-calement à un ensemble de contraintes qu’il est néces-saire de rappeler : – l’élaboration des Projets de Réussite Éducative s’est le

plus souvent faite dans des délais très courts et n’a pas systématiquement été réalisée collégialement : « la ville a parfois fait cavalier seul » ;

– le travail sur le sens et la défi nition partagée du concept de réussite éducative a, au mieux, été traité à l’échelle micro (entre les membres des équipes) ;

– le partenariat suppose que le sens de la coopération et la plus-value qui en est attendue soient lisibles et affi chés, ce qui n’a été que rarement le cas.

Un apprentissage sur le tas, l’expérimention de la méthode « essai /erreur »

Sur le terrain, les équipes et leurs coordonnateurs ont appris « sur le tas ». Ils ont tenté d’anticiper les décisions des services instructeurs, d’élaborer des compromis en-tre les attentes des élus et les pilotes administratifs du dispositif. Ils n’ont pas toujours compris pourquoi une commune a obtenu ce qui a été refusé à une autre. Ils se sont confrontés à la complexité du droit du travail, des statuts de la fonction publique. Ils ont découvert le maquis des textes administratifs, l’empilement des dis-positifs, les pièges des conventions et des contrats. Ils se sont inquiétés des crédits non dépensés dans les délais et se sont confrontés à la nécessité de l’évaluation. Ajoutons enfi n que les personnes recrutées étaient rare-ment au fait de la complexité de ce dispositif, tant sur la forme que sur le fond, ce qui a donc nécessité un temps d’apprentissage par essai / erreur.La règle a ainsi rattrapé de manière souvent imprévue les personnels qui, en toute bonne foi, pensaient mettre de la souplesse et de la réactivité dans leurs interventions.

La nécessité d’un temps de réfl exion et de maturation

Il est clair que le temps de réfl exion, de construction et de mise en place des actions a été sous-estimé. En effet, on ne peut mettre en œuvre un dispositif de ce genre, prônant le partenariat, la concertation, etc., sans prévoir en même temps les conditions de cette mise en œuvre.C’est pourquoi, sauf à recycler simplement des actions déjà fi nancées et mises en place dans les Contrats Édu-catifs Locaux ou les contrats de ville (ce qui a été souvent constaté au lancement du dispositif), les délais néces-saires à la construction du dispositif avoisinent générale-ment l’année pleine.

Un travail pluridisciplinaire qui reste fragile

Que l’on parle d’Équipe Pluridisciplinaire de Soutien ou d’Équipes Pluridisciplinaires Restreintes, les Équipes de réussite éducative regroupent généralement autour du coordonnateur des professionnels soumis au secret professionnel et/ou liés par une charte de confi dentialité. Si les équipes sont le plus souvent composées de tra-vailleurs sociaux (assistantes sociales, éducateurs spé-cialisés des Départements ou de l’Éducation Nationale), du personnel enseignant et médico-social, elles sont parfois élargies aux animateurs socioéducatifs, sportifs, responsables de structures associatives… Quelle que soit leur composition, les équipes se « retrouvent » géné-ralement sur quatre missions principales : – repérer et identifi er globalement les diffi cultés de l’enfant ;– comprendre la situation en réalisant un diagnostic in-

dividuel, autrement dit être en mesure d’analyser les facteurs de « non réussite » ;

– élaborer le contenu d’un parcours de réussite éduca-tive et en fi xer les objectifs ;

– assurer le suivi du parcours en évaluant l’évolution de l’enfant (rôle du référent de parcours).

En fonction des sites on peut trouver une ou plusieurs équipes, les membres peuvent y travailler de manière permanente et y être salariés ou inversement y intervenir plus ponctuellement. Il n’y a donc pas de format type. Les confi gurations dépendent le plus souvent des types de partenariats qui varient selon l’histoire des sites, les habitudes locales, l’état du droit commun ou les indivi-

(Les éléments ci-dessous sont issus du cycle d’échange et de qualifi cation « réussite éducative » Nord Pas-de-Calais auquel ont participé les acteurs en charge de la mise en œuvre des PRE)

travail collectif

Constats et points d’analyse

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64 La réussite éducative à l’épreuve du terrain

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65Coopération opérationnelle et système d’acteurs

Repères pour agir_n°1 IREV

dualités. Pourtant, même si on constate une tendance à la progression18, quelques résistances persistent : – la méfiance à l’égard du dispositif et de ses principes

de base est encore forte, quelle que soit l’institution d’appartenance ;

– malgré les chartes et les documents contractuels, les questions déontologiques restent prégnantes tout comme la question du rôle et de la place du maire ;

– l’établissement d’un diagnostic de situation individuelle, pluridisciplinaire, associant la famille, reste un exercice complexe, pour lequel les acteurs ont peu de recul et d’éléments de méthode à disposition ;

– les tendances à l’entre-soi, parfois constatées entre les acteurs des équipes sur certains sites, interrogent les cadres intermédiaires des institutions qui peuvent éprouver un manque de prise directe sur le dispositif.

“Témoignage > Julie Toutain et Natacha Torres Coordonnatrices du PRE de Rouvroy (Interview, mai 2007)

Une coopération difficile malgré un cadre favorableDans le Pas-de-Calais, département où la coopération en matière éducative est importante (notamment entre le Conseil Général et l’Inspection Académique19) et malgré les outils créés (charte…), la coopération reste constamment à entretenir au niveau opérationnel. Le développement du réseau partenarial local est un acquis récent, mais fragile. Si le PRE a permis de renouer et de créer de nouvelles passerelles avec le réseau associatif ou les services de la ville, la collaboration a nécessité des discussions plus approfondies avec les agents du Département, notamment parce que les niveaux de compréhension et d’adhésion à la démarche diffèrent selon les statuts et les cultures professionnelles des acteurs. Pour les travailleurs sociaux, il subsistait des clarifications à opérer, notamment entre les champs d’intervention du PRE et de la Protection de l’Enfance.

Parmi les arguments les plus fréquemment avancés pour traduire le peu d’enthousiasme des acteurs à s’engager dans les équipes de réussite éducative, on trouve clas-siquement : – « Comment partager des informations nominatives

alors que tous ne sont pas soumis au secret profes-sionnel ? » D’où le temps énorme consacré à la rédac-tion de « chartes déontologiques » ;

– Chacun estime que l’apport des autres institutions est marginal par rapport à son propre champ de compé-tence ;

– « Cela fait 20 ans que cette question de la coopéra-tion est sur le tapis. Pourquoi ça marcherait aujourd’hui alors que ça a raté auparavant ? » ;

– « C’est une réunion en plus », « on a d’autres priori-tés » ;

– « Pourquoi coopérer, c’est-à-dire risquer de devoir par-

tager des ressources, alors que je n’ai même pas les ressources suffisantes pour assurer le droit commun de mon institution ? » ;

– etc.

Coordonnateur, une réalité professionnelle éclatée

Dans la littérature officielle consacrée à la réussite édu-cative, la question du coordonnateur n’est pas nécessai-rement abordée dans le détail. À titre d’exemple, le guide méthodologique de la DIV rappelle la fonction centrale du coordonnateur et des différents niveaux d’intervention possibles20 mais ne fait pas explicitement état des limi-tes de son action, de sa responsabilité, de sa légitimité au regard des autres partenaires, des compétences et des conditions de réussite qu’il doit pouvoir réunir pour exercer ses multiples fonctions.

18 Ce constat est partagé par le Conseil National des Villes qui, dans ses travaux, constate « qu’en dépit d’une mise en place assez longue, de modes d’organisation et de fonctionnement qui peuvent paraître lourds et complexes, l’individualisation des prises en charge et la globalité des approches, qui sont les deux innovations majeures de cette politique, ont progressé au cours des 12 derniers mois. Il convient toutefois d’être attentif au positionnement des nouveaux dispositifs qui la concrétisent par rapport aux structures existantes ainsi qu’à leurs aspects financiers.19 Cf. éclairage sur le dispositif « école et action sociale », page 56.20 « Le coordonnateur est la cheville ouvrière du projet ». Il intervient à plusieurs niveaux, celui du pilotage du projet et celui de la coordination du réseau d’acteurs de l’équipe pluridisciplinaire. Dans les grandes villes ou pour les projets intercommunaux, ces deux niveaux peuvent être pris en charge par des personnes différentes qui n’ont pas nécessairement de rapport hiérarchique entre eux. Dans les communes plus petites, ou lorsque les possibilités de recrutement sont limitées, ces deux niveaux sont souvent cumulés sur la même personne, p. 46, guide méthodologique de la DIV.

Or, à l’analyse, les cas sont extrêmement variés. Les fac-teurs qui expliquent ces disparités professionnelles ne sont d’ailleurs pas uniquement liés à la taille des villes, mais également :– au type de partenariat local ;– à l’implication plus ou moins forte de l’élu en charge

du dispositif ;– à l’ingénierie complémentaire et aux moyens de coordi-

nation préexistants (chefs de projet politique de la ville et/ou chargés de missions intercommunaux notamment) pour mettre en place le Projet de Réussite Éducative.

À ces spécificités locales s’ajoute la grande hétérogé-néité des profils des coordonnateurs :– la question des profils de poste n’a pas forcément été

abordée en amont ni fait l’objet d’une analyse prospec-

tive et les conditions de réussite de leur mission n’ont pas été expertisées ;

– la question de la limite de leur intervention a rarement été débattue et peut participer à générer des crispa-tions de la part de partenaires qui voient en eux des doublons potentiels, voire des concurrents ;

– ils ont la plupart du temps été recrutés une fois les projets instruits et pré-validés ;

– malgré un niveau de formation initial supérieur (Master), les coordonnateurs ont en commun une faible expé-rience de terrain et peuvent avoir à faire face à des en-jeux de légitimité et de reconnaissance ;

– la précarité de leur statut rend difficile toute projection dans un projet à moyen terme ;

– les espaces de formation, d’échange de pratiques et de qualification restent marginaux.

“Témoignage > Emmanuel Haja Coordonnateur PRE et chef de projet Politique de la Ville, ville d’Auby (Journée régionale du 5 décembre 2006)

La technicité dont un coordonnateur doit faire preuve est multiple. Elle est relationnelle au départ puisqu’il s’agit de rencontrer les gens et voir ce qu’ils peuvent apporter. Après, dans le montage stratégique du projet en lui-même, c’est plutôt de l’ordre de la démarche de projet. Ce sont un peu les deux phases du travail. De formation « gestion urbaine », je me suis orienté dans la sociologie et le travail social et ces compétences m’ont bien aidé pour occuper cette fonction dans la mesure où à Auby le coordonnateur ne fait que de la coordination et on a un référent familial qui suit les familles et les enfants.

Vers un référentiel métier ?

Sans prétendre à l’établissement d’une typologie ou d’un référentiel métier, quelques profils de coordonnateurs se dégagent :– Le coordonnateur multifonction ou multitâche. Généralement recruté dans des communes de petite taille où l’ingénierie et les ressources humaines sont li-mitées et où les dispositifs éducatifs territoriaux sont récents, il cumule les missions : gestion du dispositif, animation de toutes les instances de travail (politiques, institutionnelles et opérationnelles), accompagnement et suivi des enfants et des familles… et ce le plus souvent sous la responsabilité directe du maire. Dans la pratique, ce cumul des missions et cette position de juge et partie génère interrogations et scepticisme d’autant plus que le statut du coordonnateur ne garantit pas la confidentialité des informations.

– Le coordonnateur, animateur du dispositif. Positionné dans l’organisation municipale aux côtés du service politique de la ville ou éducation, il assure la ges-tion administrative et financière du dispositif, l’animation des équipes de réussite éducative, la préparation des instances de pilotage. Sous la responsabilité d’un direc-teur de service, il est associé à l’élaboration du projet (diagnostic éducatif territorial, définition des objectifs, évaluation).

– Le coordonnateur encadrant. Animateur du dispositif, il dispose d’une expertise tech-nique (sociale, médico-sociale, pédagogique…) supplé-mentaire qui lui permet d’assurer une fonction ressource auprès des équipes pluridisciplinaires de soutien (en vue de la mise en place d’action de qualification, ou d’une supervision).

Page 34: La réussite éducative à l'épreuve du terrain (à télécharger - 2 Mo)

66 La réussite éducative à l’épreuve du terrain

IREV

67Coopération opérationnelle et système d’acteurs

Repères pour agir_n°1 IREV

“Témoignage > Lorenzo Cristante Chargé de mission Éducation et prévention de la délinquance, GIP DSU de Sambre-Avesnois21

(Interview, mai 2007)

Regard sur les coordonnateurs en action : rôle, fonctions, pratiques Une fonction difficile…Sans forcément proposer un tableau totalement objectif et figé (les coordonnateurs du territoire ont pour la plupart pris leur fonction très récemment), il est possible de dégager, à la lumière du travail mené avec les coordonnateurs de la Sambre Avesnois, quelques points d’analyse. Il est d’abord important de dire qu’ils occupent une position centrale et difficile. Pivots du dispositif, ils doivent faire l’interface entre les acteurs-partenaires locaux et la mairie (pour ne pas dire le maire selon les cas) avec plus ou moins de succès selon les cas. Ils sont multitâche et devraient être en capacité de définir et d’élaborer le projet, de mobiliser les partenaires, de bâtir des parcours individualisés, d’organiser le travail d’une équipe pluridisciplinaire, de construire de la méthode, des outils, de l’évaluation… et de garantir une expertise sur des champs aussi larges et complexes que ceux de la réussite éducative (santé, social, scolarité). Sans compter qu’à terme, en fonction de la montée en puissance des projets, ils seront peut être amenés à gérer du personnel.

… des limites qui s’affirment…Le plus souvent, le coordonnateur a à faire face à des situations de blocage ou à des positionnements de partenaires qu’il n’est pas nécessairement en mesure de comprendre ou d’anticiper. Ainsi, alors qu’il pourrait s’appuyer sur quelques recommandations de la Préfecture ou autres injonctions de l’Inspection Académique, ses partenaires lui rétorquent qu’ils n’ont pas forcément les moyens humains et matériels de s’engager dans la réussite éducative quand le droit commun ou les ressources humaines minimales ne sont pas effectifs sur le territoire (nombre de médecins ou d’assistantes sociales scolaires sur une circonscription par exemple). Le coordonnateur dans ce cas, n’a pas la légitimité ni le pouvoir d’interpeller les institutions concernées ni de trouver des marges de manœuvre. Il faut également rappeler que par son action, le coordonnateur exerce indirectement un rôle d’évaluateur du droit commun en identifiant les mesures dont un jeune repéré dans le cadre du dispositif aurait dû ou pu bénéficier. À cela s’ajoute une difficulté nouvelle : l’accompagnement des familles qui leur prend de plus en plus de temps et pour lequel ils ne sont pas nécessairement tous formés et préparés. Quoi qu’il en soit, il est évident que certains coordonnateurs en place aujourd’hui ne disposent pas de toutes les compétences requises pour exercer cette fonction multiforme et ni de tous les moyens pour faire bouger des systèmes qui ont jusqu’ici fonctionné sans eux…

… mais des points forts essentiels.Quel que soit leur profil (déjà impliqués sur le territoire versus nouvelles recrues) et au-delà de leurs personnalités et de leurs formations très différentes, les coordonnateurs ont en commun un réel enthousiasme qui dénote sur un territoire où les acteurs du développement social et urbain sont parfois (légitimement) désabusés. La jeunesse qu’on leur objecte parfois comme synonyme de manque d’expérience est selon moi un point fort dans le sens où ils sont vierges de tout passif… Ils ont également en commun des qualités professionnelles et une expertise thématique (politique de la ville, pyscho, santé…) qu’ils sortent de l’université ou qu’ils aient déjà une expérience de terrain. Dernier point, il me semble qu’ils ont en commun une posture adaptée à la difficulté du poste : ouverture, aptitude au travail d’équipe, capacité à (se) remettre en cause…

L’émergence du référent de parcours comme acteur clé

Après un démarrage laborieux, la mise en œuvre pro-gressive des PRE et la montée en puissance des accom-pagnements, du suivi et de l’évaluation des parcours ont fait émerger le rôle central des référents de parcours et un ensemble d’interrogations sur : – les critères qui justifient d’un accompagnement par un

référent ;– son rôle dans le parcours : le contrôler ou contribuer à

sa réussite ?– ses compétences, sa responsabilité et son rapport au

coordonnateur ;– les modalités de l’évaluation des parcours.

Sur le terrain, le principe le plus fréquent est de s’appuyer et de choisir parmi les ressources du droit commun un

référent « naturel » (l’assistante sociale, l’enseignant, l’ani-mateur socioculturel, l’éducateur… c’est-à-dire le profes-sionnel au plus proche de l’enfant et de sa famille) selon un principe de mise à disposition. Cependant, l’embau-che directe de référents de parcours par les collectivités a tendance à se développer pour faire face au nombre grandissant de parcours à accompagner, au temps et à la technicité que cela demande.

Au niveau national, on reconnaît le caractère non stabilisé du profil et du rôle du référent qui doit rester à l’apprécia-tion du local. En s’appuyant sur les premières évaluations et les travaux des bureaux d’étude qui les ont réalisés, la DIV souligne l’intérêt de consacrer des moyens au suivi et notamment à la rémunération du référent, professionnel distinct du coordonnateur et rappelle qu’il ne doit pas né-cessairement être issu de l’équipe de réussite éducative.

21 L. Cristante a accompagné 7 villes de la Sambre-Avesnois (Maubeuge, Fourmies, Aulnoye-Aymeries, Louvroil, Jeumont, Feignies, Avesnes-sur-Helpe) à dévelop-per et mettre en œuvre leur Projet de Réussite Éducative. Il a la plupart du temps participé au recrutement des coordonnateurs et les accompagne dans leur mission.

• Le coordonnateur, une fonction à géométrie variable

• Superposition des fonctions, confusion des genres, doublons ? La réussite éducative a-t-elle un impact sur le rôle et les positions des professionnels du territoire ?

• Comment garantir l’effectivité du travail des équipes pluridisciplinaires de soutien ?

Pour un aperçu plus détaillé des points de débat et des pratiques d’acteurs, cf. Ressources p. 93[…]

Page 35: La réussite éducative à l'épreuve du terrain (à télécharger - 2 Mo)

68 La réussite éducative à l’épreuve du terrain

IREV

69Coopération opérationnelle et système d’acteurs

Repères pour agir_n°1 IREV

Identités professionnelles, distribution des rôles, responsabilité… La mise en place de la réussite éducative : un apprentissage collectif

À la lecture des travaux réalisés en Nord-Pas-de-Calais, on constate une certaine construction de partenariat. Ce n’est pas la réussite éducative qui a initié cela mais elle a permis de se sensibiliser à de nouveaux enjeux, entre autres à la question de l’individualisation du diagnostic et du suivi. Cela a donné l’occasion de se confronter, par exemple en élaborant la charte de confi dentialité ou en retravaillant une charte qui avait été élaborée par d’autres ou pour la veille éducative. Bref, on apprend ensemble, il y a une dimension pédagogique de ce travail pour tous les participants et un processus d’accommodation réci-proque.

Ceci ne va pas sans diffi culté, notamment autour des questions d’identités professionnelles et non pas simple-ment de logiques institutionnelles. Selon le métier auquel on appartient, les objectifs, les valeurs, l’histoire de l’insti-tution, sa place dans le monde social diffèrent fortement. De même, les matérialités auxquelles on est confronté, l’espace et le temps de son activité professionnelle, le statut du public (est-ce qu’on a affaire à des élèves ou à des enfants ?), tout cela varie et fait qu’il n’est pas d’em-blée aisé de travailler avec d’autres. Ce n’est pas anor-mal, quand on n’a jamais travaillé avec des enseignants et qu’on n’est pas dans la logique de l’école, d’avoir de la diffi culté à rentrer dans la logique d’enseignants comme il n’est pas anormal, quand on est un jeune enseignant, de se demander quelle est la logique des personnels de santé ou des travailleurs sociaux.

Ces différences identitaires peuvent aussi permettre de comprendre les désaccords ou les différentes interpré-tations que l’on peut avoir sur les termes « réussite édu-cative » et « réussite scolaire ». On ne met pas les mêmes choses sous les mots. Dans cet apprentissage collectif on peut aussi requestionner un certain nombre de cho-ses, les politiques éducatives locales, mais également le droit commun. Il ne faut donc pas s’étonner que ça prenne du temps et qu’il faille «se hâter lentement ».

Une redistribution des rôles qui pose la question du pilotage

Il y a une responsabilité plus grande des communes dans le champ éducatif : c’est la collectivité locale qui anime, qui impulse, et on peut dire que les maires sont vraiment en pleine responsabilité. On a fait un pas supplémentaire dans l’avancée des communes dans le champ de l’édu-cation.

Il revient malgré tout à ceux qui pilotent de vérifi er qu’on a tout épuisé comme moyens disponibles avant de pas-ser à l’échelon Réussite Éducative, et en particulier re-pérer s’il n’existe pas des dispositifs ou des structures qui existent et qui sont peu utilisés. L’un des problèmes aujourd’hui dans le monde social, c’est qu’une partie des familles paupérisées sont des adeptes du non recours. Il y a des gens qui ne recourent pas aux services publics, qui ne recourent pas à leurs droits, qui ne recourent pas aux dispositifs qui existent et qui, dans un certain nom-bre de cas, pourraient suffi re à satisfaire leurs besoins. Mais ils ne les connaissent pas, ils n’y ont pas accès.

Toujours dans cette redistribution des rôles, peut-être est-on dans une ère nouvelle par rapport aux services publics d’éducation au sens large avec une plus grande diversité d’acteurs, une responsabilité plus forte dans le panier des communes, mais ça pourrait être aussi une ère nouvelle en négatif. Il ne faut pas exclure l’hypothèse que la réussite éducative soit une sorte d’accompagne-ment d’un retrait des services publics. En tout cas il me semble qu’il faut être extrêmement vigilant puisqu’on sait très bien que sur telle ou telle commune on essaie de mettre en place la réussite éducative alors même que la MJC vient de fermer et donc que des adolescents sont livrés à la rue, que dans les écoles ou dans les collèges des postes ont été supprimés, que les postes d’assis-tants d’éducation ou de surveillants ne sont plus assu-rés. Quelquefois, les équipes peuvent se dire qu’elles sont en train d’écoper ou de colmater tant bien que mal les brèches qui se créent. Les maires peuvent coordon-ner des services mais ils ne peuvent coordonner que ce qui existe.

parole d’expert

Dominique Glasman Professeur de Sociologie, Université de Savoie

Plusieurs leviers opérationnels peuvent permettre d’anticiper et/ou d’améliorer l’organisation du Projet de Réussite Éducative et, par la même occasion, d’optimiser le partenariat.

progression

Points de vigilance et recommandations

Formaliser et débattre collectivement des fonctions, des compétences et de la posture du coordonnateur

Si en règle générale les grandes missions et les tâches du coordonnateur sont appropriées par ceux qui ont la charge de les recruter, elles ne sont pas nécessairement expertisées et les conditions de réussite de la mission du coordonnateur sont rarement abordées au préalable.

Pourtant, au vu des enjeux que recouvre la réussite édu-cative et de la complexité de la mission du coordonna-teur, cette projection mériterait d’être engagée.

Évolutif et non exhaustif, le tableau ci-dessous peut servir d’appui à cette démarche prospective. Il doit notamment permettre au fi nal de : – arbitrer et défi nir les limites de l’intervention du coor-

donnateur : doit-il ou non accompagner les familles ?– anticiper certains points de blocages liés aux spécifi ci-

tés, à l’histoire locale, aux positionnements institution-nels locaux…

Outil opérationnel, le tableau ci-dessous peut servir d’ap-pui à un travail d’identifi cation et de délimitation des mis-sions du coordonnateur. Les colonnes vierges sont donc à compléter et à adapter aux situations locales par les professionnels.

Liste des principales tâches liées à la fonction / attendus

Compétences requises, technicité (savoirs/savoir-faire)

Risques / points de blocage à anticiper

Posture

Pilotage, suivi de la mise en œuvre du projet et animation interinstitutionnelle

Ingénierie : conduite de projet

Diagnostic partagé ; montage de projet, mise en place de démarches d’évalua-tion ; reporting…

Management : Coordination de l’équipe de réus-site éducative

- Structurer le partenariat opérationnel- Élaborer un cadre de travail, des règles (déontologie…)- co-élaboration des parcours- Modalités de suivi…

Expertise psycho- sociale et maîtrise réglementaire

Accompagnement et suivi des familles

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70 La réussite éducative à l’épreuve du terrain

IREV

71Coopération opérationnelle et système d’acteurs

Repères pour agir_n°1 IREV

“Témoignage > Julie Toutain et Natacha Torres Coordonnatrices du PRE de Rouvroy (Interview, mai 2007)

Ambition et modestie, une posture essentielle pour un coordonnateur… L’expérience d’un an et demi… plaide pour une approche apparemment paradoxale, mais pourtant essentielle pour prétendre atteindre des résultats et favoriser la « réussite éducative » des jeunes les plus en difficulté et de leur famille.L’ambition d’abord pour continuer à faire progresser le projet (critères d’éligibilité, diagnostic territorial…). A contrario il est essentiel de rester modeste et de se donner avec les jeunes et les familles engagés dans des accompagnements individualisés des objectifs adaptés à chaque situation, et qualitativement mesurables… l’essentiel étant de (re)créer du mouvement, de la mobilité, favoriser des déclics et amorcer des changements de trajectoire… et pas forcément d’avoir la prétention de transformer durablement des situations complexes pour lesquelles d’autres outils, d’autres mesures existent et d’autres compétences sont nécessaires…

Ajuster le recrutement au projet

En règle générale et pour respecter les circulaires22, seul le coordonnateur fait l’objet d’un recrutement spécifique. Les profils de poste des coordonnateurs CEL/PEL ont souvent été utilisés comme base pour définir ceux du coordonnateur de Réussite Éducative et les mêmes fi-ches de poste ont ensuite souvent été utilisées sur les communes. Autres constats récurrents, les coordonnateurs ont géné-ralement pris leurs fonctions une fois le Projet de Réussite Éducative instruit et signé (ils n’ont donc pas nécessaire-ment participé à l’élaboration du projet initial). Leurs con-trats sont généralement signés pour un an et leur finan-cement est le plus souvent intégralement pris en charge par le dispositif (le financement complémentaire du poste par la ville ou la structure porteuse est assez rare).

Sans prétendre à la mise en place d’une véritable stra-tégie de recrutement, quelques recommandations peu-vent être évoquées :

– Faire du recrutement un objet de travail spécifique et l’aborder dans un cadre partenarial ;

– Établir un état des lieux des ressources humaines exis-tantes, potentiellement mobilisables et de leur effecti-vité à différentes échelles :

• la ville et des services concernés (éducatif, jeunesse…), • les établissements scolaires, • les unités territoriales du département, • les établissements médico-sociaux, • les structures et associations socioculturelles…

– Ne pas dissocier le recrutement du coordonnateur, ani-mateur du dispositif, d’une analyse prévisionnelle des besoins futurs.

Il est particulièrement important d’anticiper les besoins nécessaires à la mise en œuvre opérationnelle du pro-jet et notamment de l’accompagnement et du suivi des parcours individualisés : la question du référent doit donc faire partie intégrante de la réflexion sur le recru-tement. De la complémentarité entre le coordonnateur et le référent dépendra la pertinence des parcours et, plus globalement, la réussite du projet local.

Les argumentaires doivent s’appuyer sur : • le type et le nombre d’accompagnements prévus et

leur montée en charge progressive, • l’état des ressources humaines du territoire ;– Aborder le recrutement du coordonnateur du Program-

me de Réussite Éducative au-delà du dispositif et en fonction de perspectives de développement de démar-ches éducatives locales.

Si les implications en termes de durée de contrat, de niveau de salaire et de financement ne sont pas négli-geables, la plus-value peut s’estimer en termes de :

• partenariat, • motivation et investissement des coordonnateurs.

Écla

irage

Expérience – PRE de Rouvroy Une coordination à deux têtes : retour sur un recrutement et le choix d’un double profil

Alors que le recrutement prévoyait initialement l’embauche d’un coordonnateur unique pour la mise en place du PRE de Rouvroy, l’équipe partenariale chargée du recrutement (maire, Responsable d’Unité Territoriale, IEN, principal de collège, responsable d’antenne CAF) s’est heurtée à la question du profil et des compétences à privilégier pour répondre aux exigences du poste.

Fallait-il privilégier une expertise « conduite de projet local » ou un coordonnateur qui présentait une expertise sociale plus affirmée et était en capacité d’assurer du « face à face pédagogique » avec les familles ?

Les partenaires se sont finalement retrouvés dans la proposition du maire d’une coordination à 2 têtes en embauchant en octobre 2005 Julie Toutain de formation Master 2 en « Stratégie de développement Social » d’une part et Natacha Torres également diplômée d’un master 2 en « Ingénierie Management de la Santé ». Ce choix de la complémentarité des profils (ainsi que celui de recruter à terme un travailleur social supplémentaire pour renforcer le suivi des familles) visait également à rassurer les partenaires et à poser les conditions de base de la coopération interinstitutionnelle.

22 Les circulaires successives et les avis des services instructeurs convergent. Ils recommandent que les financements soient prioritairement alloués aux actions et que la part relative à l’ingénierie de projet ne dépasse le quart du budget du projet.

Développer les démarches de qualification et d’échange de pratiques

À l’épreuve de la mise en œuvre des projets, que l’on se situe à un niveau pratique et opérationnel ou plus globa-lement sur le fond, plusieurs enjeux émergent nettement pour les acteurs : – (re)définir et travailler collectivement des notions cen-

trales comme celle de « parcours », de « réussite édu-cative » ;

– clarifier le système d’acteurs, le rôle, les fonctions et les limites des principaux pivots des Projets de Réussite Éducative (coordonnateur, référent de parcours) ;

– co-construire des démarches opérationnelles ou des outils : diagnostic éducatif territorial, repérage du droit commun, évaluation du projet et des parcours, critè-res d’éligibilité, outils d’information et de communica-tion…

– repérer, (re)connaître, valoriser les métiers de la « réus-site éducative », une condition nécessaire pour déve-lopper un partenariat opérationnel et durable et passer d’une approche pluri-professionnelle à une logique in-terprofessionnelle ;

– passer d’une culture du dispositif à une logique de pro-jet… et ce, quel que soit le dispositif.

Globalement, c’est la question de la qualification des ac-teurs et des projets et de ses modalités qui est posée par les acteurs qui mettent en œuvre la réussite éducative.

Si la formation peut apporter à chaque acteur des répon-ses ponctuelles en terme de savoir et de connaissance, l’enjeu est de pouvoir apporter un soutien actif aux ac-teurs engagés dans les projets, à travers : – la mise en réseau des acteurs ;– l’échange de pratiques et la prise de distance avec

leurs réalités professionnelles ;– la qualification collective via l’apport d’expertises ex-

térieures ; – l’information ; – la restitution des questionnements et des analyses

auprès des acteurs institutionnels ayant en charge l’instruction et le suivi du projet.

Page 37: La réussite éducative à l'épreuve du terrain (à télécharger - 2 Mo)

72 La réussite éducative à l’épreuve du terrain

IREV

73Coopération opérationnelle et système d’acteurs

Repères pour agir_n°1 IREV

“Témoignage > Lorenzo Cristante Chargé de mission Éducation et prévention de la délinquance, GIP DSU Sambre–Avesnois (Interview, mai 2007)

La mise en réseau des coordonnateurs, une démarche qui émerge à l’échelle de la Sambre AvesnoisInitiative récente autour de la réussite éducative, les coordonnateurs ont initié un travail en réseau. Sans formaliser de cadre (3/4 réunions par an), les premiers temps d’échange ont permis de faire le point sur les projets, de récupérer et de s’informer des dernières actualités concernant la réussite éducative (financement des postes de référents), d’exprimer certaines doléances… mais aussi de mettre en débat quelques questions de fond et d’enjeux plus éthiques. Ainsi, certains chantiers ont été ré-abordés dans ce cadre comme celui de l’information et de la communication du dispositif auprès d’un public élargi (et qui dépasse celui des familles potentiellement concernées par le dispositif). Ces rencontres entre coordonnateurs, et en présence de le DDASS et de la DRDJS permettent de faire le point sur les dossiers et de faire émerger les points de tension. Ces remarques sont notées par les services de l’État et posées lors des rencontres en Préfecture. Ce travail a donné ses fruits et a amené la Préfecture à faire des recommandations écrites aux communes en Dispositif de Réussite Éducative. Aujourd’hui ce travail va au-delà de la Sambre-Avesnois (Cambrésis, Valenciennois) et le GIP va à la rencontre des autres territoires pour continuer le travail de partenariat (proposition, collecte, élaboration d’outils…).

Pour illustration, quelques démarches qui émergent localement

D’autres structures peuvent proposer des espaces d’échanges, de qualification ou de formation aux acteurs engagés dans les Projets de Réussite Éducative. À titre d’exemple, plusieurs centres de ressources politique de la ville s’y sont engagés (RésO Villes23, Profession Ban-

lieue24, CRDSU Rhône-Alpes, IREV…). Autre exemple, l’Institut Régional du Travail Social (IRTS) de Bretagne, associé à un laboratoire de recherche de l’université de Rennes, a quant a lui développé une formation nationale « coordonnateur-référent de réussite éducative ».

23 Centre de Ressources Politique de la Ville Bretagne – Pays de Loire.24 Centre de Ressources Politique de la Ville Seine – Saint Denis.

Quelle évaluation pour

la réussite éducative ?

Enjeu transversal pour consolider la coopération, améliorer l’offre, optimiser les modes de fonctionnement, développer les outils, repenser les finalités de la réussite éducative à l’échelle locale… l’évaluation est une exigence qui ne peut être portée que par les coordonnateurs. Elle implique que les services instructeurs expriment également la volonté de mieux comprendre les processus à l’œuvre. Aujourd’hui les attentes convergent plus vers du bilan chiffré annuel que de l’évaluation stricto sensu. Le Dispositif de Réussite Éducative pose l’évaluation comme un critère d’éligibilité au dispo-sitif et rend obligatoire l’inscription des indicateurs (de moyens et de résultats) retenus pour le projet dans la convention. Pourtant l’approche évaluative proposée reste avant tout technique et la stricte utilisation des indicateurs à prendre en compte25 rend difficile un véritable juge-ment sur le projet. Chacun reconnaît donc l’utilité d’aller plus loin…

“Témoignage > Julie Toutain et Natacha Torres Coordonnatrices du PRE de Rouvroy (Interview, mai 2007)

Développer l’évaluationL’enjeu, même s’il est difficile et s’il demande probablement des compétences et des moyens que nous n’avons pas nécessairement à l’heure actuelle, sera de sortir des catégories proposées et se donner les moyens d’aborder plus globalement les problématiques des publics qui bénéficient du dispositif… pour pouvoir envisager le suivi et l’évaluation des parcours de manière également plus globale (…) L’évaluation fine de ces parcours et de leur impact est nécessaire car elle permettra d’avancer et de crédibiliser les réponses qu’on pourra apporter à l’avenir. Aujourd’hui pour répondre à des situations individuelles complexes et malgré l’expérience et l’expertise des partenaires et de l’équipe pluridisciplinaire restreinte, il est extrêmement difficile de savoir préalablement si l’accompagnement que l’on propose est a priori pertinent.

La notion de plus-value, une entrée transversale pour l’évaluation

En interrogeant la plus-value de son PRE, en se ques-tionnant collectivement sur ses apports, sa capacité à apporter des réponses aux problématiques des enfants et des jeunes en difficulté, on s’inscrit d’emblée dans une perspective d’évaluation, c’est-à-dire de jugement d’un dispositif. C’est d’ailleurs en privilégiant ce type d’appro-che et à cette seule condition que l’évaluation génère des perspectives, des points de vigilance, des questionne-ments et des axes de progression, tant sur le plan politi-que, qu’institutionnel et opérationnel.

Un enjeu partagéSi la plupart des acteurs engagés considèrent a priori les PRE comme une réponse positive et pertinente, ils restent vigilants et interrogatifs et perçoivent dans l’éva-luation une occasion de (re)débattre des finalités et d’un certain nombre de questions qui avaient pu être éludées et qui ont émergé à la mise en œuvre.

Cycle d’échanges et de qualification Nord Pas-de-Calais 2006Des bilans à l’évaluationAu cours d’une dernière journée d’atelier (14 novem-bre 2006), les échanges avec les participants (coor-

25 Circulaire du 27 avril 2005.

Page 38: La réussite éducative à l'épreuve du terrain (à télécharger - 2 Mo)

donnateurs, chefs de projet politique de la ville…) ont permis de confirmer que, dans sa stricte acception (jugement d’un dispositif ou d’un projet), l’évaluation n’avait pas été engagée sur les territoires pour de multiples raisons : temps, moyens…

À l’heure actuelle les bilans, outils et tableaux de bord existent et constituent un matériau utile. L’enjeu est de passer de la compilation des informations et d’une exploitation comptable des éléments à disposition (re-pérage, actions, pilotage) à une analyse plus stratégi-que. Essentielles, les données quantitatives existantes doivent être utilisées pour répondre à un ensemble de questions ouvertes.

Principes et rappels méthodologiques

PrincipesL’évaluation consiste à juger une action/mesure/projet/dispositif.Elle n’est donc pas : – un bilan ;– une compilation organisée de données assortie de constats ;– objective, même si elle s’appuie sur des données, des

chiffres pour appuyer le jugement de valeur.

Dans ce cadre, l’opposition classique entre évaluation qualitative et évaluation quantitative est un contresens. Ce sont les données qui sont quantitatives ou qualita-tives, pas l’évaluation. Il est d’ailleurs souhaitable pour porter un jugement et l’argumenter de disposer et de s’appuyer sur des données quantitative ET qualitatives.

Éléments méthodologiques1. La difficulté d’évaluer un dispositif dans toutes ses composantes appelle à définir des objets limités en nombre. Dans ces « Repères », nous en avons proposé 5 : – le repérage ;– les actions, l’offre ;– les parcours, l’accompagnement des familles ;– la réactivité, la souplesse et la simplification du dispositif ;– la coopération interinstitutionnelle.

2. Pour chaque objet, il est ensuite nécessaire de formuler des hypothèses de travail.Exemples concernant le repérage : – Nous faisons l’hypothèse que le Projet de Réussite

Éducative a permis un repérage plus complet des élè-ves en « non réussite ».

– Nous faisons l’hypothèse que le projet a permis un « croisement » des regards et des données, avec débat, ou simple compilation de listes diverses.

3. Choisir des référentiels d’évaluation, autrement dit les points de vue à organiser :– L’effectivité : l’action/projet/dispositif a-t-il été mis en

œuvre (oui/non) ?– La conformité : la mise en œuvre est-elle conforme aux

orientations/cadre d’origine ?– La pertinence : les actions sont-elles pertinentes au re-

gard des besoins observés ?– La cohérence : en interne/avec d’autres dispositifs– L’efficience (ou rapport qualité/prix)– L’impact : qui est concerné ?, qui est informé ? (interne/

externe), quels changements pour les familles ?, pour les acteurs et leurs pratiques ?

– L’opinion : quelle opinion les gens portent-ils sur ce dis-positif (les usagers / les professionnels) ? Comment le « vivent-ils » (cf. enquête de satisfaction) ?

4. Se donner des indicateurs, c’est-à-dire des indices pour mesurer et alimenter ces référentiels (ils sont parfois à construire ou à bâtir à partir de données existantes : indicateurs composites).

Quelques questions évaluatives incontournables pour les Projets de Réussite Éducative

Les questions évaluatives proposées ci-dessous s’ap-puient sur les aspects représentant, en principe, une « plus-value » du Dispositif de Réussite Éducative.

Le repérageLe Projet de Réussite Éducative a-t-il permis un repérage plus complet des élèves en « non réussite » ?– À partir de quel type d’information et de dispositif ?– Les « grilles » ont-elles été validées ? Par qui ?

Quel pourcentage de la population scolaire potentielle-ment concernée est-il « repéré » par ce dispositif ?

Y a-t-il eu « croisement » des regards et des données, avec débat, ou simple compilation de listes diverses ?– Les critères pris en compte pour ce repérage sont-ils

publics et normés ?– Comment a été validée la position du « curseur » pour

une prise en compte des publics ?– Lorsqu’un enfant d’une fratrie est repéré, qu’en est-il

du reste de la fratrie ?

Le Projet de Réussite Éducative a-t-il permis une infor-mation des familles ?– À quel moment ?– Avec quel protocole ?– Avec quels effets ?

La libre adhésion des familles au dispositif a-t-elle été respectée ?

L’anonymat a-t-il été respecté ?– Selon quels procédés ? – Avec quels effets ?

La décision de prise en charge est-elle actée officielle-ment ? – Avec quelle procédure ?– Comment est perçu, dans la population, l’accès à cer-

taines prestations pour certains et pas pour d’autres ?

Combler les manques, répondre aux besoins (les actions, l’offre)Avons-nous mis en place des actions venant combler des manques (vacations de psychologues, embauche de personnel médical, actions collectives de soutien scolaire, etc.) ?– Sur quel diagnostic de carence ?– Avec quel montage ?

Comment est prévu le retour au droit commun ?– Quelle sont les positions des collectivités locales con-

cernées ?

Le Dispositif de Réussite Éducative a-t-il été une occa-sion de « recycler » des actions qui trouvaient là une nou-velle légitimité et de nouveaux financements ?

Comment s’est faite l’articulation avec les dispositifs existants ?

La question de l’accès aux prestations a-t-elle été posée également dans une logique de « coup de pouce » (finan-cier) individuel ? Avec quel effet ?

Des dispositifs dérogatoires (réservation de places priori-taires par exemple) ont-ils été mis en place ?– Avec quels effets ?

Les enjeux politiques de la réponse au déficit d’offreSur le plan opérationnel, quels montages ont été retenus (vacations, prestations de service à des organismes exis-tants, embauches directes) ?– Avec quelles contraintes et quels effets ?

Sur quelle logique (quelle modélisation) les actions ont-elles été choisies ? Des objectifs opérationnels leur ont-ils été assignés ?

L’accompagnement et la place des famillesSommes-nous plutôt dans une logique de réponse à des problèmes (une prestation répond à un type de problè-mes), ou dans une logique de projet individualisé ?

Comment est géré le rapport aux familles ?

Quelle est la mission du « référent-famille » ?– Quel dispositif / démarche a été mis en place ? – Avec quels effets attendus ?

Au-delà de la prestation elle-même (ou du cumul de plu-sieurs prestations), comment est analysée la notion de « parcours individualisé » ? – Comment est-il mis en œuvre ? Sur quelle durée ?

Comment est analysé « l’effet levier » du Projet de Réus-site Éducative sur des objectifs de changement de la fa-mille et / ou de l’enfant ?

Qu’arrive-t-il lorsque la famille se situe dans une « attitude de consommation » ?– Y a-t-il « rupture de contrat » ? Sur quels arguments ?

Améliorer la réactivité, favoriser la simplification des procéduresLe dispositif a-t-il permis une meilleure réactivité ? – Quel délai entre les premiers repérages et les actions

correspondantes ?– Des règles contraignantes (administratives, réglemen-

taires, institutionnelles) ont-elles pu être contournées ? Lesquelles ?

Avons-nous été aidés dans les démarches administrati-ves et de montage des actions ?– Par qui ? – Avec quels effets ?

Développer la coopération institutionnelleDe nouvelles formes de coopération interinstitutionnelles ont-elles vu le jour ?– Lesquelles ?– Avec quels effets ?– Quels ont été les obstacles à lever pour cette coopé-

ration ?

Avons-nous constaté au contraire des manques de coo-pération ? – Sur quels argumentaires ?– Avec quels effets ?

74 La réussite éducative à l’épreuve du terrain

IREV

75Quelle évaluation pour la réussite éducative ?

Repères pour agir_n°1 IREV

Page 39: La réussite éducative à l'épreuve du terrain (à télécharger - 2 Mo)

76 La réussite éducative à l’épreuve du terrain

IREV

77Coopération opérationnelle et système d’acteurs

Repères pour agir_n°1 IREV

Conclusion

Individus / territoires

L’une des innovations institutionnelles du Dispositif de Réussite Éducative a été de porter une attention aux dif-fi cultés individuelles dans un cadre (la politique de la ville) traditionnellement centré sur une logique de territoire (ZEP, ZUS, etc.).

Cette réintroduction des « publics-cibles » dans une logi-que d’action dévolue prioritairement au développement local est une orientation qui oblige à remettre en cause à la fois les principes et les méthodes d’action « classi-ques » des politiques territoriales.

On se rapproche des politiques sociales et des nouvelles responsabilités des maires en matière de politique jeu-nesse.Toutefois, les diffi cultés rencontrées par les opérateurs sur le terrain montrent bien que l’on ne peut simplement juxtaposer ces deux logiques.Il faut inventer une véritable articulation entre les actions destinées à dynamiser les ressources collectives, à partir d’un diagnostic territorial, et les réponses individualisées à des situations qui sont souvent emblématiques de pro-blèmes collectifs.

Autrement dit, on ne peut, sous prétexte de réponse individualisée, faire l’économie de diagnostics terri-toriaux et d’ambition collective.

Évaluation / indicateurs

Évaluer l’action publique, dont le Dispositif de Réussite Éducative, ne se résume pas à poser un certain nombre d’indicateurs, aussi sophistiqués soient-ils.Il est essentiel de poser en amont les hypothèses de tra-vail qui ont structuré l’action entreprise.Or, le dispositif montre, par l’absence (volontaire) de ré-férentiel de repérage et de référentiel d’action qui s’im-

poseraient à tous, que ces hypothèses de travail doivent être construites localement.Que veut-on faire ? Que prétend-on améliorer dans la « réussite éducative » ? Comment mesurer la pertinence / l’effi cience / la cohérence des actions entreprises si l’on n’a pas posé au point de départ ce qui nous paraît perti-nent / effi cace / cohérent dans l’action proposée ?Cette construction d’un cadre d’action, posant les hypo-thèses retenues, tant pour le repérage, que pour l’action entreprise, ou pour le « changement » espéré n’est donc pas accessoire si l’on veut évaluer le sens et la portée des actions entreprises.À défaut, on mesurera les effets internes du dispositif mis en place (nombre de jeunes suivis, nombre d’actions mises en place, etc.), mais on restera muet sur la por-tée de la politique publique mise en œuvre à travers ce dispositif.

Discrimination positive

C’est l’une des premières fois qu’une politique publique affi che et assume clairement l’a priori d’une « discrimi-nation positive »26. Jusqu’à présent ces politiques étaient collectives et anonymes (les ZEP, par exemple).Le Dispositif de Réussite Éducative nous apprend à cet égard que cette forme de discrimination positive ne peut se dispenser d’un cadre réglementaire minimal. À partir du moment où des ressources publiques sont affectées nominativement à tel ou tel, il est indispensable de rendre publics les critères d’éligibilité à ce dispositif.On ne peut se contenter de passer d’une liste d’enfants repérés à des actions menées sans disposer clairement de critères d’éligibilité au dispositif.Un cadre réglementaire (même minimal) doit donc être inventé et posé, si l’on veut éviter les accusations de fa-voritisme ou de décisions partiales. La transparence du traitement des situations doit d’autant plus être garantie qu’elle s’appuie sur une volonté d’équité, et plus seule-ment d’égalité.

Ressources / défaillances

Il est illusoire de penser qu’un travail peut être entrepris avec les familles en mettant uniquement le doigt sur leurs défaillances.La seule manière d’accompagner un changement éven-tuel des familles en diffi culté dans le rapport à l’éduca-tion (comme dans d’autres domaines) est de s’appuyer sur leurs ressources, sur ce qu’elles comprennent de la situation et des diffi cultés de leur enfant, sur leurs savoir-faire et leurs attentes.C’est pourquoi toute politique éducative qui ne s’appuie pas sur les compétences et les ressources des parents est vouée à l’ineffi cacité.On trouve sur cette question des différences notoires de culture entre les services sociaux (qui ont souvent appris à leurs dépens ce qu’il en coûte d’ignorer ce point), et le personnel de l’Éducation Nationale, souvent mal préparé à coopérer avec les parents.

Prestations / accompagnement

Il y a là un vrai choix : sauf logique de « coup de pouce » ponctuel, la situation de « non réussite éducative » ren-voie la plupart du temps à des structures d’échec et de disqualifi cation sociale installés depuis longtemps.Il est alors illusoire de penser qu’une simple « prestation » va réellement modifi er la dynamique familiale au regard de l’éducation.La logique d’accompagnement de projet à moyen terme est alors la seule à même de permettre une réelle évo-lution du système familial. On en connaît les coûts et les diffi cultés, mais le Dispositif de Réussite Éducative ne pourra s’exonérer d’une véritable réfl exion et de choix stratégiques.Les diffi cultés éducatives ne sont pas que des « problè-mes » individuels auxquels il faudrait apporter une « so-lution », ils sont également le refl et de dynamiques col-lectives, de systèmes de représentation de ce qu’est la réussite scolaire, etc.La prise en compte de ces dynamiques et de ces re-présentations (constitutives du « développement local ») sont une des conditions essentielles de la réussite de ce dispositif.

Un dispositif dont l’avenir s’écrit sur le terrain

Le Dispositif de Réussite Éducative se caractérise par un cadrage réglementaire très léger, ce qui contraste avec la plupart des dispositifs existants. Cette situation résulte d’une volonté de laisser aux acteurs des marges de manœuvre importantes pour élaborer localement ce qui semble le plus approprié aux diffi cultés spécifi ques du territoire concerné.L’expérience montre qu’il n’est pas évident de conserver et d’utiliser au mieux ces marges de manœuvre.D’abord, on l’a analysé plus haut, parce que l’adminis-tration ne supporte pas le fl ou et s’empresse, si l’on n’y prend garde, de rogner les marges de manœuvre propo-sées, en remettant du cadre et de la règle là où les textes d’origine étaient muets.Ensuite, parce que le dispositif ne peut s’exonérer de s’inscrire dans un monde social et éducatif déjà large-ment surdéterminé par des décennies de dispositifs di-vers.Enfi n, parce que l’innovation, tant dans les actions que dans la manière de les conduire, suppose une connais-sance fi ne et une analyse rigoureuse de l’existant, si l’on veut éviter de réemprunter des sentiers battus de lon-gue date. On peut alors parier, si c’était le cas, sur un enterrement rapide de ce dispositif, sous les sarcasmes de tous ceux qui auront regardé la montagne accoucher d’une souris.Il est donc de la responsabilité des acteurs de terrain de donner un avenir à ce dispositif, par une rigueur extrême dans la construction des réponses, ce qui est la contre-partie exacte du champ d’action qui s’ouvre à eux.

Ce que nous apprend la réussite éducativeLe dispositif, tel qu’il a été conçu et mis en œuvre dans la Région Nord Pas-de-Calais est riche d’enseignements. Nous soulignons ici les points les plus saillants, qui ont traversé l’ensemble des débats lors des ateliers et journées organisés par l’IREV.

26 Caractéristique de la politique de la ville, la discrimination positive était exclusivement abordée sur une base territoriale jusqu’à la mise en œuvre du plan de cohésion sociale.

Page 40: La réussite éducative à l'épreuve du terrain (à télécharger - 2 Mo)

ressourcesTémoignages, points de débat et pratiques d’acteurs 79

• Diagnostic / Repérage

- Repérage et confidentialité

- Les modalités du repérage, une question centrale pour le partenariat

• Parcours

- Des actions parfois éloignées des enjeux éducatifs prioritaires

- Quels types de « contrat » mettre en place avec les familles ? Quels contenus privilégier ?

• Famille

- Information, adhésion de la famille : quand ? comment ?

- Informer signifie t-il adhérer ? Comment peut-on s’assurer de la compréhension des enjeux par les familles ?

- Compétences, expertise, posture… quel référent pour accompagner les familles ?

- Points de vigilance, perspectives… comment garantir un accompagnement de qualité ?

- La place des parents du diagnostic à la construction des parcours de réussite

• Positionnements institutionnels et coopération

- La place des élus dans le dispositif

- La place de l’intercommunalité

- Rendre plus lisible la valeur ajoutée attendue de la coopération

• Fonctions, métiers, postures professionnelles…

- Le coordonnateur, une fonction à géométrie variable

- Superposition des fonctions, confusion des genres, doublons ? La réussite éducative a-t-elle un impact sur le rôle et les positions des professionnels du territoire

- Comment garantir l’effectivité du travail des équipes pluridisciplinaires d e soutien

Bibliographie 98

• Textes officiels

• Monographies

• Périodiques

• Sur le web

Au cœur du parti pris éditorial de cette publication, cette partie vise à prolonger et à compléter les points d’analyse proposés dans les chapitres précédents. Cette priorité donnée à l’expression des acteurs vise également à valoriser la diversité des points de vue, des modes de faire et des expériences qui caractérisent la mise en œuvre de ces Projets de Réussite Éducative.

Les témoignages proposés sont issus de la journée régionale du 5 décembre 2006 et d’interviews d’acteurs.

78 La réussite éducative à l’épreuve du terrain

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79Ressources : Témoignages, points de débat et pratiques d’acteurs

Repères pour agir_n°1 IREV

Diagnostic / Repérage

Mettre en évidence la responsabilité individuelle et collective, gérer la confidentialitéSur la confidentialité, nous avons une expérience qui remonte à 7 ans. On organise un groupe qui réunit tous les partenaires socioéducatifs pour parler de telle ou telle situation, pour se coordonner et pour essayer d’apporter une aide. Par ailleurs, je suis personnellement contre le secret partagé. Il y a des choses qu’on ne dit pas. Ce n’est pas parce que les familles nous ont autorisés à parler de leur situation qu’on va parler de tout. Ou alors on leur demande : « Est-ce que vous nous autorisez à parler de ça, dans votre intérêt ? ».La vision individualiste a tendance à atténuer les responsabilités sociétales et à tout renvoyer, si on n’est pas vigilant, à la responsabilité parentale. Et on a tendance, dans nos dispositifs au quotidien, à oublier de prendre en compte ces aspects-là. Les institutions aussi, peu à peu, renvoient aux parents toutes les difficultés de leurs enfants. Je voudrais revenir sur le repérage qui se ferait sur un territoire donné, et pas pour les enfants qui habiteraient « de l’autre côté de la rue ». Je pense que de l’autre côté de la rue, les enfants sont les mêmes mais l’intérêt c’est la double entrée : et par le territoire et par le public. Il faut bien délimiter un territoire d’intervention : on a pris ceux qui étaient les plus fragilisés, mais après ça n’empêche pas une entrée par le public. On s’est rendu compte par exem-ple que, à la frontière de Lille Sud et de Ronchin, il y a des enfants qui vont au lycée de Ronchin et qui viennent de Lille Sud. Ce lycée n’est pas en ZEP ni en réussite éducative mais ça ne nous empêche pas de les suivre.

Bouchta Douichi Chef de service d’un club

de prévention spécialisée à Lille

Innovation clé du Dispositif de Réussite Éducative, le repérage individualisé est sans doute la question qui a généré le plus de débats et de questionnements. Outre le fait que le repérage n’est pas suffisant pour bâtir les bases d’un projet et qu’il nécessite

l’adoption d’un cadre déontologique adapté et rigoureux, le repérage ouvre une multitude de questions (comment gérer la confidentialité de l’information, quelle place pour les familles, quels référentiels et critères utiliser…) qui interrogent les fondements mêmes de nos politiques publiques.

Repérage et confidentialité

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80 La réussite éducative à l’épreuve du terrain

IREV

81Ressources : Témoignages, points de débat et pratiques d’acteurs

Repères pour agir_n°1 IREV

Quelles informations partager ? Comment informer les parents ?Ma première remarque porte sur la légitimité des infor-mations qui sont diffusées au moment de l’étude des dossiers. En quoi les parents qui font l’objet d’un repé-rage ont-ils été informés de la nature des informations qui vont être transmises, de la nature des institutions qui sont présentes et de la manière dont les décisions vont être prises ? J’ai cette culture Éducation Nationale et dans les com-missions de circonscriptions pré-élémentaires et élé-mentaires (les CCPE), les membres sont désignés par le préfet et il y a un procès-verbal officiel, il y a une pu-blicité. Ayant assisté une fois à un comité opérationnel, j’estime avoir eu accès à des informations que légitime-ment je n’avais pas à connaître. De plus, s’agissant des établissements psychiatriques, c’est tout le problème du secret médical et des frustrations que nous causons auprès des autres partenaires, parce que la demande qui m’est très vite faite c’est : « Quand on aura besoin d’une information sur un enfant suivi par le CAMPS ou le CMPP, on saura à qui s’adresser ». Eh bien non ! Même le fait de dire que l’enfant est suivi au CMPP est une in-formation qui, sur le plan médical, n’a pas le droit d’être transmise.

Organiser une communication collective auprès des famillesNous avons aussi travaillé sur la communication aux familles. Avec l’accord de l’ensemble des partenaires, l’adjoint réfé-rent a envoyé un courrier à l’ensemble des parents d’élèves scolarisés sur Liévin. Cela a permis à ces familles de savoir qu’il y a un outil qui existe et qu’elles peuvent se renseigner. On ne montre pas du doigt sans cesse la responsabilité des familles, on se remet aussi en question et on est en train de faire émerger les besoins prioritaires sur le territoire communal. Ce qui ressort du PRE va nous permettre de rebondir sur des priorités que l’on va inscrire dans le cadre des Contrats Urbains de Cohésion Sociale. L’approche est certes individuelle par rapport aux bénéficiaires du PRE mais il y a une dynamique collective qui nous permet de mieux prioriser les besoins tout en faisant participer les familles.

Samia Gaci Chef de projet DSU, Ville de Liévin

Construire un référentiel d’évaluation ?Il me semble qu’un des enjeux c’est qu’avec la multi-tude des partenaires, on est face à une multitude de ré-férentiels sur la question de l’éducation. Mais je pense que si on avait d’abord choisi de construire un para-digme commun, on n’était pas près de travailler sur des situations qui relèvent de l’urgence sociale. Cela étant, il faut quand même garder comme objectif la création de ce référentiel commun. La question éduca-tive aujourd’hui invite fortement à ce que chaque acteur puisse s’en saisir. Je pense que c’est un des enjeux du 21e siècle en matière d’éducation, c’est cette idée que la question éducative est une mission partagée, que tous les acteurs doivent être autour de la table.

Mathieu Dujardin Direction Départementale Jeunesse

et Sports du Pas-de-Calais

Concilier zonage territorial et repérage individuelLa question du zonage nous pose un problème majeur. Le territoire sur lequel nous intervenons se compose de 9000 habitants. On a un public très sédentaire, très peu de mixité sociale, et des problématiques lourdes et an-crées. Le problème c’est qu’en raison de la règle du zonage, nous avons une seule école retenue dans le cadre du PRE. En déployant des trésors d’énergie, nous avons fait rentrer 4 enfants dans le dispositif alors qu’au quotidien nous en accueillons 180 sur nos structures d’accueil ! Concrètement, avec les partenaires du territoire nous avons fait en sorte de tordre le dispositif PRE et de résister, c’est-à-dire ne pas plonger tête baissée dans le PRE en considérant que ça allait être la panacée à la réussite édu-cative des gamins. Nous avons fait en sorte que les diagnostics que nous avions faits de manière fouillée, que tous les travaux que nous avions engagés sur la question de l’appui à la fonction parentale, de la compétence partagée entre les travailleurs sociaux, etc., que tout ce travail qui existe depuis 5 ou 10 ans puisse continuer indépendam-ment du PRE. Là où le PRE pouvait créer un appel d’air sur des situations, nous l’avons utilisé. Il faut reposer le problème dans le bon sens en se de-mandant quels sont les facteurs qui font que, sur une approche territoriale, il y a une dérive. Qu’est-ce qui fait exclusion ? C’est pour cela que je reste persuadé que le PRE doit être un outil au service d’un Développement Social Local, et non pas une injonction où, depuis 25 ans on nous réinvente systématiquement ce qu’il faut faire pour faire réussir les enfants !

Vincent Huez Directeur d’un centre social sur Arras Sud

et membre du conseil consultatif du PRE sur Arras

Aborder globalement et collectivement la situation avec les parents et l’enfant : la première étape de l’accompagnementL’originalité de la démarche réside sur le fait qu’il n’exis-te pas de grille de repérage spécifique. L’identification correspond le plus souvent à une concordance d’ap-préciations effectuées par différentes institutions ou de difficultés déjà constatées (confirmation des constats avérés). Les « repérants » ne sont pas sollicités pour établir un diagnostic mais pour orienter une famille vers l’équipe de réussite éducative de leur secteur d’habitation. Et ce en leur transmettant des éléments permettant d’appré-hender globalement la situation.

Claire De Backer Responsable opérationnelle des équipes

de réussite éducative, Ville de Tourcoing

Les modalités du repérage, une question centrale pour le partenariat

Christian Caloin Directeur du CMPP d’Arras :

information des parents

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82 La réussite éducative à l’épreuve du terrain

IREV

83Ressources : Témoignages, points de débat et pratiques d’acteurs

Repères pour agir_n°1 IREV

Offre / Actions / Parcours

Les différents diagnostics réalisés, notamment à l’échelle du Bruaysis, permettent de dégager très clairement cer-taines problématiques au cœur de la réussite éducative et notamment celle du décrochage scolaire précoce qui y est particulièrement sensible. Si les actions de tutorat individualisé, les démarches individuelles ou collectives visant à (re)créer de la confiance avec l’institution scolaire, à revisiter le rapport au savoir, à l’apprentissage… répondent à cette problématique, on peut s’interroger sur la plus-value d’autres actions. On se demande parfois en quoi certai-nes actions, certains stages sont sources de réussite éducative. De plus cette offre nouvelle n’est pas forcément en adéquation avec les priorités du territoire. Enfin, ces actions peuvent créer certaines injustices, l’accès étant limité. Autrement dit, le Dispositif de Réussite Éducative et son instruction ne garantissent pas nécessairement des actions en parfaite adéquation avec les problématiques du territoire et génèrent le risque de reconduire des actions socioculturelles précédemment financées par la politique de la ville.

Hassan Bathani Chef de projet Politique de la Ville, Artois Comm.27

Communauté d’agglomération de l’Artois

Le contrat pour valider l’engagement dans une démarche de co-constructionÀ Liévin, on a pris le parti de contractualiser dès le départ avec la famille. Concrètement et après que la situation ait été examinée en équipe restreinte, un con-trat individualisé est proposé à la famille. Il permet for-mellement de s’engager dans la démarche de parcours individualisé, co-construit avec la famille au vu de ses problématiques et de ses possibilités, tant financières que matérielles. Pour l’instant on ne rencontre pas de très grosses difficultés sur ce processus.

Anne-Sophie Lefevre Coordonnatrice du Programme

de Réussite Éducative, Ville de Liévin

Quels types de « contrat » mettre en place avec les familles ? Quels contenus privilégier ?

Distinguer les finalités des objectifs de moyens dans la définition des parcours et la contractualisationAujourd’hui, les équipes de réussite éducative propo-sent d’élaborer avec la famille les bases d’un projet en s’appuyant sur un diagnostic partagé (le référent, le pa-rent, l’enfant). La première version du document élaboré ne reflétait pas la démarche mise en œuvre : la base de la contractualisation reposait sur des engagements trop formels (venir à toutes les séances proposées, être ponctuel et régulier, signaler tout problème au Référent parents…) et non pas explicitement sur l’objectif, la fi-nalité de l’accompagnement (gagner en autonomie, dé-passer une situation de conflit parental, réussir à mieux s’impliquer et suivre la scolarité de son enfant…). Nous avons travaillé cette distinction entre la finalité d’un parcours et les objectifs utiles à sa réussite. Cette distinction nous paraît essentielle dans la mesure où elle devrait in fine : – faciliter l’évaluation du parcours et de l’accompagne-ment ;– permettre l’argumentation et la justification d’une fin d’accompagnement ou de sa prolongation ;– préciser le rôle du référent de parcours, qui n’aura pas pour seule fonction le contrôle de la bonne exécution des moyens mis à disposition.

Claire De Backer Responsable opérationnelle des Équipes

de Réussite Éducative, Ville de Tourcoing

Suivi, évaluation du contrat, comment garantir le respect de la volonté des familles ? La notion de contractualisation avec la famille est inté-ressante mais n’exclut pas tous les problèmes et les questions, notamment quand il s’agit de faire les bilans. Au centre de jour, depuis trois ans, nous organisons les bilans avec l’ensemble des référents. On retrouve donc autour de la table le jeune qui nous a été confié, les parents, le référent du conseil général et du centre de jour, éventuellement un ALS qui est éducateur au sein du collège, et un référent collège. Si cette configuration permet d’aborder la globalité de la situation du jeune, j’ai pu être confronté à des situations de blocage et à l’expression de refus des familles. Il est arrivé qu’une mère m’interpelle en fin de réunion pour me dire : « Le professeur qui est présent et l’assistante sociale n’ont pas besoin de savoir tout ce qu’on travaille dans le ca-dre des entretiens familiaux ». Ces situations nous ont fait revoir nos positions et la base de nos contrats avec les familles. Aujourd’hui, avant la tenue des entretiens familiaux ou des bilans, les familles formulent explici-tement ce qu’elles veulent bien aborder ou non. Tout cela pour dire que, malgré les contrats, et alors que l’on pense bien faire avec les familles, il n’est pas rare qu’on heurte leur sensibilité.

Henri Otkowski Responsable d’un centre de jour

en prévention spécialisée, Lille

Des actions parfois éloignées des enjeux éducatifs prioritaires

Projet individualisé, prestation, parcours, coup de pouce ponctuel ou accompagnement approfondi… Des circulaires à la mise en œuvre opérationnelle, les acteurs de la Réussite Éducative abordent la question de l’offre éducative selon des approches

parfois très différentes. Sans avoir nécessairement eu les moyens de définir préalablement et de prioriser le type d’offre à développer au regard des besoins repérés et des spécificités du territoire, les questionnements émergent tant sur le fond (sens et définition du parcours, rapport au droit commun, place des familles…) que sur la forme (comment contractualiser).

27 Villes concernées par le Dispositif de Réussite Éducative : Bruay-la-Buissière, Divion, Marles Les Mines, Auchel, Béthune, Calonne Ricouart.

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84 La réussite éducative à l’épreuve du terrain

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85Ressources : Témoignages, points de débat et pratiques d’acteurs

Repères pour agir_n°1 IREV

Informer signifie t-il adhérer ? Comment peut-on s’assurer de la compréhension des enjeux par les familles ?

L’information est-elle suffisante ?Pour moi, et alors même qu’au « café des parents » nous travaillons exclusivement sur la base d’un rapport de confiance avec les familles et que la transparence est totale, je reste interrogative et perplexe quand on demande à une famille si elle « accepterait que l’on traite spécifiquement de sa situation entre enseignants, travailleurs sociaux, coordonnateur tout en lui garantissant le secret ». Que comprennent réellement les familles ? Que retiennent-elles de cette question ? Même en prenant le temps de leur expliquer, de les informer sur le protocole d’échange d’in-formations entre les différents partenaires… Quelle signification réelle cela peut-il avoir ? J’avoue que sur ce point et avec nos partenaires les plus proches, notamment la conseillère pédagogique de l’Éducation Nationale, nous nous sentons un peu coincés et que nous avons du mal à avancer. Même si les familles nous disent qu’elles ont compris, je ne suis pas toujours certaine qu’elles mesurent l’enjeu qu’il y a derrière…

Aude Geneau Responsable et accueillante du Café des Parents, Ville de Lambersart (Quartier du Pacot Vandracq)

Contacter les familles après le diagnostic de la situation pour être en mesure de proposer du concretÀ Calais, nous avons mis en place un système de fiches de situation qui permet à celui ou celle qui a repéré une situation de l’évoquer en équipe. À ce stade, la famille n’a pas été contactée et n’a pas encore donné sa validation mais la situation évoquée en équipe reste anonyme. L’examen de la situation est fait en fonction d’un certain nom-bre de critères que nous nous sommes donnés. Cette première étape nous permet de débattre et de valider si les situations examinées relèvent ou non du PRE. Si la situation relève du PRE, l’équi-pe dresse quelques premières proposi-tions. C’est donc à ce moment et avec ces premiers éléments que celui ou celle qui a repéré la situation entre en contact avec la famille. Ce n’est qu’à cette étape et une fois ces propositions validées et l’adhésion recueillie que la famille intègre le dispositif. Ce n’est donc qu’à partir du moment ou la famille devient co-contrac-tante, que l’on peut commencer à tra-vailler l’idée d’un parcours. Ce n’est qu’à ce moment-là seulement que l’anonymat est levé.

Information, adhésion de la famille : quand ? comment ?

Famille

Transversale, la question de la famille (son rôle, sa place, ses besoins…) agit comme un révélateur d’enjeux multiples. En tant que public et partenaire elle interroge autant les finalités du dispositif que le droit et la déontologie, les modalités de travail, l’ex-

pertise et les postures des professionnels, la capacité des institutions à transformer leur regard… Si parmi les questions récurrentes qui animent les acteurs, nombreuses sont celles qui interrogent directement le rapport qu’entretient le dispositif avec la famille (information, contractualisation, nature du partenariat…), d’autres questionnements de fond ont émergé à l’épreuve de la mise en œuvre et dépassent le simple cadre de la réussite éducative.

L’accord préalable à l’examen de la situation comme principe partagéÀ Liévin, la ville a d’abord communiqué sur l’existence du dispositif, ses grands principes à travers un courrier signé du maire. En tant que dispositif public mobilisé par la ville, il était essentiel d’assurer ce pre-mier niveau d’information.Le principe qui consiste à solliciter l’accord préalable de la famille est également respecté. À titre d’exemple, quand une personne de l’Édu-cation Nationale ou d’une autre institution partenaire a repéré un enfant en difficulté, il se met directement en contact avec la famille pour lui demander si elle accepte que sa situation soit abordée en équipe res-treinte. Cette personne valide directement avec la famille ce qui peut être dit ou pas. Les parents sont amenés à exprimer ce qu’ils souhai-tent que l’on partage ou non. En pratique on a vu des familles dire : « Moi je ne veux pas qu’on sache que je suis en AEMO ». Dans ces conditions, cette information n’est pas abordée en équipe restreinte.

Anne-Sophie Lefevre Coordonnatrice du Programme de Réussite Éducative, Ville de Liévin

Christine Beuter Responsable du pôle éducation, membre de l’équipe

pluridisciplinaire restreinte, Ville de Calais

Ne pas négliger l’importance des mots Je crois fondamentalement que l’écoute et la proximité sont essentielles et permettent de mobiliser. Cepen-dant, il est important de rappeler à ce stade l’impor-tance des mots, de l’expression. Je me rends compte régulièrement, par exemple lors des bilans, ou quand des familles reviennent d’une audience auprès du juge pour enfants, que le vocabulaire, les mots que l’on utili-se sont en décalage. Il n’est pas rare d’utiliser des mots que les familles ne comprennent pas. À titre d’exemple, je me souviens avoir dit une fois à un jeune : « On va arrêter la prise en charge parce que je ne voudrais pas qu’on serve d’alibi ». Personne n’a réagi, mais lorsque je lui ai demandé s’il savait ce que voulait dire « alibi », il m’a dit non. Il ne faut pas négliger ces effets, et il est important que les professionnels soient vigilants parce que les publics que nous accueillons n’osent pas forcé-ment nous dire qu’ils n’ont pas compris. Dans des lieux ou des instances plus officielles comme le bureau du juge pour enfants ou le bureau du directeur de l’école, le cas est fréquent. Il est essentiel de s’assurer que chaque personne que l’on accompagne ait compris tout ce qu’on lui a dit. C’est d’ailleurs souvent plus facile lorsqu’on est dans des démarches collectives.

Henri Otkowski Responsable d’un centre de jour en prévention spécialisée, Lille

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86 La réussite éducative à l’épreuve du terrain

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87Ressources : Témoignages, points de débat et pratiques d’acteurs

Repères pour agir_n°1 IREV

Points de vigilance, perspectives… comment garantir un accompagnement de qualité ?

Élargir les équipes ou démultiplier les binômes pour faire face à la montée en charge du dispositif ? Sans disposer d’éléments d’évaluation qui permettent de juger de la plus-value de l’action des binômes constituant les équipes de réussite éducative à Tourcoing, il semble que la proximité qu’offre le couple « psychologue-éducateur spécialisé » et sa capacité à co-construire avec la famille un parcours qu’ils se proposent d’accom-pagner dans le temps soit reconnue par les familles. Dans ces conditions, comment faire face à la montée en puissance du dispositif (à l’heure actuelle et sur la base de six mois une cin-quantaine d’enfants ont été accompagnés sur un potentiel de 2000) tout en garantissant des accompagnements individualisés tels qu’ils sont mis en œuvre aujourd’hui. Deux scenarii sont envisageables : – soit la démultiplication de « binômes » pour prolonger cette « formu-le » originale dans laquelle la ou les personnes qui diagnostique(nt) sont nécessairement celle(s) qui accompagne(nt) sans rupture, sans passage de témoin à un tiers ; – soit l’élargissement des trois équipes actuelles en dissociant les fonctions de diagnostic (réalisée en équipe par les experts et la fa-mille) et l’accompagnement (réalisé par un référent qui n’aura pas nécessairement finalisé les objectifs et construit les bases du projet avec la famille, mais sera en charge de son exécution).

Claire De Backer Responsable opérationnelle des Equipes de Réussite Éducative, Ville de Tourcoing

Qualifier les référents pour dépasser les insuffisances de la proximité La question des référents est de plus en plus centrale. À Arras, le principe comme pour de nombreux autres PRE est de permettre à la personne la plus proche de la famille ou celle en mesure de comprendre le mieux la complexité du problème d’être le référent de la situation. Cependant, si ce principe était globalement partagé, il n’empêche pas de faire émerger une multitude de questions : De combien de temps le référent dispose t-il pour diagnostiquer globa-lement la situation ? Sa vision, sa connaissance lui permettent-elles véritablement de construire un projet individualisé avec la famille ? Ne sont-elles pas déterminées par sa compétence métier ? N’y a-t-il pas risque de morcellement ?On se demande aujourd’hui s’il n’est pas nécessaire de qualifier les référents. En découle évidemment la question des moyens dont on dispose pour le faire. Faut-il amener des moyens complémentaires dans le parcours ? Nous avons opté pour un accompagnement et une supervision. On découvrira au fur et à mesure si c’est efficace mais nous avons clairement conscience qu’au vu de la technicité et de la charge de travail que représente l’accompagnement des fa-milles, il faut pouvoir former, accompagner et soutenir les référents.

Sandrine Joffre Coordonnatrice du PRE, Ville d’Arras

Permettre la continuité du travail des référents en sortant des logiques de concurrence entre institutions Il ne faut pas négliger l’existence d’intérêts divergents entre une commande institu-tionnelle et les besoins des familles. Je suis parfois confronté à des demandes de principaux de collèges qui me sollicitent pour admettre un gamin avec des argu-ments du type « si tu ne le prends pas je l’exclus, je le mets dans un autre col-lège ». Essayer de faire comprendre dans ce contexte que l’on accueille un gamin au centre de jour dans son intérêt et dans celui de sa famille, c’est quand même compliqué. Or cette réalité est à prendre en compte quand on aborde la question des référents. Autre exemple caractéristique, il y a cinq ans, sur un quartier de Lille, on a déve-loppé un poste d’adulte-relais dans une école maternelle et une école primaire. Cette personne a réussi à créer du lien avec des mamans à l’entrée et à la sortie des écoles, a généré des dynamiques. Des mères se sont ainsi engagées à des ateliers bibliothèque ou à des groupes de parole… Initier ces démarches, atteindre ces résultats demande beaucoup, beau-coup de temps… et reste fragile. Or cet adulte-relais a été contraint de changer de cap dans la mesure où les directeurs d’écoles et les enseignants avaient une commande différente en décalage avec les besoins d’accompagnement hors sco-laire de ces familles et de ces jeunes.

Henri Otkowski Responsable d’un centre en

prévention spécialisée, Lille Favoriser des profils de référents « désinstitutionnalisés »Le PRE développé à l’échelle de l’agglomération valenciennoise a concrètement démarré sur Vieux Condé en 2006. Le projet a été monté, une équipe pluridisciplinaire a été constituée et on a nommé un référent pour rencontrer les familles. Cependant nous sommes confrontés à une difficulté dans la mesure où, dans cette équipe, il y a des intervenants sociaux et des intervenants institutionnels. Or on sait que les familles dont on s’occupe dans ce dis-positif sont pour la plupart en rupture par rapport aux institutions. Par conséquent, quand on veut amener la famille dans le groupe de travail on a des difficultés. Si elle est en rupture par exemple avec l’école et qu’on lui dit qu’elle va rencontrer un coordonnateur, il n’est pas rare qu’elle se mette à l’écart. Je crois qu’il est essentiel d’expérimenter dans le cadre du PRE ou de tout autre dispositif des démarches différentes, qui prennent en compte cette défiance à l’institution et qui permettent réellement de fonctionner autrement.

Franck Aga Agent de développement social, Ville de Vieux Condé

Compétences, expertise, posture… quel référent pour accompagner les familles ?

Permettre aux professionnels de changer de casquette pour plus d’innovationNotre approche est différente. On ne dit pas aux parents qu’ils vont rencontrer le coordonnateur, l’instituteur, ou le principal du collège. Notre démarche consiste à réunir les parents et à demander à un principal, par exemple, de venir exposer avec nous ce que peut être une action d’accompagnement. Il se trouve donc positionné autre-ment, avec une autre casquette. Nous avons également eu la chance, par exemple, d’avoir une principale de collège qui venait le soir faire du soutien pendant la période d’accompagnement à la scolarité. En enlevant sa casquette de principale représentant l’institution, elle a contribué à changer le rapport que les parents entretenaient avec l’ins-titution scolaire. Résultat, dans un deuxième temps, les parents sont allés vers l’école, ont participé à la mise en place d’un théâtre forum où ils ont créé des saynètes avec l’aide du principal. Ça peut être aussi une démarche.

Henryk Glapiak Directeur de l’association Rencontres et loisirs,

Club de prévention (Oignies, Carvin et Libercourt)

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88 La réussite éducative à l’épreuve du terrain

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89Ressources : Témoignages, points de débat et pratiques d’acteurs

Repères pour agir_n°1 IREV

À Tourcoing, les trois équipes pluridisciplinaires sont constituées d’un binôme psychologue – éducateur spé-cialisé. Leur rôle n’est pas de traiter une situation (le rôle de la psychologue par exemple n’est pas de faire du suivi thérapeutique) mais d’ouvrir un espace d’écoute et d’ex-pression, d’enclencher avec la famille et l’enfant repéré une dynamique visant à : – partager les hypothèses et les questions des profes-

sionnels à l’issue du diagnostic ;– comprendre l’intérêt des recommandations faites par

le binôme ;– préparer, rassurer, dédramatiser, gérer les délais d’attente ;– accompagner la famille dans le temps et assurer la

fonction de référent famille. Cette fonction peut égale-ment être assurée par d’autres professionnels assurant déjà un suivi de la famille (assistante sociale, éducateur AEMO…).

Dans la pratique, le travail de l’équipe de réussite éduca-tive se structure de la manière suivante.

Selon le choix de la famille, le « repérant » accompagne ou non la famille et l’enfant à une première rencontre avec l’équipe pour discuter et poser les bases d’un dia-gnostic. Ils disposent notamment pour engager ce travail des éléments indiqués sur le formulaire de « demande d’accompagnement individuel » renseignés par la famille, l’enfant et le professionnel repérant. Suite à cette pre-mière rencontre, l’éducateur et la psychologue élaborent une série d’hypothèses de travail, identifient les points à creuser, définissent quelques priorités…

Une deuxième séance de travail avec la famille et l’enfant permettent ensuite de consolider ce pré-diagnostic et

d’engager un échange sur les résultats et les préconisa-tions qui se dégagent (étant entendu que la famille peut se rétracter). C’est au cours de ce temps de travail que les premiers objectifs sont posés et que la famille s’en-gage (contractualisation).

La mise en œuvre du parcours est ensuite confiée (l’ac-cord de la famille est une fois de plus sollicité) au « réfé-rent parents ».

La place des parents du diagnostic à la construction des parcours de réussite

Membres de droit des instances stratégiques de pilota-ge, les élus ont pour fonction centrale de donner un sens et une orientation aux projets. On constate toutefois, sur certains sites, que des élus siègent dans des instances techniques où ils ne devraient pas être (équipes pluridis-ciplinaires de soutien par exemple). Cet état de fait est porteur de risques pour la confidentialité des situations

individuelles des enfants ou des familles, notamment en raison du statut et de la position de l’élu. C’est ce qui a notamment conduit la Préfecture du Nord à un rappel à la règle dans ses deux circulaires du 1er février 2007 adres-sées aux communes porteuses d’un Projet de Réussite Éducative et celles qui souhaitent s’y engager.

Circulaires sur la mise en œuvre du programme de réussite éducative, Préfecture du Nord, 1er février 2007

RecommandationsModalités du Dispositif de Réussite Éducative– Les structures juridiques porteuses du Dispositif de

Réussite Éducative (Caisse des écoles, CCAS ou GIP) doivent obligatoirement mettre en place un conseil consultatif ou un comité de pilotage.

– Les élus n’ont pas vocation à siéger dans les équipes pluridisciplinaires de soutien.

– Le médecin scolaire doit être associé à tous les niveaux (repérage, diagnostic et suivi).

– Respecter la confidentialité (ne pas faire circuler des listes nominatives en dehors des réunions des équipes pluridisciplinaires).

– Recueillir l’accord préalable des parents pour la prise en charge de l’enfant dans le cadre du Dispositif de Réussite Éducative.

Ma conception c’est que l’élu a à créer du possible. Il y a des moyens, comment les mettre en application ? Quels choix on va faire ? Là on est dans notre rôle d’élu. Mais après, autour des dispositifs, autour de l’accompagnement des familles, là il faut que le rôle de l’élu s’arrête et on livre toute notre confiance aux professionnels de terrain, qui sont dans la pratique, pour amener quelque chose de l’ordre de la réussite. Mais qu’est-ce que la réussite ? À quel moment on considère qu’un enfant ou une famille est en réussite ou pas ? Je crois qu’il ne faut pas être dans des cadres trop rigides, mais au contraire il est important d’être dans quelque chose de très ouvert. Je crois que le politique a aussi à innover et à accompagner ce regard sur les familles et les enfants.

La place des élus dans le dispositif

Positionnements institutionnels et coopération

Christophe Dutelle de Négrefeuille Conseiller municipal délégué, Ville de Liévin

De l’approfondissement du diagnostic à l’élaboration du parcours, une démarche globale à laquelle participe la famille

expérience

PRE de Tourcoing

Des règles pour garantir la transparence et les engagements des professionnels • Au-delà de la participation de la famille du diagnos-tic à la mise en œuvre et pour respecter le principe visant à positionner les parents comme faisant « partie intégrante du Dispositif de Réussite Éducative (…) et à respecter pleinement leur rôle éducatif » (inscrit dans un cahier des charges techniques et déontologique), tout courrier, compte-rendu ou document relatif à l’accompagnement individuel est transmis et remis à la famille concernée.• Dans le contrat avec les parents, les engagements du référent parents sont également clairement établis. Le référent s’engage à : – accompagner la famille dans son parcours, en lien

avec l’équipe de réussite éducative ;– accompagner la famille au(x) séance(s) si nécessaire ;– répondre dans les meilleurs délais à leurs questions ; – rencontrer la famille dans un délai de … afin de faire

un premier bilan, où une révision du contrat pourra être effectuée si besoin ;

– prévenir les parents en cas d’annulation d’un ren-dez-vous.

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En s’adressant directement aux communes, les disposi-tifs mis en place dans le cadre du Plan de cohésion so-ciale (il en va du Dispositif de Réussite Éducative comme, plus tard, de la première phase de lancement des CUCS remplaçant les contrats de ville) influent sur les modes de coopération entre villes et agglomération initiés au cours des précédents contrats de ville. Percutant les habitudes

de coopération entre ces deux collectivités, le Dispositif de Réussite Éducative oblige le territoire à recomposer les modes de faire (avec différentes options possibles), et les intercommunalités à redéfinir leur place : entre appui au local et vision supra permettant de mettre en place d’autres types de réponses.

90 La réussite éducative à l’épreuve du terrain

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91Ressources : Témoignages, points de débat et pratiques d’acteurs

Repères pour agir_n°1 IREV

La place de l’intercommunalité

Du Projet Éducatif Territorial à la Réussite éducative : un changement de logique qui a des incidences sur les modes de coopérationLe Dispositif de Réussite Éducative n’est pas arrivé en terrain vierge sur le territoire de l’agglomération Artois Comm. Ainsi la mise en place des Projets Éducatifs Territoriaux, volet éducatif du précédent contrat de ville, avait permis de réaliser, en partenariat avec l’Éducation Nationale et à l’échelle du territoire intercommunal, un diagnostic partagé qui donnait, notamment, un aperçu assez précis de la situation scolaire.Sur cette base, les projets avaient été élaborés par les chargés de mission de l’agglomération, en partenariat avec les villes concernées. Malgré certaines difficultés de pilotage institutionnel et une déclinaison du PET différente selon les villes, le PET permettait une approche éducative globale à une échelle pertinente au vu des enjeux (l’ag-glomération).L’instruction du PET privilégiait une démarche projet pour laquelle les chefs de projet intercommunaux avaient une reconnaissance et une véritable expertise. De la même manière leur connaissance du territoire, des partenaires (institutions, collectivités et monde associatif) les positionnaient « naturellement » au cœur des projets. L’arrivée du Dispositif de Réussite Éducative, positionné avant tout comme un dispositif municipal, a été soit l’occa-sion de prolonger, voire de renforcer la coopération opérationnelle entre villes et agglomération en matière éducative soit l’occasion d’un recentrage à l’échelle de la ville. À titre d’exemple : – Dans un premier cas et à la demande de la ville et des partenaires, le chef de pro-jet de l’agglomération a été sollicité et invité à participer à l’actualisation du diagnostic, l’animation des réunions de concertation partenariale, la définition du programme d’action et la finalisation administrative avec les services de l’Inspection Académique.– Dans le second cas et malgré une habi-tude de partenariat renforcé (co-élaboration des projets), la ville a choisi de ne consulter le chef de projet que pour avis, une fois le projet finalisé, rompant ainsi avec certains modes de faire historiques.

Hassan Bathani Chef de projet Politique de la Ville, Artois Comm.

Communauté d’agglomération de l’Artois

Connaissance et reconnaissance des compétences de chacun ; clarification des positionnements et des atten-tes vis-à-vis des acteurs tenant compte des positionne-ments professionnels et institutionnels sont les points de plus-value attendus de la coopération. Néanmoins, face au peu d’enthousiasme manifesté par certains acteurs

attendus comme partenaires du Dispositif de Réussite Éducative, cette plus-value apportée par la coopération interinstitutionnelle doit être plus lisible. Différentes options/méthodes peuvent être envisagées afin de la rendre plus lisible.

Rendre plus lisible la valeur ajoutée attendue de la coopération

Valoriser des coopérations interinstitutionnelles réussies dans le champ éducatifLa facilité apparente de mise en route du PRE sur la commune d’Avion (quartier de la République et une partie du Quatre) est due en premier lieu à l’antériorité de la coopération entre les différents partenaires (Éducation Nationale, Conseil Général, Service DSU de la commune), déjà impliqués dans des actions sur ces quartiers, et plus particulièrement dans le dispositif « École et Action Sociale ». Le Conseil Général s’est donc engagé dans le projet dès le montage du dossier par le DSU, y voyant la continuité de ce qui était entrepris et y apportant en plus la transversalité de ses services. Les services ont participé au diagnostic local (PMI, service social) et, une fois le dossier monté, celui-ci a été présenté aux chefs de services et mis à disposition de tous les professionnels concernés pour information, sensibilisation et connaissance.

L’implication des chefs de services et des équipes a été rapide après la nomination du coordonnateur PRE. Issu du DSU, ce coordonnateur était présent et connu sur le territoire, et la relation de confiance déjà établie. Le travail technique associant le chef de service social du département et le coordonnateur PRE a permis de valider les outils (dossiers d’introduction, dossiers remis et signés par la famille). Un schéma de cadrage a été élaboré avec les différents partenaires à travers les équipes pluridisciplinaires pour savoir qui est où et qui fait quoi. Enfin, la charte signée avec le Conseil Général en juin 2006 a permis d’aller plus avant et de dépasser assez rapidement le blocage du secret professionnel.

La plus-value apportée tient d’abord dans la reconnaissance d’un savoir-faire, et la reconnaissance de l’expérience du travail social individuel au service de tous par la connaissance qu’a le service social des familles (son histoire, ses codes, place hiérarchique des membres, modes de faire, modes de communication et même sa perception des services publics).

Marie-Christine Jacquin Coordonnatrice de site à Avion, Maison du Département Solidarité de Lens-Liévin, Conseil Général du Pas-de-Calais

Lorenzo Cristante Chargé de mission Éducation et prévention

de la délinquance, GIP DSU Sambre-Avesnois

S’appuyer sur les PRE pour construire les bases d’un projet éducatif plus globalLes travaux préalables à la mise en place des PRE permettent de disposer d’un diagnostic éducatif élargi. Le PRE peut servir de tremplin pour commencer à aborder les problématiques couvertes par la réussite éducative (déscolarisation, illettrisme, situations sanitaires et sociales difficiles, publics fragilisés…) à l’échelle d’un territoire. Ainsi en négatif, le diagnostic du PRE, conjugué à celui du CUCS peut et doit servir à jeter les bases d’un PEL (quand il n’existe pas…).C’est la raison pour laquelle il est essentiel que les services municipaux (Politique de la Ville, petite enfance, éducation, jeunesse…) puissent participer aux travaux du PRE. De cette façon, il est possible de prévoir des actions collectives et/ou individualisées, en prévention ou en remédiation, selon les dispositifs et les publics mais toujours en cohérence… avec les réalités et les orientations politiques de la ville reprises dans le PEL.

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93Ressources : Témoignages, points de débat et pratiques d’acteurs

Repères pour agir_n°1 IREV

Élaborer collectivement un projet Le Projet de Réussite Éducative est un projet intercommunal, qui concerne 10 communes, 4 collèges et 29 écoles maternelles et primaires du versant est du Douaisis (73.000 habitants et 21 communes). Appuyés par un cabinet d’études, nous avons initié, avec l’ensemble des acteurs institutionnels concernés, une démarche d’élaboration collective du projet sur une durée très courte (octobre 2005 - mars 2006).Le choix des territoires du projet est le résultat de nombreux croisements de données (classement REP, enquêtes sociales de l’Éducation Nationale et évaluations nationales CE2 et 6e, données issues de diagnostics précédents, dépistages au niveau du bilan de 4 ans, données de l’action sociale dans les collèges, données CAF…).Ce travail a permis de rassembler l’ensemble des partenaires du territoire (Éducation Nationale, services du Dépar-tement, Club de Prévention, centres sociaux, maisons de quartiers, maisons pour tous, associations) et de s’inter-roger collectivement – non sans frictions - pour définir ce qu’on entendait par « réussite éducative » sur le territoire.

Nadine Leclerc Chargée de mission Prévention de la délinquance,

Communauté de Communes du Cœur d’Ostrevent

À chaque projet, à chaque territoire son coordonnateur de réussite éducative ? Sans prétendre à l’établissement d’une typologie, certains profils se dégagent.

Regards croisés sur le métier de coordonnateur à Auby, Rouvroy et Tourcoing.

Le coordonnateur, une fonction à géométrie variable

Fonctions, métiers, postures professionnelles…

En attribuant à la sectorisation des approches, à la dispersion des pratiques profes-sionnelles et à la non coopération la responsabilité partielle de l’impasse de l’action publique concertée, le Dispositif de Réussite Éducative propose de faire travailler

ensemble les acteurs incontournables concernés par les problématiques éducatives des jeunes en fragilité. Il pose le principe d’un coordonnateur pilote et animateur du travail tech-nique sans toutefois faire état des compétences et de la légitimité dont il doit disposer ou en éludant les éventuels risques de superposition des fonctions.

Tourcoing, une mission de coordonnateur « garde–fou »Arrivée en mai 2006, un an après que la base du PRE ait été finalisée (principes, mode de fonctionnement…) l’ac-tion de la coordonnatrice a d’abord consisté à : – Sensibiliser et mobiliser les différents partenaires et tout particulièrement les professionnels habilités. À ce titre, un document présentant le dispositif (publics, objectifs, axes d’intervention…) et rappelant les principes du projet tourquennois a servi de base opérationnelle au partenariat.– Assister à la constitution des équipes et au recrutement des binômes en lien avec le CMPP.– Développer quelques outils de base (dossier de demande de projet individualisé, planning des suivis, fiche d’évaluation…).– Réceptionner et orienter les demandes.

Depuis le démarrage de la phase opérationnelle (repérage et mise en œuvre des actions), le rôle de la coordonnatri-ce consiste essentiellement à animer et suivre le travail des trois équipes, chacune étant composée d’un éducateur spécialisé et d’un psychologue. Elle rencontre les équipes tous les quinze jours pour partager et croiser l’analyse des situations, échanger et capitaliser sur les réponses que chaque équipe aura pu proposer ou pour examiner certaines situations qui ne seraient pas du ressort de l’ERE. À noter qu’une supervision a été mise en place depuis juin 2007 et est assurée une fois par mois par une thérapeute.

En pratique, l’enjeu de la coordination est double : – Se garder de jouer un rôle d’expertPour moi il est important de ne pas être dans l’expertise. La compétence psychosociale appartient à l’équipe de réussite éducative, ce n’est pas mon rôle, même si aujourd’hui les équipes prennent conscience de l’intérêt et de la plus–value qu’il y aurait à mettre en place une supervision pour sortir du vase clos, prendre du recul par rapport aux diagnostics réalisés et aux préconisations faites au sein des équipes.– Assurer une cohérence d’ensembleL’animation des équipes de réussite éducative consiste essentiellement à poser des balises, à rappeler aux profes-sionnels les principes du projet. Autrement dit, c’est assurer un rôle de garde fou, de garant d’une approche globale et locale et de pouvoir en faire part et en justifier auprès des partenaires (compte–rendu, bilan…).

Claire De Backer Responsable Opérationnelle des Équipes de Réussite Éducative, Ville de Tourcoing

La mise en place d’une formation-action mobilisant l’ensemble des partenaires

expérience

Ville d’Arras

Mettre en place des démarches collectives pour s’approprier les enjeux et définir les modalités d’organisation

Mobilisant 45 personnes (Centres sociaux, club de pré-vention, coordinateur des centres de loisirs, travailleurs sociaux, CCAS, service éducatif, PMI, conseillers en économie sociale et familiale, médecins scolaires, psy-chologue du CAMS, REAPP…), cette formation, animée par une expertise extérieure, a permis aux partenaires concernés d’acquérir les bases communes nécessaires à la mise en place d’un travail en coopération :– s’entendre sur les constats et poser les bases d’un

diagnostic éducatif : place centrale de la famille, arti-culation de l’accompagnement individuel et de l’action collective…

– clarifier le rôle, les attendus et le positionnement des institutions et partenaires ;

– valider un mode d’organisation (fréquence des réu-nions des différentes instances, fonctionnement entre les différents acteurs) ;

– se doter d’outils communs (grille de critères, fiches de liaison…) ;

– définir les types de publics concernés afin d’aider les professionnels dans le repérage des situations.

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94 La réussite éducative à l’épreuve du terrain

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Repères pour agir_n°1 IREV

28 Au programme de ces réunions : recueil des données nominatives, analyse (avec l’équipe) et croisement des données ; définition d’un projet d’accompagnement individualisé, mise en œuvre des modalités d’action du projet d’accompagnement individualisé : rencontre des enfants et des familles, des partenaires, suivi des situations, redéfinition des projets individualisés.29 Rencontre des professionnels médicaux, paramédicaux, sociaux, culturels, sportifs…Travail de médiation entre acteurs associatifs et parents (1re prise de contact et rencontre).30 Mobilisation des professionnels sanitaires, sociaux, culturels, sportifs… ; mise en réseau des partenaires ; proposition et validation des actions (pouvant émaner non seulement des coordonnatrices mais également de l’ensemble des partenaires engagés dans le dispositif).

Une coordination élargieSi la coordination du PRE implique « classiquement » la gestion du dispositif (organisation de réunions, rédac-tion de comptes-rendus, suivi de décisions, élaboration d’outils méthodologiques, de communication et d’éva-luation…) et l’animation des instances de travail techni-que (réunions des Équipes Pluridisciplinaires Restrein-tes28, rencontres avec les partenaires au niveau local et départemental29), les coordonnatrices ont également un rôle d’animation du Conseil Consultatif et du Co-mité de pilotage30. Elles sont également en charge de l’évaluation du dispositif (bilans quantitatifs, qualitatifs et financiers) et des parcours individualisés.

Dans la pratique, les coordonnatrices accompagnent et suivent également directement certains enfants et leurs familles (interventions à domicile, accueil dans le bu-reau du PRE…).

Outre la charge de travail que représente notamment le face à face avec les familles (qui ne cessera d’augmen-ter avec la montée en charge du dispositif) et la techni-cité que cela suppose… les coordonnatrices éprouvent le besoin d’aborder la question des limites de la fonc-tion et de hiérarchiser.

Julie Toutain et Natacha Torres Coordonnatrices du PRE de Rouvroy

Auby, le coordonnateur, animateur du dispositifMis en place fin 2005, le projet a été déposé en février 2006. Après avoir consacré le 1er semestre 2006 à la réflexion autour de la démarche et à la mise en place des outils (charte, etc.), nous sommes actuellement dans une phase de mise œuvre des parcours indivi-duels. En tant que coordonnateur du PRE, mon rôle est de coordonner les trois instances de pilotage du dispo-sitif : – l’équipe pluridisciplinaire restreinte qui rassemble les acteurs de terrain qui sont auprès des familles et qui vont établir le diagnostic des difficultés et des compé-tences de l’enfant pour voir si on peut engager un suivi dans le cadre du PRE ; – le comité de pilotage qui rassemble les responsables de structures qui analysent anonymement la situation des enfants et qui préconisent des modifications sur des objectifs et des actions à mettre en place ; – le conseil consultatif porté par le CCAS qui est une instance stratégique et politique rassemblant des élus, institutionnels et présidents d’associations.

Si mon action aujourd’hui consiste à préparer le travail de chacune des instances et à faire le lien entre elles, initialement il s’agissait de (re)mettre en place le parte-nariat qui s’essoufflait un peu dans le cadre du CEL, de réactiver ces relations et de voir quelle était la place de chacun au sein du dispositif. Ce projet a donc per-mis de remobiliser l’ensemble des partenaires puisque chacun a pu apporter soit une action, soit une compé-tence.

Emmanuel Haja Coordonnateur PRE et chef de projet Politique de la Ville, Auby

Les PRE se sont rarement déployés sur des territoires vierges. Chefs de projets politique de la ville (municipaux ou intercommunaux), coordonnateurs de dispositifs édu-catifs (REP, ZEP, CEL), chargés de missions thématiques y œuvrent au quotidien… Si les textes encouragent le partenariat et l’articulation avec les dispositifs existants,

peu d’études s’attachent à identifier les effets que les PRE peuvent produire sur les réalités professionnelles du territoire notamment en matière d’animation interinstitu-tionnelle, de mobilisation des partenaires, d’accompa-gnement et de suivi des familles.

Superposition des fonctions, confusion des genres, doublons ? La réussite éducative a-t-elle un impact sur le rôle et les positions des professionnels du territoire ?

S’appuyer sur des ressources locales pour éviter le risque de « décréter » la coopération Comme sur la majorité des territoires en région et en France, les coordonnateurs PRE sont le plus souvent de nouveaux et de jeunes professionnels, n’ayant pas forcément d’expérience de terrain et de connaissance fine du territoire, de ses enjeux, de la réalité du partenariat… « Il ne s’agit pas de remettre en cause leurs compétences et leur motivation mais il est évident qu’ils ne sont pas dans les réseaux et que le partenariat, ça ne s’invente pas ». Deux stratégies sont alors possibles et consta-tées sur le terrain en fonction des sites : – Conscients de cette faiblesse les coordonnateurs peuvent faire appel aux chefs de projet de l’agglo qui jouent un rôle de tuteur et d’accompagnant pour les aider à créer les conditions d’un partenariat élargi ou qualifier les projets, mais leur rôle est indirect et pas nécessairement « officiellement » reconnu.– Les coordonnateurs font « cavalier seul ».

Il ne s’agit évidemment pas de critiquer les choix et le travail de ces coordonnateurs, mais il aurait été intéres-sant d’aborder la question de la réussite éducative en faisant un état des compétences en place sur le terrain, en cherchant à mutualiser éventuellement les moyens et particulièrement ceux de la coordination pour éviter d’éventuels doublons et privilégier des compétences plus orientées sur l’accompagnement des enfants et des familles fragiles qui peuvent parfois faire défaut sur des territoires comme les nôtres.

Hassan Bathani Chef de projet Politique de la Ville, Artois Comm. Communauté d’agglomération de l’Artois

Construire sa fonction, bâtir sa légitimité, une exi-gence pour les coordonnateursComme dans de nombreux sites, les coordonnatrices ont été confrontées à l’urgence qu’il y avait à mettre en place le PRE et à la méfiance légitime de la plupart des partenaires. Outre les interrogations sur le dispositif, ses principes et ses modalités, les partenaires ont pu exprimer quelques réticences liées à la jeunesse et au peu d’expériences des deux coordonnatrices.

Sans lettre de mission précise, l’enjeu a donc consisté à prendre acte de ce contexte et de construire sa place et sa légitimité. C’est « en marchant » que les coordon-natrices ont progressivement donné du corps et cons-truit leur fonction. Certaines actions ont été particulière-ment structurantes : – la mise à jour du diagnostic et la (ré)exploitation des données disponibles qui ont permis de s’imprégner du territoire ;– l’élaboration des principaux outils et notamment la formalisation d’une démarche d’identification (sans dis-poser de grille de repérage spécifique, les coordonna-trices ont mis en place une série d’outils méthodologi-ques facilitant la remontée d’informations), la réalisation de documents de présentation et d’information…

Julie Toutain et Natacha Torres Coordonnatrices du PRE de Rouvroy

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Construire les bases de la coopération, un préalable : Rôle et plus-value d’un chargé de mission « extra-municipal »

Il a accompagné 7 villes à développer et mettre en œuvre leur Projet de Réussite Éducative. Le territoire se caracté-risant par des situations socio-éducatives particulièrement difficiles, composé de villes moyennes ou de petite taille non forcément richement dotées en moyens d’ingénierie. Son intervention a notamment consisté à :

Sensibiliser, convaincre et aider les acteurs des villes (techniciens, élus) à se saisir et s’approprier un dis-positif (mobilisation)Après avoir pris une série de contacts avec quelques professionnels afin de se forger un premier niveau de con-naissance sur ce dispositif nouveau, mon action a consisté, comme tout technicien intervenant dans le champ du développement social et urbain à une échelle supra locale, à présenter le dispositif, ses objectifs et à permettre son appropriation. Si les notes de cadrage ont été à la base de cette sensibilisation, c’est la proximité, les expé-riences de coopération, les expériences passées (site pilote) et la connaissance des enjeux des différentes villes concernées qui ont permis d’engager un travail avec les élus et/ou les techniciens des villes, les parents d’élèves sur la réussite éducative.

Aider à l’élaboration des PRE et se doter d’outils de base (ingénierie de projet)Le cadre nouveau « imposé » par la réussite éducative a demandé aux sites de poser des bases de travail collectif parfois inédites sur notre territoire (EPS), de se doter d’outils de repérage… et de les adapter à la sauce locale. À ce niveau, la connaissance des partenaires, du territoire et de quelques réseaux est essentielle pour avancer dans de bonnes conditions. J’ai ainsi organisé une série de rencontres avec les IEN et les techniciens des villes en charge de ces projets et posé les bases des comités de suivi des projets en associant les principaux partenaires (chefs de projet ville, IEN, Directeurs d’école/ coordo REP, Directeurs de Centres sociaux, de CCAS…).Enfin, pour ce qui est de l’élaboration du projet et de l’assistance à sa mise en œuvre, mon intervention est à géo-métrie variable selon les sites. Dans la plupart des cas, après avoir participé à l’émergence du projet je participe aux réunions du comité de suivi et du comité de pilotage. Sur deux sites, mon action a été jusqu’à l’assistance à la mise en œuvre opérationnelle du projet… question d’ingénierie et de capacité à faire.

En synthèse, une double plus-valueEn synthèse, je dirai que ma plus value est d’abord de pouvoir apporter une expertise technique : maîtriser les exigences procédurales (forme du dossier, connaissance des attentes des services instructeurs, connaissance des points de blocage…) et apporter une aide méthodologique (élaboration d’outils, de tableaux de bord…) pour permettre aux villes de se doter d’un nouvel outil.

D’autre part, l’enjeu consiste pour moi à créer les conditions d’une coopération la plus constructive possible autour de la réussite éducative. À ce titre mon rôle consiste également à qualifier les acteurs en alimentant le local des ré-flexions, des débats en cours, des expériences et des questionnements des acteurs engagés dans ces Projets de Réussite Éducative en participant à différents cycles d’échanges et rencontres à l’échelle régionale et nationale.

Lorenzo Cristante Chargé de mission Éducation et prévention de la délinquance, GIP DSU de Sambre–Avesnois

Comment garantir l’effectivité du travail des équipes pluridisciplinaires de soutien ?

La mise en place d’un groupe de réflexion pour échanger et poser les bases d’une démarche évaluativeLa mise en œuvre rapide et récente du dispositif, les interrogations de fond de certains partenaires, notamment les agents du département, ainsi que le besoin exprimé par les coordonnatrices de prendre de la distance, d’analyser leurs propres pratiques et de construire leur légitimité ont convergé pour s’engager dans une démarche collective, accompagnée et animée par un consultant extérieur. En partant des questionnements de chacun, l’objectif de ce groupe de travail est de poser les principes de la coopération (sa finalité), et d’ajuster les contours des interventions des différents partenaires. Pour les coordonnatrices, cette démarche devrait faciliter la mise à plat de leurs compé-tences et poser les limites de leur intervention : « stabiliser le qui fait quoi ».Outre l’échange, cet espace de réflexion a également pour objectif de mettre à plat le regard que portent les parte-naires sur le PRE, autrement dit de poser les bases d’une démarche évaluative en s’appuyant sur la perception non seulement du PRE, mais également de la fonction des deux coordonnatrices et de l’éducateur spécialisé, référent de parcours.

Julie Toutain et Natacha Torres Coordonnatrices du PRE de Rouvroy

Des équipes « minimalistes » pour plus de réactivité et d’expertise

expérience

PRE de Tourcoing

La ville a choisi de recruter directement des équipes structurées autour de binômes psychologue-éducateur spécialisé. Outre la taille de la ville, plusieurs principes ont justifié le choix de recruter directement des profession-nels pour composer les équipes de réussite éducative à Tourcoing : – L’expertise : au vu des champs couverts par la réus-

site éducative et des problématiques prégnantes sur le territoire tourquennois (santé mentale notamment), le choix s’est porté sur le recrutement d’un noyau dur dans chaque équipe composé d’un psychologue et d’un éducateur spécialisé.

– La disponibilité : les plans de charges des profession-nels associés étant le plus souvent saturés, le recrute-ment dans un premier temps de ces 6 professionnels à plein temps permettait d’envisager une action de qua-lité, inscrite dans la durée.

– La réactivité : pour affiner les diagnostics individuels et construire des réponses individualisées adaptées et rapides, il paraissait indispensable que des profession-nels soient directement recrutés et dédiés au projet.

– L’extériorité : n’appartenant pas au territoire ni aux ins-titutions et sans connaître les familles, ces profession-nels peuvent potentiellement créer des rapports diffé-rents avec elles.

En savoir plus : – Chaque équipe de réussite éducative couvre 3

grands secteurs de la ville (Nord-Est ; Nord Ouest ; Sud), ce qui représente 20 quartiers concernés par le Dispositif de Réussite Éducative ; 40 écoles pu-bliques (sur un total de 48) et 4 groupes scolaires privés ; 5 collèges publics et 3 privés.

– Pour accueillir les familles, chaque équipe dispose de bureaux dans des locaux « neutres », peu mar-qués institutionnellement et hors de l’école : maison des services, halte garderie, centre de lecture pé-dagogique.

– La Caisse des Écoles de la Ville de Tourcoing, porteu-se du PRE a passé une convention avec le CMPP qui a recruté et met à disposition ces 6 professionnels.

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98 La réussite éducative à l’épreuve du terrain

IREV

99Ressources : Bibliographie

Repères pour agir_n°1 IREV

CAILLE Jean-Paul, ROSENWALD Fabienne. Les inégalités de réussite à l’école élémentaire : construction et évolution. Paris : France portrait social, INSEE, 2006. Cet article s’attache à montrer que les scolarités à l’école élémentaire restent marquées par d’importantes disparités sociales de retard scolaire et de réussite aux évaluations. Alors que les niveaux de compétences à l’entrée des élèves au cours préparatoire sont déjà différenciés socialement, les progressions à l’école primaire diffèrent selon le milieu d’origine de l’élève, y compris à niveau initial comparable. Les écarts se creusent donc au fur et à mesure de l’avancée dans la scolarité élémentaire. http://www.insee.fr/fr/ffc/docs_ffc/ref/FPORSOC06d.PDF

CHAMBON André. Villes et développement éducatif local : les cas d’Évry, d’Amiens et de Calais. Paris : L’Harmattan, 2004. 232 p. Cet ouvrage fait l’examen des politiques éducatives municipales de 3 villes françaises : Évry, Amiens, Calais. Il éclaire notre questionnement sur l’existence et l’identité d’une conception locale de l’insertion sociale et professionnelle.

Conseil National des Villes (CNV). Avis sur la mise en place du programme de réussite éducative, Conseil National des Villes (CNV), 18 avril 2007. 18 p. Annexes : Membres du Conseil National des Villes composant le groupe de travail ; Sites étudiés et personnes rencontrées. Cet avis du CNV est basé sur une enquête sur des sites en réussite éducative dans différents départements, de multiples rencontres notamment avec les ministères et organismes centraux et des travaux disponibles, notamment ceux de D. Glasman et de l’IREV. Le CNV formule 10 recommandations parmi lesquelles la nécessité de renforcer l’articulation entre la politique de réussite éducative et celle de l’éducation prioritaire, la nécessité de dépasser les seules difficultés scolaires pour aboutir à une approche globale des difficultés des jeunes et un souci de pérennisation des moyens financiers mis à disposition par l’État.

Délégation Interministérielle à la Ville (DIV). Projet éducatif local et politique de la ville. Paris : DIV, 2001. (Repères) Les notions de contrat éducatif local et de projet éducatif local sont employées de manière indifférenciée. Ce numéro de « Repères » met en exergue les spécificités du Projet éducatif local.

Délégation Interministérielle à la Ville (DIV). Mettre en œuvre un projet de réussite éducative. Guide Méthodologique. Paris : DIV, juin 2007. 178 p. (Repères) À destination des acteurs directement impliqués et ayant la charge de la mise en œuvre des projets, ce guide propose un ensemble de repères, d’éclairages, de conseils et de rappels en vue d’une mise en œuvre plus facile et plus «respectueuse» des principes du dispositif… La majorité des questions centrales y sont abordées : place des parents, repérage, définition et sens d’un parcours, coopération…

DUBET François. L’école des chances, qu’est-ce qu’une école juste ? Paris : Le Seuil, 2004. 95 p. (La république des idées) L’auteur montre que l’école basée sur la distinction du mérite individuel, reste trop dure pour les vaincus de la compétition scolaire et ne parvient pas à corriger les effets de la reproduction sociale.

GLASMAN Dominique. 1res rencontres nationales de la réussite éducative, 29 juin 2006. Un an après : problématique du programme de réussite éducative. 9 p. Compte rendu de la communication de D. Glasman lors des 1res rencontres nationales de la réussite éducative le 29 juin 2006 où il fait le bilan du dispositif un an après son lancement.

GLASMAN Dominique, BESSON Leslie. Le travail des élèves pour l’école en dehors de l’école. Chambéry : Université de Savoie, 2005. 194 p. Cet ouvrage reprend un rapport remis au Haut Conseil de l’évaluation de l’école concernant les différentes formes de travail scolaire en dehors de l’école. La recherche a été établie à partir d’expériences françaises et

étrangères. L’essor de l’accompa-gnement scolaire associatif dans les quartiers populaires, l’envolée des cours particuliers sont desconstats qui interrogent sur le système scolaire lui-même et les inégalités qu’il engendre.

GLASMAN Dominique (Sous la dir.). La déscolarisation. Paris : La dispute, 2004. 312 p. (Essais). Cet ouvrage fait le point sur les facteurs de la déscolarisation, préoccupation majeure depuis ces dix dernières années. Il décrit un entrecroisement de causes dans l’école mais aussi dans la famille et dans le quartier. L’idée de la déscolarisation, corollaire de la démission familiale, est ici largement balayée.

GOUSSEAU Jean-Louis. Les collectivités territoriales et l’éducation. Élus locaux, établissements d’enseignements et territoires. Le Moniteur : Paris, 2006. 331p. (Action locale) Cet ouvrage présente de manière didactique l’ensemble des capacités et des contributions de toutes les catégories de collectivités territoriales dans le domaine de l’éducation. Il permet ainsi aux décideurs, comme aux acteurs locaux ou citoyens concernés par les activités éducatives aux enjeux majeurs, de la maternelle à l’Université et sur plusieurs territoires sensibles, de disposer d’analyses et de références, principalement de nature juridique, complétées par les pratiques suivies et leurs aspects sociologiques.

HUSSENET André, SANTANA Philippe. Le traitement de la grande difficulté scolaire au collège et à la fin de la scolarité obligatoire. Rapport établi à la demande du Haut Conseil de l’évaluation de l’école. Paris : Ministère de l’Éducation nationale, novembre 2004. 111 p. + 4 p. Ce rapport est le 13e réalisé à la demande du HCéé. Les auteurs, inspecteur général de l’éducation nationale et inspecteur d’académie, y proposent une première partie consacrée à l’historique de la notion d’échec scolaire, qui remonte aux années 1960. La deuxième partie porte sur la mesure de l’ampleur de ce phénomène et une analyse quantitative de ses causes et de ses conséquences sur le devenir des jeunes. Elle permet

Textes officielsSur la Réussite Éducative

Loi n°2005-32 du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale. Paris : Journal officiel n°15 du 19 janvier 2005. http://www.legifrance.gouv.fr

Délégation Interministérielle à la Ville (DIV). Circulaire concernant la mise en œuvre des programmes 15 et 16 du plan de cohésion sociale. Programme de réussite éducative. Paris : DIV, avril 2005. 11 p. http://i.ville.gouv.fr/divbib/doc/Complet15et16.pdf

Délégation Interministérielle à la Ville (DIV). Note de cadrage pour la mise en œuvre du programme «réussite éducative». 9 février 2005. 8 p. http://www.ville.gouv.fr/pdf/actualite/Note_cadrage_RE.pdf

Ministère de l’Éducation Nationale. Décret n° 2005-1178 du 13 septembre 2005 relatif à la mise en œuvre des dispositifs de réussite

éducative et modifiant le décret n° 85-924 du 30 août 1985 relatif aux établissements publics locaux d’enseignement. http://www.legifrance.gouv.fr/WAspad/UnTexteDeJorf?numjo=MENE0501256D

Ministère de l’Éducation Nationale. Principes et modalités de la politique d’éducation prioritaire. Circulaire n°2006-058 du 30 mars 2006. Paris : bulletin officiel n°14 du 6 avril 2006. http://www.education.gouv.fr/bo/2006/14/MENE0600995C.htm

Ministère de l’Éducation Nationale de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche, Ministère de la jeunesse, des sports et de la Vie associative, Ministère délégué à la Cohésion Sociale et à la Parité, Ministère délégué à la Sécurité Sociale, aux personnes. Circulaire sur la définition et mise en œuvre du volet éducatif des Contrats Urbains de Cohésion Sociale (CUCS). 11 décembre 2006. 7 p.

http://i.ville.gouv.fr/divbib/doc/EducCUCS2006.pdf

Préfecture du Nord. Mise en œuvre du programme de réussite éducative. Lille, 01/02/2007. 7 p. http://www.irev.fr/upload/F_396.pdf

Préfecture du Nord. Programme de réussite éducative. Lille, 01/02/2007. 7 p. http://www.irev.fr/upload/F_397.pdf

Autres textes législatifs

Loi n°2002-2 du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale. Paris : Journal officiel n°2 du 3 janvier 2002. http://www.legifrance.gouv.fr

Loi n° 2007-293 du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance. Paris : Journal officiel n°55 du 6 mars 2007. http://www.legifrance.gouv.fr

MonographiesARNOLD Dominique, BANNWARTH Viviane, BINTZ Catherine. Parents-professionnels à l’épreuve de la rencontre. Ramonville : ERES, 2003. 192 p. (Petite enfance & parentalité). Dans cet ouvrage, les auteurs invitent à la réflexion sur le sens et la teneur des rencontres entre professionnels de l’éducation et parents. Il s’agit d’entrevoir ces rencontres comme des échanges empreints de respect : accueillir, recevoir, entendre sans juger, catégoriser, culpabiliser ou réduire afin d’avancer de concert avec comme unique objectif l’intérêt de l’enfant.

Association Nationale des Directeurs Éducation des Villes (ANDEV), Association des Maires de France (AMF). Enquête sur l’innovation éducative locale : faire de l’innovation le moteur de l’espace

éducatif de demain. Paris : ANDEV, AMF, Sodexho, 2003. 129 p. Pour répondre aux nouveaux enjeux éducatifs qui résultent des changements affectant la société, le politique, l’organisation territoriale, les acteurs locaux de l’éducation sont conduits à être innovants. Cette enquête évalue la réalité des innovations éducatives locales en dehors de l’institution Éducation Nationale. Elle alimente une réflexion autour des pratiques innovantes des collectivités territoriales qui reposent sur trois valeurs fondamentales : l’égalité des chances, l’apprentissage de la citoyenneté, la réussite scolaire, sociale et professionnelle des jeunes.

BENHAIM-GROSSE Jeanne. Regards sur les contrats éducatifs locaux. Paris : DEP, 2005. 157 p. (les dossiers)

Évaluation qui précise que lorsqu’il réussit à organiser un partenariat associant tous les acteurs éducatifs du territoire (communes, État, école, parents, associations et organismes sociaux), le CEL permet la mise en place d’une politique globale en direction des enfants et des jeunes au profit de leur épanouissement, de leur réussite scolaire et de leur implication dans la vie sociale. L’enquête révèle toutefois que ces aspects positifs sont minorés par la complexité des dispositifs et la lourdeur des contraintes administratives. Les coordonnateurs du CEL souhaitent massivement une implication plus forte des partenaires concernés (élus, enseignants, parents…) et un effort d’information et de formation envers ces derniers.

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100 La réussite éducative à l’épreuve du terrain

IREV

101Ressources : Bibliographie

Repères pour agir_n°1 IREV

analysant le rôle des acteurs (parents, élèves, enseignants), des facteurs externes (population et environnement social), et de la politique du gouvernement choisie pour les ZEP. Cette étude s’appuie sur les visites approfondies de 36 ZEP et des informations recueillies sur le terrain dans une grande partie des ZEP (410), afin de mieux comprendre le lien entre l’origine sociale et la réussite scolaire. Des propositions sont faites pour améliorer l’efficacité des ZEP. À télécharger sur le site de la Documentation française : http://lesrapports.ladocumentationfrancaise.fr/BRP/984001171/0000.pdf

OCDE. Regards sur l’éducation : les indicateurs de l’OCDE 2005. Paris : OCDE, 2005. 463 p. Ces indicateurs actualisés et comparables sur les résultats des systèmes éducatifs des pays de l’OCDE permettent d’identifier les acteurs et de chiffrer les budgets de l’éducation, donner un aperçu du mode de fonctionnement des systèmes d’enseignement et d’apprentissage, et passer en revue les résultats.

ONZUS. Rapport 2006 de l’Observatoire national des ZUS. Paris : Délégation Interministérielle à la Ville (DIV), novembre 2006. 152 p. Ce rapport présente des indicateurs commentés notamment sur la réussite scolaire dans les établissements scolaires publics en ZUS et les résultats au brevet et baccalauréat dans les établissements en ZUS. http://www.ville.gouv.fr/pdf/editions/observatoire-ZUS-rapport-2006.pdf

OUDOT Francis. Dictionnaire de l’éducation. École, commune, territoires. Montrouge : Scéren (CNDP - CRDP), Diversité. Ville-École-Intégration Hors-série n°10, nov. 2004. 163 p. Ce dictionnaire, réalisé par le président de l’Association nationale des directeurs de l’éducation des villes de France (ANDEV), présente plus de 450 définitions de mots, expressions et concepts utilisés le plus fréquemment en matière de politique éducative globale, de gestion des affaires scolaires, de politiques de l’enfance et de la petite enfance, de l’animation et de la jeunesse. Un outil indispensable

pour tout acteur local (élu, cadre municipal entre autres) qui, investi de responsabilités dans le domaine de l’éducation au sens large, est confronté à la complexité du vocabulaire et à la diversité des structures, dispositifs et outils existant dans ce domaine.

OUDOT Francis. Guide de l’éducation. École, commune, territoires. Montrouge : Scéren (CNDP-CRDP), Diversité. Ville-École-Intégration Hors-série n°9, nov. 2004. 527 p. Plus de vingt ans après la première phase de décentralisation et au moment où s’ouvre une nouvelle étape, de très nombreux citoyens ignorent voire redoutent ce que l’on appelle une politique territorialisée de l’éducation. Cet ouvrage, réalisé sous la direction du président de l’ANDEV, décrit et explicite le fonctionnement du système éducatif, entendu au sens large. Il clarifie le rôle essentiel des élus chargés de l’éducation et celui des fonctionnaires territoriaux directeurs de l’éducation des villes de France, qui œuvrent à côté de l’école et des familles pour remplir les missions qui leur ont été déléguées par l’État. Un éclairage indispensable pour mieux comprendre la nécessité de mettre en cohérence les politiques scolaires et celles des territoires.

SOTO-HARDIMAN Paul, LAPEYRE Frédéric. Les jeunes et l’exclusion dans les quartiers défavorisés : approche politique dans 6 villes d’Europe. Conseil de l’Europe, 2004. 384 p. Analyse comparée de quartiers «difficiles» de six villes d’Europe de l’Est comme de l’Ouest- avec l’étude détaillée d’un projet particulier mené dans les quartiers espagnols de Naples mettant en exergue des approches novatrices. Les quartiers décrits ici sont les suivants : quartier espagnol (Naples), Rval (Barcelone), Derwent (Derby), Slotervaart/Overtoomseveld (Amsterdam), Fakulteta (Sofia), et le District sud (Moscou).

THELOT Claude. Pour la réussite de tous les élèves : Rapport de la Commission du débat national sur l’avenir de l’École présidée par Claude Thélot. La Documentation française, 2004. 150 p. Comment faire réussir tous les élèves ? Telle est la question que

pose le rapport de la Commission du débat national sur l’avenir de l’École présidée par Claude Thélot. «Éduquer, instruire, intégrer et promouvoir» constituent, dans ce rapport, les missions prioritaires que se doit de remplir l’école. Sur cette base, la Commission propose huit programmes d’action pour dessiner «l’École du futur» : s’assurer que chaque élève maîtrise le socle des indispensables et trouve sa voie de réussite ; au lycée, pour motiver les élèves, définir des séries plus typées, et mieux valoriser certaines d’entre elles ; aider les collégiens à construire un projet éclairé et le respecter le mieux possible ; favoriser la mixité sociale ; renforcer la capacité d’action et la responsabilité des établissements scolaires ; redéfinir le métier d’enseignant dans l’équipe éducative ; construire une éducation concertée avec les parents au service de la réussite de l’élève ; former avec des partenaires : élus, associations, entreprises, médias, services médicaux et sociaux, police et justice. http://www.ladocumentationfrancaise.fr/rapports-publics/044000483/

TYRODE Yves, BOURCET Stéphane, CYRULNIK Boris. La violence des adolescents : clinique et prévention. Dunod : Paris, 2006 (2e édition). 187 p. Le phénomène de la violence est abordé ici sous différents angles : la criminologie, la sociologie, la psychiatrie, la psychanalyse et la médecine générale et légale. Ce livre aborde également les aspects préventifs à partir de situations de terrain.

VERBA Daniel. Échec scolaire : travailler avec les familles. Dunod, 2006. 156 p. L’ampleur du phénomène de l’échec scolaire en France trahit la réalité d’un processus éducatif fondamentalement en crise : c’est l’institution en tant que telle, et ceux qui la représentent, qui est remise en cause par les jeunes et leurs familles. Et, contrairement à ce que laisse entendre le discours dominant, les parents ne sont pas réellement démissionnaires. Mais, constamment incriminés, ils se braquent sur des positions dures ou des stratégies d’évitement. Les professionnels des services sociaux,

de montrer la précocité de la construction de l’échec et le rôle important de la pauvreté. La troisième partie traite des remèdes proposés, de leur histoire depuis 1975. Enfin, dans la conclusion, les auteurs mettent l’accent sur quelques préconisations. À noter : les parties 2 et 3 ainsi que la conclusion font ressortir des éléments de comparaisons internationales.

IGEN, IGAENR. La contribution de l’éducation prioritaire à l’égalité des chances des élèves. Rapport n°2006-076. Paris : Ministère de l’Éducation Nationale, octobre 2006. 175 p. http://media.education.gouv.fr/file/35/7/3357.pdf

IGEN, IGAENR. Évaluation de l’enseignement dans l’Académie de Lille. Rapport n°2006-052. Paris : Ministère de l’Éducation Nationale, juillet 2006. 203 p. Ce rapport d’évaluation de l’Académie de Lille réalisé par les deux corps d’inspection de l’éducation nationale pose un constat plutôt alarmant, tant sur les faibles résultats des élèves que sur les réponses apportées. Tandis que les résultats des élèves aux évaluations nationales placent systématiquement la région dans les derniers rangs, les auteurs montrent que les difficultés socio-économiques, régulièrement avancées comme facteur explicatif des difficultés rencontrées, ne suffisent pourtant pas à expliquer l’ampleur de ces difficultés. Ainsi s’interrogent-ils sur la nature des réponses apportées, les efforts portés sur la périphérie de la classe ne semblant pas influer sur les résultats. Les inspecteurs regrettent donc l’inflation des recours à l’aide extérieure (structures, dispositifs ou experts). La question du pilotage de l’Éducation dans l’Académie est largement évoquée, la succession de recteurs ces dernières années n’ayant pas facilité la continuité dans les programmes d’action définis. http://www.education.gouv.fr/cid4048/evaluation-de-l-enseignement-dans-l-academie-de-lille.html

IREV. Le volet éducatif de la loi de cohésion sociale, compte-rendu du Jeudi de la ville du 31 mars 2005. juin 2005. 50 p. http://www.irev.fr

IREV. École, Territoire, exclusion : la nécessité d’agir en semble, compte-rendu du Jeudi de la ville du 4 décembre 2003. Janvier 2005. 25 p. http://www.irev.fr

JOLY-RISSOAN Odile, GLASMAN Dominique. Le programme de réussite éducative : mise en place et perspectives. Chambéry : Université de Savoie, 2006. 57 p. Cette étude fait le bilan du programme de « Réussite éducative » ouvert dans le cadre du Plan de cohésion sociale début 2005. Elle met en exergue les principes fondateurs du Dispositif de Réussite Éducative que sont la prise en compte de l’enfant dans sa globalité et l’individualisation des réponses apportées en fonction de la singularité des situations. Ce bilan permet de repérer un tâtonnement expérimental que seuls la mutualisation d’expériences et l’échange d’informations pourront circonscrire. Les deux chercheurs soulignent également l’importance d’inscrire le Dispositif de Réussite Éducative dans une logique de pérennisation, d’évaluation et surtout d’inclure le partenariat avec les parents au cœur du système.

JACQUEMIN François. Éducation et territoires. L’État au local. Actes des 4èmes rencontres nationales de l’éducation Rennes - octobre 2004. La Ligue de l’enseignement, Ville de Rennes, novembre 2006. 209 p. Les Rencontres nationales de l’éduction d’octobre 2004 à Rennes avaient rassemblé plus de 600 acteurs du champ éducatif dans leur diversité : élus et fonctionnaires des collectivités territoriales, militants associatifs, enseignants, parents, représentants institutionnels. Ces actes rendent compte des questions débattues et des pistes de réflexion avancées alors, qui ont pu être prolongées lors des rencontres d’octobre 2006. À signaler notamment, la conférence d’ouverture d’Agnès Van Zanten, « La régulation par le bas du système éducatif : la légitimité, la coordination et l’évaluation de l’action de l’État au local », et la conférence de Dominique Glasman « Projet et contrat : des moyens pour agir ? À quelles conditions ? ».

MECHERI Hervé (Sous la dir.). Politiques éducatives territoriales. Marly-le-Roi : INJEP, 2004, n°9. 204 p. (Le point sur) Ce dossier restitue le contexte institutionnel et les nouveaux pouvoirs attribués aux collectivités territoriales en matière de politique éducative et fait le point sur les actions éducatives développées pendant les temps extra et périscolaires notamment au sein du Contrat Éducatif Local. Il propose également un panorama des nouvelles pratiques mises en œuvre dans les domaines artistique et culturel, sportif et socioéducatif.

Ministère de la santé et de la solidarité. Guides pratiques sur la protection de l’enfance. Paris : Ministère de la santé et de la solidarité, 2007. p. m. Afin d’accompagner la mise en œuvre de la loi n° 2007-293 du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance, le ministère de la santé et des solidarités a mis en ligne cinq guides pratiques : La prévention en faveur de l’enfant et de l’adolescent ; La cellule départementale de recueil, de traitement et d’évaluation ; Intervenir à domicile pour la protection de l’enfant ; L’accueil du mineur et du jeune majeur ; L’observatoire départemental de la protection de l’enfance. Au delà de leur vocation première qui vise à apporter des éclairages sur la loi pour en faciliter l’application, ces guides présentent un intérêt «pédagogique» pour les acteurs engagés dans la mise en œuvre de politiques ou de dispositifs éducatifs au sens large (personnes participant à la protection de l’enfance mais aussi tous les acteurs qui, dans l’exercice de leurs fonctions, dans un cadre professionnel ou bénévole, sont au contact d’enfants, d’adolescents ou de jeunes adultes). http://www.travail-solidarite.gouv.fr,

MOISAN Catherine, SIMON Jacky. Les Déterminants de la réussite scolaire en zone d’éducation prioritaire. Paris : Ministère de l’Éducation Nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, janvier 2005. 82 p. Ce rapport est un outil indispensable pour comprendre la réalité de l’éducation prioritaire. Il étudie le fonctionnement et les résultats des Zones d’Éducation Prioritaires (ZEP) en

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102 La réussite éducative à l’épreuve du terrain

IREV

103Ressources : Bibliographie

Repères pour agir_n°1 IREV

Périodiques

Où retrouver ces informations ?IREV 23 avenue Roger Salengro – 59 336 TOURCOING Cedex (Métro : Ligne 2, Dir. CH DRON, station Bourgogne)Consultation sur rendez-vous du lundi au vendredi Contact : Morgane PETIT, Tél. : 03.20.25.10.29 / E-Mail : [email protected] web : http://www.irev.fr

fonctionnement du système scolaire, en particulier dans le cas français. Il est ardu d’établir une typologie des élèves concernés, car ces processus sont multi-factoriels et dépendent des interactions entre les agents scolaires, les élèves eux-mêmes et leur entourage proche (famille, pairs). Le débat scientifique quant aux éléments qui interviennent dans ces processus inclut la prise en compte des méthodologies utilisées par les chercheurs.

GAUTHIER Roger-François. Comment les politiques éducatives s’adaptent-elles aux évolutions des sociétés. Revue internationale d’éducation, 2005, n°40.

Dans un contexte de démocratisation croissante, de plus en plus souvent interpellés par les usagers, le monde économique et les citoyens sur les objectifs et les résultats de l’école, la plupart des systèmes éducatifs sont amenés à reconsidérer leur politique éducative et à faire évoluer de façon significative leur organisation ainsi que les pratiques pédagogiques. Les réformes apparaissent ainsi comme une constante des politiques éducatives. Ce dossier de la « revue internationale d’éducation » propose une réflexion autour de la construction de ces politiques éducatives et comment l’institution scolaire s’inscrit dans ce processus de réforme.

LORCERIE Françoise, MADIOT Pierre (sous la dir.). École, milieux et territoire. Cahiers pédagogiques, novembre 2006, n°447. Parce que les relations entre l’école et le territoire sont complexes et qu’elles modèlent l’intérêt général local en matière d’éducation, les contributions sont regroupées ici en trois parties : 1/ diversité des liens entre institutions éducatives et territoires ou comment le territoire façonne l’éducation ; 2/ configurations locales pour l’éducation ou quelles sont les nouvelles coordinations locales autour du développement éducatif des territoires, particulièrement dans les zones en difficulté ; 3/ enraciner les savoirs de l’école sur la place faite au territoire dans le curriculum.

ANDEV. Dossier : Le programme local de réussite éducative : un dispositif de plus au service de la politique éducative territoriale ? La Communale, la lettre d’information des directeurs de l’éducation, mars 2006, n°36, pp. 2-9. Quelle articulation entre les différents dispositifs (réussite éducative, CEL, CLAS…), des exemples de projet, une réflexion sur le métier de coordonnateur… http://www.andev.com.fr

BLOCH, Marie-Cécile, GERDE, Bernard (Sous la dir.). Décrocheurs… comment raccrocher ? Cahiers pédagogiques, 2006, n°444. Dans ce dossier sont décrites et analysées les expériences mises en place sur le territoire national, pour contrarier une tendance ancrée de l’école de la république : rester le lieu de la reproduction sociale. Par leurs recherches et analyses, les auteurs attestent qu’il existe des alternatives pour les floués de l’offre scolaire traditionnelle.

COLLECTIF. La réussite éducative un an après. La lettre de la DIV, 2006, n°111. Au sommaire : « Les points clés du programme » et « Ce qu’en pensent les acteurs locaux ». http://www.ville.gouv.fr/infos/editions/lettre111.html

COLLECTIF. ZEP en débat. Diversité Ville-École-Intégration, mars 2006, n°144. Au sommaire notamment : « La politique d’éducation prioritaire bilan, contexte actuel et perspectives », « La réussite éducative en Nord Isère », « Réussite éducative et projet éducatif local ».

COLLECTIF. La ville et l’école. Les nouvelles formes de ségrégation. Diversité Ville-École-Intégration. Décembre 2004, n°139. Le choix de quartiers résidentiels comme celui d’établissements scolaires réputés conduit à renforcer les écarts entre groupes sociaux. Les stratégies d’évitement à l’œuvre (contournement de la carte scolaire, refus des familles de l’hétérogénéité sociale, politique de certains établissements) sont ici décryptées et analysées. Ce numéro porte également un regard particulier sur le résultat de ce processus de ségrégation : les quartiers relégués. Avec les contributions notamment de Hervé Vieillard-Baron, Francis Oudot, Jacques Donzelot, Marie Duru-Bellat, Marco Oberti…

COLLECTIF. Accompagner la réussite éducative. Comme la Ville, 2005, n°18.

COLLECTIF. Famille et professionnels, quelle coopération ? Saint Denis : Les Cahiers de Profession Banlieue, mai 2007. 130 p. Issu d’un cycle de qualification réunissant en juin 2006 un groupe de professionnels, ce Cahier propose d’aborder la question de la coopération entre les familles et les professionnels autour de la question éducative. En trois parties, ces cahiers proposent : une synthèse et une actualisation des enjeux de la famille contemporaine ; un éclairage sur la relation «familles - professionnels» ; une contribution sur le rapport «famille - école». Une présentation détaillée de quelques initiatives est proposée en dernière partie.

COLLECTIF. Politiques éducatives locales : un puzzle en construction. Lyon : CR-DSU, Les Cahiers du DSU

n°46, printemps-été 2007. 47 p. Après une première partie de cadrage permettant de clarifier et/ou d’interroger les notions d’éducation et de réussite éducative, ce numéro des Cahiers du DSU propose de débattre de trois sujets d’enjeux : les publics (cette question étant particulièrement impactée par le Dispositif de Réussite Éducative) ; les partenariats locaux (nécessaires, incités, en construction) ; la place des villes dans les politiques éducatives.

Éducation prioritaire : les collèges ambition réussite les nouveaux indicateurs. L’état de l’école, 2006, n°16, pp. 22-23. http://media.education.gouv.fr/file/11/0/3110.pdf

Dossier élèves et territoires : comment en parler ? XYZep éducation prioritaire : le bulletin du centre Alain Savary. Paris : Institut national de recherche pédagogique, 2006, n°24. Lorsque les « mots » parlent de fragilités des territoires, des enfants et des familles, lorsqu’ils nomment les inégalités et les différences, ils sont potentiellement porteurs de stigmatisation. Ce bulletin du centre A. Savary propose une réflexion autour du vocabulaire employé par les professionnels de l’éducation.

ESTERLE-HEDIBEL Maryse. Absentéisme, déscolarisation, décrochage scolaire, les apports des recherches récentes. Déviance et société, 2006, Vol. 30, n°1, pp. 41-65. Plusieurs travaux de recherche, français et internationaux, permettent d’éclairer le débat sur les causalités et les corrélations que l’on peut observer à propos de la fréquentation scolaire irrégulière ou de l’arrêt de scolarité avant 16 ans, en prenant en compte le

Ministère de l’Éducation http://www.education.gouv.fr

Éducation prioritaire http://www.educationprioritaire.education.fr/ Actualité législative, dossiers thématiques

Délégation Interministérielle à la Ville http://www.ville.gouv.fr Actualité de la politique de la ville et notamment du Dispositif de Réussite Éducative

Académie de Créteil - Centre de ressources sur l’éducation prioritaire http://www.ac-creteil.fr/zeprep/dossiers/05_reussite_pres.html Dossier sur le Programme de réussite éducative avec des exemples de mise en œuvre, une bibliographie…

Base de données I.ville (documentation, expérience, législation) http://i.ville.gouv.fr (recherche par dispositif « réussite éducative » par exemple)

Observatoire des Zones Prioritaires (OZP) http://www.association-ozp.net

Association Nationale des Directeurs de l’Éducation des Villes de France (ANDEV) http://www.andev.com.fr

Institut National de la Jeunesse et de l’Éducation Populaire (INJEP) http://www.injep.fr

Réussite éducative.net http://www.reussite-Éducative.net Initiative lancée par des acteurs de Seine-Saint-Denis, dont Alain Izzet,

administrateur, pour «ouvrir le débat, échanger l’information (et) permettre une approche plus réaliste de la mise en place du programme réussite éducative»

RésO Villes - Centre de ressources politique de la ville Bretagne Pays de la Loire http://www.resovilles.com/dossiersthematiques/reussitÉducative.asp Dossier thématique sur le Dispositif de Réussite Éducative

Ville Ecole Intégration (VEI) http://www.cndp.fr/vei Centre de ressources spécialisé, service du CNDP, éditeur de la revue Diversité. Base de données bibliographiques en ligne, veille législative et documentaire…

Sur le web

bien placés pour observer ces phénomènes, en constatent tous les jours les effets. Connaissant les familles et les enfants les plus fragiles, ils disposent d’un matériel empirique

paradoxalement peu ou mal exploité. C’est cette connaissance de terrain que cet ouvrage rend accessible. Il se propose par l’enquête de montrer que l’appartenance à un même collège

ou à un même quartier ou encore à une même « culture » ne produit pas automatiquement des individus et des comportements identiques.

Page 53: La réussite éducative à l'épreuve du terrain (à télécharger - 2 Mo)

Directeur de la publication Frédéric Tréca, Directeur de l’Institut Régional de la Ville (centre de ressources politique de la ville Nord Pas-de-Calais)

CoordinationSamuel Thyrion, Chargé de mission IREV

RédactionJean-Bernard Dumortier, CopasMorgane Petit, IREVSamuel Thyrion, IREVFrédéric Tréca, IREV

Conception graphique et réalisation Muriel Bertrand, www.mbdesign.fr

IllustrationsLaurence Bériot, www.misslalla.net

ImpressionSaint-Paul Imprimeur

Cet ouvrage est imprimé sur du Cyclus Offset. Ce papier est intégralement produit à partir de 100% de fibres recyclées, issues de papiers récupérés après utilisation. Les résidus de fabrication de Cyclus sont valorisés à 100% dans la production de matériaux de construction, d’engrais et d’énergie.

ISSN : en coursISBN : 978-2-9530484-0-7