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La Révolution surréaliste Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France

La Révolution surréaliste - N°2, Primer año

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La Révolution surréaliste - N°2, Primer año

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  • La Rvolutionsurraliste

    Source gallica.bnf.fr / Bibliothque nationale de France

  • La Rvolution surraliste. 1924-1929.

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  • N 2

    Premire anne 15 Janvier 1925

  • LA DERNIERE GREVEC'est sans cloute au sujet du travail

    que se manifestent les plus sots prjugsdont soit imbue la conscience moderne, ausens collectif du mot. Ainsi les ouvriers,excds bon droit du sort infrieur quileur est fait, se fondent gnralement pouraffirmer leur droit de vivre sur le principemme de leur esclavage.Au nomdu sacrificeindividuel qu ils consentent, qu ils luttentde ci de l pour obtenir une lgre attnua-tion de leur peine, selon moi c'est trop peu,en vrit. A leurs grands maux, bien sr ilsn appliquent pas assez les grands remdesdes rvolutions. Mais la convention socialedont ils sont de naissance les prisonniersles plus surveills leur a fait une me demisre. Ils se recommandent trop volontiersde leur capacit de travail, par un de cesdtours lmentaires qui, dans sa rflexionsur lui-mme, conduit l'homme s'exagrerla valeur de ce qu'on mconnat en lui.

    Si paradoxal que cela puisse paratre, ils cultivent de faon quasi-religieuse l'idedu travail. C'est croire que par l, comme tous les autres, ils prouvent le besoinde donner la mesure de leur dsintressement. Il n'est pas jusqu' la duret du tra-vail qui ne confre ceux qu'il courbe le plus le maximum d'autorit. Dans lesconfdrations les voix qui l'emportent ne sont-elles pas aujourd'hui celles du Bti-ment, de la Terrasse, des Mtaux ? Toutes proclament le caractre sacr du travailet tendent l'exalter d'autant plus que ce travail est plus matriel.

    De l la scission qui s'accuse chaque jour entre manuels et intellectuels au grand profit d'une gent sans scrupules, compltement indigne de piti, qui lesexploite les uns et les autres. Certes je ne nie pas que les premiers aient eu quelquesraisons de se plaindre des seconds. Il est inadmissibleque la grande colre des ouvriers,si belle, si pleine de sens, se canalise indfiniment dans les savants discours de cesmessieurs. Quelques duperies exemplaires, dont c'taient toujours les mmes quise rendaient coupables, justifient cet gard les dernires rserves. Il n'en est pasmoins vrai qu'ici une distinction s'impose, faute de laquelle le ferment rvolutionnairemenace notre poque de demeurer inactif. Or je pense avec tous les hommes vrai-ment libres que la Rvolution, jusque dans ses abus, demeure la plus haute, la plusmouvante expression qui se puisse donner de cet amour du Bien, ralisation de1 unit de la volont universelle et des volonts individuelles. Celles-ci n'ont pas s identifier avec la loi et la raison, telles du moins qu'on nous les prsente. C'estdans une rvolution qu' travers le jeu ncessaire des jnenchants humains la vritmorale pourra seulement se faire jour. Bon gr mal gr il faut que cette sorte dejugement ne se bute pas l'hostilit systmatique des meneurs ouvriers. Qu'ils nenous demandent pas de prendre leur cause en mains, encore moins de faire aboutirleurs revendications. Selon nous ils ne sont que depuis trop longtemps le jouet dumirage politique. L o les paroles les ont trahis eussent toujours t mieux placesdes armes.

  • LA DERNIERE GREVE

    Qui sommes-nous donc devant eux ? Les derniers, d aprs leur hirarchie dutravail. En effet, il nous a t donn non seulement de choisir nos occupations, maisencore de ne subir dans ces occupations d'autre contrainte que la ntre, de tirerde la nature de notre production une joie personnelle suffisante pour que nousn'ayions, en fait de matres, nous plaindre que de nous. Artistes, philosophes,savants, on ne nous fait pas cette injure de nous payer aux pices et bien hardiqui s'arrogerait le pouvoir de reconnatre entre nous ceux qui seuls ont droit decit. C'est de toute notre vie qu'il nous sera demand compte, nous le savons, etque ceux qui nous patronnent ne sont pas encore ns. Nous ne sommes gure destravailleurs ; c'est presque toujours nous embarrasser fort que de nous poser laquestion d'usage

    : Travaillez-vous en ce moment ? (Peut-on dire qu'Hercule,

    que Christophe Colomb, que Newton travaillaient ?) Nos attributions nous loignenten majorit, autant qu il est possible, de ce que -se rpartissent du monde intellectuelles professions librales proprement dites. Du point de vue rvolutionnaire, il y alieu de constater que ces dernires ont fourni ds prsent un tel contingent d'arri-vistes et de tratres que nous sommes prts leur marquer la mme dfiance que leurmarque la classe ouvrire.

    Il nous reste, dans les limites o il nous appartient d agir avec efficacit, tmoigner en toutes circonstances de notre attachement absolu au principe de lalibert humaine et cela, je crois, non pas seulement en assurant individuellementdans notre oeuvre la sauvegarde de ce principe, non pas seulement en levant unefaible protestation contre chaque violation qui en est faite, mais encore en recourant,le cas chant, aux moyens d'agitation gnrale les plus propices, commencer par

    LA GRVE.Que les rieurs me pardonnent, je n'ai pas l'intention de plaisanter. L'insuffi-

    sance de repos et de salaire ne sont pas au monde les seules causes de mcontente-ment. Puisqu' ne considrer que la fin qui nous occupe, ce mcontentementapparatla condition ncessaire d'une rvision globale des pouvoirs, sa nature ne saurait enaucune manire tre sujette caution. En ce qui nous concerne, en ce qui concernetous ceux qui poursuivent avec un complet dsintressement leurs recherches dansle domaine de la pense, nous aurions, si nous voulions, rgler avec la socit unconflit autrement grave que celui qui met aux prises employeurs et employs. C'estdevenu un lieu commun de dplorer la grande misre des laboratoires. On ne saitau juste comment subsistent les savants. Les grands potes fiers meurent dans 1 indi-gence : la fin de Baudelaire, de Jarry ont beau faire verser des larmes de crocodile,il y a quelque part, en Bretagne, un homme adorable sur qui s'acharne un semblabledestin. A soixante-quatre ans, cet homme, qui fut tous gards une providence,voit le vent et la pluie crever son manoir. Il ne se plaint d'ailleurs pas (lui, se plaindre !)et pourtant, dans le mme temps, l'absurde Henri de Rgnier se prlasse 1 Aca-dmie franaise, pourtant il continue tre question de Mme de Noailles. Paul Fortest pauvre pendant que Jammes, au prix de quels services, vit grassement. Je n'esprepas faire cesser ce scandale, mais, m'adressant tous ceux qui savent encore jouird'une puissante ide, d'un beau pome, je leur demande si une telle infamie doitse perptuer, s'il est vrai que les Patries veulent le plus tt possible le sang de leursgrands hommes. Quelles sont les lois qui protgent cette forme de l'activit humaine,prcieuse entre toutes ? Est-il juste, par exemple, qu' talent gal, les peintres s'enri-chissent sur le sol mme o les potes pourraient mendier ? Ces questions, rien nesaurait me retenir de les poser pour ceux qui ne les posent pas, et dans l'intrt seul

  • LA DERNIERE GREVE

    de l'esprit. Le dnuement matriel, support hroquement ou non, est toujoursune entrave. Sous l'Ancien Rgime mme, on paraissait l'avoir compris et il sembleaujourd'hui qu'un choix assez judicieux prsidait l'attribution des pensions. Cene saurait tre une raison pour que nous ne nous opposions pas aujourd'hui l'ven-tualit d'un tel choix. Un mauvais ouvrier doit bien pouvoir vivre de son travail.A ces revendications que je formule dessein sur le modle des revendicationsouvrires viennent naturellement s'adjoindre celles qui s'appuient sur l'absoluencessit de maintenir hors de toute atteinte non seulement la libert de pense,mais celle d'exprimer cette pense. Cela ne suppose rien moins qu'au premier chefl'abrogation des lois indfendables visant les menes anarchistes. Il importe que leshommes qui, sans vulgaire ambition, consacrent leur vie assurer le triomphe del'esprit, soient mis une fois pour toutes l'abri des perscutions, qu'ils n'aient rien craindre des puissants de ce monde. Les mesures de protection envisages jusqu'icise sont montres illusoires : d'Espagne on rclame aujourd'hui l'extradition d'uncrivain accus du. crime de lse-majest ; on en exile impunment quelques autres.En France on tolre 1 tablissement de la censure pendant la guerre. Ce n'est pas un syndicat, si bien organis soit-il,

    et je ne pense pas celui des gens de lettres,ncessairement compos en majeure partie d'industriels

    qu'il appartientde rsoudrede tels diffrends.

    Pourquoi pas la grve ? Elle a t jusqu'ici le seul recours de nos amis les vraistravailleurs et elle a 1 avantage de prsenter une valeur symptomatique des plusobjectives. Je la vois trs bien clater 1 occasion d un incident de presse ou autrecomme il s'en produit tous les jours. Il ne tiendra qu' nous qu'elle se prolonge assezlongtemps, puisque matriellement nous n'avons rien y perdre. Ce sera commeune grve des lectriciens qui durerait plusieurs soirs. Sans doute notre premiretentative chouera, et la seconde, et la troisime. Mais un jour ! Il y aura des pti-tions, des runions. Le dbauchage, si l'on peut dire, s'oprera comme ailleurs,quoique d'une faon plus violente, j'espre. Et puis ce sera le silence sur toute laligne de la pense ; il ne paratra plus de livres, ou des livres ridicules, si nous nesaccageons pas les boutiques ; c'en sera fini momentanment des recherches delaboratoire, d'atelier. D'opinion dsintresse sur tel ou tel sujet, chacun n auraplus que la sienne, incertaine. Oh ! cela n'est pas impossible raliser, qu on yprenne garde : cela se conoit. Que penserait-on, tout de mme, en fvrier 1926, pourpeu qu'il y ait un an que cet interdit durt ? Le temps paratrait bien long, qu endites-vous ? Tiens, le chmage aurait atteint les ouvriers typographes, peut-trequelques libraires, les tudiants s'agiteraient pour de bon, etc. Et l'on feuillet-terait quelque part avec regret les deux premiers numros de La Rvolution sur-raliste, accueillante pourtant aux ides subversives, mais qui serait dj une douceet triste chose...

    ANDR BRETON.

  • TEXTES SURREALISTES

    Georges Bessire :O toi, dans la solitude, rveil de mon pass,

    tel un chant de cascade au loin, apporte-moipour m'difier la posie de tes conseils. Je laissetout pour t'couter et me griser et rendre plussouples les boucles blondes de mes cheveux ;devant la beaut de ce jardin sauvage, inculte,ma conscience, ma conscience est !a multitudeinnombrabledes fruits aux branches par millions ;je suis son mystre impntrable, sa virginit,son azur, son sang l'aurore et au crpuscule ;nuit du prsent, tombe sur mes horizons, tombesur mes plaines, tombe sur mes montagnes,tombe sur mes fleuves, tombe sur la plus petitedes mottes ; cause de ton grand air et de testoiles, de ton clair lunaire, de ton voile sur levisage de l'adversaire, je me sertirai de toutema cnesthsie ; la sve inne, celle en moiqu'on hait ou adore, celle qui soulve ma vietelle une coquille de noix, me berce mieuxdj ; elle a envahi le coeur, les cheveux, lespenses, la chair, les doigts ; c'est l'heure pre-mire des sept nuits magiques ; la bousculadese prcipite, selon les potentiels croissants etdcroissants d'harmonie ; elle monte l'assautde ma stabilit, caravane de sauvages primitifs,avec leurs fltes de roseau, leurs clairons, leurslyres, leurs plaintes, leurs gmissements, leurshurrahs de vertige ou de joie, leurs sens exalts,leurs yeux hagards, leurs muscles tendus, leurstorses nus ; c'est, l'heure premire des sept nuitsmagiques, l'heure violente, vague gante quim'arrache la plage commune ; et je m'aban-donne elle pour son angoisse, sa folie; jedeviens l'addition discontinue de toutes cesforces qui s'interpntrent, et me soulventau point o je puis placer la lentille convergentede ma lucidit pour que s'y mire le mouvementde toutes ces associations.

    Tombe, nuit du prsent, sur mes horizons,sur mes plaines, sur mes montagnes, sur mesfleuves, sur la plus petite des mottes. Calme,quilibre surnaturel, acrobaties sans danger,acrobaties incroyables, voltiges effrayantes, ledomaine de toutes les possibilits s'tend perte de vue devant mes yeux dont le regardn'eut jamais autant de puissance incisive,nihiliste, rcconstructrice ; les voici surgir sanssoutien, ces architectures protiformes, marbreset ors solubles, cuivres, diamants thrs, signsde noms sans diffrence ; o donc gis-tu, ralit, triste et laid cimetire automnal, avec tesmendiants, tes morts, tes grilles ?... Une vitrepaisse tomba sans se briser entre nous, de labue sur les deux faces, nous ne nous voyonsplus, mort le paralllisme ! Tu ne changeras

    pas, mais de mon ct, ma tte ne se cogne plusaux murs. Je glisse, eau ou larme, ignorantdu souci ancien, selon les caprices du mouvementspontan, et rien ne me griffe au passage, parceque mes enfants me ressemblent, pomes, por-traits, peintures, et qu'ils ne sont plus mesadversaires.

    C'est la mort prmature ; j'ai dpass la viedes hommes ; j'attends sans effroi celle pos-thume, car depuis cette premire heure demes sept nuits magiques, mon destin est sansscories, avec une musique plus cleste que celledes astres l'un aprs l'autre, allant encore, pouraller toujours, une musique plus brlante quecelle des flammes, des flammes-torses, desflammes javelines, des flammes vibrantes, non-chalantes, furieuses, valseuses. Les cendres tom-bent, s'croulent, un hymne gris est chantau silence

    brouillard ; collines consumes,dvastations qui s'inaniment enfin, fusionsjauneset bleues vers l'incolore, mes doigts les mlangent,mes doigts les ressuscitent, et les refltent dansle sfumato de mon me incendie, vieille capitaledfunte, mais...

    ETERNELLE

    J'ai soif de lignes immortelles ; car, je veuxque le soleil assassin me retrouve fort et lesmuscles longs. Il me faut prsenter aux pro-chaines aurores des cheveux et des yenx os'est distille la lueur des lunes vieillissantes.O feuilles mortes, feuilles jaunes, les viesdes feuilles qui se soulvent, et: se reposent, etse tranent, entamez la symphonie de mes nuitsmagiciennes,

    .

    sans crainte, sans crainte ; |ene suis pas un tranger, puisque mon coeur estparmi vous, racorni, tomb de ses artres, etqu'il va du sentier au ruisseau, du ruisseauaux clairires, pauvre bloc sec de parchemin,o s'est grave cette douleur vesprale hurlepar vos colres aux nuages hypnotiseurs d'au-tomne...

    Pierre Naville :La nacelle ennuyeuse vogue et voyage sur

    mon corps perdu et biens. Elle veut recevoirde mes mains seules la profession de foi quej'ai annonce depuis beaucoup d'annes et n'aijamais eu le. temps de formuler convenablement.On ne pourra d'ailleurs pas m'objecter la platesuffisance de mes prtentions, car je ne veux pasme rassasier de paroles ; je marchande mondsespoir ; qui veut n'a pas cette facult des'arrter au hasard des rues, aux ficelles dumatin, aux religions froces. Moi seul de ce

  • TEXTES SURREALISTES 5

    groupe j'ai pu prter une oreille attentive auxinjonctions de ces personnages, peut-tre d'ail-leurs que j'ai eu tort ; et au surplus que voyez-vous signaler contre moi ? Pas mme un petitdsir maigre comme une fume, pas mme unenoire nacelle l'ancre. Il n'y a qu'une choseque j'aurais voulu exprimer : c'est l'angoissequi me prend au moment o je descends unerue, seul, et les bras ballants, parce que aussittm'assaillent mes diverses naissances. Je songequ'un esprit me menace constamment, que sije voulais revoir mes amis le lendemain je lepourrais et que cette dtermination o meplonge leur refus de s'associer ma merveillen'est pas prcisment faite pour entretenirla joie dont je me croyais constamment capable.Autrement comment me serais-je permis cetteconfession de foi, comment aurais-je mesursi bien la distance qui me sparede vos gouffres ?Je ne menace personne, je pense seulement anvallonger dans le champ des.toiles, l o ellessont le moins compactement disposes, puis beugler une chanson que je connais bien, laseule du reste. Ainsi verrai-je apparatre mesveux le dlicat reliquaire qui transperce lesIlots bleus. La magicienne qui vit dans lestoiles, et les conduit d'un regard, ne metrompe pas sur ce point. Trs exactement ellem'avait renseign sur ce que je devais faire unefois arriv cette conqute rapide comme unclair, le vent minaudantavec les arbres calcins.C'est alors que j'entendis trs nettement unsanglot tout, au fond de ma carcasse ; lespays environnants en furent secous. Magrce s'bauchait. La teneur voulue par lesgnrations antrieures, et qui portait inetfa-blemcnt un costume peureux de lui comme luide son ombre, me refusa de comparatre autribunal. Les cigarettes grillaient entre nous,joliment, avec la main bague, les cheveuxbien en l'air, c'est--dire flambant dansl'ther. Je lui pris la main, je dis mon avenirbrise parce que cette jolie servante avait refusde dguiser ses merveilles. Les beaux torsesenviron sectionns la hauteur du bassin, meragaillardissaient. Mais puis-je employer cetteexpression mphitique pour dsigner ce quema vie a toujours eu de plus neuf et de plusinstructif, je veux dire ce redressement de l'meprcipite entre deux lames, je veux dire cettecohue qui me pousse vers le ciel, mais commesi l'tat o je me trouvais, pass au crible dumalheur, ne me permettait d'autre bonheurque celui de tuer les gens puis de les pleurer ?Ce n'tait pas tout. J'avais depuis quelquesinstants laiss errer un regard sur les prairiesdont se tapissait l'envers de ma vue. Rien n'taitplus dlectable, un peu d'amour, un rien degrave, elles me formaient un gage singulier,sanglant, dcisif ; je veux bien qu'on l'accorde.

    Mais alors, comment, se refuser ce genre dedsirs ? Ainsi voit-on de trs jeunes filles nejamais dmordre de l'ide de l'homme qu'ellesse sont faite.

    Je pensais donc qu'un chien revenu de sonpays natal dans de semblables dispositions setrouverait mme d'tre pour moi u\\ mer-veilleux sujet d'expriences. Il faut absolumentrecommencer ce discours, car la ralit que jelui accorde n'est plus en relation directe avecle nombre des mots qui le composent; les ver-mouths feraient mieux mon affaire, mme Lleus.Quant aux voyages, je finis par croire que sansbut ils sont sans effet, c'est pourquoi j'attendsque quelqu'un m'appelle pour aller le rejoindre.

    Ah, ces nues d'lectricit blanche, poussesvers une cruaut toujours plus grande ! Commec'est avec lassitude que je songe ces cadavresaccumuls l'ombre des forts, ces souvenirsempils sans raison !... Mais voil, la dsagr-gation mentale parle son tour ; on croit devoirlui accorder tout ce qu'elle rclame, et moi, je

    reste le bec enfum dans l'eau, sans autre pensequ'un oeil fix sur les toits qui ont des drapeauxVous voyez que je trane lamentablement laremorque de mes semaines un pass dtestable,et des ttoupes qui marquent le pas mes cts.Pourquoi m'en voudrait-on de ceci, pourquoime refuserait-on d'aliner si peu que ce soit lamajeure partie des ficelles que l'on m'a proposes ?Je n'ai pas assez le courage de stationner pourcela ; je prfre m'embarquer sur le silencieuxnavire, que de me rsigner ces parures fausses.Je vous ies donne, abandonne mme, et sansrectification de ma part. Je veux seulementque vous songiez hier, dfaut de demain,que vous discutiez avec le grand ange blanc,que vous lui imposiez votre volont, et que vousmarchiez sur ses traces pour qu'un jour il sentela nuit sur ses paules et l'touffement. Car elledescend, la voici qui tom >e malgr les rgicides,la voici qui balaye d'un long regard brun toutesnos sympathies prsentes ; elle enfonce dansle pass toute la force dont elle est capable,et nous laisse pantelants, religieusementdfendus,

  • 6 - TEXTES SURREALISTES

    maigres, les pouces aux tempes. La voici quim'trangle. Je lui dis : Nuit, nuit, va rejoindrele bercail ; les flammes que j'ai vues couronnerton front ne sont gure plus remarquables queles miennes ; retourne dans cette prison d'o tuviens, et ne t'inquite plus des gestes incohrentsque je pourrais faire. Les cohrents te suffisent,ils marquent ce dsir que j'ai de te fliciter dem'aimer, cl de te prier d'ouvrir dcidment cetteporte sur la vnil.

    Plutt voir s'agiter les grandeurs farouches.et mourir d'en-nui, que pro-jeter cette lu-mire profondesur l'aujour-d'hui qui nieguette. I.e mal-heur apocrypheme ronge, je luidfends l'eut rede ce parc, jele menace del'ternit, ilcroit alors pou-voir s'agenouil-ler lace auxchapelles quiglissent surl'horizon mo-queur.Je lui ra-conte toute niacarrire, lessuccs officielset les particu-liers, il m'avouesa crainte, et lerefus que je luilis d'une bou-che de pain.Quel hommecharmant, queldlicieux sque-lette. Mais j'ai-me tant la dou-ceur, (pie je suiscomme cartcld'un devoir Paul rc, ou plu-t t glissant ma-gn iliq ne ni en Ide col espoir tendre qu'est la douceur, jusqu'la religion de soi-mme et son plaisir perfidequ'est la cruaut.

    Paul Kluard :Anguille de praline, pense .le vitrail, lvation

    des sentiments, il esl dix heures, le ne russiraipas sparer les mandolines des pistolets, avec

    les unes les uns font de la musique en perdre lavie. Ce soir d'aot, pendant que les enfantsjouent sur les places des banlieues les plus clbres,je rflchis

    :si les hritiers des ombres s'tonnent

    d'tre spars des hommes, qu'ils s'en prennentau masturbateur bien connu : le diable vert deslgendes du roi Henri IV qui portait un chevalblanc sur son dos pour se rendre la sacreguerre contre les Visigoths.

    A la tte de Montmartre, une aventurire, filled'un champion bien connu, apprenait aux jeunes

    hommes a seservir de leurexprience pourle remarquablejeu du billarden bois. Qu'onnie cite un ama-teur de billarden bois n'ayantpas estim leur juste me-sure les trou-bles de la pu-bert.

    L'ironie estune chose, lescarabe rossi-gnolet en estune autre. Jeprfre l'piai-set te prendreles animauxfroces de nosd ro u tes lesplus clbres.

    I,' h o in m echauve descen-dit, un jour dep r i n te m p s

    ,dans la cave decraie II avaitles mains plei-nes. Quanti illes ouvrit, lacave respirait peine. Je pro-pose aux hom-mes de bonnevolont l'usagedes nuances in-

    certaines. Et (pie votre volont soit laite, uncertain nombre de fois, deux par exemple, pour(pic je puisse compter, m'endorniir et merjouir.

    Antonin Artaud :Le inonde physique est encore l. C'est le

    parapet du moi qui regarde, sur lequel un poisson

    Oiorttio tir Chirico.

  • TEXTES SURREALISTES

    d'ocre rouge est reste, un poisson fait d'air sec,d'une coagulation d'eau retire.

    Mais quelque chose s'est produit tout coup.Il est n une arborescence brisante, avec des

    reflets de fronts, lims, et quelque chose commeun nombril parfait, mais vague, et qui avait lacouleur d'un sang tremp d'eau, et au-devanttait une grenade qui pandait aussi un sangml d'eau, qui pandait un sang dont les lignespendaient ; et dans ces lignes, des cerclesde seinstracs dans le sang du cerveau.

    Mais l'air tait comme un vide aspirant dans[equel ce buste de femme venait dans le trem-blement gnral, clans le secouementde ce inondevitr, qui virait en clats de fronts, et secouaitsa vgtation de colonnes, ses niches d'oeufs, sesnoeuds en spires, ses montagnes mentales, sesfrontons tonns. Et dans les frontons des colonnesdes soleils par hasard s'taient pris, des soleilsdresss sur des jets d'air comme des oeufs, etmon front cartait ces colonnes, et l'air flocon-neux, et les miroirs de soleils, et. les spires nais-

    santes, vers la ligne prcieuse des seins, et lecreux du nombril, et le ventre qui n'tait pas.

    Mais toutes les colonnes perdent leurs oeufs,et en rupture de la ligne des colonnes il nat desoeuls en ovaires, des oeufs en sexes retourns.

    La montagne est morte, l'air est ternellementmort. Dans cette rupture dcisive d'un inonde,tous les bruits sont pris dans la glace, le mouve-ment est pris dans la glace ; et l'offert de mon fronts est gel.

    Mais sous la glace un bruit effrayant traversde cocons de feu entoure le silence du ventre nuet priv de glace, cl. il monte des soleiis retournset qui se regardent, des lunes noires, des feuxterrestres, des trombes de laits.

    La froide agitation des colonnes partage endeux mon esprit, et je touche mon sexe moi, lesexe de bas de mon me, qui monte en triangleenflamm *.

    ("c texte n t crit sons l'inspiration des tableaux deM. Andr Masson.

    La pourpre est l'aube de l'homme.

    L espace ne conspire plus.

    Il y a un espoir d'toiles dans la transpa-rence des larmes.

    Hnlerl l.mmrl firnr XiwM,L

  • ENQUTEOn vit, on meurt. Quelle est la part de la volont en tout cela ? Il semble

    qu'on se tue comme on rve. Ce n'est pas une question morale que nous posons :LE SUICIDE EST-IL UNE SOLUTION?

    Ce n''est point, par Vintelligence que brillentnos contemporains, mais il faut pour lettr malheurqu'ils en rfrent toujours celte jacuit. Riende plus brouillon que Vhomme: posez-lui unequestion, il rpond une autre, ou /ait d'abordle procs de celte question. Avions-nous le droitde demander si le suicide est une solution ? Mes-sieurs, vous aurez zro.

    Il parat, en croire ce bouffon de Jammes,que poser la question du suicide, c'est la rsoudre,que demander si le suicide apporte cesse Vhomme au milieu des immenses malheurs quiVaccablent, c'est lui faire entrevoir ce soulage-ment final et du coup l'y pousser. On se tuerait

    en masse si l'on y rflchissait seulement. Voilce qui permet ce quinquagnaire de nous fairela leon. Mais, mon cher candidat VAcadmie,si le suicide tait une solution, nous nous glori-fiions d'y pousser le monde, si seulement nousle croyions un peu. S'il n'en est pas une, qu'est-ceque celle rumeur hroque, cette brume lgen-daire qu'on veut laisser flotter sivr lui P Au reste,l'occasion semble bonne de prendre ses respon-sabilits. Il est vrai que nous ne reculerons jamaisdevant les consquences de la pense, et que nouslaisserons aux cafards leur ridicule manie d'esca-moter les problmes :

    M. FRANCIS JAMMES :La question que vous posez est d'un mis-

    rable et, si jamais un pauvre enfant se tue cause d'elle, ce sera vous l'assassin ! Il y a desdamns. Votre unique ressourc, s'il vous resteun peu de conscience, est d'aller vous jeter dansun confessionnal.

    Non seulement je vous autorise publier cettelettre in-extenso, mais encore l'envoyer madame votre mre.

    M. JOSEF FLOKIAN, lui, tmil catholique qu'il soit, cslsans inquilude :

    Je ne suis pas crivain pour rpondre auxenqutes. Je suis catholique et la doctrine del'Eglise est pour moi la vrit, vrit relle(gale peut-tre votre surraliste ) et quantau suicide, c'est Gilbert K. Chesterton monporte-parole dans cette matire. A lire sonOrthodoxie, Ve article, dans la traduction tchquesous le titre Prapor Svta (Le drapeau du monde)La question est tout fait morale.

    M. PIFRIUL RFVJiHDY ne peut non plus considrer celtequestion hors du plan moral, mais ce n'est pas par surdil,comme MM. l-'lnrian cl Joumes, cl leurs consorts. PierreHcverdij qui ne pense pas qu'un homme puisse se lucr et croire la survie esl le prisonnier de celle foi qui faisait dire Hohcspierre cette qrande parole : Celai qui ne croit /).s- (il'immortalit de l'me se retul iustice.

    Le suicide est un acte dont le geste a lieu dansun monde et la consquence dans un autre. Onse tue probablement comme on rve

    quandla qualit du rve le transforme en cauchemar.Mais l'homme s'hypnotise sur ce mirage de

    grandeur qu'il lui a t donn la volont d'em-piter sur les desseins de Dieu. Le suicide est unde ces empitements, c'est un acte de rbellionet les faibles seuls ont sujet de se montrer rebelles.Quand on ne veut pas subir jusqu'au bout lescoups du sort, quels qu'ils soient

    ou qu'on nepeut plus

    on cherche une porte- de sortie.Il y en a plusieurs, en comptant la porte troitequi n'est en ralit qu'un long couloir par onous prtendons accder dans la salle du trne.Il y a celle par o tout le monde passe faute depouvoir faire autrement et sans trop y penser l'avance. Le suicideest un cheminde traverse quine mne peut-tre pas dans le plus beau jardin.

    Comme nous recevons la vie et la mort, nouspouvons les donner; que la porte de ces vne-ments, chacun des bouts de notre fil, noustonne parce qu'elle dpasse un peu ce dont noussommes capables tous les jours, c'est asseznormal, mais qu'elle nous grise au point de nouspersuader que nous sommes les matres de notredestine tout entire, ce serait alors insens.

    La seule matrise qui nous ait t laisse estcelle de notre volont, de notre pense, de nosactes ; mais non pas celle de .l'orientation gn-rale de notre tre et de sa fin. De cette dernirenous ne choisissons ni le mode, ni le lieu, ni letemps. Et pour dire que le suicide, comme lamort naturelle d'ailleurs, est une solution auxaffaires de ce monde, il faudrait encore savoir quel point les affaires de ce monde sont lies l'autre. Par consquent solution au recto seule-ment. Pour le verso, c'est le ct cach de la

  • ENQUETE

    page et le plus important

    celui o doit avoirlieu le rel dnouement.

    Il est surprenant que ceux qui identifient lamort et le nant tchent s'en aller plus tt

    car il semblerait que les choses d'ici et la mortdussent leur paratre gales. La vie sans autresuite n'ayant plus en effet aucun sens n'est rien.Autrement l'esprit sain rpugne cet changevolontaire

    sans espoir et pour jamais

    dequelque chose qui est, mme mauvais, contrerien. Quant aux autres, ils savent bien quellesraisons meilleures les retiennent.

    Il s'agit encore de savoir si ce sont les donnesdu problme ou bien la solution qui importent,et se dire que nous n'en avons ici que les donnes.

    En somme, souhaiter ne s'en aller jamais

    et quoi qu'il en pt coter

    ce serait accorderune trop absolue valeur aux charmes, trs rela-tifs, de la vie ; se confier par contre la mortseule pour trouver une solution la vie, jugetrop absolument ingrate, c'est accorder uneexcessive confiance la valeur pacifiante dela mort. N'est-elle pas d'ailleurs et en tout cas laseule certitude qu'il nous soit donn d'attendresans dception, ce qui devrait suffire amplement nous conseiller la patience ? La phase de lamort qui a lieu de ce ct du monde ne peutapporter une solution qu' ce que nous connais-sons de cette vie. Mais ce n'est pas cette immobi-lit soudaine et cette suppression qui donnent laclef du mystre

    : elles ne sont: l que pour attirerplus vivement notre attention paresseuse sur lui.

    Xous nous tonnerons toujours de voir la dccism de plusieursau milieu des pires difficults.

    11 n'est pas de question plus absurde,crit M. LON PIERRE QUINT, cl non moins aimableM. ANDR LEREY nous juge:

    Avancer qu'on se tue comme on rve est.stupide.

    La niuuoaisc humeur de M. MAURICEDAVID s'en prendaux questionneurs :

    Une solution quoi ? Mathias Liibeck a crit :

    Le suicide provient le plus souvent, de l'incom-patibilit d'humeur avec soi-mme. Tous vosproblmes aussi. 'Trouvez votre solution. Person-nellement je n'ai d'incompatibilit d'humeurqu'avec le capitalisme conomiqueet ma solutionest toute trouve la suite de Marx et de Lnine.

    M. FERNAND DIVOIRE {avec leur bonne foi coulumire,les Treize n'ont-ils pas annonc noire enqute : [a RvolutionSurraliste pose celle question morale, etc.), lui, rpond :

    Non.El a lui suffit, cet homme."M"> LUDMILI.A SAYITZKY ne peut nous rpondrequ'en nous inlcrroqean., et M. J. POTAUT, professeur

    WLsscmbourg, s'crie :Il faut poser la question morale ! On ne se tue

    pas comme on rve ! C'est le fait d'une thorieparesseuse que de relguer dans l'inconscientl'explication d'un phnomne, quel qu'il soit.

    MM. le docteur GORODICHE et GUILLOT DE SAIXse rencontrent pour afprmcr que le suicide est plutt unedissolution.

    El M. GEORGES FOUREST :Et pourquoi pas ? Une solution d'arsenic par

    exemple ?Par exemple, qu'a bien voulu dire M. LON WERTH ?C'est du moins la solution moyenne adopte

    par presque tous les hommes. La socit, la litt-rature fournissant des armes, ce commerce estlibre, comme celui des armuriers.

    M. LOUIS DE RUSSY" abuse assez trangement du motde suicide :

    Un seul cas de suicide : Rimbaud.M. LOUIS PASTOR :Une dfaite ne saurait tre une solution.Le suicide n'est pas une solution, pas mme

    une fin, mais un abandon de la question.Avis partag par M. MICHEL GEORGES-MICHEL.Mais non par M. PAUL BRACH :Le suicide, ce raid vers l'inconnu, ne peuttre considr que comme une tentative pour

    obtenir la solution la moins imprvue.M. PIERRE DE MASSOT a sur la question un avis dans

    le got moderne :Monsieur, je me permets de rpondre , votre

    question en recopiant le placard appos sur lemur de ma chambre : On entre sans frappermais on est: pri de se suicider afin de sortir.

    M. GEORGES DUVAU e.s7 apparemmentun psychologue:On ne vit pas comme on vit en rve : le rve

    est seulement une aimable revanche consentie nos dsirs, et la vie est pleine d'pres certi-tudes... D'ailleurs, de toute faon, le suicide nesaurait tre une solution.

    Qui est L. P. pour qui :Le vrai

    et qui est une solution--

    est lesuicide permanent, continu, et ininterrompu desgens qui naissent et vivent avec l'ide d'trejuges de paix, et qui, finalement, le deviennent.

    .S'i pour CLAUDE JONQUIRE:Le suicide est une solution dans la. mme

    mesure que peut l'tre la mort naturelle,]nmr M. PAUL REUT il n'est pas une so'ulion :

    Se tuer comme on rve c'est admettre unemtaphysique du rve conscient et volontaire.

    Celte formule que nous iwancions timidement, M. FLO-RIAN-PARMENTIEH s'en empare:Le suicide est le passage en rve de la vie

    la mort,El il pense qu'ii ne saurai! tre une soln'ion /unir ceux irui

    croient, comme lui quetout est rve ou apparence.

    M. FERNANI) GREGII ne craint pas d'avancer que :Le pays d'au del de la Mort, c'est la Vie,La Vie encor, toujours par qui, pensera mer !

    Ton me de destin en destin est suivieComme par le soleil ta nefde mer en nier !

    /:/ c'est le ct social (le la question qui retient M. MICHELCORDAY:

    C'est une solution tirage limit.

  • lo ENQUETEIl ne doit natre que d'une rsolution. On

    devrait non pas s'y jeter dans un vertige, maiss'y dterminer selon la raison. Placer dans undes plateaux de la balance le dommage fait lacollectivit, le chagrin fait l'entourage, l'hor-rible difficult de se donner la mort. Dans l'autreplateau, l'effort d'chapper l'une des incurablesmisres inventespar la natureou par les hommes.Si le second plateau l'emporte, enlevez : c'estpes.

    Une remarque. L'opinion, ce monstre bloui,hsite dans ses jugements sur le suicide. Elleapplaudit la mort de Lucrce, de Ptrone, dugnral Boulanger, de Mme Sembat. Et dans lesfamiiles, on garde sur le parent suicid un silencede blme et de honte, plus opaque, plus massif,plus crasant que la pierre du tombeau.

    Ne nous rvons-nous pas ?.se demande M. MICHEL ARNAUD, qui conclut :

    Le suicide est la vie la seule solution lgante(il y aurait aussi une adroite et preste ablationdu cerveau, mais o le chirurgien ?)

    M. le docteur BONNIOT:A votre grave question, ma rponseje la trouve

    dans la Bib'e moderne et souhaite qu'on en pserigoureusement tous les termes.

    Le suicide n'est une solution que dans le caspratiquement vitable, o

    Ces hros excds de malaises badins

    Vont ridiculement se pendre au rverbre.

    M. LON BARANGER:Parfois la porte ferme on rencontre l'autre

    aventure. On plonge au fond de l'Atlantique eton continue par le Pacifique, mais c'est fini pourle ct

  • ENQUETE IIsachent comment j'ai fini.

    Je souhaite mmeque les indiffrents, c'est--dire que la masse dupublic pour qui je serai l'objet d'une conversa-tion de dix minutes (supposition peut-treexagre), sache, quelque peu de cas que je fassede l'opinion du grantl nombre, sache, dis-jc, queje n'ai point cd en lche et que la mesure demes ennuis tait comble quand de nouvellesatteintes sont venues la faire verser, que je n'aifait qu'user avec tranquillit et dignit du pri-vilge que tout homme tient de la nature, dedisposer de soi.

    Voil tout ce qui peut m'intresser encore dece ct-ci du tombeau : au del de lui sont, toutesmes esprances, si toutefois il y a lieu.

    BENJAMIN CONSTANT, dans Le Cahier Rouge :Je fis ce qu'on voulut avec une docilit par-

    faite, non que j'eusse peur, mais parce que l'onaurait insist, et que j'aurais trouv ennuyeuxde me dbattre. Quand je dis que je n'avais paspeur, ce n'est pas que je susse combien il y avaitpeu de danger. Je ne connaissais point les effetsque l'opium produit, et je les croyais beaucoupplus terribles. Mais d'aprs mon dilemme, j'taistout fait indiffrent au rsultat. Cependant, macomplaisance me laisser donner tout ce quipouvait empcher l'effet de ce que je venais defaire dut persuader les spectateurs qu'il n'yavait rien de srieux dans toute cette tragdie.Ce n'est pas la seule fois dans ma vie qu'aprsune action d'clat, je me suis soudainementennuy de la solennit qui aurait t ncessairepour la soutenir et que, d'ennui, j'ai dfait monpropre ouvrage.

    Et CARDAN, mathmaticien pessimiste (1501-1370):Laboravi interduin Amore Heroco ut me

    ipsum trucidare cogitarem.El SENANCOUR, Obcrmann, Lettre XLI.Qui donc prtendait que nous ytutons en plein romantisme?

    Celle grande voix sincre, et qui s'est lue, p'vt-tre en retrou-verons-nous l'eho chez quelques-uns.

    M. PHILIPPE CASANOVA :Veuillez excuser, je vous prie, ma rponse : je

    ne la veux ni impertinente, ni fausse, ni littraire

    elle est humaine, actuelle, et personnelle.Je n'en sais rien.

    Si je veux savoir, ma volont dissipe mes intui-tions. Libres, mes intuitions sont, absurdes. Eigu-rez-vous des points d'interrogation introduisantdes clefs d'ombre dans des serrures obscures.Et ce je n'en sais rien , je suis tent d'ajou-ter : n Chi lo sa ?

    M. YVES GUEGEN:La volont n'est qu'obissance (Nietzsche o

    es-tu) une ncessit dont l'accomplissement oule non accomplissement comporte une sanction.D'ailleurs une ncessit sans sanction en serait-elle une ?

    Ne pas mourir: Vivre est la sanction. Ne pasvivre : Mourir est la sanction.

    M. ANDR BIANE :Le suicide corporel est donc une solution. Le

    suicide moral en est une autre. Le premier est la porte de tout le monde Le second exige unprogrs trop grand dans la pense humaine.

    Il y a des hommes qui vivent dans les concidences. I.e dessinsuivant, intitul : Moi-mme mort, M. OSCAR KOKOSCHKAvenait

  • ENQUTE

    cool, l'oubli, l'amour. Et nous avons le temps.Demain peut-tre ?

    On demande une autre solution.M. ANDR BRETON :

    Le suicide est un mot mal fait ; ce qui tue

    n'est pas identique ce qui est tu. (Thodore Jouffroy.)M. ANTONIN ARTAUD :Non, le suicide est encore une hypothse. Je

    prtends avoir le droit de douter du suicide commede tout le reste de la ralit II faut pour l'instantet jusqu' nouvel ordre douter affreusement nonpas proprement parler de l'existence, ce quiest la porte de .n'importe qui, mais de l'bran-lement intrieur et de la sensibilit profondedes choses, des actes, de la ralit. Je ne crois rien quoi je ne sois rejoint par la sensibilitd'un cordon pensant et comme mtorique, etje manque tout de mme un peu trop de mtoresen action. L'existence construite et sentante detout homme me gne, et rsolument j'abominetoute ralit. Le suicide n'est que la conqutefabuleuse et lointaine des hommes qui pensentbien, mais l'tat proprement dit du suicide estpour moi incomprhensible. Le suicide d'unneurasthnique est sans aucune valeur de repr-sentation quelconque, mais l'tat d'me d'unhomme qui aurait bien dtermin son suicide,les circonstances matrielles, et la minute dudclenchement merveilleux. J'ignore ce que c'estque les choses, j'ignore tout tat humain, rien dumonde ne tourne pour moi, ne tourne en moi.Je souffre affreusement de la vie. 11 n'y a pasd'tat que je puisse atteindre. Et trs certaine-ment je suis mort depuis longtemps, je suis djsuicid. On m'a suicid, c'est--dire. Mais quepenseriez-vousd'un suicide antrieur,d'un suicidequi nous ferait rebrousser chemin, mais del'autre cot de l'existence, et non pas du ctde la mort. Celui-l seul aurait pour moi unevaleur. Je ne sens pas l'apptit de la mort, je sensl'apptit du ne pas tre, de n'tre jamais tombdans ce dduit d'imbcillits, d'abdications, derenonciations et d'obtuses rencontres qui est lemoi d'Antonin Artaud, bien plus faible que lui.Le moi de cet infirme errant et, qui de temps entemps vient proposer son ombre sur laquelle lui-mme a crach, et depuis longtemps, ce moibquillard, et tranant, ce moi virtuel, impos-sible, et qui se retrouve tout de mme dans laralit. Personne comme lui n'a senti sa fai-blesse qui est la faiblesse principale, essentiellede l'humanit. A dtruire, ne pas exister.

    M. VICTOR MARGIERITTE

    Le suicide est une solution comme une autre.Je pense cependant que si jamais la volonthumaine se manifeste, dans ce rve plus ou moinsveill qu'est la vie, c'est la minute o l'tredcide de se rendormir, dfinitivement... Il faut

    croire la volont... Au moins dans cette mani-festation-l ! En douter serait singulirementaffadir le songe, ainsi priv jusque du prcieuxsel de la mort.

    M. GEORGES RESSIREJe ne voulus pas vivre, car si j'eusse pu aussi

    penser, je n'aurais pas demand cet afflux deheurts. Vivre ?

    J'en vis un aujourd'hui, place Pigalle, quivivait, mais pour a il avait le torse nu, sefaisait lier de chanes et se dtachait, ensan-glant ; puis il faisait la qute.Quelle tait la part de sa volont ? Celle quilui ordonnait de souffrir, pour moins souffrir,pour mieux manger...

    Il ne me reste plus que celle-l qui ordonne lerve, premire mort. La deuxime est indiff-rente ! Pourquoi ? Dois-je me suicider une autrefois ?

    Oui ! Aprs avoir suffisamment hallucin lesautres, et moi-mme.

    M. MAN RAY :

    M. PIERRE NAVILLELa vie ne comporte pas de solutions. Les mul-

    tiples sollicitudes dont je suis le mobile ne nu;font pas l'effet d'tre autre chose que l'objetmme de mon dsir. Un voile tamise l'universdevant l'homme que les privations ou les excita-tions ont dsquilibr ; le inonde se brouille dfi-nitivement la vue du moribond. Je veux direqu' cette minute o le sommeil semble occuperdfinitivement en nous toute la profondeur del'existence, il y a un attachement soudain

  • ENQUETE

    quelque ralit bien plus effrayante que celle denos cinq sens.

    C'est dans ce dsaxement progressif de l'espritque je veux voir ce qu'on appelle couramment lamort. Qu'aprs cela l'homme croie chapper quelque chose en se tuant, il n'chappera cepen-dant pas l'illusion du nant. La libert selonlaquelle je me dois de vivre m'empche d'existerautrement que par accidents, et je mourrai demme. Par ailleurs ce n'est pas une certaine ter-reur du geste qui pourrait me faire reculer devantle suicide, et je voudrais alors le considrer commeun vol que je me ferais un doux plaisir d'effectueraux dpens de la vie, un jour, par accident

    non comme cette dfaite que je constate chaquejour chez les dsesprs. On dira que j'en parlecalmement puisque je mange quotidiennementsans souci du lendemain ; mais la question n'estpas dans la possibilit de vivre, et depuis long-temps dj je connais mon chec futur.

    L'amour qui est. essentiel ma personne estl, nanmoins, et je suis prs de penser, certainsmoments o l'univers se limite l'horizon dedeux paupires, que j'atteindrais plus rapide-ment, par cette violence que constitue le suicide, la personnalit plus belle et moins dsespredont j'ai le sentiment trs aigu. Alors, ce dsir demourir fleurit comme la pense s'envole de moncerveau, comme la possibilit de tuer ce qu'ellesaiment agite parfois mes mains, et je pense,malgr moi, au jour prochain o je dormiraicomme un mort.

    Je ne crois pas mon existence.M. REN CREVEL :Une solution ?

    ..

    oui.La mosaque des simulacres ne tient pas. J'en-

    tends que l'ensemble des combinaisons socialesne saurait prvaloir contre l'angoisse dont estptrie notre chair mme. Aucun effort ne s'op-posera jamais victorieusement cette pousseprolonde, cet lan mystrieux, qui n'est point,M. Bergson, l'lan vital, mais son merveilleuxcontraire, l'lan mortel.

    D'un suicide auquel il me fut donn d'assister,et dont l'auteur-acteur tait l'tre, alors, le pluscher et le plus secourable mon coeur, de cesuicide, qui

    pour ma formation ou ma dfor-mation

    fit plus que tout essai postrieurd'amoui ou de haine, ds la fin de mon enfancej'ai senti que l'homme qui facilite sa mort estl'instrument docile et raisonnable d'une forcemajuscule (appelez-la Dieu ou Nature) qui, nousayant mis au sein des mdiocrits terrestres,emporte dans sa trajectoire, plus loin que ceglobe d'attente, les seuls courageux.

    On se suicide, dit-on, par amour, par peur,par vrole. Ce n'est pas vrai. Tout le monde aimeou croit aimer, tout le monde a peur, tout lemonde est plus ou moins syphilitique. Le suicideest un moyen de slection. Se suicident ceux-l

    qui n'ont point la quasi-universelle lchet delutter contre certaine sensation d'me si intensequ'il la faut bien prendre, jusqu' nouvel ordre,pour une sensation de vrit. Seule cette sensa-tion permet d'accepter la plus vraisemblablementjuste et dfinitive des solutions, le suicide.

    N'est vraisemblablement juste ni dfinitifaucun amour, aucune haine. Mais l'estime o bienmalgr moi et en dpit d'unedespotiqueeduca-tion morale et religieuse, je suis forc de tenirquiconque n'a pas eu peur, et n'a point bornson lan, l'lan mortel, chaque jour m'amne envier davantage ceux dont l'angoisse fut si fortequ'ils ne purent continuer d'accepter les diver-tissements pisodiques.

    Les russites humaines sont monnaie de singe,graisse de chevaux de bois. Si le bonheuraffectif permet de prendre patience, c'est ngati-vement, la manire d'un soporifique. La vieque j'accepte est le plus terrible argument contremoi-mme. La mort qui plusieurs fois m'a tentdpassaiten beaut cette peur de mourir d'essenceargotique et que je pourrais aussi bien appelertimide habitude.

    J'ai voulu ouvrir la porte et n'ai pas os. J'aieu tort, je le sens, je le crois, je veux le sentir,le croire, car ne trouvant point de solution dansla vie, en dpit de mon acharnement chercher,aurais-je la force de tenter encore quelques essaissi je n'entrevoyais dans le geste dfinitif, ultime,la solution ?

    \'ous souvenez-vousde. M. Teste ? 1- lit parfois les revues,noire ent/ule l'a fratip le temps ncessaire qu'il tj rponde.Il i] rpond.

    M. E. TESTE :Des personnes qui se suicident, les unes se font:

    violence ; les autres, au contraire, cdent elles-mmes et semblent obir je ne sais quelle fatalecourbure de leur destin.

    Les premiers sont contraints par les circon-stances ; les seconds par leur nature, et toutes lesfaveurs extrieures du sort ne les retiendront pasde suivre le plus court; chemin.

    On peut concevoir une troisime espce desuicides. Certains hommes considrent si froide-ment la vie et se sont fait de leur libert une idesi absolue et si jalouse qu'ils ne veulent paslaisser au hasard des vnements et des vicissi-tudes organiques la disposition de leur mort.Ils rpugnent la vieillesse, la dchance, lasurprise. On trouve chez les anciens quelquesexemples et quelques loges de cette inhumainefermet. Quant au meurtre de soi-mme qui estimpos par les circonstances, et dont j'ai parlen premier lieu, il est conu par son auteur commeune action ordonne un dessein dfini. Il pro-cde de l'impuissance o l'on se trouve d'abolirexactement un certain mal.

    On ne peut atteindre la partie que par ledtour de la suppression du tout. On supprime

  • ENQUETEl'ensemble et l'avenir pour supprimer le dtailet le prsent. On supprime toute la conscience,parce que l'on ne sait pas supprimer telle pense ;toute la sensibilit, parce que l'on ne peut enfinir avec telle douleur invincible ou continuelle.

    ITrode fait gorger tous les nouveaux-ns, nesachant discerner le seul dont la mort lui importe.Un homme affol par un rat qui infeste sa maisonet qui demeure insaisissable, brle l'difice entierqu'il ne sait purger prcisment de la bte.

    Ainsi l'exaspration d'un point inaccessible del'tre entrane le tout se dtruire. Le dsesprest conduit ou contraint agir indistinctement.

    Ce suicide est une solution grossire.Ce n'est point la seule. L'histoire des hommes

    est une collection de solutions grossires. Toutesnos opinions, la plupart de nos jugements, leplus grand nombre de nos actes sont de pursexpdients.

    Le suicide du second genre est l'acte invitabledes personnes qui n'offrent aucune rsistance latristesse noire et illimite, l'obsession, au vertigede l'imitation, ou bien d'une image sinistre etsingulirement choye.

    Les sujets de cette espce sont comme sensi-biliss une reprsentation ou l'ide gnralede se dtruire. Us sont comparables des intoxi-qus ; l'on observe en eux dans la poursuite deleur mort, la mme obstination, la mme anxit,les mmes ruses, la mme dissimulation que l'onremarque chez les toxicomanes la recherchede leur drogue.

    Quelques-uns ne dsirent pas positivement lamort, mais la satisfaction d'une sorte d'instinct.Parfois c'est le genre mme de mort, qui les fas-cine. Tel qui se voit pendu, jamais ne se jettera la rivire. La noyade ne l'inspire point. Un cer-tain menuisier se construisit une guillotine fortbien conue et ajuste, pour se donner le plaisirde se tranchernettement la tte. Il y a de l'esth-tique dans ce suicide, et le souci de composersoigneusement son dernier acte.

    'Tous ces tres deux fois mortels semblentcontenir dans l'ombre de leur me un somnam-bule assassin, un rveur implacable, un double,excuteur d'une inflexible consigne. Ils portentquelquefois un sourire vide et mystrieux, qui estle signe de leur secret monotone et qui manifeste(si l'on peut crire ceci) la prsence de leurabsence. Peut-tre peroivent-ils leur vie commeun songe vain ou pnible dont ils se sentent tou-jours plus las et plus tents de se rveiller. Toutleur parat plus triste et plus nul que le nontre.

    Je terminerai ces quelques rflexions parl'analyse d'un cas purement possible. Il peutexister un suicide par distraction, qui se distin-guerait assez difficilement d'un accident. Unhomme manie un pistolet qu'il sait charg. Il n'ani l'envie ni l'ide de se tuer. Mais il empoigne

    l'arme avec plaisir, sa paume pouse la crosse etson index enferme la gchette, avec une sortede volupt. Il imagine l'acte. Il commence devenir l'esclave de l'arme. Elle tente son pos-sesseur. Il en tourne vaguement la bouche contresoi. Il l'approche de sa tempe, de ses dents. Levoici presque en danger, car l'ide du fonction-nement, la pression d'un acte esquiss par lecorps et accompli par l'esprit l'envahit. Le cyclede l'impulsion tend s'achever. Le systme ner-veux se fait lui-mme un pistolet arm, et ledoigt veut se fermer brusquement.

    Un vase prcieux qui est sur le bord mmed'une table ; un homme debout sur un parapet,sont en parfait tat quilibre ; et toutefois nousaimerions mieux les voir un peu plus loigns del'aplomb du vide. Nous avons la perception trspoignante du peu qu'il en faudrait pour prci-piter le destin de l'homme ou de l'objet. Ce peuma.nquera-t-il celui dont la. main est arme ?S'il s'oublie, si le coup part, si l'ide de l'actel'emporte et se dpense avant d'avoir excir lemcanisme de l'arrt et la reprise de l'empire,appellerons-nous ce qui s'ensuivra : suicide parimprudenceP La victime s'est laiss agir, et samort lui chappe, comme une parole inconsi-dre. Elle s'est avance insensiblement dans unergion dangereuse de son domaine volontaire, etsa complaisance je ne sais quelles sensationsde contact et de pouvoir l'ont engage dans unezone o la probabilit d'une catastrophe esttrs grande. Elle s'est mise la merci d'unlapsus, d'un minime incident de conscience ou detransmission. Elle se tue, parce qu'il tait tropfacile de se tuer.

    On a insist quelque peu sur ce modle imagi-naire d'un acte demi fortuit, demi dter-min, afin de suggrer toute la fragilit des dis-tinctions et des oppositions que l'on essaie dedfinir entre les perceptions, les tendances, lesmouvements et les consquences des mouve-ments,

    entre le faire et le laisser faire, l'agiret le ptir,

    le vouloir et le pouvoir. (Dansl'exemple donn ci-dessus, le pouvoir induit auvouloir.)

    Il faudrait toute la subtilit d'un casuiste oud'un disciple de Cantor, pour dmler clans la.trame de notre temps ce qui appartient auxdivers agents de notre destine. Vu au micros-cope, le fil que dvident et tranchent les Parquesest un cble dont les brins multicolores s'amin-cissent, s'interrompent, se substituent, et repa-raissent dans le dveloppement de la torsion quiles engage et les entrane.

    M. ARNOLD BARCLAYLe signatairede ces lignes a effectu un suicide

    manqu par immersion. Il recommencera ayantgard de cette tentative l'avant-got d'une joiesi dionysiaque et si noire, d'une ivresse de nou-

  • ENQUETE 15veaut si pressante et si totale que rien ne les ajamais, avant ni aprs, gales.

    Cette premire initiation une fte qu'il sedonnera un jour, il essayerait de la dcrire, sitoute transposition verbale de la notion nouvelledsormais incorpore en lui ne lui apparaissaitprofanatrice.

    M. ANDR MASSON :

    M. MARCEL NOLL ;Le fait de donner ma pense une expression

    susceptible d'tre comprise par ceux qui la liront,voil bien ce qui passe pour ma force, voil bienma faiblesse. Chaque jour, je constate que rienn'est, dit parce que l'homme a besoin de clartet que les signes dsesprsde son inquitudesonttoujours les mmes.

    Abandonnons l'orgueil, les dceptions, l'humi-liation de la pense devant le coeur, cet hiverje porte la tte haute.

    Qui m'appelle ? (je ne suis pas seul au monde ?)Je n'ai d'autre dsir que de me tenir bien tran-quille au soleil, l'ombre, que d'avouer ma fai-blesse, moi qui ne suis pas faible, et de tendremes mains vers d'autres, trs belles et que jesais. Mais l'ignoble exploitation de ce que j'aimepar les autres, le sentiment que CELA NEPEUT DURER, m'obligent la colre et audlire. Ma colre m'ordonne de me sacrifier etje me sacrifie journellement, parce que je suislibre. Depuis longtemps, je crois la valeur dece sacrifice et je ne me mnage plus, ma confianceen la vie devient de jour en jour plus forte et dejour en jour plus aveugle. Dans cette lutte pourgagner l'homme, je triompherai et je ne merjouirai pas. Victoires, dfaites, tout se heurte l'hrosme.

    Mais dj vous vous attribuez mes armes queje ne dissimule pas. Je veux bien croire que vousrvez, vous me frappez la tte et au ventre,

    mais je vous montre mon coeur, neuf et purcomme au premier jour. Mes tours, mes grimaces,c'est vous qui les ferez. Cela vous va si bien.

    Dernirement, l'un des vtres est venu mevoir. Mais il me parlait de trop loin. Pour touterponse, je lui ai montr le fleuve qui roulait nospieds, ce fleuve qui, peut-tre,nous avait toujoursspars. Il disait

    : Mon immensit, c'est un corpshumain en perdition. Alors j'ai dirig monregard vers le sien et comprenant ce qu'il iredemandait je lui ai donn un poignard. Quelquesheures aprs, il s'en tait servi, il avait donnsa dmission .

    D'autres viendront ; tous, ils rpondront affir-mativement mes conseils, sans savoir si jeserais plus heureux de les voir partir, btir desvilles, fonder des royaumes. Et je vous prometsformellement qu'aucun ne se ratera.

    Si je vis encore, c'est que je n'ai rien trouvd'autre que moi-mme opposer l'ternit.Vous sourirez, impunment, hommes de toustemps qui m'isolez avec des vieux mots faitspour vous : navet, candeur, d'autres encore queje ne connais pas. Je vous laisse sur un pied,votre journal la main. Ouvrez-le, il porte enmanchette cette phrase d'Oscar Wilde : Cequi est exprim ne mrite plus l'attention.

    Me voici encore, le dsespoir est encore laplace de l'espoir, indulgent plutt qu'implacable.Les autres ont acquis l'intelligence d'une destinedonne, le mcanisme secret de cette destinene les effraie pas. Je suis quand mme au milieud'eux. El. qu'ils sachent; que si je bois, c'est pourbriser ensuite le verre dans mes mains.Je ne suis pas un dsespr, je suis un mou-rant. Regardez comme mon sang coule bienmaintenant.

    // est de l'habilude de ceux qui ouvrent une riiquli! de lafermer uussitl, dposant des conclusions, cherchant le plusgrand commun diu'scur des rponses provoques, leur conci-liation. Il nous paratplus naturel, no! contemporains entendus,de poser pour la premire fois celle (pieslion:

    Le Suicide est-il une solution?P. S.

    La Rvolution Surraliste prsente ses excuses MM. J. Evola, Tho Van Docsburg, tlida-iel d'Aidiardc,Miche Dccourl, jValhan l.arrier, Louis de Conzague h'ricU,Philippe Fslonnat, Joseph Dcpulin, Pierre Viclard, elc.mais renonce (i publier tcurs rponses, nu l'(d>tmdutu:c fiematire.-., pour les mis, le contenu le ces rjmii-.es, nnur lesautres.

    Extrait d'une lettre de FERNAND FONTAINE, classe1910, tu le 20 juin 101 S :

    JVO/I oraimenl, ce n'esl pas si amusant que je le croquis...El si je meurs crois bien que ce sera contre la France.

    Lire ORIENT ET OCCIDENT, par Ren Guenon (/.,;Radeau, w 1).Lire EUSEBE, le plus grand eluirini.'in du monde, n- " 1

    et 2.Le 27 Evrier. ou Thtre Pirandello 'Rome), premire

    reprsentation de Kiob, d'Albert Savinio. Confrence deLons Aragon : L'Ouest fait naufrage au bord du ciel.

  • OUVREZ LES PRISONSLICENCIEZ L'ARME

    Il n'y a pas de crimes de droit commun.

    Les contraintes sociales ont fait leur temps. Rien, ni la reconnais-sance d'une faute accomplie, ni la contribution la dfense nationalene sauraient forcer l'homme se passer de la libert. Vide de prison,Vide de caserne sont aujourd'hui monnaie courante : ces monstruositsne vous tonnent plus. L'indignit rside dans la quitude de ceux quiont tourn la difficult par diverses abdications morales et physiques{honntet, maladie, patriotisme).

    La conscience une fois reprise de Vabus que constituent d'une part Vexis-tence de tels cachots, d'autre part l'avilissement, Vamoindrissement qu'ilsengendrentchezceux qui y chappent commechez ceux qu'on y enferme,

    et il y a, parat-il, des insenss qui prfrent au suicide la cellule ou lachambre,

    cette conscienceenfin reprise, aucunediscussion ne sauraittreadmise, aucune palinodie. Jamais l'opportunit d'en finir n'a t aussigrande, qu'on ne nous parle pas de l'opportunit. Que MM. les assas-sins commencent, si tu veux la paix prpare la guerre, de telles propo-sitions ne couvrent que la plus basse crainte ou les plus hypocrites dsirs.Ne redoutons pas d'avouer que nous attendons, que nous appelons lacatastrophe. La catastrophe ? ce serait que persiste un monde o l'hommea des droits sur l'homme. L'union sacre devant les couteaux ou lesmitrailleuses, comment en appeler plus longtemps cet argument disqua-lifi ? Rendez aux champs soldats et bagnards. Votre libert ? Il n'y apas de libert pour les ennemis de la libert. Nous ne serons pas lescomplices des geliers.

    Le Parlement vote une amnistie tronque ; une classe au printempsprochain partira; en Angleterre toute une ville a t impuissante sauverun homme, on a appris sans stupeur que pour la Nol en Amrique onavait suspendu l'excution de plusieurs condamns parce qu'ils avaient unebelle voix. Et maintenant qu'ils ont chant, ils peuvent bien mourir, fairel'exercice. Dans les gurites, sur les fauteuils lectriques, des agonisantsattendent : les laisserez-vouspasser par les armes ?

    Ouvrez les Prisons Licenciez VArme

  • LE SANGLANT SYMBOLE 19LE SANGLANT SYMBOLE

    Nouvelle par Jean-Quand la grande Lutte s'tait dresse

    sur un horizon de dcadence, ThodoreLetzinski terminait de brillantes tudesde mdecine ; il tait de ceux dont ondit

    : Celui-l ira loin. Son profil slave

    et sa parole imprgne du charme demme marque taient bien connus dansles milieux de la Pense Libre.

    Thodore Letzinski comme tous lestudiants russes tait anarchiste ; et sesyeux lgrement fendus en amande, trsdoux, avaient des clairs quand on parlaitdes possessions que son pre avait surles bords du Diachylon.

    La mobilisation, fivreuse de chosessecoues, le surprit en plein rve. Frappdans ses croyances les plus chres d hu-manit, il fut mobilis en tant qu'infir-mier militaire, vaguement mu de revtircest uniforme excr, qui s agrandissaitdes vnements.

    Et puis, non encore gagn la causeCivilise qui maigre lui le prenait pourproslyte, Thodore Letzinski partit aufeu, un jour qu'il faisait chaud et qu'ilrelisait Kropotkine, Karl Marx et P. deMalpighi.

    Alors la conversion sainte s opra ;le vieux sang de ses aeux frmit en luiet le guerrier antique porteur du knout huit noeuds s'veilla. Il fut sur le pointde tuer plusieurs boches et on le ren-contrait dans le ddale des tranches,l'oeil trange et se trappant la poitrine.

    Il y eut une attaque. Le premier, etmalgr l'insigne pacifique de son bras,il s'lana, et sans entendre les ballesqui mordaient son corps asctique, nes'arrta que dans la troisime ligneallemande, seul. Et puis il s'affaissa.Un officier allemand, comme c'est l'usage,commanda qu'on lui coupt les poignets.Puis avec un sourire :

    Que l'on m'apporte les dpches

    ,dit-il. Et il lut les succs de son empire l'agonisant, Verdun pris... Varsovie

    Michel STROGOFFet le Malpighi en flammes, le dcervelagede M. Poincar...

    L oeil fixe et slave, Thodore Letzinskicoutait. Son sang coulait tout doucementet commenait mouiller les genouxde ceux qui I entouraient ; quelques alle-mands Y plongrent leur quart et burent.

    Thodore Letzinski semblait ne riensentir ni ne rien voir ; l'aide de sesmoignons horribles et de ses dents, il selivrait une trange opration.L officier prussien continuait son hor-rible lecture.

    Toutes les glises livres M. Barrs,le secret de posie abandonn par A...B...

    Thodore, exsangue ne pouvait plusparler. Mais son travail tait termin

    sur I horrible bouillon pourpre qui mon-tait toujours

    mer mer pouvantable

    il abandonna un SYmbole.Un petit bateau de papier flottant.JACQUES VACH.

    Max Ernst

  • CHRONIQUESSret gnrale :

    La liquidation de l'opiuml'ai l'intention non dissimule d'puiser l.i

    question afin qu'on nous foute la paix une foispour toutes avec les soi-disant dangers de ladrogue.

    Mon point" (le vue est: nettement, anti-social.Ou n'a qu'une raison d'attaquer l'opium, C'est

    celui 'lu danger que son emploi | eut faire couririi l'ensemble de la socit.

    ( V ce danger est faux.Nous sommes ns pourris dans le corps et: dans

    l'me, nous sommes eongnilnlemcnt inadapts;supprimez l'opium, vous ne supprimerez pas lebesoin du crime, les cancers du corps et de l'me,la propension au dsespoir, le crtinisme n, lavrole hrditaire, la friabilit des instincts, vousn'empcherez pas qu'il n'y ait des mes destinesau poison quel qu'il soit, poison de la morphine,poison de la lecture, poison de l'isolement, poisonde l'onanisme, poison des cots rpts, poisonde la faiblesse enracine de l'me, poison de l'al-cool, poison du tabac, poison de l'nnti-sociabi-lit. Il y a des mes incurables et perdues pour lereste de la socit. Supprimez-leur un moyen defolie, elles en inventeront dix mille antres. Kllcscreront des moyens plus subtils, plus furieux,des moyens absolument dsesprs. La natureelle-mme est anti-sociale dans l'me, ce n'est

    cpie par une usurpation de pouvoirs que le corpssocial organis ragit contre la pente naturellede l'humanit.

    Laissonsse perdre les perdus, nous avons mieux occuper notre temps qu' tenter une rgnra-tion impossible et pour le surplus, inutile, odieuseet nuisible

    Tant que nous ne serons parvenus supprimeraucune des causes du dsespoir humain, nousn'aurons pas le droit d'essayer de supprimer lesmoyens par lesquels l'homme essaie de se dcrasserdu dsespoir.

    Car il faudrait d'abord arrivera supprimer cetteimpulsion naturelle et cache, cette pente Sp-cieuse de l'homme qui l'incline trouver unmoyen qui lui donne Vide de chercher un moyende sortir de ses maux.

    Me plus les perdus sont par nal ure perdus,toutes les ides de rgnration morale n'y ferontrien, il v a mi dterminisme inn, il y a une incu-rabilit indiscutable du suicide, du crime, del'idiotie, de la folie, il y a un cocuage invinciblede l'homme, il y a une friabilit du caractre,il y a un eh itrage de l'esprit.

    L'aphasie existe, le tabs dorsalis existe, lamningite syphylitique, le vol, l'usurpation.L'enfer est dj de ce monde et il est des hommesqui sont des vads malheureux de l'enfer, desvads destins recommencer ternellement leurvasion. Et assez l-dessus.

    L'homme est misrable, l'me est faible, il estdes hommes qui se perdront toujours. Peu

  • CHRONIQUESimportent les moyens de la perte ; (a ne regardepas la socit.

    Nous avons bien dmontr, n'est-ce pas,qu'elle n'y peut rien, elle perd son temps, qu'ellene s'obstine clone plus s'enraciner dans sastupidit.

    Et enfin nuisible.Pour ceux qui osent regarder la vrit en face,

    JACQUES VACHE, par lui-mme.

    on sait, n'est-ce pas, les rsultats de la suppres-sion de l'alcool aux Etats-Unis :

    Une super-production de folie : la bire aurgime de l'ther, l'alcool bard de cocane quel'on vend clandestinement, l'ivrognerie multi-plie, une espce d'ivrognerie gnrale. Eref, laloi du fruit dfendu.

    De mme, pour l'opiumL'interdiction qui multiplie la curiosit de la

    drogue n'a jusqu'ici profit qu'aux souteneursde la mdecine, du journalisme, de la littrature.Il y a des gens qui ont bti de fcales et indus-

    trieuses renommes sur leurs prtendues indigna-tions contre l'inoffensive et infime secte desdamnes de la drogue (inoffensive parce queinfinie et parce que toujours une exception),cette minorit de damns de l'esprit, de l'me,de la maladie.

    Ah ! que le cordon ombilical de la morale estchez eux bien nou. Depuis leur mre, ils n'ont,n'est-ce pas, jamais pch. Ce sont des apitres,ce sont les descendants des pasteurs ; on peutseulement se demander o ils puisent leurs indi-gnations, et combien surtout ils ont palp pource faire, et en tout cas qu'est-ce que a leur arapport.

    Et d'ailleurs l n'est pas la question.En ralit, cette fureur contre les toxiques et

    les lois stupicles qui s'en suivent:

    l Est inoprante contre le besoin du toxique,qui, assouvi ou inassouvi, est: inn l'me, etl'induirait des gestes rsolument anti-sociaux,mme si le toxique n'existait pas.

    2 Exaspre le besoin social du toxique, et lechange en vice secret.

    3 Nuit la vritable maladie, car c'est l lavritable question, le noeud vital, le point dan-gereux :

    Malheureusementpour la mdecine, la maladieexiste.

    'foutes les lois, toutes les restrictions, toutesles campagnes contre les stupfiants n'abou-tiront jamais qu' enlever tous les ncessiteuxde la douleur humaine, qui ont sur l'tat sociald'imprescriptibles droits, le dissolvant de leursmaux, un aliment pour eux plus merveilleux quele pain, et le moyen enfin de repntrer clans lavie.

    Plutt la peste que la morphine, hurle la mde-cine officielle plutt l'enfer que la vie. Il n'y aque des imbciles du genre de J.-P. I.iausu (quiest pour le surplus un avorton ignorant) pourprtendre qu'il faille laisser des malades macrerdans leur maladie.

    Et c'est ici d'ailleurs que toute la cuisteric dupersonnage montre son jeu et se donne librecarrire

    : au nom, prlend-il, du bien 'gnral.Suicidez-vous, dsesprs, et. vous, torturs

    du corps et de l'me, perdez tout espoir. Il n'y aplus pour vous de soulagement en ce monde.Le monde vit de vos charniers.

    lit vous, fous lucides, tabtiques, cancreux,mningitiques chroniques, vous tes des incom-pris. Il y a un point en vous cpie nul mdecinne comprendra jamais, et c'est ce point pour moiqui vous sauve et vous rend augustes, purs,merveilleux: vous tes hors la vie, vous tesau-dessus (le la vie, vous avez des maux quel'homme ordinaire ne connat pas, vous dpassezle niveau normal et c'est de quoi les hommesvous tiennent rigueur ; vous empoisonnez leurquitude, vous tes des dissolvantsde leur slabi-

  • CHRONIQUES

    lit. Vous avez d'irrpressibles douleurs dontl'essence est d'tre inadaptable aucun tatconnu, inajustable dans les mots. Vous avez desdouleurs rptes et fuyantes, des douleurs inso-lubles, des douleurs hors de la pense, des dou-leurs qui ne sont ni dans le corps ni dans l'me,mais qui tiennent de tous les deux. Et moi, jeparticipe vos maux, et je vous le demande :qui oserait nous mesurer le calmant ? Au nomde quelle clart suprieure, me nous-mmes,nous qui sommes la racine mme de la con-naissance et de la clart. Et cela, de par nosinstances, de par notre insistance souffrir.Nous que la douleur a fait voyager dans notreme la recherche d'une place de calme ous'accrocher, la recherche de la stabilit dansle mal comme les autres dans le bien. Nous nesommes pas fous, nous sommes de merveilleuxmdecins, nous connaissons le dosage de l'me,de la sensibilit, de la moelle, de la pense. Ilfaut nous laisser la paix, il faut laisser la paixaux malades, nous ne demandons rien auxhommes, nous ne leur demandons que le soula-gement de nos maux. Nous avons bien valunotre vie, nous savons ce qu'elle comporte derestrictions en face des autres, et surtout en facede nous-mmes. Nous savons quel avachisse-ment consenti, quel renoncement de nous-mme, quelles paralysies de subtilits notre malchaque jour nous oblige. Nous ne nous suicidonspas tout de suite. En attendant qu'on nous foutela paix.

    i 01' janvier 1025.

    La Mort :La Muraille de Chne

    C'est, le bb Caduni ternellement, souriantsur le mur, c'est la phrase sublime de Robes-pierre : Ceux qui nient Vimmortalit de l'mese rendent justic-. , c'est le laurier qui jaunitau pied d'une colonne volontairement tronque,c'est le reflet du pont, c'est le parapluie brillantcomme un monstre marin et vu, un jour de pluie,du haut d'un cinquime tage. Croyais-tu enl'immortalit de l'me, tribun disparu ? Peum'importe ; toute assurance est ici vaine. L'in-quitude seule suppose quelque noblesse. L'im-mortalit au reste, est immonde : Seule l'ternitvaut d'tre considre. L'horrible est que lamajorit des hommes lient le problme de la mort celui de Dieu. Que ce dernier soit un lotisseurcleste et problmatique, une superstition atta-che un ftiche assez potique en soi (croissant,croix, phallus ou soleil) ou une croyance infini-ment respectable un domaine d'infinis succes-sifs, je considrerai toujours son intervention fu-

    nraire, de par la volont humaine, comme uneescroquerie.

    Celui qui ne doute pas de l'inexistence de Dieurend concrte son inadmissible ignorance, laconnaissance des lments spirituels tant spon-tane. Presque toujours celui qui croit en Dieuest un lche et un matrialiste born sa seuleapparence anatomique. La mort est un phno-mne matriel. Y faire intervenir Dieu, c'est lematrialiser. La mort de l'esprit est un non-sens. Je vis dans l'ternit en dpit du ridiculed'une semblable dclaration. Je crois vivre, doncje suis ternel. Le pass et le futur servent lamatire. La vie spirituelle comme l'ternit seconjugue au prsent.

    Si la mort me touche, ce n'est pas en ce quiconcerne ma pense, mon esprit, que ne sauraitvoiturer le plus beau corbillard, mais les sens.Je n'imagine pas d'amour sans que le got dela mort, dpourvue d'ailleurs de toute sentimen-talit et de toute tristesse, y soit ml. Merveil-leuses satisfactions de la vue et du toucher,perfection des jouissances, c'est par votre entre-mise que ma pense peut entrer en relation avecla mort. Le caractre fugitif de l'amour est aussile sien. Si je prononce l'loge de l'un, c'est celuide l'autre que je commence. O femmes aimes !vous que j'ai connues, vous que je connais, toiblonde flamboyante dont je poursuis le rve depuisdeux ans, toi brune et. couverte de fourruressacres, toi encore que je m'obstine rencontreret suivre dans des milieux diverset qui tedoutesde ma pense sans y souscrire encore, femme detrente ans passs, jeune fille de vingt ans et Dsautres, je vous convie toutes mon enterrement.Un enterrement comme il se doit, bien grotesqueet ridicule, avec des fleurs jaunes et les palotinsdu pre Ubu en croque-mort !

    A moins que d'ici l...Le caractre fugitif de l'amour est aussi celui

    de la mort,ROBERT DESNOS.

    Boulevard Edgard-Quinel, minuit.Man Rail.

  • CHRONIQUES s3Sciences morales :

    Libre vous !Il n'y a pas de libert poul-

    ies ennemis de la libert.

    La libert... aprs mille pripties, de grandsdsordres, et l'chec de ses plus simplesdmarches vers elle, l'homme dcourag seprend hausser les paules. Ce mot irritecomme le feu. Tu n'as pas deux paupirespour regarder la libert en face.

    Sa dpendance, l'individu d'abord ne lasouponne pas. Il sait videmment qu'il peuttendre le bras s'il le veut. Tout lui est objetde volont. Affaire de quelques sicles, le douteapparat, se prcise et la personne alors nat l'absolu dterminisme o la voici enfintombe. C'est ici que nous nous tenons, c'est ce moment de la mditation humaine, etpourtant comment se pourrait-il que l'espritait en un seul endroit trouv son terme, et lcomme ailleurs se borne, mais parat-il bondroit, un vague sentiment, lev la dignitd'ide ? Comment se pourrait-il qu'une croyanceenraye le mouvement de l'esprit ? Du dogmedterministe ne va-t-il pas sortir une affir-mation nouvelle de la libert ? La liberttransfigure par son contraire, au bord de cetteeau trouble j'attends que ses traits divinstransparaissent sous les rides largies de l'in-vitable, sous les chanes relches qui dissi-mulaient son visage.

    La libert aux grands yeux, comme unefille des rues qu'elle revienne. Ce ne sera plusla libert d'autrefois maintenant: qu'elle aconnu Saint.-Lazaie. Ses poignets meurtris...comment avez-vous pu croire qu'un seul actemental pouvait anantir une ide ? Le mot,mme dshonor vos frontons publics, estrest dans votre bouche alors que vous ledisiez follement banni de votre coeur. Et ainsinie, la libert enfin existe. Elle sort: de la nuito la causalit sans cesse la rejette, enrichiede la notion du dtermin et toute envelopped'elle. Qu'est-ce alors qui rsout les contradic-tions de la libert ? Qu'est-ce qui est parfai-tement libre, et dans le mme temps, dtermin,ncessaire ? Qu'est-ce qui tire de sa ncessitle principe de sa libert ? Un tel tre qui n'a devolont que son devenir, qui est soumis audveloppement de l'ide, et ne saurait ima-giner que fui, s'identifie l'ide, dpasse lapersonne, il est l'tre moral, que je conois sa limite, qui ne veut rien que ce qui doit tre,et qui libre dans son tre devient ncessai-rement le dveloppement de cet tre libre.Ainsi la libert apparat comme le fondementvritable de la morale, et sa dfinition implique

    la ncessit mme de la libert. Il ne sauraity avoir de libert dans aucun acte qui se retournecontre l'ide de libert. On n'est pas libre d'agircontre elle, c'est--dire immoralement.

    Tout ce qui prcde implique la condamna-tion des considrations mtaphysiques dansle domaine de la sociologie. Cette galitd'humeur devant les notions contraires quipasse en politique pour la largeur d'esprit,qui permet cette continuelle conciliation desinconciliables par quoi la vie sociale abusi-vement se perptue, n'est due qu' une erreurprimaire sur la porte et la signification de ladialectique transcendantale. Que la libert dechacun se dfinisse par cette frontire la libertde tous, voil une formule qui a fait son cheminsans que l'on songe en discuter les absurdestermes. C'est cette fausse libert qu'enrfrent nos philosophes de gouvernement.Elle est la base de tous les modrantismes.

    O modrs de toutes sortes, comment pouvez-vous vous tenir clans ce vague moral, dans ceflou o vous vous plaisez ? Je ne sais laquelleadmirer le plus, de votre impartialit ou devotre sottise. La moralit, la libert, sont devotre vocabulaire. Mais vainement on cher-cherait vous en tirer les dfinitions. .C'est:qu'il n'y a de moralit que la moralit de laTerreur, de libert que l'implacable libertdominatrice

    : le monde est comme une femmedans mes bras. Il y aura des fers pour lesennemis de la libert. L'homme est libre,mais non pas les hommes. 11 n'y a pas de limites la libert de l'un, il n'y a pas de libert detous. Tous est une notion vide, une maladroiteabstraction, que l'un retrouve enfin son ind-pendance perdue. Ici finit l'histoire sociale del'humanit. Pcheurs en eau trouble, vossophismes ne prvaudront pas : le mouvementde l'esprit n'est pas indiffrent, n'est pas indif-fremment dirig. 11 y a une droite et unegauche dans l'esprit. Et c'est la libert quientrane l'aiguille de la boussole vers ce nordmagntique, qui est du ct du coeur. Rien, niles catastrophes, ni la considration drisoiredes personnes, ne saurait entraver l'accom-plissement du devenir. L'esprit balaye tout.Au centre de cette grande plaine o l'hommehabite, o dans les mares assches se sontteints plusieurs soleils, l'un aprs l'autre,que ce grand vent: du ciel svisse, que l'ideau-dessus des champs se lve et renversetout. Il y a tout gagner de la plus grandeperte. L'esprit vit du dsastre et de la mort.

    Ceux qui modrment meurent pour lapatrie... ceux qui modrment donnent lelong du jour... ceux qui modrment, et voil

  • *4 CHRONIQUES

    Max Ernsl.

    pourtant bien votre cas, radicaux, ramnentles carts de pense de simples dlits sansforce, ces matres de maison courtois, et tol-rants, ces dilettantes de la morale, ces farceurs,ces badins sceptiques, seront-ils longtempsnos matres, pratiquerqnt-ils toujours l'oppres-sion par le sourire ? Il est inconcevable qu'onexalte en l'homme ses facults mineures, parexemple la sociabilit, aux dpens de sesfacults majeures, comme la facult de tuer.Il suffira d'un sursaut de la conscience de cetigre auquel on a fait prendre pour une prisonles rayures anneles de sa robe pour qu'ils'lve la notion morale de sa libert, etqu'ilreconnaisse alors les ennemis de la morale.Alors, modrs, il n'y aura plus pour vous derefuge dans les rues, dans les maisons, dans lesdifices du culte, dans les bordels, dans l'in-nocence des enfants, ni clans les larmes bleuesdes femmes, alors la libert tyrannique vousclouera tout coup

    hi-boux et rhteurs

    vos portes, alors elle jettera son nom l'univers avec un grand clat de rire, et l'uni-vers ira disant que la libert maintenant senomme la Rvolution perptuelle.

    Louis ARAGON

    La Vie :Le Bouquet sans Fleurs

    Au pas... j'ai rv de mettre mes ides au pas,de m'abandonner la cadence sourde de ma vie ;je ne voulais plus rcolter le dsespoir que jesme. C'tait alors l'hiver et, de l'autre cot dela rue, chaque aprs-midi, je voyais le soleiltendre aux vitres ses mouchoirs de flammes.Je pensais ces hommes-refugesdont je suis, latte haute, comme, dans des fouilles, on se trouveen prsence d'un mort tenant encore sa lampe demineur. Et je repoussais la damnation. Jusqu'icije n'ai t que trop port spculer sur le dcou-

    ragement de tous. Les plus jolies femmes elles-mmes, j'eusse voulu les lever contre leur sort,glisser ce follet dans leurs yeux ouverts. Et pour-tant le dtestablebonheur, pour le peu qui m'ena t donn, peut bien s'vaporer dans sa tou-chante fiole de poison, ce n'est pas lui quej'aurai recours pour vivre. Elles sont, les occa-sions, pourvues d'une si grande puissance affec-tive, et si pressantes, que je n'ose me tracer unchemin l'abri de leur cahotement, quitte consterner ceux qui dj croyaient mon impas-sibilit en me voyant, certaines heures, passerau-dessus d'eux avec l'exactitude d'un wagonnetde pierres.

    On m'a beaucoup reproch dernirement detelles dfaillanceset, tout d'abord, de ne pas agirde faon plus conforme mes ides. Comme si,rpondant au premier appel de celles-ci, obissant l'impulsion la plus frquente et la plus forteque je subisse, il ne me restait pas qu' descendredans la rue, revolvers aux poings, et... l'on voitce qu'il adviendrait. Puis, qui sait, j'pargneraisquelqu'un, et tout serait refaire. En pareildomaine

    -y a-t-il place, pourtant, pour autrechose ? Quelle action indirecte me satisferait ?Ds lors que je cherche, voici, parat-il, que jerentre dans l'art, c'est--dire dans je ne sais quelordre social o l'impunit m'est assure mais o,jusqu' un certain point, je cesse de tirer con-squence. Encore la condition qui m'est ainsifaite ne peut-elle passer pour incompatible avecma dignit que pour ceux qui ne vous ont jamaisvu briller entre les barreaux, belles et grandesprunelles '

    Des heures me sont accordes pour penser tout: ce qui me dsarme : de jeune, d'ternel,d'incertain, de splendidc. La beaut d'un tre etce droit imprescriptible que de loin en loin jeveux me croire sur elle, aussi vrai que cela peutencore constituer pour moi la torture par l'es-prance, je ne demande l'as qu'on me juge l'chelle des hros.

    Dans sa Prface l'Avenir , M. Jean Hytierdplore qu'aprs Les Pas perdus je ne me soispas suicid. A le croire j'aurais fait machinearrire en revenant au surralisme. Il a peut-treraison. Mais si je possde quelque degr le sen-timent tragique de la vie, concevrait-on qu'il medtourne d'exalter ce qui me parat exaltable ?Ne serait-ce pas mconnatre par l la nature dece sentiment ? J'ai pu, ces dernires annes, con-stater les mfaitsd'uncertain nihilismeintellectueldont la malice tait tout propos de poser laquestion de confiance la plus gnrale et la plusvaine. Dans le dsarroi moral qui s'ensuivait,seuls trouvaient grce quelques modes d'activitsuperficielle et de pauvres paradoxes. C'est ains

  • CHRONIQUES 25

    que la nouveaut, au sensJe plus fantaisiste dumot, passait en toutes matires pour un cri-trium suffisant. Hors d'elle il n'tait pas de salut :elle justifiait avec insistance des tentatives dri-soires en peinture, en posie. D'exprience valableaux confins de la vie et de l'art, de preuve parl'amour, de sacrifice personnel, pas trace.

    Il s'agissait tout prix d'y remdier.Force fut, pour cela, d'envisager un mode de

    consultation publique qui rsolt, la manired'un plbiscite, la question qui, bien qu'on laperdt de vue, continuait se poser et se poseratoujours, n'tant rien moins que celle de la neutra-lit de l'esprit. L'action intellectuelle sera-t-ellesubjective, objective ; et dans quelle mesure enga-gera-t-elle, en dfinitive, la volont universelledont, la fin du dix-neuvime sicle, on affectade ne plus tenir compte ? C'est au surralisme dese prononcer. N'est-ce pas nous, en effet, quidemandons les premiers, non la destruction desmuses et des bibliothques, mais

    ce qui estplus grave

    l'abolition des privilges artistique,scientifique et. autres et, pour commencer, lalibration dsintresse, l'isolement, de cettesubstance mentale commune tous les hommes,de cette substancesouillejusqu'ici par la raison ?Avec le surralisme nous avons la prtentiond'tablir au centre du monde et de nous-mmesune inquitante machine qui supplera la forceintellectuelle comme toute autre la forcephysique. Nous travaillons son perfectionnementet ne doutons pas qu'elle soit un jour en mesurede pourvoir toutes nos dpenses d'nergie.

    Si quelque chose doit nous en convaincre, c'estbien le fonctionnementdu Bureau de recherchessurralistes, 15, rue de Grenelle. De toutes partson nous adresse des rcits de rves cl: quantitd'au-tres documents. Nous rservons un grand nombrede communications qui nous sont faites, pour lesproduire en temps et lieu. Enfin nous ne saurionstrop rpter que nous sommes prts accueillirfavorablement toutes les initiatives surralistes,d'o qu'elles viennent. Nous tenons, d'autre part, insister sur le caractre purement rvolution-naire de notre entreprise, en fonction duquel onnous trouvera toujours aux cts de ceux quisont prts donner leur vie pour la libert.

    Nous lancerons autant d'appels qu'il faudra.

    Ce qui se passe au Bureau de recherches sur-ralistes, en dcembre 1924, ne saurait dtournertoute notre attention de ce qui se produit audehors. Je demande en grce certains de mesamis de ne pas combattre l'activit, peut-tretoute extrieure au surralisme, mais haute de

    mobiles, de Pierre Morhange.

    Que l'actualitpolitique elle-mme serve au moins nous ren-seigner sur le progrs de la maladie de ce temps,d'ailleurs incurable.

    Evitons toute spciali-sation : est-il un chapitre auquel le surralismen'ait voix ? Tournons-nous vers l'Orient, d'ocommencent nous venir des encouragementsimmenses. La posie s'apprte passer sur unpont. C'est Paris !

    Dans cet trange tableau, mais ceci pour moiseul, pourquoi figure donc au premier plan unegrande et merveilleuse coque de satin blanc qu'onm'a dit tre le divan de Madame Sabatier ?

    Andr BRETON.

    MARCELPROUST, par Georges B1SS1RE.

    Le Sommeil

    Je ne sais pas dcouperLes gologues ne doutent de rien et trouvent

    la vie toute simple car du globe dont ils s'occu-pent, ils ont russi faire une petite boule demosaques apprivoises et dmontables. Ilscoupent la terre en deux et aprs cette oprationnous offrent, un moka idal et saugrenu d'ressuccessives. Et le tour est jou, le tour d'ailleursa sembl si facile que nos psychologues durant:des sicles s'y sont essays. Peine perdue. Leslments demeuient en fusion. La tranche de vieest un lambeau de brouillard tristement sanglantet il nous faut encore compter avec les doulou-reuses surprises des rves.

  • 26 CHRONIQUESOui nos rves. Cette petite fume

    ,

    aprs quois'acharne toujours notre course aux scurits,soudain s'vapore et c'est recommencer.Et nous cherchons un feu nouveau. Je pense cette jarre qui dans un dcor de Chirico, toutprs de cette maison, dont vous disiez, Breton,qu'elle devait abriter un sphinx, reste sur unescne vide aprs le dpart

    enfin

    des dan-seurs importuns. Allons-y de notre petit symbole.Les danseurs importuns, ce sont les divertisse-ments quotidiens et qui ne gardent mme pointcette sduction pittoresque dont la qualit certesn'est pas grande, mais dont nous esprionsqu'elle pourrait aider encore quelque illusoirepasse-temps. Mais le temps ne passe, ni necoule. Les danseurs sont partis et ont bien faitde partir. La jarre est seule sur la scne. Unefume sort de la jarre. Me direz-vous qu'unbossu y est cach qui fume benotement sapipe ? Qu'on appelle le bossu instinct sexuelou de conservation, ne montent pas moins dela jarre, de notre sommeil, la fume, les rves.Et ces rves, cette fume ne sont point la sommed'une jarre, d'un bossu, d'une pipe, non plusque d'un sommeil, d'un corps, d'un instinct.

    Nous n'avons pas la stupide consolationde nous sparer en tranches, en quartiers. Relet impondrable un nuage s'lve de mes heureslibres. Mais au rveil il me faut avouer que jeme rappelle moins les images que cet tat quien naquit. Recommenant une vie contrle,j'essaie avec les moyens de ma petite exprienceaux yeux ouverts, de suivre en sens inversece que nos pdants baptisent processus, et,parti d'un tat vague mais premptoire cherchedes prcisions qui ne parviendront, du restepoint nie sembler indniables.

    Au fur et mesure que le jour m'loignedu rve nocturne, l'tat qui en fut le rsultat,s'vaporant, je suis, pour le recrer, contraintde courir aprs un plus grand nombre d'images,de mots. Ainsi nat cette tentation de l'art. Onprend la. jarre, un bossu. On prend un corps,un sexe. On p.rend une toile, des pinceaux.On prend du p