La Revue Du Praticien-Médecine Légale,Toxicologie

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  • Mdecine lgale - ToxicologieB 237

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    talires, ce qui ncessite une prise en charge comparable celle motive par nimporte quelle intoxication.Lalcool traverse facilement la barrire hmato-enc-phalique, ce qui explique lquilibre rapidement obtenuentre concentrations sanguines et crbrales. Uneintoxication peut ainsi apparatre pour des taux sanguinsde 10 35 mmol/L. Lalcool perturbe la fois la fluiditmembranaire en se fixant sur les phospholipides demembrane, et la neurotransmission par un dysfonction-nement des canaux ioniques, des rcepteurs et de largulation des neurotransmetteurs, principalement glutama-ergiques et gaba-ergiques. Le premier, excita-teur, intervient dans la plasticit, la diffrenciation neuronale et la mmoire. Le rcepteur N-mthyl-D-aspartate est particulirement affect par lalcool,entranant une augmentation du nombre de rcepteursayant des consquences neurotoxiques lors du sevrage.Laltration du systme gaba-ergique, neurotrans-metteur inhibiteur, par lalcool ne lui permet plus demoduler le systme glutama-ergique, do une hyperacti-vit cellulaire neurotoxique.Nous voquerons successivement les consquences neu-rologiques de lintoxication alcoolique aigu puis delintoxication chronique.

    Intoxication alcoolique aigu

    Ivresse banale

    Dabord responsable de manifestations infracliniques, laconsommation modre d'alcool peut tre l'origined'un tat euphorique avec dsinhibition et excitation(alcoolmie 1 2 g/L). Si l'intoxication se poursuit(alcoolmie suprieure 2 g/L), les propos deviennentincohrents et apparaissent alors une dysarthrie et destroubles de la marche avec incoordination et titubation.Les troubles sont lis l'action de l'alcool sur la forma-tion rticule, le cortex et le cervelet. L'alcool est gale-ment, par sa toxicit sur le systme labyrinthique, res-ponsable de troubles de l'quilibre et de vertiges avectroubles vgtatifs.

    Lalcoolisme reprsente un problme de sant publique,dont tmoigne laugmentation de la prvalence chez lessujets adultes, mais aussi chez les jeunes. Ainsi, uneenqute de prvalence, un jour donn , mene rcem-ment en Auvergne, vient confirmer que 20 % despatients hospitaliss, tous services confondus, prsententune alcoolisation excessive, 23 % si lon ne considre queles services de court sjour. Les donnes relatives auxjeunes confortent ces chiffres : 20 % des 16-20 ans ont unproblme dalcool, lequel nest pas repr dans la moitides cas. Cette alcoolisation excessive vient confirmerd'autres tudes (tableau I ).Les maladies somatiques dues l'alcool sont nom-breuses (tableaux II et III). Nous n'aborderons dans cetravail que les manifestations neurologiques conscu-tives une intoxication alcoolique aigu ou chronique. Si les effets sur le cerveau ne sont pas tous lucids, cescomplications entranent des rpercussions socioprofes-sionnelles et conomiques non ngligeables. Elles peu-vent se manifester loccasion dintoxications aigus oudalcoolisations chroniques. Enfin, un nombre impor-tant de problmes mdicaux lis une intoxicationaigu apparaissent dans le contexte des urgences hospi-

    Alcoolisme : intoxicationaigu et chroniqueDiagnostic, traitement

    DR Anne DURIEUX, PR Pierre CLAVELOU

    Fdration de neurologie, hpital Fontmaure, CHU de Clermont-Ferrand, 63400 Chamalires.

    Les complications neurologiques centrales et priphriques lies lalcool sont diverses.

    Il faut toujours rechercher des facteurs associs, trouble mtabolique ou hmatomesous-dural devant une encphalopathie ou une crise dpilepsie.

    Certaines complications reprsentent des urgences thrapeutiques car elles engagentle pronostic vital et fonctionnel :encphalopathie alcoolique, encphalopathie de Gayet-Wernicke.

    Seul le sevrage permet desprer une gurison.

    Points Forts comprendre

  • Signalons que des troubles de l'attention et une augmen-tation du temps de raction apparaissent ds que l'alcoo-lmie atteint 0,2 pour 1 000, expliquant les mesures deprvention et de rpression adaptes la conduite auto-mobile.

    Ivresse pathologique

    Elle survient habituellement aprs une consommationsubstantielle d'alcool mais limportance des manifesta-tions est sans parallle avec la dose ingre. Elle secaractrise par une violence aigu, un comportementdestructeur avec parfois des hallucinations visuelles etauditives, voire un dlire de jalousie ou mgaloma-niaque. Elle est suivie d'un sommeil profond et laisseune amnsie de l'pisode. Elle peut toutefois tre res-ponsable dactes mdico-lgaux et (ou) de tentatives desuicide.

    Encphalopathie alcoolique aigu

    L'absorption massive d'alcool provoque d'abord uneobnubilation et une stupeur. Dans les cas graves survientun coma aractif avec mydriase, hypotonie avec ar-flexie et dpression respiratoire. La dpression du syst-me vgtatif entrane une hypothermie et une hypoten-sion. Des crises convulsives sont possibles. Le pronosticvital peut tre engag du fait de la dfaillance respiratoire,dun collapsus cardiovasculaire, de fausses routes ou detroubles biologiques (cf. infra). Il existe une bonne cor-

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    Type de consommation Sexe masculin (%) Sexe fminin (%) Les deux sexes (%)

    Alcool seul 32,4 18,8 25,5Tabac seul 10,4 13,4 11,9Psychotropes seuls 2,3 8,3 5,3

    Alcool et tabac 25 6,4 15,5Alcool et psychotropes 5,2 4,3 4,7Tabac et psychotropes 2,7 1,5 2,1Alcool, tabac et psychotropes 2 0,5 1,3

    Aucun 20 46,8 33,6

    Rcapitulatif q alcool 64,5 29,2 46,1q tabac 38,4 21,4 29,3q psychotropes 8,6 13,7 11,3

    Daprs Guignon N. Solidarit Sant 1991 ; 1 : 171-85.

    Alcool, tabac et psychotropesRpartition des personnes de 18 ans et plus selon le sexe

    et le type de consommation en 1991-1992

    TABLEAU I

    Maladies du systme nerveuxq encphalopathie de Gayet-Wernicke

    et syndrome de Korsakoffq polyneuropathie priphriqueq nvrite optique rtrobulbaireq atrophie crbelleuseq maladie de Marchifava-Bignamiq mylinolyse centrale du pontq encphalopathie pseudo-pellagreuse

    Maladies alcooliques du foieq statoseq fibroseq cirrhoseq hpatite alcoolique aiguq carcinome hpatocellulaire

    Autresq pancratite aiguq cardiomyopathie non obstructiveq ncrose aseptique de la tte fmoraleq syndrome dalcoolisme ftal

    Daprs Rueff B. Maladies lies la consommation dalcool. Flammarion,Paris, 1999.

    Maladies somatiques trs frquemment dues lalcool

    en France

    TABLEAU II

  • Crises d'pilepsie

    Au cours d'une ingestion importante dalcool, en parti-culier chez le buveur occasionnel, une crise dpilepsiegnralise, en gnral unique, peut survenir. Elle estprobablement lie labaissement du seuil pileptognepar lalcool et ne rcidive pas en dehors dune nouvelleintoxication. Elle ne justifie pas de traitement anti-pileptique.

    Traitement de lintoxication alcoolique aigu

    Livresse banale, de mme que la stupeur ou lobnubila-tion, ne ncessite pas de traitement particulier si lesconstantes vitales (pouls et pression artrielle) sont nor-males. Livresse pathologique peut justifier lutilisation dunecontention et ladministration parentrale de diazpam(Valium, 5 10 mg) ou dhalopridol (Haldol, 5 10 mg), renouveler si ncessaire 30 40 min aprs. Un coma li une intoxication alcoolique est une urgencemdicale imposant une prise en charge en ranimationpour lutter notamment contre la dpression respiratoire.Une hmodialyse devra tre envisage en cas dalcool-mie majeure, suprieure 5 g/L.

    Intoxication alcoolique chronique

    Labsorption chronique dalcool entranerait une dsor-ganisation de la couche lipidique des membranes neuro-nales et des protines membranaires, la formation exces-sive de radicaux libres lors du mtabolisme de lthanolet une interaction de lactaldhyde form en excs avecles amino-acides (vitamines), les protines du cytosque-lette, les protines nuclaires, certains enzymes et neu-ropeptides.

    Encphalopathie de Gayet-Wernicke

    Apanage de lalcoolique chronique dnutri, lencphalo-pathie de Gayet-Wernicke apparatrait chez 50 patientssur une population dun million dindividus hospitaliss.Outre les difficults dapport alimentaire sous-tenduespar les vomissements, lanorexie ou une pathologieintestinale et sophagienne, elle est volontiers conscu-tive une alimentation parentrale inadquate. Les per-fusions de soluts glucidiques entranent alors une chutedes dernires rserves de vitamine B1, ou thiamine, quiintervient dans le mtabolisme du glucose et de lalcool.Les lsions neuropathologiques intressent les rgionsautour des IIIe et IVe ventricules et de laqueduc deSylvius, les corps mamillaires, mais aussi le thalamus,lhypothalamus et le vermis crbelleux. Il existe uneperte neuronale, une atteinte mylinique, une prolifra-tion capillaire avec microhmorragies et une ractiongliale dont limportance varie selon la svrit et lan-ciennet de latteinte.

    rlation entre l'alcoolmie et la gravit du tableau cli-nique. Les doses ltales se situent habituellement entre 3et 4 g/L chez l'adulte mais elles peuvent tre beaucoupplus leves chez l'thylique chronique.Il convient systmatiquement d'liminer des troublesmtaboliques survenant aprs l'ingestion massive d'al-cool : hypoglycmie, favorise par le jene, la dnutri-tion et l'alcool, et qui freine la noglucogense hpa-tique ; acidose alcoolique lie l'accumulation de corpsctoniques chez l'alcoolique chronique en priode dejene ; hyponatrmie chez les grands buveurs de bire.Enfin, il faut toujours rechercher lexistence de patholo-gies associes, plus frquentes chez l'alcoolique, commeun hmatome sous-dural ou extradural, dautant que lachute nest pas toujours rapporte.

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    Systme nerveuxq atrophie crbrale corticaleq mylopathieq traumatismes crniensq accident vasculaire crbralq crises convulsives gnralisesq dmenceq apne nocturne

    Cancers des voies arodigestives suprieuresq boucheq pharynxq larynxq sophage

    Anomalies biologiques

    q hyperuricmieq hypertriglycridmieq hyperglycmieq thrombopnieq temps de saignement allong

    Traumatismes divers lis des accidentsq de la voie publiqueq du travailq domestiques

    Autres

    q pancratite aiguq gastrite hmorragiqueq bribri cardiaqueq troubles du rythmeq hypertension artrielle

    Daprs Rueff B. Maladies lies la consommation dalcool.Paris : Flammarion 1999 : 2414-21. .

    Maladies somatiques dont ltiologie alcoolique

    doit tre envisage

    TABLEAU III

  • Le mode de survenue est le plus souvent progressif,marqu sur plusieurs jours par lassociation de troublesoculomoteurs, de troubles psychiques et dune ataxiecrbelleuse. Les tableaux dinstallation plus aigu sonttoujours conscutifs une administration parentrale deglucides. Les signes oculomoteurs, les plus vocateurs, sontcependant les moins constants. Il sagit dune paralysiedun ou des deux VIes nerfs crniens (moteur oculaireexterne ou abducens), plus rarement une ophtalmoplgiecomplexe respectant en gnral le composant intrin-sque (absence de myosis ou mydriase), associe unnystagmus, volontiers multidirectionnel. Cette sympto-matologie est fluctuante. Le fond dil est normal. Les troubles psychiques, quasi constants, se traduisentle plus souvent par un tat confusionnel. Dans certainscas, une agitation avec hallucinations zoopsiques faitenvisager, tort, un delirium tremens. Un tat stuporeuxou un coma sont rares cette phase. Des troubles de lammoire de fixation sont prsents, mais dapprciationdifficile compte tenu de la confusion. Latteinte crbelleuse, frquente, se limite uneataxie statique, parfois svre rendant la station deboutimpossible et pouvant laisser dimportantes squelles.La plupart du temps il existe une augmentation du poly-gone de sustentation perturbant la locomotion, la dys-mtrie et la dysarthrie tant plus rares. Enfin, dautressignes neurologiques ont t dcrits : hypertonie axialeou oppositionnelle aux membres ; troubles vgtatifs type de tachycardie, de sudation et dhypotension ; ano-malies de rponse des rflexes cutans plantaires.Le traitement de lencphalopathie de Gayet-Wernickeconstitue une urgence mdicale. Il ne faut pas retarder,dans le doute, le traitement vitaminique, ce qui fait queles arguments biologiques du diagnostic sont rarementdemands (hyperpyruvicmie non spcifique, rductiondes taux sriques de vitamine B1 et de lactivit trans-ctolasique des hmaties). Ce traitement repose sur ladministration intraveineuse de thiamine (Bnerva,500 mg/j) afin de restaurer les stocks de vitamine B1.Lalimentation normale nen apporte que 1 5 mg/jlorsque les rserves sont normales. Sil ny a pas deconsensus sur la dure du traitement parentral, celui-ciest maintenu jusqu rgression des troubles. En gn-ral, les troubles oculomoteurs samendent rapidement,en quelques jours, alors que lataxie et les troubles psy-chiques rgressent plus lentement. Cette thrapeutiqueurgente a aussi pour but dviter lapparition dun syn-drome de Korsakoff. Il faut rappeler la ncessit dasso-cier chez lalcoolique un apport de thiamine par voieveineuse toute administration parentrale de glucose.

    Syndrome de Korsakoff

    Constituant la squelle dune encphalopathie carentiel-le de Gayet-Wernicke dans la plupart des cas, les lsionssont de mme nature mais prdominant sur les tuber-cules mamillaires, le diencphale et les noyaux dorso-

    mdians du thalamus, de faon bilatrale et symtrique.Il en rsulte un dysfonctionnement du circuit hippocam-po-mamillo-thalamique, probablement responsable destroubles de mmoire. Le syndrome amnsique est llment symptomatiqueprdominant. Il comprend toujours, bien qu des degrsvariables, une amnsie antrograde et une amnsiertrograde. Lamnsie antrograde est caractrise parlimpossibilit de retenir des informations nouvellesentranant une incapacit plus ou moins totale apprendre. Fait essentiel, les sujets atteints sont inca-pables de se rappeler ou de reconnatre des informationsqui leur ont t proposes telles quune srie de mots oudobjets, aprs un dlai de 1 ou 2 min pendant lesquellesils sont distraits par une autre tche. Les informationsacquises avant linstallation des troubles de la mmoiresont galement altres. Ce trouble de mmoire rtro-grade altre les capacits dvocation du pass, surtoutlorsquon se rapproche de la priode actuelle. Ces troubles respectent les possibilits dacquisition detches motrices et lensemble des oprations mentaleslorsquelles ne font pas appel la mmoire. Les faussesreconnaissances ou confabulations sont galementcaractristiques mais inconstantes : les patients identi-fient des inconnus et leur attribuent des fonctions ou desnoms imaginaires, qui sont souvent induits par les ques-tions de lexaminateur. Il existe enfin une anosognosiedes troubles. Malgr la correction du dficit en thiamine, le pronosticest sombre puisque moins de 20 % des sujets vont rcu-prer. Limportance des troubles conduit le plus souvent une hospitalisation dfinitive en milieu institutionnel.

    Maladie de Marchiafava-Bignami

    Elle est lie une dmylinisation, avec ou sans ncrose,intressant la partie centrale du corps calleux et la com-missure antrieure, pouvant stendre la substanceblanche du centre ovale. Complication rare de lalcoolismechronique svre, son mcanisme reste inconnu.Le dbut peut tre aigu et comporter des troubles devigilance avec coma, un syndrome confusionnel, unehypertonie, un mutisme akintique, une dysarthrie, destroubles de la marche et de la statique pouvant aller jus-qu une vritable astasie-abasie, des crises dpilepsie.Le tableau peut tre plus progressif, de type dmentielavec la prsence de signes de dysconnexion interhmi-sphrique, comme une apraxie unilatrale, une anomietactile, une pseudo-extinction sensitive ou une dyscon-nexion auditive (pseudo-hmiacousie gauche). Ces l-ments sont toutefois inconstants et variables, et leurrecherche est difficile. Le diagnostic repose sur limage-rie par rsonance magntique (IRM) encphalique quimontre les lsions calleuses, ncrose et dmylinisation,au mieux sur les coupes sagittales. Le pronostic est habituellement dfavorable en 3 4 ans, mais de rares amliorations cliniques et radio-logiques ont pu tre observes.

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  • depuis plusieurs annes mais sans rapport avec un sevra-ge ou un excs. Essentiellement masculine, lge moyende survenue est 40 ans et lintoxication est ancienne, leplus souvent suprieure 10 ans. Dans la majorit descas, les crises sont gnralises, tonicocloniques, surve-nant habituellement la nuit ou au petit matin. Leur fr-quence est rare, unique jusqu 1 2 crises par an en moyenne. Les tats de mal sont excep-tionnels. La recherche dune perturbation mtabolique associe,en particulier une hypoglycmie, doit tre systmatique,comme la pratique systmatique dun examen tomoden-sitomtrique encphalique, au dcours de la premirecrise, ou dune imagerie par rsonance magntique, encas de crises partielles, pour dceler une lsion associe,notamment une contusion crbrale ou un accident vas-culaire crbral. En labsence de lsion, llectroenc-phalogramme intercritique est normal ou retrouve uneactivit microvolte non spcifique.La prise en charge obit 3 schmas : le malade est un pileptique connu, explor et trait.Lalcool a aggrav lpilepsie, ce qui impose dobtenirlabstinence complte avant denvisager toute modifica-tion de traitement ; il ny a pas dantcdent pileptique, mais les crisessont survenues dans les suites immdiates dun sevrage(12 24 h). Cette situation, de loin la plus frquente, nejustifie pas linstauration dun traitement antipileptique ; il ny a ni antcdent pileptique, ni facteur dclen-chant des crises. Lintoxication alcoolique chroniquesemble seule en cause. Labstinence reste la rgle, etseule la persistance de crises malgr le sevrage doit fairediscuter un traitement antipileptique. Toutefois, lob-servance est souvent mdiocre avec un risque accrudtat de mal lors de larrt du mdicament. De plus,lalcool modifie le mtabolisme des antipileptiques enraccourcissant leur demi-vie.

    Risques de survenue daccident vasculaire crbral

    La relation entre la consommation dalcool et la surve-nue dun accident vasculaire crbral (AVC) ischmiquesuivrait une courbe en forme de J. On observe un effetprotecteur pour une consommation journalire mod-re de 1 2 verres usuels, soit 12 24 g dalcool, puisune augmentation du risque au-del de cette dose quoti-dienne. Outre cet effet dltre indpendant, lintoxica-tion alcoolique chronique favorise le dveloppementdune hypertension artrielle, dune cardiomyopathie etexerce un effet procoagulant. Une augmentation linairedu risque daccident vasculaire crbral (AVC) hmor-ragique en fonction de la quantit dalcool consommeest plus clairement tablie, et ce indpendamment dunehypertension artrielle ou danomalies de la coagulationventuellement associes. Limprgnation alcooliqueaigu serait galement implique dans la gense dacci-dents vasculaires crbraux ischmiques ou hmorra-giques, en particulier chez le sujet jeune, par le biais de

    Mylinolyse centropontine

    Complication non spcifique de lalcoolisme, pouvantapparatre dans les cas de dnutrition, cancer, hmopa-thie, insuffisance hpatique ou rnale, elle correspond la prsence de plages de dmylinisation du pied de laprotubrance, plus ou moins tendues en hauteur et enlargeur. Les oligodendrocytes sont rares, alors que lesaxones et corps cellulaires neuronaux semblent prser-vs. Sa physiopathognie est imparfaitement comprise,mme si lhyponatrmie svre (o 130 mmol/L) est unfacteur dterminant, soit par le biais dun dme cr-bral, soit par une correction trop rapide. Il est possibleque dautres facteurs soient mis en cause : carence envitamine B1 et anoxie crbrale.Sil peut exister des formes asymptomatiques, le tableauclinique est habituellement domin par un syndromepseudo-bulbaire avec dysarthrie, rires et pleurs spasmo-diques, troubles du contrle sphinctrien, pouvant aboutir un vritable tableau de mutisme akintique dune part etune atteinte des voies corticospinales bilatrales se tradui-sant par un syndrome ttrapyramidal dautre part.Linstallation est rapide, sur quelques jours. Le scannercrbral et surtout limagerie par rsonance magntiqueencphalique mettent en vidence une lsion hypodense,centropontine ne prenant pas le produit de contraste.Lvolution est le plus souvent fatale en quelquessemaines malgr la vitaminothrapie et la rquilibra-tion hydrolectrolytique prudente. Il faut rappeler que laprvention de la mylinolyse centropontine repose surune correction progressive des hyponatrmies svres. Ilconvient de ne pas dpasser 12 mmol/L les 24 premiresheures et 20 mmol/L les 48 premires heures.

    Dmence alcoolique

    Ce concept a t propos pour rendre compte dune dt-rioration intellectuelle globale, sans caractres prcis, sur-venant au cours dintoxication alcoolique chronique pro-longe. Bien quil ny ait pas de parfaite corrlation aveclatrophie crbrale, qui peut manquer ou exister endehors de tout trouble cognitif, il est admis que lalcoolentrane une dgradation intellectuelle intressant les ver-sants mnsique et frontal. Ceux-ci concernent essentielle-ment la mmoire pisodique et les fonctions excutivescomme llaboration de concepts ou de stratgies en rap-port avec un dysfonctionnement frontal. Cette dtriora-tion intellectuelle serait proportionnelle la quantit dal-cool ingre. Elle peut rgresser avec larrt des boissonsalcoolises, mais aussi voluer vers une vritable dmence.Les facteurs tiologiques sont certainement multiples :toxicit de lalcool, dnutrition, carence vitaminique,mais aussi facteurs traumatiques et vasculaires.

    pilepsie alcoolique

    On considre quenviron un quart des pilepsies tardivesde ladulte sont dues lalcool. Lpilepsie alcooliquetouche des sujets sans antcdents pileptiques, buveurs

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  • troubles du rythme cardiaque, notamment dans les paysanglo-saxons et du Nord de lEurope. Le rle de lalcooldans la survenue dhmorragies sous-arachnodiennesreste controvers. La rupture dun anvrisme serait favo-rise par les traumatismes ou une manuvre de Valsalvacomme les vomissements.

    Polyneuropathie alcoolique

    Lalcool est, aprs le diabte, la deuxime cause depolyneuropathie dans les pays industrialiss. Elle affec-terait plus de 10 % des alcooliques chroniques, mais ilfaut souligner la frquence des formes asymptoma-tiques. Elle est habituellement secondaire une carenceen thiamine, avec ou sans carence en folates associe,mais aussi la toxicit directe de lalcool. Elle toucheles fibres motrices, sensitives et vgtatives.La polyneuropathie chronique sinstalle de faon insi-dieuse et lentement progressive. Elle prdomine auxmembres infrieurs, de manire distale et symtrique,alors que les membres suprieurs ne sont atteints queplus tardivement. Elle se traduit au dbut par des pares-thsies type de fourmillements, des crampes nocturnesdes mollets, une faiblesse motrice sexprimant par unefatigabilit anormale la marche. Aprs un certaintemps dvolution, le patient se plaint de douleurs entau et surtout de brlures avec paroxysmes en clair,voire une hyperpathie douloureuse diffuse, surtout noc-turne. Des troubles cutans (dpilation, anhidrose,ongles cassants) sont frquemment associs. Lexamen clinique met en vidence une hypoesthsie,symtrique en chaussettes , concernant de faonvariable les diffrentes sensibilits, mais moins marquepour la sensibilit proprioceptive. Il rvle une arflexieachillenne, une amyotrophie et un dficit moteur prdo-minants sur les muscles de la loge antro-externe de jambe.Les anomalies lectromyographiques sont trs prcoces,traduisant lexistence dune atteinte sensitivo-motriceaxonale. Celle-ci sexprime avant tout par une chute delamplitude des potentiels daction sensitifs, intressantlextrmit distale des deux membres infrieurs, puisune diminution nette de lamplitude des rponsesmotrices, toutes deux proportionnelles la perte axonale.Les potentiels enregistrs laiguille sont polypha-siques. Latteinte mylinique (rduction des vitesses deconduction motrice et sensitive, augmentation deslatences des ondes tardives ou ondes F) est plus discrte.Le liquide cphalo-rachidien nest habituellement pastudi si le contexte clinique et les donnes lectromyo-graphiques sont compatibles avec le diagnostic. Il pour-rait montrer une discrte hyperprotinorachie.Le traitement associe ladministration parentrale de vita-mines, un rgime riche en protines, voire en cas de dou-leurs importantes lutilisation de tricycliques. Celui-ci,associ larrt de lintoxication permet une rcupra-tion clinique et lectrophysiologique, stendant parfoissur plusieurs mois.Dautres formes cliniques ont t dcrites. Une polyneu-ropathie aigu, responsable dune paraparsie flasque

    amyotrophiante, de troubles sensitifs intressant toutesles modalits et dune arflexie rapidement ascendanteen 24 h, peut exceptionnellement sobserver chez lal-coolique dnutri, volontiers la suite dun tat infec-tieux. Une forme ulcro-mutilante comportant un dficitthermo-algique svre, des maux perforants plantairesavec ostolyse, arthropathies, a t individualise sousle nom de ses premiers auteurs, Bureau et Barrire.Enfin ct de certaines formes purement motrices, ilconvient de signaler des formes vgtatives, rarementisoles, et comportant des troubles de sudation, unehypotension orthostatique, une impuissance, destroubles trophiques et digestifs, dont le pronostic estplus rserv, notamment lorsque sont associs destroubles du rythme cardiaque.

    Myopathie alcoolique

    Latteinte des muscles squelettiques, si elle parat assezfrquente, reste le plus souvent asymptomatique. Elle setraduit par un dficit proximal prdominant aux deuxmembres infrieurs et altrant la marche. Le diagnosticest pos par les tracs lectromyographiques (potentielspolyphasiques de faible amplitude, exagration de larichesse du trac) volontiers associs des stigmates depolyneuropathie, alors que les enzymes musculaires sontsouvent normaux. La biopsie musculaire retrouve desperturbations discrtes du calibre des fibres de type II. La myopathie aigu est une affection rare, survenantsurtout en cas dingestions massives dalcool. Letableau clinique comporte des myalgies et un dficitmoteur affectant les ceintures. Les muscles sont tendus,dmatis et douloureux la palpation. Les taux decratine-phosphokinase sont trs levs et il existe unemyoglobinurie avec un risque de ncrose tubulaireaigu. La biopsie de muscle montre une atteinte desfibres de type I avec ncrose et infiltrats inflammatoires. Il faut toujours rechercher une hypokalimie et une car-diomyopathie associes. Dans les deux cas, formeschronique et aigu, le traitement associe une vitamino-thrapie, un rgime riche en protines et la correctiondes troubles lectrolytiques.

    Dgnrescence crbelleuse alcoolique

    La dgnrescence crbelleuse alcoolique serait sur-tout lie une carence en thiamine plus qu une toxici-t directe de lalcool. Elle se manifeste par un syndromecrbelleux statique daggravation lente, caractris parune ataxie avec largissement du polygone de sustenta-tion et instabilit. Les signes crbelleux cintiques sontpar contre discrets voire absents. Le scanner crbral etlimagerie par rsonance magntique encphaliqueretrouvent une atrophie crbelleuse prdominancevermienne. Celle-ci peut rgresser avec larrt de lal-cool et la supplmentation vitaminique, mais le plussouvent les symptmes restent stables, notamment dansles suites dune encphalopathie de Gayet-Wernicke.

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  • pathie mtabolique. Lhyperammonimie est constante,habituellement suprieure 200 g/dL. Son taux estassez bien corrl la svrit du tableau neurologiqueet aux anomalies lectroencphalographiques.Lvolution de lencphalopathie hpatique est variable.Elle est souvent fatale en quelques jours ou semaines.Ailleurs, les signes vont rgresser compltement ou par-tiellement puis fluctuer sur une priode de plusieurssemaines ou mois. Dans certains cas, les troubles delhumeur et de la personnalit, les troubles intellectuelsse prolongent sur plusieurs annes conduisant un syn-drome dmentiel modr associ des anomalies de laposture et du mouvement (dysarthrie, ataxie, choro-athtose, dyskinsies bucco-faciales).Le traitement de lencphalopathie hpatique est bas surla vidange et la dsinfection intestinale (lactulose et no-mycine), administr par sonde nasogastrique ou lavementen cas de coma. La posologie du lactulose (Duphalac) estde 6 10 sachets/j, ou dans le cas de lavement, 20 sachetsdilus dans 1 L deau garder 20 60 min et renouvelersi ncessaire 12 h aprs. Le traitement de relais comporte1 2 sachets 3 fois/j par voie orale. Un rgime pauvre enprotines sera associ. Un ventuel facteur favorisantinfectieux doit tre corrig. n

    Neuropathie optique

    Elle est lie une atteinte du nerf optique dorigine caren-tielle conscutive une carence en vitamines du groupe B(B1, mais aussi B2, B6 et B12). Elle se traduit par unebaisse de lacuit visuelle dinstallation progressive surquelques jours ou semaines. Une baisse de lacuitvisuelle, une dyschromatopsie au vert et au rouge consti-tuent les premiers signes, puis apparat un scotome cen-tral plus tardif. Le fond dil peut montrer une pleur enrapport avec une atrophie papillaire. Les anomalies sontbilatrales mais souvent asymtriques, ce qui est confir-m par les tudes des potentiels voqus visuels montrantun allongement de londe P100. Sans traitement, elle volue vers une ccit dfinitive, alors que sous vitamineset rgime adapt, sous-tendant labstinence, elle rgressele plus souvent, quoique imparfaitement.

    Encphalopathie hpatique

    Linsuffisance hpatique chronique peut se compliquerdpisodes dencphalopathie hpatique. On estimequenviron 15 % des alcooliques cirrhotiques prsententcette complication. Elle est favorise par la prise desdatifs, un rgime inadapt en protines, une hmorragiedigestive, une infection ou un trouble mtabolique. Ellersulte de la prsence dans le systme nerveux central deproduits toxiques qui ne sont plus mtaboliss par lefoie. Lammoniaque doit tre considr comme le stig-mate de latteinte hpatique et non pas comme le produitresponsable. On a mis en cause des acides amins aroma-tiques comme la phnylalanine dont lexcs perturberaitla synthse des monoamines.Elle se manifeste essentiellement par des troubles de lavigilance et du comportement. Les troubles de lhumeursont prcoces (anxit, irritabilit, tat dpressif) avecperturbation du sommeil. Il existe par la suite une confu-sion associe une hyperactivit motrice ou au contraireune apathie. Progressivement, elle volue vers une som-nolence puis une stupeur et enfin un coma. Lastrixis ouflapping tremor apparat frquemment au stade confu-sionnel. Il est le signe le plus caractristique de lencpha-lopathie hpatique bien que non spcifique puisquil peuttre retrouv dans dautres encphalopathies mtabo-liques. Il se traduit par des contractions musculaires inter-mittentes, brusques et irrgulires, visibles lorsque lepatient tend les bras avec les mains en extension et lesdoigts carts. Il est compos de mouvements de flexion-extension des poignets et flexion-latralisation des doigts,qui disparaissent lors des gestes volontaires. Dautressignes neurologiques peuvent tre nots comme une rigidit extrapyramidale fluctuante, une exagration desrflexes ostotendineux avec un signe de Babinski, ungrasping, des crises dpilepsie gnralises. Au stadeultime apparaissent des signes focaux et une attitude dedcrbration ou de dcortication.Llectroencphalogramme est prcocement perturb.Les ondes lentes bi- ou triphasiques, paroxystiques puispermanentes, sont trs vocatrices dune encphalo-

    Mdecine lgale - Toxicologie

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    La plupart des pathologies neurologiques lies lalcoolisme chronique, et le plus souventconscutives une carence nutritionnelle (polyneuropathies ou neuropathies optiques),sont rapidement corriges par la supplmentationvitaminique.

    Parmi celles-ci, lencphalopathie de Gayet-Wernicke reprsente une urgence diagnostiqueet thrapeutique pour viter lvolution vers un syndrome de Korsakoff irrversible.

    Dautres, de mcanisme physiopathogniqueincertain, dgnrescence crbelleuse,mylinolyse centropontine, maladie deMarchiafava-Bignami, myopathie alcoolique ou dmence alcoolique, prsentent une volutionmoins favorable.

    Points Forts retenir

    Cesaro P. Complications nerveuses de lalcoolisme. In : Autret A,Serratrice G (eds). Neurologie, Ellipses AUPELF/UREF, 1996 : 569-79.

    Guignon N. Les consommations dalcool, de tabac et de psycho-tropes en France en 1991-1992. Solidarit Sant, 1991 ; 1 : 171-85.

    Loiseau P, Jallon P. Lpilepsie alcoolique. In : Loiseau P, Jallon P(eds). Les pilepsies (3e ed). Paris : Masson, 1979 : 161-4.

    Rueff B. Maladies lies la consommation dalcool. In Godeau,Herson, Piette (eds). Paris : Flammarion, 1999 ; 2414-21.

    Vuadens P, Bogousslavsky J. Complications neurologiques lies

    POUR EN SAVOIR PLUS

  • Mdecine lgale ToxicologieB 391

    1823L A R E V U E D U P R A T I C I E N 2 0 0 0 , 5 0

    Modalits de rdaction

    1. Conditions de fond (art. 76 du code de dontologie)Elles sont trs importantes. Certains lments sont vidents, mais parfois oublisdans le certificat : identit du patient (si le sujet nest pasconnu du mdecin, et sil na pas de pice didentit, ilfaut utiliser des formules de prudence : dclarant senommer , et indiquer que le sujet na pas prsent depice didentit) ; identit du mdecin ; date exacte delexamen (ne pas antidater ou postdater) ; signature dumdecin. Lexamen clinique est obligatoire avant toute dli-vrance de certificat. Il est indispensable de constaterpersonnellement les faits avant de les retranscrire sur uncertificat et den tirer une conclusion. La dlivrancedun certificat sans avoir procd lexamen pralabledu patient est proscrire absolument. Les allgations et les constatations doivent tre distingues. Les allgations sont recueillies par linter-rogatoire du patient. Elles concernent aussi bien lesantcdents que les faits dcrits par le sujet (par exemplelors dune agression), et les dolances (les symptmesressentis). Elles sont retranscrites en utilisant le condi-tionnel, et des formules comme daprs les dclara-tions du patient , daprs ses dires , etc.Les constatations sont des faits objectifs recueillis lorsde lexamen du sujet. Elles peuvent tre aussi bien positives que ngatives. Elles doivent tre exhaustives,scrupuleuses et prcises. Bien videmment la rdactiondoit retranscrire avec exactitude les allgationsrecueillies (description sans omission ni dnaturation),et les constatations objectives effectues. Le diagnostic ne doit pas tre indiqu sur un certificatmdical. Celui-ci pourra en effet passer ultrieurementpar de nombreuses mains non mdicales. Il faut doncrespecter (sauf certains cas particuliers) ce principedontologique, en expliquant les difficults potentiellesau patient. Le risque est de nuire aux intrts de ce dernier, ce qui est contraire la dontologie mdicale.2. Conditions de formeLa rdaction seffectue sur papier libre, ordonnanceavec identification, formulaires primprims. La lisibilitest un lment important, pas toujours respect.Lillisibilit de certaines parties du certificat peut nuireau patient, et engager la responsabilit du rdacteur.

    Caractres gnraux

    Rdaction dun certificat mdical

    Tout mdecin peut rdiger un certificat. Pour les certifi-cats de dcs, il faut obligatoirement que le mdecin soitths. Dans certains cas, il doit tre spcialement qualifi(mdecin agr par exemple).1. Rdaction obligatoireChaque fois que leur rdaction est prvue par un texte ;nous citerons entre autres les certificats de naissance,dcs, certificats prnuptiaux, lors dinterruption volon-taire de grossesse (IVG) ; les certificats dfinis par lalgislation sociale : accident du travail, maladie profes-sionnelle ; en psychiatrie (hospitalisation la demandedun tiers, hospitalisation doffice) ; incapables majeurs ;lors des vaccinations et des maladies contagieuses.

    2. Rdaction facultativeElle concerne les autres cas. Le mdecin doit faciliterlobtention par le patient des avantages sociaux auxquelsson tat lui donne droit (art. 50 du code de dontologie).Le mdecin peut refuser de dlivrer un certificat mdical,selon sa libre apprciation. Sil refuse, il doit en informerle patient et lui en expliquer les raisons. Il existe en effetdes demandes abusives, et le mdecin doit toujours tenterdexpliciter les objectifs du certificat demand par lepatient, de juger de sa ncessit, den comprendre saporte, avant den dbuter la rdaction. Il ne doit enaucun cas rdiger un rapport tendancieux ou un certificatde complaisance (art. 28 du code de dontologie).

    CertificatsCertificats de dcs, certificat de coups et blessures ;rdaction et consquences. La rquisition

    PR Grald QUATREHOMMELaboratoire de mdecine lgale et anthropologie mdico-lgale, facult de mdecine, 06107 Nice Cedex 2.

    Il est difficile de dfinir un certificat mdical.Nous retiendrons quil sagit dactes officieux,rdigs par un mdecin, sans prestation de serment, sur la demande dun particulier,et destins constater ou interprter des faits dordre mdical.

    Cette attestation rdige par un mdecin permetdtablir des constatations positives et ngatives concernant la sant du sujet examin, de nature influencer directement ou indirectement les intrts du sujet.

    Points Forts comprendre

  • Le style est clair, simple, prcis. La rdaction est enfranais (art. 76 du code de dontologie).3. Modle type de certificatIl comporte lidentit du mdecin, lidentit du patient,les allgations : antcdents, description des faits,dolances ; les constatations objectives lors de lexamen,les examens complmentaires ventuels, la discussion,les conclusions, la date, la signature, la formule : certificat tabli la demande de lintress et remis enmains propres .

    Destinataire du certificat mdical

    Le certificat doit tre tabli la demande de lintresset remis en mains propres . Cette phrase sera indiqueen conclusion du certificat mdical. La remise du certifi-cat directement au patient, en mains propres, est unimpratif absolu pour prserver le secret professionnel(art. 226-13 du code pnal). Il ne faut jamais remettre uncertificat un avocat, la police ou la gendarmerie (endehors des rapports de rquisition), la justice (endehors des rapports de rquisition ou dexpertise). Il fautviter de remettre le certificat au conjoint (ou alors bienconnatre la situation familiale) : en effet, la remise auconjoint est galement une rupture du secret professionnel.Il existe des drogations lgales la remise dun certificat lintress en mains propres : accidents du travail,maladies professionnelles, mineur ou incapable majeur,pensionns militaires et civils, certificat de naissance,certificat de dcs, psychiatrie (hospitalisation lademande dun tiers, hospitalisation doffice). Parfois le sujet est dans limpossibilit de recevoir lecertificat, par exemple en cas de coma. Le certificat seraremis la famille proche ou la personne qui soccupedes intrts du patient.

    Consquences mdico-lgales

    1. Pour le patient En matire civile, le certificat mdical initial est fon-damental pour tablir objectivement les lsions subiespar le patient. La victime doit en effet apporter la preuvede son dommage et le lien de causalit entre la faute et ledommage. Le certificat mdical initial, qui correspond la premire constatation mdicale la suite des faitsallgus, doit tre rdig avec le plus grand soin, dcri-vant avec exhaustivit les allgations, les constatationspositives et ngatives. En lgislation sociale, bien quil existe une prsomp-tion dimputabilit, le certificat mdical initial est gale-ment fondamental.

    2. Pour le mdecinLa rdaction dun certificat mdical est toujours suscep-tible dengager la responsabilit du mdecin rdacteur.La responsabilit est de 3 types : pnale : rupture du secret professionnel (art. 226-13

    du code pnal) ; faux certificats ;

    civile : en cas de dommages conscutifs une infractionpnale ou un manquement dontologique, ou lardaction incorrecte, incomplte ou illisible dun cer-tificat ;

    dontologique : dlivrance dun rapport tendancieuxou dun certificat de complaisance (art. 28 du code dedontologie) ; interdiction de nuire son patient ;secret professionnel (art. 4, 73, 104 du code de donto-logie).

    3. Pour un tiersEn matire pnale, le certificat de coups et blessuresvolontaires et involontaires sert orienter le tribunalcomptent, par la fixation de lincapacit temporairetotale au sens du code pnal. Le certificat concerne doncle responsable suppos des faits, plutt que la victime.

    Certificat de coups et blessures

    Gnralits

    Il faut distinguer les coups et blessures volontaires(agression) et les coups et blessures involontaires (accident).Il peut tre impossible de diffrencier ces 2 lments.Par exemple, un patient mordu par un chien dclare quecelui-ci a t envoy volontairement par son matre.Mais celui-ci dclare que le chien lui a chapp, et quela morsure est donc accidentelle. Dans ces circonstancesconfuses, il ne faut pas se prononcer dans le certificatsur le caractre volontaire ou involontaire des blessures(qui sera tabli par lenqute et la justice).Les caractres gnraux des certificats sappliquent particulirement au certificat de coups et blessures.Nous insistons sur le respect des conditions de fond etde forme, en particulier sur lexhaustivit, le caractreplutt prcis que concis des descriptions. La distinctionentre les allgations (le mdecin na pas t tmoin desfaits, il faut donc tre trs prudent dans la retranscrip-tion) et les constatations objectives est fondamentale.La notion dun traumatisme crnien ou rachidien doittre indique. La description prcise des lsions (nature,couleur, topographie, dimensions) doit tre effectuesur lensemble des segments corporels. Une descriptionincomplte ou approximative est source dimportantesdifficults mdico-lgales ultrieures. Les topographiessont prcises par rapport des repres fixes.

    Consquences mdico-lgales

    1. Incapacit temporaire totaleLe mdecin doit fixer lincapacit temporaire totale(ITT) au sens du code pnal, qui oriente le tribunal com-ptent. En cas de coups et blessures volontaires (agressions) :si lincapacit temporaire totale est strictement sup-rieure 8 j, il sagit dun dlit qui relve du tribunal

    C E R T I F I C A T S

    1824 L A R E V U E D U P R A T I C I E N 2 0 0 0 , 5 0

  • Dans cette circonstance il existe un diagnostic diff-rentiel important : la mort apparente, susceptible dtrerversible avec les moyens appropris de la ranimation(la mort nest donc pas constante). Cette circonstanceest rencontre dans des cas varis : arrt cardiaque brutal, hydrocution, lectrocution, etc. Mais aprsquelques minutes, la destruction neuronale est irr-versible, et la mort apparente devient une mort relle etconstante.

    3. Mort crbraleIl sagit dune circonstance trs particulire. Le sujet esten ranimation, son cur bat, et le dcs est affirmlorsquon observe une destruction crbrale irrversible.Le diagnostic repose sur la conjonction de signes cliniqueset paracliniques. Outre lanalyse des circonstances de lamaladie ou de laccident ayant conduit ltat actuelobserv, labolition de toute ventilation (ncessit duneventilation mcanique) et de tout signe neurologique(abolition de tout rflexe) est ncessaire pour voquer la mort crbrale. Les examens complmentaires sont reprsents parllectroencphalogramme (trac iso-lectrique, avec descontraintes techniques), et lartriographie bicarotidienne(frquemment employe avant une greffe, pour certesvrifier linterruption de la circulation crbrale, doncposer le diagnostic de mort crbrale en toute scurit,mais aussi apprcier la perfusion correcte des organesqui seront prlevs).Le diagnostic de mort crbrale ne peut tre pos en certaines circonstances : hypothermie (il faut doncattendre la normothermie du sujet), et intoxication parles psychotropes (il faut attendre llimination des pro-duits toxiques). Il faut tre particulirement prudentchez les enfants.Le diagnostic de mort crbrale tant pos, le constat dela mort est rdig par 2 mdecins, dont lun est chef deservice. Les mdecins qui constatent le dcs ne peuventtre les mmes que ceux qui pratiquent les prlvementset la greffe. Il faut sassurer de labsence doppositiondu sujet du temps de son vivant, qui contre-indiquerait leprlvement.

    4. Cas particuliersIls posent le problme du diagnostic diffrentiel dudcs. Certains apparaissent purement thoriques (sousrserve dun examen clinique srieux) : certains tatsneurologiques ou psychiatriques ; des troubles du rythmeou de conduction pouvant faire croire un arrt cardiaque,facilement limins par lexamen clinique ou llectro-cardiogramme ; certaines endocrinopathies avancescomme lhypothyrodie.En dehors de la mort apparente, dont nous avons parlplus haut, les seules difficults relles sont reprsentespar les dcs hypothermiques, o le sujet prsente toutesles apparences cliniques du dcs. Lhypothermie protgelencphale et peut permettre une rversibilit ventuelle.Il faut donc prendre des prcautions maximales dans cescirconstances.

    correctionnel ; si lincapacit temporaire totale est inf-rieure ou gale 8 j, il sagit dune contravention quirelve du tribunal de police. En cas de coups et blessures involontaires (acci-dents), la barrire juridique est plus ou moins de 3 mois. Lincapacit temporaire totale au sens du code pnalest dfinie par un handicap majeur dans les actes ordinaires et essentiels de la vie quotidienne. Dans lescas difficiles, le mdecin saide de la jurisprudence.Cette incapacit temporaire totale ne doit en aucunemanire tre confondue avec larrt de travail. Cela estbien dmontr par certains cas particuliers o la dissociation entre les 2 notions est remarquable (ITT ausens du code pnal trs courte, contrastant avec un arrtde travail particulirement long : par exemple le violo-niste de haut niveau, travaillant dans un orchestre, etprsentant une blessure dun doigt), et par le fait que lesenfants, les chmeurs, les retraits peuvent bnficierbien sr dune incapacit temporaire totale au sens ducode pnal.

    2. Survenue dun dcs, dune mutilationou dune infirmit permanenteDautres articles du code pnal concernent les coups etblessures volontaires ayant entran la mort sans lintentionde la donner, et les coups et blessures volontaires ayantentran une mutilation ou une infirmit permanente.

    3. Rparation de dommages (action civile)Les constatations mdicales effectues dans le cadre ducertificat de coups et blessures ont une grande importanceultrieure, en cas daction civile, pour la rparation desdommages causs et des squelles conscutives au trau-matisme. Il faut donc encore souligner limportancedune description exhaustive, car des lsions en appa-rence minimes initialement peuvent se rvler srieusesultrieurement.

    Certificat de dcsLes objectifs du certificat de dcs sont dtablir la ralit du dcs, cest--dire son caractre permanent :mort relle et constante ; dliminer tout problme mdico-lgal ; dautoriser ou non un certain nombre doprationsfunraires ; de participer aux statistiques sur les causesgnrales de dcs.

    Diagnostic positif et diffrentiel

    1. Dcs suffisamment ancien Il nexiste aucune ambigut car les signes positifs de lamort sont prsents (lividits, rigidit, refroidissement,signes oculaires, dshydratation).2. Dcs rcentSeuls les signes ngatifs de la vie sont prsents : abolitionde la ventilation, abolition de la circulation, et signesneurologiques (immobilit, abolition des rflexes, etc.).

    Mdecine lgale Toxicologie

    1825L A R E V U E D U P R A T I C I E N 2 0 0 0 , 5 0

  • Forme mdico-lgale de la mort

    Le dcs rpond 4 causes mdico-lgales : mort natu-relle, suicide, homicide, accident. La lgislation prvoitles morts violentes (art. 81 du code civil), et les mortssuspectes (art. 74 du code de procdure pnale). Dans ces2 circonstances, le procureur, le substitut, ou lofficier depolice judiciaire doit faire appel un mdecin pourclairer les circonstances du dcs.En pratique, il faut tre dune trs grande prudence. Endehors dhomicides vidents, la forme mdico-lgale dela mort peut tre trs difficile tablir initialement.Labsence de signes traumatiques externes nlimine nides traumatismes internes, ni une intoxication (qui pour-rait tre criminelle). La prsence de signes traumatiquesexternes peut se voir dans certains dcs naturels (malai-se et chute). Un homicide peut tre maquill en suicideou en accident. Un suicide peut tre maquill en acci-dent (fraude lassurance).

    Rdaction du certificat de dcs

    Il comporte 2 parties : la partie suprieure est destine ltat civil ; la partie infrieure au mdecin inspecteur dela DDASS (Direction dpartementale de laction sanitai-re et sociale).1. Items gnrauxLidentit du patient et du mdecin est indique, ainsique la commune du dcs. Le mdecin atteste que lamort est relle et constante. Il doit prciser la date etlheure du dcs. Le certificat doit tre dat, sign dundocteur en mdecine, et le cachet du mdecin obligatoi-rement appos.

    2. Problme mdico-lgalCompte tenu de ce qui a t dit plus haut, il ne faut pashsiter signaler un problme mdico-lgal rel ou suppos. Pour cela, 2 possibilits : soit ne pas signer lecertificat de dcs ; soit cocher la case obstacle mdi-co-lgal linhumation prvue dans limprim ceteffet. Ces 2 attitudes permettent le dclenchement judiciaire (procureur, rquisition dun mdecin lgiste,dcision ou non dune autopsie mdico-lgale par lemagistrat). Les accidents du travail, les maladies profes-sionnelles, les dcs conscutifs des blessures pour unpensionn de guerre suspendent galement les oprationsfunraires, et peuvent tre considrs comme des problmes mdico-lgaux. Si le sujet nest pas identifi,le mdecin ne doit pas signer le certificat de dcs, car ilsagit dun problme mdico-lgal. Les enquteurs et lemdecin lgiste mettent alors en uvre des techniquesdidentification.

    3. Oprations funraires Le mdecin peut autoriser ou interdire certaines oprationsfunraires selon les circonstances. Les items prvusdans limprim sont : obligation de mise en bire imm-diate ; obstacle au don du corps ; prlvement en vue de

    rechercher la cause du dcs ; prsence dune prothsefonctionnant au moyen dune pile, etc. Nous reviendronsplus loin sur les points les plus importants de la rgle-mentation funraire.

    4. Circonstances du dcsLa partie infrieure du certificat est anonyme et destineau mdecin inspecteur de la DDASS. Elle prcise le lieude dcs ( lhpital ou non), le lieu de laccident, lacause immdiate du dcs, la pathologie initiale lori-gine du dcs, les facteurs layant favoris. Une partiespciale est destine aux dcs survenus dans le cadredune maternit, aux dcs survenus dans le cadre dutravail. Enfin, il faut indiquer si une autopsie a eu lieu, etsi ses rsultats sont disponibles (indisponibles sil sagitdune autopsie mdico-lgale). Cette partie doit tregalement signe, et le cachet du mdecin appos.

    Certificat nonatal

    Il doit tre utilis pour le dcs de tout enfant n vivant,jusqu 27 jours inclus. Ce certificat spcifique est obligatoire depuis le 1er avril 1997. Il comporte des renseignements tiologiques (enfant et mre), et doitdcrire certaines caractristiques de lenfant, des parentset de laccouchement.

    Consquences

    1. Du point de vue mdico-lgal

    Si le mdecin dcide de ne pas signer le certificat dedcs, ou de cocher obstacle mdico-lgal linhuma-tion , le parquet procde la rquisition dun mdecin(en principe mdecin lgiste) pour tablir les causes etcirconstances du dcs. Toutes les oprations funrairessont alors suspendues. En fonction des donnes tech-niques transmises par le mdecin requis (rapport mdico-lgal de rquisition), et des donnes de lenqute, le procureur dcide ou non dune autopsie mdico-lgale.Il peut aussi dcider douvrir une information auprs dujuge dinstruction, et cest ce dernier qui ordonnera alors(ou non) une autopsie mdico-lgale. Le certificat dedcs est dlivr par le mdecin qui a pratiqu lexamenmdico-lgal ou lautopsie.Aprs autopsie mdico-lgale, le corps peut tre conservun certain temps en rfrigration ou conglation, lademande du magistrat, pour permettre des actes tech-niques mdico-lgaux ultrieurs. Il est possible, quandces actes sont termins, que le magistrat autorise linhu-mation, mais interdise la crmation. Tant que le sujetnest pas identifi, le corps ne doit pas tre inhum.

    2. Lgislation funraire Inhumation : le certificat de dcs est habituellementdlivr la famille, qui doit le remettre dans les 24 h lofficier dtat civil. Celui-ci donne lautorisation dinhumation (le permis dinhumer nest donc pasdlivr par le mdecin mais par lofficier dtat civil).

    C E R T I F I C A T S

    1826 L A R E V U E D U P R A T I C I E N 2 0 0 0 , 5 0

  • Les soins de conservation (arrt du 20 juillet 1998),soins de thanatopraxie (soins de conservation, embaume-ment) sont bien sr interdits en cas de maladie ncessitantune mise en bire immdiate. Ils sont galement interditsen cas de maladie de Creutzfeldt-Jakob, sepsis grave,infection par le virus de limmunodficience humaine(VIH), hpatite virale, rage ; cela nexcluant pas la pratiquedes autopsies scientifiques qui sont possibles dans de telscas. Ils sont interdits en cas de problme mdico-lgal. Les lments radioactifs doivent tre ts avant touteinhumation, et les piles tes avant toute incinration(risque dexplosion de lincinrateur). Mise en bire : le corps dune personne dcde doittre mis en bire avant son inhumation ou sa crmation.Il nest admis quun seul corps dans chaque cercueil(sauf plusieurs enfants mort-ns de la mme mre ; ouun ou plusieurs enfants mort-ns et leur mre galementdcde).

    Certificats post mortem

    Il ne sagit pas de certificats de dcs, mais de certificatsrclams par la famille ou les ayants droit, la suitedun dcs, et en gnral destins une compagnie das-surance. Le secret professionnel se poursuit aprs le dcs dupatient. Il nest donc pas possible dindiquer le diagnosticni la forme mdico-lgale de la mort sur le certificat. Ilest recommand de demander lintgralit du contratdassurances la famille, et dattester que la cause dudcs ne fait pas partie des exclusions contenues dans lecontrat no Il ne faut bien sr jamais tablir de fauxcertificats ou de certificats de complaisance.Quand la justice est intervenue, seul le magistrat peutdonner la famille des informations sur la cause dudcs, ou donner lautorisation au mdecin requis initialement pour lexamen mdico-lgal et (ou) lau-topsie mdico-lgale, de rvler ces informations lafamille.

    Rquisition

    La notion de rquisition est ancienne et prend une formevariable : individuelle ou collective, civile ou militaire,professionnelle ou non. En ce qui concerne le mdecin,il sagit dune rquisition professionnelle, le mdecinapportant ses connaissances techniques pour constater etinterprter des faits dordre clinique ou paraclinique. La rquisition doit tre distingue de lexpertise : lemdecin expert est commis (et non requis), par unmagistrat ; il sagit dune ordonnance de commissiondexpert. Habituellement, le mdecin expert est unmdecin inscrit sur une liste de la cour dappel, ou surune liste nationale de la Cour de cassation (expert natio-nal), mais ce nest pas toujours le cas. Lexpertise esthabituellement un acte non urgent, avec des dlais oscillant entre 1 mois et 3 mois ou plus, pour dposer lerapport dexpertise.

    Dans certains cas, un extrait aux fins dinhumation estdlivr par le parquet. Linhumation a lieu 24 h aumoins, et 6 j au plus, aprs le dcs en France ; 6 joursau plus aprs lentre du corps en France si le dcs alieu ltranger ou dans un territoire doutre-mer (on necompte pas les dimanches et jours fris). Mise en cercueil hermtique et immdiate : certainesmaladies contagieuses imposent la mise en cercueil hermtique (systme purateur de gaz), immdiatementaprs le dcs en cas de dcs domicile, et avant la sortie de ltablissement en cas de dcs dans un tablissement de sant (arrt du 20 juillet 1998) : ortho-poxviroses, charbon, cholra, fivres hmorragiquesvirales, peste. Ces dispositions ne font pas obstacle lapratique des autopsies vise scientifique, qui doiventrespecter les prcautions universelles qui simposentafin dviter toute contamination du personnel ou delenvironnement.Par contre, il nexiste plus de liste de maladies conta-gieuses obligeant la mise en cercueil simple et imm-diate (bien que cet item persiste sur limprim, qui datede 1996). Cependant lofficier dtat civil peut, sil y aurgence, notamment en cas de dcs survenu la suitedune maladie contagieuse ou pidmique, ou en cas dedcomposition rapide, prescrire, sur lavis du mdecinquil a commis, la mise en bire immdiate, aprs laconstatation officielle du dcs (art. R 363-19 du codedes communes). La mise en bire immdiate interdit ledon du corps, les soins de conservation, le transport ducorps avant mise en bire vers la rsidence du dfunt,ladmission avant mise en bire en chambre funraire. Transport de corps avant mise en bire : il est pos-sible dans un dlai de 18 h (transport achev) aprs ledcs (36 h en cas de soins de conservation). Il estimpossible sil existe un problme mdico-lgal.Certaines maladies contagieuses contre-indiquent letransport du corps. De mme, ltat du corps peutcontre-indiquer le transport. Prlvement en vue de rechercher la cause dudcs : ce prlvement est ralis la demande dumdecin qui constate le dcs. Il est impossible en casdobstacle mdico-lgal ou de maladie contagieuse. Ilpeut aussi tre ralis la demande du prfet (art. R363-20 du code des communes). Cela est diffrencierdes prlvements but scientifique ou thrapeutiquedun sujet hospitalis dcd, qui relvent des lois debiothique. Don du corps : le sujet doit tablir une dclarationcrite en entier de sa main, date et signe, du temps deson vivant, et reoit une carte de donateur quil sengage porter sur lui. Aprs le dcs, la dclaration est remise lofficier dtat civil. Le corps est transport dansltablissement dhospitalisation, denseignement ou derecherche dans les 24 h (48 si le dcs survient dans untablissement hospitalier disposant dquipements per-mettant la conservation des corps). Ultrieurement, cettablissement assure les frais dinhumation ou de cr-mation du corps. Le don du corps est impossible en casdobstacle mdico-lgal, ou de maladie contagieuse.

    Mdecine lgale Toxicologie

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  • Le mdecin requis et le mdecin expert sont dlis dusecret professionnel, dans le strict cadre de la missionimpartie. Ce qui les diffrencie du mdecin tmoin,voire mis en cause dans une affaire de responsabilitmdicale, o le rapport avec le secret professionnel estparticulirement dlicat.

    Obligation de dfrer

    Elle est contenue dans le code de la sant publique. Toutmdecin est tenu de dfrer une rquisition de lautoritpublique, qui est imprative, sous peine de sanctionspnales. Le refus de dfrer constitue en effet un dlit,sanctionnable en lui-mme, sans parler dautres dlitsventuels (non-assistance par exemple).Les limites sont trs rares et reprsentes par : le mdecin traitant, avec des nuances. En effet, le

    mdecin ne peut refuser de pratiquer une alcoolmie,mme sil est le mdecin traitant ; par ailleurs, en casdurgence et dimpossibilit de requrir rapidementun autre mdecin, il doit dfrer la rquisition (il devra informer lautorit requrante de son statutde mdecin traitant, et lindiquer ensuite par crit dansson rapport de rquisition) ;

    les liens ventuels avec le sujet examin : parent,amiti, lien professionnel. Si on connat le sujet il fauttoujours le signaler lautorit requrante ;

    les cas de force majeure : maladie, inaptitude phy-sique du mdecin ;

    la notion dune urgence mdicale concomitante, lessoins urgents un patient ne pouvant tre diffrs ;

    lincomptence technique avre dans le domaineconcern par la rquisition, situation a priori excep-tionnelle, puisque le diplme de docteur en mdecinedonne une comptence omnivalente, et quil sagit deconstatations ne pouvant tre diffres.

    Modalits

    1. Qui peut requrir ? Les autorits judiciaires : un magistrat, le plus sou-vent le procureur de la Rpublique ou ses substituts ; lejuge dinstruction laide dune commission rogatoire ;le prsident de la cour dassises, de par son pouvoir discrtionnaire. Trs souvent un officier de police judi-ciaire (police ou gendarmerie). Les autorits administratives : le prfet, et le maire(ce dernier tant la fois une autorit administrativedans la commune, et un officier de police judiciaire,pendant la dure de son mandat). Les autorits sanitaires : mdecin inspecteur de laDDASS ou DRASS (Direction rgionale de lactionsanitaire et sociale).2. Qui peut tre requis ?Tout mdecin peut tre requis. Il peut sagir selon lesmissions dun docteur en mdecine, dun mdecin rem-plaant ths ou non (rglementairement autoris

    effectuer ce remplacement), dun interne ou faisantfonction dinterne des hpitaux.

    3. Forme de la rquisitionElle est trs souvent orale au dbut, compte tenu de lurgence. Cela suffit la rendre excutoire. Elle doittoujours tre confirme ultrieurement par une missioncrite. Elle doit tre nominative. Elle doit toujours prciserstrictement la mission, qui doit tre une mission de tech-nique mdicale.

    Objet de la rquisition

    Il est trs variable.

    1. Sujet dcdEn cas de dcouverte de cadavre, le mdecin est requisdans le cadre dune mort violente (81 code civil), dunemort suspecte (74 code de procdure pnale), ou duneflagrance (60 code de procdure pnale), pour tablir lescauses et les circonstances du dcs. Il doit procder lexamen du corps et de son environnement matriel etpsychologique, estimer la date et lheure du dcs,conclure la forme mdico-lgale de la mort (mortnaturelle, suicide, homicide, accident). La tche estdonc trs difficile, lourde de consquences, et nous nesaurions trop recommander une extrme prudence.

    2. Sujet vivant Les missions les plus frquentes sont : les constats de coups et blessures avec fixation de

    lincapacit temporaire totale au sens du code pnal ; lexamen dune victime dagression sexuelle ; lexamen dun enfant victime de svices physiques,

    sexuels ou psychologiques ; lexamen dun sujet ncessitant une hospitalisation

    psychiatrique durgence ; lexamen dun sujet suspect de transport in corpore de

    stupfiants ; la dtermination de lge du sujet (en particulier la

    minorit ou non) ; les soins mdicaux durgence ; tout type de prlvements mdicaux. Deux missions particulirement frquentes mritentdtre soulignes : lexamen dun sujet suspect dun tat dimprgnation

    alcoolique, loccasion dun dlit routier, ou dunacte mdico-lgal (dlit ou crime). En ce qui concernelapplication du code de la route et du code des dbitsde boisson, il faut interroger et examiner le sujetconsciencieusement, consigner les rsultats sur lafiche B, et procder au prlvement sanguin selon lestermes stricts de la rglementation ;

    lexamen dun sujet en garde vue. La garde vuedure au maximum 48 h, sauf dans les affaires de stu-pfiants ou de terrorisme o elle peut durer 4 j. Lesmissions sont varies : simple examen mdical dunsujet prsentant une pathologie quelconque, examendun tat dimprgnation alcoolique, examen dun

    C E R T I F I C A T S

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  • de rester strictement dans le cadre de la mission impartie,car tout ce qui sort de cette mission est soumis au secretprofessionnel.

    Responsabilits du mdecin requis

    Elles sont multiples. Le secret professionnel : il en est dli, condition derester strictement dans le cadre de la mission impartie(art. 226-13 du code pnal ; art. 108 du code de donto-logie). Il ne peut y avoir de contrat de soins dans le cadredune rquisition, puisquil ny a pas de libre choix dumdecin par le patient. La dontologie : il faut tre particulirement vigilantdans son attitude, dans ses propos, notamment quand ilsagit dun sujet priv de libert (art. 10 du code dedontologie). Il existe une cotation des actes judiciaires qui fixe leshonoraires en rfrence aux tarifs conventionnels de laScurit sociale. Il sagit de frais de justice. Un imprimspcial doit tre annex par le mdecin requis au rapportde rquisition. n

    patient psychiatrique, examen dun toxicomane. Dansce dernier cas, il faut prciser lanciennet de la toxico-manie, son importance, la ralit de la toxicomanieactuelle (ce qui sans prlvement peut tre impossible ;mais les prlvements sont rarement demands parlautorit judiciaire dans ce cadre). Le point commundes examens en garde vue est de dterminer si ltatdu sujet est compatible avec la garde vue ou la pour-suite de la garde vue dans les locaux de police ou degendarmerie. Il faut tre particulirement vigilant carla responsabilit du mdecin pourrait tre engage.

    Obligations du mdecin requis

    Informer le patient du cadre juridique dans lequel lemdecin travaille et de la mission (art. 107 du code dedontologie). On attire en particulier lattention dupatient sur le fait que le mdecin est dli du secret pro-fessionnel dans le cadre de la mission impartie. Prter serment par crit (dans le rapport de rquisi-tion) : davoir personnellement procd aux oprationsprescrites ; de donner son avis en honneur et conscience. Accomplir cette mission trs consciencieusement : lemdecin requis doit tre objectif et prcis, et ne pas selaisser influencer par les circonstances. Il faut imprati-vement rester dans le cadre strict de la mission impartie,rpondre aux questions poses (et aucune autre). Seulsdes soins durgence peuvent sortir de la mission : ils doivent bien sr tre donns immdiatement par lemdecin si ncessaire. tablir un rapport de rquisition : le mdecin doitrpondre toute la mission, mais rien que la mission. Lerapport type comporte les lments suivants : identit dumdecin et du patient, date et heure de lexamen (lheurepeut avoir une trs grande importance et doit tre imprativement note ; il ne faut jamais antidater ou post-dater lheure), rappel de lautorit requrante, rappel dela mission impartie, serment (v. supra), allgations dusujet, constatations objectives, discussion, qui amne lesrponses claires et prcises aux questions poses,conclusions : rponse concise aux questions poses,signature du mdecin requis. Remettre le rapport lautorit requrante (le plussouvent le rapport est remis lofficier de police judi-ciaire). Il existe donc une drogation lgale et obligatoireau secret professionnel. Cependant il faut prendre garde

    Mdecine lgale Toxicologie

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    Le certificat mdical est donc un document destin faire preuve. Il doit tre diffrenci du rapport de rquisition ou dexpertise,qui est remis lautorit requrante ou commettante (drogation lgale au secretprofessionnel).

    Le certificat mdical ne doit en aucun cas tre banalis, car il engage en toute circonstancela responsabilit du mdecin qui ltablit.

    Tout mdecin peut tre requis par une autoritjudiciaire, administrative, ou sanitaire. Il sagit d'une injonction, faite au mdecin par les autorits, d'excuter telle mission mdico-lgale ou sanitaire. Il s'agit a priori de missions possdant un caractre d'urgence :il sagit de procder des constatations ou des examens techniques ou scientifiques qui ne peuvent tre diffrs.

    Points Forts retenir

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    toutes les cellules de lorganisme et constituent unapport indispensable en criminalistique.Le pouvoir de discrimination de ces analyses permetdidentifier de faon quasi certaine des traces biolo-giques. Elles ne donnent aucune indication quant auphnotype du sujet, son ge ou son appartenanceraciale.Pour tudier le polymorphisme de lADN, 2 techniquessont utilises : la premire consiste comparer la taillede fragments de restriction et la deuxime fait appel lamplification gnique ou PCR (polymerase chainraction). Actuellement, cette dernire technique est laplus employe (voir : Pour approfondir).

    MthodesLa mise en vidence de ce polymorphisme gntiquencessite lextraction de lADN partir du noyau ou desmitochondries des cellules prsentes dans les chan-tillons analyser. Aprs une lyse cellulaire, lADN estdtach des nucloprotines laide dun dtergentanionique (SDS pour sodium dodcyl sulfate, Sarkosyl)et une digestion protolytique des protines dnaturesest effectue. La purification de la molcule est ralisesoit par une extraction organique (phnol) puis prcipi-tation de lADN lalcool, soit par une extraction nonorganique au moyen de rsines qui adsorbent lADNpuis rcupration de la molcule.

    Analyse des fragments de restriction

    1. Obtention des fragments de restriction

    LADN est digr par des enzymes de restriction qui lesectionnent des endroits prcis appels sites de restric-tion. Il en rsulte une fragmentation de lADN qui estpropre chaque individu. Les fragments ainsi obtenussont spars par lectrophorse sur gel daragose ; ilsagit dun procd qui range les fragments en fonctionde leur taille laide dun gradient cr par un courantlectrique. Une fois les fragments spars les uns desautres, ils sont transfrs partir du gel sur une mem-brane nylon par capillarit (selon le procd dcrit parSouthern en 1975). Ils sont ensuite rvls laide desondes molculaires qui sont des squences nucloti-diques complmentaires des rgions analyser mar-ques soit radioactivement (phosphore 32) soit enzyma-

    Lidentification gntique, appele improprement empreintes gntiques par analogie aux empreintesdigitales, cherche diffrencier les individus par la miseen vidence de polymorphismes situs sur la molculedADN (acide dsoxyribonuclique). Il sagit du pro-grs majeur ralis en mdecine lgale durant cette der-nire dcennie. Les rgions polymorphes peuvent tresitues soit sur lADN non codant (squences rptitivesappeles micro- ou minisatellites en fonction de leurlongueur) soit sur lADN codant (formes multi-all-liques dun gne). Ces analyses effectues sur lADNnuclaire et mitochondrial sont ralises partir de

    Empreintes gntiquesMthodes, indications, aspects juridiques et thiques

    PR Bertrand LUDESInstitut de mdecine lgale, Strasbourg cedex.

    Les conditions de ralisation des empreintesgntiques en France sont prcises dans lesarticles de la loi n 94-653 du 29 juillet 1994.Les biologistes doivent tre titulairesdun agrment ministriel et sont soumis dans leur pratique un contrle de qualitadapt et voluant avec les techniques mises en place pour conserver cet agrment. Ces techniques ne peuvent tre ralisesquaprs consentement des intresss dans le cadre de recherches mdicales ou scientifiques et une demande dun magistratdans tous les autres cas.

    Les empreintes gntiques regroupent des techniques de plus en plus performantespermettant didentifier une personne partirde quelques cellules dposes sur des supportsvaris (mgots de cigarette, dos de timbre-posteou denveloppe). Elles ncessitent des mthodesrigoureuses et font appel lamplificationgnique simultane de plusieurs squencesnotamment de microsatellites suivie dune lecture automatise grce un marquage delamplification par des fluorochromes diffrents.

    Lcueil le plus redoutable est la contaminationde lchantillon analyser par de lADN tranger provenant soit de la personne ayanteffectu le prlvement, soit dune contaminationcroise entre diffrents prlvements.

    Points Forts comprendre

  • tiquement (phosphatase alcaline). La fixation dessondes, appele hybridation, sur les fragments compl-mentaires est mise en vidence par autoradiographie.Actuellement, des mthodes de marquage non radio-actives sont bases sur la transformation dun substratincolore en produit color laide dune raction enzy-matique dclenche par la liaison entre un fragment et lasonde complmentaire lie dans ce cas une enzyme.

    2. Analyse de limage autoradiographique Limage ou le profil autoradiographique dpend duchoix des sondes. Les sondes actuellement employesen criminalistique sont des sondes uniloculaires commepar exemple YNH24 (D2S44) et MS43A (D12S11). Cessondes reconnaissent une rgion dtermine de lADNsitue sur un chromosome prcis. Dans ce cas, limageautoradiographique se caractrise par la prsence duneou de deux bandes selon que lindividu est homozygoteou htrozygote pour la rgion de lADN explore. Il sagit toujours dune analyse comparative entre lesprofils gntiques obtenus partir dun chantillonmdicolgal et ceux tablis partir dun prlvementsanguin de rfrence.

    Analyse par amplification gnique

    1. Principes de lamplification gniquePour multiplier une squence dADN, lamplificationgnique utilise lADN polymrase qui est impliquedans les phnomnes de rplication naturelle de lADNau cours de la division cellulaire. Comme pour la rpli-cation naturelle de lADN, cette technique prsente plu-sieurs tapes et ncessite au pralable la sparation des 2 chanes complmentaires de lADN double brin appe-le dnaturation, puis la synthse de la chane dADNcomplmentaire de chacun des 2 brins dnaturs selonla rgle de lappariement des bases. Les 2 chanes syn-thtises sont des copies conformes des brins initiaux delADN. Ce processus de dnaturation et de synthse delADN est rpt lors de 25 35 cycles et les molculesnouvellement synthtises au cours de chaque cyclepeuvent servir de matrice lADN polymrase au coursdu cycle suivant. La rgion amplifier est repre sur lamolcule dADN par de courtes squences polynuclo-tidiques appeles amorces, partir desquelles sont syn-thtises les premires chanes dADN complmentaire la rgion initiale. Les rgions amplifier sont slec-tionnes en raison de leur degr de polymorphisme etpeuvent concerner soit des squences rptitives noncodantes (D1S80, D17S13, D21S11) soit codant uneprotine donne (par exemple : HLA.DQ-alpha, apoli-poprotine B).2. Technique de lanalyseCette mthode est rapide et sensible. Les rgions ampli-fies sont visualises par lectrophorse sur gel et expo-sition aux rayons ultraviolets aprs coloration au bromu-re dthidium, soit par dot-blot, technique dans laquelle

    ce sont les sondes nuclotidiques, et non lADN ampli-fi, qui sont fixes la membrane nylon. La rvlationdes allles peut tre colorimtrique. Ainsi lors dutilisa-tion damorces biotinyles leur extrmit 5, et unefois lhybridation entre la sonde et lallle amplifi ra-lise, la streptavidine conjugue la peroxydase pro-voque au contact de la biotine la transformation dunsubstrat incolore en un substrat bleu. Une tache bleueapparat lorsquil y a hybridation entre une sonde et unallle amplifi correspondant. Lanalyse des squencesamplifies peut galement tre ralise par lecture direc-te des nuclotides par les techniques de squenage.Lamplification gntique permet danalyser de courtessquences rptes situes par exemple au niveau desgnes, de lapolipoprotine B, du collagne type II (Col2A1), de la rgion DQ du systme HLA (human leuco-cyte antigen) et des microsatellites situs au niveau dugne de la tyrosine hydroxylase humaine, du gne dufacteur von Willebrand, du proto-oncogne humain C-FES/FPS, du gne de la sous-unit 1 du facteur de coa-gulation XIII A.Ces microsatellites ainsi que dautres sont actuellementamplifiables de faon simultane grce des kits com-merciaux qui regroupent les amorces permettant dam-plifier ces diffrentes rgions et lamplification peut treralise simultanment lors dune mme raction dam-plification et tre dtecte par lecture sur automate laser en marquant lamplificat de chaque microsatellitepar un fluorochrome diffrent.

    3. ADN mitochondrialLes rgions polymorphes de lADN mitochondrial pr-sentent des variations dans la composition en nuclo-tides. Il ne sagit plus de variations de longueur mais demutations ponctuelles au niveau de la rgion de contrlede la mitochondrie (D-Loop) qui sont recherches. Lepolymorphisme est moins marqu que pour lADNnuclaire rendant lanalyse moins discriminante quecelle portant sur lADN nuclaire. Lanalyse est ralisesur squenceur automatique permettant la dterminationdenviron 600 700 nuclotides. La squence dtermi-ne est compare une squence de rfrence publiepar Anderson en 1981. Les points de mutation sont iden-tifis et compars entre lchantillon biologique analyset le suspect. Ces comparaisons permettent soit daffir-mer une exclusion si plus de 3 diffrences sont obser-ves entre les 2 squences dADN, soit de prononcerune identit entre 2 squences et dincriminer le suspect.

    IndicationsLes analyses biologiques didentification gnique peu-vent tre ralises partir de toute cellule nucle delorganisme humain. Elles peuvent ainsi tre pratiquessur divers tissus de lorganisme comme le foie, la rate, et partir des cellules de bulbes pileux, de poils et de che-veux et des cellules buccales prsentes dans la salive.Pour tablir les profils de comparaison, cest--dire lesempreintes de la victime et du ou des suspects, lADN

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  • ne et regroups dans une base de donnes, il est possibledtablir la preuve dune filiation avec une trs haute pro-babilit. Ainsi, une paternit ou une maternit (dans lesaffaires de substitution denfant) peuvent tre tablies.

    5. Identification de cadavreUn problme frquent en mdecine lgale est celui delidentification dun cadavre inconnu. La solution peuttre apporte par un contrle de filiation ds lors que lesascendants ou les descendants sont prsums. Le tissuosseux ou dentaire pourra tre utilis dans ces cas,mme lors de carbonisation partielle.

    Stratgie danalyse

    Linterprtation des rsultats consiste comparer lesprofils gntiques obtenus aprs amplification desrgions variables, notamment STR (short tandemrepeats) entre les traces biologiques (taches de sang, desperme, poils, etc.) et un prlvement dit de comparai-son (prlvement de sang ou de salive) du suspect et dela victime. Si les allles du suspect pour les diffrentsmarqueurs gntiques tudis sont de tailles diffrentesde ceux caractrisant lADN de la trace biologique, ilny a pas didentit entre les 2 ADN et le sujet nest pas lorigine de cette trace, il y a donc exclusion formelle.Si les 2 allles du suspect correspondent en taille ceuxde la trace, il y a inclusion, cest--dire que les 2 mol-cules dADN proviennent du mme individu.Dans la mesure o lanalyse ne porte que sur une partiede la molcule dADN, un autre individu pourrait poss-der, du fait du hasard, les mmes caractristiques gn-tiques, cest--dire les mmes allles sur la partie restantenon explore de lADN. De ce fait, pour raliser linter-prtation, il faut disposer de la distribution de la fr-quence de chacun des allles du ou des marqueurs gn-tiques tudis dans la population gnrale. Le rsultat delinclusion ou de lidentification comporte lindicationde la frquence du gnotype (constitu de un ou deuxallles selon que le sujet est homo- ou htrozygote)dans la population gnrale. Lanalyse dune seulergion variable de lADN est donc insuffisante pour per-mettre une identification et plusieurs systmes doiventtre analyss pour obtenir une frquence suffisammentfaible. Ainsi, ltude de 8 marqueurs permet dobtenirune frquence dun gnotype de un sur plusieurs mil-liards. En matire de paternit, la comparaison porte sur le pro-fil gntique de la mre, de lenfant et du pre putatif.Au sein du profil de lenfant, lallle maternel est identi-fi et lexistence de lallle du pre prsum sera recher-ch dans le profil de lenfant. Sil y a un allle communentre le pre et lenfant, le pre prsum peut tre identi-fi comme le pre biologique en indiquant la frquencede cet allle dans la population gnrale ; au contraire, siaucun allle du pre nest retrouv dans le profil de len-fant, il y a exclusion et il ne sagira pas du pre biolo-gique de lenfant.

    est extrait le plus souvent de leucocytes contenus dansun chantillon de sang, ou des cellules buccales prle-ves par couvillonnage. Une fois extrait, lADN peuttre conserv - 20 C (ou - 80 C) pendant de longuespriodes avant dtre analys. Ce dlai permet auxenquteurs de retrouver le (ou les) suspect(s) et auxlaboratoires de ne pratiquer lanalyse quune fois enpossession des chantillons sanguins de comparaisonrelevs sur la victime et le (ou les) agresseur(s).

    Applications en mdecine lgale

    Les applications en mdecine lgale des empreintesgntiques concernent dune part lidentification dau-teurs de crimes de sang ou dagressions sexuelles par-tir de traces biologiques laisses sur le lieu des faits ousur les victimes et dautre part, les recherches de filia-tion et les identifications de corps.

    1. Agression sexuelleLa technique, dans le cas de viol, permet didentifieravec une quasi-certitude lagresseur partir des sperma-tozodes recueillis sur les frottis vaginaux effectus surla victime. Les spermatozodes contiennent lADN delagresseur qui est analys et compar lempreintegntique du suspect tablie partir dun prlvementsanguin sur ce dernier. Lempreinte de la victime estgalement ralise pour lui attribuer le profil gntiquetabli parti des cellules vaginales prleves par le frottisvaginal.

    2. Crime de sangLa mme dmarche est utilise en prsence dune tachede sang o lempreinte gntique est ralise partir desglobules blancs prsents sur la tache puis compare celle de la victime et celle du suspect tablie partirdun prlvement sanguin.

    3. AccidentCette mthode peut tre employe pour prouver limpli-cation dun vhicule dans un accident de la voiepublique avec dlit de fuite si du matriel humain estdcouvert sur la carrosserie de ce vhicule. Dans ce cas,lempreinte gntique tablie partir des cellules retrou-ves sur la voiture est compare celle de la victime. Siles empreintes correspondent, il est alors tabli que levhicule portant les traces biologiques a bien percut lavictime.

    4. FiliationLes recherches de filiation sont galement ralises parcette technique. Comme lhrdit des rgions dADNobit aux lois mendliennes, et connaissant la frquencedes allles (bandes visibles sur les autoradiographies)supposs indpendants au sein dune population dtermi-

    Mdecine lgale - Toxicologie

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  • Aspects juridiques et thiques

    Depuis la loi n 94-653 du 29 juillet 1994, ces analysesdidentification gntique peuvent tre ralises : soit des fins mdicales ou scientifiques aprs avoirobtenu pralablement le consentement de la personnedans les conditions de larticle L. 145-15 du Code de laSant publique ; soit dans le cadre dune procdure denqute ou dins-truction diligente lors dune procdure judiciaire (Codepnal art. 226-25 32).Les personnes qui pratiquent ces analyses doivent tretitulaires de lagrment prvu larticle L. 145-16 duCode de la Sant publique, et dans le cadre dune proc-dure judiciaire, elles doivent de plus tre inscrites surune liste dexperts judiciaires (art. 16-22 du Code civil)et satisfaire aux contrles de qualit organiss parlAgence du mdicament.En matire civile, lidentification gntique ne peut treralise quen excution dune mesure dinstructionordonne par le juge saisi dune action tendant soit ltablissement ou la contestation dun lien de filiation,soit lobtention ou la suppression des subsides (art. 16-10 12 du Code civil). Le consentement de lintressdoit tre pralablement et expressment recueilli.Rappelons que le recueil dun chantillon biologique nepeut se faire quavec laccord de la personne et notam-ment sur un suspect dtenu mme si le prlvement esteffectu la demande dun magistrat.La mise en place dun fichier national des empreintesgntiques ncessite la ralisation des profils gntiquesassociant plusieurs microsatellites tablis sur desauteurs condamns pour infractions sexuelles.Il a t cr un fichier national automatis dempreintesgntiques par la loi n 98-468 du 17 juin 1998, relatif la prvention et la rpression des infractions sexuellesainsi qu la protection des mineurs. Ce fichier est rgle-ment par larticle 706-54 du nouveau Code de procdu-re pnale. Daprs ce texte, ce fichier national automati-s est destin centraliser les traces gntiques ainsi queles empreintes gntiques des personnes condamnespour lune des infractions suivantes : meurtre ou assas-sinat dun mineur prcd ou accompagn dun viol, detortures ou dactes de barbarie (article 706-47) oulune des infractions vises aux articles 222-23 222-32et 227-22 227-27 du Code pnal en vue de faciliterlidentification et la recherche des auteurs dinfractionssexuelles. Ce fichier est plac sous le contrle dunmagistrat. n

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    Le gnome

    En 1985, Jeffreys dcrit lexistence de squences dacide dsoxyribo-nuclique (ADN) rptes tout au long du gnome, dont lorganisationest spcifique chaque individu et qui se transmettent selon le modemendlien.

    Le gnome humain est constitu de 6 x 109 nuclotides formant les 2brins de lADN de chaque cellule diplode et comporte des rgionscodantes et dautres qui ne le sont pas. LADN des rgions noncodantes dont le rle est encore inconnu, se caractrise notammentpar la prsence de squences rptitives de nuclotides. Cessquences reprsenteraient 20 30 % du gnome et sont rpartiestout au long de la molcule dADN selon une disposition extrmementvariable dun individu lautre. Il sagit de rgions polymorphes consti-tues de courtes squences de bases dune longueur variable (9 100nuclotides), rptes de 2 quelques centaines de fois chaque locuset appeles minisatellites. La longueur de ces rgions est caractristiquedun dindividu et se transmet hrditairement selon les lois mend-liennes. Les squences microsatellites sont constitues par des unitsrptitives de 2 7 paires de bases (pb) rptes de 50 100 fois.

    En fonction de la quantit et de la qualit de lADN prsent danslchantillon, 2 mthodes peuvent tre employes pour rvler ce poly-morphisme : la premire et la plus ancienne fait appel lanalyse des fragments derestriction (RFLP : Restriction fragment length polymorphism) obtenus aumoyen denzymes de restriction qui sectionnent lADN en de nom-breux fragments dont le polymorphisme de taille est tudi aprs lec-trophorse et autoradiographie ; la deuxime, plus rcente, appele amplification gnique [ou poly-merase chain reaction (PCR)] consiste en la multiplication exponentiellede la rgion polymorphe de lADN par une raction enzymatique laide dun ADN polymrase.Cette mthode permet galement ltude de lADN mitochondrial cir-culaire de 16 569 nuclotides, prsent sous forme de nombreusescopies dans la cellule et possdant une rgion non codante trs poly-morphe. Lhrdit de cet ADN se fait sur le mode matrilinaire. n

    POUR APPROFONDIR

    Lidentification gntique est actuellement utilise en criminalistique pour confirmer ou infirmer les donnes de lenqute judiciairequant lexclusion ou la possible incriminationdun suspect.

    Cette analyse, grce au dveloppement de lamplification gnique, est de ralisation de plus en plus rapide, ncessite des quantitsde plus en plus faibles dADN et peut tre effectue partir dADN dgrad.

    Toutefois cette mthode connat des limites et des piges (notamment en matire de contamination par de lADN provenant dautres sujets que ceux tudis)quil convient de savoir viter. Il faut pouvoirreconnatre lADN contaminant un chantillonet ne provenant pas du suspect.

    Points Forts retenir

    Brinkmann B. La PCR en criminologie. In : Larzul D (ed). La PCR,un prodd de rplication in vitro. Tec Doc, Lavoisier d., 1993 :346-51.

    Ludes B, Mangin P. Les empreintes gntiques en mdecine lgale.Tec Doc, Lavoisier d., 1993 ; 143 pp.

    Les empreintes gntiques en pratique judiciaire. IHESI, LaDocumentation franaise 1998.

    POUR EN SAVOIR PLUS

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    Mdecine lgale - Toxicologie

    Intoxication oxycarbonePhysiopathologie, tiologie, diagnostic, traitement

    Dr Jrme BOCQUET, Pr Alain LARCANService de ranimation mdicale polyvalente, CHU, hpital central, 54035 Nancy cedex

    Le monoxyde de carbone (CO) est un gazincolore, inodore produit par la combustionincomplte des composs carbons. Il estresponsable dintoxications frquentes, parfoisgraves, et de squelles neuropsychiques svres. La grande affinit du CO pour les hmoprotines(hmoglobine et myoglobine) explique le dfaut detransport et dutilisation de loxygne par lestissus. La clinique est trs varie, source de frquenteserreurs diagnostiques. Le dosage sanguin de l'HbCO doit tre pratiqu,au moindre doute, devant des circonstancesvocatrices tt aprs lextraction du milieutoxique. Le traitement spcifique (antidote) est loxygnenormobare administr de faon prolonge, ethyperbare dans les formes graves. La prventiondes accidents domestiques doit tre intensifie.

    Points Forts comprendre appareils de chauffage (fixe ou dappoint), chauffe-eau, uti-liss dans des lieux clos. Ils sont favoriss par un mauvaisentretien, un calfeutrage excessif des pices en hiver (ara-tion insuffisante), un mauvais tirage des chemines avecdfaut dvacuation des gaz, la production dune flammeau contact dune surface froide. Ces circonstances expli-quent tout naturellement les pics de frquence observsdans les rgions Nord et Est de la France, lautomne etau dbut de lhiver, au moment de la remise en route des