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La règlementation des plateformes de diffusion numériques par le droit canadien : vers une meilleure protection de la diversité des expressions culturelles Mémoire Maîtrise en droit Ariane Deschênes Université Laval Québec, Canada Maître en droit (LL.M.) et Université de Paris-Sud Orsay, France Master (M.) © Ariane Deschênes, 2018

La règlementation des plateformes de diffusion …...la révision du mandat du radiodiffuseur public canadien et, entre autres, la promotion de la distribution et de la découverte

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La règlementation des plateformes de diffusion numériques par le droit canadien : vers une

meilleure protection de la diversité des expressions culturelles

Mémoire Maîtrise en droit

Ariane Deschênes

Université Laval Québec, Canada

Maître en droit (LL.M.)

et

Université de Paris-Sud

Orsay, France Master (M.)

© Ariane Deschênes, 2018

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Résumé

Cette étude avance que le droit canadien possède les outils lui permettant de

réglementer les plateformes de vidéo à la demande canadiennes et étrangères. Les

technologies de distribution et de diffusion numériques bouleversent profondément

l’industrie cinématographique et le système canadien de radiodiffusion et impliquent de

profonds changements dans la chaîne de production, de distribution et d'exploitation des

films. Les plateformes occupent une position concurrentielle sur le marché, sans pour

autant être soumises aux obligations de financement de la création et aux quotas de

diffusion de contenu canadien, tandis que le rôle des acteurs traditionnels, tels les

câblodistributeurs, se trouve menacé.

De plus, la diversité des expressions culturelles et la promotion du contenu canadien

ne sont pas garanties sur les plateformes de vidéo à la demande. Cette recherche démontre

qu’il est toutefois possible d’encadrer, par le droit canadien, les activités de ces

plateformes. Considérant que la politique canadienne de radiodiffusion est encore

pertinente aujourd’hui pour sauvegarder la culture canadienne, cette recherche propose d’en

revoir le système et les mécanismes afin de les adapter à l’environnement numérique.

Enfin, cette étude suggère avant tout la création d'un nouveau système normatif, par la mise

en place d’un règlement destiné spécifiquement aux plateformes de vidéos à la demande

canadiennes et étrangères, afin de les soumettre aux obligations de financement de la

création et à la promotion et la découvrabilité des contenus audiovisuels numériques

canadiens.

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Abstract

This study suggests it would be possible for Canadian law to regulate a video-on-

demand platform. In fact, distribution and broadcasting technologies have disrupted the

cinematographic industry and the Canadian public broadcasting system with profound

changes in the broadcast chain and the distribution channel. The video-on-demand platform

has taken up a predominant position on the market, without being submitted to the financial

contribution to a Canadian creation fund and to the obligation of broadcasting a percentage

of Canadian content, while the role of traditional stakeholder, such as cable distributors, is

being challenged.

Furthermore, the diversity of cultural expression and promotion of Canadian content

is not guaranteed on video-on-demand platforms. This study aims to demonstrate that it is

possible to regulate the activities of such platforms by Canadian laws. Considering that the

Canadian broadcasting policy is still relevant nowadays to maintain the presence of

Canadian culture online, this research suggests reviewing the Canadian public broadcasting

system in order to adapt it to the digital environment. Finally, this study suggests creating a

new regulation system by introducing regulation for the specific intention of Canadian and

foreign video-on-demand platforms. This would submit them to the obligation of financial

contribution to a Canadian creation fund and to the promotion and discoverability of the

Canadian audiovisual contents in the digital space.

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Tabledesmatières

Résumé iii

Abstract iv

Remerciements vii

Liste des abréviations viii

Introduction 11. Mise en contexte 12. Problématique 33. Questions de recherche 84. Hypothèses 95. Méthodologie 11

Partie 1. Le système canadien de distribution et de diffusion des œuvres audiovisuelles 13

1.1. Les modes traditionnels de distribution et diffusion des films 131.2. La mission et le fonctionnement du système canadien de radiodiffusion 161.3. La politique canadienne de radiodiffusion et le système des licences de radiodiffusion 20

1.3.1. La pertinence de la politique canadienne de radiodiffusion dans un monde numérique 211.3.2. Les conditions restrictives d’obtention des licences de radiodiffusion 23

1.4. Une qualification d’entreprise de radiodiffusion désuète 27

Partie 2. Les mesures de soutien à la production et la distribution des œuvres audiovisuelles canadiennes face aux enjeux du numérique 34

2.1. Les mesures de financement du contenu canadien 342.1.1. Les fonds de soutien à la création canadienne 342.1.2. Les crédits d’impôt pour sociétés de productions canadiennes et étrangères 38

2.2. Les avantages et exemptions fiscales pour les plateformes de vidéo à la demande 402.2.1. L’absence de perception de la taxe sur la valeur ajoutée par les plateformes en ligne

402.2.2. Le paiement de l’impôt fondé sur la présence physique au Canada 42

2.3. Un système de quotas de diffusion inadapté au numérique 442.4. La promotion et la découvrabilité des contenus audiovisuels numériques 48

2.4.1. L’incidence de l’hyperchoix sur la découvrabilité 492.4.2. L’influence des systèmes de recommandation des contenus 50

2.5. Les conséquences des systèmes de recommandation sur la diversité des expressions culturelles 52

2.5.1. L’uniformisation des contenus 532.5.2. L’utilisation et le traitement des données personnelles 56

Partie 3. Les pistes de solutions 593.1. La révision de la qualification de radiodiffuseur 593.2. La révision du système de radiodiffusion et des licences 613.3. La révision des mécanismes de financement 673.4. La révision des fondements de la fiscalité pour atteindre l’équité fiscale 71

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3.5. La révision du mécanisme des quotas à l’ère du numérique 753.6. L’encadrement de la découvrabilité des contenus numériques 78

Conclusion 81

Bibliographie 84

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Remerciements

Je souhaite d’abord remercier ma codirectrice, Madame Véronique

Guèvremont, qui est une source d’inspiration et un modèle au niveau

professionnel et tout simplement une personne que j’admire. Merci d’avoir cru

en moi et de m’avoir soutenu tout au long de mon parcours académique.

Je souhaite également remercier ma codirectrice, Madame Alexandra

Bensamoun, pour son écoute et ses conseils durant tout le projet et pour la

création de ce programme d’études bidiplômant.

Merci également au Ministère des Relations internationales et de la

Francophonie (MRIF) et le Consulat Général de France à Québec (CGF) pour

l’octroi d’une bourse d’études m’ayant permis d’effectuer le séjour d’études en

France.

Enfin, je souhaite remercier tous ceux qui m’ont soutenu durant ce

projet, notamment les experts qui ont accepté avec générosité de m’offrir leurs

opinions et conseils sur ce mémoire ainsi qu’un merci particulier à ma

collègue, Sandy Caron, qui n’en peut surement plus d’entendre parler de

cinéma.

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Liste des abréviations

ARC Agence du Revenu du Canada

BCPAC Bureau de certification des produits audiovisuels

canadiens

CIPC Crédit d’impôt pour production cinématographique ou magnétoscopique canadienne

CISP Crédit d’impôt pour services de production cinématographique ou magnétoscopique

CPVP Commissariat à la protection de la vie privée du Canada

CRTC Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications

canadiennes

FMC Fonds des médias du Canada

FSI Fournisseur de services Internet

OCDE Organisation de coopération et de développement économiques

PVD Plateforme de vidéos à la demande

SMA Services de médias audiovisuels

SODEC Société de développement des entreprises culturelles

VSD Vidéo sur demande

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Introduction

1. Mise en contexte

En septembre 2017, la ministre du Patrimoine canadien alors en fonction, Mélanie

Joly, annonçait le lancement du Cadre stratégique du Canada créatif prévoyant notamment

la révision du mandat du radiodiffuseur public canadien et, entre autres, la promotion de la

distribution et de la découverte du contenu canadien.1 Cette approche vise à assurer la

diversité des expressions culturelles sur les médias numériques. Par ailleurs, le Canada, en

vertu de ses engagements internationaux, se doit d’agir pour respecter ses engagements au

titre de la Convention sur la protection et la promotion de la diversité culturelle, adoptée en

2005. Cette convention reconnaît la double nature des biens et services culturels, possédant

à la fois une valeur économique et culturelle,2 et réaffirme le droit des États d’adopter et de

mettre en œuvre des politiques culturelles afin de soutenir la diversité des expressions

culturelles, notamment grâce à des mesures règlementaires.3

De plus, les nouvelles directives opérationnelles sur la mise en œuvre de la

Convention dans l’environnement numérique rappellent aux Parties de « mettre à jour leurs

cadres législatifs et règlementaires relatifs aux médias de service public, privé et

communautaire ainsi qu’aux organisations de médias indépendants, afin de promouvoir la

diversité des expressions culturelles et la diversité des médias dans l’environnement

numérique, en prenant en compte la convergence croissante des opérations au sein de la

chaîne de valeur. »4 Ainsi, avec l’arrivée d’Internet et des nouvelles technologies, cette

1 GOUVERNEMENT DU CANADA, Le cadre stratégique du Canada Créatif, [En ligne] https://www.canada.ca/fr/patrimoine-canadien/campagnes/canada-creatif/cadre.html (consulté le 23 mars 2018). 2 Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles, 20 octobre 2005, UNESCO, [En ligne] http://portal.unesco.org/fr/ev.php-URL_ID=31038&URL_DO=DO_TOPIC&URL_SECTION=201.html (page consultée le 3 décembre 2018), Préambule. 3 Ibid., art. 6, par. 1 et 2 a). 4 UNESCO, Directives opérationnelles sur la mise en œuvre de la convention dans l’environnement numérique, approuvées par la conférence des parties à la Convention de 2005 sur la protection et la promotion de la diversité́ des expressions culturelles, 6e session, Paris, 12-15 juin 2017, DCE/17/6.CP/11, par. 11.

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diversité culturelle bénéficie d’un environnement large où s’épanouir.5 Cependant, la

diversité des expressions culturelles ne semble pas être garantie sur les plateformes de

diffusion numérique, en raison de l’absence de réglementation visant les nouveaux acteurs.

À cet égard, l’Union européenne a débuté la révision de la Directive services médias

audiovisuels6 (ci-après « SMA ») afin d’assurer la promotion des contenus européens sur

les plateformes numériques.7

Enfin, les nouveaux modes de distribution et de diffusion des contenus audiovisuels

rendus possibles par les technologies numériques remettent en question le système

traditionnel canadien de radiodiffusion ainsi que son pouvoir de réglementation. À ce sujet,

le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (ci-après le « CRTC

») a produit un rapport le 4 juin 2018, intitulé : « Emboîter le pas au changement : L’avenir

de la distribution de la programmation au Canada ».8 Suivant sa publication, le

gouvernement a annoncé la révision de trois grandes lois sur le sujet, soit la Loi sur la

radiodiffusion, la Loi sur les télécommunications et la Loi sur la radiocommunication et a

nommé un comité d’expert pour examiner le sujet, dont le rapport doit être rendu en

octobre 2019.9

Ce projet de mémoire porte donc sur l’encadrement juridique de la diffusion de

contenus audiovisuels dans l’environnement numérique par le biais de plateformes de

vidéos à la demande. De plus, ce mémoire ne vise que les plateformes de vidéos à la

demande légales (ci-après « PVD ») qui « comportent généralement la sélection par le 5 GUÈVREMONT, V. (dir.), « Le renouvellement de l’exception culturelle à l’ère du numérique », RIJDEC, octobre 2015, 78 pages, [En ligne] https://www.fd.ulaval.ca/sites/default/files/recherche/rijdec_-_le_renouvellement_de_lexception_culturelle_a_lere_du_numerique_-_22.10.15.pdf, (page consultée le 2 décembre 2015), p. 22. 6 Directive 2010/13/UE « Services Médias Audiovisuels », 10 mars 2010, du Parlement européen et du Conseil, Journal officiel de l’Union européenne L 95/1. 7 Le texte de compromis final a été confirmé le 13 juin 2018. Le texte final a été transmis au Parlement européen pour approbation et adoption en première lecture. La directive sera finalement adoptée par le Conseil au cours de l'automne prochain, [En ligne] http://www.consilium.europa.eu/fr/policies/audiovisual-media/ (consulté le 17 juillet 2018). 8 CRTC, Emboîter le pas au changement : L’avenir de la distribution de la programmation au Canada, [En ligne] https://crtc.gc.ca/fra/publications/s15/ (consulté le 4 juin 2018). 9 PATRIMOINE CANADIEN, Le gouvernement du Canada procédera à un examen des lois régissant les télécommunications et la radiodiffusion, 5 juin 2018, Ottawa, [En ligne] https://www.canada.ca/fr/patrimoine-canadien/nouvelles/2018/06/le-gouvernement-du-canada-procedera-a-un-examen-des-lois-regissant-les-telecommunications-et-la-radiodiffusion.html (consulté le 6 juin 2018).

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consommateur individuel du contenu visionné, au moment désiré, parmi un catalogue (ou

une bibliothèque) proposé par le diffuseur »10 et non les plateformes de streaming illégal

(de piratage)11 ou de peer-to-peer,12 ni celles offrant un contenu généré par les

utilisateurs,13 tel YouTube. Netflix est principalement cité en exemple, en raison de sa

popularité et de sa présence mondiale, mais il est à noter qu’il existe d’autres PVD

auxquelles sont destinées les réflexions présentées dans ce mémoire.14 Par le terme

audiovisuel, on vise « l’ensemble des moyens, des processus, des œuvres et des

programmes s’adressant à l’ouïe et à la vue de façon conjuguée ».15 Ce sujet s’intéresse dès

lors au système canadien de radiodiffusion, mais seulement aux secteurs de la télévision et

du cinéma. Enfin, l’introduction présente la problématique, les questions de recherche, les

hypothèses et la méthodologie utilisée.

2. Problématique

L’apparition de nouveaux acteurs dans le secteur de la distribution et de la diffusion

audiovisuelle, soit les PVD, bouleverse l’industrie de l’audiovisuel et le système

traditionnel de radiodiffusion canadien mis en place depuis les années 1920. En effet, les

PVD ont pu bénéficier des exemptions vouées au développement de l’Internet et des

nouveaux médias, telle l’Ordonnance d’exemption relative aux entreprises de 10 GOUVERNEMENT DU QUÉBEC, Institut de la statistique du Québec, Observatoire de la culture et des communications du Québec, État des lieux du cinéma et de la télévision au Québec, cahier 3, « La diffusion et la consommation », août 2014, p. 24. 11 « Technique de diffusion de fichiers audio ou vidéo par laquelle ceux-ci sont transmis en un flux continu de données sur un réseau, afin de permettre leur lecture en temps réel, à mesure qu'ils sont transférés d'un serveur à un poste client, sans attendre leur téléchargement complet. » Office québécois de la langue française, [En ligne] https://www.oqlf.gouv.qc.ca/accueil.aspx, (consulté le 7 août 2018). 12 « Poste à poste » : « Technologie d'échange de fichiers entre internautes, permettant à deux ordinateurs reliés à Internet de communiquer directement l'un avec l'autre, comme des partenaires égaux, sans passer par un serveur central. Le poste-à-poste s'oppose au modèle client-serveur dans lequel certains ordinateurs font uniquement office de serveur », CRTC, Glossaire [En ligne] https://crtc.gc.ca/multites/mtwdk.exe?k=glossaire-glossary&l=60&w=223&n=1&s=5&t=2 (consulté le 7 août 2018). 13 « Contenu numérique créé et partagé sur le Web par des utilisateurs grand public. [Il] est à l'opposé de celui diffusé par les médias traditionnels, créé par des producteurs professionnels pour le compte d'un tiers (ex. : journaux et télévison traditionnels) », Office québécois de la langue française, [En ligne] https://www.oqlf.gouv.qc.ca/accueil.aspx, (consulté le 7 août 2018). 14 Notamment : Acorn.TV, Aerocinema, Amazon Prime Video Canada, CanadaScreens.ca, iFestivus.com, IsumaTV, iTunes Canada, Netflix Canada, Revry.tv, Sundance Now (Canada) et quelques chaînes de YouTube, telles Cracked et KindaTV. 15 PINEL, V., Dictionnaire technique du cinéma, 2e éd., Éditions Armand Colin, Paris, 2008, p. 15.

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radiodiffusion de nouveaux médias,16 ce qui leur permet de se soustraire à la Loi sur la

radiodiffusion, puisqu’elles ne sont pas considérées être des radiodiffuseurs. De plus,

puisque certaines sont situées à l’extérieur du Canada, elles ne sont pas soumises aux lois

canadiennes en matière de radiodiffusion et des télécommunications.

Ainsi, les nouveaux acteurs occupent une position dominante dans le domaine de la

diffusion en ligne d’œuvres audiovisuelles puisqu’elles sont issues d’un univers non

règlementé et qu’elles disposent de capacités financières importantes.17 Par exemple,

Netflix est, à ce jour, la plus grande PVD au Canada et ses revenus sont estimés à 766

millions $ en 2016, ce qui correspond à 70 % des revenus de la vidéo sur demande.18 19 Au

contraire des radiodiffuseurs publics, les PVD bénéficient de peu d’obstacles à l’entrée sur

le marché, ce qui leur a permis de constituer un catalogue de films et d’émissions beaucoup

plus important que ceux proposés par les diffuseurs canadiens.20 En conséquence, ils

attirent désormais plus de consommateurs que la télévision traditionnelle et leurs services

de télévision payants.21 Par exemple : « Netflix Canada avait constitué une base d'abonnés

d'environ 1,2 million de clients à la fin de 2011, soit 16 mois après son lancement en

septembre 2010. L'entreprise a attiré davantage d'abonnés que Super Channel [un service

canadien de télévision payante] au cours de ses trois années d'activité. » 22 Les plateformes

16 CRTC, Avis public 1999-197, Ordonnance d’exemption relative aux entreprises de radiodiffusion de nouveaux médias, Ottawa, le 17 décembre 1999. 17 PLANCADE, J.-P., sénateur, Présidence du sénat le 30 mai 2013, Rapport d’information fait au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication par le groupe de travail sur les relations entre les producteurs audiovisuels et les éditeurs de services de télévision, Session ordinaire de 2012-2013, France, Sénat, n° 616, [En ligne] http://www.ladocumentationfrancaise.fr/rapports-publics/134000330/index.shtml (consulté le 13 janvier 2018), p. 45. 18 CRTC, Rapport de surveillance des communications, 2017, Ottawa, Canada. 19 En août 2011, Netflix a annoncé avoir franchi le seuil de 1 million d'abonnés au Canada. Voir : MILLER, P. H. et R. RUDNISKI, CRTC, La télévision par contournement au Canada en 2012 : incidence sur le marché et indicateurs, 30 mars 2012. 20 Ibid. 21 CRTC, Emboîter le pas au changement : L’avenir de la distribution de la programmation au Canada, op. cit., 22 Ibid.

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échappent aussi aux règles de la chronologie des médias,23 auxquelles sont soumis les

diffuseurs traditionnels, ce qui leur permet d’augmenter plus rapidement l’offre de

contenus, ayant pour résultats d’attirer davantage de consommateurs qui ne souhaitent pas

attendre la fin de ces délais et qui se tournent vers ces nouveaux services numériques.24 Par

exemple, lors du dernier Festival de Cannes, en France, la plateforme numérique et

productrice Netflix a refusé d’autoriser la sortie en salle française des films The Meyerowitz

Stories (Noah Baumbach) et Okja (Bong Joon-ho), 25 créant ainsi une polémique dans le

monde du cinéma. À compter de l'édition 2018, le Festival de Cannes a donc obligé les

films qui figurent en compétition officielle à faire l’objet d’une sortie en salles françaises.26

Par conséquent, puisque les PVD ne sont pas soumises aux lois canadiennes, elles

ne participent pas au financement de la création canadienne et ne sont pas limitées par les

quotas imposés aux câblodistributeurs. Ainsi, une part des revenus issus des plateformes

n’est pas réinvestie dans la production canadienne et ne permet pas d’assurer leur diffusion

sur tous les médias. Alors, cela permet aux PVD d’éviter les contraintes vouées à la

protection de la diversité des expressions culturelles, en particulier les mesures liées à la

production de contenu et les mesures liées à sa distribution.

Par exemple, en septembre dernier, le Canada a signé une entente avec le géant

Netflix, par laquelle la plateforme de distribution numérique s’engage à investir dans la

production canadienne 500 millions de dollars durant les cinq prochaines années.27 Elle

échappe cependant à tout quota de production francophone qu’aurait pu lui imposer

23 MORIN-DESAILLY, C., Entre stratégies industrielles, soutien à la création et attentes des publics : les enjeux d'une nouvelle chronologie des médias, Commission de la culture, de l'éducation et de la communication, n° 688, Sénat, session extraordinaire de 2016-2017, le 26 juillet 2016, [En ligne] https://www.senat.fr/basile/visio.do?id=r8103667_3&idtable=r8103667_3|r8101907_10|r8102247_4&_c=L%27avenir+de+l%27audiovisuel+%E0+l%27%E8re+du+num%E9rique&c=%22Netflix%22&rch=gs&de=20170123&au=20180123&dp=1+an&radio=dp&aff=sep&tri=p&off=0&afd=ppr&afd=ppl&afd=pjl&afd=cvn&isFirst=true (consulté le 10 septembre 2017). 24 Rapport LESCURE, Mission « Acte II de l’exception culturelle », Contribution aux politiques culturelles à l’ère numérique, Tome 1, mai 2013. 25 Netflix boude le Festival de Cannes par crainte d’un « manque de respect », Journal Le Monde, [En ligne] http://www.lemonde.fr/festival-de-cannes/article/2018/04/12/netflix-boude-le-festival-de-cannes-par-crainte-d-un-manque-de-respect_5284180_766360.html (consulté le 13 avril 2018). 26 MORIN-DESAILLY, C., op. cit. 27 PATRIMOINE CANADIEN, Lancement de Netflix Canada : une reconnaissance du talent créatif du Canada et de son solide bilan dans la création d’œuvres pour le cinéma et la télévision, Ottawa, le 28 septembre 2017.

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Ottawa, contrairement, par exemple, aux câblodistributeurs.28 Cependant, l’entente n’est

pas rendue publique et cela a fait régir de nombreux experts. 29 Ainsi, on ne connaît pas les

types de productions dans lesquelles Netflix investira et rien n’indique dans quelle

proportion elle investira dans le contenu original canadien francophone et québécois.30 Le

financement n’étant pas accordé de façon indépendante, il risque de porter atteinte à la

diversité des productions qui verront le jour. Ensuite, bien que la plateforme offre la chance

d’être distribué à ceux qui se sont vus refuser la distribution de leur œuvre, elle n’est

toutefois pas un gage de la qualité des contenus diffusés. D’autant plus, ce sont d’abord ces

contenus qui risquent d’être promus bien avant les productions indépendantes ou

étrangères, la plateforme n’étant soumise à aucune obligation de diffusion du contenu

national, par exemple, les quotas de diffusion.

Ainsi, l’absence d’encadrement ne permet pas de garantir l’exposition et la

promotion du contenu canadien sur les plateformes, celles-ci utilisant ses propres

algorithmes de recommandations de contenus, axés sur la découvrabilité de ses contenus

originaux, au détriment des contenus nationaux. De cette façon, grâce aux données

personnelles obtenues de leurs utilisateurs, les plateformes peuvent développer des

contenus qui correspondent aux goûts majoritaires, enfermant ainsi les consommateurs dans

une bulle culturelle, dont l’impact sur la diversité culturelle est évident.31 Par conséquent, la

diffusion de la culture canadienne sur les médias numériques risque de faire place à une

28 BOURGAULT-CÔTÉ, G., « Ottawa s’entend avec Netflix », Journal Le Devoir, [En ligne] https://www.ledevoir.com/culture/actualites-culturelles/509078/ottawa-aurait-une-entente-avec-netflix (consulté le 1er octobre 2017). 29 Exemple d’articles auquel a contribué Pierre Trudel : BOURGAULT CÔTÉ, G., « Mélanie Joy se soumet à loi Netflix », Journal Le Devoir, 27 sept 2017, [En ligne] http://www.ledevoir.com/culture/actualites-culturelles/509240/le-contenu-francophone-en-suspens (consulté le 11 octobre 2017) et BROUSSEAU-POULIOT, V., « Comment réglementer Netflix ? », Journal La Presse, [En ligne] http://plus.lapresse.ca/screens/71da7cd5-2cc1-45ea-bec3-b452def07624%7C_0.html?utm_medium=Facebook&utm_campaign=Internal+Share&utm_content=Screen (consulté le 31 mars 2018). 30 PATRIMOINE CANADIEN, le 28 septembre 2017, op. cit. 31 FONDS DES MÉDIAS DU CANADA, Découvrabilité : Vers un cadre de référence commun, volet 1, 2016.

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homogénéisation de la consommation des contenus culturels, dont l’influence américaine se

fait sentir depuis le début de la radio et de la télévision canadienne.32 33

Par ailleurs, d’autres secteurs règlementés affectent le traitement des contenus

audiovisuels dans l’environnement numérique. Par exemple, au niveau fiscal, les PVD ne

sont soumises à aucune obligation, comme la taxe sur la vente des biens et des services, du

fait qu’elles ont leur résidence dans d’autres pays et bien qu’elles distribuent des biens et

des services au Canada, contrairement aux diffuseurs canadiens. Par conséquent, le Québec

s’est récemment doté d’un projet de loi n°150, par lequel les plateformes numériques

devraient percevoir la taxe de vente québécoise (TVQ) dès le 1er janvier 2019. En effet, les

fournisseurs de biens intangibles et de services en ligne devront percevoir la taxe sur les

ventes effectuées au Québec, même s’ils sont établis à l’extérieur de la juridiction.34 Il est

cependant pertinent de douter de la force contraignante de ce projet de loi. Il faudrait avant

tout revoir les fondements de la fiscalité pour la rendre applicable, notamment, aux

nouvelles PVD étrangères.

Enfin, puisque le Canada est parti à la Convention sur la protection et la promotion

de la diversité des expressions culturelles de 2005 de l’UNESCO, il se doit de prendre des

mesures à l’échelle nationale pour permettre l’atteinte des objectifs fixés par la convention,

y compris dans l’environnement numérique.35 D’ailleurs, le Canada et la France, dans une

déclaration conjointe du 16 avril 2018, ont notamment convenu que « les États, les

plateformes numériques et la société civile sont chacun chargés d’appuyer la création, la

diffusion et l’accessibilité des contenus divers et locaux ainsi que de promouvoir la 32 Par exemple : « Selon nos estimations, la bibliothèque de Netflix Canada compte 12 020 heures de programmation au total, dont 1 084 peuvent être considérées comme des heures de contenu canadien. […] Au total, 9 p. 100 du nombre total d'heures de la bibliothèque peut être désigné comme de la programmation canadienne. » dans MILLER, P. H. et R. RUDNISKI, CRTC, 30 mars 2012, op. cit. 33 Malheureusement, Netflix ne partage pas ses données avec le public. La dernière étude basée sur des estimations remonte donc à 2012. Il est probable de croire que les heures de programmation de contenu canadien aient changé. 34 Loi visant l’amélioration des performances de la Société de l’assurance automobile du Québec, favorisant un meilleur encadrement de l’économie numérique en matière de commerce électronique, de transport rémunéré de personnes et d’hébergement touristique et modifiant diverses dispositions législatives, Projet de loi n°150, sanctionné le 12 juin 2018, 1ère sess., 41e légis. Qc. 35 UNESCO, Directives opérationnelles sur la mise en œuvre de la convention dans l’environnement numérique, approuvées par la conférence des parties à la Convention de 2005 sur la protection et la promotion de la diversité́ des expressions culturelles, 6e session, Paris, 12-15 juin 2017, DCE/17/6.CP/11.

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transparence dans la mise en œuvre des traitements algorithmiques et leur impact sur la

mise à disposition et la découvrabilité des contenus culturels numériques […] »36 Ainsi, les

États doivent agir face à cette concurrence étrangère s’ils ne veulent pas voir leur contenu

culturel disparaître des médias numériques, au profit de contenus presque exclusivement

américains. Le rôle du système de radiodiffusion public canadien et sa politique sont donc

plus importants que jamais face aux nouveaux acteurs du numérique et doivent être

renforcés et protégés.37

L’absence de réglementation des PVD représente donc une menace pour la diversité

des expressions culturelles, autrefois garantie par le rôle et la mission des médias

traditionnels, puisqu’elles échappent aux contraintes en matière de réglementation

canadienne, alors que les câblodistributeurs canadiens sont soumis à une réglementation

très stricte vouée au développement et à la protection de la culture canadienne. Ces derniers

ne bénéficient pas des mêmes conditions qui leur permettent de concurrencer les

plateformes numériques. Ultimement, les acteurs traditionnels risquent de disparaître face à

cette concurrence, puisque les nouveaux acteurs occupent une position dominante sur le

marché.

3. Questions de recherche

Ce mémoire se questionne sur la façon la plus appropriée pour renforcer le système

de radiodiffusion canadien afin de protéger et d’assurer une diversité des expressions

culturelles sur les PVD. Ainsi, il explore les modifications qui devront être apportées à la

réglementation canadienne en matière de radiodiffusion afin de soumettre les PVD aux

obligations applicables aux entreprises de radiodiffusion canadiennes et vouées à l’atteinte

des objectifs en matière de diversité culturelle.

36 GOUVERNEMENT DU CANADA, Mélanie Joly, Ministre du Patrimoine canadien et GOUVERNEMENT DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE, Françoise Nyssen, Ministre de la Culture, Déclaration conjointe sur la diversité culturelle et l’espace numérique, Paris, France, 16 avril 2018. 37 CLAUS, S., CRTC, La politique canadienne en matière de radiodiffusion en question : de Marconi à Netflix, [En ligne] https://crtc.gc.ca/fra/acrtc/prx/2017claus.htm (consulté 23 mai 2018).

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Plus précisément, afin de garantir un système de financement et une concurrence du marché

juste et équitable permettant d’assurer la diversité des expressions culturelles, cette

recherche répondra aux questions suivantes :

Quelles mesures permettraient d’établir une concurrence juste et équitable, en

matière de soutien à la production et de fiscalité, entre les nouveaux diffuseurs et les

diffuseurs traditionnels ?

Quelles autres mesures nationales pourraient permettre l’atteinte des objectifs de la

Convention de 2005 pour assurer une diversité des contenus audiovisuels sur les

plateformes numériques ?

4. Hypothèses

Il serait possible de revoir la Loi sur la radiodiffusion canadienne afin d'encadrer et

d'encourager au mieux la distribution et la diffusion de films par Internet,38 par exemple, en

révisant la définition d’entreprise de radiodiffusion de l’article 2 de la Loi sur la

radiodiffusion, ainsi que l’exemption de 1999 applicable aux nouveaux médias. Une

réforme du système canadien de radiodiffusion est envisageable afin de l’adapter au

numérique, par exemple, en changeant les conditions d’obtention des licences ou même le

système des licences dans son entièreté.

Afin de mettre en place une équité entre tous les diffuseurs en matière de

contribution au financement national ou des obligations à l'égard de la création,39

l’obligation de verser une part dans un fonds de soutien à la création pourrait être étendue

aux PVD. Le Canada pourrait s’inspirer de la proposition de révision de la Directive «

SMA » de l’Union européenne qui prévoit que les États membres pourront demander aux

38 SACD, 23 mai 2017, Quel avenir pour le cinéma dans le monde des plateformes numériques ? [En ligne] https://www.sacd.fr/quel-avenir-pour-le-cin%C3%A9ma-dans-le-monde-des-plateformes-num%C3%A9riques# (consulté le 12 juin 2018). 39 Ibid.

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services à la demande disponibles sur leur territoire de contribuer financièrement à la

production d'œuvres européennes.40

De plus, la création d’un nouveau mécanisme de financement pourrait être aussi

envisagée par lequel une partie des revenus des PVD serait versée dans un fonds destiné au

financement de la culture canadienne, ou encore via les revenus provenant de la publicité,

de manière volontaire ou contractuelle. Par exemple, la France a imposé une taxe sur les

recettes publicitaires provenant de contenus audiovisuels diffusés sur les plateformes

numériques.41 Le Canada pourrait aussi réviser la Loi sur l’impôt en s’inspirant des

concepts de « présence numérique significative » des propositions de directive de l’UE sur

la fiscalité.

Le CRTC pourrait étendre les obligations de quotas d'exposition de la création

canadienne aux PVD, notamment en révisant les conditions d’obtention des licences. Le

Canada pourrait aussi remplacer les quotas de diffusion par des obligations liées à la

découvrabilité et la promotion des contenus canadiens, comme il est discuté dans la

proposition de révision de la directive « SMA ». Il pourrait aussi intégrer la notion des

quotas au sein des algorithmes de recommandation, à l’aide de moyens techniques et

juridiques.

Enfin, la création d’un nouveau règlement applicable spécifiquement aux PVD

pourrait s’avérer nécessaire. De plus, la révision des grandes lois sur le sujet doit être

accomplie, soit : Loi sur les télécommunications et la Loi sur la radiodiffusion, la Loi sur le

Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes et la Loi de l’impôt sur

le revenu.

40 Proposition de directive du parlement européen et du conseil modifiant la Directive 2010/13/UE visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à la fourniture de services de médias audiovisuels, compte tenu de l'évolution des réalités du marché, Bruxelles, 25.5.2016 COM (2016) 287 final, 2016/0151 (COD). 41 Loi n° 2016-1918 du 29 décembre 2016 de finances rectificative pour 2016 modifiant la taxe prévue à l’article 1609 sexdecies B du code général des impôt (voir l’article 56 (I à III).

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5. Méthodologie

Ce mémoire compare différentes solutions juridiques afin d’établir le meilleur

moyen de soumettre les PVD aux obligations de financement de la création, aux obligations

fiscales canadiennes et à la promotion et la distribution de contenus canadiens. Des

suggestions de modifications législatives sont aussi formulées en vue d’adapter le droit en

vigueur au Canada aux PVD situées à l’extérieur du Canada et celles présentes uniquement

dans l’environnement numérique. À cet égard, les solutions actuellement développées en

France et dans l’Union européenne servent de sources d’inspiration.

Ce mémoire s’inscrit donc dans une perspective de bonification du droit canadien

par une approche comparative France-UE. Ainsi, les mesures prises en France ou dans

l’Union européenne sont comparées afin d’en déceler les conséquences et tenter de prédire

leur efficacité, leur nécessité, leur accessibilité et la facilité ou non d’application en droit

canadien lorsqu’un vide juridique est constaté, permettant alors de tenir compte de la

spécificité de ce droit. Dans une approche positiviste, le pouvoir du CRTC en matière de

réglementation est évalué et, s’il se révèle impuissant en la matière, la création d’une

nouvelle loi pour lui permettre d’accomplir sa mission peut être considérée.

Le contenu des règles franco-européennes et canadiennes sert de cadre théorique à

cette étude comparative afin d’établir le cadre juridique et suggérer des mesures

législatives. Le corpus se compose principalement de documents ministériels canadiens,

français et européens, tels des rapports et des études, ainsi que des documents officiels

internationaux des diverses instances gouvernementales européennes et des organisations

internationales telle l’UNESCO, puisqu’il n’existe peu ou pas de doctrine traditionnelle ni

de jurisprudence sur ce sujet. Enfin, les ordonnances et décrets du Conseil de radiodiffusion

et des télécommunications canadiennes servent à décrire le système canadien de

radiodiffusion. Lorsque disponibles, uniquement les documents datant de 2012 à

aujourd’hui sont utilisés, en raison de l’actualité du sujet et des changements rapides

engendrés par les nouvelles technologies.

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Ce mémoire est donc divisé en trois parties. La première partie sert à décrire le

système canadien de radiodiffusion et la politique canadienne de radiodiffusion et présente

les fondements de l’industrie de l’audiovisuel et de la distribution des œuvres (1). La

deuxième partie traite des mesures de soutien à la production des œuvres audiovisuelles et

aborde à la fois le côté économique et culturel de la problématique, telles les mesures de

financement de la création et les mesures fiscales. Elle aborde aussi les mesures liées à la

distribution et la diffusion des œuvres audiovisuelles, tels le système des quotas de

diffusion des contenus canadiens et l’influence des systèmes de recommandations

algorithmiques utilisés par les PVD numériques (2). Enfin, en troisième partie, diverses

pistes de solutions seront proposées qui pourront être considérées par toute personne

s’intéressant au sujet et souhaitant proposer des modifications législatives (3). Le mémoire

couvre des mesures à la fois économiques et de diversité culturelle, celles-ci étant

intrinsèquement liées. En effet, sans moyens de financement de production indépendante,

on ne peut garantir une diffusion substantielle d’œuvre encourageant et soutenant une

diversité culturelle canadienne et internationale.

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Partie 1. Le système canadien de distribution et de diffusion des œuvres

audiovisuelles

La première partie de ce mémoire aborde le système canadien de radiodiffusion, sa

politique et les conditions des licences de radiodiffusion. Dans un premier temps, les modes

traditionnels de distribution des œuvres audiovisuelles, la chaîne de valeurs de l’industrie

cinématographique et le principe de la chronologie des médias font l’objet d’une

description afin de bien intégrer les divers concepts (1.1.) Ensuite, la mission et le

fonctionnement du système de radiodiffusion canadien sont présentés (1.2), ainsi que les

principes fondamentaux de la politique canadienne de radiodiffusion, dont la validité et la

pertinence sont démontrées (1.3.1.). Ensuite, l’explication du système des licences de

radiodiffusion (1.3.2.) et de la qualification d’entreprise de radiodiffusion sont développées

(1.4).

1.1. Les modes traditionnels de distribution et diffusion des films

Le cinéma possède une double nature, celle d’œuvre de l’esprit, d’outil de

divertissement et celle de produit commercial qui se doit d’être économiquement rentable :

« Le cinéma est ainsi une histoire de symbiose et de tensions entres œuvres de l’esprit et

considérations d’argent – la culture et le commerce, les expressions artistiques […] et

l’économie – qui, par sa nature, ne se laissent pas confiner au sein de frontières nationales.

Ainsi le cinéma est par essence international. »42 Cette industrie culturelle a, depuis sa

création, été régulée en fonction de l’économie du marché national et international.43

L’invention du premier cinématographe, suivant celle du kinétoscope et du

phonographe, ancêtre du film, fut attribuée à Louis Lumière, aux alentours de 1895, à

Paris.44 À l’époque, les projections consistaient en la représentation de scènes du quotidien,

42 GERMANN, C., Diversité culturelle et libre-échange à la lumière du cinéma : réflexions critiques sur le droit naissant de la diversité culturelle sous les angles de L'UNESCO et de l'OMC, de la concurrence et de la propriété intellectuelle, Éditions Helbing Lichtenhahn, Suisse, 2008, p. 27. 43 Ibid. 44 SADOUL, G., Histoire générale du cinéma, vol. 1, Éditeur Denoël, Paris, 1973.

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comme l’arrivée d’un train.45 Georges Méliès fut le premier à en faire un moyen

d’expression, en recréant sur pellicule ses spectacles de théâtre et de prestidigitateur.46

Plusieurs créateurs de l’époque accompagnaient leur projection de pièces musicales au

piano, jouées directement dans la salle de spectacle.47 Les balbutiements de ce qu’on

appelle aujourd’hui l’audiovisuel remontent ainsi au siècle dernier.

Le métier de distributeur, quant à lui, est apparu peu de temps après la naissance

de l’industrie cinématographique. Les films qu’on projetait alors étaient vendus sous la

forme de copie aux exploitants de salles de spectacles, de cafés ou aux forains, à qui

revenaient les revenus engendrés par la projection.48 Certains historiens attribuent à Charles

Pathé, la création du métier de distributeur. Celui-ci aurait renoncé à la vente de ses films

pour la remplacer par la location aux exploitants de salles, permettant ainsi un retour direct

des revenus liés à la projection.49 Par la suite, durant ce qu’on appelle l’âge d’or du cinéma

hollywoodien, entre 1930 à 1949, les États-Unis se sont vite imposés sur le marché du

film.50 Cinq studios se sont constitués sont la forme d’oligopole, en contrôlant l’ensemble

des étapes de production, distribution et d’exploitation, notamment par des accords avec les

salles de projection, bloquant ainsi l’arrivé de nouveaux entrants.51 Grâce à des décrets

antitrust de 1948, ils furent démantelés par les autorités de la concurrence.52 Leur oligopole

s’est alors reconstruit autour de la télévision, de la vidéo et enfin, de la diffusion par

Internet.53

À cet égard, l’industrie cinématographique et télévisuelle est fondée sur une chaîne

de valeurs qui permet de gérer les flux financiers et de partager les revenus entre les

45 SADOUL, G., 1973, op. cit. 46 Ibid. 47 DEMAS, L. et J.-C. LAMY, Cinéma : La grande histoire du 7e art, Éditions Larousse, Paris, 2011. 48 FARCHY, J., Et pourtant ils tournent : économie du cinéma à l’ère numérique, Éditions Institut national de l’audiovisuel, Coll. Médias Essais, Bry-sur-Marne, 2011, p. 12. 49 Ibid. 50 Ibid. 51 Ibid, p. 18. 52 Ibid. 53 Ibid.

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différents acteurs.54 Cette chaîne de valeurs se divise en plusieurs étapes : Il y a d’abord la

création, par l’auteur, communément appelé l’ayant droit, d’une œuvre, puis sa production

par différents producteurs indépendants55 ou internes et affiliés à un télédiffuseur ou à un

grand groupe médias.56 Ensuite, le produit final, l’œuvre, est distribué par un distributeur

national ou étranger et diffusé vers les détaillants vidéo, les exploitants de salle, les

festivals, les télédiffuseurs et les services de médias numériques.57 Enfin, l’œuvre est

visualisée par les consommateurs grâce à Internet, aux câblodistributeurs et à la télévision

par satellite, aux locations de vidéogrammes et à l’achat de billets pour la projection en

salle.58 Cependant, les distributeurs doivent respecter certains délais avant d’offrir la

diffusion de l’œuvre aux divers exploitants : c’est ce qu’on appelle la chronologie des

médias. Elle varie selon les pays et la législation.

L’étape de la diffusion consiste à « transmettre des contenus culturels aux

consommateurs »59. Elle est généralement divisée, grâce à ce qu’on appelle la chronologie

des médias, en une suite de « fenêtres de diffusion »60 qui déterminent le « moment et le

format par lequel les œuvres audiovisuelles sont mises à la disposition des

consommateurs ».61 Ainsi, la première fenêtre de diffusion est la première diffusion de

l’œuvre originale.62 La deuxième fenêtre s’ouvre lorsque l’œuvre n’est plus considérée

comme nouvelle. Elle correspond à la vidéo sur demande et la location en format DVD ou

VHS.63 La troisième fenêtre vise la disponibilité sur les services de télévision payants :

54 GOUVERNEMENT DU QUÉBEC, Institut de la statistique du Québec, Observatoire de la culture et des communications du Québec, État des lieux du cinéma et de la télévision au Québec, cahier 1, « Flux financier et organisation industrielle », février 2014, p. 29. 55 « Dans l’industrie, on distingue en général les modes de production entre la production indépendante et celle qui est affiliée ou interne.55 Ainsi, une production cinématographique peut être financée par une société qui combine les fonctions de production et de distribution. Elle ne sera donc pas considérée comme indépendante.55 Une société de production est indépendante lorsqu’elle n’est pas liée à d’autres sociétés pour distribuer son produit, soit le film ou la série télévisée.55 Pour la production télévisuelle, les émissions peuvent être produites par les télédiffuseurs, par des entreprises affiliées ou par des sociétés de production qui n’ont aucun lien avec les télédiffuseurs. Uniquement dans ce dernier cas, elle sera considérée indépendante. » GOUVERNEMENT DU QUÉBEC, cahier 1, février 2014, p. 44. 56 Ibid., p. 46. 57 Ibid., p. 37 et 43. 58 Ibid., p. 33. 59 Ibid, p. 36. 60 Ibid. 61 Ibid. 62 GOUVERNEMENT DU QUÉBEC, cahier 3, août 2014, op.cit., p. 31. 63 Ibid.

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« Les services de télévision payante diffusent des émissions, des films et des vidéos,

généralement sans publicité, moyennant un tarif d’abonnement »64 (par exemple Super

Écran). Ils excluent la vidéo sur demande. Enfin, la quatrième fenêtre correspond à la mise

à disposition de l’œuvre aux fins d’exploitation.65 Elle a traditionnellement lieu deux ans

après la première diffusion originale.66 Bref, toutes ces fenêtres de diffusion participent aux

financements des œuvres et des créateurs. La chronologie des médias peut être établie soit

par la loi, comme en France67, ou par concertation et accords des professionnels, comme au

Canada.68 Certains pays, comme le Royaume-Uni ou le Canada, ont créé une entité

publique chargée de diffuser, en principe, des contenus majoritairement nationaux sur les

chaînes de télévision, par l’entremise de ceux qu’on appelle les « radiodiffuseurs ».

1.2. La mission et le fonctionnement du système canadien de radiodiffusion

Au Canada, le Parlement établit dès 1932 un radiodiffuseur public69 par la Loi

canadienne de la radiodiffusion, maintenant la Loi sur la radiodiffusion.70 Dès les années

1960 naissent les premiers réseaux de télévision privés et la câblodistribution.71 Afin de

justifier l’instauration d’un organe étatique public de radiodiffusion, le Canada considère la

radio et ensuite la télévision, comme un « instrument essentiel de promotion de l’identité

nationale »72 et lui donne comme objectif de protéger et d’assurer la présence de contenus

culturels canadiens pour faire face à la concurrence américaine.73 En 1968, l’adoption de la

nouvelle loi canadienne sur la radiodiffusion crée le Conseil de la radiotélévision

canadienne, aujourd’hui le « CRTC ».74 Bien que le CRTC régisse le secteur de la radio et,

64 GOUVERNEMENT DU QUÉBEC, cahier 3, août 2014, op.cit., p. 23. 65 Ibid. 66 Ibid. 67 France, Code du cinéma et de l’image animée, art. L. 231-1 à L. 234-1. 68 Voir : GOUVERNEMENT DU QUÉBEC, cahier 3, août 2014, op. cit. 69 DEWING, M., La politique canadienne de radiodiffusion, Bibliothèque du Parlement, Ottawa, Canada, 2014, (Étude générale)Publication n°2011-39-F, (Révisée le 6 août 2014), p. 1. 70 Loi sur la radiodiffusion, L.C. 1991, c. 11. (ci-après « Loi sur la radiodiffusion »). 71 DEWING, M., 2014, op. cit., p. 2. 72 TRUDEL, P. « Le modèle nord-américain de régulation audiovisuelle » dans S. REGOURD et L. CALANDRI, « La régulation de la communication audiovisuelle – enjeux et prospectives », L.G.D.J, Institut Universitaire Varenne, Paris, 2015, p. 219. 73 Ibid. 74 DEWING, M., 2014, op. cit., p. 2.

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plus spécifiquement pour les fins de ce mémoire, celui de la télévision, c’est d’abord le

moyen de transmission qu’il réglemente, soit la câblodistribution, et non le type de contenu

audiovisuel transmis. Les radiodiffuseurs qui bénéficient d’une licence du CRTC peuvent

diffuser, quant à eux, autant des films que des séries télévisées. Au niveau fédéral, il n’y a

pas de loi spécifique applicable au secteur du cinéma et les projections en salles et les

fenêtres de diffusion ne sont pas régies par le CRTC.75

Le CRTC a pour mandat de règlementer et de surveiller le secteur de la

radiodiffusion et des télécommunications et de mettre en œuvre les objectifs76 décrits dans

la Loi sur la radiodiffusion et la Loi sur les télécommunications.77 Ainsi, il a pour

principale mission de « sauvegarder, d’enrichir et renforcer la structure culturelle, politique,

sociale et économique du Canada et de favoriser l’épanouissement de l’expression

canadienne ».78 Ce sont tous des principes qu’on retrouve dans la politique canadienne de

radiodiffusion. La Loi sur la radiodiffusion rappelle aussi, dans sa politique, le principe que

le système canadien de radiodiffusion doit être la propriété et sous le contrôle des

Canadiens et que celui-ci est un « service public essentiel pour le maintien et la valorisation

de l’identité nationale et de la souveraineté culturelle » du Canada.79

Afin de distribuer du contenu à l’aide de la câblodistribution, toute entreprise doit

obtenir une licence de radiodiffusion.80 Ce système des licences permet au CRTC de

contraindre les entreprises de radiodiffusion à consacrer un pourcentage de contenu

canadien durant les grandes heures d’écoute (en soirée), afin de mettre en œuvre sa

politique de radiodiffusion. Ces pourcentages représentent en fait les quotas de diffusion

qui permettent d’assurer la promotion du contenu canadien à la télévision ; « le titulaire

d’une licence publique doit consacrer au moins 60 % de la période de radiodiffusion en

soirée à la radiodiffusion d’émissions canadiennes et le titulaire d’une licence privée doit

consacrer au moins 50 % de la période de radiodiffusion en soirée à la radiodiffusion 75 Voir au niveau provincial, par exemple, la Loi sur le cinéma, ch. C-18.1 du Québec. Au niveau fédéral, la Loi sur le cinéma, L.R.C. 1985, ch. N-8, n’a que pour objectif de créer l’Office National du Film du Canada. 76 Loi sur la radiodiffusion, art. 5. 77 Loi sur les télécommunications, L.C. 1993, c. 38. 78 Loi sur la radiodiffusion, art. 3 (1) d) (i), (ii). 79 Ibid., art. 3 (1) a), b). 80 Ibid., art. 9 (1).

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d’émissions canadiennes. » 81 Ainsi, le CRTC exerce ses fonctions de régulation grâce à

l’adoption de textes réglementaires, aux énoncés de politique publique et aux décisions et

ordonnances qu’il rend sur les entreprises.82

Cependant, le CRTC, dans sa politique de radiodiffusion, doit s’adapter aux progrès

technologiques.83 Ainsi, avec l’arrivée des médias numériques dans les années 1990, c’est-

à-dire de la diffusion des contenus audiovisuels sur Internet, le CRTC a choisi de favoriser

l’innovation afin de faire émerger et croître les nouveaux modes de diffusion afin de ne pas

limiter l’accès des Canadiens à ces services.84 Le CRTC a donc émis une ordonnance

d’exemption pour les médias numériques, en vigueur depuis 199985, leur permettant

d’opérer sans être obligés de diffuser du contenu canadien, ni de financer la production

canadienne, puisqu’ils sont exempts de la réglementation à cet effet.86

En mars 2015, suite au processus amorcé par Parlons télé : une conversation avec

les Canadiens,87 dont le but était de réfléchir sur l’avenir de la télévision et d’examiner le

système de radiodiffusion, le CRTC met en place sa nouvelle politique règlementaire.88

Alors qu’il a l’occasion de se prononcer sur l’arrivée des nouveaux diffuseurs (les PVD), le

CRTC choisit de ne pas règlementer les plateformes, en réaffirmant l’exemption dont elles

bénéficient encore à ce jour. Ainsi, il ne leur a pas imposé de quotas de diffusion du

contenu national. Le CRTC a simplement réduit les quotas d’émissions canadiennes des

stations de télévision locales et des services facultatifs et a simplifié le processus

d’attribution de licence en regroupant les licences des services de programmation de

81 Règlement de 1987 sur la télédiffusion, D.O.R.S./87-49, article 4 (7) a), b). Voir aussi : Règlement sur la distribution de radiodiffusion, D.O.R.S./97-555, article 6. 82 TRUDEL P., Le CRTC, dans P. TRUDEL et F. ABRAN, « Les interrelations entre le CRTC et la Commission du droit d’auteur », 8 C.P.I., 1995, p. 377-445. 83 Loi sur la radiodiffusion, art. 3 (1) d) (iv). 84 CRTC, Avis public 1999-197, op.cit., (Réaffirmée en 2012). 85 DEWING, M., 2014, op. cit., p. 2. 86 CRTC, Avis public 1999-197, op.cit., (Réaffirmée en 2012). 87 Voir la 3e phase du processus : Avis de consultation de radiodiffusion CRTC 2014-190. 88 CRTC, Politique réglementaire de radiodiffusion CRTC 2015-86 (Parlons Télé).

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télévision en trois grandes catégories.89 Ainsi, afin de rivaliser avec les nouveaux acteurs, le

CRTC a simplement décidé d’alléger la règlementation des radiodiffuseurs canadiens.

Concernant le financement destiné à soutenir la production des œuvres

audiovisuelles, il peut provenir soit de sources privées nationales ou de sources publiques.90

Au niveau privé, le financement est accordé par les télédiffuseurs ou les exportateurs et

distributeurs étrangers et, au niveau public, notamment par l’accord de crédit d’impôt ou de

fonds de soutien à la création.91 Le financement public sert à financer la production

indépendante. En effet, au Canada :

« La contribution des crédits d’impôt représente 18 % du financement total dans la filière cinématographique et 27 % dans la filière télévisuelle. Les autres principales sources de financement public sont Téléfilm Canada (20 % du financement public, dont environ 40 % pour les longs métrages de fiction), le Fonds des médias du Canada (ci-après « FMC ») (soit 8 % du financement public, essentiellement pour la production télévisuelle) et la Société de développement des entreprises culturelles (ci-après « SODEC ») (9 % du financement public, la majeure partie dédiée à la production cinématographique). »92

Ainsi, les entreprises de radiodiffusions canadiennes doivent contribuer annuellement à un

ou l’autre des différents fonds créés pour soutenir la création canadienne,93 alors que

Netflix, par exemple, ne participe pas au financement de la création canadienne. Certes, la

plateforme a financé certaines productions canadiennes, car elles s’inscrivaient dans son

modèle d’affaires et ses lignes éditoriales,94 mais elle ne finance pas concrètement la

création canadienne, comme le font les entreprises de radiodiffusion. En effet, les dépenses

89 PRESCOTT, S., et Y., WEXLER, « Le CRTC modifie profondément la réglementation de la télévision canadienne », Bulletin communications, Fasken, mars 2015. 90 GOUVERNEMENT DU QUÉBEC, cahier 1, février 2014, op. cit., p. 51. 91 Ibid., p. 45. 92 Ibid., p. 60. 93 Règlement sur la distribution de radiodiffusion, DORS/97-555, art. 52. 94 FONDS DES MÉDIAS DU CANADA, Conseils d’expert: comment vendre votre projet à Netflix, 22 mars 2018, [En ligne] https://trends.cmf-fmc.ca/fr/conseils-dexpert-comment-vendre-votre-projet-a-netflix/ (consulté le 26 juillet 2018).

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consacrées au contenu canadien sur Netflix ne représentent que 5 % de sa programmation.95

Enfin, les mesures de financement sont explorées davantage dans la partie 2 du présent

mémoire.

Ce constat rappelle que les diffuseurs publics canadiens sont soumis à une forte

réglementation vouée à la préservation de la culture nationale qui fut mise en place pour

s’opposer à la concurrence américaine sur les chaînes de télévision dans les années 60.96

Cependant, aujourd’hui encore, les diffuseurs se retrouvent devant cette concurrence

américaine qui émane cette fois-ci des nouveaux modes de diffusion numérique, soit des

PVD. Notamment, les entreprises de diffusion numérique étrangères ne sont pas

considérées comme des entreprises de radiodiffusion selon Loi sur la radiodiffusion97 et ne

sont donc pas soumises à la réglementation canadienne et ne peuvent se voir accorder de

licence de radiodiffusion.

1.3. La politique canadienne de radiodiffusion et le système des licences de

radiodiffusion

La politique canadienne de radiodiffusion fut élaborée, comme mentionnée

précédemment, dès les années 20, pour renforcer l’identité nationale et concurrencer les

chaînes américaines.98 Elle fut amenée à évoluer avec les usages et les nouveaux modes de

distribution, mais son objectif principal est resté identique : celui de sauvegarder, renforcer

et promouvoir la culture canadienne.99 La mise en œuvre de la politique canadienne de

radiodiffusion est aujourd’hui remise en question avec l’arrivée de la distribution et de la

95 MILLER, P. H. et R. RUDNISKI, CRTC, 30 mars 2012, op. cit. : « Les dépenses de Netflix Canada consacrées au contenu canadien représentent environ 5 p. 100 de ses dépenses totales de programmation. Par conséquent, tout gain de part de marché de Netflix aux dépens de la télévision payante, de la télévision traditionnelle, de la VSD et des services spécialisés entraînerait la diminution des fonds alloués au contenu canadien dans le système. De plus, les exigences liées aux émissions d'intérêt national et les mesures favorisant la production d'émissions dramatiques canadiennes seraient aussi touchées. » 96 TRUDEL, P., op. cit., dans S. REGOURD et L. CALANDRI, 2015, p. 219. 97 « Entreprise de radiodiffusion : S’entend notamment d’une entreprise de distribution ou de programmation, ou d’un réseau. (broadcasting undertaking).», Loi sur la radiodiffusion, art. 2. 98 CLAUS, S., CRTC, op. cit. 99 Loi sur la radiodiffusion, art. 3.

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diffusion numérique des œuvres, alors que les objectifs qu’elle poursuit demeurent

pertinents.

1.3.1. La pertinence de la politique canadienne de radiodiffusion dans un monde

numérique

Le CRTC est l’organe étatique public chargé de faire respecter la politique

canadienne de radiodiffusion grâce à l’accomplissement des objectifs prévus dans la Loi sur

la radiodiffusion.100 C’est en octroyant des licences aux entreprises de radiodiffusion que le

CRTC, s’appuyant sur les objectifs énoncés dans la Loi sur la radiodiffusion, peut imposer

des obligations de diffusion de contenu canadien ou exiger des radiodiffuseurs qu’ils

contribuent au financement des émissions canadiennes.101 Les principaux objectifs de la

politique exigent que le système de radiodiffusion soit sous le contrôle et la propriété des

Canadiens,102 qu’ils bénéficient d’une programmation essentiellement en langue anglaise

ou française103 et qu’elle contienne une majorité de contenus canadiens.104 La promotion et

l’accès à cette programmation sont aussi au cœur de ses objectifs.105 Tous les objectifs de la

politique canadienne de radiodiffusion de 1968 ont été repris dans la version modifiée de la

Loi sur la radiodiffusion de 1991.106 D’ailleurs, ces objectifs sont en parfaite adéquation

avec la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions

culturelles.107

Par contre, la pertinence de l’approche privilégiée par la politique canadienne de

radiodiffusion fut remise en cause plus d’une fois. Par exemple, en 2007, le CRTC a

commandé un rapport afin de procéder à une analyse complète du cadre de réglementation 100 Loi sur la radiodiffusion, art. 5. 101 GOUVERNEMENT DU QUÉBEC, Institut de la statistique du Québec, Observatoire de la culture et des communications du Québec, État des lieux du cinéma et de la télévision au Québec, cahier 2, « Encadrement législation et organisation associative », février 2014. 102 Loi sur la radiodiffusion, art. 3 (1) a). 103 Ibid., art. 3 (1) b). 104 Voir notamment : Loi sur la radiodiffusion, art. 3 (1) a), d), e), f), i), j), o), q), r) et s). 105 Par exemple, Loi sur la radiodiffusion, art. 3 (1) e), t) (i), (iii), (iv). 106 DUNBAR, L. J.E. et C. LEBLANC, CRTC, Révision du cadre réglementaire des services de radiodiffusion au Canada, Rapport final, 31 août 2007, p. 4. 107 Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles, UNESCO, 20 octobre 2005, article 1.

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actuel des services de radiodiffusion au Canada et a demandé des recommandations de

réforme.108 Dans ce rapport, les enjeux liés à Internet et aux médias numériques et les défis

auxquels fait actuellement face la radiodiffusion étaient déjà reconnus.109 La préoccupation

pour préserver le contenu national et le caractère canadien du système de radiodiffusion

était aussi abordée ainsi que les objectifs de préservation et de promotion du contenu

national qui sont encore partis de la politique canadienne de radiodiffusion, et ce, depuis les

années 60.110 En effet, ces objectifs sont la raison d’être du système canadien de

radiodiffusion et de la création du CRTC. Sans ceux-ci, ils y auraient moins de contenu

canadien, car il y aurait peu de soutien financier suffisant pour en assurer la création et sans

production de contenu, il y aurait, par conséquent, moins de distribution de contenu

canadien. En effet, produire des émissions canadiennes de haute qualité nécessite beaucoup

plus de moyens financiers que d’acquérir des émissions étrangères, par exemple

américaines, à faibles coûts pour les diffuseurs.111 Ainsi, ce n’est pas la politique

canadienne et les objectifs poursuivis par celle-ci qui sont remis en cause, mais plutôt le

cadre règlementaire et son approche, souvent jugés trop rigides pour concurrencer les

nouveaux acteurs du numérique, notamment dans un contexte de concurrence

internationale. Dans le rapport de 2007, on reconnaît en effet que la politique canadienne de

radiodiffusion est un outil important pour affronter la concurrence américaine et

étrangère.112

Plus récemment, en 2015, suite au processus Parlons Télé : Une conversation avec

les Canadiens, le CRTC a diffusé sa nouvelle politique réglementaire de radiodiffusion

2015-86.113 Considérant la transition des consommateurs de la télévision traditionnelle vers

les médias numériques offrant des contenus sur demande, le CRTC a annoncé des mesures

visant à faciliter cette transition. Parmi ces mesures, on retrouve l’objectif visant à favoriser

la promotion et la découverte de la programmation canadienne, tant au Canada qu’à

108 DUNBAR, L. J.E. et C. LEBLANC, CRTC, 31 août 2007, op. cit. 109 Ibid., p. 119. 110 Ibid., p. 32. 111 « Il peut coûter quelque 3,2 millions $CAN pour produire une dramatique d’une heure qui sera diffusée en période de grande écoute aux États-Unis, mais seulement 200 000 $ pour acheter les droits canadiens à la même émission. » : DUNBAR, L. J.E. et C. LEBLANC, CRTC, 31 août 2007, op. cit., p. 33. 112 Ibid. 113 CRTC, Politique réglementaire de radiodiffusion CRTC 2015-86 (Parlons Télé).

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l’étranger, afin de créer plus de contenus canadiens.114 La politique canadienne de

radiodiffusion n’est donc pas remise en cause, mais réaffirmée, en ciblant les médias

numériques. Enfin, dans son récent rapport de juin 2018, Emboîter le pas au changement :

L’avenir de la distribution de la programmation au Canada, rappelle que le contenu

canadien dépend largement de l’appui des divers paliers de gouvernements, des membres

de l’industrie, du public et surtout de l’engagement des créateurs canadiens : « Si les

Canadiens en venaient à abandonner ces services [de radiodiffusion] en nombre important,

le réseau serait moins en mesure de soutenir la création de contenus. Le contenu qui est

déjà coûteux à produire ou qui n’est pas rentable deviendrait encore plus difficile à

appuyer. »115 Avec l’arrivée des PVD telle Netflix, les consommateurs canadiens tendent à

abandonner les services traditionnels.116 Ainsi, le renforcement et la préservation de la

politique canadienne de radiodiffusion sont plus importants que jamais, car la perte de

contenu canadien limiterait la capacité du système de radiodiffusion de représenter la

culture et l’identité de la société canadienne,117 ce dont les plateformes numériques

étrangères ne se soucient guère. Par contre, son cadre règlementaire doit être révisé, car il

est inadapté aux nouvelles technologies.

1.3.2. Les conditions restrictives d’obtention des licences de radiodiffusion

Cette partie ne prétend pas faire l’énumération exhaustive de toutes les conditions

d’obtention des licences de radiodiffusion, car elles sont nombreuses. Elle s’attarde plutôt

sur celles ayant le plus grand impact en raison de l’absence de règlementation des

plateformes numériques et sur le financement du contenu canadien.

114 CRTC, Politique réglementaire de radiodiffusion CRTC 2015-86 (Parlons Télé). 115 CRTC, Emboîter le pas au changement : L’avenir de la distribution de la programmation au Canada, op. cit., risque n° 1. 116 MILLER, P. H. et R. RUDNISKI, 30 mars 2012, op. cit. : «Les chiffres de l'automne 2011 ont fourni la première preuve tangible du recul, bien que modeste, du nombre d'abonnements aux services de télévision payante. Si la croissance de Netflix demeure vigoureuse, ce service pourrait fort bien atteindre ou dépasser les niveaux de la télévision payante au cours des deux prochaines années. » 117 CRTC, Emboîter le pas au changement : L’avenir de la distribution de la programmation au Canada, op. cit.

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Le principe fondamental du système de radiodiffusion canadien consiste dans

l’attribution obligatoire d’une licence à une entreprise qui souhaite distribuer du contenu

audiovisuel118 par voie analogique ou linéaire (qui représente la télévision traditionnelle,

par voie terrestre hertzienne, puis le câble ou le satellite), ou par la technologie non linéaire

(par exemple, les services de vidéo sur demande et les services de télévisions payants).119 Il

est donc important de faire la distinction entre ce que le CRTC considère la vidéo sur

demande et le terme PVD qui est utilisé aux fins de cette recherche. Pour le CRTC, la vidéo

sur demande correspond à :

« La VSD [Vidéo Sur Demande], permet à un client relié à un canal numérique et possédant un boîtier de décodage de fureter dans les grandes bibliothèques audiovisuelles, où il trouvera des longs métrages, des émissions de télévision et une grande variété d’événements sportifs. Une connexion individuelle point à point s’établit entre le décodeur du client (boîtier de décodage ou PC) et le serveur de diffusion en continu. La programmation est disponible comme service à la carte, par abonnement ou gratuitement dans le cas des abonnés numériques. »120

La vidéo sur demande correspond donc aux services tels Club Illico et CraveTv

(étant, à la fois, un service de vidéo à la demande disponible en ligne et sur la télévision et

lié à une entreprise de radiodiffusion canadienne : Bell)121. Au contraire, les PVD dont il est

question dans ce mémoire sont celles qui sont uniquement disponibles sur Internet et qui

utilisent l’adresse IP de l’utilisateur. L’adresse IP correspond en effet à une « adresse

numérique qui identifie de façon unique un ordinateur connecté au réseau Internet et en

permet la localisation. »122 Les licences ne visent donc pas les entreprises opérant

uniquement sur les réseaux numériques, c’est-à-dire, les PVD. Le CRTC utilise, quant à lui,

le terme « nouveaux médias » pour décrire ces plateformes. Ces nouveaux médias, ce qui

englobent les PVD numériques, bénéficient donc d’une exemption depuis 1999, qui fut

réitérée en 2012 :

« Le Conseil rend une ordonnance qui exempte de la réglementation, sans modalité ni condition, toutes les entreprises de radiodiffusion de nouveaux

118 Loi sur la radiodiffusion, art. 9 (1). 119 Ibid. 120 « Vidéo sur demande », CRTC, Glossaire [En ligne] https://crtc.gc.ca/multites/mtwdk.exe?k=glossaire-glossary&l=60&w=223&n=1&s=5&t=2 (consulté le 5 juillet 2018). 121 CraveTv, [En ligne] https://help.cravetv.ca/ (consulté le 13 juillet 2018). 122 « Adresse IP » Office québécois de la langue française, [En ligne] https://www.oqlf.gouv.qc.ca/accueil.aspx, (consulté le 5 juillet 2018).

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médias qui sont exploitées, en tout ou en partie, au Canada. Les entreprises de radiodiffusion de nouveaux médias sont des entreprises qui offrent des services de radiodiffusion distribués et accessibles sur Internet. Ainsi, les entreprises de radiodiffusion de nouveaux médias ne sont pas tenues d’obtenir une licence du Conseil. Le Conseil signale que l'ordonnance d'exemption ne vise pas les sphères d'activité autorisées en radiodiffusion (par exemple la radiodiffusion ou la télédiffusion hertzienne) d'une société qui exploite également une entreprise de radiodiffusion de nouveaux médias. »123 Ainsi, parce que la politique canadienne de radiodiffusion doit « demeurer aisément

adaptable aux progrès scientifiques et techniques »,124 le CRTC choisit de favoriser

l'émergence de ses nouvelles plateformes en s'abstenant de les réglementer, au lieu

d'adapter ses règles afin de mieux les encadrer. Or, la Loi sur la radiodiffusion autorise le

CRTC à soustraire certains exploitants d’entreprise de radiodiffusion à la réglementation

en vigueur, mais celui-ci ne peut les exempter lorsque cela entrainerait des conséquences

majeures sur la mise en œuvre de la politique canadienne de radiodiffusion.125 On peut

donc se demander si l’exemption applicable aux nouveaux médias est encore pertinente à

ce jour pour réaliser les objectifs de la politique canadienne de radiodiffusion et ainsi

permettre d’assurer la sauvegarde du contenu canadien, tel que prévu dans la politique

canadienne de radiodiffusion. Certes, en 1999 le portrait des activités de diffusion sur

Internet était tout autre que celui d’aujourd’hui et le CRTC devrait tenir compte davantage

des avancées technologiques.

De plus, puisque selon la politique canadienne de radiodiffusion, le système de

radiodiffusion canadien doit rester la propriété et sous le contrôle des Canadiens,126 le

gouverneur général en conseil a donné des instructions au CRTC, par lesquelles celui-ci ne

peut attribuer de licence de radiodiffusion à un demandeur non canadien.127 Le système

règlementaire canadien se trouve donc dans une impasse : D’un côté, l’exemption de

licences pour les plateformes numériques ne permet pas au CRTC de les soumettre à la

réglementation en vigueur,128 notamment en ce qui concerne la contribution au

123 CRTC, Avis public 1999-197, op. cit. 124 Loi sur la radiodiffusion, art. 3 (1) d) (iv). 125 Ibid., art. 9 (4). 126 Ibid., art. 3 (1) a). 127 Instructions au CRTC (inadmissibilité de non-Canadiens), D.O.R.S./97-192, art. 2. 128 Loi sur la radiodiffusion, art. 10 (2).

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financement du contenu canadien et, d’un autre côté, l’inadmissibilité des non-Canadiens à

l’obtention de licences empêche le CRTC d’exercer son pouvoir règlementaire, notamment

sur les plateformes étrangères. Ainsi, les nouveaux acteurs se tournent plutôt vers

l’autoréglementation, par laquelle diverses ententes contractuelles de distribution avec les

ayants droit leur permettent de créer un catalogue de programme télévisuel sur Internet et

d’opérer en marge de la réglementation canadienne de radiodiffusion129 : « La distribution

de la programmation de télévision par Internet, que ce soit par des télédiffuseurs canadiens

ou par des entreprises étrangères, est exemptée de toute réglementation ».130

Récemment, suite à la politique règlementaire issue du processus Parlons Télé : Une

conversation avec les Canadiens, le CRTC a souhaité simplifier et alléger le processus

d’attribution des licences. Alors que certains avaient l’espoir que l’organisme déciderait de

règlementer les plateformes numériques, le CRTC a simplement réitéré son avis que «

l’attribution de licences aux entreprises de radiodiffusion de médias numériques n’est

généralement pas nécessaire pour atteindre les objectifs de la politique de radiodiffusion

énoncés dans la Loi ».131 Ainsi, il a remplacé les nombreuses catégories de licences, par

trois catégories possédant chacune leurs obligations et visant les différents services offerts

(et non la technologie de diffusion utilisée) : celles visant les services de télévision de base,

celles visant les services facultatifs, soit les services payants et les chaînes spécialisées et

enfin, celles visant les services sur demande,132 excluant ainsi les PVD de sa

réglementation. De plus, l’attribution de licence est un processus exigeant et coûteux pour

le système.133 D’ailleurs, le rapport de 2007 les comparait avec les ordonnances

d’exemption conditionnelles qui, à l’opposé, offrent un coût réduit d’administration.134

Ainsi, si l’attribution d’une licence ne permet pas de contribuer efficacement à l’atteinte

des objectifs de la politique canadienne de radiodiffusion, il faudrait peut-être les substituer

129 DUNBAR, L. J.E. et C. LEBLANC, CRTC, 31 août 2007, op. cit., p. 53. 130 Ibid. 131 CRTC, Politique réglementaire de radiodiffusion CRTC 2015-86 (Parlons Télé). 132 PRESCOTT, S., et Y., WEXLER, mars 2015, op. cit. 133 DUNBAR, L. J.E. et C. LEBLANC, CRTC, 31 août 2007, op. cit., p. 19. 134 Ibid.

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par des ordonnances d’exemption conditionnelles, ou revoir complètement le cadre

règlementaire.135

Par conséquent, il semble que le système des licences, un processus complexe et

coûteux, ne permet pas d’atteindre les objectifs de la politique canadienne. Il ne semble pas

adapté à l’environnement numérique qui évolue dans un cadre beaucoup plus souple et

souvent à l’abri des législations nationales des pays vers lesquels les PVD diffusent leurs

contenus. De plus, bien que le système reste sous le contrôle des Canadiens, il ne permet

pas d’assurer une présence de contenus canadiens sur les plateformes étrangères et

l’ordonnance d’exemption des nouveaux médias laisse difficilement croire qu’elle

permette au CRTC d’atteindre ses objectifs. D’ailleurs, dans son récent rapport, le CRTC

proposait de remplacer l’octroi obligatoire de licences par des accords contraignants qui

viseraient aussi les nouveaux acteurs, soit : « tout service audio ou vidéo offert en sol

canadien ou percevant des revenus de la part de Canadiens. Cela devrait s’appliquer aux

services traditionnels ou nouveaux, qu’ils soient canadiens ou non. »136 Cependant, s’il

s’avère impossible de réviser le système des licences, il faudrait peut-être mettre en place

une réglementation spécifique pour ces plateformes, afin d’établir une concurrence juste et

équitable entre les entreprises de radiodiffusion et les plateformes numériques.

1.4. Une qualification d’entreprise de radiodiffusion désuète

Afin de qualifier ce qu’est une d’entreprise de radiodiffusion, il faut d’abord définir

ce que la Loi sur la radiodiffusion considère être une activité de radiodiffusion :

« Transmission, à l’aide d’ondes radioélectriques ou de tout autre moyen de télécommunication, d’émissions encodées ou non et destinées à être reçues par le public à l’aide d’un récepteur, à l’exception de celle qui est destinée à la présentation dans un lieu public seulement (broadcasting). » (Soulignement ajouté).137

135 DUNBAR, L. J.E. et C. LEBLANC, CRTC, 31 août 2007, op. cit., p. 19. 136 CRTC, Emboîter le pas au changement : L’avenir de la distribution de la programmation au Canada, op. cit. 137 Loi sur la radiodiffusion, art. 2.

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Il s’agit en effet d’une définition très technique et large servant à décrire le procédé

de communication. Pour ce qui est de la définition d’entreprise de radiodiffusion, la Loi sur

la radiodiffusion la définit ainsi :

« S’entend notamment d’une entreprise de distribution ou de programmation, ou d’un réseau (broadcasting undertaking). »138

Enfin, la Loi sur la radiodiffusion définit ce qu’est une entreprise de distribution :

« L’entreprise de distribution est celle qui reçoit la radiodiffusion pour retransmission […] en vue de sa réception dans plusieurs résidences permanentes ou temporaires ou locaux d’habitation, ou en vue de sa réception par une autre entreprise semblable. » (Soulignement ajouté).139

Alors que l’entreprise de programmation est :

« L’entreprise de transmission d’émissions soit directement à l’aide d’ondes radioélectriques ou d’un autre moyen de télécommunication, soit par l’intermédiaire d’une entreprise de distribution, en vue de leur réception par le public à l’aide d’un récepteur. » (Soulignement ajouté).140

La Loi sur la radiodiffusion a donc inséré des définitions très techniques pour

décrire les activités règlementées : L’entreprise de distribution distribue les signaux radio et

l’entreprise de programmation transmet les émissions télévisées. Il ne semble pas y avoir de

différence notable entre l’entreprise de distribution et l’entreprise de programmation dans la

Loi sur la radiodiffusion. En consultant le Règlement sur la distribution de radiodiffusion,

il est décrit qu’une entreprise de distribution reçoit des services de programmation, pouvant

provenir soit d’une entreprise de programmation ou non et les distribue par la suite.141

L’entreprise de distribution est titulaire d’une licence de radiodiffusion et elle peut

contrôler une entreprise de programmation. Ainsi, dans ce dernier cas, l’entreprise de

programmation n’est pas une société indépendante du distributeur, par exemple, la société

Vidéotron, un câblodistributeur, distribue le contenu de son propre service de

programmation Le Superclub Vidéotron : La programmation peut donc émaner des studios

de ses établissements, d’un réseau de stations affiliées ou de sources extérieures.142

138 Loi sur la radiodiffusion, art. 2. 139 Ibid. 140 Ibid. 141 Règlement sur la distribution de radiodiffusion, D.O.R.S./97-555, art. 1. 142 GOUVERNEMENT DU QUÉBEC, cahier 3, août 2014, op. cit.

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Par contre, l’enjeu principal de ces définitions est que certaines entreprises de

programmation ont été exemptées des obligations de la Loi sur la radiodiffusion.143 C’est

notamment le cas des médias numériques en raison de l’Ordonnance d’exemption relative

aux entreprises de radiodiffusion de nouveaux médias de 1999. Ainsi, la présence

d’entreprises qui distribuent, produisent et programment même parfois des émissions

destinées aux Canadiens sans tomber sous la définition d’entreprise de radiodiffusion de la

Loi sur la radiodiffusion canadienne envahissent le marché canadien.144 De cette façon, «

les revendeurs ou les distributeurs étrangers peuvent utiliser des plateformes alternatives

pour atteindre directement les consommateurs canadiens en réservant les droits numériques

de contenu, c’est-à-dire les droits d’exploitation sur Internet des contenus, mettant ainsi de

côté les distributeurs, télédiffuseurs et les entreprises de radiodiffusion nationales ».145

C’est le cas notamment de Netflix au Canada.

Fait d’autant plus intéressant, le Bureau de certification des produits audiovisuels

canadiens (ci-après le « BCPAC ») a annoncé que les productions audiovisuelles

canadiennes diffusées uniquement en ligne, sur des plateformes canadiennes ou étrangères,

seraient admissibles au crédit d’impôt CIPC, à condition qu’un distributeur ou un

radiodiffuseur canadien participe au projet146 :

« Pour qu’une production audiovisuelle soit admissible à la certification en vertu du CIPC, une convention écrite doit avoir été conclue avec un radiodiffuseur autorisé par le CRTC ou un distributeur canadien pour que la production soit diffusée au Canada au cours de la période de deux ans qui commence dès que la production est achevée et qu’elle devient exploitable commercialement. Cet engagement, souvent appelé la « clause de deux ans », est exposé dans le Règlement et n’est pas modifié par la présente politique. »147

143 Règlement sur la distribution de radiodiffusion, D.O.R.S./97-555, art. 1 « Entreprise de programmation exemptée ». 144 CLAUS, S., CRTC, op. cit. 145 PATRIMOINE CANADIEN, Étude sur le secteur de la distribution audiovisuelle au Canada, Annexe A : profil économique, Préparée par : Nordicity, Le 31 mars 2011, p. 104. 146 GOUVERNEMENT DU CANADA, Le cadre stratégique du Canada Créatif, op. cit. 147 BCPAC, Avis public 2017-01, Plateformes pouvant satisfaire à l’exigence qu’une production soit « diffusée au Canada » dans le cadre du Crédit d’impôt pour production cinématographique ou magnétoscopique canadienne, Gatineau, le 6 mars 2017, par. 22.

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La clause de deux ans correspond en fait à la fenêtre de diffusion, établie en raison du

principe de la chronologie des médias discuté précédemment. La production peut alors être

diffusée sur tous les médias, dont les PVD acceptables, si la société de production a conclu

une convention écrite, en échange d’une contrepartie à la juste valeur marchande, avec un

distributeur canadien, pour que la production soit diffusée au Canada dans les deux ans

suivant sa mise à disposition aux fins d’exploitation commerciale.148 Est considérée comme

une juste valeur marchande : « Le prix le plus élevé, en dollars, qu’un bien rapporterait lors

d’une vente effectuée dans un marché libre et sans restriction, entre deux personnes

consentantes qui sont averties, renseignées et prudentes, et qui agissent de façon

indépendante. »149

Ainsi, selon la liste des services en ligne acceptables aux fins de l’Avis public du

BCPAC 2017-01, en date du 4 juin 2018, on retrouve comme diffuseur autorisé, Netflix,

Amazon Prime Video, iTunes et certaines chaînes de YouTube.150 Se pose donc la question

de savoir si ces PVD devraient être considérées par la Loi sur la radiodiffusion comme des

radiodiffuseurs, donc des entreprises de radiodiffusion, puisqu’une diffusion d’une œuvre

audiovisuelle sur ce type de plateforme est considérée comme une diffusion admissible aux

crédits d’impôt CIPC, autrement réservés aux productions canadiennes, distribuées par des

entreprises canadiennes. Cette mesure a ainsi pour effet d’inciter les producteurs canadiens

à travailler en collaboration avec un distributeur ou un radiodiffuseur canadien, pour

ensuite diffuser uniquement en ligne la production audiovisuelle, sur des serveurs étrangers.

Notamment, ces plateformes pourraient être considérées comme des entreprises de

programmation. Le BCPAC est d’avis qu’on ne pourrait considérer les PVD comme des

distributeurs, car leur rôle consiste uniquement à fournir une plateforme de diffusion et

qu’elles n’exercent pas les fonctions habituelles d’un distributeur.151 Considérant

l’implication de plateformes comme Netflix dans la chaîne des valeurs des contenus

audiovisuels, allant de la production à la distribution, il est pertinent de douter de cette

148 BCPAC, Avis public 2017-01, op. cit., par. 30. 149 Ibid., par. 33. 150 GOUVERNEMENT DU CANADA, Liste des services en ligne acceptables pour les fins de l’Avis public du BCPAC 2017-01, [En ligne] https://www.canada.ca/fr/patrimoine-canadien/services/financement/bcpac-credit-impot/avis-bulletins/avis-public-2017-01/services-en-ligne-acceptables.html (consulté le 23 juillet 2018). 151 BCPAC, Avis public 2017-01, op. cit., par. 10.

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affirmation.

Par ailleurs, il faut aussi souligner que certaines entreprises canadiennes exercent

plusieurs fonctions, ce qui soulève d’autres préoccupations. Par exemple, Vidéotron et Bell

agissent à la fois comme fournisseur de services Internet (ci- après « FSI ») et comme

radiodiffuseur. Alors, en fonction de leur rôle, soit la Loi sur la radiodiffusion ou la Loi sur

les télécommunications s’appliquent aux activités qu’elles dirigent. En effet, dans le Renvoi

relatif à la Loi sur la radiodiffusion de 2012,152 la Cour Suprême s’est prononcée en appel

sur un jugement de la Cour d’appel Fédérale sur la question de savoir si les FSI exploitaient

des entreprises de radiodiffusion assujetties à la Loi sur la radiodiffusion « lorsque,

conformément à leur rôle en tant que FSI, ils fournissaient l’accès par Internet à la «

radiodiffusion » demandée par les utilisateurs. »153 La Cour a rejeté le pourvoi, en infirmant

cette hypothèse.

Dans ce renvoi, la Cour fait la distinction entre les activités d’accès et de réception

des transmissions Internet :

« Les FSI mettent à la disposition de leurs abonnés routeurs et autres éléments d’infrastructure qui donnent accès au contenu et aux services offerts sur Internet, y compris de la programmation sonore et audiovisuelle provenant de fournisseurs de contenu, lesquels comptent sur les FSI pour la transmission de leur contenu par Internet aux utilisateurs finaux. »154

Ainsi, la Cour considère que lorsqu’ils agissent uniquement à ce titre, ils n’ont aucun

contrôle sur la programmation qui est diffusée sur leur réseau et ne devraient donc pas être

considérés comme des entreprises de radiodiffusion, mais plutôt comme des entreprises de

télécommunications,155 assujetties alors à la Loi sur les télécommunications.156

152 Reference re Broadcasting Act, 2012 SCC 4, [2012] 1 S.C.R. 142. 153 Ibid. 154 Reference re Broadcasting Act, 2012 SCC 4, [2012] 1 S.C.R. 142. 155 Loi sur les télécommunications, L.C. 1993, c. 38, art. 2. 156 Selon cette même logique, c’est pour cette raison qu’ils ne peuvent être tenus responsables des violations des droits d’auteur sur Internet, car ils ne sont que des intermédiaires techniques et n’ont aucun contrôle sur le contenu : Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique c. Assoc. canadienne des fournisseurs Internet, [2004] 2 R.C.S. 427. Et article 31.1. 1. Loi sur le droit d’auteur, L.R.C. 1985, c. C-42.

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Au contraire, les entreprises de radiodiffusion participent à la sélection, à la création

de contenus et à leur mise à disposition sous forme de forfaits, selon les principes de la

politique canadienne de radiodiffusion.157 C’est donc dire qu’elles ont un contrôle éditorial

sur la programmation et non simplement un rôle technique de transmission. Cependant, il

faut s’interroger à savoir si cette distinction est encore pertinente aujourd’hui. En effet, sans

transmission de signaux, il n’y a pas d’accès aux plateformes de diffusion. De plus, la

plupart des entreprises au Canada sont concentrées en grands groupes médias qui agissent à

la fois comme FSI et en tant que radiodiffuseur, en plus d’avoir mis en place leur propre

plateforme.158 La notion de « contrôle » sur le contenu est alors ténue et la notion

d’entreprise de radiodiffusion ou de télécommunication semble alors désuète, puisque d’un

côté, l’on met à disposition un contenu et de l’autre, on met à disposition un outil pour

accéder à ce contenu. La numérisation des contenus et la convergence des activités de ces

entreprises ont alors pour effet de rendre la distinction moins nette entre radiodiffusion et

télécommunications.159 Ainsi, ces deux lois se chevauchent de plus en plus. 160 En révisant

ces deux lois et leurs définitions, le législateur permettrait au CRTC d’inclure les

fournisseurs de services sans fil et les FSI dans son modèle de financement de la

programmation, auquel contribuent déjà les radiodiffuseurs.161

Enfin, le rôle traditionnel joué par les distributeurs est celui de créer un lien entre les

détenteurs des droits d’une œuvre cinématographique (par exemple, le producteur) et les

salles de cinéma, les marchands pour la vente sous format physique, la location et les

radiodiffuseurs.162 En ce qui concerne la télédiffusion, les diffuseurs sont chargés de

l’horaire, de la présentation et de la promotion des contenus.163 Ensuite, le rôle traditionnel

joué par les diffuseurs est de distribuer le contenu directement aux consommateurs.164 Les

PVD ne sont donc qu’une nouvelle technologie de distribution et diffusion des contenus.

157 Reference re Broadcasting Act, 2012 SCC 4, [2012] 1 S.C.R. 142. 158 DEWING, M., 2014, op. cit., p. 8. 159 Ibid. 160 DEWING, M., 2014, op. cit., p. 8. 161 CRTC, Emboîter le pas au changement : L’avenir de la distribution de la programmation au Canada, op. cit. 162 PATRIMOINE CANADIEN, Étude sur le secteur de la distribution audiovisuelle au Canada, 31 mars 2011, op. cit., p. 12. 163 Ibid. 164 Ibid.

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Leur impact sur la diffusion réside principalement sur le mode de consommation des

contenus, passant d’une grille horaire prédéterminée (comme la télévision traditionnelle)

vers un milieu de visionnement à la demande, c’est-à-dire au moment et au lieu désiré par

le consommateur.165

Par conséquent, le rôle de Netflix n’est pas différent des entreprises de

radiodiffusion traditionnelles, puisqu’elle acquiert les droits de distribution auprès des

détenteurs de ces droits pour diffuser leur contenu sur sa plateforme. Elle a aussi un rôle

éditorial dans la programmation, puisqu’elle se charge de la présenter et la rendre

accessible aux consommateurs et s’occupe de leur promotion. De plus, elle produit de plus

en plus son propre contenu et participe ainsi à sa sélection et à sa création, comme les

entreprises de programmation canadienne. Ainsi, le législateur devrait soit considérer la

modification de la définition d’entreprise de radiodiffusion pour y inclure les distributeurs

et les entreprises de programmation étrangères qui créent et diffusent du contenu destiné

aux Canadiens, soit retirer l’Ordonnance d’exemption relative aux entreprises de

radiodiffusion de nouveaux médias de 1999 pour rendre la Loi sur la radiodiffusion

applicable aux PVD numériques.

Enfin, les obligations liées au financement du contenu canadien fixées par les

licences, ainsi que les différents fonds de soutien à la création et les crédits d’impôt pour la

production de contenu canadien sont d’abord expliqués dans la deuxième partie de ce

mémoire, ainsi que les obligations liées à la promotion et la protection de la diversité des

expressions culturelles. Puis, le meilleur moyen d’encadrer les PVD est suggéré par des

pistes de solutions proposées en troisième partie.

165 PATRIMOINE CANADIEN, Étude sur le secteur de la distribution audiovisuelle au Canada, 31 mars 2011, op. cit., p. 12.

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Partie 2. Les mesures de soutien à la production et la distribution des œuvres

audiovisuelles canadiennes face aux enjeux du numérique

Dans cette deuxième partie sont abordées les mesures de soutien à la production et

la distribution des œuvres audiovisuelles canadiennes et la manière dont elles tentent de

s’adapter aux enjeux du numérique. Ces mesures ont un impact important sur la diversité

des expressions culturelles, sur leur promotion et l’accès par les consommateurs. De plus,

les enjeux du numérique affectent le financement et la production future des œuvres

audiovisuelles. Ainsi, dans un premier temps, sont présentées les mesures de financement

des œuvres audiovisuelles canadiennes (2.1. et 2.2.). Ensuite, la démonstration de

l’inadaptabilité du système de quotas de diffusion canadien aux plateformes numériques est

effectuée (2.3.). Enfin, le concept de découvrabilité des contenus et son impact sur la

diffusion numérique sont évalués ainsi que les conséquences des systèmes algorithmiques

de recommandations sur la diversité des expressions culturelles (2.4.).

2.1. Les mesures de financement du contenu canadien

Parmi les mesures législatives et gouvernementales mises en place pour assurer un

financement satisfaisant des productions audiovisuelles canadiennes, l’obligation de verser

une part des revenus des radiodiffuseurs vers des fonds de soutien à la création est sans

doute la plus importante, avec l’octroi des crédits d’impôt offerts aux sociétés de

production canadienne. Par contre, l’absence de perception de la taxe sur la valeur ajoutée

par les plateformes numériques et l’absence de l’obligation de payer de l’impôt sur la

plupart de leurs activités créent une disparité entre les moyens financiers dont disposent les

entreprises de radiodiffusion et les nouveaux acteurs que sont les PVD.

2.1.1. Les fonds de soutien à la création canadienne

Les titulaires de licence de radiodiffusion doivent, comme mentionné

précédemment, contribuer au financement de la création canadienne. Selon le type de

technologie de distribution utilisée (et selon les services ou les contenus distribués), le

Page 42: La règlementation des plateformes de diffusion …...la révision du mandat du radiodiffuseur public canadien et, entre autres, la promotion de la distribution et de la découverte

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montant des versements vers les fonds de soutien à la création varie. Par exemple, les

entreprises de distribution par voie terrestre numérique et par voie analogique doivent

verser, chaque année, l’équivalent de 4,7 % de leurs revenus bruts à la programmation

canadienne, dont un pourcentage maximal de 1,5 % peut être déduit pour leurs activités de

contribution aux expressions locales.166 De ce montant total, 80 % sont versés au fonds de

production canadien et 20 % à un ou plusieurs fonds de production indépendants.167 Pour

les entreprises de distribution par satellite de radiodiffusion directe, ils doivent également

verser 4,7 % de leurs revenus bruts annuels à la programmation canadienne, dont un

pourcentage de 0,06 % peut être déduit pour leur contribution aux émissions de nouvelles

reflétant la réalité locale.168 De ce montant total, une contribution d’au plus 0,05 % doit être

versé dans un fonds de production indépendant et le solde restant, au fond de production

canadienne.169 Les plateformes de diffusion par Internet sont exemptées de ces obligations.

Ainsi, les contributions annuelles des entreprises de radiodiffusion peuvent être

dirigées vers plusieurs fonds, soit vers le Fonds des médias du Canada (ci-après « FMC »),

ou vers des fonds indépendants.170 Le FMC est le fonds le plus important en termes

d’allocations. Il fût créé à l’initiative du CRTC et il est un fonds à la fois privé et public.

Les allocations proviennent des versements obligatoires des radiodiffuseurs et de la

contribution publique de Patrimoine canadien.171 Par exemple, durant l’année 2016-2017, le

FMC a versé 361,6 millions de dollars à des projets canadiens de télévision et de médias

numériques.172 Quant aux fonds indépendants, le CRTC a dressé une liste des fonds de

production indépendants certifiés qui sont admissibles à recevoir des contributions des

radiodiffuseurs.173,174 Comme l’affirme le constat lors de la vérification des titres des

166 Loi sur la radiodiffusion, art. 34(2). 167 Ibid., art. 34(1). 168 Ibid., art. 52(1). 169 Ibid., art. 52(2). 170 GOUVERNEMENT DU QUÉBEC, cahier 2, février 2014, op. cit., p. 28. 171 Ibid., p. 30. 172 FONDS DES MÉDIAS DU CANADA, Rapport annuel 2016-2017, [En ligne] https://ar-ra16-17.cmf-fmc.ca/fr/ (consulté le 6 juillet 2018). 173 CRTC, Liste des fonds de production indépendants certifiés [En ligne] https://crtc.gc.ca/fra/general/cipfund.htm (consulté le 6 juillet 2018). 174 CRTC, Politique réglementaire de radiodiffusion CRTC 2016-343.

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différents fonds de cette liste, ils sont généralement créés par les grands groupes médias,

tels Quebecor et Telus, ainsi que par Téléfilm Canada.175

Cependant, alors que les radiodiffuseurs sont tenus de contribuer à la production

canadienne, les entreprises comme Netflix, qui sont passées d’un rôle de simple diffuseur à

celui de producteur de contenus bien présents au Canada, n’ont pas l’obligation de

participer au financement de la création canadienne.176 En réponse au désir du CRTC de

règlementer Netflix et à la polémique entourant son opposition,177 Netflix a plutôt décidé de

privilégier la conclusion d’une entente avec le gouvernement canadien pour investir dans

les productions canadiennes.178 L’entente n’étant toutefois pas rendue publique, il est

impossible de savoir comment et vers quelles productions l’entreprise investira les 100

millions prévus par année, sur cinq ans. Il est ainsi impossible de garantir un contenu

canadien et non simplement des productions américaines, tournées sur le territoire, à

moindres coûts, par des créateurs américains.179 De plus, cette situation contribue à créer

une entorse à la concurrence sur le marché, puisque les radiodiffuseurs sont soumis à une

réglementation stricte et que la production canadienne dépend largement du financement

privé et public. En effet, les PVD étrangères ont des moyens financiers supérieurs et

bénéficient d’une absence de réglementation.180 Dans son dernier rapport, le CRTC

reconnaît d’ailleurs que les services de vidéo en ligne, soit les PVD, devraient contribuer à

la production du contenu, notamment en langue française.181

175 GOUVERNEMENT DU QUÉBEC, cahier 2, février 2014, op. cit., p. 31. 176 MILLER, P. H. et R. RUDNISKI, CRTC, 30 mars 2012, op. cit. : « Les dépenses de Netflix Canada consacrées au contenu canadien représentent environ 5 p. 100 de ses dépenses totales de programmation. Par conséquent, tout gain de part de marché de Netflix aux dépens de la télévision payante, de la télévision traditionnelle, de la VSD et des services spécialisés entraînerait la diminution des fonds alloués au contenu canadien dans le système. De plus, les exigences liées aux émissions d'intérêt national et les mesures favorisant la production d'émissions dramatiques canadiennes seraient aussi touchées. » 177 « Netflix refuse toujours d’être soumis à la Loi sur la radiodiffusion canadienne », 24 novembre 2016, [En ligne] https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1001979/netflix-patrimoine-canadien-investit-substantiellement-production, (consulté le 6 juillet 2018). 178 PATRIMOINE CANADA, Launch of Netflix Canada: a recognition of Canada’s creative talent and its strong track record in creating films and television, Ottawa, 28 septembre 2017. 179 BOURGAULT CÔTÉ, G., « Mélanie Joy se soumet à loi Netflix », op. cit. 180 TRUDEL, P., « En finir avec la « taxe » Netflix », Journal Le Devoir, 3 janvier 2018, [En ligne] https://www.ledevoir.com/opinion/chroniques/516629/en-finir-avec-la-taxe-netflix (consulté le 22 juillet 2018). 181 CRTC, Emboîter le pas au changement : L’avenir de la distribution de la programmation au Canada, op. cit.

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Ensuite, un autre problème général lié au financement des contenus est dû au fait

que de plus en plus d’entreprises choisissent plutôt d’effectuer leurs dépenses publicitaires

en ligne, dirigeant ainsi leurs publicités vers les services Internet étrangers qui captent de

plus en plus les parts des marchés publicitaires,182 au détriment des entreprises canadiennes

de radiodiffusion et sans réinvestir dans la création. Certains chiffres indiqueraient que d’ici

2020, 45 % du marché publicitaire sera dépensé sur Internet.183 De cette façon, les dépenses

publicitaires ne suffiraient plus à enrichir les entreprises de radiodiffusion traditionnelles et

enrichiraient plutôt les services de propriété étrangère, tels Google et Facebook. En effet,

les entreprises de radiodiffusion traditionnelles dépendent surtout de la vente de temps

d’antenne qui est leur principale source de revenus (358 M$ en 2012, soit 82 %, de leurs

revenus).184 Bien que Netflix et les autres PVD ne diffusent en général pas de publicité sur

leur plateforme, le problème provient davantage des grandes plateformes de recherche

(Google) ou de médias sociaux (Facebook, Instagram) qui ont pour effet de détourner les

dépenses publicitaires à la télévision vers les services Internet.

De plus, ces mêmes entreprises n’utilisent pas les revenus engendrés par la publicité

pour acquérir ou investir dans le contenu canadien,185 contrairement aux radiodiffuseurs

canadiens. En effet, ces derniers vendent du temps d’antenne aux annonceurs, déboursant

des sommes auprès des radiodiffuseurs diffusant par la suite leur publicité. Les

radiodiffuseurs comptent en bonne partie sur les revenus engendrés par la publicité pour se

financer.186 Conséquemment, le déplacement des revenus de publicité de la télévision vers

l’Internet affaiblit les ressources financières des câblodistributeurs et donc leur capacité à

produire du contenu canadien de haute qualité. Enfin, hormis l’existence des fonds de

soutien à la création, les crédits d’impôt favorisent aussi l’investissement dans la

production canadienne.

182 ANDERSON, J., Centre canadien de politiques alternatives, Une exemption pour la télévision par contournement : Le temps est venu de règlementer et de taxer de manière équitable les nouveaux services médiatiques sur Internet, juin 2016. 183 Ibid. 184 GOUVERNEMENT DU QUÉBEC, cahier 3, août 2014, op. cit. 185 ANDERSON, J., juin 2016, op. cit. 186 CRTC, Les rudiments de la publicité à la radio et à la télévision, [En ligne] https://crtc.gc.ca/fra/television/publicit/publicit.htm (consulté le 10 juillet 2018).

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2.1.2. Les crédits d’impôt pour sociétés de productions canadiennes et étrangères

Les deux crédits d’impôt, soit le crédit d’impôt pour production cinématographique

ou magnétoscopique canadienne (ci-après « CIPC »)187 ou le crédit d’impôt pour services

de production cinématographique ou magnétoscopique (ci-après « CISP ») permettent de

soutenir la production canadienne et les coproductions.188 L’objectif principal de ces crédits

d’impôt est de favoriser la production canadienne, dans le premier cas, et de favoriser la

croissance de l’emploi chez les travailleurs canadiens du domaine du cinéma et de la

télévision, pour le second.189 Il est à noter qu’à ceux-ci, s’ajoutent les divers crédits

d’impôts provinciaux, tel le crédit d’impôt remboursable pour la production

cinématographique et télévisuelle québécoise. Cette partie se concentre uniquement sur les

crédits d’impôts fédéraux, puisque cette recherche porte principalement sur la compétence

et la législation fédérale du gouvernement du Canada.

Il est à noter que le CIPC et le CISP sont deux crédits d’impôt distincts et non

cumulatifs.190 Le CIPC permet de rembourser 25 % des dépenses de main-d'œuvre pour la

production d'une vidéo ou d'un film canadien. Cependant, le respect de la condition de

contrôle canadien ne rend le crédit d’impôt disponible qu’auprès des sociétés sous contrôle

canadien.191 Il n’est donc pas offert aux sociétés étrangères.192 Au contraire, pour recevoir

le CISP, le demandeur doit « être une société de production qui exploite, par l'entremise

d'un établissement stable au Canada,193 une entreprise qui est principalement une entreprise

187 GOUVERNEMENT DU CANADA, CIPC, [En ligne] https://www.canada.ca/fr/agence-revenu/services/impot/impot-international-non-residents/credits-impot-films-produits-multimedias/programme-credit-impot-production-cinematographique-magnetoscopique-canadienne.html (consulté le 9 juillet 2018). 188 GOUVERNEMENT DU CANADA, CISP, [En ligne] https://www.canada.ca/fr/agence-revenu/services/impot/impot-international-non-residents/credits-impot-films-produits-multimedias/programme-credit-impot-services-production-cinematographique-magnetoscopique.html (consulté le 9 juillet 2018). 189 GOUVERNEMENT DU CANADA, CISP, op. cit. 190 Ibid. 191 Selon la Loi sur Investissement Canada, L.R.C., 1985, ch. 28 (1er suppl.), article 26 à 28. 192 GOUVERNEMENT DU CANADA, CIPC, op. cit. 193 Voir AGENCE REVENU CANADA, Sens de l'expression « établissement stable » au paragraphe 123(1) de la Loi sur la taxe d'accise (la Loi), Énoncé de politique sur la TPS/TVH P-208R, Révision 23 mars 2005, [En ligne] https://www.canada.ca/fr/agence-revenu/services/formulaires-publications/publications/p-208r/sens-expression-etablissement-stable-paragraphe-123-1-loi-taxe-accise-loi.html , (consulté le 10 juillet 2018).

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de production cinématographique ».194 C’est-à-dire que, si Netflix par exemple, en tant que

producteur, investissait dans la production d’un film tourné au Canada, avec des acteurs

canadiens et réalisé ou scénarisé par un auteur canadien, l’entreprise aurait droit à ce crédit

d’impôt, comme tout producteur étranger qui souhaiterait investir dans la création

canadienne.195 Le lieu du plateau de tournage, par exemple, sera alors considéré comme un

établissement stable, grâce au bail immobilier qui en résulte. Par établissement stable, on

fait référence à une installation fixe et donc, continue et permanente.196 Cependant, elle

peut avoir une durée restreinte en raison de l’activité commerciale qui y est exécutée durant

une brève période,197 par exemple, le plateau de tournage d’un long métrage ou d’une série

télévisée.

Ainsi, une entreprise étrangère de production et de distribution peut bénéficier de

crédits d’impôt, car elle est considérée avoir un établissement stable au Canada. Alors, elle

n’échappe pas à l’obligation fiscale par laquelle elle doit payer de l’impôt sur le revenu.

Cependant, la nuance à apporter concernant le remboursement via le crédit d’impôt CISP

qu’elle reçoit tient au fait qu’il est souvent beaucoup plus important que les impôts prélevés

pour ses activités de production au Canada.198 Ainsi, la réelle inégalité provient du fait que

les plateformes étrangères admissibles aux crédits d’impôt CISP ne contribuent pas au

financement et à la promotion du contenu canadien en retour, par exemple via le Fonds des

Médias du Canada.

Bref, les PVD étrangères évoluent et se développent grâce à l’absence de

réglementation sur Internet et occupent une position dominante sur le marché, faisant

entorse à une concurrence juste et équitable aux dépens des acteurs traditionnels. En outre,

elles bénéficient d’avantages et d’exemptions fiscales puisqu’elles sont situées à l’extérieur

du territoire canadien.

194 Règlement de l’impôt sur le revenu, C.R.C., ch. 945, art. 1106, (10) e). 195 BROUSSEAU-POULIOT, V., « Comment réglementer Netflix ?», op. cit. 196 Voir AGENCE REVENU CANADA, Énoncé de politique sur la TPS/TVH P-208R, op. cit. 197 Ibid. 198 Informations obtenues après une entrevue avec un expert en fiscalité internationale de la firme comptable Raymond Chabot Grant Thornton.

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2.2. Les avantages et exemptions fiscales pour les plateformes de vidéo à la demande

Au niveau de la fiscalité, les PVD étrangères ne sont pas soumises à la taxe sur la

vente des biens et des services du Canada, puisqu’elles ont leur résidence dans un autre

pays ou encore puisque leurs activités s’effectuent en ligne seulement et qu’il n’existe

toujours pas de règles particulières pour le commerce électronique au Canada.199 Cet

avantage n’est pas exclusif aux biens culturels, mais s’applique à tous les biens et services

offerts sur Internet.200 Cela permet donc aux plateformes d’offrir des produits à des prix

plus bas aux consommateurs, puisqu’elles ne prélèvent pas de taxes sur les biens et services

vendus.201

2.2.1. L’absence de perception de la taxe sur la valeur ajoutée par les plateformes

en ligne

Le critère déterminant qui permet de savoir si une personne doit percevoir la taxe

sur la valeur ajoutée est l’exploitation d’une entreprise au Canada.202 Le concept «

d’exploitation d’une entreprise au Canada n’est pas défini par la Loi sur l’impôt. Selon les

lignes directrices de l’Agence du revenu du Canada (ci-après « ARC ») :

« Si une personne non résidente n'exploite pas une entreprise au Canada et n'a pas choisi de s'inscrire aux fins de la TPS/TVH, les fournitures effectuées au Canada par le non-résident sont réputées effectuées à l'étranger et le non-résident n'est donc pas tenu de percevoir la taxe sur ces fournitures. »203

Ainsi, les PVD étrangères qui offrent du contenu aux Canadiens, mais qui ne

possèdent pas de bureau ou de siège social au Canada, comme Netflix, n’ont pas

199 GOUVERNEMENT DU QUÉBEC, Rapport final de la Commission d'examen sur la fiscalité québécoise, Se tourner vers l’avenir du Québec, vol. 1, « Une réforme de la fiscalité québécoise », mars 2015, p. 180. 200 Ibid. 201 Ibid., p. 183. 202 AGENCE REVENU CANADA, Exploitation d'une entreprise au Canada, Énoncé de politique sur la TPS/TVH P-051R2, Révision 29 avril 2005, [En ligne], https://www.canada.ca/fr/agence-revenu/services/formulaires-publications/publications/p-051r2/exploitation-entreprise-canada.html, (consulté le 10 juillet 2018). 203 Ibid.

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l’obligation de s’inscrire auprès de l’ARC et donc de percevoir les taxes sur la valeur

ajoutée.204

En effet, si les seuls facteurs de présence au Canada sont le lieu du contrat (la

vente), le lieu du public visé par la publicité du produit et le lieu du paiement, ces facteurs

ne sont pas considérés suffisants pour conclure que le fournisseur non résident exploite une

entreprise au Canada.205 Dans un monde où les transactions s’effectuent de plus en plus sur

Internet, il est donc facile pour une entreprise de ne pas se voir imposer d’obligations

fiscales des pays vers lesquels il exporte ses produits et services. Il faudrait alors que le

Canada revoie sa définition « d’exploitation d’une entreprise au Canada », afin que celle-ci

soit moins restrictive et qu’elle tienne davantage compte des facteurs concernant l’endroit

et les modalités où s’effectuent ces activités.206 Le rapport final de la Commission

d'examen sur la fiscalité québécoise, Une réforme de la fiscalité québécoise de 2015

recommandait d’ailleurs au gouvernement canadien de s’appuyer sur les réflexions de

l’Organisme de coopération et de développement économiques (ci-après « OCDE »)207 et

notamment de :

« Créer une présomption d’établissement stable pour les activités numériques entièrement dématérialisées sur la base d’une présence numérique significative et obliger les fournisseurs en ligne de services numériques et de biens incorporels à s’inscrire dans le régime de taxation du pays de résidence de l’acquéreur et à remettre la taxe applicable. »208

L’Union européenne a repris cette idée et travaille actuellement sur un projet de directive209

proposant de revoir les fondements de la fiscalité, lesquels seront présentés dans la

troisième partie de ce mémoire.

204 ANDERSON, J., juin 2016, op. cit., p. 16. 205 AGENCE REVENU CANADA, Exploitation d'une entreprise au Canada, op. cit. 206 Ibid., voir l’exemple n°14. 207 OCDE, Plan d’action concernant l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices, (2013) Éd. OCDE, [En ligne] https://read.oecd-ilibrary.org/taxation/plan-d-action-concernant-l-erosion-de-la-base-d-imposition-et-le-transfert-de-benefices_9789264203242-fr#page1 (consulté le 29 mars 2018). 208 GOUVERNEMENT DU QUÉBEC, Se tourner vers l’avenir du Québec, op. cit., p. 183. 209 Proposal For A Council Directive laying down rules relating to the corporate taxation of a significant digital presence, Brussels, 21.3.2018 COM (2018) 147 final, 2018/0072 (CNS).

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Ainsi, il faudrait que tous les services de commerce électronique perçoivent et

remettent les taxes au gouvernement du Canada, lorsqu’ils vendent des biens et des services

aux Canadiens, ou lorsqu’ils perçoivent des revenus de la publicité, ce qui pourrait

permettre de récupérer une partie des revenus pour être réinvestis dans la production de

contenus canadiens.210 D’ailleurs, le Québec a récemment fait un premier pas dans cette

direction, avec l’adoption récente du projet de loi n°150211 par lequel les plateformes

numériques doivent percevoir la taxe de vente québécoise, même s’ils sont établis à

l’extérieur de la province. Le Canada devrait ainsi prendre exemple sur le Québec et

l’Union européenne afin de revoir les fondements de la fiscalité et repenser la

réglementation pour la rendre applicable aux nouveaux acteurs étrangers et à ceux exerçant

leur commerce de façon électronique seulement.

2.2.2. Le paiement de l’impôt fondé sur la présence physique au Canada

Le paiement de l’impôt au Canada par les particuliers et les entreprises suit la même

logique que celle de la perception des taxes sur la vente, c’est-à-dire qu’il est fondé sur la

présence physique au Canada. Ainsi, un impôt sur le revenu doit être payé par le non-

résident si celui-ci a été employé au Canada, y a exploité une entreprise ou qu’il ait disposé

d’un bien imposable.212 Pour cela, il faut que l’entreprise ait un établissement stable au

Canada.213 Puisque le Canada a signé une convention internationale avec les États-Unis, le

sens à accorder à l’expression « établissement stable » vise une installation fixe où

l’entreprise exerce tout ou partie de son activité, incluant ainsi le siège social, une

succursale ou un bureau.214 On remarque alors que certaines entreprises proposant une PVD

sur Internet n’ont pas de siège social ni d’établissement au Canada, comme Netflix215 ou

210 ANDERSON, J., op. cit., juin 2016, p. 7. 211 Loi visant l’amélioration des performances de la Société de l’assurance automobile du Québec, favorisant un meilleur encadrement de l’économie numérique en matière de commerce électronique, de transport rémunéré de personnes et d’hébergement touristique et modifiant diverses dispositions législatives, Projet de loi n°150, sanctionné le 12 juin 2018, 1ère sess., 41e légis. Qc. 212 Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, c. 1 (5e suppl.), art. 2 (3). 213 Règlement de l’impôt sur le revenu, C.R.C., c. 945, art. 8201, al. 1 et 2. 214 Convention fiscale entre le Canada et les États-Unis d’Amérique en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune, signée à Washington le 26 septembre 1980, art. V. 215 D’après les informations de contact, Netflix n’est physiquement pas présent au Canada, [En ligne], https://help.netflix.com/en/node/2101, (consulté le 13 juillet 2018).

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Amazon Prime Video.216 Elles ne sont donc pas soumises au paiement de l’impôt au

Canada en ce qui concerne les revenus issus des abonnements mensuels qu’elles

perçoivent. Cependant, comme mentionnées précédemment, si elles investissent dans une

production tournée au Canada, elles auront donc, durant ces activités de production, un

établissement stable au Canada et seront soumises à la perception de l’impôt sur les revenus

et dépenses issus de cette production, par exemple, sur la main-d’œuvre et les services

rendus au Canada, et bénéficieront du crédit d’impôt CISP.

Bien sûr, en raison de la convention fiscale internationale entre les États-Unis et le

Canada, il est plus avantageux pour les PVD d’exercer leurs activités sur Internet

seulement, sans s’établir au Canada ou encore de venir tourner des productions

audiovisuelles sur le territoire et de bénéficier de retour de crédits d’impôt plus importants

que l’actuel montant qu’ils ont à payer pour la perception de l’impôt sur le revenu. D’un

autre côté, elles ne devraient pas être soumises à une double imposition, soit dans leur pays

de résidence et dans les pays vers lesquels elles exportent leurs services.217 Cependant, il est

bien connu que les compagnies, non seulement de diffusion numérique, mais aussi les

grands groupes tels Google, pratiquent des stratégies d’évitement fiscal, notamment en

s’établissant dans des pays possédant une législation moins contraignante.218

Enfin, les entreprises de distribution de contenus audiovisuels qui ne perçoivent pas

les taxes sur la valeur ajoutée de leurs ventes canadiennes ni ne payent d’impôt sur les

revenus engendrés par leur plateforme auprès des consommateurs canadiens devraient être

tenues à l’une et/ou l’autre de ses mesures pour assurer une concurrence juste et équitable

envers nos câblodistributeurs canadiens et en faveur de l’incitation à la production de

contenus canadiens.

216 D’après les informations de contact, Amazon Prime Video n’a pas d’établissement au Canada, [En ligne] https://www.primevideo.com/help/ref=dvm_MLP_NA_privacy?nodeId=202064890, (consulté le 13 juillet 2018.) 217 ANDERSON, J., juin 2016, op. cit., 218 Ibid., p. 22.

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44

2.3. Un système de quotas de diffusion inadapté au numérique

À titre de rappel, le principe fondamental du système de radiodiffusion canadien

consiste dans l’attribution obligatoire d’une licence à une entreprise qui souhaite distribuer

du contenu audiovisuel.219 Donc, c’est aussi par l’octroi de licences que le CRTC peut

imposer des obligations de diffusion des contenus audiovisuels canadiens. L’importance

d’offrir une majorité de contenus canadiens est prévue dans la politique canadienne de

radiodiffusion,220 notamment : « Tous les éléments du système doivent contribuer, de la

manière qui convient, à la création et la présentation d’une programmation canadienne. »221

Afin de mettre en place cet élément de la politique de radiodiffusion, le CRTC a imposé,

par règlement, l’obligation aux titulaires des licences de s’assurer que la majorité de leurs

services de programmation audiovisuels soient consacrés à la distribution de programmes

canadiens.222 Ainsi, les titulaires doivent consacrer durant la période de radiodiffusion en

soirée, soit de 18h à minuit,223 60 % de diffusion d’émissions canadiennes pour les

titulaires d’une licence publique, ou 50 % pour les titulaires d’une licence privée.224 Enfin,

quiconque ne se conforme pas aux règlements risque de se voir imposer une amende.225 On

peut cependant douter de l’efficacité de ces mesures dans l’environnement numérique pour

réaliser les objectifs de la politique canadienne de radiodiffusion.

Au début des années 60, face à la concurrence importante venant des États-Unis,226

une réglementation imposant des quotas de diffusion des émissions canadiennes s’avérait

nécessaire pour garantir un contenu canadien à la télévision : « En Amérique du Nord, les

enjeux économiques sont tels qu’on ne fera guère apparaître sur nos écrans une quantité

substantielle d'émissions canadiennes si l’on ne réserve pas de la place pour elles grâce à la

219 Loi sur la radiodiffusion, art.9 (1). 220 Ibid., art. 3(1) al. a), d), e), f), i), j), o), q), r) et s). 221 Ibid., art. 3(1), al. e). 222 Règlement sur la distribution de radiodiffusion, D.O.R.S./97-555, art. 6 (1). 223 Règlement de 1987 sur la télédiffusion, D.O.R.S./87-49, art. 4 (2). 224 Ibid., art. 4 (7), a), b). 225 Loi sur la radiodiffusion, art. 32 (2). 226 DEWING, M., 2014, op. cit.

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réglementation. »227 Aujourd’hui, les possibilités offertes par Internet et le choix infini de

contenus en provenance de partout dans le monde entrainent une concurrence importante

pour les émissions canadiennes, dont la diffusion et la promotion ne sont pas garanties.228

Par exemple, le CRTC a estimé en 2012, faute d’accès aux données, que le catalogue de

Netflix Canada contenait environ 9 % de contenus audiovisuels canadiens.229

Récemment, pour faire face à la concurrence provenant des PVD, le CRTC a décidé

d’alléger la réglementation sur les obligations de diffusion du contenu canadien pour les

radiodiffuseurs. Dans Parlons télé : une conversation avec les Canadiens,230 le CRTC a

conclu que l’imposition des quotas pouvait avoir des conséquences négatives sur la

présentation du contenu :

« En moyenne, bien au-delà de 50 % de la programmation canadienne présentée sur l’ensemble des services […] sont rediffusées sur le même service ou recyclées en provenance d’autres services. […] Pour certains services, ce pourcentage est encore plus élevé et plus de 90 % de la programmation canadienne est rediffusée ou recyclée. »231 Considérant alors le vaste choix de contenu maintenant offert sur toutes les

plateformes, le CRTC considère que la programmation canadienne devra de plus en plus

s’affranchir des soutiens réglementaires tels les quotas relatifs au contenu :

« Aujourd’hui, avec l’arrivée des nouvelles plateformes à large bande, le nombre d’émissions étrangères disponibles est vraisemblablement illimité. Cette situation a rendu difficile le maintien du système de quotas en vue de créer une demande domestique d’émissions canadiennes. En outre, la demande domestique ne suffit plus à assurer le succès continu de l’industrie de la production qui fait face à des offres de contenu provenant du monde entier. Afin de s’adapter à cette nouvelle configuration de l’offre et de la demande, la programmation canadienne doit chercher des solutions et développer des auditoires internationaux. »232

227 La Commission royale d'enquête sur la radio et la télévision (Commission Fowler) est établie en 1955 sous la direction de Robert FOWLER, peu après l'avènement de la télévision privée au Canada, citée par DUNBAR, L. J.E. et C. LEBLANC, CRTC, 31 août 2007, op. cit. 228 Ibid. 229 MILLER, P. H. et R. RUDNISKI, CRTC, 30 mars 2012, op. cit. 230 Voir la 3e phase du processus : Avis de consultation de radiodiffusion CRTC 2014-190. 231 CRTC, Politique réglementaire de radiodiffusion CRTC 2015-86 (Parlons Télé), par. 191. 232 CRTC, Politique réglementaire de radiodiffusion CRTC 2015-86 (Parlons Télé), par. 42.

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Le CRTC a, par conséquent, modifié les obligations de diffusion du contenu canadien

lors de chaque renouvellement individuel de ses licences. Les services facultatifs de

télévision payante et spécialisée ne doivent présenter que 35 % de contenu canadien

quotidiennement.233 Enfin, ces mesures ont eu pour objectif de flexibiliser le cadre

règlementaire jugé trop strict afin de rendre les acteurs traditionnels plus compétitifs face

aux nouveaux acteurs.234

Durant le même processus, par sa politique de 2015, le CRTC a eu l’idée de mettre

en place un système de mesure de cotes d’écoute installé sur les boîtiers de décodage.235

Cette mesure pour le moins inusitée visait à permettre aux radiodiffuseurs d’évaluer leur

programmation, afin de faire de meilleurs choix, par exemple pour monnayer plus

efficacement la publicité ou proposer une programmation qui corresponde davantage aux

intérêts des Canadiens.236 Il souhaitait de même que l’industrie de la radiodiffusion

bénéficie d’une juste concurrence avec les services de PVD étrangères.237 En effet, il

s’agissait d’évaluer les habitudes d’écoute des Canadiens pour permettre de créer et

promouvoir du contenu plus adapté à leurs habitudes.238 Cependant, malgré la mise en

place d’un groupe de travail afin d’évaluer la possibilité d’instaurer cette mesure, le projet

semble avoir été abandonné. Notamment, le Commissariat à la protection de la vie privée

du Canada (ci-après « CPVP ») a déclaré que « les renseignements recueillis grâce aux

boîtiers de décodage seraient vraisemblablement des renseignements personnels qui

pourraient être de nature sensible ».239 De cette façon, la mesure permettant aux

radiodiffuseurs d’évaluer leur programmation en fonction des habitudes d’écoute des

Canadiens poursuivait la même finalité que les algorithmes aujourd’hui utilisés par les

PVD, puisque les algorithmes ont besoin des données personnelles des utilisateurs afin de

créer et proposer des contenus adaptés aux goûts de la majorité. Ce type de mesures peut

porter atteinte à la diversité des expressions culturelles sur les contenus à être créés dans

l’avenir et entrainer une uniformisation des contenus audiovisuels disponibles auprès des

233 PRESCOTT, S., et Y., WEXLER, mars 2015, op. cit. 234 CLAUS, S., CRTC, op. cit. 235 CRTC, Politique réglementaire de radiodiffusion CRTC 2015-86 (Parlons Télé), 236 Ibid. 237 Ibid., par. 140. 238 Ibid. 239 CRTC, Politique réglementaire de radiodiffusion CRTC 2015-86 (Parlons Télé), par. 149.

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consommateurs, comme il est discuté dans le point 2.4.

Alors que les quotas de diffusion peuvent s’avérer un bon moyen d’assurer une

présentation des contenus locaux et diversifiés sur les technologies traditionnelles, il n’est

pas certain qu’ils soient adaptés aux nouveaux services numériques. Puisque le Canada est

parti à la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions

culturelles,240 il doit s’assurer de mettre en place des mesures qui permettent d’assurer cette

diversité, autant sur les contenus en ligne, que sur les services traditionnels. Le Canada

pourrait à cet effet étendre les obligations de quotas de diffusion du contenu canadien aux

PVD en modifiant les conditions d’obtention des licences, comme il sera discuté dans la

troisième partie, ou encore tout simplement en retirant l’Ordonnance d’exemption relative

aux entreprises de radiodiffusion de nouveaux médias de 1999. Toutefois, il faut se

questionner sur la réelle application des quotas dans l’environnement numérique et si la

transposition du système des licences aux PVD est la solution adéquate.

En effet, en raison de l’Ordonnance d’exemption relative aux entreprises de

radiodiffusion de nouveaux médias, les PVD canadiennes ne sont pas soumises aux

obligations de diffusion des contenus canadiens. De même, les PVD étrangères ne sont pas

soumises aux lois canadiennes en général. Les PVD œuvrant uniquement en ligne peuvent

éviter toutes contraintes imposées en faveur de la protection de la diversité des expressions

culturelles, tels les quotas de diffusion des émissions canadiennes. En 2011, l’ancien

directeur du CRTC considérait que le mécanisme pour s’assurer de la fourniture de contenu

canadien serait en voie de devenir désuet.241 Il déclarait que si l’on désirait retrouver du

contenu canadien dans peu importe quels médias, il faudrait penser à augmenter le soutien

et la promotion des contenus.242 Donc, l’idée de suppléer les quotas par des obligations de

promotion des contenus a commencé à faire sa place au sein des discussions depuis un

certain temps déjà.

240 Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles, UNESCO, 20 octobre 2005. 241VON FINCKENSTEIN, K., Discours au 5e Sommet sur la radiodiffusion (sur invitation), Cambridge, Ontario, 5 mai 2011. 242 Ibid.

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L’Union européenne a, quant à elle, proposé de réviser la Directive services médias

audiovisuels243 afin d’assurer la promotion des contenus européens sur les plateformes

numériques et d’étendre les obligations de pourcentage de diffusion des contenus nationaux

aux pourcentages des contenus disponibles dans les catalogues des PVD.244 Le CRTC

pourrait donc mettre en place des obligations de promotion des contenus sous la forme de

quotas de contenus nationaux offerts dans les catalogues des PVDs, comme souhaite le

faire l’Union européenne, ou remplacer les quotas de diffusion sur les médias numériques

par des obligations liées à la promotion et la découvrabilité des contenus nationaux, sous

une autre forme. D’ailleurs, dans son rapport de 2018, le CRTC a fait une proposition

similaire qui vise à « mettre l’accent sur la production et la promotion de contenu

représentatif, informatif et/ou divertissant de haute qualité de Canadiens, qui peut être

découvert par les Canadiens et le reste du monde »,245 sans toutefois donner plus

d’informations sur la manière de mettre en place cette découvrabilité des contenus.

Dans la section suivante, l’impact de la découvrabilité dans l’environnement

numérique et pour les contenus audiovisuels est abordé, ainsi que les conséquences issues

des systèmes algorithmiques de recommandation des contenus sur la diversité des

expressions culturelles.

2.4. La promotion et la découvrabilité des contenus audiovisuels numériques

Le Canada fait face à un défi de taille en matière de politique audiovisuelle et de

règlementation. Considérant la difficulté à laquelle font déjà face les créateurs pour trouver

du financement pour leurs productions, le gouvernement doit, en plus de garantir la

disponibilité et l’accessibilité des contenus nationaux, captiver le public canadien et

s’assurer de la découvrabilité des productions nationales. Le cadre règlementaire du CRTC,

243 Directive 2010/13/UE « SMA », 10 mars 2010, du Parlement européen et du Conseil, Journal officiel de l’Union européenne L 95/1, art. 1 a) i), c) et d). 244 Proposition de directive du parlement européen et du conseil modifiant la Directive 2010/13/UE visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à la fourniture de services de médias audiovisuels, compte tenu de l'évolution des réalités du marché, Bruxelles, 25.5.2016 COM (2016) 287 final, 2016/0151 (COD), article 13. 245 CRTC, Emboîter le pas au changement : L’avenir de la distribution de la programmation au Canada, op. cit.

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comme présenté précédemment, possède ses limites dans un contexte de croissance

exponentielle des PVD246 et de l’infinité de contenus offerts par celles-ci, catégorisée par

un hyperchoix.

2.4.1. L’incidence de l’hyperchoix sur la découvrabilité

« Le Conseil reconnaît qu’une bonne visibilité et une grande disponibilité des

émissions canadiennes sont essentielles à leur succès. Les Canadiens doivent avoir

davantage d’occasions de découvrir les émissions canadiennes sur de multiples

plateformes. »247 Déjà en 2015, le CRTC arrivait à la conclusion qu’il fallait promouvoir et

favoriser la découverte de contenus canadiens sur toutes les plateformes.248 À cet égard, il

organisa le Sommet de la découvrabilité en juin 2016, une série de conférences sur le thème

de la découvrabilité et des nouvelles technologies.249 Mais qu’est-ce que la découvrabilité ?

La découvrabilité est un terme du domaine juridique et du domaine informatique et désigne

la capacité d’un élément à être découvert facilement.250 Par exemple, il peut se manifester

dans les probabilités de découvrir un contenu parmi une multitude de contenu. Il peut aussi

équivaloir en la capacité d’un contenu de se faire voir et d’être choisi parmi les autres

contenus. Encore, le concept représente :

« La nouvelle mesure de valeur qui, en plus de refléter le succès critique, reflète celui auprès de l’auditoire. Il s’agit du système de cotes d’écoute ultime, sans intervention d’un interprète […] La découvrabilité est une méthode qui oriente les spectateurs vers le contenu sans guide télé ni liste de chaînes de télévision. Elle permet en outre de mesurer le succès du contenu dans un monde composé non de 500, mais plutôt de millions de chaînes ».251

Ainsi, dans ce que l’auteur Emmanuel Durand appelle l’hyperchoix, c’est-à-dire la

multitude de contenus culturels disponibles et accessibles à tous en ligne, ou encore

246 FONDS DES MÉDIAS DU CANADA, 2016, op. cit., p. 19. 247 CRTC, Politique réglementaire de radiodiffusion CRTC 2015-86 (Parlons Télé). 248 Ibid. 249 CRTC et ONF, Le sommet de la découvrabilité : Le contenu à l’ère de l’abondance, Toronto, 10-11 mai 2016, [En ligne] http://decouvrabilite.ca/ (consulté le 21 juin 2018). 250 FONDS DES MÉDIAS DU CANADA, 2016, op. cit., p. 10. 251 Ibid.

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l’immensité de l’offre culturelle dont bénéficient les consommateurs,252 laisse par

conséquent les entreprises en présence de ce qu’il décrit comme une « économie de

l’attention ». En effet, l’abondance de choix offert aux consommateurs n’entre pas en

corrélation avec le temps disponible pour consommer le contenu culturel.253 Donc, l’offre

augmente, mais pas le temps pour la regarder : « Pour visionner tout le contenu vidéo qui

circulera chaque mois sur les réseaux IP mondiaux, estime Cisco, une personne devrait

fixer son écran pendant plus de cinq millions d’années. »254 Alors, chacune des industries

culturelles met en place des techniques et des stratégies pour capter l’attention du public le

plus longtemps possible sur ses contenus.

2.4.2. L’influence des systèmes de recommandation des contenus

Parmi les stratégies utilisées pour capter l’attention du public sur le contenu, les

systèmes de recommandation de contenu sont les plus importants, fonctionnant grâce aux

algorithmes se servant des données (data) disponibles.255 Une donnée équivaut à un «

élément (fait, chiffre, etc.) représentant une information de base sur laquelle peuvent

s'appuyer des décisions, des raisonnements, des recherches pour être ensuite traitée par

l'humain avec ou sans l'aide de l'informatique. »256 Les données produisent à leur tour ce

qu’on appelle des métadonnées : « Dans son sens large, une métadonnée “est une donnée

servant à définir ou décrire une autre donnée, quel que soit son support (papier ou

électronique).” »257 Transposée au monde de l’audiovisuel, elle peut correspondre, par

exemple, au pays où est produit le film, son année de production et le nom du réalisateur.258

Ce sont ces données et ses métadonnées qui serviront à créer les algorithmes responsables

des systèmes de recommandation des contenus. En outre, ce sont les métadonnées qui

faciliteront la découvrabilité d’un contenu culturel sur les PVD.

252 DURAND E., L’attaque des clones. La diversité culturelle à l’ère de l’hyperchoix, Presses de Sciences Po (P.F.N.S.P.), « Nouveaux Débats », Paris, 2016, p. 31. 253 DURAND E., 2016, op. cit., p. 33. 254 FONDS DES MÉDIAS DU CANADA, 2016, op. cit., p. 13. 255 FONDS DES MÉDIAS DU CANADA, 2016, op. cit., p. 39. 256 « Donnée », Office québécois de la langue française, op. cit. 257 GOUVERNEMENT DU QUÉBEC, Institut de la statistique du Québec, Observatoire de la culture et des communications du Québec, État des lieux sur les métadonnées relatives aux contenus culturels, octobre 2017, p. 17. 258 FONDS DES MÉDIAS DU CANADA, 2016, op. cit.

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Par le terme « algorithme » l’on vise une « séquence de règles opératoires exécutées

sur des données permettant l’obtention d’un résultat. »259 C’est en fait une formule

mathématique et informatique qui permet d’obtenir un résultat à une question demandée :

« Dans le cas de la découvrabilité, les algorithmes demandent aux métadonnées de contenus et d’usage de trouver ce qui correspond à des termes de recherche, aux usages les plus fréquents, aux préférences d’un utilisateur précis, et de combiner et présenter ces résultats selon un schéma particulier ».260

En raison de l’infinité de choix qui s’offrent aux consommateurs de contenus culturels, les

algorithmes ont pour fonction d’orienter l’utilisateur dans l’hyperchoix afin de l’aider à

trouver le contenu le plus adapté à ses goûts personnels.261

Dans le cas de Netflix par exemple, l’entreprise affirme que 75 % de son contenu

est visionné par ses utilisateurs en raison d’un procédé de recommandation

personnalisée.262 De plus, les informations utilisées afin d’offrir ces recommandations

personnalisées peuvent servir à faire des choix éditoriaux.263 Alors qu’est-ce que comporte

le système de recommandation de Netflix, ou plus précisément, comment fonctionne son

algorithme? Celui-ci n’est pas connu, car la formule algorithmique de Netflix, son code

source, fait partie des secrets de l’entreprise et de ses actifs. Cependant, au niveau

technique, il existe plusieurs algorithmes de recommandation avec des logiques différentes.

Par exemple, l’analyse par des experts critiques, l’analyse automatique des contenus grâce

aux métadonnées, l’analyse du comportement de l’utilisateur, par les mots-clefs utilisés ou

son historique de visionnage et le filtrage collaboratif.264 Netflix utilise deux de ces

méthodes, soit des catégories créées par des personnes physiques qu’il emploie et le filtrage

collaboratif, c’est-à-dire qu’il fonctionne en créant une base de données de préférences en

259 « Algorithme », Office québécois de la langue française, op. cit. 260 FONDS DES MÉDIAS DU CANADA, 2016, op. cit., p. 32. 261 DURAND E., 2016, op. cit. 262 SMITH, C. « How Spotify, Netflix and Amazon control your online habits », Techradar, 18 janvier 2014, [En ligne] https://www.techradar.com/news/internet/how-spotify-netflix-and-amazon-s-powerful-discovery-tools-control-our-habits-1216211 (consulté le 22 juillet 2018). 263 CNIL, « Les données, muses et frontières de la création », Cahiers IP, Innovation et Prospective, octobre 2015, n°03. 264 CNIL, « Les données, muses et frontières de la création », op. cit., p. 54.

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fonction des contenus et des utilisateurs. 265 Ainsi, les suggestions d’un nouvel utilisateur

seront alors jumelées avec les goûts d’autres utilisateurs qui ont des goûts similaires au

nouvel utilisateur.266 Donc, les contenus que les utilisateurs similaires au nouvel utilisateur

aiment lui seront recommandés, puisqu’il y a une forte probabilité qu’ils lui plaisent

aussi.267

Netflix se vante d’ailleurs d’utiliser les données afin d’orienter la production de

contenus audiovisuels. Un exemple marquant de cette affirmation est la création de la série

House of Cards, succès de la plateforme. « Grâce à une analyse détaillée des habitudes

d’écoutes du public, les données auraient prédit qu’une série télé politique adaptée d’une

ancienne série britannique, avec David Fincher comme réalisateur et Kevin Spacey en tant

que personnage principal, serait le prochain succès commercial. » 268 Ce fut le cas. Par

contre, plusieurs doutent de l’efficacité de ces données. En effet, il est allégué qu’une

personne dotée d’une intelligence moyenne aurait aussi pu prédire le succès d’une telle

série.269 Par contre, ces types de manipulations des données pour orienter la production et la

consommation des contenus audiovisuels ont un impact majeur sur la diversité des

expressions culturelles diffusées.

2.5. Les conséquences des systèmes de recommandation sur la diversité des expressions culturelles

La conséquence majeure des systèmes de recommandation générés par des

algorithmes est qu’elle enferme ses utilisateurs dans une création uniformisée et

discutable.270 En effet, même si la découvrabilité permet de trouver des contenus rares,

comme des films d’auteur ou internationaux, mais elle n’est en aucun cas gage de la qualité

265 SARWAR, B., KARYPIS, G., KONSTAN, J. and J. RIEDL, « Item-Based Collaborative Filtering Recommendation Algorithms », GroupLens Research Group/Army HPC Research Center, Department of Computer Science and Engineering University of Minnesota, Minneapolis, USA, 2001. 266 Ibid. 267 Ibid. 268 CARR, D., « Giving Users What They Want », New York Times, 24 février 2013, [En ligne] https://www.nytimes.com/2013/02/25/business/media/for-house-of-cards-using-big-data-to-guarantee-its-popularity.html (consulté le 13 juillet 2018). 269 DURAND E., 2016, op. cit. 270Ibid., p. 75.

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des contenus trouvés et de leur diversité, chacun des concepts étant intrinsèquement liés et

discutés aux points 2.5.1. et 2.5.2. La qualité d’une production est certes difficile à définir

et reste très subjective. Cependant, certains croient que : « Netflix, en s'appuyant plutôt sur

des idées nouvelles pour créer un contenu innovateur plutôt que des super productions de

qualité hollywoodienne, permettrait d’avantager les petites maisons de production et les

créateurs de contenu pour concurrencer les grands acteurs qui dominent traditionnellement

l'écosystème de production mondiale. »271 La qualité ferait alors référence à l’originalité et

la reconnaissance par le public et la critique du succès de la production ainsi qu’à la

diversité des choix offerts.

De plus, « si la mondialisation a permis d’ouvrir les frontières culturelles en

permettant d’accéder aux expressions culturelles d’autres pays, elle réduit, d’un autre côté,

la diversité entre les pays ».272 En effet, Netflix propose à peu près le même catalogue pour

tous les pays où le service est offert et son algorithme mêle les milliers d’abonnés sans tenir

compte de leur spécificité sociodémographique.273 En conséquence, les contenus auxquels

accèdent les abonnés et maintenant les contenus créés tendent vers une uniformisation de la

culture. Cette même uniformisation réduit la diversité des contenus, gage de la qualité de

ces derniers.

2.5.1. L’uniformisation des contenus

Les algorithmes de recommandation ont tendance à enfermer l’utilisateur dans une

sorte de bulle culturelle. L’auteur Eli Pariser explique d’ailleurs bien ce phénomène qu’il

appelle une bulle de filtre (filter bubble) :

« Cette bulle représente notre univers informatique tel qu’il nous est présenté par les moteurs de recherche. L’utilisateur n’a pas de contrôle sur ce qu’on lui suggère comme contenu, qui lui est à son tour dicté par les clics que suivent les algorithmes afin de lui proposer du contenu personnalisé selon ses goûts, avec pour conséquence de ne lui présenter que du contenu en faveur de ses opinions

271 FRAGATA Y. et F. GOSSELIN, Qui a dit que la disruption serait facile : Les défis économiques et stratégiques de Netflix, février 2018, [En ligne] https://www.xnquebec.co/pdf/NETFLIX_FG8_FR.pdf (consulté le 6 novembre 2018), p. 10. 272 Ibid. 273 FRAGATA Y. et F. GOSSELIN, février 2018, op. cit., p. 10.

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et goûts majoritaires, l’empêchant d’accéder et, par le fait même, de développer des goûts ou des opinions différentes. »274

Par exemple, une équipe de chercheurs en informatique du Massachusetts Institute

of Technologie a souhaité faire une étude à savoir comment ils pourraient améliorer les

systèmes de recommandations fondés sur le filtrage collaboratif sur des plateformes telle

Netflix. Sans entrer dans les détails techniques, en créant leur modèle mathématique, ils ont

voulu regrouper des données sur les goûts des utilisateurs et les décrire sous forme de

probabilités. Ainsi, ils se sont demandé combien de groupes différents seraient nécessaires

pour caractériser une population. Pour répondre à cette question, ils ont examiné les

données de 10 millions d’utilisateurs d’une plateforme de diffusion de films et ils ont

identifié 200 utilisateurs ayant évalué les mêmes 500 films. Ils ont alors compris qu’une

formule mathématique incluant cinq groupes différents serait suffisante pour constituer la

plupart des variations de goût dans une population.275 Cet exemple démontre à quel point

les algorithmes peuvent tendre vers une uniformisation des contenus recommandés et créés,

et dans quelle mesure ils réduisent le comportement des utilisateurs en simple formule

mathématique, dépourvus de libre arbitre.

D’autre part, la création pourrait aussi se voir enfermer dans une bulle culturelle,

puisque les producteurs de contenus se fient de plus en plus aux résultats dictés par les

algorithmes pour déterminer le contenu à produire, « automatisant ainsi la logique de

production au détriment d’une prise de risque caractéristique du milieu de la création

artistique et culturelle. »276 Selon d’autres points de vue, les systèmes de recommandation

contribuent à la diversité des expressions culturelles puisqu’ils permettent qu’un contenu

rare et caché puisse faire son chemin vers un public cible.277 Mais est-ce vraiment le cas ?

274 PARISER, E., The Filter Bubble: What The Internet Is Hiding From You, Éditions Penguin Books Limited, Royaume-Uni, 12 mai 2011. 275 HARDESTY, L., « Recommendation theory : Model for evaluating product-recommendation algorithms suggests that trial and error get it right », MIT News Office, November 14, 2014, [En ligne] http://news.mit.edu/2014/model-recommendation-engines-1114 (consulté le 31 juillet 2018). 276 FONDS DES MÉDIAS DU CANADA, 2016, op. cit., p. 33. 277 HUNT, N., Quantifying the Value of Better recommendations, [En ligne] https://fr.slideshare.net/ndhunt/recsys-2014-the-value-of-better-recommendations, (consulté le 31 juillet 2018).

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Dans une logique commerciale, les contenus produits par une plateforme ne risquent-ils pas

d’être promus bien avant les productions indépendantes ou nationales ?278

Ainsi, les recommandations des grandes PVD seraient « par nature biaisées pour

favoriser les contenus ayant nécessité le plus d’investissements – en supprimant le risque

lié aux aléas de la rencontre avec les goûts du public. »279 Ce contrôle sur la présentation de

la programmation soulève donc des questions sur la neutralité de ces plateformes.

Puisqu’elles ne sont soumises à aucune obligation de promotion et de découvrabilité du

contenu national, il n’y aucune garantie que l’on puisse retrouver, à l’avenir, du contenu

canadien présenté de manière suffisamment efficace que l’algorithme remplacerait alors le

rôle joué par les quotas de diffusion. Une simple visite sur la plateforme Netflix permet de

constater que le contenu majoritairement recommandé et mis à l’avant est celui des

productions originales de Netflix, ce qui ne permet pas de croire que le système de

recommandation participe réellement à la diversité des expressions culturelles et à la

neutralité des contenus qui peuvent être regardées par ses abonnés :

« La centralisation, le traitement et le tri effectués de manière unilatérale par les plateformes leur confèrent un rôle actif en matière de prescription de contenus qui pourrait nuire au pluralisme et à la diversité culturelle compte tenu de la puissance de ces acteurs, ou à tout le moins soulever la question de l’effectivité́ de la diversité de l’information. »280

De plus, les PVD étrangères ne tiennent pas non plus compte de la spécificité du

Canada et ne reflètent pas la culture canadienne ou encore celle de la communauté

francophone. C’est ici alors qu’on se rend compte de l’importance qu’à la politique

canadienne de radiodiffusion dans la sauvegarde de la culture canadienne.

278 FONDS DES MÉDIAS DU CANADA, 2016, op. cit. 279 CNIL, « Les données, muses et frontières de la création », op. cit., p. 51. 280 CSA, Plateformes et accès aux contenus audiovisuels : quels enjeux concurrentiels et de régulation?, septembre 2016, [En ligne] http://www.csa.fr/Etudes-et-publications/Les-etudes-thematiques-et-les-etudes-d-impact/Les-etudes-du-CSA/Plateformes-et-acces-aux-contenus-audiovisuels (consulté le 17 mai 2018), p. 83.

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56

2.5.2. L’utilisation et le traitement des données personnelles

Non seulement les systèmes de recommandation laissent présumer leurs effets sur la

diversité des expressions culturelles, mais elles comportent en plus un risque pour la

protection des données personnelles des utilisateurs. En effet, pour lui permettre de réaliser

ses recommandations, la plateforme Netflix analyse un nombre important de données

concernant ses abonnés. Par exemple, elle sait ce qu’ils regardent, quand ils le regardent et

durant combien de temps. Elle connaît aussi leurs évaluations des différents contenus

(grâce aux 5 étoiles qui permettent de noter un contenu), les dernières recherches, leurs

données de géolocalisation et leurs données des réseaux sociaux avec lesquels ils se

connectent, comme Facebook ou Twitter.281 Un exemple concret de la sensibilité de ces

données fut constaté lors du Netflix Prize. L’entreprise avait initié un concours dont

l’équipe gagnante qui créerait le meilleur algorithme de filtrage collaboratif se mériterait 1

million de dollars américains.282 L’entreprise a ainsi mis à disposition les données de ses

utilisateurs. Cependant, en croisant ces données avec celles d’autres banques de données

publiques comme IMDb et Facebook, ils ont réussi à réidentifier les individus dans 68 %

des cas lorsque celui-ci avait évalué au moins deux films ou séries télés, alors que les

données avaient été au préalable rendues anonymes.283 L’utilisation de ces données

comporte donc un risque pour la protection des données personnelles des individus,

puisqu’elles permettent de réidentifier facilement un utilisateur.

Les compagnies devraient donc offrir une loyauté sur les données concernant les

personnes physiques. Ces données de consommation peuvent s’avérer sensibles

puisqu’elles permettent de révéler les goûts, les intérêts d’une personne et par le fait même,

inférer des faits véridiques ou non, comme ses convictions politiques ou son orientation

281 HARRIS, D., Netflix analyzes a lot of data about your viewing habits, juin 14, 2012, [En ligne] https://gigaom.com/2012/06/14/netflix-analyzes-a-lot-of-data-about-your-viewing-habits/, (consulté le 31 juillet 2018). 282 BENNETT, J. and S. LANNING, « The Netflix Prize », [En ligne] https://web.archive.org/web/20070927051207/http://www.netflixprize.com/assets/NetflixPrizeKDD_to_appear.pdf (consulté le 31 juillet 2018). 283 NARAYANAN, Arvind et Vitaly SHMATIKOV, « Robust De-anonymization of Large Datasets (How to Break Anonymity of the Netflix Prize Dataset) », ArXiv, 2005, [En ligne] http://arxiv.org/pdf/cs/ 0610105v2.pdf (consulté le 24 juillet 2018).

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sexuelle.284 Ainsi, « il est essentiel que ces données ne fassent pas l’objet de détournements

en usages marketing ou publicitaires cachés, mais qu’elles servent bien à la

personnalisation du service dans l’intérêt de l’ensemble des parties et dans le respect de la

loi ».285 Certains s’inquiètent d’ailleurs que ces compagnies n’utilisent les données

comportementales pour personnaliser les prix de ses abonnements.286 La France a d’ailleurs

inséré une obligation de loyauté dans la Loi pour une République numérique287 s’appliquant

aux plateformes qui mettent à disposition, notamment, des contenus audiovisuels fournis

par des tiers :

« Tout opérateur de plateforme en ligne est tenu de délivrer au consommateur une information loyale, claire et transparente sur : 1° Les conditions générales d'utilisation du service d'intermédiation qu'il propose et sur les modalités de référencement, de classement et de déréférencement des contenus, des biens ou des services auxquels ce service permet d'accéder ; 2° L'existence d'une relation contractuelle, d'un lien capitalistique ou d'une rémunération à son profit, dès lors qu'ils influencent le classement ou le référencement des contenus, des biens ou des services proposés ou mis en ligne.»288

Le gouvernement du Canada devrait s’inspirer de cette obligation dans l’éventualité

où il créerait un nouveau règlement destiné spécifiquement aux plateformes numériques.

Enfin, la transparence des algorithmes de recommandation est nécessaire.289 Au nom de la

diversité culturelle, il faut garantir la neutralité des plateformes.290

D’ailleurs, à titre de rappel, dans une déclaration conjointe entre la France et le

Canada, le gouvernement du Canadas et le gouvernement de la République française ont

convenu que :

284 CNIL, « Les données, muses et frontières de la création », op. cit., p. 60. 285 Ibid. 286 Executive Office Of the President Of the United States, Big Data and differential pricing, février 2015 [En ligne] https://obamawhitehouse.archives.gov/sites/default/files/whitehouse_files/docs/Big_Data_Report_Nonembargo_v2.pdf (consulté le 31 juillet 2018). 287 Loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique, JORF n°0235 du 8 octobre 2016, texte n° 1. 288 Ibid., art. 49. 289 CNIL, « Les données, muses et frontières de la création », op. cit. 290 Ibid., p. 60.

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« Les États, les plateformes numériques et la société civile sont chacun chargés de […] Promouvoir la transparence dans la mise en œuvre des traitements algorithmiques et leur impact sur la mise à disposition et la découvrabilité des contenus culturels numériques, notamment s’agissant de classement, de recommandations et d’accès aux contenus locaux. »291 (Souligné ajouté).

Le CRTC en fait aussi mention dans son rapport de 2018 :

« Les algorithmes et les systèmes d’intelligence artificielle guideront vraisemblablement les Canadiens pour ce qui est du choix de contenu et seront des outils clés pour la promotion et la découvrabilité des contenus. Les systèmes du genre influenceront non seulement la découverte du contenu, mais aussi ce qui est produit, comment et par qui ».292

Ainsi, de son côté, le gouvernement canadien doit s’assurer de la transparence et de

la protection de la vie privée des utilisateurs qui naviguent sur des plateformes utilisant des

systèmes algorithmiques et doit s’assurer que la découvrabilité ne s’effectue pas seulement

en faveur des intérêts commerciaux prédominants des PVD, mais aussi en faveur des

contenus nationaux qui gagneraient à être promus et découverts.

291 GOUVERNEMENT DU CANADA, et GOUVERNEMENT DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE, Déclaration conjointe sur la diversité culturelle et l’espace numérique, op. cit. 292 CRTC, Emboîter le pas au changement : L’avenir de la distribution de la programmation au Canada, op. cit.

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Partie 3. Les pistes de solutions

Dans cette dernière partie sont proposées des pistes de solutions visant à réformer le

système canadien de radiodiffusion et plus particulièrement la Loi sur la radiodiffusion et la

qualification de radiodiffuseur (3.1). Entre autres, il faut s’interroger à savoir si le système

des licences est réellement adaptable et transposable au nouvel environnement numérique

(3.2). Ensuite, de nouveaux mécanismes de financement ainsi que l’obligation de contribuer

au financement de la création nationale devraient être étendus aux PVD (3.3). L’égalité

fiscale est aussi un enjeu à ne pas négliger pour assurer une concurrence juste et équitable

entre tous les acteurs (3.4). Enfin, il faut revoir le mécanisme des quotas de diffusion et se

questionner quant à sa place sur les PVD (3.5), notamment en considérant la possibilité

d’introduire de nouvelles obligations liées à la promotion et la découvrabilité des contenus

audiovisuels dans la législation (3.6).

3.1. La révision de la qualification de radiodiffuseur

Le législateur pourrait revoir la définition d’entreprise de radiodiffusion de la Loi

sur la radiodiffusion, afin d’englober tous les nouveaux acteurs et ainsi les soumettre au

système des licences de radiodiffusion ou retirer l’Ordonnance d’exemption relative aux

entreprises de radiodiffusion de nouveaux médias de 1999 pour rendre la Loi sur la

radiodiffusion applicable aux PVD numériques.

Une modification possible aux définitions de la Loi sur la radiodiffusion devrait

cependant respecter le principe de la neutralité technologique,293 qui était l’intention initiale

du législateur lors de la création de la Loi sur la radiodiffusion, notamment par l’utilisation

des mots « par tout autre moyen de communication » dans la définition d’activités de

radiodiffusion et d’entreprise de programmation.294 Puisqu’il est impossible de prédire les

innovations futures, la définition devrait être large afin d’englober tous les acteurs,

nouveaux et traditionnels ainsi que ceux à venir. Le rapport Lescure explique d’ailleurs 293 Position du groupe culturel : Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (Re), 2010 CAF 178 (CanLII). 294 Loi sur la radiodiffusion, art. 2.

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qu’une distinction dans la législation entre services traditionnels et nouveaux services est

artificielle et ne servirait pas la politique européenne de l’audiovisuel, car elle risquerait de

limiter l’application des politiques règlementaires uniquement aux services traditionnels.295

Le risque est aussi présent au Canada, advenant la transposition de cette distinction dans la

législation. Ainsi, pourquoi alors ne pas définir les entreprises de radiodiffusion selon leur

rôle plutôt que selon le procédé technologique par lequel elles exercent leurs activités? Par

exemple, dans la Directive européenne « SMA », la définition de fournisseur de médias met

l’accent sur la responsabilité éditoriale, c’est-à-dire sur le contrôle et sur le choix de la

programmation et son organisation.296 En définissant les entreprises de radiodiffusion

selon leur rôle, cela éviterait bien des confusions et des incertitudes, notamment quant à la

distinction entre les FSI et les radiodiffuseurs, et concorderait avec l’opinion majoritaire

exprimée dans le Renvoi sur la Loi sur la radiodiffusion de 2012.297

De plus, il serait possible d’inclure, dans la définition d’entreprise de radiodiffusion,

les nouveaux médias. En effet, dans le Rapport relatif aux nouveaux médias, qui a amené le

CRTC à créer l’Ordonnance d’exemption des nouveaux médias, le CRTC avait répondu à la

question de savoir si la définition de radiodiffusion s’appliquait aux nouveaux médias.298

Elle en était venue à une réponse affirmative, ce qui a d’ailleurs motivé le CRTC à

soustraire les nouveaux médias numériques de diffusion au système canadien de

radiodiffusion. Dans son analyse, le CRTC a estimé qu’Internet n’est pas seulement un «

lieu public », exception qu’on retrouve dans la définition de « radiodiffusion».299 Elle

considère que la transmission est exécutée à l’aide d’Internet et non seulement vers celui-ci,

car les émissions sont reçues dans un endroit physique, comme une chambre ou au bureau

de travail et non uniquement sur les réseaux.300 Ensuite, comme expliquée précédemment,

puisque la Loi sur la radiodiffusion est neutre sur le plan technologique, la définition de «

295 Rapport LESCURE, Mai 2013, op. cit., p. 170. 296 Directive 2010/13/UE « SMA », 10 mars 2010, du Parlement européen et du Conseil, Journal officiel de l’Union européenne L 95/1. 297 Reference re Broadcasting Act, 2012 SCC 4, [2012] 1 S.C.R. 142. 298 CRTC, Avis public radiodiffusion CRTC 1999-84 et Avis public télécom CRTC 99-14, « Nouveaux médias». 299 Loi sur la radiodiffusion, art. 2. 300 CRTC, Avis public radiodiffusion CRTC 1999-84 et Avis public télécom CRTC 99-14, « Nouveaux médias», par. 35-37.

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radiodiffusion » inclut la transmission d'émissions par Internet. Le simple fait qu'elles

soient transmises par Internet uniquement ne les exclut donc pas de la définition de «

radiodiffusion ».301 Enfin, le CRTC estime que l’interprétation à accorder à l’expression «

destinées à être reçues par le public à l’aide d’un récepteur »302 inclut les appareils tels les

ordinateurs, les télévisions et les radios, s’ils peuvent servir à la réception de la

radiodiffusion, afin de ne pas compromettre la neutralité technologique de la Loi sur la

radiodiffusion.303

Bref, on constate que l’abrogation de l’exemption des nouveaux médias permettrait

au CRTC d’appliquer le système des licences aux nouveaux acteurs. De plus, une révision

de la définition de radiodiffuseur permettrait de soumettre les nouveaux acteurs au système

des licences actuel plutôt que de devoir les changer par des accords contraignants qui

auront le même effet.304

3.2. La révision du système de radiodiffusion et des licences

La première partie de ce mémoire mène à la conclusion que la politique canadienne

de radiodiffusion est encore pertinente et d’autant plus importante en raison de l’expansion

des technologies de diffusion numériques. De plus, il est apparu que l’exemption applicable

aux nouveaux médias ne concordait plus avec l’atteinte des objectifs de la politique

canadienne de radiodiffusion et que d’ailleurs, il conviendrait de revoir le système des

licences du CRTC.

À titre de rappel, le CRTC exerce ses pouvoirs réglementaires, notamment par

l’octroi de licences de radiodiffusion. C’est grâce à celles-ci qu’il peut obliger les

301 CRTC, Avis public radiodiffusion CRTC 1999-84 et Avis public télécom CRTC 99-14, « Nouveaux médias », par. 38-40. 302 Loi sur la radiodiffusion, art. 2. 303 CRTC, Avis public radiodiffusion CRTC 1999-84 et Avis public télécom CRTC 99-14, « Nouveaux médias », par. 40. 304 Opinion partagée par Me Suzanne Lamarre lors de la présentation du rapport du CRTC de 2018 durant l’évènement Quel avenir pour la diversité des expressions culturelles en ligne? de la Coalition pour la diversité des expressions culturelles, Montréal, 5 juin 2018.

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entreprises de radiodiffusion à financer et diffuser le contenu canadien.305 De plus, l’article

10 de la Loi sur la radiodiffusion confère au CRTC le pouvoir d’établir des règlements.

L’alinéa 10 (1) k) lui permet aussi de « prendre toute autre mesure qu’il estime nécessaire à

l’exécution de sa mission ». Le CRTC possède donc un pouvoir résiduel d’adopter des

règlements concernant d’autres aspects qui ne sont pas indiqués dans les alinéas de l’article

10.306 Cependant, l’organisme doit « exercer son pouvoir discrétionnaire en respectant le

cadre législatif et les principes généralement applicables en matière de réglementation, dont

le législateur est présumé avoir tenu compte en adoptant ces lois ».307 Il peut aussi exempter

les entreprises de radiodiffusion de toute obligation découlant de la loi, par ordonnance.

En tenant compte du cadre législatif et de la politique de radiodiffusion, le CRTC

devrait définitivement retirer l’exemption applicable aux nouveaux médias. Il est aberrant

qu’aucune mention de l’exemption et de son possible retrait n’ait été faite dans son rapport

de 2018.308 C’est une solution viable et facile à implémenter à court terme, en attendant la

révision des grandes lois sur le sujet, prévue seulement pour 2020. De plus, elle pourrait

permettre de soumettre les PVD canadiennes à la contribution au financement du contenu

canadien et aux exigences de diffusion de celui-ci. L’exemption favorise certes la

croissance et le développement des industries de médias numériques,309 mais elle le fait

maintenant au détriment de la diversité des expressions culturelles et des acteurs

traditionnels qui ont toujours contribué au financement de la création. Enfin, il est permis

de croire que l’ordonnance d’exemption ne sert plus réellement les objectifs de la politique

de radiodiffusion.

À cet égard, le CRTC doit demeurer adaptable aux progrès techniques,310 bien

entendu, mais qu’arrive-t-il lorsque la technologie surpasse les attentes et les prévisions

305 GOUVERNEMENT DU QUÉBEC, cahier 2, février 2014, op. cit. 306 Renvoi relatif à la Politique réglementaire de radiodiffusion CRTC 2010-167 et l’ordonnance de radiodiffusion CRTC 2010-168, [2012] 3 RCS 489. 307 ATCO Gas and Pipelines Ltd. c. Alberta (Energy and Utilities Board), 2006 CSC 4, [2006] 1 R.C.S. 140, par. 50, le juge Bastarache. 308 CRTC, Emboîter le pas au changement : L’avenir de la distribution de la programmation au Canada, op. cit. 309 CRTC, Politique réglementaire de radiodiffusion CRTC 2015-86 (Parlons Télé). 310 Loi sur la radiodiffusion, art. 3 (1) d) (iv).

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d’une exemption datant de 1999, durant les premiers balbutiements de l’Internet ? Son

devoir de s’adapter aux progrès techniques doit aussi être considéré par rapport aux

conséquences et à l’évolution d’une même technologie et ne signifie pas que l’adaptabilité

équivaille à tout prix à une dispense de réglementation. En effet, il ne s’agit que du

prolongement de l’histoire. Lors de la création du système canadien de radiodiffusion, il

n’existait que la radio, puis est apparue la télévision vers la fin des années 60.311 À chaque

nouveau mode de diffusion des contenus, le CRTC a décidé de réglementer la technologie

pour affronter la concurrence provenant du marché américain. Maintenant, ce nouveau

mode de communication et de diffusion est l’Internet. Il faut donc lever l’exemption

applicable aux nouveaux médias pour réglementer les PVD numériques.

Cependant, il ne faut pas non plus limiter l’entrée sur le marché des petits joueurs,

soit des nouvelles PVD qui ont peu d’abonnés, car ils ne pourront concurrencer les grandes

plateformes déjà bien ancrées dans le paysage canadien. Plusieurs pistes de solutions sont

alors envisageables. Par l’exemple, le CRTC pourrait modifier l’exemption seulement pour

les diffuseurs numériques comptant un nombre restreint d’abonnés. De cette façon, elle

pourrait exempter les médias numériques, par exemple, possédant moins de 20 000

abonnés312 et soumettre à la réglementation canadienne uniquement ceux ayant un nombre

significatif d’abonnés.313 C’est une solution probable et équitable pour tous les acteurs. Le

CRTC a d’ailleurs déjà mis en place par le passé une exemption de ce genre, par exemple

l’ordonnance d’exemption relative aux entreprises de distribution de radiodiffusion

terrestre desservant moins de 20 000 abonnés.314 Enfin, comme mentionné précédemment,

la mise en place d’une ordonnance d’exemption est beaucoup moins coûteuse et son

fardeau administratif est moins lourd que la création de nouvelles licences.315 Ainsi, il

311 DEWING, M., 2014, op. cit. 312 Il s’agit d’un chiffre suggéré. Le CRTC devrait conduire une étude à ce sujet avant de déterminer le nombre pertinent d’abonnés. 313 Loi sur la radiodiffusion, art. 9 (4). 314 CRTC, Politique réglementaire de radiodiffusion CRTC 2015-543 et ordonnance de radiodiffusion CRTC 2015-544. 315 DUNBAR, L. J.E. et C. LEBLANC, CRTC, 31 août 2007, op. cit., p. 19.

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pourrait aussi modifier l’ordonnance d’exemption en imposant des conditions précises à

respecter par les PVD canadiennes.316

Une autre piste de solution probable pourrait être de revoir le système des licences de

radiodiffusion. En effet, les règlements du CRTC sont applicables uniquement aux titulaires

de licences.317 De plus, comme soulevé précédemment, seules les entreprises canadiennes

ou sous contrôle canadien peuvent obtenir des licences de radiodiffusion du CRTC, en

raison des instructions données par le gouverneur en conseil sur l’inadmissibilité des non

canadiens.318 C’est donc dire que malgré la modification de l’exemption relative aux

nouveaux médias, les PVD étrangères ne pourraient être soumises à la réglementation

applicable aux radiodiffuseurs canadiens, puisque le CRTC ne peut leur attribuer de

licences. Dans ce cas, elles se retrouveraient donc à opérer illégalement, sur le territoire

canadien, une entreprise de radiodiffusion, ce qui pourrait conduire le tribunal à bloquer

leurs services sur le territoire.319

Une solution pourrait être de revoir l’interprétation du principe du contrôle et de la

propriété canadienne de l’article 3 (1) a) de la Loi sur la radiodiffusion. En effet, le

gouverneur en conseil a le pouvoir de donner des instructions au CRTC concernant les

demandeurs non admissibles à l’attribution des licences,320 un pouvoir qu’il a rarement

utilisé. Il pourrait alors moderniser l’interprétation des principes, en donnant de nouvelles

instructions afin d’interpréter différemment le sens des mots « contrôle et propriété

canadienne ».321 Ainsi, il pourrait contrôler les plateformes non canadiennes, disponibles au

Canada, en les soumettant à des conditions plus strictes de diffusion. Par exemple, en les

obligeant à contribuer au financement des œuvres audiovisuelles canadiennes, en échange

d’accès aux consommateurs à leurs services sur le territoire. De cette façon, cela permettrait

316 Il faut cependant garder en tête que ce type de mesures risquent de porter atteinte au principe de non-discrimination en matière de commerce international et être contraire aux engagements internationaux du Canada. Voir : Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT), OMC, 30 octobre 1947. 317 Loi sur la radiodiffusion, art. 10 (2). 318 Instructions au CRTC (inadmissibilité de non-Canadiens), D.O.R.S./97-192. 319 D’après une interprétation stricte de la loi : opinion partagée par M. Pierre Trudel, Université de Montréal et la Loi sur la radiodiffusion, art. 32. 320 Loi sur la radiodiffusion, art. 26 (1) c). 321 Opinion avancée par M. Pierre Trudel, Université de Montréal.

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d’effectuer une forme de contrôle et d’atteindre les objectifs de la politique. Par contre,

cette solution semble difficilement pouvoir être mise en place en raison de l’absence de

force contraignante sur les acteurs étrangers et comme mentionné précédemment, le

système des licences ne semble pas être l’outil idéal pour réglementer les PVD.

Alors, puisque les conditions d’obtention des licences sont très strictes et visent

notamment à atteindre les objectifs de la politique canadienne, il faudrait revoir cet outil de

réglementation. De plus, c’est un processus exigeant administrativement qui a un coût

important pour le système de radiodiffusion canadien.322 Au contraire des règlements qui

peuvent s’appliquer à l’ensemble des entreprises et dont les conditions à respecter sont plus

transparentes que celles des licences.323 Ainsi, il faudrait soit changer les conditions

d’obtention des licences de façon à inclure les acteurs étrangers ou remplacer les licences

par un autre outil contraignant. À ce propos, dans son récent rapport, le CRTC proposait de

remplacer l’octroi des licences par des accords contraignants visant les nouveaux acteurs :

« [Les modifications législatives futures] devront clairement et explicitement assujettir à la législation et intégrer dans le système de la radiodiffusion tout service audio ou vidéo offert en sol canadien ou percevant des revenus de la part de Canadiens. Cela devrait s’appliquer aux services traditionnels ou nouveaux, qu’ils soient canadiens ou non. »324

Enfin, il semble que le CRTC ait du moins pris au sérieux cette question et s’est

finalement prononcé sur les PVD étrangères qui bouleversent le paysage de l’audiovisuel

canadien et qu’il ait admis que le système des licences est désormais désuet dans ce nouvel

environnement. Donc, ce qu’il entend par « accords contraignants » serait des accords

généraux « faits sur mesure et établis avec quelques douzaines d’entreprises précises ou de

groupes d’entreprises affiliés qui offrent individuellement ou collectivement une variété de

services aux Canadiens. »325 Sans jamais être plus précis, le rapport mentionne que les

accords devraient prévoir des pouvoirs suffisants pour avoir force contraignante et pour

322 DUNBAR, L. J.E. et C. LEBLANC, CRTC, 31 août 2007, op. cit., p. 19. 323 Ibid. 324 CRTC, Emboîter le pas au changement : L’avenir de la distribution de la programmation au Canada, op. cit. 325 Ibid.

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assurer le respect de ceux-ci et de ses conditions. On parle de la possibilité d’imposer des

sanctions administratives.326 En effet, le type d’accords auxquels l’on fait référence

ressemblerait plutôt au système des licences. Ces accords auront le même impact que les

licences déjà existantes.327 Ainsi, elles n’apporteraient rien de nouveau, en ce sens que les

mécanismes que sont les licences ou les ordonnances d’exemption existent déjà et ont une

force contraignante plus crédible que des accords vagues et généraux octroyés sur mesure

lors de négociation avec les entreprises privées étrangères dont la force de négociation

pourrait dépasser largement celle du CRTC.

Toutefois, quelle pourrait être la solution au niveau règlementaire ? Certes, un

nouveau règlement pourrait être applicable à l’ensemble des entreprises de radiodiffusion,

d’autant plus qu’il serait plus transparent que les conditions à respecter par les détenteurs

de licences.328 D’un autre côté, les conditions spécifiques aux licences permettent de mieux

les adapter aux différentes entreprises :

« Si l’on peut atteindre les objectifs de réglementation de manière plus efficace par des obligations bien ciblées, les conditions de licence sont préférables aux règlements d’application générale ; toutefois, il faut alors s’assurer que le règlement soit équitable pour toutes les entreprises concurrentes et que la relative compétitivité de certaines entreprises ne soit pas artificiellement encouragée ou réduite par des mesures de réglementation ciblées. »329 Par contre, le système des licences n’est pas la meilleure solution à transposer au

monde numérique. Donc, puisque d’un côté, les outils de réglementation actuels ne

peuvent suffire pour assurer la participation des plateformes étrangères et que le régime

législatif actuel est trop rigide pour inclure ces nouveaux joueurs,330 malgré le principe de

neutralité technologique, la solution pourrait être de créer un règlement spécifique

applicable aux nouveaux services numériques diffusants que sur Internet. En effet, il est

326 CRTC, Emboîter le pas au changement : L’avenir de la distribution de la programmation au Canada, op. cit. 327 Selon l’avocate Suzanne Lamarre qui est intervenue lors de la présentation du rapport le 5 juin dernier, à Montréal, Voir le compte-rendu final, CDEC, Quelles perspectives pour résoudre la crise qui secoue les créateurs, artistes et producteurs de contenus culturels au Canada?, 6 juillet 2018, [En ligne] https://cdec-cdce.org/wp-content/uploads/2018/07/compte-rendu-final-1.pdf (consulté le 16 juillet 2018). 328 Ibid. 329 DUNBAR, L. J.E. et C. LEBLANC, CRTC, 31 août 2007, op. cit., p. 19. 330 CRTC, Emboîter le pas au changement : L’avenir de la distribution de la programmation au Canada, op. cit.

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difficile de prétendre qu’un règlement unique destiné à tous les acteurs puisse être adopté,

car les acteurs évoluent dans des univers technologiques complètement différents qu’il est

peu réalisable d’intégrer toutes les subtilités dans un cadre législatif unique. Ainsi, la

création de nouvelles règles permettrait de ne pas nuire à l’innovation et favoriserait un

environnement concurrentiel et équitable pour tous les acteurs.331 Alors, dans ce nouveau

règlement, pourraient être introduites les obligations de participation au financement et au

soutien de la culture canadienne pour toutes PVD étrangères qui distribuent et diffusent du

contenu audiovisuel aux consommateurs canadiens, depuis une plateforme accessible sur le

territoire canadien et destinée aux Canadiens, par laquelle la plateforme prélève des frais

d’abonnement ou en tirent des revenus publicitaires.

3.3. La révision des mécanismes de financement

La mesure la plus importante de financement du contenu canadien, comme

mentionnée précédemment, fut rendue possible grâce à la création de divers fonds de

soutien à la création. De plus, les entreprises de radiodiffusion sont soumises à une

obligation de contribution à l’un ou l’autre des fonds canadiens, lors de l’octroi des

licences. Puisqu’une part significative des revenus, notamment sur la publicité, est

détournée des fonds de soutien vers les plateformes numériques, le gouvernement a dû

compenser les pertes de son propre porte-monnaie.332

C’est pourquoi l’obligation de verser une part des revenus des entreprises de

diffusion vers les fonds de création devrait être étendue aux PVD canadienne et étrangère et

s’il s’avère impossible, il faudrait envisager la création d’un nouveau fonds ou d’un

nouveau mécanisme de financement incluant les nouveaux acteurs qui pourrait, notamment,

provenir des revenus de la publicité. Donc, si l’on souhaitait soumettre les PVD à

l’obligation de contribution au financement via les licences, il faudrait d’abord en revoir le

système, comme expliqué précédemment. La même logique s’applique en ce qui concerne

les PVD canadiennes et l’ordonnance d’exemption dont elles bénéficient. 331 CRTC, Emboîter le pas au changement : L’avenir de la distribution de la programmation au Canada, op. cit. 332 GOUVERNEMENT DU CANADA, Le cadre stratégique du Canada Créatif, op. cit.

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Cette proposition n’est pas nouvelle puisque l’Union européenne révise

actuellement la Directive services médias audiovisuels.333 La proposition de modification

de la directive vise à ce que les États membres soient en droit d’exiger une participation

financière de la part des fournisseurs de services de médias à la demande, incluant ceux

situés dans un autre État membre :

« Les États membres peuvent exiger que les fournisseurs de services de médias audiovisuels à la demande visant des publics sur leur territoire, mais établis dans un autre État membre contribuent financièrement de la sorte. Dans ce cas, la contribution financière est fondée uniquement sur les recettes perçues dans les États membres ciblés. Si l’État membre dans lequel le fournisseur est établi impose une contribution financière, il tient compte de toutes les contributions financières imposées par des États membres ciblés. » 334 (Soulignement ajouté).

Cependant, la proposition de directive prévoit le renforcement du principe du pays

d’origine.335 C’est-à-dire que les règles applicables sont celles de l’État où l’entreprise a

son siège social. Par conséquent, cela entraîne un effet de forum shopping, qui permet aux

entreprises de s’installer dans un État membre ayant des règles moins contraignantes que

celles des autres États vers lesquels elle dirige ses activités.336 On retrouve le même

problème au Canada, puisque les entreprises, comme Netflix, ont choisi de ne pas établir

de siège social sur le territoire pour échapper aux règles relevant, notamment, de la

fiscalité. L’article 13 de la proposition de directive, qui traite de la participation au

financement, est donc un aménagement au principe du pays d’origine de la directive. De

plus, la proposition de directive précise un nombre d’indices afin de déterminer, au cas par

cas, si un service de médias numériques vise des publics sur le territoire d’un des États

membres. L’État peut en effet se référer à des indicateurs tels la publicité ou la promotion

333 Le texte de compromis final a été confirmé le 13 juin 2018. Le texte final a été transmis au Parlement européen pour approbation et adoption en première lecture. La directive sera finalement adoptée par le Conseil au cours de l'automne 2018, [En ligne] http://www.consilium.europa.eu/fr/policies/audiovisual-media/ (consulté le 17 juillet 2018). 334 Proposition de directive du parlement européen et du conseil modifiant la Directive 2010/13/UE visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à la fourniture de services de médias audiovisuels, compte tenu de l'évolution des réalités du marché, Bruxelles, 25.5.2016 COM (2016) 287 final, 2016/0151 (COD), article 13. 335 Ibid. 336 OLIVA, A.-M., « La transposition de la directive « services de médias audiovisuels » : atouts et faiblesses d'une directive d'harmonisation minimale », Rev. UE, 2017, p. 473.

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des services destinés spécifiquement aux consommateurs de son territoire, ou encore, de la

langue utilisée sur le service.337

Ainsi, le Canada pourrait s’inspirer de cette directive dans le cadre d’une mise en

œuvre d’un nouveau mécanisme de financement. Notamment, afin d’établir des obligations

liées au financement des œuvres, le Canada pourrait s’inspirer des critères qui permettent

de déterminer vers quels territoires la PVD dirige ses activités. De plus, certains ont

soulevé l’idée que le pays d’origine soit remplacé par le pays de destination, ce qui

permettrait d’harmoniser les règles nationales des États membres et donc, la législation

applicable serait plutôt celle du pays vers lequel est destiné le service de vidéo à la

demande.338 De cette manière, advenant une modification législative ou la création d’un

nouveau règlement sur la radiodiffusion canadienne, le gouvernement canadien pourrait

réussir à encadrer les plateformes étrangères et à les soumettre à une obligation de

contribution au financement, selon l’établissement du principe du pays de destination.

L’autre outil contraignant envisageable serait donc de créer un nouveau fonds de

soutien à la création destiné uniquement aux PVD puisque les radiodiffuseurs traditionnels

contribuent déjà aux fonds créés pour soutenir la production de contenus canadiens. Les

plateformes prélevant des frais d’abonnement aux utilisateurs ou bénéficiant de revenus de

la publicité sur leurs contenus et diffusant sur le territoire canadien verseraient donc une

part de leurs revenus vers ce fonds qui servirait, dans une proportion à déterminer, à

financer la culture canadienne et, notamment, la diffusion numérique de ce contenu. Pour

les diffuseurs ayant déjà investi dans la création de contenus canadiens, une exemption de

contribution pourrait leur être accordée en fonction du montant investi et au regard de

critères précis qui permettraient de déterminer si l’investissement a réellement été fait en

337 Proposition de directive du parlement européen et du conseil modifiant la Directive 2010/13/UE visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à la fourniture de services de médias audiovisuels, compte tenu de l'évolution des réalités du marché, Bruxelles, 25.5.2016 COM (2016) 287 final, 2016/0151 (COD), considérant 23. 338 Conférence organisée par la Coalition européenne pour la diversité culturelle, le 14 novembre 2016, au Parlement européen,338 intitulée Digital World : An Opportunity For Creation ? et VLASSIS, Antonios, « The review of the Audiovisual Media Services Directive. Many political voices for one digital Europe ? », Politique européenne, février 2017, n° 56, p. 117.

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faveur de contenu canadien.339 Il faut d’ailleurs souligner l’initiative de Netflix, en

collaboration avec l’Institut National de l’Image et du Son (l’INIS), qui a investi dans la

mise en place d’un programme de formation, axé sur la culture francophone et autochtone,

dont le montant de l’entente n’est pas connu.340 Par conséquent, Netflix pourrait, par

exemple, avoir à fournir une contribution moindre en raison de son investissement, ce qui

l’encouragerait peut-être d’ailleurs à révéler le montant et le contenu de celui-ci.

Certainement, les plateformes comme Netflix sont présentes dans de nombreux

pays à travers le monde et elles ne pourraient à elles seules supporter toutes les

contributions financières de soutien à la création de tous les territoires où elles sont

présentes. On ne pourrait non plus leur imposer un deuxième fardeau, notamment fiscal, au

risque de paralyser l’innovation et d’entraver la juste concurrence. C’est pour cette raison

qu’il faudrait tenir compte, dans la création d’un fonds de soutien à la création, des

investissements déjà effectués par les plateformes dans la création de contenus nationaux.

D’un autre côté, sans les abonnements des utilisateurs de tous ces territoires et sans

certains des contenus produits par les autres pays ou par la publicité, elles ne pourraient

exister. De plus, elles ne peuvent continuer d’évoluer dans un environnement exempt de

réglementation, au détriment d’une concurrence équitable avec les acteurs traditionnels

soumis à une forte réglementation. Il faut donc trouver un moyen équitable de financer la

production nationale et faire participer tous les acteurs du monde de la diffusion

audiovisuelle numérique.

339 Par exemple, les critères de l’article 3(1) f) de la Loi sur la radiodiffusion pourrait servir de source d’inspiration: « toutes les entreprises de radiodiffusion sont tenues de faire appel au maximum, et dans tous les cas au moins de manière prédominante, aux ressources — créatrices et autres — canadiennes pour la création et la présentation de leur programmation à moins qu’une telle pratique ne s’avère difficilement réalisable en raison de la nature du service […] ». 340 HAMEL, J., « L’INIS met en place un nouveau programme de formation grâce au soutien de Netflix », 20 avril 2018, [En ligne] https://www.inis.qc.ca/communiques/nouveau-programme-de-formation-grace-au-soutien-de-netflix (consulté le 17 juillet 2018).

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3.4. La révision des fondements de la fiscalité pour atteindre l’équité fiscale

En matière de fiscalité, le problème majeur, autant du côté de la perception des taxes

sur les ventes de biens et services que du paiement de l’impôt sur le revenu, réside dans le

concept d’établissement physique au Canada. De plus, le Canada, contrairement à l’Union

européenne, par exemple, ne possède pas de législation spécifique pour le commerce

électronique. Cependant, il ne semble pas impossible pour le gouvernement canadien de

soumettre les services de commerce électronique fournis sur son territoire, à s’inscrire à la

taxe sur la valeur ajoutée.

Par exemple, le Québec a déjà fait un premier pas dans ce sens, grâce au Projet de

loi n°150, par lequel fournisseurs de biens intangibles et de services en ligne seront tenus

d’appliquer la TVQ sur les ventes effectuées au Québec, dès 2019, sur la base d’une

présence physique ou significative au Québec.341 Alors, il ne resterait plus qu’au Canada à

suivre cet exemple et l’exemple de beaucoup d’autres pays, dont la majorité des pays

membres de l’OCDE, excepté le Mexique et la Turquie, qui ont instauré des règles relatives

au commerce électronique.342 Selon une étude, si le Canada venait à percevoir les taxes sur

une plateforme numérique comme Netflix, ce serait 52 millions de dollars de retomber dans

les coffres du gouvernement canadien.343 La perception de cette taxe pourrait ainsi être

réinvestie dans la création et la production de contenu canadien, ce qui permettrait du

même coup de combler les pertes en matière de financement et de soutien à la création.

Cependant, il est à noter que le versement de cette taxe dans un fonds de soutien à la

création nationale pourrait aussi aller contre les engagements du Canada en matière de

commerce international et porter atteinte au principe de non-discrimination et de traitement

341 Loi visant l’amélioration des performances de la Société de l’assurance automobile du Québec, favorisant un meilleur encadrement de l’économie numérique en matière de commerce électronique, de transport rémunéré de personnes et d’hébergement touristique et modifiant diverses dispositions législatives, Projet de loi n°150, sanctionné le 12 juin 2018, 1ère sess., 41e légis. Qc. 342 [En ligne] https://coalitionculturemedias.ca/files/2018/05/171201-Coalition_document-taxation-FINAL.pdf, (consulté le 18 juillet 2018). 343 WYONCH R., « Bits, Bytes, and Taxes : VAT and the Digital Economy in Canada », Institut C.D. HOWE, Commentary no. 487, 2017.

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national.344 Ce sujet n’étant pas abordé dans le cadre de ce mémoire, il nécessite que des

recherches plus approfondies soient menées.

Pour percevoir les taxes sur les plateformes numériques, le Canada devrait donc

revoir sa définition « d’exploitation d’une entreprise au Canada »345 et « d’établissement

stable »346 en tenant compte davantage des éléments pertinents comme la publicité ou la

promotion des services orientés vers les consommateurs de son territoire, la devise utilisée,

ou le lieu de la vente et du paiement.347 Ainsi, ces nouvelles définitions pourraient renvoyer

aux concepts de « présence numérique significative », telle que proposée dans la nouvelle

directive de l’Union européenne sur la fiscalité.348 Cette présence numérique significative

est fondée sur les revenus tirés de la fourniture de services numériques, du nombre

d’utilisateurs de ce service ou du nombre de transactions (ex : abonnements) effectuées

pour ce service.349 En s’inspirant de ce modèle, le Canada pourrait créer un cadre législatif

juste et équitable qui tienne compte de la taille des entreprises, afin de ne pas leur imposer

un fardeau fiscal trop lourd. Dans la proposition, on considère effectivement la présence

numérique significative lorsque soit, les revenus provenant des services offerts aux

utilisateurs dépassent 7 000 000 d’euros (soit l’équivalent d’environ 11 millions de dollars

canadiens), soit le nombre d’utilisateurs excède 100 000 ou encore si le nombre de

transactions pour la fourniture de services numériques excède 3000.350

De plus, même aux États-Unis, lieu de résidence de beaucoup de PVD, la Cour

Suprême a jugé que les fournisseurs de biens et de services sur Internet pourraient être

requis de percevoir les taxes sur leurs ventes, même dans les États où elles n’ont pas de

présence physique.351 En Australie, le gouvernement a aussi instauré une taxe sur la

fourniture des biens et des services en ligne, depuis le 1er juillet 2017, par laquelle « les

344 Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT), OMC, 30 octobre 1947. 345 Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, c. 1 (5e suppl.). 346 Ibid. 347 ANDERSON, J., juin 2016, op. cit. 348 Proposal For A Council Directive laying down rules relating to the corporate taxation of a significant digital presence, Brussels, 21.3.2018 COM (2018) 147 final, 2018/0072 (CNS). 349 Ibid. 350 Ibid., art. 3, par. 3. 351 South Dakota v. Wayfair, Inc., et Al., Certiorari to the Supreme Court of South Dakota n°17–494, june 21, 2018.

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plateformes numériques de distribution telles que Netflix doivent percevoir et remettre la

TPS d’une valeur de 10 % applicable aux produits numériques et autres services digitaux,

téléchargés et consommés par des consommateurs australiens. »352 Enfin, si le Canada se

positionnait comme beaucoup d’autres pays ont osé le faire, il devrait toutefois établir un

seuil minimal pour l’inscription à la taxe sur la valeur ajoutée, afin de ne pas nuire à

l’implantation de plus petites entreprises.353

Une autre piste de solution à être envisagée pour le Canada serait de s’inspirer de la

taxe française sur la vidéo sur demande.354 En effet, grâce à un décret355 qui modifie

l’article 1609 sexdecies B du Code général des impôts,356 la France a imposé une taxe d’un

taux de 2 % sur les revenus des plateformes mettant à disposition du contenu audiovisuel,

de façon payante sur Internet, excluant celles déjà visées par la taxe prévue à l’article L115-

6 du Code du cinéma et de l’image animée. L’objectif de cette taxe est de faire participer

les plateformes audiovisuelles au financement de la création française. Ainsi, les opérations

qui permettent, moyennant un paiement, à un utilisateur de visionner sur demande du

contenu audiovisuel, grâce à un procédé de communication électronique (vidéo à la

demande), sont visées par la taxe.357 Toutes les personnes réalisant ces opérations, qu’elles

soient situées sur le territoire français ou non, sont redevables de la taxe sur les ventes.358

Le produit de la taxe sur la diffusion en vidéo physique et en ligne de contenus audiovisuels

mentionnée à l'article 1609 sexdecies B du Code général des impôts est affecté au Centre

national du cinéma et de l’image animée.359

352 RIZQY, Marwah, « Le commerce électronique : l’Australie s’adapte à la nouvelle réalité », Revue Regard CFFP, mars 2017. 353 RIZQY, Marwah, mars 2017, op. cit. 354 Loi n° 2016-1918 du 29 décembre 2016 de finances rectificative pour 2016 modifiant la taxe prévue à l’article 1609 sexdecies B du code général des impôt (voir l’article 56 (I à III). 355 Décret n° 2017-1364 du 20 septembre 2017 fixant l'entrée en vigueur des dispositions du III de l'article 30 de la loi n° 2013-1279 du 29 décembre 2013 de finances rectificative pour 2013 et des I à III de l'article 56 de la loi n° 2016-1918 du 29 décembre 2016 de finances rectificative pour 2016. 356Code Général des Impôts, [En ligne] https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI000022202043&cidTexte=LEGITEXT000006069577&dateTexte=20120101&oldAction=rechCodeArticle, (consulté le 19 juillet 2018). 357 Taxe sur les ventes et les locations de vidéogrammes destinés à l’usage privé du public, Bulletin Officiel des finances publiques- impôts, [En ligne] http://bofip.impots.gouv.fr/bofip/194-PGP.html?identifiant=BOI-TCA-VLV-20140716. 358 Ibid. 359 Code du cinéma et de l’image animée, art. L116-1.

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De plus, depuis mars 2009, par une modification à la Loi n° 86-1067 du 30

septembre 1986 relative à la liberté de communication (Loi Léotard), tout éditeur de

services de télévision qui effectue une « communication au public de services de médias

audiovisuels à la demande » est soumis à une taxe. Par services de médias audiovisuels à la

demande on entend :

« Tout service de communication au public par voie électronique permettant le visionnage de programmes au moment choisi par l'utilisateur et sur sa demande, à partir d'un catalogue de programmes dont la sélection et l'organisation sont contrôlées par l'éditeur de ce service. Sont exclus les services qui ne relèvent pas d'une activité économique. »360

Pour l'application de cette taxe, est considérée comme un éditeur de services de

télévision toute personne qui encaisse les sommes versées par les annonceurs.361 Cette taxe

est codifiée à l’article L115-6 du Code du cinéma et de l’image animée. La taxe est

prélevée sur les sommes versées par les annonceurs pour la diffusion de leurs messages

publicitaires par les éditeurs de services de télévision (incluant la vidéo sur demande)

établis en France et sur le produit des abonnements des distributeurs établis en France.362

Pour les éditeurs, un taux de 5,65 % est prélevé du montant des versements annuels pour

chaque service. 363 Pour les distributeurs, la taxe est calculée en fonction de chaque fraction

des encaissements annuels excédant 10 millions d’euros (soit environ l’équivalent de 15

millions de dollars canadien).364 Enfin, le produit de la taxe est affecté au Centre national

du cinéma et de l'image animée,365 afin de financer la production audiovisuelle française.

Pour conclure, le Canada pourrait s’inspirer des diverses mesures législatives

adoptées par d’autres pays et s’imposer comme leader mondial en matière de perception de

la taxe et d’imposition. Les solutions telles que celles adoptées en France permettraient

d’un côté, d’aller prélever la taxe sur la valeur ajoutée chez les PVD étrangères, afin

qu’elles contribuent au financement national et d’un autre côté, elles permettraient d’établir

un modèle intéressant pour inspirer les nouvelles dispositions advenant que le CRTC lève 360 Loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication (Loi Léotard), art. 2. 361 Ibid. 362 Code du cinéma et de l’image animée, art. L115-7, par. 1 et 2. 363 Ibid., art. L115-9, par. 1. 364 Ibid., art. L115-9, par. 2. 365 Ibid., art. L115-13.

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l’ordonnance d’exemption pour les nouveaux médias, afin de les soumettre à l’obligation

de contribution au financement de la culture nationale. Cependant, il faut garder en tête que

le but principal est de faire contribuer tous les acteurs aux mesures de soutien à la

production des œuvres audiovisuelles canadiennes. Lors de la modification ou de la

création de nouvelles mesures, il faudra tenir compte de la taille des entreprises et de leurs

revenus afin de leur imposer des obligations équitables qui ne porteraient pas atteinte à

l’innovation et aux progrès technologiques. Enfin, il faudra garder en tête les principes

directeurs de la politique canadienne de radiodiffusion encore pertinente aujourd’hui, dans

un monde en constante mutation numérique.

3.5. La révision du mécanisme des quotas à l’ère du numérique

Il est important de comprendre, pour les fins de cette partie, que les réflexions

concernant la révision du système des licences de radiodiffusion abordées à la partie (3.2.)

sont transposables ici, puisque la politique de radiodiffusion canadienne à deux objectifs

principaux, soit soutenir la production canadienne et soutenir son accès et sa promotion.

Afin de préserver ces deux mesures, soit la contribution au financement de la création et la

diffusion de contenu canadien par le mécanisme des quotas, il faudrait réviser soit le

système des licences et/ou l’Ordonnance d’exemption relative aux entreprises de

radiodiffusion de nouveaux médias. Ainsi, le lecteur doit se référer à la partie (3.2.) du

présent mémoire, puisque les mêmes réflexions ne seront pas reprises ici.

Cependant, quelques nuances sont à apporter concernant le mécanisme des quotas.

Lorsqu’il était fait mention que le CRTC pourrait modifier l’ordonnance d’exemption

seulement pour les diffuseurs numériques comptant un nombre restreint d’abonnés, afin

qu’ils contribuent au financement de la création canadienne, la même réflexion ne devrait

pas s’appliquer concernant les quotas. Afin d’introduire une solution juste et équitable, pour

les petits comme les grands acteurs du numérique, le CRTC pourrait modifier la Loi sur la

radiodiffusion en imposant diverses obligations de diffusion du contenu, selon le type de

PVD. Par exemple, il faudrait tenir compte de la spécificité de chaque plateforme et du

contenu qu’elles offrent. Une PVD spécialisée dans la diffusion de films d’horreur, comme

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Shudder,366 ou encore de cinéma international, comme MUBI,367 ne devrait pas se faire

imposer des quotas à la hauteur de 50 % de contenu canadien. Elles devraient tout de même

réserver une part de contenu canadien lorsque celui-ci est pertinent à la raison d’être de la

plateforme. Il faudrait donc que le CRTC reconnaisse l’effet de la programmation sur la

promotion de la diversité des expressions culturelles par chacune des PVD à laquelle il

voudrait imposer les obligations de diffusion des contenus canadiens.

D’autant plus, la multiplication des PVD au Canada aujourd’hui répertoriées au

nombre de 25,368 possèdent un contenu fluctuant rapidement en raison des ententes avec les

producteurs. Il serait donc difficile d’appliquer les quotas et de vérifier leur respect par les

PVD. Par ailleurs, Netflix soulevait qu’il était difficile pour l’entreprise d’obtenir du

contenu canadien certifié sans travailler en collaboration avec un diffuseur ou un

distributeur canadien et qu’elle privilégiait donc les coproductions avec les diffuseurs

canadiens :

« D’autres œuvres originales de Netflix […] mettent en vedette beaucoup de créativité et de talents canadiens et satisfont plusieurs des critères établis pour le contenu canadien, mais ils n’ont pas la certification officielle parce qu’il nous est impossible de faire certifier du contenu canadien de notre propre initiative. »369

La solution pourrait être, entre autres, de revoir les critères du contenu canadien pour les

PVD. Ensuite, le Canada pourrait s’inspirer de la proposition de la Directive SMA de

l’Union européenne pour étendre les obligations de diffusion aux PVD. La proposition de

Directive prévoit que :

« Les États membres veillent à ce que les fournisseurs de services de médias audiovisuels à la demande relevant de leur compétence proposent une part d’au

366 Shudder, [En ligne] https://www.shudder.com/ (consulté le 31 juillet 2018). 367 MUBI, [En ligne] https://mubi.com/fr (consulté le 31 juillet 2018). 368 FONDS DES MÉDIAS DU CANADA, À la conquête des téléspectateurs canadiens: la télé en ligne contre la télé traditionnelle, 11 juillet 2018, [En ligne] https://trends.cmf-fmc.ca/fr/a-la-conquete-des-telespectateurs-canadiens-la-tele-en-ligne-contre-la-tele-traditionnelle/ (consulté le 26 juillet 2018). 369 FONDS DES MÉDIAS DU CANADA, Conseils d’expert: comment vendre votre projet à Netflix, 22 mars 2018, [En ligne] https://trends.cmf-fmc.ca/fr/conseils-dexpert-comment-vendre-votre-projet-a-netflix/ (consulté le 26 juillet 2018).

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moins 30 % d’œuvres européennes dans leur catalogue et mettent ces œuvres en avant » (Soulignement ajouté).370

Cependant, l’établissement des quotas comme gage de la diversité des expressions

culturelles sur les plateformes semble tout de même désuet et inadapté aux réalités

technologiques. Ainsi, comme établi précédemment, « le régime législatif actuel est trop

rigide pour inclure ces nouveaux joueurs »,371 la solution pourrait être de créer un

règlement spécifique applicable aux plateformes étrangères. Dans ce nouveau règlement,

toutes PVD étrangères qui distribuent et diffusent du contenu audiovisuel aux

consommateurs canadiens, par laquelle la plateforme prélève des frais d’abonnement ou en

tire des revenus publicitaires, devrait être soumise à des obligations de promotion et de

mise en valeur des contenus nationaux. Par exemple, le législateur belge a investi sur la

mise en valeur des œuvres européennes, considérant que les quotas étaient inadaptés dans le

cadre des PVD:

« Le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel a expérimenté un monitoring systématique de mesures de promotion dans les services de [vidéo à la demande], à travers la quantification des œuvres européennes au sein des catalogues, parmi les occurrences promotionnelles sur différents supports et dans la consommation des utilisateurs. Il témoigne de la possibilité d’atteindre des résultats satisfaisants en termes de visibilité des œuvres européennes dans [c]es services. »372

Ainsi, en examinant d’autres législations, il est possible de croire que la mise en

place d’obligation liée à la promotion des œuvres nationales est non seulement faisable,

mais aussi bénéfique. De cette façon, le Canada pourrait remplacer les quotas de diffusion

par des obligations liées à la découvrabilité et la promotion des contenus canadiens pour les

370 Résolution législative du Parlement européen du 2 octobre 2018 sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2010/13/UE visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à la fourniture de services de médias audiovisuels, compte tenu de l’évolution des réalités du marché (COM(2016)0287 – C8-0193/2016 – 2016/0151(COD)) (Procédure législative ordinaire: première lecture), article 13. 371 CRTC, Emboîter le pas au changement : L’avenir de la distribution de la programmation au Canada, op. cit. 372 MOSSERAY, P.-É., Directeur de la transition numérique, CSA Belgique (FWB), Comment transposer les objectifs de visibilité et d’accès aux œuvres - européennes / francophones / locales - de la radio et la télévision aux plateformes en ligne ? Conférence du réseau francophone des régulateurs, Refram, Genève, 24 octobre 2017.

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PVD. Cela s’avérerait beaucoup plus efficace que la transposition des quotas à ces

dernières et permettrait d’atteindre les objectifs visés par la politique canadienne de

radiodiffusion. Toutefois, cette mesure ne serait possible qu’à l’aide d’outils techniques et

juridiques qui seront examinés dans la prochaine section.

3.6. L’encadrement de la découvrabilité des contenus numériques

La présente proposition suggère au gouvernement du Canada de trouver des moyens

pour encadrer la promotion et la découvrabilité des contenus audiovisuels sur les PVD.

Notamment, en référence aux solutions proposées pour modifier le système canadien des

licences et les mécanismes de financement de la création, la création d’un règlement

spécifique aux plateformes numériques canadiennes et étrangères était suggérée. Ainsi, en

créant un nouveau règlement spécifique aux PVD, on pourrait intégrer les obligations de

participation au financement et au soutien de la culture canadienne pour toutes PVD

étrangères qui distribuent et diffusent du contenu audiovisuel aux consommateurs

canadiens. De plus, le gouvernement canadien pourrait réussir à encadrer les plateformes

étrangères et à les soumettre à une obligation de contribution au financement, selon

l’établissement du principe du pays de destination.373 Alors, dans ce nouveau règlement,

pourraient être introduites des obligations de promotion du contenu canadien pour toutes

plateformes qui diffusent du contenu au Canada et destinées à des consommateurs

canadiens, lorsque la plateforme prélève des frais d’abonnement ou en tire des revenus

publicitaires. Par ailleurs, le pouvoir législatif doit faire en sorte qu’aucune pratique

adoptée par une masse d’utilisateurs ou une majorité d’entreprises ne puisse se substituer à

la loi ou faire la loi.374 Le législateur devrait ainsi « partir des usages constatés et non des

lois préexistantes pour proposer une réglementation de l’espace public de diffusion et

d’accès aux informations ou aux biens culturels immatériels ».375

373 Conférence organisée par la Coalition européenne pour la diversité culturelle, le 14 novembre 2016, au Parlement européen,373 intitulée Digital World : An Opportunity For Creation ? et VLASSIS, Antonios, « The review of the Audiovisual Media Services Directive. Many political voices for one digital Europe? », Politique européenne, février 2017, n° 56, p. 117. 374 ERTZSCHEID, O., L’appétit des géants Pouvoir des algorithmes, ambitions des plateformes, C&F Éditions Blogollection, Paris, 2017, p. 65. 375 Ibid.

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Puisque les algorithmes de recommandations deviendront probablement, dans un

futur proche, la manifestation ultime des quotas de diffusion, remplaçant de ce fait celles-ci,

le Canada devrait trouver un moyen technique et juridique d’intégrer la notion des quotas

au sein de ces algorithmes de recommandation et réfléchir sur un moyen contraignant de les

mettre en place, notamment au sein des plateformes étrangères. Une consultation avec

notamment des experts en informatique et le gouvernement devrait donc être organisée.

Aujourd’hui, les possibilités offertes par les nouvelles technologies numériques permettent

de croire qu’il est possible de mettre en place des moyens techniques pour s’assurer de la

promotion du contenu canadien sur les PVD. En effet, des mesures de protection, comme le

géoblocage, consiste à : « une pratique utilisée surtout par les entreprises de diffusions

média pour accepter ou rejeter les tentatives d'accès au contenu en fonction de l’adresse IP

du demandeur »376 existent déjà et sont appliquées par les PVD.

L’idée serait alors de créer un algorithme de recommandation qui, en fonction de

l’adresse IP et donc de la géolocalisation de l’individu, lui proposerait d’abord du contenu

national correspondant à des goûts similaires. Par exemple, si l’abonné a récemment aimé

un thriller américain, les recommandations pourraient lui suggérer d’abord des thrillers

similaires, mais canadiens, et ensuite d’autres thrillers correspondant à ses goûts. En effet,

si les algorithmes « demandent aux métadonnées de contenus et d’usage de trouver ce qui

correspond à des termes de recherche, aux usages les plus fréquents, aux préférences d’un

utilisateur précis, et de combiner et présenter ces résultats selon un schéma particulier »,377

il est tout à fait pensable qu’elles puissent, dans une même logique, trouver le contenu qui

correspond à la position géographique de la personne et de lui proposer.

Ensuite, il faudrait s’assurer que les contenus nationaux soient promus, et donc mis

à l’avant prioritairement aux autres contenus, ce qui peut être vérifié par une simple

observation de la PVD. Du point de vue contraignant, des auteurs suggèrent que les

obligations des utilisateurs d’outils algorithmiques pourraient être validées par une autorité 376 « Géoblocage », CRTC, Glossaire [En ligne] https://crtc.gc.ca/multites/mtwdk.exe?k=glossaire-glossary&l=60&w=223&n=1&s=5&t=2 (consulté le 5 juillet 2018). 377 FONDS DES MÉDIAS DU CANADA, 2016, op. cit., p. 32.

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publique de contrôle, s’assurant du respect des différentes finalités exigées par

règlement.378 Par exemple, la licence consentie aux diffuseurs ou un nouveau règlement

pourrait leur ordonner de promouvoir le contenu canadien en priorité et de ne pas détourner

l’algorithme de ses fonctionnalités, ou encore cette obligation pourrait être prévue dans un

nouveau règlement applicable spécifiquement aux PVD : « Dans cette perspective, une

autorité de contrôle des algorithmes serait compétente pour mener des audits afin de tester

périodiquement les algorithmes pour s'assurer qu'ils ne produisent pas de résultats qui

violeraient le droit. »379 Peut-être que dans un futur rapproché, le CRTC pourrait aussi

jouer ce rôle, s’inscrivant alors dans la politique canadienne de radiodiffusion qui vise, à

titre de rappel, à ce que « tous les éléments du système doivent contribuer, de la manière

qui convient, à la création et la présentation d’une programmation canadienne ».380

Pour terminer, il faudrait que le cadre règlementaire de la radiodiffusion canadienne

travaille en collaboration avec les nouvelles technologies, advenant la création d’un

nouveau règlement, car elles risquent de maintenir leur position sur le marché de la

diffusion et de la distribution encore longtemps, avec pour conséquences d’entrainer les

politiques sans cesse vers de nouveaux défis, comme le résume cette citation :

« Our choice is not between "regulation" and "no regulation". The code regulates. It implements values, or not. It enables freedoms, or disables them. It protects privacy, or promotes monitoring. People choose how the code does these things [...] The only choice is whether we collectively will have a role in their choice - and thus in determining how these values regulate - or whether collectively we will allow the coders to select our values for us ».381

378 GODEFROY, L., « Le code algorithmique au service du droit », Recueil Dalloz, 2018, p. 734. 379 Ibid. 380 Loi sur la radiodiffusion, art. 3 (1) e). 381 LESSIG, L., « Code Is Law. On Liberty In Cyberspace : The Code Of Cyberspace Regulates » Harvard Magazine, janvier 2000.

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Conclusion

Ce mémoire s’interroge sur la façon la plus appropriée de renforcer le système de

radiodiffusion canadien pour protéger et assurer une diversité des expressions culturelles

sur les PVD canadiennes et étrangères. Cette recherche vise à répondre à deux questions :

Quelles mesures permettraient d’établir une concurrence juste et équitable, en matière de

soutien à la production et de fiscalité, entre les nouveaux diffuseurs et les diffuseurs

traditionnels ? Et, quelles autres mesures nationales pourraient permettre l’atteinte des

objectifs de la Convention de 2005 pour assurer une diversité des contenus audiovisuels sur

les plateformes numériques ?

À cet effet, une étude des modifications devant être apportées à la réglementation

canadienne en matière de radiodiffusion afin de soumettre les PVD aux obligations

applicables aux entreprises de radiodiffusion canadiennes et vouées à l’atteinte des objectifs

en matière de diversité culturelle a été effectuée. Cette recherche a démontré que plusieurs

pistes de solutions existent et peuvent être mises en place pour assurer une concurrence

juste et équitable entre tous les joueurs. Notamment, pour soumettre les PVD aux

obligations de soutien à la création, il faudrait définitivement retirer l’Ordonnance

d’exemption relative aux entreprises de radiodiffusion de nouveaux médias de 1999 pour

rendre la Loi sur la radiodiffusion applicable aux PVD numériques canadiennes. Une autre

solution permettant de les soumettre à la législation sur la radiodiffusion pourrait être de

revoir la définition d’entreprise de radiodiffusion, en définissant les entreprises de

radiodiffusion selon leur rôle plutôt que selon le procédé technologique par lequel elles

exercent leurs activités, sans oublier de consacrer le principe de la neutralité technologique.

Cependant, malgré la modification de l’exemption relative aux nouveaux médias,

les PVD étrangères ne pourraient être soumises à la réglementation canadienne en matière

de radiodiffusion, puisque le CRTC ne peut attribuer de licences à des demandeurs non

canadiens. Par contre, cette recherche arrivait à la conclusion que le système des licences ne

semblait toutefois pas être la meilleure solution à transposer au monde numérique, car il est

trop rigide et donc inadapté à cet environnement. De la même façon, l’établissement des

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quotas comme gage de la diversité des expressions culturelles sur les PVD est inadapté aux

réalités technologiques.

La solution à préconiser serait plutôt de créer un règlement spécifique applicable

uniquement aux PVD numériques. De cette manière, le législateur canadien pourrait réussir

à encadrer les plateformes étrangères et à les soumettre à une obligation de contribution au

financement, selon l’établissement du principe du pays de destination ou encore les

soumettre aux obligations de diffusion des contenus nationaux. Ensuite, le législateur

devrait revoir les fondements de la fiscalité afin d’obliger toutes les plateformes de

fourniture de biens et de services à prélever la taxe sur la valeur ajoutée canadienne, sur les

ventes effectuées au Canada, sur la base d’une présence physique ou significative au

Canada, comme l’a fait le Québec et l’Union européenne.382

Enfin, puisque le système des quotas de diffusion est difficilement transposable au

numérique, le Canada pourrait remplacer les quotas de diffusion par des obligations liées à

la découvrabilité et la promotion des contenus canadiens pour les PVD à l’aide d’outils

techniques et juridiques. Ces mesures nationales permettraient l’atteinte des objectifs de la

Convention de 2005 pour assurer une diversité des contenus audiovisuels sur les

plateformes numériques. Ainsi, les futures politiques culturelles et règlementaires du CRTC

et du gouvernement du Canada devraient trouver un moyen technique et juridique

d’intégrer la notion des quotas au sein de ces algorithmes de recommandation et réfléchir

sur un moyen contraignant de les mettre en place. Une consultation avec des experts en

informatique et le gouvernement s’avère nécessaire à cette fin. Le CRTC avait déjà débuté

les réflexions sur le sujet grâce au Sommet sur la découvrabilité383 organisé en 2016.

Cependant, le processus de révision du système canadien de radiodiffusion a besoin

d’outrepasser celui de la réflexion et des mesures concrètes doivent être mises en place. Il

382 Loi visant l’amélioration des performances de la Société de l’assurance automobile du Québec, favorisant un meilleur encadrement de l’économie numérique en matière de commerce électronique, de transport rémunéré de personnes et d’hébergement touristique et modifiant diverses dispositions législatives, Projet de loi n°150, sanctionné le 12 juin 2018, 1ère sess., 41e légis. Qc. Et Proposal For A Council Directive laying down rules relating to the corporate taxation of a significant digital presence, Brussels, 21.3.2018 COM (2018) 147 final, 2018/0072 (CNS). 383 CRTC et ONF, Le sommet de la découvrabilité : Le contenu à l’ère de l’abondance, Toronto, 10-11 mai 2016, [En ligne] http://decouvrabilite.ca/ (consulté le 21 juin 2018).

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est venu le temps pour le gouvernement canadien de se diriger vers un plan d’action concret

et efficace. L’espoir repose alors sur la révision des trois grandes lois sur le sujet, soit la Loi

sur la radiodiffusion, la Loi sur les télécommunications et la Loi sur la

radiocommunication, en cours d’exécution et sur le rapport du comité d’expert nommé à

ces fins, attendu pour 2019.384

Pour terminer, les solutions aux problématiques soulevées dans ce mémoire

dépendent d’abord et avant tout de la volonté politique. Des solutions concrètes existent au

niveau législatif et informatique, comme les législations étrangères ont pu le démontrer. La

décision repose sur le choix à accorder à l’importance de sauvegarder le système de

radiodiffusion canadien et sa politique, protecteur et promoteur de notre diversité culturelle

ou de trouver un moyen alternatif afin d’assurer une promotion et une protection efficace de

la diversité des expressions culturelles sur les PVD.

384 PATRIMOINE CANADIEN, Le gouvernement du Canada procédera à un examen des lois régissant les télécommunications et la radiodiffusion, 5 juin 2018, Ottawa, [En ligne] https://www.canada.ca/fr/patrimoine-canadien/nouvelles/2018/06/le-gouvernement-du-canada-procedera-a-un-examen-des-lois-regissant-les-telecommunications-et-la-radiodiffusion.html (consulté le 6 juin 2018).

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