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Actualités pharmaceutiques n° 528 septembre 2013 50 société études © 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés http://dx.doi.org/10.1016/j.actpha.2013.06.018 La Roumanie : terre d’exode des étudiants en pharmacie français ? E n 2007, la Roumanie a intégré l’Union européenne, ce qui a eu pour conséquences, d’une part, d’améliorer les échanges entre les universités de ce pays et celles de la France et, d’autre part, la reconnaissance du diplôme de pharmacien dans ces deux pays comme dans l’ensemble des terri- toires membres de l’Union. Ainsi, de nombreux étudiants français choi- sissent, à tort ou à raison, de s’exi- ler en Roumanie. Cet exode a pris de l’ampleur dès les années 2000 avec la création de filières santé en langue française. D’ailleurs, le mode de recrutement est certainement un facteur expliquant ce succès puisque les étudiants étrangers ne passent pas de concours d’entrée et sont sélectionnés sur dossier 1 . En Roumanie, la durée des études de pharmacie est de cinq années. Les cours sont dispensés en langue française dans les facultés de Cluj Napoca, Iasi, Timisoara, Bucarest et Constanta. En revanche, dès la quatrième année, les stages cliniques se déroulent en roumain dont l’ap- prentissage est donc incontournable. Il est ainsi possible de s’inscrire dans une école préparatoire à la langue rou- maine avant d’intégrer une Faculté de pharmacie. Les conditions d’inscription Différentes conditions doivent être réunies pour prétendre à une ins- cription en Faculté de pharmacie en Roumanie : • être titulaire du diplôme du bac- calauréat validé et certifié ; • posséder un passeport ou une carte d’identité en cours de validité ; • pratiquer le français, l’anglais ou l’allemand ou faire une année pré- paratoire à la langue roumaine ; • ne pas avoir de maladie conta- gieuse ; • posséder un casier judiciaire vierge ; • avoir des moyens financiers suf- fisants pour financer ses études. Il n’est pas nécessaire de détenir un permis de séjour, mais il est impéra- tif de signaler sa présence à l’office d’immigration le plus proche dans les 90 jours suivants son arrivée sur le sol roumain. Par ailleurs, les études réalisées dans le pays d’origine doivent être reconnues par le Centre national de reconnaissance et équiva- lence des diplômes (CNRED) 2 du ministère de l’Éducation, de la Recherche, de la Jeunesse et du sport de Roumanie. Des frais de scolarité conséquents Les frais de scolarité sont variables d’une université à l’autre : le sys- tème éducatif roumain se trouve sous l’égide du ministère de l’Édu- cation mais ce sont les sénats des universités qui décident de la valeur finale des frais de scolarité en cor- rélation avec la loi, ainsi que des modalités de paiement, intégral ou en tranche. Pour la filière pharmacie anglo- phone ou francophone, les frais de scolarité annuels s’élèvent à 5 000 € Mots clés • Études • Pharmacie • Roumanie • Inscription • Frais de scolarité • Programme Keywords • Enrolment • Pharmacy • Programme • Romania • Student fees • Studies En France, les études de pharmacie ont la réputation d’être longues et difficiles. Nombre de candidats échouent dès la première année commune aux études de santé (Paces). Certains d’entre eux projettent alors de s’inscrire en Faculté de pharmacie en Roumanie. Une seconde chance qui n’est pas sans poser le problème de l’équité. Romania: the land of exodus for French pharmacy students. In France, pharmacy studies have the reputation of being long and difficult. Currently, many students fail the first year common to all healthcare students (Paces). As a result, some of them decide to enrol in a Romanian pharmacy training faculty. A second chance which gives rise to the issue of fairness. © 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés © 2013 Elsevier Masson SAS. All rights reserved De nombreux étudiants français choisissent, à tort ou à raison, de s’exiler en Roumanie pour suivre des études de pharmacie. © Fotolia/Roobcio Yannick FRULLANI

La Roumanie : terre d’exode des étudiants en pharmacie français ?

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Actualités pharmaceutiques

• n° 528 • septembre 2013 •50

sociétéétudes

© 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

http://dx.doi.org/10.1016/j.actpha.2013.06.018

La Roumanie : terre d’exode des étudiants en pharmacie français ?

E n 2007, la Roumanie a intégré l’Union européenne, ce qui a eu pour conséquences, d’une

part, d’améliorer les échanges entre les universités de ce pays et celles de la France et, d’autre part, la reconnaissance du diplôme de pharmacien dans ces deux pays comme dans l’ensemble des terri-toires membres de l’Union. Ainsi, de nombreux étudiants français choi-sissent, à tort ou à raison, de s’exi-ler en Roumanie. Cet exode a pris de l’ampleur dès les années 2000 avec la création de filières santé en langue française. D’ailleurs, le mode de recrutement est certainement

un facteur expliquant ce succès puisque les étudiants étrangers ne passent pas de concours d’entrée et sont sélectionnés sur dossier1. En Roumanie, la durée des études de pharmacie est de cinq années. Les cours sont dispensés en langue française dans les facultés de Cluj Napoca, Iasi, Timisoara, Bucarest et Constanta. En revanche, dès la quatrième année, les stages cliniques se déroulent en roumain dont l’ap-prentissage est donc incontournable. Il est ainsi possible de s’inscrire dans une école préparatoire à la langue rou-maine avant d’intégrer une Faculté de pharmacie.

Les conditions d’inscriptionDifférentes conditions doivent être réunies pour prétendre à une ins-cription en Faculté de pharmacie en Roumanie :• être titulaire du diplôme du bac-

calauréat validé et certifié ;• posséder un passeport ou une

carte d’identité en cours de validité ;

• pratiquer le français, l’anglais ou l’allemand ou faire une année pré-paratoire à la langue roumaine ;

• ne pas avoir de maladie conta-gieuse ;

• posséder un casier judiciaire vierge ;

• avoir des moyens financiers suf-fisants pour financer ses études.

Il n’est pas nécessaire de détenir un permis de séjour, mais il est impéra-tif de signaler sa présence à l’office d’immigration le plus proche dans les 90 jours suivants son arrivée sur le sol roumain.Par ailleurs, les études réalisées dans le pays d’origine doivent être reconnues par le Centre national de reconnaissance et équiva-lence des diplômes (CNRED)2 du ministère de l’Éducation, de la Recherche, de la Jeunesse et du sport de Roumanie.

Des frais de scolarité conséquentsLes frais de scolarité sont variables d’une université à l’autre : le sys-tème éducatif roumain se trouve sous l’égide du ministère de l’Édu-cation mais ce sont les sénats des universités qui décident de la valeur finale des frais de scolarité en cor-rélation avec la loi, ainsi que des modalités de paiement, intégral ou en tranche. Pour la filière pharmacie anglo-phone ou francophone, les frais de scolarité annuels s’élèvent à 5 000 €

Mots clés• Études

• Pharmacie

• Roumanie

• Inscription

• Frais de scolarité

• Programme

Keywords• Enrolment

• Pharmacy

• Programme

• Romania

• Student fees

• Studies

En France, les études de pharmacie ont la réputation d’être longues et difficiles. Nombre

de candidats échouent dès la première année commune aux études de santé (Paces).

Certains d’entre eux projettent alors de s’inscrire en Faculté de pharmacie en Roumanie.

Une seconde chance qui n’est pas sans poser le problème de l’équité.

Romania: the land of exodus for French pharmacy students. In France, pharmacy studies have the reputation of being long and difficult. Currently, many students fail the first year common to all healthcare students (Paces). As a result, some of them decide to enrol in a Romanian pharmacy training faculty. A second chance which gives rise to the issue of fairness.

© 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

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De nombreux étudiants français choisissent, à tort ou à raison, de s’exiler en Roumanie pour suivre des études de pharmacie.

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Yannick FRULLANI

Actualités pharmaceutiques

• n° 528 • septembre 2013 • 51

études

société

en moyenne, payables en neuf ou dix mois. Néanmoins, les étudiants qui obtiennent de très bons résultats sont susceptibles, à partir de la deu-xième année, de se voir exemptés de tout ou partie des frais de sco-larité. Ce système a été mis en place pour lutter contre l’absentéisme (70 % des cours sont obligatoires) mais surtout pour motiver les étudiants et les inciter à travailler avec rigueur et régularité.

Devenir du diplômé en Roumanie Le Conseil national de l’Ordre des pharmaciens précise, qu’en appli-cation de l’article L. 4221-4 du

Code de la santé publique, un pharmacien de nationalité fran-çaise, détenteur d’un titre de formation de pharmacien délivré par l’un des États membres de l’Union européenne est habilité, sous certaines conditions, à exer-cer la pharmacie en France. Il faut, en effet, que ledit diplôme soit, d’une part, conforme aux obligations de l’Union européenne et, d’autre part, qu’il figure sur une liste établie par arrêté des ministres chargés de l’Enseigne-ment supérieur et de la Santé. Si le titre de formation ne figure pas sur cette liste, le pharmacien doit fournir une attestation de l’État où le diplôme a été validé visant à cer-tifier qu’il sanctionne effectivement

une formation conforme à ces obli-gations.Toutefois, si le diplôme ne répond pas aux conditions prévues par le Code de la santé publique, le ministre chargé de la Santé peut délivrer une autorisation individuelle d’exercer la pharmacie en France, après que le pharmacien a engagé une procédure d’autori-sation d’exercice (PAE) auprès du Centre national de gestion3. w

Déclaration d’intérêts :

l’auteur déclare ne pas avoir

de confl its d’intérêts en relation

avec cet article.

L’auteurYannick FRULLANIPharmacien,

Pharmacie de la Cere,

103 avenue de la République,

46130 Biars-sur-Cere, France

[email protected]

Notes1 Les formalités d’inscription, le détail du programme des cours dispensés dans les Facultés de pharmacie, ainsi que les modalités de validation des unités d’enseignement peuvent être consultés sur le site des universités choisies et en français. Par exemple, le Guide d’études de la Faculté de médecine et de pharmacie de la Faculté de Cluj Napoca est disponible sur www.farmacie.umfcluj.ro/MMedia/FarmaGhid/FR/index.html#/0.2 CNRED : Centrul National de Recunoastere si Echiavalare a Diplomelor, Str. Spiru Harel, nr 12, Sector 1, 010176 Bucaresti. www.cnred.edu.ro 3 Centre national de gestion, Immeuble Le Ponant B, 21 rue Leblanc, 75737 Paris cedex 15. www.cng.sante.fr

Pour en savoir plus• Ministère des Affaires étrangères roumain. Guide de l’étudiant. www.mae.ro/sites/default/fi les/fi le/ghidul_stud_fr.pdf

• Ministère de l’Éducation nationale roumain. Étudiants étrangers en Roumanie. www.edu.ro/index.php/articles/12649

« Aujourd’hui se pose, sous différentes formes, la question de l’accès aux études de santé : réforme de la première année commune aux études de santé (Paces), université étrangère installée sur le sol français et étudiants français choisissant d’obtenir un diplôme dans un pays européen, comme la Roumanie, pour revenir exercer en France. Qu’un phar-macien roumain vienne exercer en

France ou un pharma cien français en Roumanie s’inscrit dans l’esprit de la législation européenne, mais qu’un étudiant ayant échoué, en France, au concours d’entrée en deuxième année des études de pharmacie aille effectuer ces mêmes études en Roumanie ne me semble qu’une lecture “orientée” de cette loi européenne. Même s’il peut être question de vocation irrépressible,

il est malgré tout difficile d’expliquer à l’étudiant qui s’est investi pleinement pendant 2 ans et qui n’a pas la possibilité d’étudier en Roumanie que le numerus clausus ne s’applique finalement pas à tout le monde ! »

Professeur Jean-Luc DurouxDoyen de la Faculté de pharmacie de Limoges,

2 rue du Docteur-Marcland,

87025 Limoges cedex, France

« Suite à la réforme de la première année commune aux études de santé (Paces), et ayant épuisé mes deux chances de réussite au concours, j’étais totalement démoralisée. Comme cette profession me passionne, j’ai fait le tour des éventuelles possibilités s’offrant à moi et j’ai trouvé que l’alternative de poursuivre mes études à l’Université Iuliu Hatieganu de Cluj-Napoca, en Transylvanie, était la meilleure solution.La ville universitaire de Cluj-Napoca est très agréable et cosmopolite : on y côtoie de nombreux étudiants de toutes nationalités, ce qui constitue une expérience personnelle fortement enrichis-sante au niveau culturel et linguistique. Le cursus dure cinq ans. Les quatre premières années comportent des cours magistraux et des travaux pratiques. L’université roumaine accorde une grande importance à ces derniers, plus qu’en France où ils sont notamment inexistants en première année. La cinquième année, quant à elle, comprend six mois de stage dans une officine roumaine. Il est donc nécessaire de bien maîtriser la langue.En bref, c’est une expérience originale à vivre. Pour ma part, je ne regrette aucunement ce choix qui me permet d’espérer exercer une profession qui m’est si chère, malgré un échec malheureux en France. »

Mathilde Ferrand

Mathilde Ferrand.

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R

Études de pharmacie en Roumanie, qu’en dit un doyen de Faculté de pharmacie ?

Le témoignage d’une étudiante en pharmacie “expatriée” à Cluj-Napoca