La révolution duvaliériste. Contenu doctrinal, conquêtes ...classiques.uqac.ca/.../Revolution_duvalieriste.docx · Web viewUlysse PIERRE-LOUIS (1965) La révolution duvaliériste

Ulysse PIERRE-LOUIS

(1965)

La révolution duvaliériste.Contenu doctrinal,

conquêtes et perspectives.

LES CLASSIQUES DES SCIENCES SOCIALESCHICOUTIMI, QUÉBEChttp://classiques.uqac.ca/

http://classiques.uqac.ca/

Ulysse Pierre-Louis, La révolution duvaliériste... (1965) 2


Les Classiques des sciences sociales est une bibliothèque numérique en libre accès développée en partenariat avec l’Université du Québec à Chicoutimi (UQÀC) depuis 2000.

http://bibliotheque.uqac.ca/

En 2018, Les Classiques des sciences sociales fêteront leur 25e anni-versaire de fondation. Une belle initiative citoyenne.

http://bibliotheque.uqac.ca/



Politique d'utilisationde la bibliothèque des Classiques

Toute reproduction et rediffusion de nos fichiers est interdite, même avec la mention de leur provenance, sans l’autorisation for-melle, écrite, du fondateur des Classiques des sciences sociales, Jean-Marie Tremblay, sociologue.

Les fichiers des Classiques des sciences sociales ne peuvent sans autorisation formelle:

- être hébergés (en fichier ou page web, en totalité ou en partie) sur un serveur autre que celui des Classiques.

- servir de base de travail à un autre fichier modifié ensuite par tout autre moyen (couleur, police, mise en page, extraits, support, etc...),

Les fichiers (.html, .doc, .pdf, .rtf, .jpg, .gif) disponibles sur le site Les Classiques des sciences sociales sont la propriété des Clas-siques des sciences sociales, un organisme à but non lucratif composé exclusivement de bénévoles.

Ils sont disponibles pour une utilisation intellectuelle et person-nelle et, en aucun cas, commerciale. Toute utilisation à des fins commerciales des fichiers sur ce site est strictement interdite et toute rediffusion est également strictement interdite.

L'accès à notre travail est libre et gratuit à tous les utilisa-teurs. C'est notre mission.

Jean-Marie Tremblay, sociologueFondateur et Président-directeur général,LES CLASSIQUES DES SCIENCES SOCIALES.


Cette édition électronique a été réalisée par Rency Inson Michel, bénévole, étu-diant en sociologie à la Faculté des sciences humaines à l’Université d’État d’Haï-ti et fondateur du Réseau des jeunes bénévoles des Classiques des sciences so-ciales en Haït, Page web. Courriel: [email protected] à partir de :

Ulysse PIERRE-LOUIS

La révolution duvaliériste. Contenu doctrinal, conquêtes et perspectives.

Éditions Administration communale de Port-au-Prince. Port-au-Prince, Haïti : Imprimerie de l’État, avril 1965, 77 pp.

Polices de caractères utilisée :

Pour le texte: Times New Roman, 14 points.Pour les notes de bas de page : Times New Roman, 12 points.

Édition électronique réalisée avec le traitement de textes Microsoft Word 2008 pour Macintosh.

Mise en page sur papier format : LETTRE US, 8.5’’ x 11’’.

Édition numérique réalisée le 29 mars 2019 à Chicoutimi, Québec.

mailto:[email protected]

http://classiques.uqac.ca/inter/benevoles_equipe/liste_michel_rency_inson.html


Merci aux universitaires bénévolesregroupés en association sous le nom de:

Réseau des jeunes bénévolesdes Classiques des sciences socialesen Haïti.

Un organisme communau-taire œuvrant à la diffusion en libre accès du patrimoine intel-lectuel haïtien, animé par Ren-cy Inson Michel et Anderson Layann Pierre.

Page Facebook :https://www.facebook.com/Réseau-des-jeunes-bénévoles-des-Classiques-de-sc-soc-en-Haïti-990201527728211/?fref=ts

Courriels :

Rency Inson Michel : [email protected] Anderson Laymann Pierre : [email protected]

Ci-contre : la photo de Rency Inson MICHEL.





https://www.facebook.com/R%C3%A9seau-des-jeunes-b%C3%A9n%C3%A9voles-des-Classiques-de-sc-soc-en-Ha%C3%AFti-990201527728211/?fref=ts





Un grand merci à Ricarson DORCÉ, directeur de la collec-tion “Études haïtiennes”, pour nous avoir prêté son exemplaire de ce livre afin que nous puissions en produire une édition numérique en libre accès à tous dans Les Classiques des sciences sociales.

jean-marie tremblay, C.Q.,sociologue, fondateurLes Classiques des sciences sociales,22 mars 2019.

http://classiques.uqac.ca/contemporains/etudes_haitiennes/etudes_haitiennes_index.html

http://classiques.uqac.ca/contemporains/Dorce_ricarson/auteur_photo/dorce_ricarson_photo.html


Ce texte est diffusé en partenariat avec l’Association science et bien commun, présidée par Madame Flo-rence Piron, professeure à l’Université Laval, et l’Université d’État d’Haïti.

Merci à l’Association d’avoir permis la diffusion de ce livre dans Les Classiques des sciences sociales, grâce à la création de la collection : “Études haïtiennes”.

Jean-Marie Tremblay, C.Q.,Sociologue, professeur associé, UQACfondateur et p.-d.g, Les Classiques des sciences sociales22 mars 2019.


http://www.uqac.ca/

http://www.ueh.edu.ht/

http://scienceetbiencommun.org/



http://www.scienceetbiencommun.org/


Ulysse PIERRE-LOUIS

La révolution duvaliériste.Contenu doctrinal, conquêtes et perspectives.

Éditions Administration communale de Port-au-Prince. Port-au-Prince, Haïti : Imprimerie de l’État, avril 1965, 77 pp.


Note pour la version numérique : La numérotation entre crochets [] correspond à la pagination, en début de page, de l'édition d'origine numérisée. JMT.

Par exemple, [1] correspond au début de la page 1 de l’édition papier numérisée.



Table des matières

Propos liminaire [9]Toile de fond historique [15]

La révolution duvaliériste, réalité des temps présents [23]

a) Aspect politique [23]

Le combat de la dignité sous l’égide de la Révolution duvaliériste [34]

b) Aspect social [34]c) Aspect culturel [48]d) Aspect économique [54]e) Politique extérieure de dignité [63]

Conclusions et perspectives [75]


[3]

ULYSSE PIERRE-LOUISPRIX LORIMER DENIS

La Révolution DuvaliéristeCONTENU DOCTRINAL

CONQUÊTES ET PERSPECTIVES

ÉDITIONSADMINISTRATION COMMUNALE

DE PORT-AU-PRINCE

IMPRIMERIE DE L’ETATPORT-AU-PRINCE, HAITI

AVRIL 1965

[4]


[5]

DU MÊME AUTEUR

1) Trois Contes Haïtiens parus dans l’anthologie de Mme. Thérèse GEORGEL « CONTES ET LEGENDES DES ANTILLES », Nathan, Paris, 1957.

2) « ESQUISSES LITTERAIRES ET CRITIQUES », Imprimerie de l’État, 1957.

3) « SORTILEGES AFRO-HAÏTIENS » (Contes et Légendes d’Haïti) Imprimerie de l’État, 1961.

EN PRÉPARATION

1) DE LA MAIN GAUCHE DU BON DIEU (Nouvelles)2) SORTILEGES AFRO-HAÏTIENS II (Contes)3) LA COLERE DES DIEUX (Roman)

[6]


[7]

Son Excellence Docteur FRANÇOIS DUVALIER,l’Humaniste, Président à Vie de la République dont la doctrine progressiste

liée au tissu de notre Histoire, en exprime les valeurs les plus hautes, entre autres le droit à l’existence de la Nation Haïtienne qui a mené le combat le plus âpre pour défendre la condition humaine.

[8]


[9]


PROPOS LIMINAIRES

Retour à la table des matières

L’Administration Communale de Port-au-Prince, composée des citoyens Georges J. FIGARO, Président, Breton NAZAIRE et Marcel AUGUSTIN. Membres, a eu l’heureuse initiative d’instituer le « PRIX LORIMER DENIS » attribué cette année au talentueux écrivain Ulysse PIERRE-LOUIS par un Jury composé des personnalités sui-vantes : Son Excellence M. Léonce VIAUD, Secrétaire d’État de l’Education Nationale, Président, Son Excellence M, Michel AU BOURG, Sous-Secrétaire d’État de l’intérieur et de la Défense Natio-nale, Vice-Président. M. André G. FRANÇOIS, Secrétaire Général au Département de l’intérieur et de la Défense Nationale, Colonel Jacques LAROCHE, Assistant-Chef d’État Major-Général des Forces Armées d’Haïti, Docteur Rony DURAND, Professeur à l’Université d’État d’Haïti, Membres.

Nous prenons plaisir à publier le texte primé, une analyse magis-trale des différents aspects de la Révolution Duvaliériste. Avant d’ar-river au cœur du sujet, l’auteur a, dans une toile de fond d’une re-marquable [10] lucidité, mis en valeur les antécédents historiques, culturels, politiques qui sous-tendent le Duvaliérisme et permettent de le comprendre sous son vrai jour. Comme il le dit si bien, le Duvalié-risme exprime la volonté de survie d'une Nation qui entend vaincre les limitations d'ordre intérieur et extérieur pour affirmer son droit à l'existence.


Voici le texte de la Dissertation mise au concours par l'Adminis-tration Communale de Port-au-Prince : « Que pensez-vous de ce Ju-gement : « Maintenant que le Peuple Haïtien a retrouvé son âme, il veut bâtir la vie sur le réel et accrocher son espoir et sa foi à la réali-té. Cette réalité prend corps avec la Révolution Duvaliériste qui pos-tule « les revendications de Justice » et signifie dans l'ordre politique comme dans l'ordre économique, la dignité de l'existence et, dans l'ordre intérieur comme dans l'ordre extérieur la primauté de la Na-tion, l'égalité dans les rapports internationaux ».


[11]

La Révolution Duvaliériste a démantelé des mythes, bousculé des contradictions qui, dans l’ordre social, politique, économique ont fait proliférer les aliénations rendant difficile toute approche du réel qu’il s’agit avant tout de transformer. Elle continue celle d’e 1946, en ap-profondit les impératifs, est soudée à la série des mouvements pro-gressistes qui, tout au long de notre histoire, avec des fortunes di-verses, ont postulé la promotion des masses tenues en marge de la vie nationale.

Trop souvent, les espoirs du Peuple Haïtien, des masses, des classes moyennes ont été frustrés. Les Institutions mises en place se sont révélées inadéquates et par conséquent incapables de refaire la vie en l’organisant. C’est à cette tâche essentielle que s’est attelé le Gouvernement de l’illustre Dumarsais ESTIME qui a cristallisé l’en-semble des aspirations de la Révolution d’e 1946. La bourgeoisie commerçante, la petite bourgeoisie et l’Armée, prises de panique à cause des nombreuses conquêtes de l’Estimisme dans l’ordre social et politique suscitèrent la contre-révolution du 10 Mai 1950. C’est dans la lutte contre cet ordre de choses contre-révolutionnaire que s’affirma la forte personnalité de l’ancien Ministre du Travail du Gouvernement progressiste de Dumarsais [12] ESTIME, le Docteur François DUVA-LIER. Très connu alors dans le monde ouvrier parce qu’il s’était si-gnalé par des réformes tendant à assurer l’humanisation progressive de la classe ouvrière, après la chute et la mort du grand homme d’État que fut ESTIME, Monsieur le Docteur François DUVALIER était considéré comme l’héritier politique de l’Homme des Verrettes. À vrai dire, cet ancien Ministre intègre et patriote, collaborateur immé-diat d’un des plus Grands Chefs d’État de la période contemporaine, n’avait rien d’un politicien dans le sens courant du terme.

Il a toujours été un intellectuel, un doctrinaire, un médecin. Mais, passionné des sciences humaines, de l’histoire haïtienne et de l’étude des origines de notre peuple, il a compris en 1946 que l’heure de 1’en-gagement total avait sonné et que c’était pour lui une obligation de mettre sa science d’ethnologue, d’humaniste, de sociologue, de méde-cin au service de son Pays et du Président ESTIME pour donner l’in-


vestiture sociale et humaine à toute une classe d’hommes que la survi-vance de préjugés féodaux enchaînait à un statut d’ilotes.

Quand, au terme d’une campagne riche en rebondissements inat-tendus et sanglants, la majorité de l’électorat haïtien élit le Docteur François DUVALIER, ce choix était une manière d’hommage à [13] l’humble médecin de campagne qui avait dédié plus de quinze ans de sa vie à un des apostolats les plus nobles : guérir les populations de l’Arrière-Pays que le pian décimait. Ce choix impliquait qu’on en avait assez de la tourbe des politiciens professionnels responsables des malheurs de la Patrie.

Il n’y a en effet rien du politicien chez le Docteur François DUVA-LIER. Il a joué sa partition et de la façon la plus brillante au cours d’une des plus grandes batailles culturelles qui aient été menées dans ce Pays pour porter l’Haïtien à ne pas avoir honte de soi-même et à défendre, à illustrer les valeurs raciales et nationales. Le Docteur François DUVALIER a été définitivement marqué par le courant d’idées indigénistes. De là est né son amour farouche de la terre des Ancêtres. Et quand, dans ses discours et messages, il se déclare soli-daire des traditions du plus pur dessalinisme, il exprime avec cette intransigeance qui le caractérise un des aspects les plus originaux et les plus dynamiques de sa nature.

Le paradoxe c’est que le Docteur François DUVALIER qui n’est pas politicien est un Grand Politique. C’est ce qui explique la grande déception des politiciens traditionnels qui croyaient que cet intellec-tuel qui vivait dans les livres allait perdre le nord et tous les points cardinaux, une fois qu’il eût été aux prises avec notre réalité si retorse et à la tête si dure. C’était [14] compter sans le pragmatisme de l’Homme d’État dont la philosophie politique répond exactement à la nature des choses haïtiennes que le Président DUVALIER connaît bien pour l’avoir touchée du doigt durant son passage au Ministère sous le Gouvernement d’ESTIME. Les différentes dimensions du réel haïtien n’ont pour lui aucun secret.

Une profonde connaissance de l’histoire de notre communauté lui permet d’avoir des références pour comprendre les motivations de nos classes sociales et de jauger valablement le rapport de forces en pré-sence. Le Président DUVALIER a eu assez de lucidité et de génie po-litique pour comprendre que la Révolution de 1956 fermait une paren-


thèse historique et que l’Ordre Nouveau qu’il instaurait, devait consa-crer le divorce d’avec les normes d’un passé qui n’avait rien fait pour répondre aux aspirations des masses au bien-être et à la sécurité so-ciale. Envisagée sous cet angle, la cassure avec le passé prend les di-mensions d’une véritable révolution dans l’ordre social, politique, économique, culturel.

Dans cet ordre d’idées se situe cette affirmation : « Maintenant que le Peuple Haïtien a retrouvé son âme, il veut bâtir la vie sur le réel et accrocher son espoir et sa foi à la réalité. Cette réalité prend corps avec la Révolution Duvaliériste qui postule « les revendications de justice » et signifie, dans l’ordre politique [15] comme d’ans l’ordre économique, la dignité de l’existence et, dans l’ordre intérieur comme dans l’ordre extérieur la primauté de la Nation, l’égalité dans les rap-ports internationaux ».

Une analyse du contenu doctrinal, des conquêtes et des perspec-tives de la Révolution Duvaliériste nous permettra de montrer le bien fondé de ce jugement.

Etant donné que la Révolution Duvaliériste n’est pas née spontané-ment, nous commencerons par fixer de manière schématique la toile de fond historique, militante et culturelle dans laquelle elle s’inscrit. Nous montrerons ensuite en quoi elle correspond à la vérité culturelle, sociale, politique, économique des temps présents définis par la vo-lonté de survie d’une Nation qui entend vaincre les limitations d’ordre intérieur et extérieur pour affirmer son droit à l’existence.


[15]


TOILE DE FONDHISTORIQUE


Les luttes libératrices qui ont culminé avec la proclamation de l’in-dépendance d’Haïti n’ont pas mis un terme aux épreuves des esclaves d’hier, plus terrifiantes les unes que les autres. La persistance des sé-quelles sociales et psychologiques de l’époque coloniale est à l’ori-gine des antagoniques qui, pendant [16] plus d’un siècle, ont divisé la société haïtienne. Cet état d’esprit paradoxal et les intérêts contradic-toires qu’il accusait, expliquent les affrontements sanglants des des-cendants des colons dont ceux-là voulaient conserver les privilèges et de la majorité du Peuple Haïtien, démunie, mystifiée, rivée à un statut sous-humain.

Ainsi, après plus d’un siècle d’indépendance, la société haïtienne présentait deux classes d’hommes, d’une part, ceux qui, se targuant de leur ascendance blanche, avaient succédé aux colons en faisant une véritable chasse-gardée des terres qu’ils détenaient par dons nationaux ou par héritage, des hautes fonctions politiques, d’autre part l’im-mense « troupeau » des descendants d’esclaves qui n’avaient droit qu’à la portion congrue de l’héritage économique, social, culturel des Géants qui écrivirent pourtant pour tous les fils de cette terre la plus belle page de la Négritude debout pour assumer son nouveau destin.


Dès les lendemains de l’indépendance, le chassé-croisé de nos in-terminables luttes politiques traduit la volonté d’une minorité d'e nan-tis de maintenir leurs privilèges en réprimant par tous les moyens les sursauts de mécontentement ou de révolte des masses. C’est au nom de celles-ci que le sublime Jean-Jacques DESSALINES réclama un partage équitable des domaines. Il en est mort. Et depuis, le martyro-loge [17] des pionniers de la libération du Peuple Haïtien s’étale d’une période à l’autre.

La Révolution de 1843 marque une date importante d’ans l’histoire sociale du Peuple Haïtien. L’aile libérale de la bourgeoisie, la moyenne et petite bourgeoisie rurale s’allient à la classe paysanne pour combattre le régime réactionnaire de Boyer. Le chef des Piquets, Jean-Jacques ACAAU, se fait le porte-parole des justes revendications des paysans qui réclament des terres et ne veulent plus être traités en parias dans leur propre pays. A l’avènement de RICHE en 1846, la fraction anti-boyériste et réformiste de la bourgeoisie et celle qui était toujours fidèle à Boyer se mirent d’accord pour faire assassiner Jean-Jacques ACAAU.

À travers succès et revers, la lutte du Peuple Haïtien se poursuivit, offrant à l’observateur le spectacle de deux classes dressées l’une contre l’autre, déchirées par les plus graves contradictions. C’est le sens profond des bouleversements qui ont lieu de la Guerre Civile entre RIGAUD et TOUSSAINT à la lutte qui met aux prises les NA-TIONAUX et les LIBERAUX, sans oublier maintes querelles intes-tines moins spectaculaires et des conflits de l’histoire contemporaine.

Ce climat d’instabilité et de convulsions politiques et sociales four-nit un prétexte aux visées expansionnistes [18] des États-Unis d’Amé-rique du Nord. Seulement un prétexte car c’est ne pas aller au fond des choses que de rendre responsable de l'occupation militaire améri-caine l’anarchie créée dans le pays par nos interminables guerres ci-viles. Sans conteste, des hommes politiques poussés par l’ambition du pouvoir ont sollicité plus d’une fois l’aide du Gouvernement des États-Unis d’Amérique du Nord, s’engageant dans l’éventualité au succès de leurs mouvements insurrectionnels à lui accorder le contrôle de nos finances, de notre économie et même la cession d’une partie du territoire national. Ces précédents devaient assurément servir les vel-léités expansionnistes américaines. Cependant, la cause essentielle de l’occupation du territoire haïtien réside dans le développement interne


du capitalisme aux États-Unis d’Amérique d'u Nord dans les pre-mières années du XXème siècle.

La République Etoilée ne pouvait exporter le surplus de sa produc-tion vers l’Europe devenue une vraie chasse-gardée, compte tenu des tarifs élevés qui y frappaient les articles étrangers. Or ceci arriva à un moment où le développement prodigieux^ du capitalisme américain exigeait pour la survie du système qu’il évoluât vers l’impérialisme.

Dans ce contexte international dominé par le capitalisme en pleine expansion, Haïti, objet de toutes [19] les convoitises, sombrait dans le chaos. L’anarchie de ces temps de consternation culmina le 27 Juillet 1915 avec la tuerie massive des prisonniers politiques. Le 28 Juillet, ce fut l’assassinat du Président Vilbrun Guillaume SAM. Et, la nuit même, le croiseur « Washington » débarqua les troupes américaines d’occupation.

Le peuple Haïtien blessé dans sa fierté n’accepta pas l’occupation américaine comme un fait accompli. La « génération de la gifle » comme on l’appelle très justement, fut profondément bouleversée par cet événement tragique.

L’occupant exploita habilement nos querelles intestines et recruta même des collaborationnistes zélés. La violence avec laquelle furent réprimées toutes les tentatives de résistance à l’oppression montra aux plus intransigeants que le rapport de forces matérielles nous était défa-vorable. On réagirait donc en suscitant un vaste mouvement de natio-nalisme spirituel qui permettrait à l’Haïtien désaxé, mutilé, abreuvé d’humiliations de se retrouver dans son identité foncière au terme d’une féconde introspection. Le maître à penser de cette génération est le Docteur Price MARS dont « Ainsi parla l’Oncle » (1928) marque une date importante : la prise de conscience de nos valeurs nationales et ethniques.

[20]Bien que l’étudiant François DUVALIER fût très jeune à ce mo-

ment-là, c’est dans ce contexte idéologique caractérisé par une puis-sante flambée nationaliste sur le plan culturel et politique qu’il faut le placer pour comprendre sa courbure d’âme et ses futures options poli-tiques. Pour apprécier le poids de cet événement tragique qu’a été l’occupation de notre territoire dans la vie du Docteur François DU-


VALIER et dans celle des éléments d’avant-garde de sa génération, il suffit de lire ce qu’a écrit à ce sujet, au nom de l’équipe de la Revue « Les Griots », le poète Cari BROUARD : « 28 Juillet 1915, l’Améri-cain foulait notre sol. Hélas ! ce n’était pas seulement sur cette terre conquise à la pointe de leurs baïonnettes que leurs lourdes bottes mar-chaient mais aussi sur nos cœurs. Bien qu’alors en pantalons courts, nous comprimes que nous étions la génération de l’Humanité et la mé-lancolie dilata nos yeux. » 1 (1)

C’est sous le coup de ce choc que s’affirma la personnalité de celui qui n’était alors qu’un adolescent. Les malheurs de la Patrie l’ont fait souffrir comme un écorché vif. Dans les colonnes de la Revue « LES GRIOTS » dont le Docteur François DUVALIER est l’animateur et le doctrinaire, celui-ci mène avec une compétence et un courage moral exceptionnel [21] le combat contre le bovarysme collectif dont sont affligées nos élites. À une époque où il était de bon ton, sous prétexte de raffinement, de considérer avec condescendance voire avec dédain tout ce qui concernait la culture nationale et nos origines africaines, le Docteur François DUVALIER et feu Lorimer DENIS entourés d’un grand nombre de jeunes disciples enthousiastes et convaincus, don-nèrent à l’Haïtien une leçon de fierté, de dignité.

Beaucoup d’eau a coulé depuis sous les ponts. Des forces sociales nouvelles ont fait irruption sur la scène politique, décidées à liquider les séquelles de la mentalité féodale. À la fin de l’introduction du grand livre de sociologie politique « Le problème des classes à travers l’Histoire d’Haïti », le Docteur François DUVALIER et feu Lorimer DENIS écrivent : « De même nous avons sacrifié notre jeunesse à lut-ter pour une littérature indigène, de même nous fûmes accusés de prê-cher le retour à l’Afrique, parce que nous préconisions l’étude de nos origines, la connaissance, la mise en valeur de notre folklore, voire même son intégration dans la vie nationale en vue de conférer une personnalité collective à l’Homme Haïtien d’une part, et que d’autre part nous eûmes la satisfaction de constater que les idées aujourd’hui acceptées ont donné naissance à toute une [22] floraison d’œuvres, de même aussi nous voudrions — devant que vienne la nuit du tombeau — assister à la transposition de nos conclusions d’ordre politico-social dans la glaise du réel afin de hâter l’unité morale de la Démocratie Haïtienne. »1 « Les Griots » (Revue), juillet, août, septembre 1938.


Il est donc très important de noter que c’est par le biais de la lutte pour la revalorisation de la culture haïtienne que le Docteur François DUVALIER en est arrivé à la politique. Pourtant, il est nécessaire de consigner que depuis son ascension à la Première Magistrature de l’État, servi par sa connaissance des hommes et des choses haïtiennes, il ne s’est pas comporté en théoricien. Du moins, sa théorie, sa doc-trine s’adapte au réel haïtien et ne marche pas la tête en bas. C’est pourquoi la Révolution qu’il a déclenchée est en tous points créatrice.

Le Président DUVALIER a été élu à un des moments les plus diffi-ciles de notre vie politique. Les passions exacerbées, les malencon-treuses déviations du sens civique, les crises d’hystérie collective avaient conduit notre communauté à deux doigts de l’abîme. Et Lui qui ne s’est jamais départi de son calme olympien, il indiqua au Pays, dès sa prestation de serment, la voie du salut : L’UNITE NATIO-NALE en tendant le rameau d’olivier à tous les Haïtiens qui avaient enfin retrouvé leur âme.

[23]Mais, des mains que crispait une colère injustifiable, des visages

enlaidis par la hargne et la haine, le carrousel des ambitions démesu-rées répondirent au message d’Amour du Chef Constitutionnel de la Nation, Son Excellence le Docteur François DUVALIER, incarnation de la légitimité.


[23]


LA RÉVOLUTIONDUVALIÉRISTE,

RÉALITÉ DES TEMPSPRÉSENTS

a) Aspect politique


Parce que la Révolution Duvaliériste est soudée à tous les élans progressistes, de la lutte des ateliers contre l’oppression colonialiste aux conquêtes et aux défaites des régimes d’après 1804, elle avance dans le sens de l’Histoire, de celle que notre Peuple écrit quotidienne-ment dans les affres de la douleur pour l’accouchement d’une nou-velle société transformée juridiquement, politiquement et où l’égalité ait avant tout un sens économique. Un tel concept servant de toile de fond au paysage idéologique de notre époque n’a rien à voir avec les mythes et les superstitions sociales habilement entretenus par la bour-geoisie pour tenter de freiner la poussée révolutionnaire des masses et des classes moyennes.

Arc-boutée au réel haïtien, la Révolution Duvaliériste est pragma-tique. Le Président DUVALIER a [24] maîtrisé des événements aux conséquences les plus imprévisibles parce que sa prodigieuse lucidité est étayée sur le respect le plus scrupuleux du réel. S’il a pu, en effet, doubler les caps les plus difficiles, vaincre les coalitions d’intérêts les


plus irréductibles en apparence, ce n’est ni l’effet du hasard, de la chance ou de quelque main invisible qui répandrait sur lui sa grâce, c’est parce qu’il sait prendre appui sur le réel pour le dominer finale-ment, c’est parce que la Révolution Duvaliériste polarise les revendi-cations les plus légitimités des classes moyennes et des masses. Les faits ont confirmé que l’Haïtien en a assez de la politicaillerie et qu’il avalise les démarches d’un Chef courageux qui a fait retrouver au Pays sa vocation de dignité et de grandeur. Mais au prix de quelles luttes et de quel durcissement ! « Tout métier durcit la peau, justement de la partie qui tient l’outil. On ne sent plus alors, écrit ALAIN, le manche de la pelle. Le cuisinier ne se brûle plus aux casseroles. De même le Gouvernement s’endurcit et se cuirasse en certaines parties plus secrètes » 2.

Le Chef constitutionnel de la Nation, Son Excellence Docteur François DUVÀLIER, Président à Vie de la République, a subi pen-dant sept ans le feu croisé de conspirations en série ourdies à l’inté-rieur [25] et à l’extérieur. Mais, Son Gouvernement n’a jamais été sé-rieusement ébranlé parce que Ses adversaires ne se rendent pas compte que dans les conditions concrètes du moment, aucun pronun-ciamento, aucun coup d’état d'e type classique, « militaire ou autre n’est possible car la dynamique de la Révolution en cours truque les anciennes cartes qui servaient de cheval de bataille à la Réaction : Ar-mée traditionnelle, Commerce, Clergé... Dans cet ordre d’idées, la stratégie de la Révolution Duvaliériste n’est étayée sur aucun illumini-sime inopérant comme en témoigne la formule percutante du Chef de l’État : « Le monôme Armée-Peuple, Peuple-Armée est invincible ». Ce qui rejoint l’observation pertinente de Maurice DU VERGER : « Dans les nations où la tradition des pronunciamentos est forte, comme l’Amérique Latine, seule la constitution de milices populaires peut empêcher les militaires de dominer l’État » 3.

La cascade des affrontements du Gouvernement et des factions montre la justesse de cette observation qui bouleverse les calculs de certains professionnels de la politique. Depuis quelques temps, l’His-toire n’est pas faite par des « spécialistes de la politique » mais par l’intervention directe de forces sociales, politiques et économiques

2 Propos de Politique. ALAIN, Rieder, 19343 Maurice DUVERGER : Introduction à la Politique, Collection « Idées »,

page 214.

http://dx.doi.org/doi:10.1522/cla.ala.pro4


nouvelles qui infléchissent [26] les événements en poussant à la créa-tion d’institutions nouvelles répondant à leur soif d’e justice sociale et d’égalité, ce terme si galvaudé étant pris dans sa signification écono-mique. C’est pour avoir répondu à ces impératifs que la Révolution Duvaliériste n’a pas déçu l’attente anxieuse de la majorité du Peuple Haïtien qui veut changer ses conditions générales d’existence. Mais, l’action n’est qu’agitation frénétique quand elle ne s’inscrit dans une conception du monde. Et, parce que à la base de la Révolution Duva-liériste, il y a une doctrine, la doctrine salomoniste du plus grand bien au plus grand nombre et la fidélité à l’intégrité de la personnalité de la République d’Haïti, elle a pu avoir une profonde résonance dans la conscience des classes moyennes et des masses. A la faveur de cette politique nationale, le Peuple Haïtien a pu retrouver son âme, son es-poir, sa foi.

Dans l’ordre politique, la Révolution Duvaliériste mène le combat de la stabilité, de l’ordre, de la dignité.

Il est bien vrai qu’à notre époque, toute politique nationaliste qui friserait le chauvinisme serait inopérante et anachronique car le monde tend à évoluer vers la constitution de grands ensembles supra-nationaux ou régionaux. Ce serait pourtant prématuré [27] voire dan-gereux de s’empresser de sonner le glas de toute politique nationale. Il est même paradoxal de constater qu’au moment ou des idéologues sincères souhaitent l’avènement d’un monde plus fraternel, poussées par leurs intérêts, des nations de proie affichent leurs visées impéria-listes. Ce qui se solde par une recrudescence de mouvements tendant à faire renaître la fièvre nationaliste. C’est un mouvement d’auto-dé-fense bien légitime.

Propulsée par un Homme d’État dont la conscience d’adolescent a été marquée par la flétrissure de l’Occupation, la Révolution haïtienne dont nous sommes en train de vivre les heures exaltantes, est natio-nale. Contre les assauts du dedans et du dehors, elle pose comme ob-jectifs prioritaires la sauvegarde de la souveraineté nationale et Inor-ganisation du salut de notre communauté par la mise en place d’insti-tutions nouvelles qui encouragent le développement des ressources nationales, créent les conditions objectives d'e l’équipement du pays et de sa survie par les propres efforts de ses fils.


Le libéralisme du XIXème siècle est dépassé. Les sociétés poli-tiques sont de plus en plus obligées de multiplier leurs obligations so-ciales et leurs interventions économiques. L’État ne peut plus observer ce détachement considéré comme une règle du jeu [28] au bon vieux temps où l’on croyait que le redressement et l’équilibre naîtraient d’eux-mêmes automatiquement. Le Président Franklin D. ROOSE-VELT l’avait si bien compris que, déjà en 1933, dans un de ses mes-sages, il avait insisté sur la nécessité de réorienter l’économie améri-caine de telle sorte que fût amélioré le statut d’un tiers de la popula-tion victime de la crise de logement et de la sous-alimentation. C’est dans ce même esprit que le Président JOHNSON, en Novembre 1964, a fait voter la loi appelée « Guerre à la Pauvreté ». Le rôle écono-mique et social de l’État s’en trouve renforcé. Ce qui pourra permettre sinon de faire disparaître, du moins d’atténuer les inégalités d’un sys-tème monopoliste qui creuse de plus en plus le fossé entre ceux qui détiennent les moyens de production et ceux qui n’ont rien.

Parce que la Révolution Duvaliériste est dans la ligne des grandes transformations politiques et économiques de notre temps, elle s’est attaquée de manière décisive à la crise de structure dont notre commu-nauté est chroniquement affligée. Cette crise naît principalement du fait que nous avons persisté à traîner des institutions qui se sont révé-lées inadéquates à l’épreuve des faits.

Le Président DUV ALIER a, dès Son Message de Prestation de Serment, dénoncé cette carence de réalisme [29] et invité le Peuple Haïtien à « bâtir sa vie sur le réel ». Ce texte est capital pour qui veut comprendre l’option politique essentielle du Président à Vie de la Ré-publique. Dès le départ, le Chef de l’État qui est passé à travers le feu des événements d’une de nos périodes électorales les plus survoltées, exprime sa volonté de restaurer la dignité de la politique, d’approfon-dir les conquêtes sociales de la Révolution de 1946, de recréer la So-ciété Haïtienne à l’image de l’homme. « Cette Société, précise le Pré-sident DUVALIER, n’est que la victoire de l’accord de la démocratie et de l’ordre, la démocratie étant le régime qui favorise le développe-ment individuel et l’ordre n’étant que le résultat de l’harmonie exis-tant entre les besoins individuels et les besoins sociaux. Par là, la dé-mocratie est une forme de vie dynamique, essentiellement dynamique alors que l’ordre vient stabiliser ces conquêtes dans les institutions pour y garantir les conditions de naissance et de renaissance ; à partir


de ce moment, l’ordre cesse d’être un fait purement matériel pour de-venir un fait institutionnel, la rencontre voulue du sujet et de l’objet sur le plan intérieur et extérieur ».

Si l’on se reporte à l’époque troublée de l’élection du Président DUVALIER, à l’effervescence passionnelle post-électorale, on com-prendra ce qu’il a fallu de courage moral, d’abnégation, de sens du sacrifice, [30] d'intelligence positive, de patriotisme, de génie poli-tique à ce Grand Chef pour maîtriser les événements et barrer la route aux aventuriers qui ont juré de tout chambarder. Que de fois, le pays se trouverait à deux doigts d’un saut périlleux dans l’inconnu, n’était la fermeté avec laquelle il a su faire le coup de barre qui convenait. Le Président a fait pendant ce temps l’expérience douloureuse des incom-préhensions, des reniements. Mais, à aucun moment, il ne s’est montré au-dessous de son destin s’identifiant, comme il l’a affirmé plus d’une fois, avec celui de la Nation qui veut vivre debout et digne. Vraiment, la cuirasse morale du Président DUVALIER est inentamable. De même parlant des coups bas reçus par le Président DE GAULLE des politiciens professionnels, François MAURIAC écrit : « Aucun Chef de gouvernement n’échappe à cette expérience amère : il se heurte dans l’homme à l’animal politique qui est implacable et dont la frin-gale du pouvoir ne cède à aucune raison » 4.

La Révolution Duvaliériste avance. Et ce n’est point par l’effet d’un miracle qu’elle a pu vaincre les obstacles, c’est parce qu’elle est arrivée à un moment où la majorité avait besoin d’un régime efficace et stable. On en avait assez de la turbulence de l’époque électorale, un chemin qui tourne en rond. Dès [31] ce moment, le Docteur DUVA-LIER — et Lui seul - a su se détacher de ce contexte éruptif, secoué par les passions les plus folles et dominé par ceux qui parlaient le plus fort, servant à une clientèle mentalement sous-développée une suren-chère démagogique qui leur assurait un succès spectaculaire mais spo-radique. Lui, il disait l’essentiel. Par nature, il parle peu.

Au cours de la période d’instabilité politique et d’insécurité écono-mique de Janvier à Septembre 1957, les (moins lucides ont fini par comprendre que les anciennes formules avaient perdu tout pouvoir sur les faits et qu’il s’agissait, en face d'une situation désespérément dété-riorée dans tous les domaines d’introniser les principes d’une action

4 François MAURIAC, DE GAULLE, page 69, Ed. Grasset.


politique constructive. Le Gouvernement a assumé l’héritage politique et doctrinal de la Révolution de 1946. La ligne générale de son action signifie qu’il refuse de s’enliser dans les sentiers battus et repense les principes traditionnels de telle sorte qu’ils s’adaptent à une situation nouvelle.

Ce qui est arrivé chez nous ressemble étrangement à la situation advenue en France après l’échec de la IVème République qui a fini par sombrer dans l’immobilisme à cause de la liquéfaction des gou-vernements à la merci des partis et du Parlement. Le Président DE GAULLE a eu le courage d’opérer la réforme [32] constitutionnelle qui seule pouvait permettre le relèvement de la France paralysée par les tiraillements insensés des partis.

Dans un commentaire du projet de Constitution soumis à l’examen de l’Assemblée Nationale en Août 1946, le Président DE GAULLE dira : « Notre régime politique antérieur s’est effondré dans une épreuve qu’il n’avait pu ni prévenir, ni préparer, ni maîtriser. Rien n’est plus nécessaire pour notre Pays que d’organiser l’État de telle manière qu’il dispose, dans sa structure, d’assez de force ; dans son fonctionnement d’assez d’efficience ; dans ses hommes, d’assez de crédit pour diriger la nation et assurer son salut quoi qu’il puisse arri-ver » 5.

M. Pierre MENDES FRANCE qui n’est point d’appartenance gaulliste comme François MAURIAC admet que la « démocratie inef-ficace et brouillonne » telle qu’elle fonctionnait sous la IVème Répu-blique l’empêchait de résoudre les problèmes posés au pays. Il affirme même, au terme d’une enquête qui lui a permis de recueillir les témoi-gnages de citoyens de toutes tendances : « Avant tout, personne ne veut entendre parler d’un retour à la IVème République qui reste dans les esprits l’image même de l’impuissance. Impuissance à concevoir, à choisir, à commander, [33] à construire. Combinaisons de couloir, instabilité perpétuelle, faiblesse devant tous les chantages » 6.

Dans l’ordre politique, la Révolution Duvaliériste a créé les condi-tions objectives permettant au Chef de l’État de lier avec célérité la pensée à l’action, de liquider les séquelles du féodalisme, de poser les bases d’une démocratie sociale forte, stable et pacifique. L’éveil de la

5 Cité par François MAURIAC dans « DE GAULLE », page 179.6 Pierre Mendès FRANCE, « Le République Moderne, Ed. N.R.F, p. 18.


conscience sociale provoqué par la doctrine duvaliériste constitue un événement majeur. Des forces sociales nouvelles sorties du peuple, de la classe paysanne, des classes moyennes ont bénéficié de promotions dont il sera désormais impossible' de les frustrer. Autant de conquêtes qui décuplent la foi de la majorité des écrasés d’hier dans un ordre de choses qui « postule les revendications de justice ».

La Révolution Indonésienne a dû, elle aussi, sortir du cercle étroit des formules politiques classiques pour opérer les redressements conformes aux besoins de justice et d’égalité du Peuple. Le Président de la République d’Indonésie, le Docteur SUKARNO a fait en ces termes le procès de la démocratie libérale : « Quelles sont les formes habituelles de la démocratie ? Le libéralisme, la libre concurrence, la règle de la majorité absolue, l’opposition pour les besoins de la [34] cause : C’est une caricature de la participation réelle du peuple à l’acte de gouverner. Il est pourtant vrai que pendant quelques années nous avons suivi cette formule de démocratie libérale ; mais cela nous a conduits si près du désastre national que nous en avons été presque submergés » 7.

7 « Le Monde Diplomatique », Mai 1964, page 18.


[34]


LE COMBAT DE LADIGNITÉ SOUS L’ÉGIDE

DE LA RÉVOLUTIONDUVALIÉRISTE

b) Aspect social


Les expériences désastreuses que le Peuple Haïtien a faites, avaient fini par tuer en lui ces enthousiasmes qui soulèvent, cette foi virile qui décuple l’énergie créatrice, cette possibilité de se donner sans réti-cence à une tâche qui requiert l’oubli de soi pour la réalisation d’une fin nationale.

Moralistes et sociologues ont plus d’une fois, dans un passé pas trop lointain, courageusement sanctionné cette propension de certains d’entre nous à donner dans un verbalisme aussi creux qu’inopérant et prétentieux, vrai traquenard et tissu de faussetés sans nulle correspon-dance dans le réel. Cet abus des vaines paroles séparées des actes n’avait rien fait pour éliminer ce lourd climat de méfiance aussi dur à percer que le rideau de fer.

[35]C’est tant mieux ainsi car, de plus en plus, l’opinion publique de-

vient une force consciente. S’il arrive parfois que, sous l’effet d’une certaine confusion, c’est à la suite de certains flottements, d’options contradictoires que la volonté populaire arrive à se cristalliser, ceci est


naturel pour qui connaît la versatilité des foules et le terrible arsenal de boniments dont disposent ceux qui excellent à violer la conscience des niasses.

Mais, en définitive, si le peuple se laisse tromper une fois, l’heure de vérité ne tarde pas à venir. C’est alors le règlement de comptes.

Le Gouvernement de Son Excellence le Docteur François DUVA-LIER a le rare mérite d’avoir pu, dès les premiers actes posés, faire renaître la confiance et l’espoir. L’espoir et la foi d’u peuple Haïtien sont accrochés à la réalité d’une doctrine qui transforme et crée au bénéfice des classes les plus défavorisées de la Nation : les ouvriers, les travailleurs, les classes moyennes. Gageure d’autant plus difficile que seules la forte personnalité du Président à Vie de la République et la réputation combien justifiée d’incorruptibilité qui auréole son nom, pouvaient légitimer que des secteurs de plus en plus larges de l’opi-nion lui fissent confiance.

Ce sont les populations de l’arrière-pays et les classes qui subis-saient le refoulement le plus systématique [36] des régimes réaction-naires du passé qui ont été la cheville ouvrière de l’élection du Doc-teur François DUVALIER à la Première Magistrature de l’État. Cet Elu de l’Histoire a pu ainsi, grâce à la poussée contraignante des idées sociales en cours devenues de véritables forces matérielles, vaincre la coalition des puissances d’argent et des politiciens de type tradition-nel.

Sa victoire était donc un signe d’es temps et elle indiquait que, chez nous, s’opérait une véritable mutation, aux conséquences les plus imprévisibles sur l’évolution de notre société. Ce fait politique et so-cial d’envergure indiquait une prise de conscience très prononcée chez les couches populaires qui en avaient assez de rester rivées à leur sta-tut sous-humain en dépit de tous les changements et de la prolifération des professions de foi démocratiques.

Le Président DUVALIER comprit donc la nécessité d’axer sa poli-tique sociale sur la rénovation de nos institutions et de notre législa-tion pour répondre aux besoins de sécurité et de bien-être de la majori-té nationale.

Si l’on veut se faire une juste idée de l’extension du droit social sous le Gouvernement progressiste du Président DUVALIER, il suffit


de se reporter aux années qui précèdent la commotion sociale salva-trice de 1946. Il n’est pas abusif d’affirmer qu’à cette époque, [37] l’ouvrier et le travailleur subissaient, sans avoir le moindre recours, l’exploitation la plus inhumaine d’un ordre de choses semi-féodal. Il ne pouvait être question de revendiquer, de défendre ses droits, de protester contre un salaire dérisoire car la classe ouvrière était livrée à la merci des forces d’exploitation qui la considéraient comme un ob-jet, une machine à produire.

C’est tout à l’honneur et à la gloire de l’illustre Président Dumar-sais ESTIME et de son Ministre du Travail, Son Excellence le Doc-teur François DUVALIER, d’avoir créé le Bureau du Travail. C’est à partir de cette époque que le syndicalisme entra dans nos mœurs en attendant que la Révolution Duvaliériste le fît bénéficier de la promo-tion grâce à laquelle il est devenu l’arme la plus efficace de la défense des droits de la classe ouvrière.

La Révolution Duvaliériste est égalitaire. Son objectif est de trans-former l’ordre juridique, politique et social. L’égalité qu’elle postule n’est point un concept abstrait. Elle s’est engagée dans la seule voie payante quant aux résultats : la grandeur de la Nation, l’humanisation progressive de la vie du paysan, de l’ouvrier, la disparition des sé-quelles féodales qui, après plus d’un siècle et demi d'indépendance, ont toujours été à l’origine des conspirations contre l’intérêt national et l’équipement de notre communauté.

[38]Dur combat que celui que mène la Révolution Duvaliériste ! Elle

bouscule les intérêts des catégories sociales qu’obsède la nostalgie des privilèges perdus. Elle a choisi systématiquement, à l’encontre des minorités qui voudraient voir perdurer les inégalités artificielles, de réhabiliter le grand nombre des ouvriers, des travailleurs, des paysans qui n’ont point bougé après plus d’un siècle d’indépendance. Il est clair qu’une lutte d’une telle ampleur ne peut aboutir du jour au lende-main.

Toutefois, pour avoir arc-bouté son action à une perspective si pro-gressiste, pour avoir donné à la démocratie politique une dimension économique et sociale, la Révolution Duvaliériste est à la hauteur des impératifs de notre époque de réparation. C’est d’ailleurs ce qui ex-plique que son cheminement soit si difficile. Tant il est vrai, pour re-


prendre la formule judicieuse du R. P. de SERTILLANGES que : « ce n’est pas avec un plumeau qu’on nettoie les écuries d’Augias », on comprend qu’elle ait dû faire face à tant d’obstacles et employer les moyens qui convenaient pour les vaincre.

Dans l’ordre social, la Révolution Duvaliériste a rendu possible l’amélioration substantielle des conditions du salarié. Celui-ci qui était livré pieds et poings liés à la cupidité du patronat, devient de plus en plus un citoyen à part entière. Dans les rapports [39] entre le salariat et le patronat, sont réellement impressionnants les changements qui se sont opérés sous le Gouvernement du Président DUVALIER qui ne rate jamais l’occasion de rappeler avec fierté qu’il est un Grand Syn-dicaliste.

Le Président à Vie de la République. Son Excellence le Docteur François DUVALIER a édifié l’Ordre Nouveau sur un humanisme révolutionnaire : « La personnalité de notre chère Patrie, disait le Pré-sident dans son vibrant Message du 2 Janvier 1960 ne peut transcen-der qu’en axant une action continue sur une vision claire et consciente de l’intégration économique dans l’indépendance. Les fondements d’une telle action devront-ils reposer sur une doctrine révolutionnaire. Car sans doctrine, ni dirigeants, ni dirigés, ni militants de l’action ne peuvent et ne pourront jamais opérer la révolution économique et so-ciale nécessaire et réaliser le changement vrai des structures ».

Les classes moyennes et les masses ont subi les conditions les plus vexatoires des régimes de refoulement d’avant 1946. La bourgeoisie haïtienne s’est cramponnée à ses privilèges, continuant à maintenir une inégalité féodale entre elle et le peuple. De telle sorte que notre société offrait le spectacle de deux groupes inégaux et hostiles. À ce sujet, l’écrivain Jean A. DUMUR écrit dans la Revue « Preuves » : [40] « En 1940, on estimait les Haïtiens à trois millions. En 1963, la population doit approcher sinon dépasser les quatre millions d’âmes.

En revanche, il est certain que cette population se trouve divisée en deux groupes inégaux, ouvertement hostiles qui se différencient par la couleur d’e la peau. D’un côté, la niasse de sang noir, pauvre, voire misérable. De l’autre, les 5% à la peau brune, mulâtres qui vivent dans le confort bourgeois, sophistiqués, charmants, polis. Le drame éternel


de Haïti tient à ce divorce permanent entre les deux classes de la so-ciété » 8.

Les forces d’exploitation et d’inégalité sociale ont été, comme on le comprend bien, désagréablement impressionnées par la mise en œuvre de la politique sociale du Gouvernement du Président DUVA-LIER qui ouvre la porte des administrations et des secteurs-clefs du Pouvoir aux fils du Peuple. À ces positions, dans un passé pas trop lointain, ceux-ci ne pouvaient prétendre parce que c’était le fief de quelques « fils de famille ». C’est là un aspect non négligeable de la Révolution Haïtienne dont les conquêtes successives sont autant de droits acquis au bénéfice de la majorité nationale. Il n’y a pas de doute que l’accession des classes moyennes au pouvoir politique [41] n’est qu’une étape. À partir d’elle, il faut que la Révolution s’élargisse et transforme le mode de vie de la classe paysanne et du peuple.

Toute tendance à s’installer douillettement dans le confort et l’ai-sance accuserait un état d’esprit déplorable qui signifierait qu’on a délibérément tourné le dos aux impératifs de la Révolution. C’est d’ailleurs le sens de ce cri pathétique que l’incompréhension de cer-tains a arraché du cœur du Chef de la Révolution, le Président à Vie de la République, le Docteur François DUVALIER : « Dans notre combat en faveur des masses haïtiennes séculairement misérables, il n’y a pas de place pour les réussites individuelles éhontées, il n’y a pas de place pour les reniements, il n’y a pas de place pour les refus systématiques basés sur je ne sais quelle supériorité de famille, de comportement social ou de moyens matériels ». (in « Message du 2 Janvier 1965 »).

L’enjeu d'e la Révolution Duvaliériste est la libération du Peuple Haïtien du cercle infernal de la misère, de l’ignorance, des maladies qui le dépriment physiquement et moralement. Seulement en la situant dans cette perspective progressiste, elle dépasse les individus et s’enri-chit du contenu doctrinal que lui communique la dynamique de la pensée présidentielle. Le Président DUVALIER n’a, en effet, jamais laissé passer une occasion de mettre l’accent sur le [42] fait qu’il a choisi, à l’encontre des oligarchies traditionnelles qui gouvernaient au

8 Cité par Gérard de Catalogne dans « Haïti à l’Heure du Tiers Monde », page 62.


nom des seuls intérêts d’une minorité, d’humaniser progressivement la grande majorité des classes populaires et paysannes.

Sous la poussée des idées de progrès et de la prise de conscience des niasses, des avances importantes peuvent être consignées. Mais il faut admettre que la liquidation des hypothèques politiques, écono-miques, financières, les batailles rangées auxquelles le Gouvernement eut à faire face, la collusion des antinationaux et de certains pays qui souhaitent que l’instabilité s’installe chez nous, ont valu de regret-tables retards.

Toutefois, la politique sociale de l’ancien Ministre du Travail du Président ESTIME a inscrit à son actif des conquêtes qui ont modifié fondamentalement les rapports entre les classes de chez nous, notam-ment les relations entre le salariat et le patronat.

À cet égard, le « Code du Travail François DUVALIER » est un acte important dans l’histoire d’e la classe ouvrière qui en a fait — et pour cause — son bréviaire. Quelle est la philosophie de cette Charte ? Le Ministre Michel AUBOURG, lors Sous-Secrétaire d’État du Travail et du Bien-Etre Social, a défini ainsi, à l’occasion d’une interview télévisée, les idées-forces qui sont à la genèse du Code : « À dire vrai, [43] affirme avec raison le Ministre AUBOURG, la genèse de cette philosophie (Promotion de l’Homme Haïtien) se montre bien avant la période qui a vu naître la préparation et la rédaction de cet important Code du Travail. Elle prend sa source dans la philosophie doctrinale de l’Ecole Scientifique et Littéraire des Griots avec feu Lo-rimer DENIS et l’Honorable Président DUVALIER comme Co-Direc-teur de l’Ecole et plus tard comme Chef du groupe des « GRIOTS ».

Depuis 1932 en effet, le Premier Griot, je nomme Son Excellence le Président de la République, mène la bataille de l’Homme Haïtien sur le plan culturel et social, en vue de sa revalorisation matérielle et morale dans le passé et le présent » 9.

La politique ouvrière du Gouvernement telle qu’elle est explicitée dans le Code du Travail se révèle nettement progressiste. C’est ce qui explique que les ouvriers et travailleurs le considèrent comme une arme efficace. Des organismes spécialisés de l’étranger, le Bureau In-ternational du Travail entre autres, ont reconnu à quel point le Code marque une avance sur la législation antérieure. Aussi, le B.LT. a-t-il 9 Revue du Travail, No. 2, 1er Mai 1963, page 62.


pris l’initiative d’une édition trilingue de cette Charte : anglais, fran-çais, espagnol. Grâce à cette législation, les masses ouvrières sont dé-sormais protégées. [44] Elles peuvent défendre leurs droits et obliger les patrons qui jusque-là, opposaient à leurs doléances les brimades les plus injustifiées, à se soumettre aux injonctions de la loi. Tout en rationalisant les rapports de travail, il assure la protection sociale des ouvriers et travailleurs devenus des partenaires valables.

Sans nous livrer à une analyse des différentes dispositions du Code, essayons de montrer les nombreux avantages que cette législa-tion offre à la classe ouvrière. En lieu et place d’une étude détaillée, établissons quelques rubriques claires permettant de se faire une juste idée du contenu révolutionnaire du « Code du Travail François DU-VALIER », en nous référant à une étude d’un spécialiste, Gérard A. MICHEL, Chargé du Service d‘e Conciliation et d’Arbitrage au Dé-partement du Travail et du Bien-Etre social.

1º Répartition plus large des revenus par l’octroi aux travailleurs de nouvelles prestations : boni, pourboire, la diminution des heures de travail dans certaines branches d’industrie sans dimi-nution consécutive de salaire ; l’extension du congé annuel a certaines catégories non visées par l’ancienne législation ; la revalorisation du taux de majoration des heures de nuit laissé antérieurement à l’appréciation des parties. »

[45]2º Élaboration de nouvelles normes des conventions internatio-

nales ratifiées par le Gouvernement de la République et régis-sant la main-d’œuvre soumise à un régime spécial : gens de mer, mines et carrières, travail des femmes, travail des mineurs, travail à domicile, travailleurs agricoles salariés, colon partiaire, gens de maison, transport terrestre.

3º Consécration des droits de la femme à un salaire égal pour un travail égal à celui effectué par un travailleur du sexe masculin.

4º Impulsion donnée au mouvement syndical par le caractère obli-gatoire accordé au contrat collectif de travail et les règlements intérieurs par la garantie accordée aux syndicats dans l’exercice


de leurs activités syndicales contre les représailles éventuelles de l’employeur.

5º Droit au bien-être social, à l’hygiène et à la sécurité dans le tra-vail par la création de la carte d’e santé, à la charge de l’em-ployeur ; l’élaboration de nouvelles dispositions sur le service médical dans les entreprises agricoles, commerciales et indus-trielles, protection de la femme enceinte aux différentes phases de la gestation et garantie de son emploi ; élaboration de nou-velles normes d’hygiène et de sécurité.

6º Modifications basiques des principes régissant les Assurances Sociales et les Cités Ouvrières, [46] les conditions de travail et les salaires, le contrat individuel de travail, le contrat d’appren-tissage, le travail de la Femme et de l’Enfant, la main-d’œuvre étrangère, les conflits de travail et le droit de grève, les organi-sations sociales.

7º Garantie de justice accordée tant aux travailleurs qu’aux em-ployeurs par la création des Comités de Conciliation et d’Arbi-trage, du Conseil Supérieur d’Arbitrage et des Tribunaux de Travail.

À côté du Code du Travail grâce auquel le droit social haïtien a fait un pas de géant, il faut placer le « Code Rural François DUVA-LIER », qui pose les bases juridiques de la promotion de la section rurale. Il est scandaleux de constater que le Code du 1864 - datant de près d’un siècle — continuait jusqu’en 1962 de réglementer la vie ru-rale. Le Code Rural François DUVALIER sauvegarde les droits et les intérêts du paysan qui joue un rôle de premier plan dans l’économie nationale. Il organise en outre l’action communautaire et avise aux moyens de changer le mode d’e vie grabataire de l’homme des cam-pagnes.

C’est la mission des classes moyennes à la hauteur de leur vocation révolutionnaire de s’engager dans la bataille de récupération et d’hu-manisation des ouvriers et des paysans. Leur survie est à ce prix, car les conflits ont une telle ampleur qu’elles ne peuvent se sauver seules.

[47]


Au sujet des classes moyennes dont les rapports avec le prolétariat ne doivent pas être ceux de dominants et d'e dominés, Pierre BLE-TON émet ce jugement combien pertinent : « Les classes moyennes constituent-elles une classe sociale au sens strict du terme ? Elles de-viendront peut-être un jour majorité et commun dénominateur en an-nexant la meilleure partie du monde agricole et du monde ouvrier à la suite de l’élévation de leur niveau de vie. Mais nous ne recherchons pas ici à deviner l’avenir. Ce qui compte est qu’en elles se rencontre le grand mouvement du collectivisme et de l’aspiration au confort maté-riel, avec la volonté 'maintenue de l’indépendance et de la culture. En ce point de confluence, le brassage des eaux n’est pas encore achevé et parfois il semble que deux fleuves aux flux étrangers coulent dans le même lit. La contrainte d’un commun berceau et d’un courant iden-tique finiront par l’emporter. Seront-ils ceux d’un nouvel huma-nisme ? » 10.

Incontestablement, le Code Rural qui porte le nom d’u Grand Hu-maniste qu’est le Président à Vie de la République, est une pièce maî-tresse de la Révolution Duvaliériste en marche. Au fur et à mesure que les éléments d’avant-garde des masses comprendront [48] la né-cessité d’associer aux conquêtes de la Révolution les classes ouvrière et paysanne, notre démocratie sociale se fortifiera et déjouera les ma-nœuvres intéressées de quelques attardés au cœur sec qui ne com-prennent rien aux transformations économiques et sociales qui s’opèrent un peu partout sur la planète au profit des classes populaires.

c) Aspect culturel


Ce serait une grave méprise de définir la Révolution Duvaliériste à partir des seules réalisations matérielles. Elle a certes beaucoup fait pour transformer le visage de notre communauté : routes, écoles, bâti-ments fonctionnels pour nos services administratifs et surtout ces deux motifs de fierté nationale que sont Duvalierville et l’Aéroport Interna-tional de Maïs-Gâté.

10 Pierre BLETON, « Les Hommes des Temps qui viennent », page 233, Édi-tions Ouvrières, Economie et Humanisme.


Mais surtout, elle a créé une nouvelle mentalité en portant l’Haï-tien à renoncer au défaitisme, à croire en soi-même, à se dépasser, à n’accepter aucune limitation, à triompher de ce que d’ordinaire par manque de tonus moral » on appelle fatalité. Pris dans un réseau de conspirations ourdies à l’intérieur et à l’extérieur, le Président DUVA-LIER a su mobiliser ses ressources morales et conduire la Nation aux plus éclatantes victoires contre les forces réactionnaires dont la vie publique a toujours été un tissu de reniements.

[49]À côté des mesures progressistes qui, dans le domaine des fi-

nances, de l’économie nationale, du bien-être social contribuent à l’équipement de notre communauté et à l’émancipation des masses, la Révolution Duvaliériste soudant le présent aux forces spirituelles du passé, a permis au Peuple Haïtien de retrouver son âme. Elle continue la bataille menée sur le plan culturel par les indigénistes et l’équipe des « Griots » qu’animait la pensée fervente du Docteur DUVALIER. À l’exemple du Président SALAZAR, le Président DUVALIER sait que la réforme de la mentalité est la première des forces révolution-naires.

La Révolution Kémaliste a donné une place importante à la ré-forme de l’alphabet et de l’écriture. Le Grand Mustapha KEMAL avait compris que l’émancipation du Peuple Turc serait une chimère s’il ne détruisait le mur qui séparait la grande masse de la poignée d’intellectuels seuls en mesure d’utiliser l’écriture arabe.

Il a amené ainsi le peuple à changer de philosophie et de destinée. Le Ghasi Mustapha KEMAL chargea un groupe de linguistes d’élabo-rer un alphabet latin adapté aux exigences de la langue anatolienne. C’est ce nouvel alphabet d’assimilation plus facile que celui emprunté à la civilisation arabe qui permit la grande bataille pour la libération de l’esprit [50] du valeureux Peuple Turc. Ce fut sans conteste une des réformes les plus sensationnelles d'e la Turquie kémalienne. Et Be-noist-Méchin a raison d’affirmer : « D’un seul coup, il modifierait le système de communications écrites entre chacun de ses sujets et bou-leverserait la littérature nationale ; il révolutionnerait toutes les fouines de la pensée, d’un bout à l’autre de la Turquie » 11.

11 Benoist MECHIN : Mustapha KEMAL, Ed. Albin MICHEL page 386.


Dans le même ordre de préoccupations se situe l’effort très appré-ciable du Gouvernement pour affranchir les masses de l’ignorance. À l’occasion de la présentation au Parlement de la Loi révolutionnaire sur l’alphabétisation des masses, le Président DUVALIER disait : « Le but fondamental est d’élever le niveau de vie de nos populations déshéritées et de les réintégrer dans la dignité de la civilisation huma-niste. Nous n’y parviendrons que si les populations sont en possession des éléments rudimentaires les rendant enfin accessibles à la diffusion des idées et des techniques ».

L’analphabétisme pose en effet chez nous un problème national. Sans un effort d’éducation, il est impossible que nos niasses assi-milent certaines techniques modernes de production, de distribution, d’assistance médicale et sociale. Un programme quelconque de déve-loppement économique et social ne [51] peut donner de résultats va-lables sans une campagne d’alphabétisation et d’éducation de base à l’échelle nationale. Des enquêtes menées par des spécialistes en édu-cation des adultes et éducation de base, il ressort que l’analphabétisme va de pair avec la sous-alimentation, les maladies endémiques, la mi-sère, l’asservissement à un labeur ingrat et la démoralisation.

Ce problème, un des plus épineux auxquels notre pays ait à faire face, a retenu l’attention du Gouvernement. L’Office National d’Edu-cation Communautaire a déjà obtenu d’e remarquables résultats dans la lutte contre l’analphabétisme. Mais, il est regrettable que cette cam-pagne ne puisse être menée à l’échelle nationale faute de moyens fi-nanciers. Une démarche d’une telle ampleur dépasse malheureuse-ment les possibilités des Pouvoirs Publics.

Ce n’est pourtant pas une raison de se croiser les bras dans un at-tentisme qui accuse une certaine indifférence à se dévouer pour des tâches d’intérêt national. Dans aucun pays et à aucune époque, la lutte contre l’ignorance n’a été menée par les pouvoirs publics seuls. Tous les citoyens ont toujours été mobilisés pour atteindre cet objectif. Pour s’en convaincre, il suffit de citer les résultats impressionnants obtenus par la campagne d’éducation des adultes au Brésil sous l’instigation du Dr. Laurenço FILHO, de Faustino Sarmiento en Argentine, de James Yen en [52] Chine, de Franck C. LAUBACK en Ethiopie et dans de nombreuses contrées analphabètes, de Jaime Torres Bodet au Mexique. Des équipes de volontaires, étudiants, professionnels, arti-sans ont parcouru les coins les plus reculés, livrant une guerre sans


merci à l’ignorance. L’Haïtien est capable d’élans aussi nobles. Il s’agirait tout simplement de donner le branle...

À tous les niveaux de l’enseignement se fait sentir sous la poussée de la Révolution Duvaliériste une nouvelle philosophie de l’éducation tendant à modeler un nouvel homme Haïtien. On peut affirmer que la crise de la culture haïtienne dont on parle périodiquement est bien, dans une assez large mesure, une conséquence de la crise de l’ensei-gnement. Le Gouvernement du Président DUVALIER l’a si bien com-pris qu’il a opéré une réforme du programme de l’enseignement se-condaire d'e telle sorte que son contenu s’adapte aux exigences de notre époque, réponde aux besoins du jeune Haïtien vivant dans un contexte géo-politique et dans un monde dont il doit connaître les pro-blèmes. Réconcilier l’école et la vie, apprendre au jeune Haïtien à ne pas avoir honte de’ ses origines, de soi-même et à assumer — quitte à les transformer après une auto-critique sans faiblesse — même les lai-deurs de la maison de ses pères, ce [53] sont autant d’idées-forces maintes fois exprimées par le Président DUVALIER.

Le titulaire du Département de l’Education Nationale, le Ministre Léonce VIAU, disciple du Doctrinaire qui dirige les destinées de la Nation a plus d’une fois défini l’esprit de la nouvelle réforme : aider l’Haïtien à penser haïtien et à comprendre le monde dans lequel il vit. Il en résulte donc que la Révolution Duvaliériste veut lier la culture aux réalités mouvantes de notre temps.

Nous devons, en effet, pour reprendre un jugement de Raymond LAS VERGAS, être assez détachés de nos connaissances pour les ju-ger de l’extérieur, les évaluer à leur place relative dans l’espace et le temps. Quelle que soit la discipline envisagée, nous aurons beau répé-ter des formules toutes faites, nous ne serons pas plus méritants qu’un perroquet savant si nos connaissances ne nous aident d’e quelque fa-çon à comprendre la vie haïtienne et à la transformer.

D’où la différence entre la fonction de l’école nouvelle telle que la conçoit la doctrine duvaliériste et l’école traditionnelle. Le Chef de l’État définissait le 22 Septembre 1959, à l’occasion d’un banquet of-fert en son honneur par un groupe d’étudiants, le contenu dynamique de l’enseignement à délivrer à l’Université d’État d’Haïti : « L’Uni-versité n’est point une parure, un simple lieu de rencontre à des fins d’entretiens, [54] elle est d’abord et avant tout le laboratoire vivant où


idéologies et doctrines viennent se confronter, où expériences et re-cherches viennent éprouver l’esprit de progrès, où hypothèses et résul-tats viennent se compléter pour amener par des adaptations dans le plan de la vie matérielle l’amélioration de l’activité humaine et la condition de la personne libre ». A ce niveau, la Révolution Duvalié-riste est la bataille de la liquidation de l’analphabétisme, de l’illustra-tion de la culture haïtienne, de la promotion du savoir pour que l’ins-truction cesse d’être une chasse-gardée pour devenir un privilège commun.

d) Aspect économique


Nous avons déjà montré la toile de fond historique el doctrinale dans laquelle s’inscrivent la Révolution Duvaliériste et ses multiples facettes : culturelle, idéologique, politique, sociale. C’est le moment de projeter une lumière crue sur sa politique économique.

Évoquer la politique économique du Gouvernement du Président DUVALIER revient à poser deux questions :

a) Situer la Nation Haïtienne dans son contexte économique ;b) Dégager les éléments structurels et conjoncturels de la politique

économique gouvernementale.

[55]On peut définir de diverses manières l’âge économique de la Na-

tion Haïtienne. On peut à bon droit se référer au concept global de sous-développement pour parler d’Haïti. Une telle vision éclairerait bien notre contexte économique mais elle ne serait pas moins entachée d’abstraction. Une étude concrète de notre style économique s’impose donc.

À notre avis, l’économiste américain ROSTOW a marqué lumi-neusement les différentes étapes du développement économique d’une Nation. Pour W. W. Rostow, il y a cinq paliers de croissance écono-mique en fonction de la production économique d’une Nation :


1) Phase de la société traditionnelle.2) Phase du pré-démarrage.3) Phase du démarrage.4) Phase de la maturité.5) Phase de la consommation de niasse ou économie d’abon-

dance 12.

On pourrait valablement résumer la pensée de Rostow et montrer que l’humanité oscille entre deux phases économiques celle de la rare-té, de la pauvreté et celle de l’abondance. Demandons-nous à quel stade de l’activité économique nous sommes.

[56]Il n’est pas indispensable d’être un expert des questions écono-

miques pour bien situer l’âge de l’économie haïtienne selon le schéma de Rostow.

Deux traits fondamentaux caractérisent, semble-t-il, notre écono-mie : la sous-production et la sous-consommation. Un pays qui pro-duit peu et qui consomme peu, voilà dans quel cadre il faut inscrire la politique économique du Gouvernement.

Ainsi, se dessinent les lignes de force de la politique économique du Gouvernement du Président DUVALIER : s’attaquer aux pro-blèmes de la consommation et de la production.

« Le Démarrage », publication du Conseil Permanent d’Action de Libération Economique de la République d’Haïti, a fixé en ces termes l’objectif global d’accroissement de la production : « Elever graduel-lement mais sans arrêt ni défection, le niveau de vie de l’homme Haï-tien jusqu’à un palier d’existence digne et décente. Pour ce faire, il faut ! augmenter la production de toutes les branches de l’économie nationale, et donner au producteur haïtien, qu’il soit cultivateur, indus-triel, ouvrier, artisan ou professionnel, de meilleurs outils pour son travail. Il faut élargir ses connaissances techniques et perfectionner sa dextérité. Il faut enfin protéger sa santé et sa force physique » 13.

12 W. W. Rostow, Les étapes de la croissance économique. Seuil (1960), page 16-24, (tome I).

13 « Le Démarrage », Port-au-Prince, 22 Mai 1933, page 17.


[57]L’élévation du niveau de vie du Peuple Haïtien implique, on le

sait, une augmentation globale de la consommation. Ainsi, « Le Dé-marrage » répond, tout au moins sur le plan théorique, aux problèmes économiques fondamentaux posés à notre communauté.

Mais, sur le plan financier, notre situation économique n’est pas moins sombre ainsi que l’a mis en lumière le Dr. Hervé BOYER, Se-crétaire d’État des Finances et des Affaires Economiques, dans un ex-posé qu’il fit devant la Chambre Législative le 21 Avril 1963. Il décla-ra : « Une fois évanouie l’euphorie de la victoire électorale, nous re-tombions dans les pénibles et effrayantes réalités d’une crise finan-cière aiguë et explosive. À la suite des tâtonnements compréhensibles en face d’un appareil d’État accoutumé à vivre suivant un train de vie que ne justifiaient plus le marasme économique et les charges de la dette publique, l’on fut contraint d’entrer dans l’ère d’une politique d’austérité 14.

Le Gouvernement du Président DUVALIER, durant les deux pre-mières années surtout, dut se colleter avec des difficultés financières de tous ordres : inadéquation de notre appareil financier, forme aber-rante de l’aide budgétaire américaine, fausse [58] appréciation de l'im-portance d’une injection de dollars américains application inorganique de notre budget de fonctionnement, poids de la dette publique, manque d’unité dans nos moyens financiers.

Au cours de ces huit ans de gestion, le Gouvernement a, au fur et à mesure colmaté les brèches ouvertes par la situation financière, no-tamment par la réorganisation du Département des Finances en le do-tant d’une nouvelle structure administrative où les finances publiques sont mises au service du développement économique de la Nation.

Ces transformations retentissent dans la politique financière gou-vernementale où « s’est réalisée une véritable révolution dans le fait fiscal haïtien » 15.

Dans cet ordre d’idées, s’inscrit la formulation d’un budget biennal susceptible d’épouser les contours de la production de notre principale 14 Cité par Gérard de Catalogne dans « Haïti à l’Heure du Tiers Monde », page

224, Ed. du Nouveau Monde, 1934.15 Discours du Dr. Hervé Boyer cité par Gérard de Catalogne « Haïti à l’heure

du Tiers Monde » page 226.


denrée de base, le Café. Dans son Message à la Chambre Législative, relatif au Budget de l’Exercice 1962-1963., le Président DUVALIER en établit en ces termes les fondements : « Le montant global des re-cettes publiques se caractérise d’une année à l’autre par une alternance de hausse et de baisse presque mathématique. Il faut en attribuer la cause au cycle biennal du [59] café dont l’économie générale d’u pays épouse le rythme ».

Mais l’effort du Gouvernement déborde ces limites.. Il a confié à une institution para-étatique le soin de concrétiser les multiples as-pects de sa Politique économique : construction de lycées, de 9.000 unités d’habitations à la Cité Simone O. Duvalier ainsi que le grand événement économique de l’ère duvaliériste : la construction de l’Aé-roport International de Maïs- Gâté. Le Chef delà Nation a montré comment le Mouvement de Rénovation Nationale utilise les res-sources matérielles et humaines du Pays. Dans l’œuvre du Mouve-ment de Rénovation Nationale se dessine en filigrane la finalité de la politique économique gouvernementale : Justice Sociale et Recons-truction Nationale.

Ainsi, la politique économique du Gouvernement révèle une pro-fonde unité tant sur le plan conjoncturel que sur le plan structurel. On pourrait définir cette politique économique sur le plan structurel par la conversion de notre économie d’auto-consommation en une économie productive. Il semble que le modèle économique qui anime une telle politique s’inspire de l’exemple Japonais de l’ère Meiji 16.

Bien entendu, ce style économique prendrait chez nous une couleur originale marquée par la dimension [60] de notre économie ou, si l’on préfère, au niveau du développement économique de la Nation. D’où la spécificité du style économique en cours qui apparaît dans la forma-tion de multiples entreprises économiques semi-étatiques.

La politique économique du Gouvernement vise à la grandeur éco-nomique de la Nation, à la transformation des structures économiques anachroniques et à une nouvelle ère de libération matérielle et spiri-tuelle de l’Homme Haïtien. Il y a d'ans la politique économique du Président DUVALIER une consonnance morale qui ne trompe guère : il s’agit de la promotion humaine des masses démunies.

16 André Philip, Histoire des faits économiques et sociaux de 1800 à nos jours (Tome I), page 178.


Faut-il mentionner la création de multiples institutions à caractère économique qui ont vu le jour sous le Gouvernement du Docteur DU-VALIER, institutions qui ne poursuivent qu’un seul objectif : promou-voir le développement économique de la communauté haïtienne.

1) Le GRAND CONSEIL TECHNIQUE qui a pour tâche de re-cueillir les nombreuses informations économiques qui ont trait à notre activité économique et de formuler quelques points sur la stratégie économique globale de la Nation.

2) LE COPALE. Le Copale est né de la volonté du Président à Vie de la République de porter la [61] Nation à s’affranchir elle-même des liens de dépendance économique, à penser et à ré-soudre par elle-même ses multiples problèmes.

Le COPALE exprime la pensée faustienne du Président DUVA-LIER qui entend libérer la Nation des chaînes de la servitude maté-rielle et morale.

LE MOUVEMENT DE RENOVATION NATIONALE, nous l’avons vu précédemment, actualise la politique de justice sociale du Gouvernement, particulièrement d’ans le domaine du logement. Il se-rait superflu d’évoquer les multiples types d’habitations qui ont jailli du sol natal sous le signe d’un âpre combat contre les taudis.

Le CONADEP. Ce sigle indique le Conseil National de Dévelop-pement Economique et de Planification, devenu dans la suite, suivant Décret du 22 Février 1965, Commissariat de Développement National et de Planification. Une telle politique économique qui bouleverse notre paysage socio-économique ne va pas sans un organisme planifi-cateur. Aucun Gouvernement soucieux du destin d’une nation ne peut mettre le plan entre parenthèse. Le but du CONADEP est justement d’embrasser la politique économique globale de la Nation, de la faire prendre corps à travers les multiples techniques de la planification.

En résumé, c’est par l’étude des multiples institutions économiques gouvernementales qu’on peut découvrir [62] la philosophie humaniste qui traverse de part en part la politique économique du Président DU-VALIER depuis la construction de lycées, de maisons d’habitations, de buildings modernes pour nos services administratifs, l’imposant


édifice de l’Administration Générale des Contributions par exemple, jusqu’à l’apothéose de l’Aéroport International.

Il n’y a que des différences de degré entre la réalité économique haïtienne et celle des communautés sous-développées de l’Amérique Latine et d'u Tiers Monde livrées aux affres de la misère, de l’igno-rance^ de la faim. De telle sorte que la bataille épique d’e la Nation pour briser ce cercle infernal s’inscrit dans un contexte plus large : celui des peuples qui luttent pour leur libération. Notre situation à cet égard est loin d’être singulière. A ce sujet, le Député Haïtien, Docteur Le Sage Chéry écrit : « La Géographie de la faim dessine les contours d’une plaie hideuse sur la carte du Monde. Le mécontentement écono-mique qui en est comme la conséquence obligée, actualise le baril de poudre le plus menaçant pour la paix » 17.

Aux différents claviers dont nous venons de faire l’approche, qu’il s’agisse de l’aspect politique, de la bataille culturelle, de la politique sociale, économique [63] et financière, apparaît nettement la cohé-rence de la doctrine Duvaliériste sous-tendue par une constante géné-reuse et farouche pensée : la défense de la Souveraineté Nationale, une quête inlassable de bien-être et de dignité pour le Peuple Haïtien.

e) Politique extérieure de dignité


Pendant plus d’un siècle et demi. Haïti née à l’indépendance et à la Liberté à la suite de luttes épiques, a donné la mesure de son attache-ment aux valeurs de compréhension et de fraternité agissantes qui dé-finissent l’unité juridique inter-américaine. La fécondité de l’apport des Pères de notre nationalité à la construction de cet idéal de bonne volonté et d’entente est tellement connue qu’il n’est point nécessaire de le rappeler une fois de plus.

Les objectifs fondamentaux de la politique étrangère du Gouverne-ment du Président DUVALIER s’inspirent de normes commandées

17 Préface de l’ouvrage de Daniel E. ANGLADE et de Georges BOIS « Le café, élément d’approfondissement de nos problèmes agro-économiques », page 7.


par les impératifs de la géographie et les traditions de notre Histoire. À un moment où une situation explosive met en péril la Souveraineté de certaines Nations du Continent, le comportement du Gouvernement est exemplaire. Nous ne sommes mus par aucun dessein agressif tant est forte notre conviction que les principes de la morale Inter-améri-caine finiront par avoir raison des [64] saute-d'humeur de l’aventu-risme et de l’infantilisme politiques. En dépit de certaines attitudes inamicales voire hostiles, le Gouvernement ne s’est jamais départi de la recherche d’une juste Paix.

Ce n’est donc pas au Président DUVALIER qu’on pourra repro-cher d’avoir posé le moindre acte qui ait marqué une velléité de causer une nouvelle brèche au système interaméricain. Pourtant le presti-gieux Chef de l’État a toujours su, avec une remarquable lucidité, ana-lyser dans ses messages à l’occasion des Jours des Amériques et des Nations-Unies, les, obligations nouvelles que doivent assumer ces Or-ganisations internationales pour ne pas décevoir les espérances des peuples.

Le système interaméricain connaît depuis plus d’une décennie une des plus dures épreuves.

Cette situation s’est aggravée depuis que la guerre froide s’est ins-tallée dans le Continent avec la victoire du Socialisme à Cuba.

Les foyers de troubles et d’orages de l’Amérique Latine et Centrale indiquent certes, une crise de croissance et une prise de conscience des Nations prolétaires du Continent exploitées et décidées plus que jamais à vaincre la misère et l’ignorance. Ce sont des conditions inhu-maines et non le fait d’une option [65] idéologique quelconque qui portent l’opinion publique continentale et certains Hommes d’État à souhaiter que le Panaméricanisme cesse d’être une formule juridique et politique pour devenir un ensemble de mesures concrètes d’ordre économique, culturel et financier pour combattre le sous-développe-ment, « ce défi à l’Occident, à la Paix, à l’Homme » comme l’a si bien défini Grignon Dumoulin.

Mais, si les États-Unis d’Amérique du Nord ont fait d’il lest devant ces poussées de mécontentement, il n’est pas moins vrai que les solu-tions proposées passent à côté de l’essentiel : la structure économique des pays sous-développés du Continent à transformer. L’Alliance pour le Progrès, la Banque Interaméricaine de Développement, le Marché


Commun Latino- Américain, tentatives louables, n’ont encore donné aucun résultat appréciable. Le Directeur Exécutif de l’« Overseas De-velopment Institute » de Londres écrit ce qui suit à propos de l’échec de l’Alliance pour le Progrès en Amérique Latine : « En Amérique Latine, région qui possède un potentiel économique énorme, la décen-nie a coïncidé avec l’institution de l’Alliance pour le Progrès, sans aucun doute une louable initiative. Pourtant, j’ai visité l’Amérique Latine l’été dernier et j’ai constaté que l’attitude générale peut s’expri-mer cyniquement par ce slogan : « Alliance, oui ; Proprès, non ! En tous cas, [66] on ne voyait guère de signes de progrès général au béné-fice de la masse » 18.

Au point de vue des relations d’Haïti avec les États-Unis d’Amé-rique du Nord, la pensée présidentielle s’est nettement exprimée dans le Grand Message que le Chef d’e l’État a prononcé à Jacmel, le 21 Juin 1960, et appelé depuis « Le Cri de Jacmel ».

« J’ai appelé la technique américaine à l’organisation et à la réor-ganisation des Institutions de mon Pays ; à leur économie, mon Pays sous-développé est encore leur marché sûr. Mais, depuis 33 mois Mon Gouvernement et son Peuple vivent de promesses, de sourires, d’en-couragements, de recommandations, d’hésitations, d’attentes lentes et d’incompréhension. C’est depuis 33 mois que mettant toute la bonne foi et toute la ferme volonté pour briser cet étau « coinçant » une Na-tion crucifiée par la misère et son cortège d’e maux, j’en appelle à l’interdépendance économique internationale et à la solidarité des peuples pour dire et faire comprendre que l’économie effondrée, elle ne peut par les seuls efforts internes être redressée et revigorée ».

Le plaidoyer pathétique du Président DUVALIER n’eut pas la ver-tu de porter les meneurs du jeu à desserrer [67] l’étau. Au contraire. Au mépris des principes qui servent d’étai à la morale interaméri-caine, sous le patronage à peine déguisé de puissances pourtant « amies » fut inaugurée l’ère des invasions du territoire haïtien. La complicité de certaines sphères étrangères ne faisait le moindre doute, compte tenu de la campagne de presse orchestrée en vue de préparer l’opinion mondiale à accepter comme un fait accompli l’étranglement de notre jeune démocratie sociale coupable du seul crime d’être trop

18 William Clark, Stratégie de Développement, article publié dans la Revue de la Commission Canadienne pour l’UNESCO, 1963, page 17.


fière et d’avoir refusé toute aide qui serait assortie de conditions vexa-toires et humiliantes.

À ces heures difficiles, le Président DUVALIER décidé à ne faire aucun marchandage qui put porter la moindre atteinte à l’Orgueil Na-tional, donna au Peuple Haïtien la consigne d’accepter encore de nou-veaux sacrifices plutôt que de céder à la volonté de puissance d’un partenaire quel qu’il fût.

Cet « heureux mécompte » fut un coup de fouet pour l’énergie et la volonté nationales. Galvanisée par le patriotisme intransigeant de son Chef, la Nation apprit à se passer de toute aide. Son sens du sacrifice s’en trouva décuplé. Le seul effort national permit d’équilibrer le bud-get et de poursuivre avec ténacité et foi la bataille de l’équipement de notre communauté dans la dignité et l’égalité avec les autres États.

[68]La dure école de la réalité est tonique. Les atermoiements et les

échecs qui accueillirent les démarches en vue de bénéficier d’une aide eurent la conséquence heureuse de mettre l’Haïtien dans les condi-tions morales pour opérer une véritable rénovation, à la faveur d’une résurrection de la conscience nationale.

Durant la période troublée où se situe l’acte de terrorisme perpétré devant le Nouveau Collège Bird le matin du 26 Avril 1963, sur la per-sonne des deux plus jeunes enfants du Président DUVALIER ayant miraculeusement échappé à la mort, alors que quatre agents de la force préposés à leur garde tombèrent sous les balles assassines de la Réaction, l’action diplomatique du Gouvernement fut à la hauteur de la situation. Tant à 1’OEA qu’à 1’ONU fut défendue par notre Chan-cellerie la thèse d’Haïti victime d’un vaste complot. La République Dominicaine s’oublia jusqu’à nous menacer d’intervention armée. Comme l’écrit une publication parue à l’époque : « L’Ambassade Do-minicaine servait non point de refuge mais de lieu de concentration et d’entraînement d’éléments terroristes » 19.

Le même texte précédemment cité parle en ces termes des activités de la Commission d’Enquête de [69] l’OEA. « L’arrivée sur place, à Port-au-Prince de la Commission d’enquête envoyée par l’Organisa-tion des États Américains (et composée de représentants de la Colom-

19 « L’Affaire d’Haïti », Imprimerie de l’État, 1963.


bie, du Chili, de l’Equateur, du Salvador et de la Bolivie) a eu pour effet de gêner l’exécution, d'u mauvais coup qui se préparait. C’est encore le correspondant du « Monde », Alain Clément, qui le constate lorsqu’il remarque : « De toute façon, il était difficile à celle-ci (la Ré-publique Dominicaine) de déclencher des hostilités douze heures avant l’arrivée sur les lieux de la Commission d’Enquête de l’Organi-sation des États Américains).

« Ce qu’ont pu être les conclusions de cette commission n’était pas connu à l’heure où ceci était rédigé.

« Le Conseil de l’OEA a délibéré sur la base de son rapport. On remarquera seulement que son Président, M. Alberto ZULETA, dans un télégramme résumant ses impressions après les trois jours passés à Port-au-Prince et alors qu’il poursuivait son enquête, mais cette fois à St. Domingue — s’était borné à exprimer ses préoccupations au sujet d’Haïti (ce qui se comprend fort bien étant donné les intentions agres-sives qu’il trouve à St. Domingue — et qui l’ont conduit à y rester en personne pour s’employer à y faire obstacle) tout en rappelant que le Gouvernement Haïtien avait pour sa part fourni « des garanties [70] formelles concernant le respect des personnes et des biens couverts par l’immunité diplomatique ».

Bien que le Président Juan BOSCH ait nettement exprimé sa vo-lonté d’agression, l’action diplomatique du Gouvernement du Pré-sident DUVALIER, tout en ne concédant aucun terrain sur le plan des principes, fut à la fois assez ferme et assez souple pour n'offrir aucun prétexte aux instigateurs de cette conspiration internationale dont le motif inavouable fut de placer Haïti sous la tutelle d’une puissance étrangère.

Ces manœuvres cousues de fil blanc furent déjouées. Entre-temps, la situation politique se détériora en République Dominicaine au point que le trop fougueux BOSCH fut renversé du pouvoir.

Avec la même fermeté et sans que la fierté nationale reçût la moindre éclaboussure, le Président DUVALIER protesta devant les instances internationales contre la présence d’exilés haïtiens en terri-toire Dominicain. D’autant qu’avec la complicité du pays voisin, ces haïtiens dénaturés avaient plus d’une fois envahi le territoire national.


La Chancellerie Haïtienne fit en l’occurrence tout son devoir. La conscience continentale et mondiale fut alertée.

À l’OEA, de même qu’à l’ONU des sympathies touchantes renfor-cèrent la position de notre Pays.

[71]Le pourrissement du complot ne tarda pas à le rendre caduc. Et le

Chef de l’État pourra dire dans son retentissant Message du 2 Janvier 1965 :

« La volonté de paix qui anime mon Gouvernement m’a amené à la fin de l’année 1964 à conclure une entente avec le Gouvernement Do-minicain sous l’égide de l’Organisation des États Américains (l’OEA). En cela, j’ai voulu, mettant de côté nos justes récriminations, obéir aux intérêts supérieurs de la Nation. Les Archives de l’Histoire, quand les passions se seront calmées, diront un jour où étaient la jus-tice et le bon droit. Nous avons accepté de tendre la main sans fai-blesse et sans forfanterie parce que nous croyons que les deux peuples qui se partagent la Souveraineté de l’Ile ne doivent pas souffrir des folles équipées de leurs Chefs. Nous avons accepté de tendre la main, forts de notre bonne foi et de notre volonté pour endiguer la turbu-lence de certains hommes politiques qui sacrifient à des visées immé-diates. Nous avons enfin accepté de tendre la main pour faire don à notre peuple du bien le plus précieux — la Paix — au seuil de l’année qui vient d’e commencer ».

Les édifiantes paroles du Chef Constitutionnel de la Nation in-diquent les constantes de l’action diplomatique de la Révolution Du-valiériste : Défendre la [72] Paix, la Souveraineté Nationale, les prin-cipes de non-intervention et d’auto-détermination, « sans faiblesse et sans forfanterie ». Une fois de plus, la petite République Nègre d’Haï-ti aura donné la preuve de son attachement à la morale interaméri-caine, mais une morale rénovée qui tienne compte des réalités des temps présents. Comme le dit si bien M. Ivan Désinor : « Le Panamé-ricanisme ne pourra rien faire au bénéfice effectif de l’homme améri-cain tout autant qu’il ne confronte les vrais problèmes du Continent et la terrible réalité d’une majorité de Nations d’économie insuffisam-ment développée dont les peuples sont prisonniers de l’ignorance et de la misère, face à d’autres nations hautement industrialisées, mainte-nues dans une situation de dépendance semi-coloniale, comme


sources de matières premières et d’aliments à bas prix, et en tant que marchés sûrs pour les produits manufacturés » 20.

Parlant de la politique extérieure du Président à Vie de la Répu-blique d’Haïti, M. Maurice Nelson écrira très justement dans la « Re-vue Diplomatique » (livraison de Février 1964) : « Ce Grand Dessali-nien bien imbu des exigences de l’époque moderne, a fait sienne une conception dynamique de la diplomatie haïtienne, dont le rôle consiste non seulement à défendre [73] la Souveraineté et l’intégrité de la Pa-trie et à protéger ses ressortissants établis à l’étranger, mais aussi à faire respecter celles des autres, à prôner le droit des peuples à l’auto-détermination et par conséquent à combattre le colonialisme sous toutes ses formes, à contribuer au renforcement de la Paix et de la Sé-curité internationale... »

Un autre aspect très important de la politique extérieure du Gou-vernement du Président DUVALIER est l’effort très louable qui a été fait pour une présence effective d’Haïti en Afrique. L’ancien Président de la République du Dahomey, S. E. Hubert MAGA, recevant les Mi-nistres Joseph D. Baguidy et Michel Aubourg en Mission en Afrique pourra dire : « Je te remercie d’avoir été pendant deux siècles la conscience du monde nègre, d’avoir perpétué les vertus, le génie de notre race, d’avoir planté au flanc du Monde étonné cette épine noire qui nous a tous inspirés... »

Rien de plus naturel que sous le Gouvernement du brillant Ethno-logue qui a toujours demandé à l’Haïtien de ne pas couper les ponts qui l’unissent à la Maternelle Afrique, les relations de notre Pays avec ce Continent d’où nous venons, soient renforcées. À part le Libéria et l’Ethiopie avec lesquels nous avons des relations depuis longtemps, le Président [74] DUVALIER a établi des Missions Diplomatiques au Sénégal, au Mali, à la Côte-d’Ivoire, au Dahomey, au Ghana, en Ré-publique Arabe Unie.

Le Gouvernement s’est fait représenter à la Conférence des Chefs d’États Africains réunis à Addis-Abeba du 22 au 25 Mai 1963 par l’Ambassadeur Pierre Chavenet et M. Edouard Charles, à titre d’ob-servateurs. A cette occasion, Son Excellence le Président de la Répu-blique d’Haïti, le Docteur François DUVALIER, a envoyé un mes-

20 Yvan Désinor, Communication à l’occasion du Jour de la Presse « Le pan-américanisme à l’ère atomique ». (Inédit).


sage à Sa Majesté Haïlé Sélassié 1er., Empereur d’Ethiopie et un autre aux Chefs d’États Africains réunis à Addis-Abeba.

De l’important texte adressé à Sa Majesté Hailé Sélassié 1er. nous extrayons ces fortes paroles : « La République d’Haïti, chair palpi-tante et vivante arrachée à l’immense Continent Africain et transplan-tée au cœur de l’Amérique, la République d’Haïti, par Mon organe, salue la Haute et Heureuse Initiative de Votre Majesté de réunir dans sa belle et historique Capitale, les Chefs d’État de tous les pays indé-pendants de l’Afrique.

Véritable événement, inconcevable il y a à peine dix ans, cette conférence de quelques-uns des plus illustres combattants de l’Afrique marque un fait incontestable : La mort du colonialisme. Car elle contribuera — n’est-ce pas un de ses buts essentiels ? — [75] à préci-piter le processus de décolonisation des quelques États Africains en-core en lutte pour leur libération et leur indépendance ».

Vraiment aucune chirurgie quelque savante qu’elle puisse être ne peut couper le cordon ombilical qui lie l’Haïtien à l’Afrique. La diplo-matie Africaine du Président DUVALIER s’inspire, si l’on peut dire, de cet impératif... organique.


[75]


CONCLUSIONSET PERSPECTIVES


Il y a, comme nous l’avons montré, une unité dans les grandes lignes de la politique générale du Gouvernement du Président DUVA-LIER. Dans l’ordre culturel, politique, idéologique, économique, di-plomatique, la Révolution Haïtienne en cours est sous-tendue par une constante : relever le défi, réorganiser, réformer, édifier une démocra-tie sociale répondant aux aspirations de l’Homme Haïtien. La mise en œuvre d’un programme aussi ambitieux et s’intégrant dans la trame des grandes transformations économiques et sociales de notre époque a connu des résistances tenaces venant tant de l’intérieur que de l’ex-térieur.

Etant donné que la Révolution Duvaliériste bouscule la culture po-litique traditionnelle et en accuse les insuffisances et les œillères, il est compréhensible [76] qu’elle soit aux prises avec la coalition des inté-rêts plus inavouables. Mais, à cause de l’intelligence positive, du réa-lisme du Président DUVALIER, sa Révolution, la Révolution des masses, des classes moyennes et du peuple haïtien ne cède point de-vant les mythes. La dynamique révolutionnaire y puise sa force de frappe et son efficacité. Concernant la guerre aux mythes, condition de succès de toute action révolutionnaire, Thierry Maulnier écrit : « En ce XXème siècle qui voit le triomphe barbare des mythes, une attitude véritablement révolutionnaire ne consiste pas à se mettre au


service d’un quelconque de ces mythes contre les autres, mais à les affronter tous avec une pensée indépendante et assez intrépide pour ne céder en face d’eux, ni à l’intimidation, ni au vertige » 21. Mais le pro-longement de cette Révolution dépend de la discipline interne, « celle qui gouverne les lois de la pensée en la décomposant » et d’une disci-pline externe, « celle qui rétablit le lien entre le sujet et l’objet ! »

Les objectifs de la Révolution Duvaliériste visent à la défense de l’intégrité de la personnalité d’Haïti.

C’est pourquoi, même quand dans les détails, se$ décèlent des in-compréhensions contre lesquelles [77] d’ailleurs le Président DUVA-LIER est le premier à se récrier, la ligne de force idéologique de la Doctrine Duvaliériste est progressiste. Elle est liée au tissu de notre Histoire dont elle exprime les valeurs les plus hautes, entre autres le droit à l’existence de la Nation Haïtienne qui a mené le combat le plus âpre pour défendre la condition humaine. Les luttes du Peuple Haïtien pour sa survie rejoignent celles du Tiers Monde et des Nations Prolé-taires du Monde qui se libèrent progressivement et provoqueront dans l’histoire des prochaines décennies de fantastiques mutations...

[78]

21 Thierry Maulnier, La France, la guerre et la paix, page 161 et 162, Ed. H. Lardanchet.


[79]

Achevé d’imprimersur les Presses de l’imprimerie de l’État

12 Avril 1965 pour compte del’ADMINISTRATION COMMUNALE

DE PORT-AU-PRINCEGeorges J. FIGARO

PrésidentBreton NAZAIRE

Marcel AUGUSTINMembres

Documents

La révolution duvaliériste. Contenu doctrinal, conquêtes ...classiques.uqac.ca/.../Revolution_duvalieriste.docx · Web viewUlysse PIERRE-LOUIS (1965) La révolution duvaliériste