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Revue bi -mensuelle Syndicaliste Communiste SOMMAIRE : LE CARNET DU SAUVAGE : Après le Congrès communiste, Radicalisation. bourgeoise. Max Tobler (Pierre Monatte)* La nouvelle édition de l'Histoire de la Commune LISSAGARAY par AMÉDÉE DUNOIS A TRAVERS LES LIVRES : Caliban parle, par J. Guéhenno (B. Giauffret). - Ltlnstituteur, par E. Glay et H. Champeau (Roger Hagnauer). Marceaix-îa-Rose, par E. Richard (B. G.). Le joueur de balle, par J. Jolinon (B. G.). Le Bourgeois, par L. Frank (B. G.). EMPRISONNES, DEPORTES, EXILES: Le Secours-Trotsky. Le sort de Miasnikov. Deux événements d'une importance capitale La création d'un Super-Etat , Staline indemnise les expropriés d'Octobre par R. LOUZON Mussolini surpassé LA RENAISSANCE DU SYNDICALISME: La Fédération Unitaire de l'Agriculture va-t-elle revivre ? (A. Richard*) La grève des dockers de Bordeaux : Le crime d'être unitaire (Thibaudeau). A propos de ragots. FAITS ET DOCUMENTS : Les faits de la quinzaine. Les officiers candidats à la dictature. Contre la conciliation obligatoire. ENTRE NOUS : Les 1.500 abonnés. Notre souscription. Administration et Rédaction t 54, rue «lu Chàteau-d'Eau -:- PARIIS (toe)

La Révolution prolétarienne (Paris. 1925) · LE CARNET DU SAUVAGE Après le Congrès communiste Qui pense encore au Congrès que le Parti commu- niste a tenu au début de ce mois?

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  • Revue bi-mensuelle Syndicaliste CommunisteSOMMAIRE:

    LE CARNET DU SAUVAGE: Après le Congrès communiste, — Radicalisation. bourgeoise.— Max Tobler (Pierre Monatte)*

    La nouvelle édition de l'Histoire de la Commune

    LISSAGARAYpar AMÉDÉE DUNOIS

    A TRAVERS LES LIVRES: Caliban parle, par J. Guéhenno (B. Giauffret). - Ltlnstituteur,par E. Glay et H. Champeau (Roger Hagnauer). — Marceaix-îa-Rose,par E. Richard (B.G.). — Le joueur de balle, par J. Jolinon (B. G.). — Le Bourgeois, par L. Frank (B. G.).

    EMPRISONNES, DEPORTES, EXILES: Le Secours-Trotsky.— Le sort de Miasnikov.

    Deux événements d'une importance capitaleLa création

    d'un Super-Etat

    , Staline indemnise

    les expropriés d'Octobre

    par R. LOUZON

    Mussolini surpasséLA RENAISSANCE DU SYNDICALISME: La Fédération Unitaire de l'Agriculture va-t-elle

    revivre? (A. Richard*) — La grève des dockers de Bordeaux: Le crime d'être unitaire(Thibaudeau). — A propos de ragots.FAITS ET DOCUMENTS: Les faits de la quinzaine. — Les officiers candidats à la dictature.— Contre la conciliation obligatoire.ENTRE NOUS: Les 1.500 abonnés. — Notre souscription.

    Administration et Rédactiont 54, rue «lu Chàteau-d'Eau-:- PARIIS (toe)

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    ; J ouvrières, sur les questions..ro^R.'-nl^ation,*vrlC3 cam- 5I pagnes de revendication: ;: ! ÉTUDES, ENQUÊTES

    !î|I

    MONOGRAPHIES, DOCUMENTS, 1

    ; Ë Elle publie toute une sériederubriques résu^ère* |i permettant de suivre ie mouvement des icié-es et l'ère1 lution des faits économiques : 1

    f « - Sï | Le Carnet du Sauvage Les Notes Economiques || (P. Monatte) (R. Louzon) 5

    f La Renaissance du Syndicalisme I| (Par les militants de la Lig-ue Syndicaliste) êg Parmi nos Lettres A travers 1&1 Livres :g (De toat et de tous) (A. Rosmer. B. GiaufPret, 5

    ; 5 A. Richard, etc.).I| Lettres de l'Internationale S* i (De Russie, d'Angleterre, desEtats-Unis,d'A'>aia£rri?, ê

    I etc., etc.)| Faits et Documente 1

    COLLABORATEURS |G. AIRELLIII, E. ALLOT. J. Auvrèrh, J. BALDAOOr, æ

    I

    B. Berth, Marthe BIaOT M. CILUmELLARD J. CdvENOL" =F. Charbtt, J. et J. CoRNRC, V. Delaoardk, Max EMILE. :

    F PlNIDORI, H. FuLcoNIB. A. GARlORY. B. Gîauffrwt, i• Max Eastmak, Jean GLAIVB. V. Godornèchr,R.TSaghaubr,§k G. LACOSTE, P. LoRIOT, R. LoUZON, A. MABOUY, L. Mah- ii BBT, J. MBBIUL P. MONATT», G. NIOOLAlJ, J. PÔRA, R. W. Ic, Postoath, A. Richard, A. RonoIa, R. Rouviakh,C. Talés, j

    A. Théthnou, G. Thomas,A. VILLJDVAL. etc., etc. 13

    f.1

    ICONDITIONS D'ABONNEMENT i

    FRANCE, ALGERIE, COLONIES ;«

    Sixmois20fr. Un an 40 fr. ¡IbtgF EXTERIEUR !

    SI* mois «? ornr 1"1 è':"tlx C. G. T., l'une de l'ornière de: Sa (H;,I;b(lJ'ati')j'"uv;;>!'i\emental,l'autre de l'ornière ds| la collaboration ïivljtique, pour les ramoner dans la voieê de rindépen,i«tHc« syndiesle hors de laquelle l'unité est; isi;pc»sib!î ;; au De Mire lœ&dtmim'zr f?ns les syndicats l'esprit de| elaw sur l'esprit de tenda-nce, d? s"'d oit de parti, afin: de réaliser dès m.ihtt

    1 Tons qui seUsctisnnMla c 8. P. », 1iutilises cette reliure*«MAe, propre et bon marché. I

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  • LE CARNET DU SAUVAGE

    Après le Congrès communiste

    Qui pense encore au Congrès que le Parti commu-niste a tenu au début de ce mois?

    Peut-être les délégués qui y ont assisté, les orateursqui y ont parlé. Encore n'est-ce pas sûr. Et cela secomprend.

    S'il est un Congrès qui n'a servi à rien, qui n'a riendiscuté et n'a rien tranché, c'est bien celui-là. Avantqu'il se soit réuni, tout avait été arrangé et bienarrangé.

    On tient maintenant des Congrès parce que ce futautrefois la règled'entenir. Mais on pourrait fort biens'en passer. Ils sont devenus parfaitement inutiles. En-core un préjugé d'autrefois, quelque survivance anar-cho-syndicaliste.

    Jadis, les Congrès étaient faits pour juger le travailaccompli par le bureau d'une organisation pendantune période donnée et pour lui tailler du travail dansla période à venir. Aujourd'hui rien de cela. Les rôlessont renversés. Les membres d'une organisation n'ontPas le droit de discuter, encore moins de critiquer, letravail de leurs fonctionnaires devenus leurs dirigeants.Les dirigeants peuvent tout à leur aise et toute l'annéefaire la critique de leurs dirigés. Les dirigés n'ontqu'un seul droit, même durant cette semaine de Con-grès, c'est de chanter les louanges de leurs chefs. Quantà envisager ensemble le travail à venir, vous n'y pen-sez pas! Le travail est tout tracé; il ne reste plus qu'àen donner connaissance, à l'expliquer ou à paraîtrelexpliquer. Les Congrès sont des Conférences d'infor-mation. Le bon peuple est convié à écouter des rap-Ports pharamineuxqu'il doit avaler en silence et ap-prouver unanimement. On pourrait à moindres frais,sans déranger deux ou trois centainesdedélégués, por-ter ces rapports à la connaissance des troupes ou dutroupeau, par le journal ou par la brochure, ou parradio si l'on tient à leur garder un certain son de voixhumaine. On y viendra, soyons-en sûrs.

    Est-ce que l'Eglise lient des Congrès et demandeaux fidèles de juger le boulot de leurs curés? Est-ceque l'Armée demande leur avis aux troupiers? Leslumières et les ordres tombent d'en haut; les gens d'enbas n'ont qu'à écouter et à obéir.

    Une consultationdesfidèles et des troupiers duParti communiste ne peut guérir le mal dont souffre ceParti; elle ne peut que l'accroître.Lesdirigeants ontbeau tout prévoir, tout mavhiner, tout ficeler, toujoursquelque accroc dangereux se produit. Qu'on en finisseVlte avec les derniers vestiges de démocratie ouvrière!

    On évitera ainsi par exemple le malaise supplémen-taire dans lequel s'est terminé, le dimanche 7 avril, le

    ;Congrès du Parti communiste.

    Il ne s'était pas trop mal déroulé, selon les dirigeantsdu Parti. Alors que tout le monde s'attendait à un

    accrochage sérieux avec les trois victimes expiatoiresde la droite: Bernard, Doriot et Renaud Jean, lespectacle avait été complètementdifférent. Bernard,évaporé; Renaud Jean, absent; Doriot,repenti. Ladirectionallait triompher sans combat, presque sansmérite. Et voilà qu'un conflit inattendu, resté d'ail-leurs assez mystérieux,aéclaté entre la région duNord et la direction du Parti,excitée à grands coupsde botte au derrière par les aspirants directeurs, eux-mêmes encouragés par Moscou.

    Relisez dans l'Humanité du 8 avril les lamentationset les menaces de Semard :

    « La direction du Parti ira peut-être se faire bat-tre dans le Nord. Vous prendrez la responsabilité defaire battre la direction de votre Parti. Trop de dis-cussions de couloirs ont eu lieu à la fin de ce Con-grès. Quand on arrive à ces sortes de discussions,l'atmosphère ne devient plus saine: il faut juger ladirection du Parti sur ses déclarations officielles etnon sur des ragots de couloirs. »

    Huit jours sont passés, l'atmosphère ne s'est pasassainie, le malaise persiste;l'Humanité n'a pas étéen mesure de publier la compositionduBureau poli-tique et du Comité central. Les marchandages autourde cette composition n'en finissent pas. On attend sansdoute les instructionsdeMoscou.

    Que le Bureau politique et le Comité central soientcomposés d'une façon ou de l'autre, la crisevéritable,la crise profonde du Parti se poursuivra. On peut lamasquer; on ne peut la dénouer.Tout ce qui tend àla masquer aboutit à la rendre plus profonde. C'estcomme un abcès refermé.

    Il est méritoire de vitupérer les silencieux, surtoutquand on a récemmentsubi en silence, comme Mon-mousseau, les leçons injurieuses d'un délégué des Jeu-nesses. Mais tout le monde n'a pas cette souplesse deconscience. Quand on vient d'apprendre que Humbert-Droz est limogédusecrétariat de l'Internationale pouravoir formulé une opinion non orthodoxe sur la stabi-lisation capitaliste et sur la radicalisation des masses,que le correspondant de l'Humanité à Berlin, Guil-beaux, a l'oreille fendue comme suspect de sympathiepour Boukharine et quand enfin, ici-même, on peutadmirer la raclée administrée à Doriot malgré sa séried'abjurations,ilfaudrait être un héros pour s'aven-turer à dire sa pensée dans un Congrès. On fait alorscomme Cachin et comme Rappoport, on chante lescantiques du jour.

    Mais l'abcès refermé empoisonnera un peu plus l'or-ganisme;leseffectifs du Parti continueront à fondreet la C.G.T.U. s'anémiera de plus en plus. Jusqu'aujour où, après quelques échecs de grèves plus cuisants

    encore que ceux de la Loire ou d'Halluin, une explo-sion éclatera, comme le fait vient de se produire enTchécoslovaquie.

  • Radicalisation. bourgeoise

    J'envie ceux qui croient dur comme fer à la radica-lisation des masses ouvrières. Je ne vois de radicalisa-tion que dans le camp patronal.

    Cette quinzaine encore, deux faits me semblent mé-riter de retenir l'attention; la nouvelle offensive patro-nale dans le domaine des assurances sociales et le dé-veloppement de la campagne militariste dont les funé-railles de Foch ont été le point de départ.

    L'on sait que la C.C. T. avait longtemps misé surles assurances sociales pour devenir une organisationembrassant des millions d'adhérents, en transformantles millionsd'assurés en autant de syndiqués. Elleavait éprouvé une premièredéception grave quand lesmutualistes, au lieu d'accepter son alliance, acceptè-rent celle du patronat. C'est alors qu'elle dut se ra-battre sur la formation de groupes d'assurés spon-tanés, gérant leurs caisses primaires sans immixtion dupatronat. Nous avons approuvé cette position, assezsurpris que des hommes comme Georges Buisson, quis'était prononcé un mois avant en faveur de l'arbitrageobligatoiredanslesgrèves,puissent prendre une atti-tude vraiment ouvrière, nettement de classe dans leproblème des assurances sociales. L'explication nous enparaissaitassezsimple: ilsavaient enfin trouvé enface d'eux le patronat véritable et du coup quelques-unes de leurs illusions étaienttombées.

    La C.G. T. s'étaitmise au travail par tout le payspour constituer ses caisses primaires,enface des cais-ses mutualo-patronales. Une nouvelle déceptionvientde s'abattre sur elle. Le projet rectificatif déposé parle gouvernement ne laisse plus aux groupes d'assurésspontanés, c'est-à-dire aux caisses ouvrières primaires,le droit de se gérer elles-mêmes. Même dans ces cais-ses, le patronat aurait une part de gestion.

    C'est évidemment sous la pression patronale queLoucheur a projeté de rectifier ainsi la loi sur les as-surances sociales. Le patronat entend exercer surtoutes les caisses sa domination. Le gouvernement estforcé de s'incliner; il le fait non sans une certaine joie,car il lui déplaisait de voir la C.C. T. échapper dansce domaine aux pratiques de la collaboration.

    Quel sera le sort de ce projetrectificatif? D'oreset déjà, il témoigne de la volonté impérieuse du pa-tronat d'être le maître en tous lieux et d'adapter loiset institutions à ses intérêts.

    Le patronat commande; les forces traditionnelles deréaction politique relèvent le front avec insolence; aupremier rang l'Armée. Après la légende de Foch sau-veur de la France, nous voyons toute la vaste prépa-ration d'un nouveau boulangisme. On cherche un chefet l'on croit l'avoir sous la main en la personne deWeygand. En attendant, on prépare les cadres d'of-ficiers. Lisez aux Documents la lettre du généralNo-guès à Painlevé, Ne lui trouvez-vous pas un goût decoup d'Etat?

    Cela ne veut pas dire que nous en soyons là,m quela bourgeoisie ail besoin des militaires pour se défen-

    dre. Mais cela prouve incontestablement que les mi-lieux bourgeois sont plus radicalisés que ne le sont lesmasses ouvrières.

    Max Tobler

    Un de nos amis suisses, Max Tobler, vient de mou-rir; j'en apprends la nouvelle au moment de boucler cecarnet. C'était l'un des rares militantsformés à l'écolede la social-démocratie allemande qui avaient, après1906, compris que le syndicalisme révolutionnairefrançaisétait l'un des héritiers directs de la Ire Inter-nationale. Non sans courage, il l'avait défendu dans lequotidiensocialiste de Zurich, le Volksrecht, dont ilétait alors le directeur.Adifférentes reprises il avtlÍtcollaboré à la Vie Ouvrière d'avant-guerre.

    Militant du Parti communiste suisse, la bolchevisa-tion n'avait pas mordu sur lui. Il avait continué à nousregarder comme de bons militants.

    Le Parti communiste suisse et le mouvement révo-lutionnaire international perdent en lui un militant devaleur. Nous perdons un ami de vingt années.

    Pierre MoNATTE.

    UNE SALETÉ DE PLUS

    Sans doute les rédacteurs de « L'Humanité» sesont-ils fait taper sur les doigts pour avoir joint leurprotestation à celle de la Liguesyndicaliste lorsquenotre camarade Lazarevitch fut expulsé de France.

    Ils ont tenu, dans leur numéro du 12 avril, à serattraper de cette. élégance par une nouvelle sa-leté : ils avaient précédemment imprimé, par deuxfois, que Lazarevitch était un « agent de Sarraut »,sans, bien entendu, apporter l'ombre d'un commen-,cement de preuve, — ce leur serait impossible, et,en ayant été sommés par lettre recommandée, ils nel'ont pas fait -; les voilà, maintenant, à proposd'une réunion des Amis de l'U. R. S. S., à Seraing,en Belgique, où Lazarevitch prit la parole, qui écri-vent, noir sur blanc, que son expulsion de Francefut une « comédie anarcho-policière ».

    Lazarevitch aurait été — le croiriez-vous! - en-voyé en Belgique par la police internationale pourdémolir la belle et bonne besogne des Amis de l'U.R. S. S. Et, là-bas, il associerait son action à celled'un réactionnaire avéré, M. Joseph Douillet.

    A cette saleté, nous ne ferons qu'une brève ré-ponse.

    Lazarevitch est un militant dont la sincérité estau-dessus de tout soupçon. De lui, nous répondonscomme de nous-mêmes.»

    Mais en quels temps vivons-nous donc? Des indi-vidus peuvent, tout à leur aise, salir leurs adver-saires de tendance, les traiter de mouchards, — etse, borner à l'affirmation, sans arguments et sanspreuves. Les lecteurs de « L'Humanité» supportentça !

    Pouah!

  • La nouvelle édition de L' Histoire de la Commune"(1)

    LISSAGARAY

    A LUCIEN DESCAVESGérault-Richard, qui avait débuté à la « Bataille »,

    a fait de Lissagaray un bon croquis: « Nerveux ettrapu, marcheur infatigable, chercheur de querelleset curieux de dangers, doué d'une mémoire qui luiPermettait, à soixante ans, quoiqu'il n'eût jamais re-mis le nez dans ses classiques, de réciter des chantsentiers (2) de l' « Iliade », alerte comme un gamin,ciune verve endiablée, avec ses yeux brillants de jeu-nesse sous une chevelure toute blanche, ce Basqueaurait pu prétendre à la gloire. Il était doué pour lesPlus grands rôles. Un caractère intraitable gâta sesaumirabjes qualités et le condamna à l'isolement eta 1inaction. Telles ceslames du plus pur acier qu'unePaille fait se briser au premier choc. Il devait êtreUn des ouvriers de la Révolution, il n'en fut que leMousquetaire. »L'

    Qualités et défauts, côtés.forts et côtés faibles,Lissagaray appartient à l'histoire. Herzen a dit deOakounine qu'il avait au fond de son être « le germeune activité colossale pour laquelle il n'y a pas euaemploi. » Le mot s'applique à Lissagaray presqueaussi bien qu'au géant russe. Il n'a pas donné, luinon plus, tout ce qu'on pouvait attendre de lui. Ceuxqui 1ont approché sont unanimes à le dire: il yavait en Lissagaray autre chose qu'un journaliste,voire qu'un historien. Le journal, la brochure, le li-Vre, ont été pour lui des pis aller. Il était fait pourinarquer dans l'histoire la trace de ses pas; il avaitétoffe d'un chef, un rare discernement politique, legoût âpre de l'action, de la vigueur dans la décision,de la constance dans la défaite, et puis cette élo-quence nerveuse qui galvanise les masses.Son malheur fut d'avoir dû recommencersa vie -après la grande brisure de l'exil — à un âge où leshabitudes sont prises, où l'aptitude au renouvellementSe trouve quelque peu tarie. Cipriani observe avecraISon qu'il n'était pas de son temps, — c'est-à-diredu temps où Cipriani, libéré en 1893 des bagnes ita-ens,

    a pu le connaître. D'avoir fait ses premièresarmes contre l'Empire, il lui était resté une mentalitéf insurgé. Quand il revint d'exil à quarante-deux ans,Ü circonstances s'étaient profondément modifiées.Un mouvement ouvrier était né qui, parti des syn-dicats,

    se développait en mouvement politique. Lis-sagaray, averti par Marx, en reconnut toute l'impor-tance. Ce qu'il ne comprit pas aussi bien, faute

    (1) Ce que nous reproduisons ici constitue les..cha-Pitres II et III de la préface qu'Amédée Dunois acrlte pour la nouvelle édition de l'Histoire de laCommune (N.D.L.R.).(2) Des chants entiers, c'est beaucoup dire. Lebrave Gérault, qui n'était pas de première force surCes choses, a dû prendre pour des chants entiersquelques douzaines d'hexamètres.

    d'avoir dépouillé en lui le vieil homme, c'est que lesméthodes d'action qui s'étaient imposées sous l'Em-pire, perdaient de leur nécessité sous un régime deliberté républicaine et de domination bourgeoise.L'ennemià déloger n'était plus un homme, plusmêmeune clique, mais une classe, — et quelle classe! cette,classe capitaliste, née de la grande industrie, qui n'apas besoin de gouverner pour régner, parce que lapropriété des moyens de production lui assure unpouvoir de fait qui prime tous les pouvoirsde droit.

    Il ne vit pas assez' pratiquement que l'action demasse, la lutte de classe des prolétaires avait pourcondition absolue la création de fortes organisationsdisciplinées, et que ces petits partis socialistes dontavec un certain agacement il déplorait le sectarismequerelleuret l'agitation souvent brouillonne,n'étaientpourtant ni des « écoles» ni des « chapelles ». Ellesétaient des formations historiques nécessaires, reflé-tant des couches différentes d'un prolétariat mal uni-fié encore; elles étaient les cellules génératrices decette grande union socialiste qu'il appelait du fonddu cœur. Il l'appelait, il la voulait, il la prêchait auxmasses, mais comment? par-dessus la tête des chefs!— Conception utopique doublée d'une fausse ma-nœuvre, qui ne pouvait rien rendre et qui ne renditrien. Car les « masses» sont liées aux « chefs »,comme les chefs le sont aux masses, par toute unemystique de confiance mutuelle; et qui tente de bri-ser le lien est voué à l'échec certain.

    Lissagaray rapprit à ses dépens. Ayant rêvé,quinze ans trop tôt, de former en France le grandparti unique du socialisme, il ne fut suivi par per-sonne. Il avait cru que « l'échec de l'union des cha-pelles », en déblayant le terrain, laisserait le champlibre à une « vaste union révolutionnaire ». Finale-ment il eutcontre lui toutes les « chapelles ». Gues-distes, possibilistes, anarchistes, l'accusèrent d'uneseule voix d'aspirer à la dictature et, ce qui étaitvrai, de ne parler qu'en son nom. Les « masses» nerépondirent pas à l'appel et finalement la « Bataille»disparut. Il n'était déjà plus alors au pouvoir d'unhomme — fût-il un véritable chef - de réaliser àlui seul l'unité socialiste. L'unité - et c'était évi-demment tant mieux — ne pouvait être l'œuvre quedes masses elles-mêmes, ou plus exactement de cespetits partis ouvriers aux allures de sectes, sur lecompte desquels Lissagaray se trompait et dont iln'a pas su discerner, sous l'agitation de surface, l'ac-tion en profondeur (3).

    (3) Il lui arriva cependant d'écrire une fois (7 jan-vier 18&5) : « Les divisions du parti révolutionnairesocialiste, loin d'accuser son impuissance, attestentau contraire qu'il a pénétré sous différentes formesdans toutes les couches de travailleurs. Jamais lessocialistes ne furent plus divisés en sectes et en

  • En matière de révolution, dès 1885, les temps del'individualisme étaient passés, ceux de l'organisa-tion et de la discipline étaient venus. L'erreur de Lis-sagaray fut de penser qu'on pouvait promouvoir larévolution socialiste selon les méthodes traditionnel-les de la révolution démocratique. Journaliste, ora-teur, il a cru avant tout à la force active des idées.Les idées n'ont de force qu'incarnées dans des égli-ses, des sectes, des armées, — des partis! Elles netriomphent que par l'organisationet la règle. La ré-volution socialiste a,sans nul doute, besoin de chefs,et qui commandent; mais ses chefs sont élus, contrô-lés, soumis à une exacte discipline. Les chefs qui sedésignent eux-mêmes, et qui d'ailleurs, ne trouventplus de soldats, la révolution socialiste n'en a quefaire et les rejette, s'appelassent-ils Lissagaray.

    L'individualisme, Lissagarayle poussait si loin que« pour tout l'or du monde, selon Cipriani, il n'auraitjamais écrit un article pour un journal qui ne fût pasà lui. Il aurait préféré être le premier dans une petitefeuille de province que le deuxième dans le plusgrand journal du monde ». Il était fier, cassant, auto-ritaire et batailleur. Il n'avait, à la fin de sa vie sur-tout, que de rares intimes et frayait avec peu de gens.Un homme si mal accommodant ne pouvait se plierà une discipline. Il avait pour devise: « Frangar, nonflectar » (1).

    Et voilà bien pourquoi la mort, quand la mort estvenue, l'a pris tout entier, pourquoi l'oubli s'est faitsur ce nom un moment populaire. Tandis qu'unGuesde, un Jaurès, un Vaillant et tant d'autres conti-nueront à vivre aussi longtemps que le parti qu'ilsont servi vivra! — Et c'est le cas de redire, avecl'Ecclésiaste: « Malheur à celui qui est seul! »

    ***Ne faut-il voir en lui qu'un républicain d'autrefois

    égaré dans le socialisme? En aucune façon. Quand,en juillet 1880, après neuf ans d'exil, Lissagaray re-trouve la France, il y a beau temps qu'il a tourné ledos au programme de Belleville. La marche des évé-nements et le contact de Marx — auquel il gardera,au dire de Gérault, une inaltérable amitié — ont faitdu radical avancé qu'il était avant la Commune, unsocialiste révolutionnaire, mais d'une note et d'unenuance très personnelles, où se réfléchissent ses ori-gines et son passé. Cette note, cette nuance, il fauttâcher de les définir.

    C'est un tableau des plus bigarrés qu'offre le so-cialisme français, en cette année 1880. Les travail-leurs n'ont pas attendu le retour des proscrits pourformer un parti à eux. Ce « nouveau parti », dontBenoît Malon, avec son sérieux ordinaire, va tenterd'éclaircir la doctrine en une brochure qui se laisseencore lire, est sorti l'année précédente (octobre1879) du congrès de Marseille et, par tout le paysdécoupé en fédérations régionales, il s'organise fié-vreusement.

    Toutes les tendances, qui bientôt s'entre-déchire-ront, s'y trouvent encore réunies: guesdistes deécoles que la veille de 1848; jamais ils ne formèrentcependant une phalange plus redoutable aux aristo-crates. Regardez donc, hommes de peu de foi, et dece cratère où s'agitent tant d'éléments divers, vousne verrez sortir qu'une même lave. »

    (1) On me brisera, on ne me fera pas plier.

    l' « Egalité », possibilistes du « Prolétaire », anar-chistes de la « Révolution sociale ». On se chicanedans les groupes, mais on fait bloc, au dehors, con-tre l'ennemi commun.

    En présence de ce bloc « essentiellement proléta-rien dans ses principes et dans ses buts », que vontfaire les revenants de la Commune? Beaucoup sejoindront à lui: ce sont pour la plupart des ouvriers.Mais un grand nombre aussi préféreront former uneorganisation à part, et ce sera l' « Alliance socia-liste républicaine », faisant appel, au nom d'une doc-trine incertaine, « à tous les hommes de bonne vo-lonté ». — Quant aux blanquistes, avant commeaprès la mort du Vieux, ils se tiendront à l'écart detous les autres groupes, forgeant sans bruit une armede conspiration et de combat bien à eux: le Comitérévolutionnaire central.

    Entre Alliance et Parti Ouvrier, entre les vieuxqui se réclament de la Commune, des services ren-dus, et les jeunes qui ne croient qu'à la lutte de classeet proclament la déchéance de la bourgeoisie, l'en-tente n'était guère possible. La guerre fut bientôt dé-clarée. Le sort de l'Alliance socialiste, qui retardaitd'au moins dix ans, était réglé d'avance: elle netarda pas à se disloquer, laissant le Parti Ouvriermaître du champ de bataille. Mais à ce momentmême, les discussions qui rongeaient le « nouveauparti» éclatèrent au grand jour, et l'ère des scis-sions commença: scission des syndicaux « barbe-rettistes », scission des anarchistes ennemis du bul-letin de vote. A la fin de 1880, il ne restait plus dansle Parti Ouvrier que les seuls « collectivistes », eux-mêmes divisés en deux clans: les révolutionnaires,avec Guesde, Lafargue, Deville, les « possibilistes »,avec Brousse, Joffrin, Chabert. Et de nouveau lascission fit son œuvre: à partir de 1882, il y auradeux partis ouvriers, acharnés à s'entre-détruire.

    Que Lissagaray, au spectacle de ces rivalités dé-plaisantes, ait été renforcé dans ses idées d'indépen-dance, on incline à l'en excuser. Ce qu'on a peine àcomprendre, c'est qu'il n'ait pas rejoint les blanquis-tes — Eudes, Granger, Vaillant, — avec lesquels,en somme, il se trouvait avoir le plus d'affinitésvraies: comme eux fils de la tradition révolution-naire qui remonte à Babeut et, par certains côtés, àHébert, comme eux sans Dieu ni maître, comme euxfervent du coup de force, comme eux enfin, la têteet le cœur pleins des souvenirs de la Commune. Cequi l'en détourna, ce dut être, je pense, son peu depropension pour l'organisation fermée, la disciplinerigide, l'action méthodique et réglée où tout se dé-cide à la majorité des voix.

    Son goût violent de la liberté, son mépris affichédes méthodes parlementaires l'auraient rapprochédes anarchistes. De fait, il aimait, admirait Reclus etKropotkine, appuyait les descentes dans la rue dessans-travail, mêlés aux « compagnons », faisait d'unanarchiste comme Crié son secrétaire de rédaction.Mais il repoussait l'ensemble des doctrines anarchis-tes, affirmait avec force la nécessité historique del'autorité, préconisait le bulletin de vote, et maintesfois fit acte de candidat.

    Lissagaray représente, parmi les socialistes de sontemps, la fusion du socialisme moderne et de la vieilletradition démocratique et républicaine. Il voit dansle socialisme le prolongement de la Grande Révolu-

  • tion. Il écrit, en un bref apophtegme: « Notre pro-gramme: continuer la Révolution française, affran-chir le travailleur. » (14 septembre 1885). Et cesera, quinze ans plus tard, le point de vue que dé-endra Jaurès quand il écrira — par exemple — que-jusque dans le droit révolutionnaire bourgeois,dans la Déclaration des droits de l'homme, il y a uneracine de communisme.» (1)Avec les hommesd 93, avec les encyclopédistes, avec les huma-ni.stes de la Renaissance, Lissagaray poursuitavènement de la liberté, l'émancipation de la per-sonne humaine. La fin suprême du socialisme, c'estde faire des hommes libres. Où l'individualisme aéchoUé, asservi qu'il était à l'intérêt bourgeois, le so-cialisme réussira parce que, voulant la fin, il veutaussi le moyen:l'expropriation capitaliste. A Cle-menceau condamnant le programme socialiste aunom de la liberté individuelle, Lissagaray répond parcette profession de foi:f

    « Nous voulons, sachez-le, la liberté individuelletondée sur la triple base:

    « du développement intégral de l'individu;« de la désindividualisation de l'outillage, que

    nous considérons comme national;« et de la libre jouissance des produits du travail

    Pour ceux qui les créent.« Le socialisme n'est pas seulement conciliable

    avec la liberté individuelle, il en est la conditionunique, parce que, seul, ilpeut assurer à chacun et àtous leur maximum de jouissance. »Ainsi, loin de dresser le socialisme en bataillecontre la démocratie, Lissagaray s'efforce au con-faire d'infléchir vers le socialisme rédempteur toutCe que la démocratie peut contenir encore de forcesViVes. Sa critique du radicalisme consiste générale-ment à lui opposer ses propres principes, à montrerque, poussée à ses conséquences dernières, la doc-tlne radicale aboutirait naturellement à l'appropria-ion collective des instruments de travail, à la « dé-sindividualisation de l'outillage », bref à la Répu-blique sociale. Mais il se sépare des radicaux quand,avec le parti ouvrier, il fait du prolétariat révolu-lonnaire le réalisateur de la démocratie. D'ailleurs,a cet égard encore, des plus enclins à l'éclectisme: ilne désespère nullement, en effet, de voir s'opérer ànouveau dans l'avenir la conjonction de la petitepurgeoisie avancée et du prolétariat. La Commune

    n a-t-elle pas été à la fois l'œuvre des petits bour-Qeois jacobins et des travailleurs socialistes ? Deles-cluze et Varlin ne sont-ils pas morts pour la mêmeCause ?. « La révolution du 18 mars était aussi unrappei au devoir adressé à la petite bourgeoisie. Ellemisait

    : Réveille-toi, reprends ton rôle initiateur; sai-sis le pouvoir avec l'ouvrier et remettez tous les deux* France sur ses rails. » Ces lignes sont de 1876.belles qui suivent, postérieures de vingt ans, mar-quent bien la continuité de la pensée: « Après avoiraté d'une masse de docteurs, l'ouvrier des villes et

    es champs a fini par témoigner d'une idée, d'uneolonté propre, — se soigner lui-même; après de0ngues hésitations, la petite bourgeoisie refouléeans le prolétariat par les puissances financières, ani par comprendre l'identité des intérêts. La sou-Ure est presque faite entre ces deux classes qui

    d) JsMvto, Etiu4o foeiaUetea, p, 140;

    constituent — parce qu'elles seules produisent — levéritable peuple français. »Tel est ce socialisme profondément démocratique,

    et par là même, si je puis dire, spécifiquement fran-çais. Il emprunte à la grande tradition de démocratiequelques-uns de ses traits distinctifs: son antimili-tarisme foncier, son esprit laïque et libre penseur, unanticléricalisme qui plonge ses racines très loin dansle passé national, cette idée enfin que l'émancipationpolitique par la démocratie et l'émancipation des cer-veaux par la raison et par la science sont les deuxaspect d'un même processus historique. Et, en ceciencore, Lissagaray devance Jaurès, mais il se dis-tingue de lui par la fougue de son sentiment révolu-tionnaire — ou plus exactement insurrectionnel. Lesuffrage universel, excellent moyen pour rallier lesmasses, Lissagaray, sans doute, y consent; le fusiln'en reste pas moins, à ses yeux, le vrai libérateur.C'est le fusil, c'est la force, «qui aura le derniermot.» (2) Etrange ironie des circonstances! Lissa-garay, qui risqua vingt fois sa vie, est mort de ma-ladie, dans sa chambre à coucher; Jaurès, dont l'évo-lutionnisme généreux serefusait à croire à la fata-lité de la violence, a péri sous le revolver d'un as-sassin!

    J'ai tâché de restituer au socialisme de Lissagaraysa véritable figure. Je ne voudrais pas qu'on pûtcroire, pourtant, que le mouvement ouvrier modernefut étranger aux préoccupations de son esprit. J'ex-trais de la «Bataille»quelques lignes qui nous le mon-trent suivant avec un intérêt minutieux les premièresdémarches de ce qui deviendra plus tard le syndica-lisme révolutionnaire.

    La chambre syndicale des menuisiers venait de pu-blier la « Varlope », et Lissagaray d'écrireà ce sujet:« On ne connaissait, jusqu'à présent, en fait d'orga-nes corporatifs, que cinq ou six publications, toutesopportunistes et quelques-unes quasi réactionnaires.L'organe de la chambre syndicale des menuisiers estle seul franchement révolutionnaire, tout en restanttechnique, qui se soit fondé depuis de nombreusesannées. Nous souhaitons que l'exemple de la « Var-lope » soit imité; nous souhaitons ardemment quetoutes les industries, tous les corps de métier soientreprésentés par des organes ouvriers que dirigerontdes ouvriers traitant les questions techniques enmême temps que celles d'intérêt général. Nous appe-lons de tous nos vœux la décentralisation de lapresse socialiste opérée par les organes corpora-tifs. »

    Lissagaray constate ensuite que, des trois ou qua-tre journaux socialistesde l'époque, un seul peut-être— le sien — est franchement révolutionnaire et vitde ses lecteurs, « non du caprice de commanditairesromantiques»(3). Seulement « ces journaux sontnuls au point de vue des revendications de métiers

    (2) « Le parti révolutionnaire socialiste, dit-il àClemenceau (Bataille, 23 juillet 1885), n'est point unparti de casse-cou dont toute la tactique consiste àdépaver les rues. Vous savez bien que s'il professeque la force est la seule accoucheuse des idées, il neconfond pas la force avec le délire. Le coup d'épauleest pour lui l'acte final; il neveut pas le donner àfaux. »

    (3) Allusion évidente auprofesseur Guebhard, qU')*ttbv«ntkmnaitte Cri du Peuple*

  • par lesquelles on fait sûrement la conquête desmasses.»

    Après quoi, Lissagaray continue:« Si les travailleurs veulent entreprendre cette

    œuvre, ils auront plus fait eux-mêmes pour leur af-franchissement que nous ne ferions en cinquanteannées par nos études générales et souvent igno-rantes. Ils démontreront ainsi leur supériorité surleurs porte-voix actuels et surtout sur leurs patrons.Le jour où les mécaniciens, les charpentiers, les ma-çons, les mineurs, les serruriers, les tisseurs, les voi-turiers, les employés du fer, etc., etc., auront leursorganes corporatifs rédigés par des mécaniciens, descharpentiers, des mineurs, etc., etc., le parti ouvrierrévolutionnaire sera réellement fondé.

    « Qu'ils ne s'inquiètent pas des obstacles. La créa-tion d'une feuille hebdomadaire ne coûte presquerien, et les intéressés sauront fournir la rédaction.Les ouvriers d'autrefois croyaient qu'ils devaientécrire comme les journalistes bourgeois, c'est-à-direprétentieusement; ils en sont revenus; appelant au-jourd'hui les choses par leur nom, ils les appellentbien.

    « Les menuisiers de la « Varlope» viennent de leprouver. Ils ont une langue claire et vigoureuse, unelangue prolétarienne; c'est la bonne. Qu'on les suive.Ils sont les vrais journalistes révolutionnaires del'avenir. (1)

    J'aurai probablement tout dit quand j'aurai faithonneur à Lissagaray d'une de ses initiatives où serévèle le mieux l'originalité de son action. D'êtrevenu au socialisme par les chemins de la démocratie,comme d'autres y viennent par la réflexion doctri-nale, il avait gardé un sens plus précis et plus vif dela valeur propre des idées, de l'art, de la beauté, dela curiosité scientifique, bref des choses de l'esprit etdes choses du cœur. Son idéal était l'homme com-plet. Jecrois qu'il fut le premier à faire aux lettres etaux arts une place dans le champ des préoccupationssocialistes.

    N'importe-t-il pas au succès de la Révolution quela bourgeoisie soit délogée de toutes les positionsqu'elle occupe? Elle ne domine pas que l'économie,elle ne contrôle pas que la politique. Sa volonté depuissance s'étend encore aux domaines spirituels oùla classe ouvrière, dans sa timidité, n'a pas ten-dance à pénétrer. Lissagaray comprit la néczssité,sinon d'un art socialiste, du moins d'un art social— et donc doublement humain, d'un art ouvert àl'idéologie des temps nouveaux, accessible au peupleau lieu de lui être fermé. Il contribua ainsi à élargirl'horizon des revendications et des batailles declasse. J'ai noté, dans la première«Bataille» un articlede lui sur le théâtre populaire. A la seconde« Bataille»,il se fit un entourage de jeunes écrivains, leur appre-"nant « à ne pas se restreindre aux formules esthé-tiques» (2), à secouer le joug des préjugés de l'artpour l'art. Camille de Sainte-Croix fut invité à ré-diger chaque semaine une « Bataille artistique et lit-téraire », qu'il continua plus tard à la « Petite Répu-blique ». Ainsi fut créé, grâce à Lissagaray, un petitfoyer d'intellectualité rayonnante, en même temps

    (1) Bataille, 2 mars 1895. Peu après la Varlopeparut le Tire-pied.

    (2) Camille de Sainte-Croix, Petite République.89 janvier 19011

    qu'un centre actif de résistance aux manœuvres duboulangisme qui, ayant de l'or plein ses caisses,cherchait à s'attacher les gens de lettres: « Il étaitpartout, dans les cénacles d'art, dans les adminis-trations de journaux et de revues. De jeunes espritsmal avertis, séduits par des promesses de places, decandidatures, de gratifications, en étaient à se de-mander si la route à suivre n'était pas celle-là. » La« Bataille» qui barra si rudement aux bandes boulan-gistes le chemin des faubourgs, réussit, en outre àpréserver de jeunes intellectuels des atteintes de laréaction. Utile exemple, qui, aujourd'hui encore,pourrait être, par nous, médité et repris.

    I ***Dans la « Bataille» du 10 août 1885, Lissagaray a

    consacré un article à Auguste Blanqui, dont on al-lait, au Père-Lachaise, inaugurer le monument. Ilsemble qu'en évoquant la mémoire d'un homme quile dépasse à maint égard, l'auteur ait fait un retoursur lui-même, tant son jugement sur Blanqui s'appli-que dans l'ensemble à sa propre personnalité.

    Détachons-en quelques lignes: « Ce qui rend im-périssable sa mémoire, c'est qu'il est un des très raresFrançais de ce siècle qui ont compris, continuél'œuvre émancipatrice de la Révolution française. Dujour de sa première barricade, en 1827, jusqu'à sadernière heure, il n'y a pas une lacune dans sa vie,pas une paille dans son œuvre.

    « Quand, du volcan de Février, le vrai prolétairesortit, non pas l'être sensible qu'avaient inventé lesidéologues révolutionnaires, mais l'être de besoin etde logique que la misère a fait, on vit, épouvantéspar cette bête énorme qui menaçait de les dévorer,eux et leurs romances, les anciens persécutés de labourgeoisie charger avec elle ce monstre, qui n'étaitpas leur Révolution classique. Un seul homme restaavec le monstre, Blanqui. Là où les essoufflés de labourgeoisie révolutionnaire voyaient la fin dumonde, il comprit, lui, que la Révolution commençait.

    « Vingt ans, trente ans s'écoulent et trouvent tou-jours cet homme au niveau de l'instinct populaire.Etudier, comprendre les mouvements des masses,surtout ne les désavouer jamais, pas plus qu'on nepeut désavouer les forces de la nature, telle fut sonapplication constante. Aussi quand il mourut, Blan-qui était aussi ardent à la lutte qu'au matin de savie, parce qu'il voyait de jour en jour plus loin dansle champ de bataille. »

    Lissagaray, aussi, était un fils de la Révolutionfrançaise; le peuple obscur des sans-culottes, lafoule sans nom du 14 juillet, du 10 août vivait enson cœur d'insurgé. Lui aussi - après mai.71 —fut des rares républicains qui restèrent avec le« monstre» mitraillé, sanglant et chargé d'opprobre.Lui aussi sut continuellement se tenir « au niveaude l'instinct populaire ». Lui aussi, à mesure qu'ilavançait dans la vie, « voyait de jour en jour plusloin dans le champ de bataille ». Le cas n'est pastellement vulgaire d'un combattant de cette trempepour qu'on laisse son nom se perdre dans l'oubli.Lissagaray, comme Blanqui, a servi la Révolution aulieu de s'en servir. Il est mort dans les plis de sondrapeau, méritant qu'on dise un jour de lui, commede Blanqui: Il a vécu « sans peur, sans reprocheet sans illusion.»

  • « Sans illusion» : que d'amertume cachée, de mé-lancolique lassitude, au fond de ces deux mots quisont de lui!

    Lissagaray restera l'historien classique, 'le Miche-let de la Commune. D'autres sont venus après lui,qui ont repris le sujet, repétri la matière: GeorgesBourgin, Edmond Lepelletier,C.Talés. N'oublionspas non plus Maxime Vuillaume, mémorialiste etchroniqueur de premier ordre, étonnant glaneur depetits faits, ni Lucien Descaves qui applique au ro-man les procédés de l'histoire (son « Philémon» est,dans ce genre, un authentique chef-d'œuvre, où batle cœur de la Révolution du 18 mars). M. Laronzenous donnait hier une étude minutieuse des servicesde justice et de police sous la Commune, et G. Bour-gin achèvera bientôt, espérons-le, de mettre au jourle texte complet des procès-verbaux d'Amouroux.

    D'autres sont venus. Aucun ne passe Lissagarayen vérité, ne l'atteint en vigueur, en éclat, en inten-sité pathétique; aucun n'a ressuscité comme lui, danssa misère

    etdans sa gloire, la sanglante et sublime

    Aventure.C'est forcer la mesure que de l'appeler, comme

    l'enthousiaste Cipriani, « le Tacite de la Commune ».Le Tacite de la Commune, ce serait plutôt KarlMarx dont la« Guerre civile en France»,écriteau len-demain des événements, est l'œuvre d'un philosophede l'histoire qui serait en même temps pamphlétaire.Mais il y a dans Lissagaray des traits appuyés etâpres qui sont dignes, en effet, de Tacite.

    Cette« Histoire» a étéla grande pensée de son âgemûr. Elle l'a occupé vingt-cinq ans. Il n'a cessé, de-puis les«Huit journées de mai», de la retravailler,col-ligeant de toutes mains les documents nouveaux, vé-rifiant les anciens, confrontant entre eux les témoi-gnages. Il n'y a pas d'autre méthode. Les historiensprofessionnels qui se défient du sentiment et crai-gnent la passion comme le feu, peuvent chicaner surle ton adopté par le narrateur, qui rappelle parfoisd'Aubigné, parfois aussi Juvénal. Mais le ton nefait pas la chanson, et l'objectivité — qui n'est quele devoir de bien lire les faits et de mettre toutechose en sa place — n'a rien à voir avec cette indif-férnce de glace que recommandent Taine et Fustel,et que le premier a si mal pratiquée.

    Entre un Maxime Du Camp, juché sur la tour -la tour pointue, si j'ose dire! — d'une documentationpolicière formidable, et un Lissagaray, qui lui aussia pris parti et qui le dit et qui le crie, l'historien,c'est Lissagaray. L'autre, l'académicien, n'est qu'uncalomniateur systématique, bête et méchant. L'im-partialité parfaite, dont Fustel disait joliment qu'elleest la chasteté de l'histoire, :— peut-être y atteindra-t-il, celui-là qui prend « pour sujet les révolution.!de Florence ou d'Athènes» (1). Mais à qui entre-prend d'écrire les révolutions d'hier, toutes palpi-tantes encore de passion et de vie, ne demandez pasd'être impartial. Au reste, « l'impartialité parfaite»n'est pas plus indispensable à l'histoire — qu'il nefaut pas confondre avec la pure érudition — que lachasteté elle-même. On ne demande à l'histoire qued'être juste et vraie, et la meilleure histoire du Deux-Décembre sera toujours les « Châtiments ».

    (1) Tahuh

    L' « Histoire de la Commune» est-elle vraie? Toutest là. Qu'elle renferme quelques erreurs de détail,c'est possible. J'en ai, pour ma part, relevé plusieurs.Ce qui importe, c'est que ces erreurs ne portent paspréjudice à la vérité de l'ensemble. Dans vingt ans,quand quelque érudit chartiste, armé de besicles etde patience, aura procédé à unémondage en règle,on peut être certain que l'œuvre de Lissagaray, nul- vlement modifiée dans ses lignes, subsistera. Enpeut-on dire autant des « Origines» de Taine, -un grand livre pourtant et d'un puissant cerveau?

    L' « Histoire de la Commune» est vraie, de laseule vérité qui compte: la vérité de l'ensemble.Sans doute n'a-t-elle pas tout dit. Il reste à éclairercertains dessous obscurs, à explorer certains recoins,à désembroussailler certaines figures. Ce seral'œuvre de l'avenir, quand les archives auront livrétous leurs secrets. Lissagaray n'a pas tout dit, parceque, du camp qui fut le sien, il a beaucoup deviné,mais il n'a pas tout su. Ila ignoré, par exemple, queThiers et Bismarck, grands amis de l'ordre tousdeux, étaient d'accord pour écraser la révolutionparisienne, que le second n'a cessé d'exiger du pre-mier une répression rapide, qu'il y a concouru deson mieux en hâtant le retour des prisonniers d'Alle-magne, qu'elle était, cette répression, une de ses con-ditions de paix. Nous savons cela aujourd'hui. Larévélation est récente et elle est d'importance. Maischange-t-elle quelque chose à la vérité déjà connue?Je n'en crois rien.

    La preuve qu'on peut être historien sans cesserd'être partisan, c'est que Lissagaray a été l'un etl'autre. Sa méthodeest d'ailleurs la pure méthode del'histoire: il rassemble les faits, les classe, les hiérar-chise ; il en cherche les causes, les antécédents, lesconséquences,pèse le tout et, pour finir, conclut. Quevaut la conclusion? Ce qui est incontestable, c'estque nul ne l'a démolie, tant les considérants et ledispositif en sont solides (2). Nous sommes loin, ausurplus, d'une apologie systématique. Au contraire,tout au long au livre, l'auteur s'appesantit sur lesfautes de la Commune, qui furent des plus lourdes et'accélérèrent la débâcle finale. — Fautes militaires:comme de n'avoir pas occupé le mont Valérien,d'avoir hésité tant de jours à marchersur Versailles,de n'avoir pas à temps couvert Paris d'un réseau debarricades. Fautes gouvernementales: commed'avoir toléré les empiétements du Comité Central,l'incapacité et la mollesse du commandement, le dé-sordre dans l'administration, et surtout — faute desfautes! - d'avoir, par un scrupule de légalité,étrange chez des révolutionnaires, respecté la Ban-que de France dont les millions pouvaient tout sau-ver: «Elle (la Commune) abolit le budget descultes. et resta en extase devant la caisse de lahaute bourgeoisie qu'elle avait sous la main. »

    Pour les hommes pris individuellement, du moinspour certains hommes, Lissagaray n'était pas moinssévère, et telles réputations descendent de la sellettequelque peu détériorées: celle de Félix Pyat aura

    (2)« Ai-je voilé les actes, caché les fautes duvaincu? Ai-je falsifié les actes du vainqueur? Que lecontradicteur se lève, mais avec les preuves. » Trenteans aprèsce défi, aucun contradicteur ne s'est encorelevéi

  • peine à s'en relever. Romantisme révolutionnairechez les uns, singerie du jacobinisme chez les autres,incontinence oratoire chez beaucoup, manie de légi-férer, « d'être un petit parlement bavard, brisant lelendemain, au caprice de sa fantaisie, ce qu'il a faitla veille» tous ces travers, toutes ces défaillancessont dénoncés par un citoyen décidé à ne pas sepayer de légendes et qui écrit non pour qu'on ad-mire, mais « pour qu'on sache ». La sympathie deLissagaray pour Delescluze, ce grand vieillard qu'ilvénère, ne l'empêche pas d'incriminer durementl'ordre du jour fameux (« Assez de militarisme!.Place au peuple, aux combattants aux bras nus! »),où le ministre de la guerre de la Commune, répu-diant toute organisation, toute discipline, introdui-sait, au moment décisif, l'anarchie dans les rangs desfédérés.

    Lui qui ne redoute pas la dictature, qui l'appelleau contraire comme la nécessité de l'heure — et quise fût senti capable, au fond, de l'exercer, il est im-pitoyable envers le Comité de Salut public, « paro-die du passé, épouvantail à nigauds », pauvre simu-lacre de dictature, sans force et sans autorité! Est-ceà dire qu'il partage contre ce pâle Comité les anti-pathies de principe de la minorité socialiste de laCommune? Ce qu'il lui reproche surtout, c'est den'avoir été qu'un nom, un reflet, une ombre, c'est den'avoir rien fait pour justifier son existence et pro-longer les jours de la Commune. Entre la minoritéet la majorité, il a quelque peine à choisir. Des torts,il y en eut des deux parts, et des insuffisances, et deserreurs. La minorité, il est vrai, comptait davantaged'hommes de vraie valeur, mais terriblement « ergo-teurs », drapés dans leurs principes comme dans undrapeau, inaptes à concevoir que « la Communeétait une barricade » et que la guerre civile exigeavant tout qu'on se batte. Pas plus que la majorité« révolutionnaire », la minorité « socialisée » ne futvraiment à la hauteur de la situation terrible. En-core convient-il d'être indulgent à ces hommes aux-quels ce qui a le plus manqué, c'est le temps. Lissa-garay se garde bien de ne les juger que sur leurs pe-titesses : en regard, il met les grandeurs. La dis-corde qui soufflait, dit-il, « cessa cependant — quele peuple le sache en même temps que leurs fautes —quand ils songèrent au peuple, quand leur âmes'éleva au-dessus des misérables querelles de per-sonnes. Tous les décrets socialistes passèrent àl'unanimité; — car, bien qu'ils aient voulu se dif-férencier, ils furent tous des socialistes. Et nul,même au plus fort du péril, n'osa parler de capitu-lation. »

    Ni majoritaire ni minoritaire, avec qui donc Lis-saqaray est-il ? Avec le peuple.

    Ici encore, il a raison. C'est le peuple, et lui seul,qui a fait la Commune. Soulèvement spontané de lamasse anonyme, « réponse instinctive d'un peuplesouffleté », le 18 mars n'a rien à voir avec les Co-mités qui pullulaient dans la capitale et dont aucun,pas même le Comité Central, n'a ni prévu, ni pré-paré, ni dirigé les événements. Le mérite des Comi-tés, qui n'est pas mince, ce fut d'emboîter le pas aumouvement parti d'en bas, de lui prêterune voix,des idées, de rester solidairesdesfauteurs inconnus.Le Comité Céfitrai, avant la Commune et mieuxqu'elfe,sut iaita MtQit, « décriées Gel conflit pour Un

    libertés municipales, la question du prolétariat. »Mais c'est le peuple qui, de lui-même et sans obéirà personne, a tout fait. C'est lui qui, durant des se-maines, versait son sang aux avant-postes et dansles forts; lui qui, sans mot d'ordre d'en haut, sanschefs, abandonné à son instinct de classe, défendaitses faubourgs rue par rue, maison par maison; luiqui, collé au mur, tombait sans proférer un cri sousle feu de peloton des lignards en furie.

    Voilà ce que Lissagaray a su voir et su dire, avecune incomparable force. Son héros de prédilection,ce n'est pas Delescluze, ce n'est pas même Varlin;ce sont ces milliers d'humbles gens, dressant contrela ruée versaillaise la muraille de leurs poitrines. Desgrands hommes, c'est vrai, la Commune n'en a paseu; des chefs, à peine en avait-elle. Mais « c'estprécisément la puissance de cette révolution d'avoirété faite par la moyenne et non par quelques cer-veaux privilégiés. » — Sa puissance peut-être, safaiblesse aussi.

    L' « Histoire de la Commune» est un hymne à lagloire des ouvriers parisiens en même temps qu'à lagloire de Paris. La France est une religion, disaitMichelet. La religion de Lissagaray — la seule -,c'est Paris. Pour glorifier la Cité révolutionnaire,« qui avait fait trois Républiques et bousculé tant deDieux », il trouve par occurrence des accents dignesd'Hugo. Ouvrez ce livre au chapitre XXV, lisez-enles premières lignes. Ce chant d'amour ne vous rap-pelle-t-il pas tels vers du grand poète:

    « 0 Ville, tu feras agenouiller l'histoire. »« On tuerait l'univers si l'on tuait la Ville. »

    C'est que, l'esprit hanté des souvenirs de la Révo-lution française, Lissagaray a toujours cru — commeMarx avant 48 — que la révolution universelleéclaterait au chant du coq gaulois. Mais le coq gau-lois, coq citadin, ne chantait vraiment qu'à Paris; cen'était certes pas des campagnes, courbées sous lehobereau et le prêtre, que pouvait jaillir l'étincelleincendiaire, ce ne pouvait être que de Paris. — Ettout cela était encore vrai, peut-être, au temps deLissagaray. Cela ne l'est plus aujourd'hui. La révo-lution russe de 1917 a montré, entre autres grandeschoses, que Paris n'est plus, dans le monde trans-formé par le capitalisme, l'unique foyer propagateurdu feu sacré. Pour la révolution comme pour la cul-ture, les peuples se passent de main en main latorche et le flambeau.

    AMÉDÉE DUNOIS.

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    i Le jeudi 2 mai, à 17 heures êê à la Bourse du Travail (Salle Eugène Varlin), êI 3, rue du Château-d'Eau, Paris

    la Section de la Seine du Syndicat national §= des Instituteurs et Institutrices =ê organise une réunion sur ê| L'HISTOIRE DU PREMIER MAI I

    [par PIERRE MONATTE

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    E Les lecteurs de la R. P, sont cordialement invi- |E tés à cette réunion. 1iMHWillMIHIIHIHIIHIHIMIWHIlilMIHIHIKIlUIIIIIIHWMHUWIHIIINIHIWINHHWNtl

  • A travers les Livres.Jean Guéhenno.

    — CALIBAN PARLE (Grasset éditeur).Caliban — gosier populaire — parle. Il a la voix go-guenarde, rude et pourtant calme et précise. La voixde quelqu'un aux épaules larges. Et qui n'a pas besoinde s'égosiller pour se faire entendre.l

    «Je suis l'artisan et la dupe des révolutions. J'assurela victoire des autres, mais ne suis moi-même jamaisinctorieux. La révolution faite, je me retrouve toujoursa la porte du palais, comme un domestique chassé. LeProtocole le veut ainsi: on ne me trouve pas assez dis-tingué. C'est depuis longtemps la même comédie. »Ces mésaventures n'ont point d'ailleurs fait perdrecourage à Caliban: *

    « Nous devons à notre misère même d'être toujourscomme en état de grâce révolutionnaire. » Et il sait qu'ilPorte en lui l'avenir, « que le monde se sauvera ou sePerdra» avec lui.Bientôt voici que la voix de Caliban s'assourdit d'émo-tion :

    « -l'ai failli trahir. Il m'est arrivé de rougir des miens,des pauvres et de toi-même, pauvre entre les pauvres,Sycorax, ma mère. J'ai été tenté de vous trouver laids,grossiers et bêtes et de me savoir gré de ces sentimentsdélicats» car le poison de la culture des maîtres a pé-nétré en lui.La guerre a remis Caliban parmi les siens. Et main-tenant, tantôt ironique, tantôt grondeur, parfois mena-çant il appelle l'Esprit à revenir sur sa trahison.« L'Esprit aura-t-il peur encore? Ne saura-t-il servirQue les maîtres du jour? Renoncera-t-il à l'avenir? »

    Raillerie aux faux-sauveurs qui annoncent la Renais-sance du catholicisme. Brutal, Caliban tranche: « S'ilvient un nouveau Moyen Age, c'est moi qui le ferai etnon pas eux, ma foi et non pas leur foi. »

    Tel est le thème du discours émouvant et humain queCaliban adresse à nos maîtres.Par quelle nécessité faut-il, hélas, que Caliban se sou-tienne trop d'avoir fréquenté M. Renan et par quelleinfortune ce rude gosier ne parle-t-il point davantagela langue de la femme, pauvre entre les pauvres, quifut sa mère? M. Renan a été un bien grand penseur sansdoute, mais qu'a-t-il dit d'essentiel que la mère de Cali-ban n'ait su? Lui, et ses pareils, n'ont qu'habillé d'élo-quence, de subtilité, d'artifice ce que les laboureurs trou-vent le soir devant le feu en tirant sur leur pipe.

    Saluons en « Caliban parle» un grand livre; mesuronsau tressaillement qui a agité le monde de l'Esprit à salecture la force secrète qui en fait déjà une action etattendons le jour où après avoir parlé aux maîtres,Caliban adressera son message à ses frères innombra-bles. — B. GIAUFFRET.Emile Glay et Henry Champeau : L'INSTITUTEUR

    (Bibliothèque sociale dps Métiers, Doin, éditeur).La « Bibliothèque sociale des Métiers» nous a déjàdonné une série de monographiesde grande valeur, dues,

    "u grande partie, à des militants syndicalistes expéri-mentés. L'œuvre de Glay et Champeauappartient à cettecollection. Mais une étude aussi scrupuleuse de l'en-seignement primaire apporte autre chose que des ma-tériaux pour l'édification d'une histoire sociale. Elleéclaire d'un jour assez vif toute l'histoire politique,car c'est dans les préoccupations scolaires qui appa-raissent à une' époque, que l'on discerne le mieux —si l'on veut se donner la peine de chercher « le graindes choses », sous « la paille des mots» — les tendancesmorales de la classe au pouvoir. Les auteurs du livrel'ont certainement compris. Nous n'avons pas à leurreprocher de n'avoir pas tiré les conclusions, qui nousviennent naturellement à l'esprit, de l'étude des docu-ments qu'ils nous livrent. Reconnaissons-leur (je croisque c'est l'éloge qui les touchera le plus) le souci denous donner toujours le texte essentiel, et non la piècecommode qui justifie la thèse.

    L'œuvre se subdivise en trois parties: un historiquede l'enseignement primaire; un large aperçu sur lestendances actuelles de la pédagogie; un exposé som-maire du mouvement corporatif chez lelJ instituteurs,Cette dcrnièro partie nouenomble lasutfljMinte, à plU.

    d'un titre. On y trouve, à peine mentionnée, l'œuvrede cette Fédération des syndicats d'instituteurs, de ceshéroïques pionniers du syndicalisme universitaire dontla Fédération de l'Enseignement a conservé jusqu'ences derniers temps les glorieuses traditions.

    Nous préférons de beaucoup les deux premières di-visions de l'ouvrage. Et nous les recommandons, non.seulement aux instituteurs, mais aux militants ouvriers.

    L'histoire de l'enseignement populaire est presquecomplètement inconnue ou méconnue. Des formules demanuel encombrent notre esprit, à son sujet. On verradans le livre de Glay et de Champeau, que sous l'An-cien Régime, on ne s'est pas toujours désintéressé del'instruction du peuple; que le rôle de l'Eglise n'a pastoujours été aussi néfaste que le laisse supposer unanticléricalisme hargneux; les gouvernements, en inter-venant en.ce domaine, ont toujours été dominés pardes préoccupations politiques; que tous les systèmesd'enseignement, toutes les méthodes pédagogiques quiont vécu, au cours du XIX" siècle, sont sortis de cemagnifique bouillonnement révolutionnaire de 1789-1793;que les lois organiques qui régissent actuellement notreécole primaire ne sont pas nées dans le cerveau fécondde Jules Ferry, mais ne sont que le couronnementd'une longue et difficile évolution — œuvre annoncéeau cours de tout un siècle qui n'a pu aboutir qu'àl'heure marquée par l'histoire.

    Et nous invitons aussi nos camarades ouvriers àsuivre de très près toute la partie consacrée par lesauteurs aux essais actuels d'école active, dont ils par-lent avec une sympathie non dissimulée. Au cours dela lutte que nous avons menée, il y a quelques années,contre la détestable éducation (!?) des pupilles commu-nistes, nous avons été navrés de remarquer que de nom-breux ouvriers révolutionnaires tenaient encore pourdes méthodes pédagogiques, bourgeoises et réaction-naires. Glay et Champeau constatent avec plaisir qu'au-jourd'hui les syndicalistes de l'Enseignement et les pé-dagogues d'avant-garde se sont retrouvés et souventconfondus. C'est vrai, c'est bien, mais c'est encore in-suffisant. C'est à l'ouvrier syndicaliste que l'instituteur— qui est autre chose qu'un pion soumis à ses chefs— doit parler. C'est l'intérêt de la classe ouvrière quil'exige. C'est aussi le souci de faire triompher les idéesnouvelles en pédagogie. Seule, une révolution de classepeut bousculer la vieille pédagogie dogmatique, angu-leuse et terne. Mais que cet espoir fataliste ne nousempêche pas de soutenir, dès aujourd'hui, les précur-seurs — même lorsqu'ils sont Russes — car en Russieil y a eu aussi des essais d'école active, insuffisants etdiscutables, sans nul doute, mais dont les résultatscompteront peut-être parmi les plus solides et les plusprofonds. — Roger HAGNAUER.Elie Richard. — MARCEAU-LA-ROSE (Rieder, édit.).

    L'office de la guerre. Une odeur de graillon, une at-mosphère basse, un sol marécageux. La servitude mili-taire sans aucune grandeur. Et pourtant une ombre quiva et vient attachante: Marceau-la-Rose, meunier mus-clé, bête et narquois; Marceau homme du peuple quine pige rien à ce que l'on veut de lui et dont la simpli-cité prend une allure de révolte naturelle et spontanéeque la machine militaire lui fait un jour durementexpier : « Marceau repose à Bagneux. Sa bière étaitenroulée d'un drapeau. » — B. G.Joseph Jolinon. — LE JOUEUR DE BALLE (Riederédit.).

    Revoilà Claude Lunant, le héros du Valet de Gloire,mais un Claude Lunant d'avant-guerre jeunet et « bête»si l'on veut (mais pas si bête que ça! ); au total unbon bougre dont le sang paysan circule mal dans l'orga-nisation que la petite bourgeoisie préparait pour l'en-fance et la jeunesse et qui étouffe au collège, à lacaserne — puis dans le bourg non parce qu'il est munide théories anti-bourgeoises mais parce qu'il a de lavie à répandre. Il échappe à l'étouffement en flanquantdes coups de pied dans un ballon rond.

    Lunant, bien sûr, pouvait s'évader ainsi de la viebourgeoise en 1913. Mais à présent où le Sport est de-venu un « business» comme un autre, où va-t-il flan-quer ses coups de pied? Les fesses bourgeoises ne sont-eilo point "VHi tentant»# qu'un tartUm « 4'ueoçe »7Fins volumineusessans doute et moitm duroo Ii btn.

  • qu'on risque de ne rien remuer et même de rester lesorteils plantés dedans.

    Mais pourtant, mon vieux Lunant, il faut une conclu-sion à toute chose. Et nous attendons la tienne, celleque les « Revenants dans la boutique » nous promettentdepuis un bout de temps.

    Vas-y mon vieux, entre ton but. — B. G.

    Léonhard Frank. — LE BOURGEOIS (2 vol. Rieder,édit.).Un bourgeois trop sensible, un bourgeois de décadence.

    Sa jeunesse est torturée par l'appréhension de l'injusticesociale: pourquoi le fils du facteur si doué pour lesétudes va-t-il aller ramasser du crottin? Et voilà sajeunesse, dans le sillage de Catherine Lenz, vouée ausocialisme. Mais un jour vient où Catherine,1e lasse etoù paraît Elisabeth. Et notre bourgeois de retournerparmi les siens et de s'enrichir, de s'enrichir encore.Seulement ce bourgeois, je vous l'ai dit, est ridiculementsensible. Sa vie sonne vide. Elle est gâchée, sans signi-fication, perdue. Et voici monter la névrose: Jurgen,le bourgeois, se cherche. Où donc 'est passé le Jurgende sa jeunesse? Allons, une prime à qui le ramènera.

    « Ici on achète: enthousiasme, vérité crue, connais-sance et sacrifice de soi-même» affiche Jurgen à sonportail. Mais nul ne lui apporte ces denrées. Et le bour-geois se lance dans le monde à la poursuite de son Moiperdu — qu'il retrouvera enfin à la porte d'un meetingsocialiste dans la personne d'un petit vendeur de bro-chures : le fils qu'il a eu de Catherine Lenz, dont lavoix sonne dans le silence des masses. — B. G.

    PETITES NOUVELLES-- « Les Tisserands» au Cinéma ,

    Nous pensions annoncer à nos amis la projection, auCinéma du Vieux-Colombier, d'un film tiré de l'œuvred'Hauptmann. Mais voilà que Chiap,pe, préfet de police,— encouragé sans doute par les ordres du jour deconfiance quelui votent certains conseillers municipauxS. F. I. O. — a interdit la projection des « Tisserands ».Quelle honte! quel scandale! -

    Le LissagarayUn retard imprévu de composition a fait que la Librai-

    rie du Travail n'a pas encore expédié la nouvelle éditionde l'« Histoire de la Commune» à ses souscripteurs. Lelivre est maintenant au brochage et les envois serontfaits courant de la semaine prochaine. Rappelons queles souscripteurs n'ont payé ce livre que 12 francs aulieu de 25 francs, son prix de vente. C'est- l'avantagedes éditions par souscription.*

    L'Ecole uniqueL. Zoretti nous écrit avoir lu avec intérêt l'étude de

    Richardsur l'Ecole unique. En même temps, il nouspriede signaler aux lecteurs de la R. P. que son ouvrage« Education », donné par Richard dans sa bibliographiesommaire, est épuisé, mais qu'il en possède encore quel-quesexemplaires dont il pourrait disposer au prix de6 francs. Lui écrire: 15, rue Malfllâtre, à Caen.

    NOUS AVONS REÇUUPTON SINCLAIR: Boston (l'affaire Sacco et Vanzetti).

    1 volume en anglais (Upton Sinclair, Station B, LongBeach, Californie).

    ALEXIS DEMIDOV : Le Tourbillon, roman, traduit durusse, par Maurice-Parijanine, 18 fr. (Editions So-ciales Internationales.)

    VLADIMIR POZNER : 'Littérature russe. Préface de PaulHazard. 20 fr. (Edition Kra.)

    Louis LATZARUS : Un ami du peuple, Monsieur Coty.10 fr. (Librairie Valois.)

    ERICH MUHSAM : Von Eisner bis Léviné (Die Entstehungder bayterischen Rœterrepublik). 90 pfennigs (Fanal,Verlag, Berlin-Britz).

    P.-J. PROUDHON: Lettres, choisies et annotées par DanielHalévy et Louis Guilloux. (Préface de Sainte-Beuve.)15 fr. (Grasset).

    ALBERT CaeMïBwe t Cellule 98* la fr. (Nouvelle Sociétéd'Edition.)

    Emprisonnés, déportés, exilés.

    LE SECOURS-TROTSKY

    A la conférence internationale, qui réunissait, enfévrier, à Aix-la-Chapelle,des délégués du N. A. S. hol-landais, du Léninbund allemand,de l'Opposition commu-niste belge et du groupe français « Contre le Courant »,a été décidée la fondation du « Seeours-Trotsky », destinéà venir en aide aux révolutionnaires défenseurs de ladictature du prolétariat. Un Comité provisoire a étédésigné. Un manifeste a été lancé pour faire appel auxtravailleurs de tous les pays.

    Voici des extraits de ce manifeste:Léon Trotsky a été chassé de Russie.Le Gouvernement russe l'a livré à la contre-révolution

    en l'envoyant dans la Turquie de Kemal-Pacha.Léon Trotsky est en danger!.En même temps que Léon Trotsky, des milliers de

    vieux combattants de Ig, Révolution russe sont déportés,emprisonnés ou tués. Ces mesures. préparent les voiesde la contre-révolution russe.

    Le mouvement révolutionnaire international est me-nacé d'une défaite décisive.

    La lutte de Trotsky pour le maintien de la dictatureprolétarienne contre la politique de liquidation des- diri-geants actuels du Parti Communiste russe et de l'Inter-nationale, sous la direction de Staline, n'est que leprolongement de la tâche à laquelle il a voué toute savie.

    Travailleurs révolutionnaires, organisez avec nous leSecours-Trotsky.

    Fondez partout des Comités Secours-Trotsky.Faites des adhésions dans tous les pays!Recueillez avec nous les moyens matériels pour sauver

    et protéger Trotsky et les autres combattants révolu-tionnaires en danger de mort. — Le Comité Provisoire.

    LE SORT DE MIASNIKOVLa « Volksville » du 10 avril publie un télégramme de

    Miasnikov, qui l'informe de son évasion de Sibérie, où ilétait déporté, et de son arrivée à Téhéran, où il a étéarrêté.Le gouvernement soviétique a demandé au gouver-

    nementpersan l'extradition de Miasnikov; finalement legouvernement persan a refusé cette extradition.

    Miasnikov se trouve donc toujours à Téhéran. Le visapour l'Allemagne lui a été refusé.

    Voilà quel sort le gouvernement de Staline réserve àun militant de valeur comme Miasnikov, qui appartientà l'Opposition ouvrière et que Lénine tenait en grandeestime.

    La « Volksville » ajoute que Miasnikov sera secourupar le « Secours-Trotsky ».

    « Je me place à côté de l'ouvrier conscientqui a fait la Révolution, et qui, dans l'usine,supporte, aujourd'hui, le fardeau d'une cliquede parti et d'une clique syndicale, dont le seulbut est de parvenir et de dominer. Aussi, jene connais ni Trotsky, ni Staline, ni Boukha-rine — c'est-à-dire la gauche, le centré et ladroite

    — mais simplement lesrévolutionnairescapables de rendre demain aux Soviets unpouvoir qui n'estplus, depuis longtemps déjà,un pouvoir prolétarien,

    «Sans quoi, un jour viendra où les mots« communiste» ou « bolchevique» devien-dront, aux yeux du prolétariat, plus odieuxque celui de « social-démocrate ».

    Panait ISTRATL

    « Les Nouvelles Littéraires » (23 février).

  • Notes Economiques

    Deux événements d'une importance capitale

    La création d'un super-EtatOn se rappelle peut-être qu'aucours de l'année 1926

    la « Révolution Prolétarienne » (1) a, à plusieurs repri-ses, attiré l'attention sur les efforts qui étaient alorsfaits pour créer une banque internationale d'émission,banque superposée aux banques d'émission nationales,teilles que la Banque de France, la Banque d'Angleterre,la Reichsbank, etc.,et ayant sur elles la haute main.

    L'instabilité de la valeur du billet de banque qui sévis-sait dans plusieurs pays (c'était l'époque de la grandebaisse du franc français), fournissait, en effet, une occa-sion très favorable de créer cette banque, qu'on présen-tait comme le seul moyen: de stabiliser les monnaies.,Depuis lors, les diverses monnaies nationales s'étant sta-bilisées sans que cet origanism# international ait été créé,le projet parut tombé à l'eau. Mais il n'en était rien.La création d'une banque internationale est trop dansla logique de l'évolution capitaliste pour que le projetn'en ait point reparu à la première occasion.

    Le règlement, des « réparations » est cette occasion.Quoi que ce soit qui sorte de la réunion des expertsconcernant les réparations proprement dites, que l'Alle-magne soit condamnée à payer annuellement une forteou faible somme, qu'elle doive la payer pendant vingtans ou pendantcent ans, ce sont là affairestle peu d'im-portance, comparativement à cette première chose àl'étude de laquelle se sont installés dès,l'abord les Ex-perts, comme s'ils ne s'étaient réunis que pour cela:l'établissement d'une banque internationale, — ou plusexactement supra-nationale, — des transferts. Le pointde départ est, bien entendu, les réparations. L'objet offi-ciel de cette banque 'est, avant tout, deprendre les me-sures nécessairespour que soient transférées sans heurt,d'Allemagne dans les pays créanciers, les sommes quecelle-ci devra payer, mais, tout de suite, on fait remar-quer que la question des transfertsest une, car lestransferts des réparations influeront forcément sur tousles autres transferts, par suite, la Banque devra s'occu-per des transferts en général, du transfert de toutesomme due par les nationaux d'un pays à ceux d'unautre pays, quel que soit le pays et pour quelque motifqu'ait lieu le paiement. La Banque des réparations de-viendra ainsi une banque chargée de la totalité des paie-ments internationaux. Maispour effectuer ces paiements,désormais centralisés entre les mains d'un seul caissier,il sera commode, et désormais possible, de les effectueren une unique monnaie, et par là on arrivera à la créa-tion d'une monnaie internationale, ou plus précisément,d'un billet de banque international qu'émettra la Banquedes Paiements internationaux devenue ainsi Banqued'émission internationale.

    Un journaliste financier écrivait dernièrement que sicette banque était fondée, ce serait le plus grand événe-ment qui s'est produit dans le monde depuis la Révolu-tion française. Ce bourgeois n'avait pas tort.

    En régime capitaliste, un Etat, c'est deux choses:c'est, d'une part, une police, et d'autre part, une banque.

    Mettre en prison et frapper monnaie ont toujours étéles deux attributs essentiels de l'Etat. Ce sont les deuxdroits régaliens types. Depuis l'antiquité, ce qui distin-gue les Etats, c'est d'avoir des monnaiesdistinctes; cha-que Etat a une monnaie marquée à son sceau, différentdes autres Etats. Dans lespays où plusieurs prétendantssont en lutte pour s'emparer de l'Etat, le premier soucide chacun est d'affirmer sa souveraineté, en émettant samonnaie. L'Etat moderne s'est constitué contre la féo-dalité, en enlevant aux seigneurs féodaux le droit de bat-tre monnaie; il n'y a eu une France que lorsqu'il n'yeut plus qu'une seule monnaie, la monnaie du roi deFrance.

    Depuis le siècle dernier, le développement du crédit aajouté un nouveau domaine à la fonction monétaire del'Etat. Une monnaie fiduciaire d'un montant considérable

    XI) Voir notamment la « R. P, » dt ftévffta* IBM.

    s'étant créée à côté de la monnaie réelle, l'Etat dut ajou-ter à son privilège de frapper la monnaie métallique ce-lui de créer la monnaie de papier, ou tout au moins, d'encontrôler la création. Dans tous les Etats, celle-ci nepeut être émise que par des organismes spéciaux, aux-quels l'Etat a accordé le privilège exclusif de l'émettre,dans des conditions fixées par lui et sous son contrôle.

    Le rôle de cette monnaie est devenu tel que la mon-naie fiduciaire a éclipsé presque totalement la monnaieréelle; on s'en est bien aperçu au cours de ces annéesdernières durant lesquelles, non point un jour mais pen-dant quinze ans, on a appelé franc, considéré commefranc, comme valeur du franc, non la valeur des piècesd"r marquées au sceau de l'Etat, seuls francs véritablescependant, mais la valeur du billet de la Banque deFrance. La fonction monétaireessentiellen'étant plus defrapper la monnaie réelle, mais d'émettre ou de faireémettre de la monnaiefigurée, — les ateliers de la Mon-naie devenant négligeables devant les imprimeries de laBanque de France, — que l'Etat abandonne le contrôlede l'émission des billets, même partiellement, et il aban-donne par là sa fonction d'Etat, il abandonne sa souve-raineté. Il n'est plus l'Etat, l'Etat au sens traditionneldu mot, pl,einement souverain et pleinement indépen-dant. Du même coup, en attribuant à un organisme in-ternational la fonction monétaire ainsi enlevée à l'Etat,la fonction de régulateur et d'ordonnateur suprême dela monnaie fiduciaire, on crée un nouveau souverain, unsuper-Etat.

    Une telle création est dans la logique des choses. L'élé-ment directeur de la production capitaliste, la grandeindustrie, étant devenu international, il lui faut soumet-tre toute la société à des modes d'organisation interna-tionale. Le grand capitalisme étouffe maintenant dans lecadre de ces Etats nationaux qui ont été cependant lapremière base de son développement, il lui faut doncdépasser non seulement pour lui-même le cadre natio-nal, mais le faire dépasser par toute la société. Lestrusts internationaux sont la forme par laquelle lagrande industrie s'élève, en ce qui la concerne, au-dessusde la nation, mais les trusts internationaux ne peuvents'appliquer qu'à quelques produits hautement concen-trés; aucontraire, toute l'industrie, tout le commerce,tout le capitalisme, aussi bien le petit ou le moyen quele grand, est affecté par les conditions dans lesquellesest créée la monnaie, car c'est l'ensemble des prix, l'en-semble du crédit qui dépend de la monnaie; en interna-tionalisant l'émission de la monnaie, on internationalisedonc toute la production, on soumet le petit et moyencapitalisme à cette même régulation internationale, queles cartels et les trustsréalisent, mais qu'i,ls ne réalisenteux, quepour le très gros capitalisme. La Banque inter-nationale des Experts, le trust du billet de banque,comme nous disions en 1926, est donc à la fois le pen-dant et le complément du Trust de l'Acier.

    1

    Staline indemnise les expropriés d'Octobreet incorpore TU. R. S. S. à l'impérialisme

    Cet été, en parlant des importations de blé auxquellesvenait de se livrer l'U. R. S. S., nous disions; « le koulakdictant ses conditions entraîne le capitalisme étrangerdictant les siennes» (2). En voici une écrasante confir-mation.

    Aux mesures de rigueur décrétées pendant quelquessemaines contre lui, l'an dernier, le koulak ne s'étaitpasrendu; aux mesures de faveur qu'on y a substituées,il ne se rend pas davantage. L'approvisionnementde laRussie en blé se présente cette année dans des condi-tions aussi catastrophiques, si ce n'est plus, que l'annéedernière.

    Au 31 décembre dernier, l'ensemble des céréalesstockées par les institutions soviétiques (blé, seigle, orge,avoine, etc.) était de 5.839.000 tonnes, au lieu de5.024.000 tonnes un an auparavant, mais dans ce total,les céréales alimentaires, celles qui servent à l'alimen-tation de l'homme, c'est-à-dire le blé et le seigle, n'en-traientque pour 3.923.000 tonnes au lieu de 4.108.000 ton-nes l'année précédente, soit donc 200.000 tonnes demoins (3)! Or, depuis le 31 décembre, la situation a dû

    (2) Voir la « n. P. » du let septembre 1928.(8) Voir la « Vie îSç.onmniauA-des stovtetfl » 4uso f..vrler1929.

  • encore sensiblement s'aggraver, car en janvier, derniermois pour lequel nous avons des chiffres, au moins glo-baux, il a été rassemblé, pour l'ensemble des céréales,600.000 tonnes de moins qu'en janvier 1928, si bien queJe déficit en blé et seigle a dû s'accroître encore consi-dérablement.

    Aussi, n'est-il pas étonnant que l'U. R. S. S. ait dû,non seulement établir la carte depain, mais procéder àde nouveaux achats de blé à d'étranger : 200.000 tonnesen Hongrie, et autant en Argentine.

    Ainsi, il ne peut plus être question d'exporter du blé,cette base traditionnelle de fexpol'.:':on russe. Dès lors,avec quoi payer -le matériel et les matières premièresque l'industrie russe doit se procurer à l'étranger? avecquoi payer le blé qu'il faut importer pour que"ouvrierde Moscou ou de Léniingrad ne meure point de faim? Ilest un moyen, c'est d'accroître l'exportation d'autres pro-duits. Au premier rang de ceux-ci est le pétrole, articlede large consommationet de grande valeur, pour la pro-duction et la vente duquel la Russie jouit de conditionsnaturelles exceptionnellementfavorables. Seule une forteaugmentation de l'exportation de pétrole est susceptiblede compenser rapidement la suppression de l'exporta-tion de blé.

    Mais le marché mondial du pétrole est l'un des plusconcentrés qui soit. On sait que le raffinage et la ventedu pétrole sont presque entièrement monopolisés danspresque tous les pays du monde, par deux grands trusts,l'anglaise Shell et l'américaine Standard. Du blé on peut

    • en vendre, en quantités illimitées, sans devoir passersous aucunes fourches caudines, les acheteurs de bléétant en quantitérelativement considérable, mais pourle pétrole, il n'en est pas demême puisque les acheteursne sont que deux.

    Cependant les monopoles de la Standard et de la Shellne sont tout de même ra3 si absolus qu'on ne puissevendre du pétrole en quantités limitées, sans ieur inter-médiaire. Les Soviets en ont fourni eux-mêmes lapreuve : le Syndicat russe du Naphte était arrivé à ex-porter, il y a quelques années, sans ile concours de laStandard ni de la Shell, à peu près autant de ipé:-,1'010qu'il en était exporté de Russie avant la guerre. Et aussi,quand on est un aussi gros producteur, et producteurd'un pétrole d'aussi bonne qualité que cs'.ui du Caucase,il est possible de traiter avec les monopoles sur un piedd'égalité: cela ar si les Soviets l'ont montré, lorsque, ily a deux ans, en juin 1927, ils conclurent avec la Stan-dard cette vente

  • LARENjlINEDUYNnlIUME

    La Fédération Unitaire de l'Agriculture

    va-t-elle revivre?Il s'est tenu récemment deux assemblées de travail-

    leurs agricoles qui doiventretenir l'attention de la classeouvrière, car elles mettent en question le problème im-portant de l'organisation syndicale des ruraux.

    Il s'agit du congrès tenu à Montluçon par le ConseilPaysan, les lrr, 2 et 3 mars et du Conseil national de laFédération de d'Agriculture qui asiégé à Paris, le10 mars. Coïncidence assez frappante : si d'un côté il estsorti des assises nombreuses de Montluçon, la Confédé-ration générale des Paysans Travailleurs, qui marque lesuccès de lapropagandedu Conseil Paysan, a Paris l'ona reconnu le piteux état dans lequel se trouve Ja Fédé-ration de il'Agriculture que l'on cherche à remettre de-bout.

    Aucun des lecteurs de la R. P. ne sera, je pense,ctonné de ce contraste entre une organisation grandis-sante et une autre en pleine crise. Ceci, en effet, estamené par cela. Dans quelquesliéflexionssur la propa-gande paysanne, parues ici le 1er mars 1927, nous avonsrappelé la constitution du Conseil Paysan où entrèrentdes syndicats comme ceux du Lot-et-Garonne (mé-tayers, planteurs de tabac, petits propriétaires) et ceuxde la Fédération des Paysans Travailleurs, créée dansla Corrèze par Vazeilles. La Voix Paysanne, ancien heb-domadaire du Parti Communiste, devint l'organe du nou-veau groupement, toujours sous ila direction de RenaudJean. Ce Conseil Paysan voulait réunir pêle-mêle mé-tayers, fermiers, petits propriétaires, exploitants, afin decréer, à côté du Parti Communiste, un bloc rural desympathisants dressé contre les associations paysannesbourgeoises. Ses adhérents furent invités à entrer plusou moins dans la voie coopérative des achats et ventesen commun. Il ne faut pas méconnaître l'activité duConseil Paysan dont le journal est intéressant et qui asoutenu efficacement certaines revendications et diffuséà la campagne un peu d'esprit de classe. Sérieusementpréparé,.le congrès de Montùuçon a fait un travail quiaura de la portée. Si l'on songe aux catégories paysan-nes auxquelles s'adresse la nouvelle C. G. P. T., petitspropriétaires, fermiers, métayers, l'on a peut-être trouvéla seule formule d'organisation qui leur convienne, àcôté des syndicatsouvriers où elles ne pourraientquedifficilement être incorporées.

    La faute commise est, d'avoir délibérément sacrifié laFédération de l'Agriculture qui, elle, devrait grouperles salariés de la terre,pour aller à la conquête du :;emi-prolétariat des petits paysans. Et quand nous disonsdélibérément, ce n'est pas sans raison.

    En effet, quand, vers 1924-1925, le Conseil Paysans'organisa,la Fédération de-l'Agriculturefut abandonnéeà elle-même par la C. G. T. U. Son secrétaire Castel de-vint secrétaire du Conseil Paysan, son journal mensueldisparut et la Voix Paysanne devint son organe officielintermittent. Ses syndicats, qui devraient bien dire s'ilsfurent alors consultés, ne reçurent plus guère de sou-tien,et lapropagande les délaissa. Ils passèrent sous ladirection d'un bureau fédéral instable ou fantôme et netinrent plus de congrès. Dans son numéro du 15 marsdernier, la R. P. nous a raconté l'histoire de l'insaisis-sable Roqueblave, ancien secrétaire fédéral débarquépour avoir plaqué là son travail afin de se rendre enRussie. Le Conseil national de la Fédération du 10 mrsa nettement mis en cause ses anciens dirigeants et choisidans le"Cner un nouveau bureau.

    Il s'y est manifesté comme un réveil syndicaliste, sil'on en juge d'après le-compte rendu signé H. Pierre etinséré dans la Vie Ouvrière du 22 mars. Ce journal, jepense, n'y a pas vu un désaveu de la politique agrairedu parti communiste, lequel, d'ailleurs, n'y est pasnommé, ni le Conseil Paysan. Prudence excessive, maisqui ne masque pas l'allusion. Les quelques fragments

    que nous allons en citer montrent bien qu'on a négligéle vrai prolétariat rural pour une paysannerie intéres-sante sans doute, mais de condition trop mêlée, de na-ture trop peu révolutionnaire.

    « Par ailleurs, d'autres camarades, placés aux postesles plus élevés, et desquels nous étions en droit d'atten-dre beaucoup, nous ont déçus, par suite d'une interpré-tation fausse des perspectives de développement de lalutte des classes à la campagne. Ils ont cru plus urgentde consacrer leur activité au profit d'une organisationà côté dont nous ne nions pas l'intérêt, ni l'utilité, maisdont l'objectif ne saurait se substituer à l'action révolu-tionnaire qu'aura à soutenir le prolétariat agricole pourappuyer le prolétariat frère des villes. Le prolétariatagricole a son rôle historique, en communion d'idée avecle prolétariat urbain. Il n'est pas d'autres couchespaysannes qui puissent se substituer à lui. Le mouve-ment des paysans, moyens et petits propriétaires? Utile,certes. Mais jusqu'où iront-ils? »

    Et l'on montre que leur situation intermédiaire, com-parable à l'artisanat, peut faire d'eux des mécontents,mais qu'ils sont « mûrs pour toutes les oscillations »,ainsi que tant de « petites gens ». Le prolétariat urbainet rural ne peut pas les considérer comme des alliéssûrs. « C'est pourquoi, dit l'auteur, nous regrettons devoir des camarades. commettre l'aberration de négligerle groupement syndical des salariés agricoles après avoirpris la responsabilité de cette tâche. »

    Nous pensons qu'il serait possible d'organiser les mé-tayers dans la Fédération de l'Agriculture, eux qui sontles plus exploités des cultivateurs, d'autant plus que lemétayage coexiste généralement avec la petite culture etqu'il comporte des clauses dures et une vraie servitudematérielle et morale. Ils ont fait preuve plus d'une fois,d'activité syndicale et ils se sentent des prolétaires. Leurorganisation dans la Fédération de l'Agriculture auraitl'avantage de les rapprocher de la classe ouvrière aulieu qu'ils soient confondus dans le Conseil Paysan avecfermiers et petits propriétaires. Mais évidemment, lachose 'peut être discutée. S.'il est exact que le ConseilPaysan les a soutenus, que n'aurait pas fait de son côtéune Fédération de l'Agriculture puissante!

    Mais il n'aurait pas fallu la laisser végéter. La C. G.T. U. est responsable de l'avoir sacrifiée au profit duConseil Paysan d'inspiration politique. Espérons que lesmilitants qui veulent la remettre debout continueront àvoir la nécessité d'un syndicalisme agricole indépendant,et puisse le réveil de leur Fédération marquer une date,de la renaissance syndicaliste.

    A. RICHARD.

    La grève des dockers de Bordeaux

    Le crime d'être unitaireLa grève des dockers de Bordeaux fut déclenchée par

    le syndicat confédéré alors que, tout en ayant des re-vendications de salaires identiques, les deux syndicats,unitaire et confédéré, ne s'étaient pas mis d'accord surles moyen:' d'action à employer.

    Suivant la ligne d'unité et de front unique que nouspensions être celle de la C. G. T. U., nous avions fait denombreuses propositions d'entente pour l'action au syn-dicat confédéré.

    Toujours suivant cette ligne d'unité, nous nous som-mes joints au mouvement dès le premier jour.

    Je pensais bien être dans la ligne de la C. G. T. U.,lorsqu'à l'assemblée des confédérés, convoquée le 23 sep-tembre pour décider la grève, je fis la déclaration sui-vante:

    « Si vous nous acculez à cette grève, nous vous dé-clarons, au nom des camarades dockers unitaires, quevous auriez dû d'abord, par une commission nomméedans les deux syndicats, vous mettre d'accord avec noussur les moyens d'action à employer pour arracher nosrevendications à la Fédération maritime.

    « Nous vous déclarons que n'ayant jamais fait lesjaunes, nous vous suivrons dans ce mouvement, en en-courageant nos adhérents à faire grève, mais, dans cemouvement, vous conserverez la responsabilité. »

    Le lendemain, à l'Assemblée générale des grévistes, jedemandais aux dockers de rester groupés dans un front

  • unique indissoluble, l'heure des discussions de tendancesétant passée.

    Pendant trente-cinq jours, il fut impossible de prendrecontact avec les patrons. Tous les moyens furent cepen-dant employés pour entamer les pourparlers. Il ne s'agis-sait pas, comme le soutint Herclet, de solliciter un arbi-trage, mais de prouver à tous les travailleurs bordelaiset à l'opinion publique, la mauvaise foi' des patrons.

    Il est réel que le Comité de grève, à l'unanimité, usade toutes les gammes: maire, préfet, président de laChambre de Commerce, mais cela avec le plein, assenti-ment des grévistes.

    Constant essaya plusieurs fois de faire entrer les re-présentants des organismes centraux dans le Comité degrève, mais sa proposition fut chaque fois repousséepar les dockers qui manifestaient leur volonté de vain-cre par leurs propres moyens.

    Je peux ajouter que le Comité de grève vota, à l'una-nimité, un ordre du jour réprouvant les articles tendan-cieux de certains organes communistes et socialistes, etdemandant à la presse ouvrière de s'en tenir au compterendu exact de la grève.

    Malgré ce qu'en a dit Herclet, nous n'avions attendupersonne pour faire de l'action directe, mais cela s'estfait plutôt de façon occulte. Beaucoup de nos camaradesétaie