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387 Janvier-Février 2007 - 6 numéro Nanterre : un espace santé pour les jeunes Prévention du tabac : qu'en pensent les enseignants ? Inégalités sociales et santé chez les 60-75 ans La santé... par l’activité physique !

La santé de l'homme - N° 387 - Janvier Février 2007

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Page 1: La santé de l'homme - N° 387 - Janvier Février 2007

387Janvier-Février 2007 - 6 €

num

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Nanterre : un espace santé pour les jeunes

Prévention du tabac : qu'en pensent les enseignants ?

Inégalités sociales et santéchez les 60-75 ans

La santé... par l’activité physique !

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SH38

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est éditée par :L’Institut national de préventionet d’éducation pour la santé (INPES)42, boulevard de la Libération93203 Saint-Denis CedexTél. : 01 49 33 22 22Fax : 01 49 33 23 90http://www.inpes.sante.fr

Directeur de la publication : Philippe Lamoureux

RÉDACTIONRédacteur en chef : Yves Géry Secrétaire de rédaction : Marie-Frédérique Cormand Assistante de rédaction : Danielle Belpaume

RESPONSABLES DES RUBRIQUES : Qualité de vie : Christine FerronLa santé à l’école : Sandrine Broussoulouxet Nathalie Houzelle<[email protected]>Débats : Éric Le Grand <[email protected]>Aide à l’action : Christine Gilles et FlorenceRostan <[email protected]>La santé en chiffres : Christophe Léon<[email protected]>International : Jennifer Davies<[email protected]>Éducation du patient : Isabelle Vincent<[email protected]>Cinésanté : Michel Condé <[email protected]>et Alain Douiller <[email protected]>Lectures – Outils : Olivier Delmer, SandraKerzanet et Fabienne Lemonnier<[email protected]>

COMITÉ DE RÉDACTION : Soraya Berichi (ministère de la Jeunesse, desSports et de la Vie associative), Dr ZinnaBessa (direction générale de la Santé), LaureCarrère (Crésif), Dr Michel Dépinoy (INPES),Alain Douiller (Codes du Vaucluse), AnnickFayard (INPES), Christine Ferron (Fondationde France), Laurence Fond-Harmant (CRP-Santé, Luxembourg), Sylvie Giraudo (Fédéra-tion nationale de la Mutualité française), JoëlleKivits (SFSP), Éric Le Grand (conseiller),Claire Méheust (INPES), Colette Ménard(INPES), Félicia Narboni (ministère de l’Éduca-tion nationale, de l’Enseignement supérieur et dela Recherche), Bernadette Roussille (Inspectiongénérale des affaires sociales), Élodie Stano-jevich (INPES), Dr Stéphane Tessier (Crésif,Fnes).

Fondateur : Pr Pierre Delore.

FABRICATION Création graphique : Frédéric VionImpression : Mame Imprimeurs – ToursADMINISTRATIONDépartement Diffusion-Gestion des abonne-ments : Manuela Teixeira (01 49 33 23 52)Commission paritaire : 0508 B 06495 – N° ISSN : 0151 1998. Dépôt légal : 1e trimestre 2007.Tirage : 11 000 exemplaires.

Les titres, intertitres et chapô sont de la respon-sabilité de la rédaction

386Novembre-Décembre 2006 - 6 €

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L'inquiétanteprogressionde l'obésité juvénile

Un entretien avec le professeurArnaud Basdevant

Regardanthropologique sur la relationmédecins-patients

Prévenir les consommationsà risque chez les jeunes

Tous les deux mois• l’actualité• l’expertise• les pratiques• les méthodes d’intervention

dans les domaines de la prévention et de l’éducation pour la santé

Une revue de référence et un outil documentaire pour :• les professionnels de la santé,

du social et de l’éducation• les relais d’information• les décideurs

Rédigée par des professionnels• experts et praticiens• acteurs de terrain• responsables d’associations et de réseaux• journalistes

1 an 28 €2 ans 48 €Étudiants (1 an) 19 €Autres pays et outre-mer (1 an) 38 €

Je recevrai un numéro gratuit parmiles numéros suivants (en fonction desstocks disponibles) :

� Santé mentale, n° 359.� La promotion de la santé à l’hôpital,

n° 360.� Éducation pour la santé et petite

enfance, n° 361.� Soixante ans d’éducation pour

la santé, n° 362.� L’Europe à l’heure de la promotion

de la santé, n° 371.� Nutrition, ça bouge à l’école, n° 374.� Prévention des cancers, n° 375.� Médecins-pharmaciens :

les nouveaux éducateurs, n° 376.� Les ancrages théoriques

de l’éducation pour la santé, n° 377.� La santé à l’école, n° 380.

Je souhaite m’abonner pour :� 1an (6 numéros)� 2 ans (12 numéros)� Étudiants 1 an (6 numéros)Joindre copie R°/V° de la carte d’étudiant

� Autres pays et outre-mer 1 an (6 numéros)

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Ci-joint mon règlement à l’ordre de l’INPES par �chèque bancaire �chèque postal

NomPrénomOrganismeFonctionAdresse

Date

Signature

La revue de la préventionet de l’éducation pour la santé

52 pages d’analyses et de témoignages

Institut national de prévention et d’éducation pour la santé42, bd de la Libération – 93203 Saint-Denis Cedex - France

Page 3: La santé de l'homme - N° 387 - Janvier Février 2007

sommaire

Illustrations : Anaïs Goldemberg

387Janvier-Février 2007

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◗ Aide à l’actionEspace santé jeunes de Nanterre : une structure de prévention et d’accueil pour les 12-25 ansAude de Calan . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4

◗ La santé à l’écoleProfessionnels des lycées : comment prévenirles conduites addictives ?Franck Pizon, Didier Jourdan . . . . . . . . . . . . . . . 7

La santé… par l’activité physique !ÉditorialDéveloppons un environnement favorable auxactivités physiques !Annick Fayard, Myriam Fritz-Legendre . . . . . . . . 12

Représentations des populations, étatdes lieux, recommandationsComment engager une personne durablementdans la pratique d’une activité ?Christine Le Scanff . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13

Promotion de l’activité physique : des stratégies qui ont fait leurs preuvesRené Demeulemeester . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17

Exercice du corps : une arme contre les maladies chroniquesJean-Michel Oppert . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21

Bouger améliore-t-il la qualité de vie ?Anne Vuillemin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24

L’activité physique : une affaire de goûts ?Claire Perrin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28

Dossier

Page 4: La santé de l'homme - N° 387 - Janvier Février 2007

À Nanterre, dans les Hauts-de-Seine, l’espace santé jeunes accueille les 12 à 25 ans dansun lieu qui se veut d’accueil, d’écoute, de soins et d’orientation. Des professionnels plu-ridisciplinaires – psychologue, assistante sociale, médecin… – reçoivent gratuitement etde façon anonyme. Les premières minutes de l’accueil sont déterminantes. En 2005,six cents jeunes ont fréquenté cet espace, le plus souvent sans en informer leur famille.Explications.

La Ville de Nanterre, soutenue parla Fondation de France et le conseilgénéral, s’est dotée, depuis 1998, d’un« espace santé jeunes », structure de pré-vention en santé à destination des ado-lescents et des jeunes adultes.

Nanterre est une ville jeune : sur unepopulation de 84 270 habitants, 19 %ont entre 12 et 25 ans (source Insee,1999). Quatre quartiers sont classés enzone urbaine sensible (Zus), dont un enZus très défavorisée (source Insee,2006). Sur l’ensemble de la ville, le tauxde chômage des 15-25 ans s’élève à24,8 % avec des disparités selon lesquartiers. Dans un quartier de la ville,il atteint 38 %. Le taux national pourcette tranche d’âge est de 21,6 %(source Insee RGP, 1999).

Autre indicateur : le taux brut deréussite au baccalauréat du lycée d’en-seignement général est de 67 %, par rap-port à un taux attendu sur l’académie de82 % et au niveau national de 80 %(source Éducation nationale, 2005).

C’est aussi une ville où les acteurssocio-sanitaires, nombreux et structurés(services municipaux, associations dequartier, hôpital, centres de santé muni-cipaux, Atelier santé-ville, service pré-vention, centre bucco-dentaire, centresde planification et d’éducation familiale,etc.), articulent leurs actions.

Dans ce contexte, le fait d’ouvrir unlieu accessible à un public classique-

ment décrit comme non intéressé par lasanté, dans un environnement socio-économique peu favorable, nécessiteune réflexion quasi quotidienne sur lesmodes de fonctionnement et de travail.L’objectif permanent est que cette struc-ture soit connue et totalement accessi-ble à tout adolescent ou jeune adulte,des plus précaires à ceux qui ne deman-dent rien. Pour ces jeunes, l’accès àl’espace santé peut en effet être un premier pas vers un mieux-être.

Lorsque l’on parle ici d’accessibilité,on se situe au-delà de l’implantation géo-graphique ou de l’amplitude horaire,cela signifie surtout qualité d’accueil,capacité à aborder l’individu dans sa glo-balité, accompagnement si nécessaire,mais aussi orientation et lien avec d’au-tres ressources locales.

Casser l’image du servicemédical classique

L’espace santé jeunes (ESJ) est unlieu d’accueil, d’écoute, de soins et d’orientation pour les jeunes entre 12et 25 ans. Situé dans une impasse ducentre de Nanterre, c’est une structurede proximité qui se veut ouverte à tous.Choisir une implantation géographiquecentrale dans un bâtiment atypique etdiscret montrait déjà une volonté d’ap-proche originale et plus adaptée. L’ar-chitecture de cette maison de ville,séparée géographiquement des autresservices médicaux, casse l’image duservice médical classique et augmentel’attractivité de la structure.

L’espace fonctionne selon les prin-cipes suivants :– une approche globale de la santédans ses dimensions physique, mentaleet sociale ;– une complémentarité des prises encharge internes ou externes à la struc-ture.

Une charte (voir encadré p. 6)formalise les pratiques d’accueil. Éla-borée par l’ensemble de l’équipe, ellegarantit un cadre de travail. Une équipepluridisciplinaire composée d’uneaccueillante, d’une assistante sociale,d’une diététicienne, d’un chirurgiendentiste et d’une assistante dentaire,d’infirmières, de médecins et de psycho-logues, reçoit avec ou sans rendez-vousdu lundi au vendredi entre 9 h et 18 h.Les services offerts par la structure sontgratuits et se font dans l’anonymat et laplus stricte confidentialité. Cette acces-sibilité financière est d’autant plus pré-cieuse pour des spécialités comme ladiététique et la psychologie, où il y araréfaction dans l’offre de soins.

Les horaires sont adaptés aux possi-bilités ou au mode de vie du collégienet du lycéen. Les jeunes ont connais-sance de l’existence de l’espace santépar le bouche à oreille : ce sont des amisqui leur en parlent, leur famille ou l’éta-blissement scolaire qu’ils fréquentent.

En 2005, environ six cents jeunes ontfréquenté la structure. Ils sont venus enmoyenne 2,5 fois dans l’année. Dans

aide à l’action

4 LA SANTÉ DE L’HOMME - N° 387 - JANVIER-FÉVRIER 2007

Espace santé jeunes de Nanterre :une structure de prévention et d’accueilpour les 12-25 ans

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5LA SANTÉ DE L’HOMME - N° 387 - JANVIER-FÉVRIER 2007

aide à l’action

plus de 80 % des cas (rapport d’activité2005), le jeune se rend à l’ESJ, seul ouaccompagné d’amis. Les plus jeunes s’yrendent parfois avec leur père ou leurmère, mais cela reste rare.

Le jeune ne souhaitant pas que sonentourage soit informé de son passage,il s’assure, en général, de l’anonymat lorsdu premier entretien. Ce qui expliqueque les pics de fréquentation se situentà l’heure de coupure des cours : entre12 h et 14 h ou à partir de 16 h et rare-ment après 17 h 45 ; il n’y a alors pasd’explications à donner sur une sortie.

« Parcours santé » pour accéder aux soins

Nous avons cependant fait le constatqu’une partie plus âgée de la popula-tion intéressée par notre structure pou-vait rencontrer des difficultés à nousrencontrer : les jeunes en centre de for-mation professionnelle, les résidents defoyers de jeunes travailleurs. Ces jeunes,entre 16 et 25 ans, primo-arrivants (per-sonne en France depuis moins de deuxans) ou en grande désocialisation ontpeu ou pas de contacts avec les servi-ces socio-sanitaires. Les raisons de cetteabsence de contacts sont d’ordre divers :

la rupture avec les lieux institutionnelset l’ensemble des structures de droitscommuns (hôpital, lycée, etc.), le coûtd’une consultation en l’absence de cou-verture sociale, la méconnaissance desdroits, des structures et des servicesexistants, etc. Pour pallier cela, deuxmodalités d’intervention ont été misesen place avec un postulat de départ :nous avions décidé d’aller vers eux.Ainsi, en partenariat avec la missionlocale et des centres de formation dela Ville de Nanterre, l’ESJ organise des« parcours santé ».

Le parcours santé se décline en qua-tre temps :– une première information dans lescentres de formation, animée par unbinôme de professionnels de l’ESJ(médecin et infirmière). Cette séance degroupe permet de sensibiliser les jeunesà l’intérêt de s’engager dans ce parcourssanté mais aussi d’identifier les thèmesou questions pour lesquels des répon-ses sont attendues ;– un bilan médical individuel réalisé parle médecin généraliste de l’ESJ ;– un dépistage bucco-dentaire indivi-duel, qui peut conduire à une orienta-tion vers le soin ;

– des ateliers en groupe sur des thèmestels que : sexualité, contraception, rela-tions affectives, équilibre nutritionnel,représentation de la santé, bien-être.

Pour les jeunes travailleurs résidanten foyer, l’approche proposée est dif-férente. Après une demande émanantdes résidents eux-mêmes, un des pro-fessionnels de l’ESJ se rend dans lefoyer en fin de journée. Les interven-tions se déroulent à partir de 19 h 30 surleur lieu de vie, avec un double objec-tif : faire connaître les structures socio-sanitaires existantes et répondre à leursattentes sur une thématique.

Quelques minutes pour mettreen confiance

Toute personne qui se présente àl’ESJ sera reçue sans conditions d’accès,hormis le respect des personnes et dela structure. Deux professionnels sontdisponibles quatre jours par semainepour une écoute immédiate. Cet élé-ment est important. Le jeune qui se sentmal a besoin d’être entendu rapide-ment, et l’instant où il osera franchir lepas est souvent fugitif. Notre mode defonctionnement permet cette réactivité.

Vient ensuite, c’est essentiel, la qua-lité de l’accueil. Dans un premier temps,le jeune est souvent intimidé. Sa pre-mière demande n’est parfois qu’un alibiconscient ou inconscient. Ensuite, laproximité de l’écoute, le respect et lenon-jugement permettent d’ouvrir ledialogue. Nous ne disposons parfoisque de quelques minutes pour mettreen confiance.

Nous disposons aussi d’un outil quipeut être très aidant : un questionnairepour chaque entrant qui recueille desdonnées administratives (âge, lieu devie, couverture sociale, etc.) et non com-portementales, il permet cependant d’aborder le lien avec la famille, la viesociale, la scolarité ou l’emploi. Il est l’amorce d’une discussion plus riche quiprend en compte l’individu dans sonenvironnement et sa globalité. Il a deuxfonctions : l’un de recueil de connais-sances, l’autre d’aide à l’échange.

Il n’est pas rare alors d’aborder, loinde la première demande, les difficultésrencontrées quotidiennement : la com-munication avec les parents, l’arrêt dusport, les problèmes financiers, de loge-ment, l’échec scolaire, etc.

Une prise en charge pour Mademoiselle L., 23 ans, désemparéeVoici l’exemple d’une personne suivie par l’espace santé jeunes : Mademoiselle L., étudiantede 23 ans d’origine camerounaise, nous est adressée par le centre communal d’action socialede la ville de Nanterre. Elle est enceinte et envisage une interruption volontaire de grossesse.Elle est désemparée, son ami l’a abandonnée et sa sœur, seul membre de la famille présenteen France, ne veut plus d’elle à son domicile. Elle risque de se trouver sans logement. La jeunefemme se sent honteuse et totalement démunie. Ses connaissances sur la santé, l’IVG, sesdroits et sur les lieux-ressources sont inexistantes. Lors de la première rencontre, et après unlong échange, deux rendez-vous sont immédiatement pris avec le médecin gynécologue et avecla psychologue. La jeune femme se rendra aux deux rendez-vous. Parallèlement aux démarchesnécessaires pour l’IVG, un travail de suivi est réalisé par la psychologue.Face à l’inquiétude grandissante (crainte d’une stérilité suite à l’IVG) de la jeune femme, unautre rendez-vous avec l’infirmière du Planning familial est fixé. Lors de cet échange, des pré-cisions sont apportées sur les questions de sexualité et sur le déroulement de l’IVG. La jeunefemme est dirigée vers l’hôpital pour la prise en charge de l’IVG. Elle continue à voir la psycho-logue, qu’elle aura rencontrée en tout cinq fois. À la fin de ce suivi, elle demande un rendez-vous avec la dentiste pour un bilan bucco-dentaire.De par notre mode de fonctionnement, il nous a été possible d’accompagner sur la durée unépisode douloureux pour cette jeune femme tant sur les aspects physiques que psychiques.Le soutien global mené tout au long d’un événement très lourd pour elle lui a finalement per-mis d’assumer cet acte et de renouer avec sa sœur. L’assistante sociale de l’ESJ n’aura pas àl’aider à trouver un logement. Elle dira qu’elle a énormément appris durant ces semaines, tantsur la santé que sur la sexualité, mais aussi sur elle-même, ses droits et sur les ressourcesexistantes.La pluridisciplinarité de l’équipe a permis de réaliser ce travail en complémentarité. Et, lorsquecela a été nécessaire, les membres de l’équipe se sont rencontrés afin d’échanger sur la conduiteà tenir. Le secret partagé pour le bien de la personne a aussi trouvé là toute sa raison d’être.

Page 6: La santé de l'homme - N° 387 - Janvier Février 2007

Les usagers bientôt associésL’accessibilité d’une population peu

captive est un enjeu crucial dans lecontexte social actuel et particulièrementcelui des banlieues.

À la lecture de la définition du mot« accessible » dans le dictionnaire : « quipeut être atteint, abordé, dont on peuts’approcher, que l’on peut compren-dre, intelligible », nous nous sommesinterrogés sur notre degré d’accessibi-lité. Étions-nous atteignables, aborda-bles ? Quelles pouvaient être les pistesd’amélioration que nous pourrions oudevrions explorer ? Comment travailleravec ceux qui ne demandent rien, com-ment approcher les plus précaires ?

Nous ne disposons pas à ce jourd’éléments nous informant sur la popu-lation la plus marginalisée. Connaît-elle

la structure ? Si oui, la fréquente-t-elleet, si non, pourquoi ? Nous recevonsdes personnes présentant un handicapmental, mais notre structure n’est pasaccessible aux handicapés physiques.Comment y remédier ? Comment aussis’allier avec l’ensemble des partenairesafin d’être complémentaires ?

Pour obtenir des réponses à cesquestions, l’espace santé compte, à par-tir de 2007, faire rentrer dans son comitéde pilotage des représentants de sespropres usagers. C’est là un objectifessentiel pour le futur : intégrer des jeu-nes à la réflexion et pourquoi pas à ladécision, en les impliquant dans lefonctionnement même de la structure.

Aude de Calan

Responsable Espace santé jeunes,

Service municipal de la santé, Nanterre.

aide à l’action

6 LA SANTÉ DE L’HOMME - N° 387 - JANVIER-FÉVRIER 2007

Anonymat et confidentialité : au cœur de la charte éthique

L’Espace santé jeunes de Nanterre s’est doté d’une charte de l’accueil ; l’équipe a ainsi sou-haité définir ses règles d’intervention, leur donner un cadre éthique clair. Voici l’intégralité decette charte :« Afin d’optimiser la qualité de l’accueil, du soutien et de l’accompagnement des jeunes, l’en-semble de l’équipe s’engage à :1. Respecter la personne sans discrimination (origine, sexe, religion, idéologie, troubles

de l’humeur, etc.).2. Respecter l’anonymat et la confidentialité du jeune.3. Connaître le pourquoi de la démarche :

– prendre le temps de laisser émerger la demande (explicite ou implicite) ;– écouter en prenant le temps de laisser parler la personne, sans porter de jugement de

valeur, tout en respectant les silences ;– aider la personne à s’exprimer en reformulant ses propos et en posant des questions neu-

tres et si possible ouvertes ;– adopter une attitude posée, empathique et professionnelle (distance, maîtrise de soi, tech-

nique d’écoute).4. Favoriser l’accompagnement de chaque personne dans la prise en charge de sa

santé :– avoir une démarche pédagogique ;– évaluer le niveau de connaissance du jeune afin d’adapter nos informations et définir ensem-

ble une éventuelle orientation en fonction de son degré de motivation.5. Privilégier l’aspect qualitatif de l’accueil à l’aspect quantitatif :

– être disponible, c’est-à-dire se dégager de toute autre activité pour être prêt à accueillir ;– ne pas agir dans l’urgence sous prétexte de résultats tangibles et/ou immédiats ;– s’informer régulièrement sur les thèmes de santé et les partenaires et faire circuler les

informations ;– offrir un espace d’accueil calme et agréable.

6. Pérenniser la qualité de l’accueil– organiser régulièrement des réunions d’équipe sur l’accueil ;– faire en sorte que chaque personne travaillant à l’ESJ bénéficie d’une formation à l’accueil. »

L’équipe de l’Espace santé jeunes.

Communiqué

LLeess 33ee JJoouurrnnééeessddee llaa pprréévveennttiioonn,, oorrggaanniissééeessppaarr ll’’IInnppeess,, ssee ttiieennddrroonntt àà llaaMMaaiissoonn ddee llaa MMuuttuuaalliittéé àà PPaarriiss,, lleess 2299 eett 3300 mmaarrss 22000077

Au programme, huit sessions :

• Naître et grandir au milieudes siens : quelaccompagnement ?

• Parcours de prévention,médecin traitant etprofessionnels de santé :quelles articulations ?

• Place et rôle du patientdans la démarche éducative

• Santé à l’école : une éducation citoyenne ?

• Politiques nationales et initiatives locales : renforcer les synergiespour promouvoir la santé

• La démarche-qualité en éducation pour la santé

• Accueil collectif de loisirs sportifs et de jeunesse : quelle place pourl’éducation pour la santé ?

• De la recherche à l’action etde l’action à la recherche

Pour en savoir plus, rendez-vous surwww.inpes.sante.fr

Journées

de la prévention

Paris, les 29 et 30 mars 2007

Page 7: La santé de l'homme - N° 387 - Janvier Février 2007

7LA SANTÉ DE L’HOMME - N° 387 - JANVIER-FÉVRIER 2007

la santé à l’école

Dans le cadre de la préparation à la mise en œuvre du décret d'interdiction du tabac dansles lieux publics, une étude a été menée sur quarante lycées de la région Auvergne.Elle met en exergue les diverses représentations des personnels vis-à-vis du tabac etde la prévention des addictions. L'étude souligne combien il est important d'accompa-gner le changement des pratiques des professionnels et donc de partir de ce qu'ilssont, d'identifier les déterminants de leur relation à la prévention ainsi que les dynamiquescollectives à l'œuvre au sein des lycées. Analyse et résultats.

La mise en œuvre d’actions d’éduca-tion à la santé dans le domaine desconduites addictives, dans le cadre sco-laire, répond à une demande socialeforte, relayée constamment à l’échelonpolitique1. Les établissements scolaires– et les professionnels qui les font vivre –sont largement impliqués dans desdémarches d’éducation à la santé. Au-delà de la transmission de contenus dis-ciplinaires, il s’agit de permettre aux élè-ves de se structurer, de gagner enautonomie, de développer leurs capa-cités à résister à l’emprise de produits età faire des choix éclairés2. Comme c’estle cas pour tous les milieux au sein des-quels se développe l’éducation à lasanté, il n’est pas possible de mettre enœuvre une politique d’établissementdans ce domaine sans tenir compte ducontexte tant en ce qui concerne sadimension « physique » (caractéristiquesdes bâtiments, etc.) qu’« organisation-nelle » (statut des personnels, budgets,calendriers, etc.) ou « psychosociale »(rapports entre adultes, entre ensei-gnants et élèves, etc.). C’est aussi ne pasoublier que, même s’ils agissent en lienétroit avec des partenaires, les acteurs del’éducation à la santé en milieu scolairesont d’abord les équipes d’établissement.

Sortir de la « pensée magique »Développer une politique structurée

dans le champ de l’éducation à la santéet de la prévention, c’est accompagnerdes changements au sein de l’organi-sation de l’établissement scolaire. Lamise en œuvre réussie d’un tel chan-gement dépasse de loin la détermina-tion rationnelle de nouvelles structures

et pratiques ou l’adaptation des indi-vidus aux exigences des nouveauxdispositifs. Ce dont il s’agit, c’est biende l’accompagnement d’un grouped’acteurs. Pour cela, il est nécessaire desortir de la logique de la « penséemagique », selon laquelle il suffit dedécréter quelque chose pour que lesprofessionnels le mettent en œuvre,pour consentir à prendre en compte lanature complexe et multirationnelledes systèmes humains3, à penser l’orga-nisation comme produit de la rencon-tre et de l’interaction des stratégies desdifférents acteurs. Cette démarcheimplique une analyse des fonctionne-ments réels, un diagnostic des dyna-miques, une connaissance des acteurset de leurs stratégies.

L’enjeu de la mobilisation des professionnelsde l’établissement

Au sein de l’établissement, chaqueacteur prend sa place d’une manièredifférente. Ses pratiques professionnel-les sont conditionnées par un ensemblede facteurs au premier rang desquelsle cadre institutionnel, ses propresreprésentations et le contexte d’exer-cice. L’enseignant par exemple, commetout professionnel, n’est pas un robotagissant sous l’action de prescriptionsmais un sujet pris dans un ensemble decontraintes qui déterminent sa façond’exercer son activité professionnelle4.L’activité professionnelle des ensei-gnants s’appuie sur un système cohé-rent qui leur permet de trouver un équi-libre dans leur situation professionnelle.Permettre aux enseignants de prendre

en compte, dans leurs pratiques, l’édu-cation à la santé et la prévention néces-site d’accéder à la compréhension descontradictions inhérentes au métierd’enseignant entre les exigences desapprentissages des élèves et celles del’exercice réel du métier. L’enjeu aujour-d’hui n’est sans doute pas seulement de prôner des bonnes pratiques, deprescrire les bonnes démarches maisplutôt de mieux identifier commentmobiliser l’ensemble des acteurs del’établissement. C’est dans ce but quel’étude décrite ici a été réalisée.

L’étude des représentationsdes professionnels des lycées

L’étude dont nous proposons iciquelques résultats vise à mieux cernerla façon dont les personnels des lycées(enseignants, personnels de direction,de vie scolaire, médico-sociaux et deservice) se situent vis-à-vis des démar-ches de prévention et d’éducation à lasanté dans le cadre spécifique d’un pro-jet « lycée non-fumeur »5. Elle a été réali-sée avant l’entrée en vigueur du décretd’interdiction du tabac dans les établis-sements scolaires le 1er février 2007. Ceprojet régional de prévention du taba-gisme en milieu scolaire est conduit surl’académie de Clermont-Ferrand pourune durée de trois ans grâce à un finan-cement de l’INPES. Il s’appuie sur unpartenariat entre le rectorat, le CHU deClermont-Ferrand, la Ligue contre lecancer, l’Institut universitaire de forma-tion des maîtres (IUFM) d’Auvergne etl’université d’Auvergne. Quarante éta-blissements du second degré sontimpliqués dans ce dispositif.

Professionnels des lycées : commentprévenir les conduites addictives ?

Page 8: La santé de l'homme - N° 387 - Janvier Février 2007

Interdire et prévenirLes données collectées montrent

qu’une majorité (67 %) des personnelsinterrogés est favorable à un « lycéenon-fumeur ». Nous retrouvons, du côtédes personnes favorables, principale-ment des non-fumeurs. Néanmoins desfumeurs adhèrent également à l’idée del’interdit. Ils l’envisagent comme unemotivation pour diminuer ou arrêterleur consommation et celle des élèves.Inversement, dans le groupe des« contre », si l’on retrouve sans surprisenombre de fumeurs, certains person-nels non-fumeurs défendent égalementl’idée de la conservation d’espaces pourfumer dans le lycée et s’opposent ainsià une interdiction totale. Rappelons quecette enquête a été réalisée avant l’en-trée en vigueur de l’interdiction au1er février 2007. Le rapport au tabac telqu’entretenu par les acteurs est com-plexe et lié à la fois aux dimensions pro-fessionnelles et non-professionnelles.

En effet, le sujet du tabac ne laisse pasindifférent. Tous les personnels inter-rogés (trente-huit entretiens semi-direc-tifs avec une analyse croisée avec centsoixante-six questionnaires) montrentune réelle réflexion en amont sur cettequestion. Sur un registre clairementargumentatif, ils se réfèrent à leur vécupersonnel et professionnel, ainsi qu’àleur entourage pour étayer leurs prisesde position. Il est à souligner que,contrairement à ce qui est souvent invo-qué pour expliquer les résistances auxlois prohibitives, l’argument de la pertede liberté individuelle est quasimentabsent du discours.

Un consensus fort se dégage autourde la prévention. Les entretiens ont mon-tré que les personnels soutiennent una-nimement (100 %) la nécessité d’actionspréventives auprès des élèves. Unemajorité d’entre eux (57 %) la jugentmême complémentaire à une interdic-

tion stricto sensu – qui correspond à laréalité depuis le 1er février 2007 – en sedéclarant tout à fait d’accord avec l’item :« Il ne suffit pas d’interdire, il faut fairede la prévention. » Cette adhésion mas-sive à une approche préventive desaddictions s’accompagne pourtant d’unevolonté très variable de participation auprojet. Seule une petite moitié des per-sonnels se déclare prête à s’investir.

L’importance du soutieninstitutionnel

Pour dynamiser le processus, le sou-tien institutionnel s’avère nécessaire àdeux niveaux : celui apporté par leschefs d’établissement à leurs équipes etcelui apporté par le rectorat aux chefsd’établissement. À l’échelle du lycée,l’adhésion des proviseurs est primor-diale. Une fois impliqués, les chefs d’éta-blissements situent alors leur action entre« progressivité » et « durcissement ». Ilsjustifient cette démarche par les contrain-

la santé à l’école

8 LA SANTÉ DE L’HOMME - N° 387 - JANVIER-FÉVRIER 2007

Adhésionau programme « lycée non-fumeur »

Consommation de tabac

Vision du tabac dansla société

Rapport à l’interdiction

Rapport à la prévention

Leviers proposés

Proportion parmi lespersonnels

Groupe 1

Totalement opposésà une perte deliberté

++

Responsabilité de la société dans lavente libre du tabac

– –

+Prévention par la peur

3 %

Groupe 2

Opposés par résistance à leur environnementde travail

++

Responsabilité de la société dans lavente libre du tabac

– –

+

3 %

Groupe 3

Indécis partant souscertaines conditions

+

Conservation d’espaces de libertépour fumer

+

Apportd’informations

30 %

Groupe 4

Favorables sans percevoir le rôle à tenir

Responsabilisationindividuelle nécessaire

+

+

Accompagnementet formation

17 %

Groupe 5

Acteurs de la prévention des addictions

– –

Responsabilisationindividuelle nécessaire

++

++ Approche globale

Soutien institutionnelTravail en équipe

47 %

Tableau 1. Personnels des lycées : moins ils fument, plus ils se déclarent acteurs potentiels de prévention. L’exploitation des résultats de cette enquête a permis de dresser une typologie répartissant en cinq catégories les personnels des lycées de l’étude.La voici présentée dans le tableau ci-dessous.

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9LA SANTÉ DE L’HOMME - N° 387 - JANVIER-FÉVRIER 2007

la santé à l’école

tes contextuelles. La redéfinition dansl’espace et dans le temps des zones« fumeurs » au sein du lycée est signifi-cative de la progressivité attendue. Bienentendu, cette progressivité n’est plusd’actualité depuis l’entrée en vigueur del’interdicion. L’enquête soulignait aussique le fait de permettre l’expression despoints de vue, de provoquer la réflexiondans les équipes est perçu d’abordcomme le moyen de rendre explicite laproblématique du tabagisme en milieuscolaire. Cependant, aller jusqu’à uneinterdiction généralisée de fumer (élèveset adultes) ne semblait à l’époque pos-sible aux chefs d’établissement quegrâce à un durcissement de la législation.

Le sentiment de participer à un pro-gramme académique concernant denombreux établissements revêt touteson importance. Le soutien du rectoratfacilite alors les prises de position desproviseurs. On observe ainsi, dans leslycées, une multiplicité d’écrits internesfaisant référence au programme et à sadimension académique. De plus, lestemps de rencontre entre proviseursd’un même bassin d’éducation permet-tent de façon complémentaire de soli-dariser l’ensemble du dispositif, de« l’institutionnaliser ».

Vers une typologiedes personnels (tableau 1)

Notre typologie fait apparaître cinqgroupes de professionnels. Ils sont

constitués en fonction du degré d’adhé-sion au programme « lycée non-fumeur ». Pour les caractériser, nousavons considéré les paramètres sui-vants : le statut du tabac, l’image queces personnels ont du tabac dans notresociété, la place qu’ils donnent à l’in-terdit et à la prévention et les leviersqu’ils proposent pour devenir « lycéenon-fumeur ». Les groupes sont respec-tivement nommés : « Totalement oppo-sés à une perte de liberté », « Opposéspar résistance à leur environnement detravail », « Indécis, partant sous certainesconditions », « Favorables sans percevoirle rôle à tenir » et « Acteurs de la pré-vention des addictions ». Le niveaucroissant d’implication qui caractérisecette typologie permet de mettre enévidence trois éléments significatifs dudiscours de ces professionnels : leurdéfinition de la prévention, le rapportqu’ils établissent entre le tabac et l’in-dividu dans sa dimension sociale et,enfin, l’accompagnement possible.

Ces personnels ont une perception dela prévention très fortement liée à leurpositionnement vis-à-vis du projet « lycéenon-fumeur » qui est, depuis, devenuune obligation imposée par un décret.Les personnels favorables au projet ontune approche préventive globale cen-trée sur le développement des compé-tences de l’individu. Certains proposentdes actions de prévention en lien directavec ce qui fonde la spécificité du métier

qu’ils exercent. Avoir une réflexionapprofondie sur ses missions éducati-ves (que l’on soit enseignant, cuisinierou conseiller principal d’éducation),conduit à juger le passage à un établis-sement non-fumeur réalisable. A contra-rio, les personnels opposés à un « lycéenon-fumeur » évoquent davantage lelevier de la peur en tant que principalmoyen d’action. Cela souligne d’ailleurstoute la difficulté que ces derniers ont àproposer d’autres alternatives plus impli-quantes.

En ce qui concerne les représenta-tions des rapports tabac et société outabac et lycée, ceux qui, à l’époque,étaient dans le cadre de cette enquêtedes opposants à un « lycée non-fumeur »rejettaient les responsabilités sur lasociété et sur le lycée : la collectivité estresponsable de la situation, c’est à elled’agir différemment. Les personnelsfavorables à l’interdit étaient eux davan-tage sur le champ d’une responsabili-sation individuelle : chacun est perçu entant qu’acteur potentiel de prévention.Enfin, ces derniers tablaient davantagesur le travail en équipe, espérant aussirompre l’isolement qu’ils exprimaient etcontribuer efficacement à un travail deprévention.

Quelques leviers possiblesCes données permettent de mettre en

évidence le fait que les professionnelsdes établissements scolaires ne sont pas

Page 10: La santé de l'homme - N° 387 - Janvier Février 2007

étrangers aux problématiques de pré-vention des conduites addictives. Seuleune très faible minorité était, toujoursdans le cadre de cette enquête, forte-ment opposée à une démarche « lycéenon-fumeur ». Si une partie significativedes acteurs était prête à s’investir, il appa-raissait très clairement que le principalobstacle était lié au fait qu’ils n’iden-tifiaient pas clairement la nature de leurcontribution à une telle démarche. L’en-racinement de l’accompagnement et dela formation dans les missions éducati-ves de chaque catégorie de personnels(programmes disciplinaires pour lesenseignants, missions de restaurationpour les personnels de cuisine, missionsd’encadrement des élèves pour les sur-veillants, etc.) est ainsi déterminant.

D’une façon plus générale, il est clairque le défi n’est pas d’ajouter toujoursplus à la charge déjà conséquente desétablissements mais plutôt de penserdifféremment certaines actions éduca-

tives, pour leur donner sens dans unprojet collectif respectant l’identité pro-fessionnelle de chacun. Même si l’étudemontre que le Comité d’éducation à lasanté et à la citoyenneté (CESC) n’estconnu que d’une minorité des person-nels, il apparaît que cette structure doitjouer davantage son rôle fédérateur.Fédérateur dans le sens d’une ouvertureà toute la diversité des personnels de l’é-tablissement, permettant ainsi à chacunde trouver sa place dans la dynamiquecollective. Fédérateur aussi dans le sensd’une articulation des projets au seind’une véritable politique d’établisse-ment dans le champ de la santé.

L’enjeu de la formation est mis enavant par une large part des acteurs. Ilest important ici de souligner l’intérêtdes formations d’initiative locale quipermettent d’organiser des temps d’ac-compagnement avec des formateurscompétents (rectorat, IUFM, réseauassociatif) susceptibles d’aider des équi-

pes pluricatégorielles dans la rédactiond’un projet en lien avec le projet d’éta-blissement.

Franck Pizon

Maître formateur,

Didier Jourdan

Professeur des universités,

IUFM d’Auvergne, Clermont-Ferrand.

1. Voir notamment le plan gouvernemental de luttecontre les drogues illicites, le tabac et l’alcool.2. « Elle vise à aider chaque jeune à s’approprier pro-gressivement les moyens d’opérer des choix, d’adop-ter des comportements responsables, pour lui-mêmecomme vis-à-vis d’autrui et de l’environnement. Ellepermet aussi de préparer les jeunes à exercer leurcitoyenneté avec responsabilité, dans une société oùles questions de santé constituent une préoccupa-tion majeure ». Circulaire 98-237 du 24 novembre1998.3. Friedberg E. Comment enseigner la sociologie desorganisations aux cadres. Centre de sociologie desorganisations. Paris, août 1995.4. Goigoux R. Contribution de la psychologie ergono-mique au développement de la didactique du françaisIn : Mercier A., Margolinas C. Balises en didactiquedes mathématiques. Grenoble : La pensée sauvage,2005.5. Programme régional Libertabac.

la santé à l’école

10 LA SANTÉ DE L’HOMME - N° 387 - JANVIER-FÉVRIER 2007

Éditorial•Santé au travail : des marges de progrès

importantesJean-Denis Combrexelle

Actualité•Santé et précarité : quelle action pour les

Villes-Santé de l’OMS ?Valérie Lévy-Jurin

International•Maroc : un système de santé en quête

d’identitéMarc Duriez

Régions•Paris : la maison départementale des per-

sonnes handicapéesElisabeth Sévenier Muller, Philippe Coste,Jean-Lou Nicolaï, Christian Leloup, MichelBarclay, Samuel Valenti

Études•Prendre en charge la drépanocytose

Anne Tursz, Jon Cook, Élisabeth Fournier-Charrière, Gil Tchernia, Le groupe GEVE-DREP

Repères•Organisme

Agence française de sécurité sanitaire del’environnement et du travail

•FormationMaster professionnel : pratiques et poli-tiques locales de santé

•Lectures•Brèves européennes•En ligne•Lois & réglementation•Calendrier

DOSSIERLa place de la santé au travail dans lasanté publiquedossier coordonné par Marcel Goldberg

Connaître les liens entre santé et travail•L’impact de facteurs professionnels sur la

santé de la populationEllen Imbernon, Marcel Goldberg

•La surveillance épidémiologique des risquesprofessionnels : pourquoi et comment ?Ellen Imbernon

•L’exposition aux nuisances et aux pénibili-tés du travailBernard Arnaudo, Thomas Coutrot, Marie-Christine Floury, Nicole Guignon, IsabelleMagaud-Camus, Nicolas Sandret, DominiqueWaltisperger, Joëlle Févotte, Danièle Luce

La prévention et la réparation des risquesprofessionnels•Le dispositif français de prévention et de

réparation des risques professionnelsPierre Abecassis, Nicolas Sandret

•Aspects économiques de la prévention etde la réparation des risques professionnelsPhilippe Askenazy

Problèmes spécifiques actuels de la santéau travail•Les troubles musculo-squelettiques des

membresYves Roquelaure, Catherine Ha, AnnetteLeclerc

•Les cancers professionnelsDanièle Luce

•Les facteurs psychosociaux et la violencepsychologique au travailIsabelle Niedhammer

• Vieillissement et travailSerge Volkoff, Corinne Gaudart

•Organisation du travail, conditions de tra-vail et santéMichel Gollac

Tribunes•Les leçons à tirer de l’exposition à

l’amiante dans le domaine de la préventiondes risques professionnelsJean Le Garrec, Jean Lemière

•L’État garant de la santé au travailMarcel Royez

•Contribution des facteurs professionnelsaux inégalités sociales de santéAnnette Leclerc

•La complémentarité entre santé publiqueet santé au travailArmelle George-Guiton

57 décembre 2006

Revue du Haut Comité de la santé publiqueDécembre 2006 – numéro 57Prix 13,50 eurosLa documentation Française29-31, quai Voltaire75344 Paris cedex 07Téléphone : 01 40 15 70 00Télécopie : 01 40 15 68 00www.ladocumentationfrancaise.fr

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387Janvier-Février 2007

num

éro

La santé... par l’activité physique !

Quel est l’intérêt de l’activité physique pour la santé ? Comment inciter jeu-nes et moins jeunes à « pratiquer » ? C’est à ces questions que ce dos-sier central est consacré. En 2005, une conférence de consensus réunieà Nancy sur le thème « Activité physique et santé » a identifié les straté-gies incitatives dont l’efficacité a pu être évaluée : qu’il s’agisse d’inter-ventions sur les déterminants individuels, auprès de certaines populationsmais aussi d’une adaptation de l’environnement à la pratique d’une acti-vité physique. Partant de ces connaissances, la psychologue ChristineLe Scanff explique quels sont les ingrédients à réunir pour « engager »durablement une personne dans la pratique. René Demeulemeester,médecin de santé publique, passe en revue les stratégies de promotionde l’activité physique qui ont fait leurs preuves de par le monde. Jean-Michel Oppert, professeur de nutrition et praticien hospitalier, présenteune synthèse des effets de l’activité physique sur la santé. Sur le planpsychologique, le fait de s’adonner à une activité a un impact positif surla qualité de vie, rappelle Anne Vuillemin, maître de conférences, qui pointel’intérêt d’activités « douces » comme le tai-chi, la marche et la gymnas-tique chez les seniors. Comme l’activité physique ne se décrète pas, la sociologue Claire Perrinsouligne qu’il faut « donner du sens » à la pratique d’une activité, laquellepeut être synonyme de relations sociales et de développement des compé-tences personnelles. À condition aussi de prendre en compte les inégali-tés sociales, les conditions de vie et de logement qui freinent la pratique.En écho, Pierre Parlebas, professeur à La Sorbonne, insiste sur la forma-tion des éducateurs et autres professionnels afin que l’activité physiquefavorise avant tout l’épanouissement et l’estime de soi chez les jeunes. Mais travailler avec les personnes ne suffit pas, c’est à la société qu’ilincombe de créer un environnement plus favorable à ces pratiques. LeQuébec montre la voie en aménageant ses villes et ses écoles pour déve-lopper l’envie de marcher et de bouger, comme l’explique VéroniqueMartin, l’une des responsables de ce programme. En France, dans ledépartement du Bas-Rhin, plusieurs collèges expérimentent « Icaps »,un dispositif d’incitation à l’activité physique dont les premiers résultatssont prometteurs. Autre initiative : le « pédibus » qui consiste pour les jeu-nes enfants à aller à l’école à pied en étant encadré par des adultes.Pour l’ensemble des professionnels sollicités dans le cadre de ce dos-sier, le développement de la pratique passe avant tout par l’aménagementdes villes, des lieux de vie éducatifs et de l’espace public.

Yves Géry

Dossier coordonné par Annick Fayard, directrice, direction du Déve-loppement de l’éducation pour la santé et de l’éducation thérapeu-tique, INPES, et Myriam Fritz-Legendre, membre de la directionde l'Action pédagogique et de l'Animation du mouvement, Ceméa.

11LA SANTÉ DE L’HOMME - N° 387 - JANVIER-FÉVRIER 2007

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12 LA SANTÉ DE L’HOMME - N° 387 - JANVIER-FÉVRIER 2007

édito

Développons un environnementfavorable aux activités physiques !

Ce n’est que récemment que le développe-ment de l’activité physique a été inscrit explici-tement dans les politiques de santé. Néanmoins,le rapport entre activités physiques et santédemeure complexe puisqu’il implique autant l’être dans son individualité que dans son rap-port aux autres, et questionne les choix d’orga-nisation de la société. La prise en compte desactivités physiques comme facteur de protectionet d’amélioration de la santé implique uneapproche « écologique » de la santé. Au sens oùcette approche accorde la même importance auxvariables personnelles et aux variables dépen-dantes de l’environnement.

Le présent dossier fait état desconnaissances, des recherches etdes expériences réalisées sur cesquestions. Il montre en particu-lier la prise en compte des fac-teurs individuels liés à la pratiquerégulière d’activités physiques. Ilsouligne l’importance de les dif-férencier des activités sportives.En effet, les activités physiques,loin de se limiter à la pratique dusport, peuvent être intégréesdans la vie quotidienne à condi-

tion qu’un cadre de vie propice le permette. Deplus, des alliances fructueuses peuvent être déve-loppées entre promotion de l’activité physiqueet promotion d’activités sportives, en particulierde loisirs. Plaisir, accomplissement personnel,qualité de vie collective dans une société danslaquelle les citoyens prennent une part plusactive ; ces paramètres constituent des leviersessentiels pour inciter à la pratique de ces acti-vités.

Les conséquences pour la santé d’un déficitd’activité physique sont largement mises enavant dans les médias. Cependant des change-ments de comportements durables ne peuventêtre dissociés d’un projet de société plus globaloffrant un cadre de vie plus favorable à nosbesoins physiologiques, psychologiques etsociaux. D’où l’intérêt d’alimenter ce débat desociété en informant les décideurs et le grandpublic. Tous les professionnels que nous avonssollicités pour ce dossier soulignent qu’il faut

certes travailler sur les facteurs individuels, maissurtout entreprendre une analyse plus appro-fondie des critères environnementaux :– les relations avec la famille et les amis, qui peu-vent renforcer ou faire obstacle aux activitésphysiques ;– les milieux de vie – école, entreprise, quartier –dans lesquels s’inscrivent les relations sociales ;– les facteurs relevant de la société, normessociales et culturelles, qui participent à la miseen place de ces activités ;– l’environnement en terme d’infrastructures quiconditionne leur réalisation.

Ces facteurs sont interdépendants dans lesens où ils peuvent « interagir » : une personnepeut, par exemple, rassembler autour d’elle ungroupe qui va agir en faveur d’une modifica-tion de son cadre de vie, dans un sens d’une inci-tation à la pratique. Une évolution de la normesociale peut faciliter ou faire obstacle à l’adop-tion ou au maintien d’une activité physique.Cette approche aide à identifier les facteurs quiinterviennent et à repérer ceux sur lesquels il estpossible d’agir, en particulier les facteurs rele-vant de l’environnement.

Ce dossier de La Santé de l’homme souligneles avancées significatives et l’intérêt de la priseen considération des facteurs individuels, ilmontre également tout le chemin à parcourir parnos institutions sociales et politiques pour fairefigurer dans leurs stratégies et programmes d’ac-tion les conditions nécessaires en amont à l’a-mélioration et au développement durable de lasanté des populations. Le développement de lapratique de l’activité physique en est un desmaillons essentiels.

Annick Fayard

Directrice de la direction du Développement

de l’éducation pour la santé

et de l’éducation thérapeutique, INPES.

Myriam Fritz-Legendre

membre de la direction de l'Action pédagogique

et de l’Animation du Mouvement, Ceméa.

Pour en savoir plus, voir également Vers l’éducation nouvelle,revue des Ceméa, dont le dossier n°523 est consacré à la théma-tique : Éducation motrice, jeux et sports (juillet 2006 : p. 24 à 67).

Les activités physiques, loinde se limiter à la pratique dusport, peuvent être intégrées

dans la vie quotidienne àcondition qu’un cadre de vie

propice le permette.

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13LA SANTÉ DE L’HOMME - N° 387 - JANVIER-FÉVRIER 2007

Les Français – et les Françaises en particulier – ne pratiquent pas suffisamment d’acti-vités physiques. Pour les y inciter, il faut travailler sur l’ensemble des déterminants indi-viduels : sur la confiance, principal médiateur du changement, le plaisir – qui motive lapersonne pour changer son comportement – et aussi associer étroitement la personneà son projet. Dédramatiser et déculpabiliser aussi les cessations temporaires d’activité,fixer des objectifs progressifs, modestes et atteignables. Et, enfin, bâtir un programmesur mesure pour chaque population.

Un nombre important de travauxmettent en évidence les bienfaits d’unepratique régulière de l’activité physiquesur le bien-être physique, psycholo-gique et social des individus. L’exercicephysique est un facteur préventif destroubles contre l’obésité, le diabète, lesmaladies cardio-vasculaires. L’activitéphysique permet également de préve-nir les troubles comme l’anxiété et ladépression. Il apparaît cependantqu’une part importante des Français etsurtout des Françaises n’atteint pas laquantité minimale d’exercice physiquenécessaire pour bénéficier de ses bien-faits (vingt à trente minutes d’activitémodérée par jour). Comprendre lesdéterminants psychologiques qui sont àl’origine de l’engagement dans l’activitéphysique est par conséquent un enjeuimportant. Une revue de littératurerécente de l’agence du développement

de la santé au Royaume-Uni (2005)montre que les interventions d’éduca-tion à la santé visant à encourager lapratique d’activité physique, utilisant lecadre cognitif et comportemental, pro-duisent une augmentation de 35,4 % dutemps passé dans les activités phy-siques. Mais de quel modèle s’agit-ilprécisément ? Celui qui est sans doutele plus utilisé au niveau international estle modèle transthéorique qui a pour ori-gine le travail de Prochaska et DiCle-mente (1). Il est dit transthéorique caril est issu de plusieurs théories psycho-logiques, comme la théorie socialecognitive de Bandura (2) ou la théoriede l’apprentissage de Skinner (3).

De l’indifférence à l’actionLes auteurs ont montré que la modi-

fication d’un comportement passe parcinq stades qui sont les suivants :

– indifférence (inactif et ne pense pasà devenir actif) ;– réflexion (inactif mais pense à deve-nir plus actif) ;– programmation (légèrement actifmais insuffisamment) ;– action (pratique suffisamment d’ac-tivités physiques mais depuis moins desix mois) ;– maintien (a fait de l’activité physiqueune habitude).

Selon Prochaska et DiClemente (1), leprofessionnel de la santé doit appliquerune stratégie différente à chacune de cesétapes. Des études montrent en effetque, lorsqu’il y a un décalage entre lestage de préparation au changement etl’intervention utilisée, les personnes ontdavantage de probabilités d’arrêter leprogramme ou, si elles continuent, ellesont moins de chance d’atteindre leur but.

Comment engager une personne durablement dans la pratique d’une activité ?

Inciter les personnes…et adapter l’environnementComme l’ont rappelé les experts réunis lors de la conférence de consensus sur l’activité physique et la santé (Nancy,2005), deux types d’interventions complémentaires visent à améliorer la santé et à prévenir les maladies parl’adoption et le maintien d’une activité physique régulière intégrée à la vie quotidienne :– les interventions individuelles (enseignement de compétences telles que la fixation d’objectifs personnels, aveccours d’activité physique et évaluation des facteurs de risque, etc.). Elles sont susceptibles d’entraîner une aug-mentation importante de l’activité physique mais chez un petit nombre de personnes. Elles sont complémentairesdes interventions populationnelles, en particulier dans la mesure où elles vont s’adresser à des personnes à risques ;– les interventions populationnelles (mise en réseau, changements d’organisation, modifications de l’environne-ment, etc.). D’apparition plus récente, elles ont été moins étudiées, elles peuvent avoir pour résultat une faible aug-mentation de l’activité physique mais chez un grand nombre de personnes. Christine Le Scanff et René Demeulemeester ont, lors de la conférence de consensus de Nancy, apporté leur contri-bution d’experts sur ces deux types d’interventions. En voici la synthèse.

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14 LA SANTÉ DE L’HOMME - N° 387 - JANVIER-FÉVRIER 2007

En utilisant des questionnaires poursavoir à quel niveau de préparation lespersonnes se situent, les études mon-trent qu’il y a une relation directe entrele stade de préparation motivationnelled’une personne et le nombre de minu-tes d’activité physique par semaine (4).

Les processus de changementcomportemental

Ce sont les stratégies et les tech-niques que les individus utilisent pourmodifier leur comportement et passerd’un stade à l’autre. On divise les pro-cessus de changement par rapport àl’activité physique en deux catégories :les processus cognitifs (pensées, attitu-des, prise de conscience) et les proces-sus comportementaux (actions).

Les processus cognitifs– Augmentation des connaissances(encourager la personne à lire et pen-ser aux activités physiques) ;– prise de conscience des risques (fairepasser aux personnes le message qu’être inactif est très mauvais pour lasanté) ;– se sentir concerné par les consé-quences de son propre comportementen matière d’activité physique sur lesautres (encourager la personne à recon-naître que sa pratique sert d’exempleaux autres membres de la famille) ;– comprendre les bénéfices (aider lapersonne à comprendre les bénéficespersonnels qu’il y a à être actif) ;– augmenter les opportunités d’uncomportement de santé (aider la per-sonne à être vigilante sur toutes lesopportunités à être physiquementactive).

Les processus comportementaux– Substituer des alternatives à un com-portement habituel (plutôt que de « sereposer » devant la télévision », encou-rager la personne à participer à des acti-vités physiques quand elle est fatiguéeou stressée) ;– s’entourer de support dans son entou-rage ou sa vie sociale (encourager lapersonne à trouver quelqu’un dans sonentourage qui est capable de lui appor-ter du support pour son activité phy-sique) ;– se récompenser (encourager la per-sonne à se féliciter et à se récompen-ser quand elle est active) ;– s’impliquer (encourager la personneà faire des promesses, des plans et às’impliquer à être active) ;

– se rappeler (apprendre à la personnecomment mettre en place des élémentsde rappel pour être active, comme gar-der des chaussures confortables dans savoiture et au bureau, prêtes à être utili-sées à tout moment.

Moins de stress, plus de plaisir :une perspective déterminante

Selon la théorie des changementscomportementaux, une personne estplus à même de devenir active physi-quement quand des circonstances favo-rables sont présentes et quand desconséquences agréables résultent del’activité physique : quand un endroitest disponible, que l’on a prévu dutemps, quand on se sent bien, moinsstressé après un exercice.

La théorie de l’apprentissage prévoitégalement que lorsqu’on veut adopterun nouveau comportement complexe,il est important de démarrer avec depetites étapes, et progresser lentementvers le résultat désiré. La plupart dutemps, les personnes qui se mettent àl’exercice physique mettent en place desbuts trop difficiles, comme marcher qua-rante-cinq minutes par jour. Le résultatest alors la frustration ou la blessure etl’abandon du programme, avant quedes habitudes d’activité soient établies.

En mettant en place des buts plusmodestes et atteignables (dix minutesde marche en plus par semaine, jusqu’àtrente minutes plusieurs fois parsemaine), la personne développe unsens d’accomplissement et apprend lesstratégies pour dépasser les barrièresqui l’avaient conduite à abandonnerdans le passé. Elle développe ainsi unsens de maîtrise sur plusieurs compor-tements (programmer du temps, fairede l’activité même quand on est fatigué,demander aux membres de la famillede garder les enfants, même pour unedemi-heure). À mesure que la per-sonne devient expérimentée, l’objectifest graduellement augmenté et la per-sonne est récompensée pour chaqueprogrès accompli. Il est donc parti-culièrement important que la personnesache qu’il est préférable de commen-cer doucement.

Finalement, choisir un comporte-ment actif plutôt que sédentaire dépenden partie de la durée du temps qui vas’écouler entre faire ce choix et enrecueillir les bénéfices, la personne sou-

haitant, dans la plupart des cas, avoir un« retour sur investissement » rapide. Or,pour l’activité physique, beaucoup deces bénéfices (moins de chance dedévelopper une maladie cardiaque)sont différés alors que les bénéfices dela sédentarité (se faire plaisir en regar-dant un film à la télévision) sont immé-diats. C’est pourquoi il est importantd’encourager les personnes à considé-rer les récompenses immédiates, maissouvent ignorées de l’activité (sentir del’énergie, plaisir d’avoir l’impressiond’avoir fait quelque chose de bon poursoi-même, être un bon modèle pour safamille, ses amis), et de garder à l’espritles effets à long terme d’un comporte-ment sédentaire, souvent oubliés aumoment du choix.

Obstacles à l’exercice physiqueLes personnes vont en fait décider de

s’engager dans un comportement par-ticulier sur la base d’une comparaisonentre les bénéfices perçus par rapportaux coûts perçus de leur comportement.Nous sommes en effet plus à même d’être actifs si nous croyons que lesbénéfices (amélioration de la santé,diminution du stress) dépassent les coûts(temps pris sur d’autres activités, transpi-rer). Les personnes qui se situent dansle dernier stade de préparation motiva-tionnelle (stade 5, maintien de l’activitédevenue une habitude) perçoiventdavantage de bénéfices à être actifs, alorsque les personnes dans les premiers stades pensent qu’il y a davantage dedésavantages que d’avantages (5).

De nombreuses études ont été réali-sées récemment sur différentes popu-lations pour comprendre les obstaclesà l’exercice physique, partant de l’hy-pothèse que c’est la première étapepour les dépasser. Ces barrières, dontles principales sont le manque detemps, d’énergie et de motivation, sontdépendantes du sexe, de l’âge, duniveau d’éducation, du niveau derevenu et de l’état de santé.

Il semble également que des barriè-res existent chez les professionnels eux-mêmes, qui n’inciteraient pas leurspatients à pratiquer l’activité physique,cas en particulier des praticiens ou desinfirmières, qui pourraient faire la pro-motion de l’activité physique (6). Labarrière la plus importante étant lemanque d’activité physique des pro-fessionnels de la santé eux-mêmes.

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15LA SANTÉ DE L’HOMME - N° 387 - JANVIER-FÉVRIER 2007

Se sentir libreUn autre aspect à considérer dans le

choix comportemental est le sentimentde « liberté » de la personne. Ce conceptest issu des théories psychosociales, et notamment la théorie de l’engage-ment (notion de soumission librementconsentie) (7). Pour ressentir des consé-quences positives comme résultat d’uneactivité physique, les personnes ontbesoin de sentir qu’elles ont choisi libre-ment d’être actives et non pas seulementpour faire plaisir à quelqu’un d’autre. Siles personnes ont l’impression qu’ellesont été forcées à commencer un pro-gramme d’activité plutôt que de l’avoirchoisi d’elles-mêmes, elles peuvent nepas être motivées à changer leur style devie pour un mode de vie plus actif.

Outre l’explication d’un programme,la participation des personnes à la cons-truction de ce programme et des diffé-rents buts à atteindre facilite leur accep-tation et leur engagement ; si elles sontainsi partie prenante (ou associées à l’é-laboration), elles se fixeront d’ailleursdes objectifs plus ambitieux que si onleur impose le programme. La partici-pation à la définition de ces objectifspermet aussi une meilleure compré-hension de ce qu’il faut faire.

La prévention des rechutesCette prévention est particulièrement

importante pour maintenir des chan-gements sur le long terme, et c’est pro-bablement le défi le plus important ence qui concerne les activités physiques :les bénéfices n’existent que si l’on pra-tique de façon régulière.

Les programmes basés sur cette pré-vention aident les personnes à anticiperet planifier les problèmes qu’elles vontrencontrer si elles veulent continuerleur programme d’activité physique.Ces problèmes peuvent inclure ladépression, l’anxiété, les blessures, unepression sociale, des difficultés avec desmembres de la famille ou des amis, unsupport social limité, une motivationbasse, une pression temporelle ou dumauvais temps (8).

Il s’agit d’identifier les situations pla-çant la personne devant un risqueimportant de ne pas être physiquementactive (travailler beaucoup dans la jour-née), et de développer un plan straté-gique pour éviter ou si nécessaire faireface à chacune de ces situations (faire

trois fois dix minutes de marche pourcouper le travail).

Si une personne se trouve dans unesituation dans laquelle elle court lerisque de ne pas être active mais qu’elleparvient à surmonter la tentation d’êtresédentaire, son sentiment d’efficacitépersonnelle va augmenter. En revanche,si elle ne parvient pas à être active, elleva sans doute se sentir moins confiantedans sa capacité à faire face à des situa-tions similaires dans le futur.

Un autre aspect important de la pré-vention des rechutes est de permettreaux personnes de faire la distinctionentre un arrêt temporaire (quelquesjours d’inactivité) et un arrêt plus défi-nitif, de sorte qu’elles ne soient pas ten-tées de tout arrêter parce qu’elles ontmanqué quelques jours d’exercice.Après des vacances inactives, une per-sonne peut se dire « Quel est l’intérêtde recommencer ? J’ai perdu l’habi-tude. » En reconnaissant au contraire

qu’un arrêt dans une routine d’activi-tés physiques est normal mais tempo-raire, elle se dira au contraire : « Bon jeme suis arrêtée, mais il est temps désor-mais de se remettre à marcher. »

Facteurs personnels

L’efficacité personnelleD’après la théorie sociale cognitive

(9), l’efficacité personnelle ou confianceen ses propres capacités à réussir uncomportement particulier est le média-teur le plus important du changement.La perception d’être capable de réussirquelque chose augmente la probabilitéde s’engager dans ce comportement. End’autres termes, augmenter la confianceen ses capacités conduit à un plus hautniveau d’activité physique un peu plustard (mesuré généralement de trois à sixmois après le début du programme).Des études ont observé l’impact de laconfiance en ses capacités sur l’activitéphysique à travers différentes situa-tions : pendant les vacances, quand on

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est blessé, lorsque le climat est défavo-rable à la pratique, etc. D’autres auteursont exploré ce même facteur deconfiance pour différents comporte-ments d’activités physiques, commeprendre du temps pour l’activité et s’ytenir.

Le support socialLe support social est un autre facteur

puissant de changement comporte-mental (10). Il existe sous différentesformes :– le support social instrumental consisteà apporter à une autre personne unsoutien tangible qui va l’aider dans sesefforts de changement comportemental(exemple : emmener quelqu’un à sasalle de gym) ;– le support informationnel consiste àdonner des informations pertinentes :sur un événement sportif auquel il estsympathique de participer, ou bien surles processus qui permettent de restermotivé ;– le support émotionnel signifie qu’uneautre personne sait que vous faitesattention à elle et à la façon dont elle s’yprend pour changer ses comporte-ments ;– le support social d’évaluation, enfin,implique le fait de donner du feedbacket des encouragements à quelqu’un quiapprend une nouvelle activité phy-sique.

Le support social peut provenir dedifférentes sources (membres de lafamille, amis, collègues, instructeurs desport, d’autres participants au pro-gramme d’activité physique) (8).

Le plaisirIl n’est pas surprenant que les per-

sonnes qui disent qu’elles ont du plai-sir à pratiquer tendent à être celles quideviennent et restent actives. Alors quele plaisir de pratiquer n’est lié à aucunethéorie spécifique, on l’a constammenttrouvé associé à l’activité physique desadultes, aux stades de la motivationpour le changement et à l’adhésion àdes programmes d’exercice (8).

Être efficace, mais à long termeLes campagnes pour diminuer les

facteurs de risque cardio-vasculaire enincluant l’activité physique existentmaintenant depuis une trentaine d’an-nées. Ces programmes ne sont pasadaptés aux différents types de person-

nes et notamment à leur stade de pré-paration. Ils donnent un message géné-ral de promotion de l’activité physiquequel que soit le public. Ces programmesont l’avantage d’augmenter la prise deconscience en ce qui concerne l’activitéphysique. Mais, pour ce qui concerne lepassage à l’action, c’est-à-dire un chan-gement comportemental, la conclusiondes études montre qu’il est important dediviser la population en sous-groupes etde leur adapter les programmes afin demieux répondre aux besoins spéci-fiques. Les résultats de ces programmesdonnent de meilleurs résultats que lesapproches traditionnelles en termesd’augmentation du comportement d’ac-tivité physique (11, 12).

Une des difficultés majeures àlaquelle se heurtent cependant les pro-grammes d’incitation à l’activité phy-sique est leur efficacité sur le longterme. Ce changement nécessite sansdoute un suivi plus actif que ce qui estfait actuellement. Différents systèmesont été expérimentés aux États-Unis,comme un suivi par téléphone oumême par Internet. Une étude récentequi inclut deux sessions de suivi avec

◗ Références bibliographiques(1) Prochaska J.O., DiClemente C.C. Stages ofprocesses of selfchange of smoking: towardan integrative model of change. J. Consult.Clin. Psychol. 1983; 51(3) : 390-5.(2) Bandura A. Self-efficacy: Toward a unifyingtheory of behavioral change. PsychologicalReview 1977; 84(2): 191-215.(3) Skinner B.F. Science and human behavior.New York: The Free Press 1953.(4) Dunn A.L., Marcus B.H., Kampert J.B., Gar-cia M.E., Kohl H.W. III, Blair S.N. Reduction incardiovascular disease risk factors: 6-monthresults from Project Active. Prev. Med. 1997;26(6): 883-92.(5) Marcus B.H., Rakowski W., Rossi J.S.Assessing motivational readiness and deci-sion-making for exercise. Health Psychology1992; 11: 257-61.(6) McKenna J., Naylor P.-J., McDowell N. Bar-riers to physical activity promotion by gene-ral practitioners and practice nurses. Br. J.Sports Med. 1998; 32: 242-7.(7) Joule R.-V., Beauvois J.-L. La soumissionlibrement consentie. Paris : Puf, coll. Psycho-logie sociale, 2006 : 224 p.(8) U.S. Departement of Health and Human

Services. Physical activity and health: A reportof the surgeon general. Atlanta, GA: Centersfor Disease Control and Prevention, NationalCenter for Chronic Disease Prevention andHealth Promotion.(9) Bandura A. Social foundations of thoughtand action: a social cognitive theory. Engle-wood Cliffs, NJ: Prentice-Hall 1986.(10) Sarason L.G., Sarason B.R. Social sup-port: theory, research, and applications. TheHague: Martinus Nijhoff, 1985: 463-89.(11) Marcus B.H., Bock B.C., Pinto B.M., For-syth L.H., Roberts M.B., Traficante R.M. Effi-cacy of an individualized, motivationally-tailo-red physical activity intervention. Ann. Behav.Med. 1998; 20(3): 174-80.(12) Marcus B.H., Emmons K.M., Simkin-Sil-verman L.R., et al. Evaluation of motivationallytailored vs. standard self-help physical acti-vity interventions at the workplace. Am. J. ofHealth Promot. 1998; 12(4): 246-53.(13) Halbert J.A., Silagy C.A., Finucane P.M.,Withers R.T., Hamdorf P.A. Physical activity andcardiovascular risk factors: effect of advicefrom an exercise specialist in Australian gene-ral practise. Med. J. Aust. 2000; 173(2): 85-7.

un spécialiste de l’exercice rapporteainsi au bout d’un an des changementsplus importants d’activité physique quepour les membres d’un groupe de réfé-rence qui n’en a pas bénéficié (13).

Changer son style de vie pour un stylede vie plus actif est un défi important ;les habitudes ne peuvent être modifiéesque très progressivement. Lorsque desconseils ou des programmes d’exercicesont donnés à des personnes, il convientd’être particulièrement attentif aux pro-cessus psychologiques qui sont en jeudans leur motivation (confiance en leurcapacité, délivrance de feedbacks régu-liers et sur le long terme). Le coût sup-plémentaire entraîné par un tel disposi-tif d’encadrement n’est souvent pas lefrein le plus important à leur mise enplace. Le manque de connaissancepsychologique des prescripteurs de soinainsi que leur propre motivation à l’exer-cice sont davantage à questionner.

Christine Le Scanff

Professeur des universités, psychologue,

directrice de l’équipe de recherche 2 494

« Psychologie des pratiques physiques (3P) »,

UFR STAPS, université Paris-Sud-XI.

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Outre l’action sur les déterminants individuels décrite précédemment par Christine LeScanff, les interventions auprès des populations (mise en réseau, changements d’orga-nisation, modifications de l’environnement, etc.) peuvent avoir pour résultat une pratiqueaccrue de l’activité physique chez un grand nombre de personnes. Quelles sont lesstratégies de promotion de la santé qui ont fait leurs preuves en la matière ? Revued’une littérature puisée essentiellement dans les études menées aux États-Unis et en Aus-tralie, et enseignements à en tirer pour notre territoire1.

Le vocable de promotion de la santéest d’usage relativement récent ; né audébut des années 1980, c’est en 1986qu’il a trouvé son expression avec laproclamation de la charte internationaled’Ottawa. La promotion de la santé està la fois une philosophie d’action entant que « processus qui confère auxpopulations les moyens d’assurer unplus grand contrôle sur leur propresanté et d’améliorer celle-ci » et unensemble de pratiques spécifiques entant que « toute combinaison d’actionsplanifiées de type éducatif, politique,législatif ou organisationnel appuyantdes habitudes de vie et des conditions devie favorables à la santé d’individus, degroupes ou de collectivités » (1).

Les stratégies dites de promotion dela santé reposent sur une approche éco-logique de la santé. Cette approcheaccorde la même importance aux varia-bles personnelles et aux variables d’en-vironnement. Elle prend en compte :– les facteurs individuels qui augmen-tent ou diminuent la probabilité qu’unepersonne ait une activité physiquerégulière ;– les relations avec la famille et les amis,les pairs qui renforcent ou au contrairefont obstacle à ce comportement ;– la communauté dans laquelle s’ins-crivent les relations sociales : l’école,l’entreprise, le quartier ;– les facteurs de société : normes socia-les et culturelles ;– l’environnement physique : accessi-bilité, sécurité, plaisir, etc.

Elle considère qu’à chaque niveaules facteurs peuvent être modifiés par

un autre niveau : une personne peut,par exemple, rassembler autour d’elleun groupe qui va agir en faveur d’unemodification de l’environnement. Uneévolution de la norme sociale peut faci-liter ou faire obstacle à l’adoption ou aumaintien d’une activité physique. Cetteapproche aide à élucider les facteursqui interviennent à différents niveaux età repérer ceux sur lesquels il est possi-ble d’intervenir, en particulier les fac-teurs de l’environnement qui font obs-tacle ou au contraire qui facilitent uneactivité physique régulière.

Enseignements de la littérature

Les facteurs liés à une pratiquerégulière d’activités physiques

La recherche sur les déterminantsindividuels est relativement dévelop-pée, en revanche, la recherche sur lesdéterminants éco-environnementauxprésente certaines limites : le sujet estrécent, la quantité de données est limi-tée, il y a peu d’études menées à grandeéchelle et elles l’ont été principalementaux États-Unis ou en Australie. La plu-part des résultats exposés ci-dessoussont extraits d’un document de syn-thèse québécois : stratégies éprouvéeset prometteuses pour promouvoir lapratique régulière d’activités physiquesau Québec (2).

Si l’on s’en tient aux déterminantsenvironnementaux, la pratique d’uneactivité physique régulière est asso-ciée au milieu urbain plutôt qu’auxbanlieues ou au milieu rural, et à undegré élevé de sécurité piétonnière(faible taux de criminalité, faible cir-

culation automobile, trottoirs, éclai-rage), à l’accessibilité des infrastruc-tures sportives et à la présence de per-sonnes physiquement actives dansl’entourage.

Quatre catégories de facteurs de l’en-vironnement sur lesquels il est possi-ble d’agir et qui ont une influencedirecte sur l’engagement et la poursuited’une activité physique ont été identi-fiées : – l’accès aux ressources : disponibilitéet accessibilité des équipements spor-tifs ;– l’environnement : espaces verts, pis-tes cyclables ;– les politiques publiques : temps d’édu-cation physique dans les programmesscolaires ; – les normes sociales : campagnesmédiatiques, normes microsociales.

Les interventions populationnellesLes recommandations ci-après résul-

tent d’une revue systématique des inter-ventions populationnelles ayant pourbut d’accroître l’activité physique, réali-sée en 2001 par la Task Force on Com-munity Preventive Services des CDC2 (3).Elles résultent de l’analyse de quatre-vingt-quatorze interventions popula-tionnelles avec comparaisons expo-sées/non exposées. Elle distingue lesinterventions fortement recommandéesqui ont fait solidement la preuve de leurefficacité, les interventions recomman-dées pour lesquelles le niveau depreuve est suffisant, et les interventionspour lesquelles les données étaientinsuffisantes pour faire la preuve deleur efficacité.

Promotion de l’activité physique : des stratégies qui ont fait leurs preuves

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• Les interventions fortementrecommandées– Les campagnes médiatiques avec fortevisibilité qui suscitent l’intention de pra-tiquer une activité physique. Ces cam-pagnes utilisent plusieurs médias (télé,radio, journaux, cinéma, etc.). Elles sontassociées à des actions locales ;– les activités visant à aider les person-nes à introduire des activités physiquesdans leur vie quotidienne réalisées engroupe, par courrier, téléphone ouInternet (acquisition de compétencescomportementales, élaboration d’ob-jectifs et autoévaluation, constructiond’un soutien social, renforcement parautoappréciation et autorécompense,résolution de problèmes) ;– la modification des programmes sco-laires en vue d’accroître le temps passéen cours d’activité physique et sportiveet le temps d’activité réelle des élèvesdurant ces cours ;– le soutien social de proximité visantà modifier les comportements d’activitéphysique en bâtissant, renforçant etmaintenant un réseau social qui va sou-tenir les changements de comporte-ment. Ce type d’intervention comporte,

par exemple, un soutien aux réseauxexistants, la création de nouveauxréseaux, l’organisation d’un compa-gnonnage, la facilitation des contactsentre personnes, la création de groupesde randonnée, etc. ;– l’amélioration de l’accessibilité auxlieux d’activité physique par la créationde cheminements, la réduction des obs-tacles (horaires, tarifs, etc.), l’appren-tissage de l’utilisation des équipements,les conseils de pratique, le dépistagedes facteurs de risque, etc.

• Les interventions recommandées– L’encouragement à l’usage des esca-liers par une signalétique adaptée :signalétique au niveau des escaliersmécaniques et ascenseurs encourageantà utiliser les escaliers les plus proches,par exemple dans les gares, métros,grands magasins, universités, etc. ;– une politique des transports et desmodifications des infrastructures en vuede promouvoir les modes de transportactifs (pistes cyclables, parkings à vélossurveillés, etc.) ;– une politique d’urbanisme avecaccroissement des zones et chemine-

ments piétonniers, multiplication desterrains de jeux, etc.

• Les interventions pour lesquellesle niveau de preuve est insuffisant

Les interventions suivantes n’étaientpas forcément inefficaces mais les éva-luations réalisées n’avaient pas permisde faire la preuve de leur efficacité :– les campagnes médiatiques (télévi-sion, radio, journaux) destinées àaccroître les connaissances, modifier lesattitudes ou les comportements sansautre composante ;– l’éducation pour la santé à l’école cen-trée sur une information sur les risquespour la santé utilisant des méthodesessentiellement didactiques, n’incluantpas de modification de l’organisation del’éducation physique ;– les actions éducatives visant à réduirele temps passé devant la télévision oules jeux vidéo par des stratégies com-portementales incluant autoévaluation,limites d’accès, budgétisation du tempspassé, investissement des parents. Ellesentraînent une réduction de l’usage dela télévision mais pas d’augmentationde l’activité physique ;– les cours d’éducation physique à l’uni-versité avec lectures didactiques et ses-sions de travaux pratiques ;– les interventions en milieu familialcentrées sur les enfants et leur familleavec contrats de comportement entre lesmembres de la famille, élaboration d’ob-jectifs, résolution de problèmes, etc.

Applications pratiquesLes interventions populationnelles

de promotion d’une activité physiquerégulière s’inscrivent dans les politiquesnationale et régionales de santé etd’éducation. En France, il s’agit de : – maintenir la promotion de l’activitéphysique parmi les stratégies prioritai-res du Programme national nutrition-santé et du Programme « bien vieillir »,destiné aux personnes âgées ;– inscrire explicitement cette prioritédans le programme de santé des enfantsd’âge scolaire ;– la reprendre dans chaque Plan régio-nal de santé publique (PRSP).

La plupart des interventions propo-sées sont de la responsabilité du niveaulocal (agglomérations, pays, commu-nes, quartiers) ou microlocal (écoles,entreprises). Elles doivent être soute-nues par des interventions nationales(campagnes médiatiques, productionde supports, valorisation).

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Les interventions susceptiblesd’être proposées

• Les interventions universellesAu niveau local, créer un environ-

nement où l’activité physique est sûre,accessible et plaisante :– en accroissant l’accessibilité aux infras-tructures de loisirs : par le développe-ment d’espaces verts et d’installationssportives, par l’aménagement d’envi-ronnements favorables dans les lieux devie (écoles, lieux de travail, quartiers),par des ententes entre municipalités,écoles et universités pour l’usage réci-proque des équipements collectifs ;– en donnant priorité au transport actif(marche, vélo, fauteuil roulant, rollers)par l’aménagement systématique decheminements pour piétons et vélossûrs, faciles d’accès, pratiques et conti-nus et par des aménagements spéci-fiques pour les enfants (trajets scolaires,etc.) ;– en encourageant les manifestations etactivités sociales de proximité : opéra-tions Pédibus pour se rendre à l’école(voir page 41), journées sans voitures,initiations à l’utilisation d’installationssportives, groupes de randonnée, etc.

Au niveau national, soutenir ces inter-ventions de proximité par des actionsmédiatiques. Ces campagnes sensibili-sent à la présence dans la proximité dechacun des ressources nécessaires,influencent les attitudes, et renforcent leschoix individuels. Le dispositif devraitinclure une promotion vigoureuse de lacharte « Villes actives du PNNS » auprèsdes élus, administrations, professionnelset associations locaux.

• Les interventions cibléesElles consistent, au-delà des inter-

ventions utiles à tous, à prendre desmesures adaptées à certains lieux ouaux besoins particuliers de certainespopulations (personnes âgées, person-nes handicapées ou malades, person-nes socialement en difficulté, etc.).

Dans les écoles, les collèges et leslycées : une éducation physique activeet quotidienne doublée de la possibi-lité d’accroître les activités physiquesquotidiennes dans et hors de l’écoleserait la meilleure stratégie pour favo-riser l’engagement durable dans uneactivité physique régulière de la majo-rité des enfants. Cela suppose de com-biner une augmentation du temps

alloué à l’éducation physique avec uneaugmentation de la proportion de cetemps où les enfants sont réellementactifs : actuellement les élèves neseraient actifs que durant moins duquart de temps d’éducation physiqueet sportive (4). De plus, l’activité phy-sique quotidienne peut être intégrée àla vie scolaire : trajet, activités phy-siques durant les récréations, la pausede midi, les permanences, etc. La par-ticipation des parents à des activitéscommunes à la maison ou à l’écolepeut être encouragée, des activitésextrascolaires (club de randonnée,natation, skate) peuvent être organi-sées. Le programme multimodal ICAPSdéveloppé en Alsace et dont les résul-tats sont très prometteurs fournit unexcellent exemple de la manière dontces activités peuvent être intégrées àla vie scolaire (voir article de C. Simonpage 39).

En milieu de travail : lever les obsta-cles à une activité physique quotidienneen revoyant les règles d’aménagementdes bâtiments : cages d’escalier acces-sibles et agréables, vestiaires, douches,stationnement vélos, etc., en signalantles escaliers, en adaptant les horaires, enpassant des accords avec les installationssportives de proximité et en en faisantla publicité dans l’entreprise.

Dans les établissements pour per-sonnes âgées : développer systémati-quement des programmes d’activitéphysique avec désignation d’un respon-sable, création d’un comité de pilotageavec participation des usagers, identifi-cation des pôles d’intérêts des résidentset des ressources disponibles dans l’en-vironnement et élaboration sur ces basesd’un programme d’activités régulières.

Pour les personnes en situation deprécarité : éviter la marginalisation parles frais d’accès. Pour les personnes han-dicapées : veiller à l’adaptation systé-matique des installations et des chemi-nements. Pour les personnes malades :valoriser les interventions de type indi-viduel dans le système de santé : possi-bilité pour les établissements et lesréseaux de soins de conventionner avecdes installations sportives, adaptationdes tarifs, organisation d’accompagne-ments personnalisés par téléphone oupar Internet.

• Les activités de recherche et développement

Il s’agirait de mieux comprendrequelles sont les barrières qui empêchentles gens d’être actifs par des études surles déterminants, notamment sur l’in-fluence des attitudes et des représenta-tions (exemples : culte de la minceur,

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corpulence, mésestime de soi et activi-tés physiques, etc.), sur les pratiques desintervenants, également par des étudessur les résultats d’interventions popula-tionnelles.

Les interventions de proximité de-vraient être valorisées, d’abord par lamise en place d’un système d’informa-tion actuellement inexistant et par unsoutien à l’évaluation (exemple : miseau point au niveau national d’un outild’évaluation commun…). Un partena-riat avec l’INPES et des organismes derecherche (Inserm, université, etc.) està l’étude dans ce sens.

Les modalités de mise en œuvreLa mise en œuvre à grande échelle

de ces interventions sur l’environne-ment physique et social nécessite lamobilisation de plusieurs secteursd’activité. Elle dépend de la volonté etde la capacité des décideurs et inter-venants des différents domainesconcernés à développer des projetscommuns.

• Développer des ententesLa première étape est la création

d’une volonté d’agir commune entredécideurs de l’État, de l’Assurance Mala-die et des collectivités territoriales, entreadministrations de la santé, de l’Éduca-tion nationale, des sports, loisirs et de lavie associative, des transports et de l’en-vironnement, du travail, entre profes-sionnels de la santé, de l’éducation, dusport et des loisirs, de l’environnement,et entre associations de ces différentsdomaines.

• S’organiser sur le territoireUne deuxième étape de mise en

œuvre d’une stratégie populationnelleest l’inscription d’une politique de pro-motion de l’activité physique dans lesplans régionaux de santé publique,dans les programmes territoriaux desanté et dans les politiques de santé descommunes. La désignation de coor-donnateurs chargés de promouvoiractivité physique et déplacementsactifs, aux niveaux de la Région, del’agglomération ou du pays et de lacommune, peut personnifier cetteorganisation.

• Bâtir un projetLes projets qui résultent de ces

ententes et de cette organisation doi-vent combiner les recommandations

fondées, les données les plus proban-tes et l’analyse de la situation localenotamment pour ce qui concerne lesressources disponibles, l’environne-ment économique et social (associa-tions, professionnels…) et l’organisa-tion institutionnelle.

• S’appuyer sur des partenariatsentre les différents niveaux

Des accords formels entre niveauxnational et régional, par exemple entregroupements régionaux de santé pu-blique (GRSP) et Institut national deprévention et d’éducation pour la santé(INPES), puis entre niveau régional etdépartements, agglomérations ou payset communes, permettraient d’accroîtrela cohérence des stratégies engagées.

L’activité physique intervient commefacteur de protection dans plusieursdomaines de la santé physique, mentaleet sociale et à tous les âges de la vie. Àce titre, elle mérite, avec l’alimentation,un rang plus élevé parmi les priorités desanté que celui qui lui est actuellementconcédé. Il existe une unanimité parmiles chercheurs du domaine de l’activitéphysique : « Des actions associant dif-férentes stratégies (information, sensi-bilisation, soutien social, modificationsenvironnementales, physiques et struc-turelles mais aussi législatives et socié-tales) sont nécessaires pour une actionefficace à large échelle. Moins familiè-res que les interventions purement sani-taires, de telles stratégies, dont l’effica-cité ne peut se juger qu’à long terme,impliquent de nombreux secteurs d’in-tervention et requièrent des partenariatsavec des secteurs non associés habi-tuellement avec la santé. » (4)

Dr René Demeulemeester

Coordinateur des programmes à l’INPES.

1. Cet article est extrait d’une intervention à la confé-rence de consensus, le 22 novembre 2005 à Van-dœuvre-lès-Nancy.2. La Task Force on Community Preventive Servicesest un groupe d’experts indépendants, appointé parle directeur des Centers for Disease Control and Pre-vention (CDC). La mission de ce groupe est de four-nir des recommandations sur les mesures efficacespour promouvoir la santé et prévenir les maladies etaccidents au niveau des collectivités. Pour mémoire,les CDC sont des composants du Department of Healthand Human Services, principale agence en charge dela santé aux États-Unis. Ils ont pour mission la pré-vention des maladies et des accidents.

◗ Référencesbibliographiques

(1) O’Neill M. Le débat international sur l’ef-ficacité de la promotion de la santé : d’oùvient-il et pourquoi est-il si important ? In : Effi-cacité de la promotion de la santé. Promo-tion & Education, hors-série 1 ; 2004 : 6-10.(2) Comité scientifique de Kino-Québec(CSKQ). Stratégies éprouvées et promet-teuses pour promouvoir la pratique régulièred’activités physiques au Québec (Avis ducomité). Ministère des Affaires municipales,du Sport et du Loisir. Gouvernement du Qué-bec, 2004 : 32 p.(3) Task Force on Community Preventive Ser-vices (TFCPS). Increasing physical activity. Areport on recommandations. MMWR 2001;50(RR18): 1-16.(4) Oppert J.-M., Simon C., Rivière D., Gue-zennec C.-Y. Activité physique et santé. Argu-ments scientifiques, pistes pratiques. Minis-tère de la Santé, coll. Les synthèses duPNNS, 2006 : 58 p.(http://www.sante.gouv.fr Rubrique Nutri-tion).

◗ Bibliographiecomplémentaire

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Quel est l’intérêt de la pratique de l’activité physique pour sa santé ? Jean-Michel Oppertrésume ici les connaissances scientifiquement validées : au moins trente minutes d’ac-tivité modérée par jour sont associées à une diminution de 30 % de la mortalité. Cetype d’effet bénéfique est observé même chez les inactifs qui débutent une activité phy-sique au moins modérée au cours de leur vie adulte. Pour cet expert, il faut plus quejamais promouvoir l’activité physique « au quotidien et tout au long de la vie ».

En association avec les habitudes ali-mentaires, le niveau habituel d’activitéphysique pratiqué par une personne estimpliqué dans le développement despathologies chroniques les plus fré-quentes dans les pays industrialisés(Tableau 1), en particulier les maladiescardio-vasculaires, première cause demortalité. Augmenter le niveau habitueld’activité physique et limiter la séden-tarité dans la population générale estdonc réellement un enjeu important desanté publique. Depuis une dizained’années, la notion mise en avant estque l’activité physique n’a pas néces-sairement besoin d’être d’intensité éle-vée pour déjà procurer un bénéfice entermes de prévention des maladieschroniques.

Notion de courbe « dose-réponse »

La relation entre la quantité d’activitéphysique (la « dose ») et ses consé-quences sur la santé (la « réponse ») estun aspect majeur de la discussion deseffets de l’activité physique sur la santé.L’aspect de cette courbe peut prendredifférentes formes, la plus simple étantl’aspect linéaire. Cependant, de nom-breuses données documentent actuel-lement le fait que des niveaux au moinsmodérés d’activité physique habituelleapportent déjà un bénéfice substantielpour la santé : en particulier, le gain leplus important en termes de bénéficespour la santé est obtenu chez les sujetsinactifs qui deviennent au moins modé-rément actifs (environ trente minutespar jour d’activité physique d’intensitémodérée en plus de la réalisation desactivités quotidiennes) ; le bénéficesupplémentaire, obtenu lorsque le

niveau de pratique augmente chez lessujets déjà au moins modérément actifs,serait moindre. Pour les niveaux élevésd’activité physique, le bénéfice poten-tiel doit aussi être pondéré par lesrisques d’une pratique très intensive.

Il est maintenant établi qu’il existeune relation dose-réponse inverse et leplus souvent linéaire entre le volumed’activité physique et le risque de mor-talité toutes causes, le risque de mala-dies cardio-vasculaires en général etplus spécifiquement d’événementscoronariens, et probablement le risque

de diabète de type 2. La pratique d’unequantité au moins modérée d’activitéphysique s’accompagne donc déjà d’unbénéfice substantiel en termes de santé,une notion essentielle pour l’élabora-tion des recommandations de santépublique en matière d’activité phy-sique.

Activité physique et mortalitéDe nombreuses études indiquent que

la pratique d’une activité physique régu-lière et une meilleure capacité cardio-respiratoire (VO2 max) sont associéesà une diminution de la mortalité glo-

Exercice du corps : une arme contre les maladies chroniques

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bale, chez le sujet jeune comme chezle sujet âgé. Comparés aux sujets lesplus actifs, les sujets les moins actifs ontun risque de mortalité au cours du suivide 1,2 à 2 fois plus élevé. La dose mini-male d’activité physique apportant cetype de bénéfice n’est pas encore défi-nie avec précision, mais une activitéphysique correspondant à une dépenseénergétique de 1000 kcal par semaine(soit la dépense énergétique moyenneobtenue par trente minutes d’activitéphysique modérée par jour en plus dela réalisation des activités quotidiennes)est associée à une diminution de 30 %de la mortalité. En outre, une diminu-tion importante de la mortalité (de l’or-dre de 60 %) a été observée chez desadultes initialement inactifs qui amélio-rent leur capacité cardio-respiratoire aucours du temps, en comparaison avecceux qui sont restés inactifs. Cet effetprotecteur incite à l’élaboration et au

développement d’actions de promotionde l’activité physique au quotidien toutau long de la vie.

Maladies cardio-vasculaireset facteurs de risque

L’idée que l’activité physique puisseavoir un rôle préventif vis-à-vis durisque cardio-vasculaire n’est pasneuve. Les études de J. Morris, dans lesannées 1950, portant sur l’activité phy-sique au travail de différentes catégoriesd’employés londoniens, en particulierdans le secteur des transports, ontouvert la voie à l’approche scientifiquede cette thématique. Les bénéfices entermes de risque cardio-vasculaired’une activité physique régulière ont étédocumentés par différentes études pro-spectives avec un suivi prolongé. Ainsi,les résultats de plusieurs méta-analysesindiquent que le risque relatif de mala-die coronarienne des sujets les moins

actifs par rapport aux sujets les plusactifs est de l’ordre de deux. L’ensem-ble des études disponibles indique qu’ilexiste une relation dose-réponselinéaire inverse entre l’activité physiqueet le risque de mortalité et d’événe-ments cardio-vasculaires en général, etcoronariens en particulier. Dans l’étudefranco-irlandaise « Prime », portant surprès de dix mille hommes âgés de 50 à59 ans suivis pendant cinq ans, uneaugmentation de l’activité physiquequotidienne correspondant à trenteminutes de marche rapide était associéeà une diminution de 11 % du risquerelatif d’événements coronariens chezles individus ne pratiquant pas d’activitéd’intensité élevée. La quantité d’énergiedépensée et la régularité pourraient êtreplus importantes que l’intensité de l’ac-tivité pratiquée. Les données concer-nant les accidents vasculaires cérébrauxsont moins concluantes. Il faut souli-gner que la réduction de morbiditécoronarienne qui peut être attendue dela pratique d’une activité physiquerégulière est comparable à celle obte-nue par modification d’autres habitudesde vie, tel l’arrêt du tabac, ou d’autresfacteurs de risque, telle l’hypercholes-térolémie.

Les mécanismes expliquant les effetsbénéfiques de l’activité physique sur lerisque cardio-vasculaire relèvent à lafois d’actions directes sur le systèmecardio-vasculaire et d’actions indirectes,principalement par la réduction duniveau de nombreux facteurs de risque.Les effets sur les facteurs de risque, enparticulier métaboliques, sont impor-tants. L’activité physique sur une baserégulière diminue la pression artérielleet le risque d’hypertension, ainsi quele risque de survenue d’un diabète detype 2, améliore le profil lipidique(graisses du sang), atténue le gain depoids lié à l’âge et participe au main-tien du poids corporel. Certains de ceseffets bénéfiques sont très transitoires(annulés après quelques jours d’inac-tivité), ce qui indique l’importance depratiquer l’activité physique sur unebase régulière.

Effets bénéfiques vis-à-visdes cancers

Un grand nombre d’études d’obser-vation indiquent que les sujets physi-quement actifs ont un risque diminuéd’incidence et de mortalité par cancertous sites confondus, chez l’homme

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comme chez la femme. Les donnéesdisponibles indiquent aussi que l’acti-vité physique est associée différemmentavec le risque de cancer selon le siteconcerné. Les données les plus pro-bantes concernent l’effet bénéfique del’activité physique vis-à-vis du cancerdu côlon, chez l’homme et la femme(réduction de 40 à 50 % du risque chezles sujets les plus actifs) et du cancerdu sein chez la femme, notammentaprès la ménopause (diminution durisque de l’ordre de 30 %). D’autresdonnées suggèrent que l’activité phy-sique pourrait également exercer uneffet protecteur vis-à-vis d’autres can-cers (prostate, poumon, etc.).

Les principaux mécanismes quipourraient expliquer l’effet bénéfiquede l’activité physique sur le risque decancer en général sont liés à ses effetssur le poids et l’adiposité abdominale,à ses effets métaboliques et hormonaux(en particulier sur les taux circulants decertains facteurs de croissance ainsi quesur les hormones de la reproduction) etpeut-être à ses effets sur l’immunité.

Diabète : résultats de deuxétudes d’intervention

Il a été démontré qu’une modifica-tion du mode de vie, incluant une acti-vité physique régulière et au moinsmodérée et des conseils d’équilibre ali-mentaire, permet de prévenir ou deretarder l’apparition d’un diabète detype 2. Dans deux études d’interven-tion randomisées réalisées, l’une auxÉtats-Unis, l’autre en Finlande chez dessujets à risque de devenir diabétiquesdu fait d’une élévation modérée dutaux de sucre sanguin à jeun, l’inci-

dence du diabète de type 2, après troisà six ans de suivi, était deux fois moinsimportante (diminution du risque de58 %) dans le groupe ayant bénéficiéd’une intervention sur le mode de viepar rapport au groupe témoin. Dansl’une de ces études, il a été montré quel’effet préventif de l’activité physiquen’était pas expliqué par ses seuls effetssur le poids. Nous ne disposons pasactuellement d’étude de préventionprimaire de la maladie coronaire baséesur la seule modification du niveauhabituel d’activité physique chezl’homme. En prévention secondaire, lamise en place d’une activité physiquerégulière chez les sujets présentant uneinsuffisance coronarienne ou ayantprésenté un infarctus du myocarde estassociée à une diminution de la mor-talité de 25 %.

Promotion de l’activité physiqueIntégrer l’activité physique sur une

base régulière dans notre vie quoti-dienne apparaît donc un aspect essentielde la prévention primaire vis-à-vis despathologies chroniques, en particulierles maladies cardio-vasculaires. Les obs-tacles sont toutefois nombreux. Endehors des limitations physiologiquesliées à la capacité physique ou à l’état desanté, il existe des obstacles d’ordre indi-viduel mais aussi d’ordre socio-envi-ronnemental. L’identification et la priseen compte de ces obstacles, qui peuventêtre différents en fonction des popula-tions ou au cours du temps dans unemême population, voire chez un mêmeindividu, sont l’un des aspects essentielsde l’élaboration et de la mise en placed’actions de santé publique visant lapromotion de l’activité physique.

L’incitation à l’activité physique dansla population générale n’a de sens quedans le cadre d’une action de promotionet d’éducation à la santé au sens large,incluant les aspects nutritionnels. Danscette perpective, la limitation de lasédentarité et la promotion d’une acti-vité régulière d’intensité modérée fontpartie des objectifs prioritaires du Pro-gramme national nutrition-santé (PNNS)depuis sa mise en place par le minis-tère de la Santé, en 2001. Ce type d’action est totalement en phase avec lesrecommandations et les politiquesd’éducation à la santé développées dansdivers autres pays européens, en Amé-rique du Nord et du Sud, ainsi qu’avecla stratégie globale de l’Organisationmondiale de la santé sur l’alimentation,l’activité physique et la prévention despathologies chroniques.

Jean-Michel Oppert

Professeur de nutrition à l’université

Pierre-et-Marie-Curie-Paris 6,

praticien hospitalier dans le service

de nutrition de l’Hôtel-Dieu (AP-HP), Paris.

Centre de recherche en nutrition humaine,

Ile-de-France.

◗ Bibliographie• Cavill N., Kahlmeier S., Racioppi F. Physi-cal activity and health in Europe: evidence foraction. World Health Organization, 2006:34 p. http://www.euro.who.int Voir Publica-tions.• Kesaniemi Y. K., Danforth E. Jr, Jensen M.D.,et al. Dose-response issues concerning phy-sical activity and health: an evidence-basedsymposium. Med. Sci. Sports Exerc. 2001;33(6 Suppl): S351-8.• Oja P., Borms J. Health enhancing physicalactivity. Oxford: Meyer & Meyer Sport,2004. (Perspectives – The multidisciplinaryseries of physical education and sportscience, vol. 6.).• Oppert J.-M., Simon C., Rivière D., Gue-zennec C.-Y. Activité physique et santé. Argu-ments scientifiques, pistes pratiques. Minis-tère de la Santé, coll. « Les synthèses duPNNS », 2006 : 58 p.http://www.sante.gouv.fr Rubrique Nutrition• Physical activity and health: a report of thesurgeon general. Atlanta, GA: U.S. Depart-ment of Health and Human Services, Centersfor Disease Control and Prevention, NationalCenter for Chronic Disease Prevention andHealth Promotion, 1996.http://www.cdc.gov/nccdphp/sgr/sgr.htm

Pathologie/condition

Maladies cardio-vasculaires

Maladie coronarienne

Prise de poids

Diabète de type 2

Hypertension artérielle

Cancer du côlon

Cancer du sein

Chutes (sujet âgé)

Santé osseuse

Bien-être

Dépression

Effet

Risque diminué

Risque diminué

Risque diminué

Risque diminué

Risque diminué

Risque diminué

Risque diminué

Risque diminué

Augmentée

Augmenté

Risque diminué

Tableau 1. Principaux effets bénéfiques de l’activité physique sur l’état de santé

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La pratique de l’activité physique a-t-elle un impact positif sur la qualité de vie phy-sique mais aussi mentale ou sociale ? Si les conclusions des études scientifiques sonttrès prudentes, il en ressort que l’exercice régulier est globalement associé à unemeilleure qualité de vie, en particulier chez les adultes. Des activités douces, commele tai-chi chuan, auraient des effets bénéfiques chez les personnes âgées. En revanche,les activités très intensives semblent plutôt avoir un effet négatif. Revue de la littératureinternationale.

Si les bienfaits de l’activité physiquesur la santé, mesurée à l’aide de critè-res objectifs, sont maintenant largementdémontrés (voir article de J.-M. Oppertpage 21), ses effets sur la qualité de vierestent encore mal connus et insuffi-samment explorés. Or la promotion del’activité physique dans un but de santépasse par une connaissance de seseffets sur la santé globale de l’individu.Plus précisément, la relation entre acti-vité physique et qualité de vie a étéexplorée dans des études dites d’« inter-vention » (niveau de qualité de viemesuré avant et après un programmed’exercices) dont la plupart réaliséeschez des sujets atteints de maladieschroniques ; ces études montrent uneamélioration de la qualité de vie aprèsintervention. Plus rares sont les étudesd’observation (sans intervention, à viséedescriptive ou analytique) dans cespopulations. Les études menées enpopulation générale sont, quant à elles,moins nombreuses.

Cet article a pour objet de décrire lesrésultats des principales études explo-rant la relation entre activité physiqueet qualité de vie globale en populationgénérale, parues depuis dix ans, afin derépondre à la question suivante : « Lapratique d’une activité physique exerce-t-elle une action préventive sur la qua-lité de vie ? »

La qualité de vieLa qualité de vie est un concept

multidimensionnel qui représente lasatisfaction générale d’une personneà l’égard de la vie ; la qualité de vie liéeà la santé évalue la situation dans les

domaines de la santé physique, cogni-tive, émotionnelle et sociale. Les prin-cipales dimensions explorées par lesinstruments de mesure sont : état phy-sique (autonomie, capacités phy-siques), sensations somatiques (symp-tômes, conséquences des traumatismesou des procédures thérapeutiques,douleurs), état psychologique (émoti-vité, anxiété, dépression), relationssociales et rapport à l’environnementfamilial, amical ou professionnel (1). Laqualité de vie correspond à la perceptionque le sujet a de sa santé sur les différentséléments de son activité, de sa partici-pation. De façon plus opérationnelle,elle peut être définie comme la percep-tion du sujet de l’impact de sa santé sursa capacité à réaliser et à apprécier lesactivités de la vie quotidienne tant d’unpoint de vue physique, mental quesocial. Les facteurs contextuels (person-nels et environnementaux) et les pro-blèmes de santé sont des déterminantsde la qualité de vie qui peuvent êtreregroupés en trois catégories :– caractéristiques sociodémographi-ques : âge, sexe, catégorie socioprofes-sionnelle, niveau d’éducation, statutmatrimonial, lieu de résidence ;– facteurs comportementaux : consom-mation d’alcool, consommation detabac, alimentation, activité physique ;– maladie, morbidités associées.

L’importance grandissante des mesu-res de qualité de vie effectuées en pra-tique clinique par les professionnels desanté marque une volonté de prise encompte de l’individu dans sa dimensionglobale qui vient renforcer les indica-teurs de santé traditionnels.

Impact positif, physique mais aussi mental

À ce jour, la relation entre activitéphysique et qualité de vie a fait l’objetde peu d’investigations en populationgénérale. Les études d’observationdisponibles suggèrent que l’activitéphysique est positivement associée àla qualité de vie, à la fois dans sa dimen-sion physique et dans sa dimensionmentale (2-9) ; mais cela ne permet pasde conclure à un rapport de cause àeffet. Plus précisément, la très grandemajorité des études d’observation ditestransversales ont observé cette associa-tion à la fois chez les hommes et chezles femmes. Ainsi, une étude japonaise(8) menée chez des enfants âgés de 12-13 ans montre une association entre lafréquence d’activité physique et cha-cune des huit dimensions de qualité devie explorées (condition physique,émotions, activités quotidiennes, acti-vités sociales, douleurs, changementd’état de santé, santé générale, qualitéde vie globale). Elle constate aussi queles enfants qui ne pratiquent presquejamais d’activité physique ont entre 1,30et 6,35 fois plus de risque d’avoir unequalité de vie pauvre comparée à ceuxqui pratiquent très souvent.

Une autre équipe de recherche a étu-dié la relation entre les étapes du chan-gement de comportement vis-à-vis del’activité physique (telles que définiesdans le modèle de Prochaska) (10) etla qualité de vie chez 1387 adultes âgésde 18 à 75 ans (2). Rappelons les cinqétapes du changement, de l’intentionjusqu’à la réalisation : précontemplation,contemplation, préparation, action,

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Bouger améliore-t-il la qualité de vie ?

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maintien d’une activité. Les résultatsmontrent que les différents scores dequalité de vie augmentent à chacune deces étapes (de précontemplation àmaintien, résultats ajustés sur l’âge, lesexe et le niveau d’éducation), avec unerelation plus forte avec la santé phy-sique mesurée par les dimensions acti-vité physique, vitalité et santé perçue.

L’analyse des données portant sur175 850 adultes, ayant participé à l’en-quête BRFSS (Behavioral Risk FactorSurveillance System : importante étudede surveillance menée aux États-Unis),en 2001, a permis de mettre en évidencele fait que les sujets qui ont déclaré unniveau d’activité physique équivalent ousupérieur aux recommandations ontégalement rapporté un nombre plus fai-ble de jours en mauvaise santé compa-rés aux sujets ayant déclaré aucune acti-vité physique ou une activité physiqueirrégulière (4). Ces auteurs ont égale-ment observé une plus faible qualité devie chez les sujets qui ont pratiqué unedurée d’activité physique inférieure àvingt minutes par jour ou supérieure ouégale à quatre-vingt-dix minutes et pluspar jour (7).

Une étude menée en France, à partirdes données de l’étude Suvimax (SUp-plementation en VItamines et MinérauxAntioXidants), a montré, après ajuste-ment sur plusieurs déterminants de laqualité de vie, que plus le niveau d’acti-vité physique de loisir est élevé, plus leniveau de qualité de vie est élevé, à lafois chez les hommes et chez les femmes(9). La plupart de ces différences de sco-res de qualité de vie sont significatives,particulièrement chez les femmes etlorsque l’on compare le groupe inactif augroupe activité physique intense. Enrésumé, les résultats suggèrent que lapratique de trente minutes par jour d’ac-tivité physique de loisirs d’intensitémodérée peut être bénéfique ; uneintensité de pratique plus élevée étantassociée à une meilleure qualité de vie,ce qui va dans le sens d’autres études(4, 7). Ces résultats renforcent l’intérêtdes recommandations et permettent dedire qu’elles sont non seulement valablespour leurs effets sur la santé objectivemais aussi sur la qualité de vie.

Au-delà d’une heure et demiepar jour, le bénéfice disparaît

Si l’on effectue une synthèse des étu-des dites d’observation, les résultats de

ces études montrent qu’un niveau d’ac-tivité physique élevé est associé à uneamélioration des deux principalesdimensions (physique, mentale) de laqualité de vie, avec un effet plus mar-qué sur la dimension physique, à la foischez les hommes et chez les femmes,sauf chez les personnes âgées.

À ce jour, peu d’études ont étémenées chez l’enfant, mais la seuleétude transversale disponible à notreconnaissance (8) va dans le sens d’unbénéfice de l’activité physique sur laqualité de vie avec un effet plus marquésur la condition physique.

Chez l’adulte, quatre (4, 7, 9) des sixétudes présentées vont dans le sensd’un effet bénéfique de l’activité phy-sique sur la qualité de vie chez les sujetsqui atteignent le niveau d’activité phy-sique recommandé ; toutefois, cet effetbénéfique disparaît pour ceux qui pra-tiquent beaucoup, soit quatre-vingt-dixminutes et plus d’activité physique parjour (7).

Parmi les trois études d’interventionmenées chez le sujet âgé (3, 5, 6), seuleune d’entre elles (3), menée chez desfemmes, montre un effet bénéfique del’activité physique sur la dimensionphysique de la qualité de vie. Uneétude d’observation, menée chez desfemmes de plus de 70 ans, a montréque la pratique d’une activité physiqueest associée à une meilleure qualité devie liée à la santé, mesurée par lesdimensions mentales du SF-36 (vitalité,fonctionnement social, vie et relationsavec les autres, santé psychique, limi-tations dues à l’état psychique) (13).

Alors que les résultats des analysestransversales ont mis en évidence uneassociation entre le niveau d’activitéphysique et le composant physique dela qualité de vie quel que soit le sexe,les analyses longitudinales ont plutôtmontré une amélioration du composantmental de la qualité de vie au coursd’un suivi sur cinq ans d’hommes âgésde 20 à 59 ans (n=1 871) (11). Ce résul-tat n’a pas été relevé chez les femmes

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dans cette étude, mais a été montrédans une étude plus récente (12).

La pratique régulière d’une activitéphysique est globalement associée àune meilleure qualité de vie plutôt dansles domaines physiques avec uneapproche transversale et plutôt dans lesdomaines mentaux avec une approchelongitudinale.

Une meilleure estime de soiPar ailleurs, si l’on examine les résul-

tats des études d’intervention, en ce quiconcerne les effets d’un programmed’exercices en endurance sur la qualitéde vie, il en ressort en particulier quel’activité physique incite les personnesà participer à des activités sociales enaméliorant la fonction physique et lafonction cognitive, et conduit à unemeilleure estime de soi grâce à l’éta-blissement de relations avec d’autrespratiquants. Cette tendance a été enpartie confirmée par une étude dont lesrésultats ont montré une améliorationde l’estime de soi chez des sujets ayantsuivi un programme d’exercices de sixmois mais aucune autre dimension n’aété améliorée (14).

Bienfaits de la souplesseet du tai-chi

Que préconiser comme type d’exer-cice pour améliorer la qualité de vie ? Làencore, les résultats des enquêtes sontintéressants et indiquent des pistes,mais sont à prendre avec prudencecompte tenu du nombre restreint d’étu-des parvenant aux mêmes conclusions.Néanmoins, des auteurs ont montréune amélioration de la qualité de vie(indice de santé physique et score émo-tion) dans un groupe de sujets âgés de65 ans et plus ayant suivi un pro-gramme d’étirement et de souplessecomparé à un groupe de sujets ayantsuivi un programme combinant desexercices d’endurance et de force (15).F. Li et al. (16) se sont intéressés auxeffets d’un programme de tai-chi(soixante minutes par séance, deux foispar semaine, pendant six mois) sur laperception de la fonction physique.Cette étude qui impliquait quarante-neuf sujets âgés de 65 ans et plus amontré un effet majeur du programmesur la qualité de vie (fonction physique)et cet effet est d’autant plus importantque le score initial de fonction physiqueétait bas.

Une étude menée chez des femmesménopausées a permis de mettre enévidence une amélioration de la qualitéde vie à la suite d’un programme d’exer-cices d’intensité modérée, à raison dedeux séances encadrées d’une heureet d’une séance libre par semaine, pen-dant douze semaines (17).

Au fil des études se confirme le cons-tat qu’il faut être prudent avant d’éta-blir une relation entre pratique d’activitéphysique et amélioration de qualité devie. Preuve en est avec cette étude néer-landaise (18) menée chez des hommeset des femmes âgés de 65 à 80 ans quia montré qu’un programme spécifique(à raison d’une ou deux séances dequarante-cinq minutes par semainependant dix semaines) n’était pas suf-fisant pour améliorer la qualité de vie.

En ce qui concerne les effets d’unprogramme d’exercices et d’un régimesur la qualité de vie, citons l’étude deM. Sorensen et al. (19) qui a porté survingt et une femmes et cent quatre-vingt-dix-huit hommes âgés de 41 à 50 anssoumis soit à un programme d’exerci-ces physiques, soit à des conseils diété-

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tiques, soit aux deux. Un changement aété noté au niveau de la santé mentale(compétence, anxiété, difficulté à faireface) dans le groupe ayant suivi le pro-gramme d’exercices. En outre, les sujetsqui ont fortement participé à ce pro-gramme d’exercices ont amélioré defaçon beaucoup plus significative leursscores de santé mentale comparés auxpersonnes dont la participation à ce pro-gramme a été faible.

Après les études d’observation, si l’onpasse rapidement en revue les étudesd’intervention, celles répertoriées dansle cadre de la conférence de consensusde Nancy ont majoritairement étémenées chez des sujets âgés, et aucunen’a été réalisée chez les enfants ou lesadolescents. Les résultats apparaissentassez contradictoires mais il est tout demême possible d’affirmer qu’un pro-gramme d’exercices a des effets béné-fiques sur la qualité de vie, particuliè-

rement sur sa dimension physique. Il estintéressant de noter que les résultats lesplus prometteurs ont été obtenus à par-tir de programmes favorisant une pra-tique régulière équivalant aux recom-mandations actuelles d’activité physique(trente minutes d’activité physiquemodérée tous les jours de la semaine).

Facteurs comportementauxmodifiables

En conclusion, l’activité physique faitpartie des facteurs comportementauxmodifiables et sa pratique régulière estglobalement associée à une meilleurequalité de vie. Les études d’observationtendent à démontrer que l’activité phy-sique permet aisément d’accroître leniveau global de qualité de vie.

Un des atouts spécifiques de l’acti-vité physique est qu’elle a la capacitéd’influer sur différentes fonctionsphysiologiques mais également sur dif-

férentes dimensions de la qualité de viesimultanément. L’augmentation duniveau d’activité physique s’accompa-gne d’une amélioration de la qualité devie, ce qui est souvent interprété enaffectant à cette relation le lien de cau-salité « activité physique entraîne qua-lité de vie ». Cependant, nous pouvonsaussi penser que, réciproquement, lesindividus qui ont une meilleure qualitéde vie sont plus enclins à pratiquer ouà augmenter leur niveau d’activité phy-sique. Il est donc raisonnable d’imagi-ner que les relations entre qualité de vieet comportements de santé s’établissentdans les deux sens. En termes de santépublique, améliorer l’une ou l’autre deces deux composantes entraîne uneamélioration globale de la santé.

Anne Vuillemin

Maître de conférences, École de santé

publique, faculté de médecine,

faculté du sport, Nancy-université.

◗ Références bibliographiques

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Accompagner les personnes vers la pratique d’une activité physique et créer des envi-ronnements plus favorables relèvent de la responsabilité de la société. Il faut donner dusens à cette activité génératrice de participation sociale et de développement de com-pétences. Les professionnels de l’éducation physique ont un rôle à jouer dans cet accom-pagnement individuel, comparable à celui joué par les diététiciennes dans l’adoptiond’une alimentation mieux équilibrée, comme l’explique la sociologue Claire Perrin.

L’incitation à réduire sa ration ali-mentaire pour lutter contre la générali-sation du surpoids n’a rien à voir avecla mode des régimes amincissants,contraignants, culpabilisants, parfois àl’origine de déséquilibres alimentairesd’un autre ordre. Il s’agit d’inciter à« manger mieux ». Ce passage de pré-occupations quantitatives à des préoc-cupations qualitatives est l’aboutisse-ment d’une réflexion très fine menéepar des équipes de recherche dont lapluridisciplinarité a permis que les pra-tiques alimentaires soient appréhen-dées en tant que pratiques culturelles1.

Concernant l’activité physique, il s’a-git de « bouger plus » et de lutter ainsicontre la sédentarité, facteur majeur derisque pour la santé. Les messages uti-lisés pour inciter à la pratique de l’acti-vité physique reprennent en écho ceuxqui concernent l’alimentation, aveccependant une tendance à se cantonnerdans une perspective essentiellementquantitative ; pour l’instant en tout cascar les messages de promotion de l’ac-tivité physique vont peut-être évoluervers une approche qualitative, commecelui de l’alimentation l’a fait. Parailleurs, si annoncer que « la santé vienten mangeant » crée une forme de rup-ture par rapport au modèle du régimetraditionnellement associé au contrôledu poids, déculpabilisant ceux quimangent avec appétit, le message « lasanté vient en bougeant » s’appuie surun autre mécanisme ; en incitant aumouvement, ce message a des chancesde conforter ceux qui « bougent » parhabitude et par plaisir, de stimuler ceuxqui bougent peu mais qui en ont l’en-vie, mais il n’est pas certain qu’il puisse

toucher ceux qui n’ont aucune envie dese mettre en mouvement. Alors que ladémarche concernant l’alimentationprend appui sur la sensation d’appétitet sur des expériences gustatives liéesau plaisir pour enclencher des trans-formations qualitatives, celle concer-nant l’activité physique se heurte auxquestions du besoin, du désir et du plai-sir. Le besoin de bouger ne va pas desoi alors que celui de manger est uneévidence. L’incitation à « bouger plus »se construit sur l’idée d’une nécessité« naturelle », qui va de soi chez l’enfant.L’image d’un quadra inactif sur unebanquette est, par exemple, opposéeà celle d’un enfant courant « naturelle-ment » pour sortir de l’école. La situationd’enfants immobilisés devant desécrans (télévision, ordinateur, etc.), siro-tant des boissons sucrées… remet enquestion cette attitude « naturelle » quiprend rapidement l’apparence d’uneconstruction sociale. Cette associationdu mouvement au naturel n’est pasrécente : « Le mouvement est la condi-tion de la vie, sa condition primordiale,fatale, suprême. […] La nature veut lemouvement, elle le veut absolument ; desa lanière terrible, elle châtie en passantles inactifs. » (1) écrivait Eugène Paz auXIXe siècle.

Menaçante et injonctive au XIXe siè-cle, la « naturalisation » de l’activité phy-sique répond aujourd’hui à d’autresobjectifs. Il s’agit de « dédramatiser l’ef-fort lié à l’activité physique et mettre enévidence son caractère “naturel” et quo-tidien ». Interrogeons plus avant les pra-tiques d’activité physique qui apparais-sent dans les recommandations desanté et analysons le processus de

dédramatisation en jeu. Quelles activi-tés sont en fait valorisées à partir de cetintitulé générique « activité physique » ?Quelles valeurs lui sont associées ?Comment est-il envisagé d’aider lespopulations à bouger davantage ? Com-ment cette diététique généralisée s’o-riente-t-elle, au bout du compte, davan-tage vers le bien-être que vers la luttecontre le surpoids ?

Depuis Hippocrate, se dépenserest « utile »

Rappelons que cette incitation à« bouger plus » prend son sens dans lecadre de la nutrition, qui propose unmodèle dans lequel les activités phy-siques sont appréhendées en tant quedépense d’énergie. Cette « sortie » doitéquilibrer les « entrées » que constituentles prises alimentaires. L’idée premièreest celle de « l’exercice » de l’organisme.L’activité physique devient alors undénominateur commun de pratiquessociales variées, qu’elles soient à viséeutilitaire (comme faire son ménage, sedéplacer) ou à visée de loisir (pratiquerune séance de gymnastique douce,faire une randonnée). Ce qui compteavant tout, c’est la dépense d’énergieoccasionnée, en tant que lutte contrela sédentarité. À niveau d’énergie égal,toutes les pratiques se valent.

L’idée d’équilibrer la balance éner-gétique par l’activité physique n’est pasnouvelle en soi. Dans le monde grecantique, le travail du professeur degymnastique qui garantit un mode devie sain et tonique est d’ailleurs consi-déré comme une pratique de soin, aumême titre que la traditionnelle « méde-cine » des temples, consacrée au dieu

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L’activité physique :une affaire de goûts ?

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Asclépios, ou que celle des herboristeset des mages. Avec la médecine hippo-cratique se développe la diététique, quigagne l’ensemble du mode de vie desindividus et de la cité. Le domaine durégime médical dépasse très largementla seule alimentation. « Il s’agit aussi derégler les exercices (promenade, course,lutte, etc.), le sommeil, les bains et lespratiques sexuelles. Il faut un équilibretrès précis entre la force que l’on dépenseet celle que l’on absorbe. » (2) C’est l’idéed’équilibre qui prévaut, l’excès est àbannir.

Vers le milieu du XIXe siècle, lerégime va devenir celui de l’énergie,avec l’apport du modèle thermodyna-mique. L’alliance d’un exercice raison-nable et d’un régime rationnel est assi-milée à un entraînement général ducorps. Il s’agit d’augmenter la force ducorps en améliorant le rapport entrecombustible absorbé et travail produit.« L’oisif stocke cette force potentielle dansdes réserves graisseuses aussi nocivesqu’inutiles ou il la brûle dans l’agitationstérile. » Se pose alors la question de l’utilité sociale du mouvement. Ladépense de force devient inutile lors-qu’elle ne s’exerce pas dans la directiondu travail qu’on cherche à accomplir.Trois arguments sont présentés commerisquant de gâcher le déploiement de lapuissance physique : son inutilité, sonexcès et son irrégularité.

Aujourd’hui, la question de l’utilitésociale du mouvement ne se pose pluspar rapport à l’efficacité au travail. Lesloisirs ont acquis de véritables fonctionssociales de récupération, de divertisse-ment mais aussi de consommation. Lagratuité du mouvement n’apparaît plusstérile, elle a, au contraire, une fonctionde santé : contrebalancer la sédentaritéet l’alimentation trop grasse et tropsucrée. Se contraindre à bouger tend àdevenir un mot d’ordre : prendre dutemps en se déplaçant à pied plutôt quede gagner rapidement sa destinationsans effort physique. L’idée de fatigue a changé. Le confinement, les nuisan-ces sonores, les lumières artificiellesoccasionnent stress et fatigue alors quel’effort physique volontaire et régulierentretient dynamisme et tonicité.

L’excès étant toujours proscrit, lesport et ses effets pervers (dopage, sur-entraînement, violence, etc.) sont lais-sés à distance des recommandations desanté. Quant à l’idée de performance,elle est d’emblée évacuée car trop éli-tiste. Il s’agit de mobiliser monsieurTout-le-Monde dans une diététique dubien-être.

« Faire goûter » plutôt querecommander

Un des objectifs prioritaires duPNNS 2 (2006-2008) est de « faciliterl’accessibilité sur les lieux de vie à une

activité physique quotidienne, partieintégrante du mode de vie, facile et plaisante. » L’idée principale est detransformer les habitudes de vie. Lesrecommandations privilégient l’activitéphysique élémentaire : la marche, quin’occasionne pas de coût financier etpeut s’intégrer dans les déplacementsquotidiens indispensables. Les recom-mandations présentées comme « faci-les » et « accessibles » à tous, tendent àprendre l’allure d’injonctions : il suffi-rait de les « vouloir »… descendre dubus ou du métro un arrêt avant sa des-tination, aller chercher son pain à pied,prendre les escaliers plutôt que l’ascen-seur, etc. Ces modifications des habi-tudes doivent être décidées par l’indi-vidu qui va pratiquer l’activité physiquede manière contrôlée afin de préser-ver sa santé, lutter contre la dégrada-tion du corps dans le processus devieillissement.

La sociologie a bien mis en évidenceles inégalités sociales en matière de rap-port au corps, de rapport à la santé etaux activités physiques (3). La « natu-ralisation » de l’activité physique ne sau-rait gommer les effets de la culture. Parailleurs, on sait que la montée de lareprésentation de soi comme individuautonome et responsable (4) concerneprincipalement les populations cultu-rellement favorisées. Comment alorstoucher ceux qui n’ont pas le désir de

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bouger, ceux pour lesquels l’activitéphysique ou tout simplement la santésont en dehors des préoccupations ?

Toutes ces questions sont posées demanière identique pour la transforma-tion des habitudes alimentaires. La pro-fession de diététicienne a été crééepour accompagner les individus et lesgroupes dans ces transformations. Onmesure, aujourd’hui, l’apport de cetteprofession en termes d’éducation pourla santé. Elle donne les moyens de par-tir des habitudes des individus et sur-tout de leurs représentations pourensuite les accompagner dans un pro-jet individuel. Ce travail de proximité estirremplaçable pour passer de l’injonc-tion à la socialisation.

Proximité et accompagnementde l’activité physique

En ce qui concerne l’activité phy-sique, une définition générale – qui pri-vilégie les activités quotidiennesindispensables – semble permettre àtout professionnel de santé de faire cetravail de proximité et d’accompagne-ment. Dans un même temps, elle tendà minorer la dimension de « participa-tion sociale » à des pratiques physiquesde loisir, courant le risque de se can-tonner au contrôle des habitudes motri-ces. Enfin, la recommandation de pra-tique se heurte à la force de « l’habitus »que Pierre Bourdieu définissait commeétant l’ensemble des manières d’être, depenser et d’agir qui se différencient enfonction des catégories sociales. On nechange pas le rapport à son corps et auxactivités physiques sur simple recom-mandation, aussi fondée soit-elle, ni surprescription médicale. Le changementsuppose la socialisation, donc l’expé-rience sociale que seul un accompa-gnement permet d’envisager.

Dans les recommandations, le fait dedonner beaucoup d’importance à l’acti-vité physique quotidienne risque de pri-ver l’éducation pour la santé de la pos-sibilité d’une éducation physique quis’appuie sur une expérience d’activitésphysiques et/ou sportives adaptées auxpossibilités de chacun. Ces activités phy-siques « au pluriel » se distinguent del’activité physique « au singulier » par lefait que ce sont des pratiques culturel-les, pour lesquelles le sens et les signi-fications sociales priment sur la quantitéd’exercice physique. Quand l’enfantcourt en sortant de l’école, est-ce une

simple réponse de son organisme à unbesoin physiologique ou est-il en trainde s’élancer dans l’espace sur un enginimaginaire ? La motricité spontanée del’enfant est très souvent liée au jeu, àl’imaginaire, d’où il tire émotions et plai-sir. Les activités physiques et/ou sporti-ves constituent des structures d’accueilpour des expériences variées, qu’ellessoient duelles, collectives, ou indivi-duelles, qu’elles se déroulent en milieunaturel, dans un gymnase aménagé oudans une piscine, qu’elles s’oriententvers le défi ou l’expression, etc. Ellesconstituent autant d’occasions de vivreou revivre des sensations qui enrichis-sent l’expérience du corps, la connais-sance de soi et la relation aux autres etqui permettent le développement decompétences psychosociales. La phasede socialisation aux activités physiquesest indispensable pour que puisse sedessiner un projet individuel d’activitéphysique qui ait du sens pour l’individu.Elle ne peut s’envisager sans collabo-ration avec des professionnels de l’en-cadrement des activités physiquesadaptées, dans un projet global d’édu-cation pour la santé. C’est d’ailleurs uneforme d’intervention qui s’est dévelop-pée dans les réseaux diabète à l’inter-face de l’éducation du patient et del’éducation physique adaptée aux per-sonnes atteintes d’un diabète non insu-lino-dépendant (5). Le métier de diété-ticienne a permis la mise en place d’untravail de proximité et d’accompagne-ment des individus qui s’est systématisédans le champ de la santé. La placeaccordée aujourd’hui à l’activité phy-sique dans le cadre de la promotion dela santé n’appelle-t-elle pas l’émergenced’un nouveau métier permettant ce tra-vail de proximité ?

Corps, culture et environnementEn conclusion, notre réflexion nous

amène à l’idée que cette diététiquegénéralisée du bien-être ne sauraitréduire l’activité physique à un simpleexercice physique ni la cantonner dansune perspective de contrôle et demodération. Tout le monde ne peut êtrestimulé à la simple idée de créer unerupture dans ses habitudes, en luttantcontre les méfaits de la société deconsommation. Il s’agit d’une démarchemilitante tout à fait intéressante quirelève d’un contrôle de son existence.Procéder comme si ce contrôle étaitfacile risque de ne pas produire l’en-couragement attendu. Par ailleurs, l’ap-

parente accessibilité de l’activité phy-sique quotidienne n’est pas une garan-tie de lutte contre les inégalités sociales.Il suffit de penser à certaines cages d’es-calier difficiles d’accès, mal éclairées,malodorantes, voire insécures. Favori-ser l’emprunt des escaliers plutôt quecelui de l’ascenseur devient alors unequestion à soumettre prioritairementaux politiques, aux architectes et auxurbanistes avant de vouloir le transfor-mer en principe individuel. Par ailleurs,le « devoir » de contrôle de leur propreactivité physique par les individus aunom de leur santé reste en dehors despréoccupations de la plupart des plussédentaires. Pour perdurer, l’activitéphysique gagne à être liée à des expé-riences de réussite, de bien-être et deplaisir. Or, le plaisir de bouger ne pro-vient pas tant de l’exercice du corps entant qu’organisme biologique que dusens de l’activité physique et des inter-actions sociales qu’elle occasionne pourcelui qui la pratique. Les activités phy-siques apparaissent alors essentielle-ment relever d’une affaire de goûts etde saveurs, éminemment sociale et quine saurait se passer de l’expérience.

Claire Perrin

Sociologue,

Centre de recherche et d’innovation

sur le sport, EA 647, université de Lyon-1.

1. La contribution de la sociologie de l’alimentationest à ce titre bien identifiable.

◗ Référencesbibliographiques

(1) Paz E. La santé de l’esprit et du corps parla gymnastique. Paris : 1881 : 29-30.(2) Hippocrate. Du régime. Paris : CUF, LesBelles Lettres (traduction de R. Joly, 1967 :253 p.).(3) Perrin C., Ferron C., Gueguen R., Des-champs J.-P. Lifestyle patterns concerningsports and physical activity, and perceptionsof health. Social and Preventive Medicine2002 ; 47(3) : 162-71.(4) Elias N. La société des individus. Paris :Librairie Arthème Fayard 1991 : 302 p.(5) Perrin C. L’activité physique : de la recom-mandation d’une pratique à la promotion dela santé. Réseaux diabète 2006 ; 27 : 26-9.

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31LA SANTÉ DE L’HOMME - N° 387 - JANVIER-FÉVRIER 2007

Réunis en conférence de consensus en 2005, les experts préconisent soixante minutesd’activité physique – modérée ou forte – par jour chez les enfants et adolescents et trenteminutes d’activité modérée (marche rapide par exemple) pour les adultes. Ce sont lesseuils à partir desquels des effets bénéfiques sont avérés pour la santé. Ils recomman-dent aussi la pratique de l’activité pour les personnes atteintes de maladies chroniques,élément essentiel dans la prise en charge.

L’activité physique est un déterminant majeurde l’état de santé, d’autant plus quand elle estassociée à un mode de vie sain. Dans les paysindustrialisés, l’inactivité physique est ledeuxième facteur de risque individuel, après letabagisme. L’activité physique entraîne unediminution des mortalités globale et prématu-rée, avant 65 ans. Elle limite la survenue de cer-tains facteurs de risque et de pathologies chro-niques comme l’hypertension artérielle, lesmaladies coronariennes, le diabète de type 2,l’obésité, le cancer du côlon, le cancer du sein,etc. Enfin, elle est liée à un plus grand bien-êtrepsychologique et à une meilleure réaction auxcontraintes professionnelles et psychosociales.

La conférence de consensus1 organisée àNancy, en novembre 20052, avait pour objec-tif de fournir aux acteurs de santé des outilspour qu’ils puissent conseiller au mieux une acti-vité physique régulière, raisonnée et durable.L’évaluation de l’activité physique, en partantdes habitudes de vie de chacun, est un préala-ble à des conseils adaptés et motivants pourrépondre aux besoins spécifiques de plaisir etde santé de la personne. Cette activité physiquedevrait être caractérisée – par les profession-nels – en fréquence, intensité, durée et typed’exercices quotidiens, voire en dépense éner-gétique hebdomadaire. Pour y parvenir, diffé-rents outils validés sont disponibles selon lesbesoins. Par exemple, pour l’enfant âgé demoins de 10 ans : un questionnaire posé auxparents par le professionnel et un podomètrepour l’enfant. L’évaluation doit être complétéepar un bilan médical vérifiant l’absence decontre-indications et évaluant le niveau d’apti-tude aux activités physiques proposées.

Les enfants et adolescents devraient faire envi-ron soixante minutes d’activité physique par jour,d’intensité modérée ou plus, sous forme de jeux,de sports ou d’activités de la vie quotidienne.

Chez l’adulte, les effets bénéfiques sont atten-dus pour une activité physique à long terme (deloisir, professionnelle, domestique) de l’ordre detrente minutes par jour, fractionnée ou non, etd’intensité modérée (exemple : marche rapide).Les activités physiques les plus souventconseillées sont du type endurance mais il estimportant de travailler aussi la souplesse, le ren-forcement musculaire et l’équilibre.

Pour inciter une personne à pratiquer durable-ment une activité physique de son choix, tousles acteurs intervenant dans sa santé (famille,professionnels de la santé, enseignants, édu-cateurs sportifs, cadres d’animation, déci-deurs, etc.) sont concernés. L’accompagne-ment de la personne est un déterminant majeur.Son projet doit être réajusté régulièrement,étape par étape, afin d’établir des objectifsréalistes qu’elle peut atteindre selon sonrythme, ses possibilités et ses préférences.Le constat et la mise en valeur des effets, l’en-couragement de la personne, le plaisir à prati-quer seul ou en groupe sont essentiels. Enfin,les démarches individuelles sont confortées pardes environnements favorables : interventionsdans les lieux de vie, développement et acces-sibilité des infrastructures, politiques de pro-motion de l’activité physique et sportive, etc.

En cas de pathologies avérées, la pratiqued’une activité physique constitue l’un des élé-ments essentiels de la prise en charge. Parexemple, dans le diabète de type 2, une activité

structurée de type endurance (au moins trenteminutes/jour, au moins trois fois/semaine) amé-liore l’équilibre glycémique et la condition phy-sique, cet effet étant indépendant des modifi-cations du poids corporel. De plus, elle réduitles facteurs de risque cardio-vasculaire. Autreexemple, en cas d’hypertension artérielle (HTA),la pratique régulière d’une activité physiqued’endurance, surtout d’intensité modérée,abaisse la tension artérielle de manièremodeste mais significative.

Patrick LaureMédecin de santé publique,

médecin conseiller, direction régionaleet départementale de la Jeunesse

et des Sports de Lorraine, Saint-Max.

Le texte complet des recommandations esttéléchargeable depuis :h t t p : / /www.d rd j s - l o r r a i ne . j eunesse -sports.gouv.fr [dernière visite le 2/02/07]

1. Cette conférence de consensus a été organisée et s’estdéroulée conformément aux règles méthodologiquespréconisées par l’Agence nationale d’accréditationet d’évaluation en santé (Anaes) désormais intégréeà la Haute Autorité de santé (HAS).2. Partenaires financiers : ministère de la Jeunesse, desSports et de la Vie associative, direction régionale etdépartementale de la Jeunesse et des Sports de Lorraineet de Meurthe-et-Moselle, Assurance Maladie, conseilrégional de Lorraine, communauté urbaine duGrand Nancy. Manifestation parrainée par : l’Institutnational de prévention et d’éducation pour la santé(INPES), la Société française de pédiatrie, la Sociétéfrançaise de gériatrie et de gérontologie, la Fonda-tion Sport-Santé et l’Association des chercheurs enactivité physique et sportive.

Mobilité physique à des fins préventives :ce que recommandent les experts

Conférence de consensus : huis clos exigéLe principe d’une conférence de consensus consiste en la rédaction de recommandations parun jury à huis clos, de la manière la plus indépendante et la plus objective possible, en distin-guant ce qui relève de la preuve scientifique, de la présomption et de la pratique usuelle. Cetterédaction s’effectue à l’issue d’une présentation publique de rapports d’experts faisant la syn-thèse des connaissances. Chaque participant à la conférence peut exprimer son point de vue.

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Comment les Français pratiquent-ils l’activité physique et combien de temps y consa-crent-ils ? Les premiers résultats du Baromètre santé de l’INPES indiquent qu’un adultesur trois déclare avoir pratiqué une « activité physique modérée » au moins cinq joursdans la semaine. La marche est l’activité la plus pratiquée : un adulte sur deux la pra-tique tous les jours de la semaine.

L’insuffisance d’activité physique estconnue comme un déterminant majeurdes principales maladies chroniques oude certains types de cancer (voir l’ar-ticle de J.-M. Oppert, pages 21-23). Lesautorités publiques de plusieurs pays(États-Unis, Grande-Bretagne, Austra-lie, France, etc.) ont donc émis desrecommandations pour le grand publicafin d’encourager une activité physique

plus importante et plus régulière (voirl’article de Patrick Laure, page 31).Dans ce cadre, le niveau habituel d’ac-tivité physique pratiquée est un indi-cateur de santé publique indispensableà suivre.

Pour cela, l’enquête Baromètre santé2005 de l’INPES (1) a interrogé 7 024 per-sonnes de 18 à 65 ans, en utilisant l’Inter-

national Physical Activity Questionnaire(IPAQ)1, qui considère l’activité phy-sique dans sa globalité (domicile, travail,transports, loisirs) et dans ses différentsniveaux d’intensité (niveau intense2,niveau modéré3, marche). Les premiersrésultats relatifs au nombre de jours d’ac-tivité physique et aux temps pratiqués enmoyenne sont présentés ici. Des résul-tats plus complets, relatifs au respect desrecommandations et aux déterminantsde la pratique d’activité physique serontpubliés prochainement (2).

Seuls 2,2 % des adultes de 18 à 65 ansn’ont pratiqué aucune activité physique(y compris la marche) au cours de lasemaine précédant l’enquête. Cetteabsence d’activité concerne très peu lesjeunes adultes de 18 à 24 ans (0,8 %)mais plutôt les adultes de 25 à 65 ans(2,5 %). Concernant cette inactivité, onn’observe pas de différence entre leshommes et les femmes.

L’activité physique intensePlus de deux Français sur cinq

(41,9 %) de 18 à 65 ans déclarent ne pasavoir pratiqué d’activité physiqueintense au cours de la semaine précé-dant l’interview. Ce phénomène s’ob-serve davantage chez les femmes (50,5vs 32,7 % des hommes) et s’accroît avecl’âge.

Les adultes sont plus d’un quart(27,7 %) à avoir pratiqué une activitéintense au moins trois jours dans lasemaine précédant l’interview. Les hom-mes sont, en proportion, nettement plusnombreux que les femmes (près du dou-ble) à avoir été dans ce cas (36,1 % vs20,0 %). Il en est de même pour les jeu-nes adultes par rapport aux plus âgés.

32 LA SANTÉ DE L’HOMME - N° 387 - JANVIER-FÉVRIER 2007

Fréquence et temps de pratique de l’activité physique en France

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33LA SANTÉ DE L’HOMME - N° 387 - JANVIER-FÉVRIER 2007

Sur un « jour moyen4 » de pratiqued’activité physique intense au cours dela semaine, une personne sur sept(14,4 %) déclare en avoir fait entre unedemi-heure et une heure, une sur six(16,6 %) de une à deux heures, plusd’une sur dix (11,2 %) de deux à qua-tre heures et 8,2 % plus de quatre heu-res (Figure 1). Les hommes sont pro-portionnellement plus nombreux queles femmes (72,2 % vs 51,4 %) à décla-rer pratiquer pendant plus d’une heuredes activités physiques intenses lesjours où ils en font. Le temps de pra-tique des activités intenses a par ailleurstendance à diminuer avec l’âge.

L’activité physique modéréeLa part des personnes déclarant ne

pas avoir fait d’activité physique modé-rée dans la semaine est nettementmoindre que pour les activités intenses :15,6 % des adultes de 18 à 65 ans sontdans ce cas, les hommes davantage queles femmes (20,6 % vs 10,9 %).

Près d’un tiers des adultes français(31,3 %) disent avoir pratiqué ce typed’activité au moins cinq jours dans lasemaine. Contrairement à ce que l’onobserve pour l’activité physique intense,ce sont les femmes qui sont propor-tionnellement plus nombreuses à êtredans ce cas (36,1 % vs 26,1 % pour leshommes). L’association avec l’âge estégalement inversée par rapport à la pra-

tique d’activités intenses : les jeunesadultes âgés de 18 à 24 ans sont pro-portionnellement les moins nombreux(27,7 %) à en avoir fait au moins cinqjours dans la semaine.

Sur un jour moyen de pratique d’ac-tivité physique modérée, plus d’une per-sonne sur cinq (22,3 %) déclare en avoirfait une demi-heure ou moins, une surcinq (20,8 %) entre une demi-heure etune heure, près d’une sur cinq (19,0 %)de une heure à deux heures et 6,9 %plus de quatre heures (Figure 1).

La marcheLa marche est une activité physique

pratiquée par une large majorité deFrançais. Seul un adulte sur dix (10,6 %)déclare n’avoir marché aucun jour de lasemaine pendant au moins dix minu-tes d’affilée. Les hommes sont un peuplus nombreux dans ce cas que les fem-mes (11,5 % vs 9,8 %), les 25-54 ansdavantage que les jeunes (12,0 % vs6,6 %) et les 55-65 ans (12,0 % vs 8,8 %).

La marche est pratiquée régulière-ment par un grand nombre des adul-tes de 18 à 65 ans : la moitié d’entre eux(48,7 %) déclare avoir marché tous lesjours au cours de la semaine précédantl’enquête. Trois personnes sur cinq(60,0 %) disent avoir marché au moinscinq jours dans la semaine, sans diffé-rence significative selon le sexe. Les jeu-

nes adultes sont proportionnellementplus nombreux dans ce cas que leursaînés (64,9 % vs 59,2 % chez les 25-65ans). Le temps de marche est en revan-che assez faible (une demi-heure oumoins) pour plus d’un tiers des adul-tes (34,2 %) (Figure 1).

Ces tout premiers résultats mettent enévidence des différences importantesselon le sexe et l’âge dans la pratiqued’activité physique. Les hommes et lesjeunes ont plutôt tendance à pratiquerdes activités physiques d’intensité éle-vée alors que les femmes et les indivi-dus les plus âgés pratiquent davantagedes activités d’intensité modérée. Uneanalyse plus globale de ces résultats,permettant d’évaluer la part d’individusqui suivent les recommandations actuel-les en matière d’activité physique, estnéanmoins nécessaire pour pouvoir entirer des pistes de promotion de la santé.

Hélène Escalon

Coordinatrice du Baromètre

santé nutrition à l’INPES.

1. Questionnaire international élaboré en 1998 parun groupe de consensus, qui porte sur les sept jours pré-cédant l’enquête et validé pour les 18-65 ans. Pouren savoir plus : Craig C.L., Marshall A.L., BaumanA.E., et al. International physical activity question-naire: 12 country reliability and validity. Med. Sci.Sports Exerc. 2003 ; 35 : 1381-95.2. Les activités physiques intenses sont définies commecelles qui demandent un effort physique important etfont respirer beaucoup plus difficilement que norma-lement (les exemples donnés sont : porter des chargeslourdes, bêcher, faire du VTT ou jouer au football).3. Les activités physiques modérées sont définiescomme celles qui demandent un effort physiquemodéré et font respirer un peu plus difficilement quenormalement (les exemples donnés sont porter descharges légères, passer l’aspirateur, faire du vélo tran-quillement).4. La question posée aux personnes ayant réponduavoir fait au moins un jour d’activité physique intensedans la semaine était la suivante : « En général, com-bien de temps avez-vous passé à pratiquer des acti-vités intenses au cours de l’un de ces jours (sur un jourmoyen) ? »

15

20

25

30

35

40

45 %

10

5

0

Activité Physique intense Activité Physique modérée Marche

10 à 30 minutes 31 à 60 minutes 61 à 120 minutes 121 à 240 minutes Plus de 240 minutes NSP

6,614,4

16,6

11,2 8,2

1,1

34,2

22,3

12,5

8,5

8,8

3,1

22,3

20,819

13,3

6,9 2,1

◗ Référencesbibliographiques

(1) Guilbert P., Gautier A. (sous la dir.). Baro-mètre santé 2005. Premiers résultats. Saint-Denis : INPES, coll. Baromètres santé,2006 : 176 p.(2) Analyse complète des résultats à paraî-

Figure 1 : Répartition des Français selon le temps moyen de pratique d’activité phy-sique intense, modérée ou de marche, un « jour moyen » de la semaine précédentl’interview.

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Chez l’adolescent, la pratique d’une activité physique ludique a une triple dimension,affective, cognitive et sociale, qui va bien au-delà de la simple activité motrice. Touteactivité est une voie d’épanouissement pour le jeune, à condition qu’elle s’éloigne desrègles élitistes du sport – culte de la performance et du meilleur – et qu’il n’y ait pasune recherche obsessionnelle d’une meilleure santé. Désir de communiquer, développe-ment d’une stratégie, renforcement de l’estime de soi via la satisfaction d’avoir triomphéd’obstacles : l’objectif est bien de favoriser l’épanouissement et l’exaltation de chaquepersonnalité. À tout âge, en tout lieu et avec tout public, l’éducateur doit être formépour adapter l’activité à chaque contexte.

Les enquêtes d’opinion révèlent quela conquête et le maintien de la santésont systématiquement associés à la pra-tique du sport. L’activité sportive est per-çue comme un puissant facteur favori-sant la bonne santé de l’enfant et del’adulte. Cette idée, fortement ancréedans les représentations sociales domi-nantes, est-elle fondée ? Le sport est-ilgénérateur de santé ? Comment les mou-vements d’éducation populaire peuvent-ils se situer face à une telle prise de posi-tion ?

Une confusion tenaceLe sport que nous vivons au quoti-

dien, le sport du stade et de la télévi-sion, c’est la recherche de la victoire àl’issue d’une compétition qui se veut leplus spectaculaire possible. Seule la vic-toire est belle : il faut vaincre à tout prix.Les sportifs, disent-ils, veulent « sedépasser ». Quand on force une piècemétallique à dépasser son seuil de tolé-rance, elle ne peut plus revenir à sonétat de départ et risque d’être définiti-vement déformée. Il peut en être demême des organismes humains. Lesport est basé sur une logique de ladomination, de l’atteinte du plus hautniveau, du « dépassement » qui entraîneun risque de blessures, d’accidents et deperturbations organiques de toutes sor-tes. Et les risques s’étendent à de mul-tiples comportements : corruption, tri-cherie, truquage, dopage. L’exploit,c’est l’excès. Reconnaissons-le : c’estbien à cet excès enthousiasmant du

spectacle sportif que nous applaudis-sons.

Voilà une première butée : commentconcilier le souci de la santé qui reposesur la modération et la pratique du sportfondée sur l’excès ? D’autres interroga-tions surgissent : quel rapport établirentre un jogging décontracté dans unsous-bois, une sortie de week-end àbicyclette entre amis, un match de boxeet une finale olympique ? Et, plus pré-cisément encore, entre une partie deballon dans un square et une finale deCoupe du monde de football ? La santén’est-elle pas engagée de façon extrê-mement différente, voire opposée, dansces pratiques pourtant dénommées parle même terme de « sport » ?

Manifestement, les faits liés au sportet à la santé sont perçus dans unegrande confusion, et les mots utiliséspour les dénommer sont le reflet decette incohérence. Tant que l’on nesaura pas de quoi l’on parle, tant que lestermes « sport » et « santé » n’auront pasreçu une définition permettant d’iden-tifier clairement les phénomènes qu’ilsreprésentent, on séjournera dans lacour du roi Pétaud.

Peut-on définir le sport ?Lorsque l’on emploie le mot « sport »,

de quoi parle-t-on ? Quatre critères opé-rationnels semblent nécessaires et suf-fisants pour identifier les situations desport :

– une situation motrice : une activitédont la motricité n’est pas pertinente ne peut être qualifiée de sport ; le jeud’échecs n’est pas un sport ;– un corps de règles : en l’absence derègles, on peut parler d’activité phy-sique mais pas de sport ;– une compétition : il y faut un dispo-sitif qui sanctionne les actes marquantset qui désigne en fin d’épreuve les vain-queurs et les vaincus ;– une institutionnalisation : une com-pétition ne devient sport que si lesinstances sociales légitimes lui accor-dent un statut mondial reconnu, notam-ment grâce à la presse et à la télévision(Jeux olympiques, Coupes du monde,etc.).

Il est donc possible de définir lesport de façon simple en s’appuyant surdes critères contrôlables et non pure-ment spéculatifs : le sport, c’est l’en-semble fini des situations motrices àcodification compétitive qui ont étéinstitutionnalisées.

Surgit ainsi une franche différenceentre le sport et le reste des pratiquescorporelles. À côté du sport, se déve-loppent des activités physiques d’unautre type, informelles et non codifiées(quasi-jeux, activités libres et informel-les), non compétitives (exercices didac-tiques), non institutionnalisées (jeux tra-ditionnels, jeux de rue). Il existe doncun non-sport constitué d’activités phy-siques innombrables, non assujetties

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Comment combiner favorablementsanté, sport et activité physique ?

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aux contraintes du sport et que celui-cia d’ailleurs souvent récupérées en lescoulant dans son propre moule. Peut-onconfondre une baignade à la plage avecune finale olympique de cent mètresnage libre ? Peut-on assimiler un matchde football à une partie de balle au pri-sonnier, une promenade à skis à un slalom de Coupe du monde ? Si l’on nedifférencie pas les phénomènes, si l’onne clarifie pas les concepts, on secondamne à des discours superficielsou passionnels qui entretiendront à l’infini la confusion et les incompré-hensions.

La santé, mais encore ?Une difficulté de même type se pose

pour la notion de santé. Commentconcilier la sollicitation par les activitésmotrices de toutes les dimensions dela personnalité, avec la réduction de lanotion de santé à la seule facette orga-nique et médicale ?

Les travaux menés par les physiolo-gistes et les médecins montrent defaçon indiscutable les effets positifsengendrés par l’activité physique sur de nombreux processus organiques,notamment sur le fonctionnement équi-libré des grands appareils cardiaque,digestif, respiratoire ou musculaire. Ceteffet bénéfique sur la santé représenteun aspect basique d’une grande impor-tance mais il ne doit pas entraîner unedérive consistant à orienter l’activitéphysique vers le domaine médical. Lapratique physique n’est pas un médi-cament prescrit sur ordonnance quiproduit ses effets de façon mécanique.Il reste acquis que des mises en œuvrespécifiques et très affinées devront êtreprévues dans des cas de dysfonction-nement (obésité, insuffisance cardio-respiratoire, diabète, etc.) mais l’orga-nisation des activités physiques etsportives ne peut être conçue commeune pratique auxiliaire de la médecine.

L’enfant n’est pas qu’un corps-machine qui exécute des mouvementset qui dépense de l’énergie ; c’est unepersonnalité qui s’engage en totalitéaussi bien dans ses actes moteurs quedans son activité verbale. Au cours desactivités physiques et sportives, cetengagement a pour originalité de pren-dre corps dans des conduites motricesinvesties de significations affectives etrelationnelles très implicantes : fortesmotivations, anticipations réfléchies,

émotions débordantes, représentationschargées de sens symbolique. Ces phé-nomènes affectifs, cognitifs et sociauxqui imprègnent les conduites motricesinterviennent de façon importante surla santé. C’est bien ce qu’a soulignél’Organisation mondiale de la santé endéfinissant la santé comme « un état decomplet bien-être physique, psycholo-gique et social, et pas seulement commel’absence de maladie ». Issue d’uneinstance officielle, cette définition, quenous adoptons, a eu l’heureuse intui-tion d’associer aux caractéristiquesorganiques les facteurs psychologiqueset relationnels, qui jouent un si grandrôle dans le ressenti lié à la qualité devie de chaque personne.

On constate ainsi un double mou-vement, en sens inverse, dans la signi-fication que le sens commun attribue à

nos deux termes-phares : d’une part, unélargissement du sport à tout l’ensem-ble des activités physiques, d’autre part,un rétrécissement de la santé au voletorganique. Il semble nécessaire de ren-verser ce double phénomène en res-treignant le sport aux seules compéti-tions institutionnalisées et en étendantla santé à toutes les manifestations duvécu de la personne.

Une voie royaled’épanouissement

Dans cette perspective, il sembleréaliste de mettre l’activité physique, etnon le seul sport, au service du bien-être général des personnes. Les pra-tiques de sport ne sont pas banniesmais elles ne sont proposées que dans

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le cas où l’éducateur juge qu’ellesseront profitables aux pratiquants. Lesactivités de non-sport (pratiques infor-melles, quasi-jeux, jeux traditionnels,etc.) offrent un vivier exubérant d’acti-vités souples et adaptables à chacun.Nager dans une crique, descendre unerivière en kayak, se lancer dans unepartie de barres, participer à une ran-donnée de pleine nature, mettent en jeules ressources les plus profondes de l’in-dividu agissant : le désir de communi-quer, l’élaboration d’une stratégiehabile, le renforcement de l’estime desoi, la joie de triompher d’obstaclesredoutés. L’individu se prouve en s’é-prouvant.

L’action motrice est la voie royaled’épanouissement du besoin d’expres-sion de l’enfant et de l’adolescent.Aujourd’hui, autant les sciences de lavie que les sciences humaines et socia-les ont largement démontré que ce sonttoutes les dimensions de la personneagissante qui sont sollicitées par la miseen jeu des conduites motrices : ladimension biologique bien entendu,mais aussi les dimensions affective,cognitive, relationnelle ou expressive.En sollicitant l’activité physique, c’estdonc toutes les facettes de la person-nalité de l’enfant que l’animateur metà l’épreuve. Et, en cela même, c’est biensur le bien-être, sur la santé des prati-quants que s’exerce l’influence desconduites motrices.

C’est donc l’activité physique dansses multiples formes qui est primordiale,et non le sport. Ce point de vue engagedes choix pédagogiques et une organi-sation de l’environnement souvent trèséloignés du milieu sportif proprementdit. C’est la conception qui a été adop-tée par de nombreuses associations,notamment par les Centres d’entraîne-ment aux méthodes d’éducation active(Ceméa). Dans la perspective d’uneéducation nouvelle ainsi choisie, ce quicompte n’est pas d’accomplir des per-formances et de glorifier « le meilleur »,ce n’est pas non plus de solliciter uneactivité physique frileuse, au rabais, sousprétexte de santé et de sécurité, c’est defavoriser l’épanouissement et l’exalta-tion de chaque personnalité – facteurfondamental de bonne santé – en utili-sant les ressources richement diversi-fiées des activités physiques. Davantagelocales que mondiales, ces pratiquesinformelles ou de non-sport peuvent se

mettre en place dans de multiplesmilieux de vie : à l’école bien sûr, maisaussi dans les centres de formation pro-fessionnelle, dans les quartiers, dans lescentres de réadaptation, dans les cen-tres de vacances ou de loisirs ; et cela,aussi bien avec les bambins qu’avec lesadultes, les filles et les garçons, les han-dicapés et les bien-portants. Il revien-dra à l’éducateur de savoir adapter lesactivités physiques proposées, leursparticularités et leur logique interne auxcaractéristiques et aux besoins d’ex-pression des participants sollicités. C’estla raison pour laquelle les Ceméa accor-dent tant d’importance à la formationdes animateurs, dont le rôle sur le ter-rain restera toujours décisif.

Favoriser un mieux-êtreLa santé dépend notamment des

données génétiques, de l’environne-ment, de l’alimentation, des contrain-tes de sédentarité, des différents stressde l’existence. Au sein de ce faisceau dedéterminants, les activités physiquespeuvent jouer un rôle éminemmentpositif, provoquer un déclic de déblo-cage et offrir une occasion d’épanouis-sement ; à condition de ne pas systé-matiser les pratiques élitistes du sportqui ne gratifient que le petit nombre enrisquant de multiplier les frustrations.

Pierre Parlebas

Président des Ceméa,

professeur à la Sorbonne-Paris-5.

◗ Pour en savoir plus• Bordat D. Les Ceméa, qu’est-ce que c’est ?Paris : Maspero, 1976 : 410 p.• Parlebas P. Jeux, sports et sociétés.Lexique de praxéologie motrice. Paris :Insep-Publications, coll. Recherche, 1999 :472 p.• Parlebas P. Éducation corporelle et édu-cation nouvelle. Vers l’Éducation nouvelle2006, La Revue des Ceméa ; n° 523 : 27-41.

Une lettre d’information

mensuelle pour tout

savoir sur l’actualité

de la prévention

et de l’éducation

pour la santé

COMMUNIQUÉ

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La généralisation d’un comportementde type sédentaire est préoccupante etexplique en partie l’augmentation del’obésité observée chez l’enfant et l’ado-lescent. En France, 40 % des adolescentsne pratiquent pas d’activité physique endehors des cours d’éducation physiqueet sportive (EPS) à l’école, 15 à 20 % pré-sentent un excès de poids1. La pratiqued’une activité physique régulière a, deplus, un effet bénéfique sur plusieursautres paramètres de santé : pressionartérielle, taux de lipides sanguins (cho-lestérol, triglycérides), de glucose oud’insuline. Elle protège ainsi l’enfant etle futur adulte contre les maladies de lamodernité : diabète, obésité, maladiescardio-vasculaires et certains cancers.

Mais, si la nécessité de faire bougerles adolescents et de changer leur com-portement à long terme est reconnuepar beaucoup, des interrogations per-sistent sur le type d’intervention le plusefficace à long terme. Nous ne dispo-sons à cet égard que de très rares étudesd’une durée supérieure à un an, et d’au-cune étude française. Encore ces étudesn’ont-elles, pour la majorité d’entre elles,ciblé que les cours d’EPS, à l’école, etn’ont pas cherché à modifier les autresformes d’activité physique (loisirs, viequotidienne, etc.) ni les comportementssédentaires. Pour répondre à ces inter-rogations, une étude d’intervention inti-tulée ICAPS (Intervention auprès descollégiens centrée sur l’activité phy-sique et la sédentarité), unique par sadurée (quatre années), a été initiée, en2002, auprès de mille élèves issus de

quatre « paires » de collèges du Bas-Rhin(la moitié des collèges bénéficiant del’action et les collégiens conservant leurrythme d’activité habituel dans l’autremoitié).

L’activité physique, un défi de société

De nombreuses données soulignentl’influence de l’environnement sur lemode de vie, les comportements desindividus et leur état de santé (voir aussil’article de R. Demeulemeester, pages 17à 20). Notre société est structurée detelle sorte que la majorité d’entre nousn’a pas la nécessité d’être physiquementactif au cours d’une journée habituelle.Non seulement l’urbanisation favorise ladépendance vis-à-vis de la voiture maiselle décourage l’utilisation de modes detransport plus actifs. Par ailleurs, l’offrede loisirs favorise les comportementsinactifs. Cela explique que les stratégiesportant uniquement sur l’information etl’éducation ont certes amélioré lesconnaissances mais n’ont eu qu’un effetinconstant et très limité sur l’état de santédes populations ciblées, du fait de l’ab-sence de modification de leur environ-nement. À la lueur de ces données,ICAPS repose sur une stratégie ciblantdifférents niveaux et requérant des par-tenaires multiples avec trois objectifs :– modifier les connaissances, les attitu-des et la motivation des adolescents vis-à-vis de l’activité physique afin de favo-riser la pratique d’activités dans la viequotidienne, la diminution des com-portements sédentaires et le maintiendes changements par des séances d’in-

formation et de débats mais aussi grâceau type d’activités proposées ;– agir avec les personnes intervenantdans l’environnement social immédiatde l’enfant pour relayer l’information,favoriser et soutenir les changements decomportements ;– changer directement les comporte-ments d’activité physique à l’école,pendant les loisirs et dans la vie de tousles jours, en allant au-devant des obs-tacles à cette pratique, en privilégiantles aspects plaisir et rencontre avec lesautres, mais aussi en fournissant lesconditions physiques et institutionnel-les de pratique grâce à un partenariatavec les collectivités territoriales et leréseau associatif.

Une mobilisation pour « fairebouger » les adolescents

Sur le plan méthodologique, ICAPSest une étude de prévention primairesous forme d’un essai d’interventionrandomisé. La population cible estreprésentée par les élèves entrés en 6e

en septembre 2002 dans quatre pairesde collèges du Bas-Rhin, soit 1 048 élè-ves. Le suivi et l’action se sont poursui-vis pendant toute la durée de la scola-rité en collège, soit pendant quatre ans2.Dans les collèges témoins, les élèvesont conservé leur rythme d’activitéhabituel. Pour comparer l’évolution desélèves « action » et « témoins », un suivilongitudinal, identique, a été proposépendant toute la durée de l’interventionà tous les élèves. Tous les ans, des ques-tionnaires portant sur l’activité phy-sique, les habitudes de vie et les attitu-

En Alsace, les collégiens vivement incités à s’activer

Dans le Bas-Rhin, le programme ICAPS d’incitation à l’activité physique a été mis en placedans quatre collèges. Les élèves de ces établissements ont été comparés à ceux dequatre collèges témoins dans le cadre d’une étude. Au total, mille collégiens ont ainsiété suivis, dont cinq cents bénéficiant de l’intervention. Initiative unique en France, lesadolescents ont été suivis sur quatre ans et tout a été fait pour favoriser l’accès et lapratique d’une activité physique régulière dans les collèges « action ». Il en ressort concrè-tement qu’après deux ans la proportion des collégiens pratiquants réguliers atteignait87 % dans ces collèges alors qu’elle n’était que de 62 % dans les collèges témoins.

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SOUR

CE :

ICAP

S

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des vis-à-vis de l’activité physique ontété remplis en petits groupes de qua-tre à six élèves. Ils ont été complétés parun examen médical annuel (poids,taille, masse grasse, pression artérielle)et un bilan sanguin réalisé tous les deuxans. Des données sociodémographi-ques ainsi que quelques-unes de leurshabitudes de vie ont été obtenuesauprès des parents. Les paramètres surlesquels est évaluée l’action sont : lespratiques d’activité physique et les com-portements sédentaires, la corpulence,la masse grasse, ainsi que différents fac-teurs de risque cardio-vasculaire.

L’action sur le terrainICAPS ne vise pas à démontrer les

effets à court terme d’une activité phy-sique, éventuellement imposée, mais àentraîner une modification des compor-tements dans le long terme. Ce choix sereflète dans la durée de l’étude maisaussi par le type d’activité physiqueciblée (des activités de loisirs pouvantêtre poursuivies à l’âge adulte mais éga-lement des activités de la vie quoti-dienne). Les actions menées ont pris encompte les obstacles à l’activité physiqueet ont privilégié les aspects plaisir et ren-contre, sans esprit de compétition :

– activités pendant les heures de per-manence, entre midi et deux et enpériscolaire. Toutes les activités, libresd’accès, ont été encadrées par des inter-venants brevetés d’État et réalisées endehors de tout esprit de compétition.Les aspects plaisir, jeu et rencontre avecles autres adolescents ont été mis enavant. Une grande attention a été por-tée à la réduction des obstacles à la pra-tique (horaires, déplacements, trans-ferts). Différentes activités ont étéproposées dans chaque collège (hip-hop, aérobic, capoeira, canne et bâton,jeux présportifs, football, etc.) en péris-colaire. Pendant les heures de perma-nence, entre midi et deux heures, etpendant les vacances, des activités plusinformelles ont été organisées ;– séances de débats/réflexion sur lethème de l’activité physique et de lasédentarité. Ces séances (en moyennetrois par an), organisées en groupes dequinze élèves avec l’aide des équipespédagogiques des collèges, notammentpendant les heures de vie de classe, ontamorcé une réflexion sur les modesd’activité physique dans notre société,les obstacles à la pratique, les relationsavec la santé et l’environnement. Ellesont permis d’aborder de façon plus

informelle les attitudes de l’adolescentvis-à-vis de l’activité physique ;– journées événementielles. Elles ontpermis à l’ensemble des collégiens de serencontrer autour d’activités physiques :marches populaires, rencontre avec lessportifs de haut niveau, journées d’acti-vités du conseil général. Des journées «Tous à vélo à l’école » ont permis auxélèves et à leurs parents de découvrir lespossibilités de transport actif en toutesécurité ;– actions réalisées avec les enseignantsde différentes disciplines, permettant derenforcer le message « Bouger pour êtreen forme » ;– séances d’information destinées auxparents, avec l’aide des élèves ;– réunions régulières avec les partenai-res afin d’adapter et amplifier les actions.

L’état des lieux, au début de l’étude

En septembre 2002, 92 % des 1 048adolescents (522 filles et 526 garçons)en 6e dans l’un des collèges de l’étudeont répondu à l’enquête initiale. 72 %ont accepté la prise de sang.

En 6e, seul un tiers des adolescentsde la cohorte se rendait à pied ou à véloau collège et près de la moitié des élè-ves ne pratiquait pas d’activité phy-sique régulière en dehors des coursd’EPS (moins de deux heures d’activitéphysique de loisirs par semaine enmoyenne), alors qu’en moyenne, lescollégiens passaient chaque jour prèsde deux heures devant la télévision etquarante-cinq minutes devant leurconsole de jeux ou leur ordinateur.Cela est à comparer avec l’heure quo-tidienne d’activité physique chez lesjeunes prônée par les experts (voir l’ar-ticle de Patrick Laure, page 31). Pour-tant, les deux tiers des collégiens décla-raient souhaiter faire plus de sport,qu’ils en pratiquent déjà ou non. Lescollégiens ont une vision plutôt posi-tive de l’activité physique : « c’estchouette » pour 87 % d’entre eux, cela« donne de l’énergie » pour 82 %, « c’estbon pour la santé » pour 94 % et « c’estl’occasion de se faire des amis » pour74 % ; seuls 44 % considèrent que c’est« fatigant ». Les obstacles à la pratiquele plus souvent évoqués (Tableau 1)sont en premier lieu l’absence de désirde faire de la compétition, puis lescontraintes matérielles (horaires, éloi-gnement, déplacements, manque detemps).

Figure 1 : Pourcentage d’adolescents présentant un surpoids à l’entrée dans l’étude,selon activité sportive et le temps passé devant la télévision

Je n’ai pas envie de faire de la compétition 48 %

Les horaires sont contraignants 31 %

Je n’ai personne pour m’y emmener 24 %

La licence est trop chère 20 %

Je n’aime pas le sport 17 %

Les entraînements sont trop durs 16 %

Tableau 1. Raisons invoquées par ceux qui ne pratiquent pas d’activité physique en dehorsdes cours d’éducation physique et sportive

15

20

25

30

10

5

0

OuiNon

Activité sportive en association

19 %

29 %

Plus de deux heures de télévision par jour

28 %

21 %

%Surpoids

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Près d’un quart des adolescents dela cohorte présentaient un excès depoids selon les critères internationaux.La pratique d’une activité physique (Fi-gure 1) était associée à un risque moinsélevé d’excès de poids et à des chiffresplus bas de glycémie, d’insuline plas-matique (liée au risque de développerun diabète au cours de la vie), de lipi-des sanguins (cholestérol, triglycérides)et de pression artérielle. À l’inverse, plusl’adolescent regardait la télévision, plusson risque métabolique et vasculaireétait élevé. La seule présence de la télé-vision dans la chambre des adolescents(cela concernait 45 % d’entre eux) étaitassociée à un risque accru de surpoidset de risque cardio-vasculaire.

À deux ans, des effets sur les comportements…

Au terme des deux premièresannées, ICAPS démontre qu’il est pos-sible de modifier les comportementsd’activité des adolescents. Tous les col-légiens ont participé à l’une ou l’autredes séances d’activité physique propo-sées dans le cadre d’ICAPS. Cette par-ticipation a été régulière pour 50 %d’entre eux la première année, pour70 % la deuxième année. Elle a été aussiimportante pour les collégiens ne fai-sant pas d’activité physique en dehorsdes cours d’EPS que pour ceux prati-quant une activité en association. Quecela passe directement par le biais desactivités proposées ou indirectement enincitant les collégiens à avoir une acti-vité en association, l’intervention ICAPSs’est traduite par une réduction desdeux tiers de la proportion de collé-giens ne faisant pas d’activité physiquestructurée en dehors de l’école par rap-port aux collèges « témoins », de façonplus nette chez les filles. Au terme desdeux années, ils étaient 87 % à avoirune activité physique structurée régu-lière en dehors des cours d’EPS alorsqu’ils n’étaient que 62 % dans les col-lèges « témoins ».

Ils étaient également plus nombreuxà se rendre à pied ou à vélo à l’écoledans les collèges « action » : 41 % vs34 % dans les collèges « témoins » (lestrajets supérieurs à vingt minutes parjour sont pris en compte).

Les effets positifs sur le niveau d’acti-vité physique s’accompagnent d’unediminution favorable des comporte-ments sédentaires. Les collégiens

« action » ont diminué de façon signifi-cative le temps passé devant un écranalors que cette habitude a augmentéchez les adolescents « témoins ». Ilsétaient 40 % à passer plus de deux heu-res par jour devant la télévision dans lescollèges « témoins » (34 % dans les col-lèges « action »).

Enfin, les collégiens des collèges« action » ont également augmenté defaçon significative leur confiance eneux quant à leur capacité à faire de l’ac-tivité physique, même en présenced’obstacles (stress, devoirs, fatigue,etc.). Ce paramètre est habituellementconsidéré comme un bon prédicteur dechangement de comportement à pluslong terme.

…et sur l’état de santéLes changements de comportements

se sont accompagnés d’un effet béné-fique sur le poids et les facteurs derisque cardio-vasculaire : après deuxans d’action, le risque d’être en surpoidsa diminué de façon significative, 21 %dans les collèges « action » par rapportaux collèges « témoins », où le surpoidsa augmenté de 24 % à 28 %. L’effet favo-rable d’ICAPS sur le poids s’est accom-pagné d’un effet bénéfique significatifsur le pourcentage de masse grasse, lapression artérielle diastolique et d’unetendance à la baisse du taux sanguin decertains lipides, les triglycérides.

Au terme des deux premièresannées, ICAPS a démontré qu’uneaction basée sur un multipartenariat3,prenant en compte les obstacles à l’ac-tivité physique et mettant en avant

l’aspect « plaisir », s’accompagne d’uneffet bénéfique sur le comportementdes adolescents, le surpoids et l’état desanté. Il reste à démontrer que ces effetspersistent à long terme, à un âge où lapratique de l’activité physique a ten-dance à diminuer. D’ores et déjà, ICAPSouvre de nouvelles pistes d’action à uneplus large échelle.

Chantal Simon

Professeur des universités,

praticien hospitalier1,

Brigitte Schweitzer

Médecin conseiller

auprès de l’inspecteur d’académie2,

Carine Platat

Chercheur1,

Emmanuel Triby

Maître de conférence des universités3.

1. Université Louis-Pasteur – Faculté de méde-cine, EA 1801 Épidémiologie des maladies cardio-vasculaires : Rôle de la nutrition et de lasédentarité, Strasbourg.2. Mission de promotion de la santé auprès desélèves, inspection académique du Bas-Rhin,Strasbourg.3. Université Louis-Pasteur, laboratoire dessciences de l’éducation, Strasbourg.

1. Rapport Inserm réalisé pour l’Office parlementaired’évaluation des politiques de santé du Sénat (2005).http://www.senat.fr/rap/r05-008/r05-00811.html2. Afin de tenir compte d’éventuelles différences liéesau niveau socio-économique, les paires de collèges ontété tirées au sort en tenant compte de la localisationgéographique et de l’appartenance à une zone d’édu-cation prioritaire (Zep) : deux paires de collèges sontsituées dans la Communauté urbaine de Strasbourg(CUS) dont une paire en ZEP, deux hors CUS (unedans le nord du Bas-Rhin, une dans le sud).3. L’étude ICAPS n’aurait pas été possible sans le sou-tien financier et la participation active sur le terrainde nombreux partenaires que nous tenons à remer-cier :– le ministère de la Santé et de la Protection sociale,dans le cadre du Programme national nutrition-santé, et de la direction régionale des affaires sani-taires et sociales d’Alsace– le régime local d’Assurance Maladie d’Alsace Moselle– l’Institut national de la santé et de la recherche médi-cale (Inserm)– le conseil général du Bas-Rhin– l’inspection académique du Bas-Rhin et la Missionpour la promotion de la santé auprès des élèves, et leséquipes administratives et pédagogiques des collèges– la direction régionale de la jeunesse, des sports etde la vie associative d’Alsace– les municipalités de Drusenheim, Illkirch, Obernaiet Schiltigheim– le comité régional olympique et sportif d’Alsace – lesassociations sportives et les centres socioculturels, lesassociations de parents d’élèves, les très nombreuxintervenants sous la responsabilité de C. DiVita et E. Rauscher… et bien sûr les élèves.

◗ Pour en savoir plussur l’étude ICAPS

• Simon C., Wagner A., Platat C., et al. ICAPS:a multilevel program to improve physical acti-vity in adolescents. Diabetes Metab. 2006 ;32(1) : 41-9.• Simon C., Wagner A., DiVita C., et al. Inter-vention centred on adolescents’ physical acti-vity and sedentary behaviour (ICAPS): conceptand 6-month results. Int. J. Obes. Relat. Metab.Disord. 2004 ; 28 Suppl 3 : S96-S103.• Simon C., Klein-Platat C., Wagner A., OujaaM. L’inactivité physique chez l’adolescent : uneréalité et un défi ? Journ. Annu. Diabétol. Hôtel-Dieu 2004 ; 61-78.

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En 2004, l’INPES a lancé une campagne d’information télé et radio pour inciter la popula-tion à bouger, à faire « au moins l’équivalent de trente minutes de marche rapide par jour »,suivant les recommandations des experts. De l’évaluation de cette campagne, il ressortque les Français ont bien mémorisé ce repère et que la moitié d’entre eux a trouvé la cam-pagne incitatrice. Cependant, cette communication a surtout parlé aux catégories moyen-nes et supérieures et il conviendra, dans le futur, d’impliquer davantage les relais de proxi-mité, ce qui sera fait lors de la rediffusion de cette campagne, courant 2007.

En février 2004, l’Institut national deprévention et d’éducation pour la santé(INPES) a lancé une campagne d’infor-mation télévisée, radio et dans la presseécrite, visant à promouvoir l’activité phy-sique auprès des adultes. En s’inscrivantdans le cadre d’une politique nutrition-nelle, le PNNS1, cette campagne souli-gnait la volonté des acteurs de ce pro-gramme de mettre à l’honneur l’activitéphysique comme composante essen-tielle de la nutrition pour la promotionde la santé et la prévention de certainespathologies, comme les maladies cardio-vasculaires, le cancer, le diabète et l’os-téoporose.

Le message diffusé par la campagnecorrespondait au repère du PNNS « aumoins l’équivalent de trente minutes demarche rapide par jour », qui suit lesrecommandations des scientifiques enla matière (voir page 31).

Le dispositif de communication étaitinspiré du rapport d’un groupe d’expertsréunis par le CDC2, publié en octobre20013. Il a ainsi été retenu de mettre enplace une campagne plurimédias (télé-vision, radio et presse écrite) associée àdes actions de proximité. En avant-pre-mière, une campagne d’alerte de troisjours dans la presse quotidienne étaitdestinée à faire prendre conscience del’effet délétère de l’inactivité physiquesur la santé. Quant aux campagnes télé-visées et radio, diffusées ensuite pendantun mois, leur but était de dédramatiserl’effort lié à l’activité physique, mettre enévidence son caractère naturel et favo-riser le passage à l’acte en proposant des

moyens d’atteindre le repère PNNS. Lesactions de proximité, dont le rôle était derelayer la campagne nationale, ont impli-qué les professionnels de santé (envoide documents d’information, jeux ques-tions/réponses) et se sont traduites éga-lement par des opérations mises enplace dans les transports en commun(affichage, signalétiques encourageantl’utilisation des escaliers, de descendredu bus ou du métro une station avantla station habituelle, etc.), au sein desentreprises (envoi de documents, d’af-

fiches et de signalétiques) et auprès descollectivités locales (envoi d’un CD-romcomprenant les supports de la campa-gne sur lesquels chaque ville peut appo-ser son logo).

Les performances de la campagneont été évaluées en mesurant auprès du grand public son impact en termesde mémorisation, de compréhension,d’agrément et d’incitation à la pratiqued’activité physique. Cette enquête del’institut d’études BVA a été menée en

« Vous avez dit trente minutes de marche rapide par jour ? »

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face-à-face auprès d’un échantillonnational représentatif de la populationâgée de 15 ans et plus, une semaineaprès la fin de la diffusion de la cam-pagne. Afin d’évaluer les actions decommunication propres aux transportsen commun parisiens, deux cent dixFranciliens supplémentaires ont étéinterrogés.

Les personnes ont d’abord été inter-rogées sur le niveau d’activité physiquenécessaire selon elles pour être enbonne santé. Ainsi, 83 % d’entre elles(89 % pour les Franciliens) adhèrent aurepère PNNS puisqu’elles estimaientque la durée requise est d’au moinstrente minutes par jour (33 % exacte-ment trente minutes).

Les questions liées à la mémorisationde la campagne ont montré que celle-ci avait été retenue par 37 % de la popu-lation des plus de 15 ans4, surtout par lesfemmes, les diplômés et ceux disposantd’un haut revenu. Lorsque les supportsde la campagne ont été soumis, 64 %ont pu reconnaître l’un d’entre eux, ce

qui est très satisfaisant, vu le caractèrenouveau du thème abordé4. Néan-moins, si les spots radio ont été recon-nus de manière satisfaisante (39 %) etsi les Franciliens ont été exceptionnel-lement nombreux à se souvenir des affi-ches dans les transports en commun(37 %), le spot télévisé, lui, n’a pasrecueilli le score habituel (reconnu parseulement 44 % des sujets).

Les messages restitués ont mis enévidence une excellente compréhen-sion de la campagne, mais certainspoints auraient été peu convaincants,comme « c’est accessible à tous d’avoirune activité physique de trente minu-tes par jour ». Malgré ce point négatif,une personne sur deux s’est déclaréeincitée à pratiquer davantage d’activitéphysique à l’issue de la campagne, enparticulier les Franciliens.

Même s’il est difficile d’évaluer levéritable impact sur le comportementdes personnes touchées par une tellecampagne, l’étude aura montré que ledispositif de communication choisi asso-

ciant des médias et des actions de pro-ximité a été ingénieux et a permis d’ac-céder à une large part de la population.Afin de renforcer le niveau d’adhésionaux messages du PNNS relatifs à l’acti-vité physique et d’encourager au « pas-sage à l’acte », il sera nécessaire, lors dela prochaine rediffusion de la campa-gne, en 2007, d’impliquer davantage lesrelais de proximité et surtout de rendrel’environnement des sujets favorable àun style de vie actif. C’est une des per-spectives du deuxième volet du PNNS,lancé le 6 septembre dernier, par leministre de la Santé et des Solidarités.

Corinne Delamaire

Docteur en nutrition,

direction des Affaires scientifiques,

INPES.

1. Programme national nutrition-santé.2. Center for Disease Control and Prevention (insti-tut américain qui réunit une expertise scientifique surla santé publique).3. Center for Disease Control and Prevention. Increa-sing physical activity: a report on recommandationsof the Task Force on Community Preventive Services.MMWR 200 ; 50 (No.RR-18).4. Dépasse de dix points les standards de BVA.

adulte en favorisant l’apprentissage du dépla-cement en ville, de la ponctualité, de l’autono-mie, des choix de modes de déplacements rai-sonnés et le développement de pratiquesécocitoyennes.

Aujourd’hui, des villes de toutes tailles, Rennes,Lyon, mais aussi de nombreuses communes detaille plus modeste comme L’Hermitage (Ille-et-Vilaine,… 2 000 habitants) développent,avec l’appui de l’Agence de l’environnement etde la maîtrise de l’énergie (Ademe)1, des Pédi-bus sur leur territoire. Des Pédibus ont aussi étécréés en Suisse et en Belgique. Inscrite, de plusen plus, dans les plans municipaux et/ou d’ag-glomération de « déplacements urbains », cetteactivité se trouve aussi fréquemment proposéedans de nombreux projets d’éducation nutri-tionnelle portant sur la prévention de l’obésité.

Cette action montre aussi qu’il est possible d’as-socier enfants, parents, élus locaux, ensei-gnants, directeur d’établissement scolaire dansune même démarche de recherche de bien-êtreindividuel (la santé des enfants) et de bien-êtrecollectif (la diminution de la pollution et des nui-sances sonores automobiles).« Bon, papa, je peux le faire, le Pédibus ? ».« Non. » « Mais, pourquoi ? » dit Emma, les yeuxhumides, « car nous habitons à dix mètres del’école » !

Éric Le GrandSociologue, parent,

L’Hermitage, Ille-et-Vilaine.

1. Voir le document : Inventons de nouveaux cheminsvers l’école !www.ademe.fr/bretagne/telechargement/nou-veaus_chemins_vers_ecole.pdf [dernière visite le2/02/07]

Que nenni, le Pédibus est un groupe d’enfantsqui suit un itinéraire piéton précis qui le mèneen toute sécurité et à l’heure à l’école. Cegroupe est encadré par deux adultes au mini-mum, le plus souvent des parents. Les enfantsqui souhaitent y participer rejoignent le Pédibusà des arrêts déterminés. Mais rassurez-vous,amis parents, la longueur des lignes (itinéraires)n’excède pas 1,3 kilomètre !

Les atouts du Pédibus sont nombreux et asso-cient dans une même action différentes facet-tes interpellant la protection de l’environnement(diminuer le trafic automobile, diminuer la pol-lution et préserver la qualité de l’air aux abordsdes écoles), le développement de l’activité phy-sique en favorisant l’exercice physique régu-lier des enfants et prévenir ainsi l’obésité pré-coce, la future mobilité des enfants à l’âge

Emma, 5 ans, me donne avec excitation un papier à remplir « vite », me dit-elle, pourfaire avec ses copines du Pédibus. Mais qu’est-ce que c’est ? Un pédiluve dans un bus ?Une enquête sur le nombre de marches pour monter dans un bus ?

« Papa, papa, je veux faire du Pédibus ! »

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Après presque trente ans d’existence, le programme Kino-Québec continue de favori-ser la pratique d’activités physiques. Parcours pédestres sécurisés pour écoliers, quar-tiers aménagés afin d’augmenter le nombre d’utilisateurs des pistes cyclables, politiquesde tarification avantageuse pour les familles… Plutôt que de renvoyer à la responsabi-lité individuelle de chacun dans la lutte à la sédentarité, le programme Kino-Québec misede plus en plus sur le développement d’un environnement favorable pour « se bouger »en collaboration avec les milieux scolaire, municipal et associatif.

Les jeunes Québécois passent enmoyenne quinze heures par semaine àregarder la télévision, soit à peu près le même taux d’écoute qu’en France :ce chiffre situe la concurrence que repré-sentent les loisirs dits passifs par rapportà la pratique d’activités physiques. S’ajoute à cela un étalement urbain etdonc des distances très longues à par-courir et des temps importants consacrésaux transports. Au Québec, le nombred’automobiles a augmenté de 68 % entre1985 et 2000 (ministère du Transport duQuébec, 2005). Autre élément à men-tionner dans ce contexte : un jeune surcinq présente un excès de poids. Enterme de pratique d’activités physiques,moins de la moitié (44 %) des 12-17 anssont actifs pendant leurs loisirs.

C’est dans ce cadre que le pro-gramme Kino-Québec continue de pro-mouvoir un mode de vie physique actif,où les activités physiques et sportives

sont intégrées dans le quotidien, que cesoit pour les loisirs ou les déplacements.Il est géré par trois entités : deux minis-tères (le ministère de l’Éducation, duLoisir et du Sport qui est chef de file etle ministère de la Santé et des Servicessociaux) et les directions de santépublique des dix-huit agences régiona-les de santé et de services sociaux. Leprogramme est coordonné au niveaunational par quatre professionnels quiveillent à planifier, influencer et« réseauter1 » – il est relayé par un réseaude trente-cinq conseillers régionaux quiinterviennent comme experts-conseil etagents d’influence et de mobilisation.Parmi les acteurs partenaires, notons laprésence grandissante d’agents de pro-motion des saines habitudes de viedans les centres locaux de santé et deservices sociaux (CSSS).

En 2005, Kino-Québec a adopté uncadre conceptuel (voir Figure) qui tient

compte autant des facteurs personnelsque ceux associés à l’environnement. Cecadre souligne combien il faut agir surles facteurs environnementaux, organi-sationnels et sociaux, car ils jouent unrôle déterminant dans l’adoption ou lemaintien d’un mode de vie physique-ment actif. Par ailleurs, le plaisir étant un facteur individuel important dansl’adoption et le maintien d’un compor-tement actif, Kino-Québec a privilégiéce facteur comme axe de communica-tion (notamment la campagne « Plaisirsd’hiver » ou encore le message géné-rique le « plaisir selon Kino-Québec… »).

Comme une intervention doit, pourêtre efficace, être suffisamment intenseet durable et avoir des ressources suf-fisantes, le programme Kino-Québecconcentre, depuis 2005, ses actionsdans deux milieux de vie : le milieu sco-laire et le milieu municipal (la famille,le quartier, la communauté). Leursreprésentants sont invités à concevoiret promouvoir des environnementsfavorisant les modes de déplacementactifs et la participation aux activitésphysiques et sportives. Pour épauler cesacteurs, nous mettons à leur dispositiondes résultats d’études, de recherches et,plus particulièrement, d’avis du Comitéscientifique Kino-Québec.

Ainsi, en 1998, Kino-Québec a pro-duit un document qui s’intitulait « Lesfilles, c’est pas pareil », pour documen-ter la problématique de la moins grandeparticipation des adolescentes enmatière d’activités physiques. Les goûtset les intérêts des filles diffèrent de ceuxdes garçons ; les filles bougent pour la

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Comment le Québec « se bouge »pour endiguer la sédentarité

Facteurs environnementauxorganisationnels et sociaux

Disponibilité des produits et des services (accessibilité aux

infrastructures sportives) Infrastructures physiques

ou environnementales (espaces verts, pistes de ski, pistes cyclables…)Structures sociales et politiques

(clubs de marche, temps minimum d’éducation physique)

Messages culturels et médiatiques (campagnes de promotion)

Facteurs personnelsEfficacité personnelle perçue*(se dégager du temps pour soi, habiletés) Intention forteAttitudes positivesAttentes positives mais réalistesExpérience de réussitePlaisir retiré

* L’efficacité personnelle perçueest la capacité que l’on croit avoir d’exécuter certaines activités physiques, mais aussi de surmonterles difficultés et barrières associées à l’adoption et au maintien du comportement visé. Adapté de : Lachance et al., 2005, et de

Comité scientifique de Kino-Quebec 2004

Partenariatet concertationintersectoriels

Interventionsau plan local,

régional etnational

MODE DE VIEPHYSIQUEMENT

ACTIF

Figure. Cadre conceptuel adopté par Kino-Québec en matière de promotion d’un modede vie physiquement actif.

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forme et le plaisir, elles préfèrent la mar-che, la danse, la natation, la randonnéeen vélo et le patinage libre. Des aspectsmoins connus ont été soulevés : lesfilles se perçoivent moins bonnes queles garçons et ce phénomène fait sonapparition dès l’âge de six ans. De plus,les programmes offerts aux jeunes parles milieux scolaire, municipal ou com-munautaire rejoignent davantage lesgarçons que les filles et peu de coursdestinés aux adolescentes offrent desactivités sportives non compétitives. Ce constat – et d’autres – ont permis d’émettre des recommandations et despistes d’action afin que les milieux sco-laire et municipal revoient leur offre deservices aux jeunes filles.

L’école, un milieu stimulantPour rendre l’environnement le plus

favorable à la pratique d’activités phy-siques, il faut améliorer la disponibi-lité des produits et des services, aug-menter la présence d’infrastructures deloisir et animer les lieux de pratique.Kino-Québec a produit, il y a quelquesannées, le document « Mieux vivreensemble dans la cour d’école » à l’in-tention des écoles primaires. Ce docu-ment fait notamment état d’exemplesd’écoles ayant posé des actions concrè-tes dans le but d’aménager et d’animerleur cour d’école. Ainsi, si certainesécoles ont instauré un programme deleadership étudiant (un tel programmepermet aux élèves des classes de 5e et6e années de participer à l’organisationd’activités sportives structurées durantles récréations. Ces jeunes deviennentcapitaines, arbitres ou marqueurs),d’autres ont attribué des espaces de jeulors des récréations afin de favoriser laparticipation active de tous les jeunes.Ces derniers choisissent, chaquesemaine, l’activité à laquelle ils désirentparticiper. Plusieurs choix d’activitéssont possibles et l’inscription des jeunesest obligatoire.

Des écoles secondaires mettent aussià la disposition des jeunes leur gymnaseaprès les heures de cours ou encore pri-vilégient la mise en place d’une pro-grammation variée d’activités physiqueset sportives sur l’heure du déjeunerpour répondre aux goûts et intérêts desadolescents. Pour les jeunes filles, ladanse aérobic et les cours de « street-dance » ont beaucoup de succès. D’au-tres écoles ont choisi d’améliorer leurs

infrastructures selon les nouvelles ten-dances qui rejoignent les goûts des ado-lescents : réserver une partie de la courà l’aménagement de structures pour laplanche à roulettes, aménager une salled’entraînement dans l’école ou acheterdu matériel destiné à l’apprentissagedes arts du cirque.

Toujours dans le cadre scolaire,Kino-Québec réalise, depuis 2000, leconcours « École active ». De manière àencourager la mise en place d’environ-nements sains et sécuritaires, leconcours « École active » offre un sou-tien financier aux écoles (entre 500 $et 1000 $) qui, parce qu’elles souhaitentfaire de leur école un milieu en santé,proposeront un projet d’achat de maté-riel ou d’aménagement, par exemple : – élargir la gamme d’activités offertespendant les cours d’éducation physique,sur l’heure du midi ou après les heuresde classe (sport étudiant, plein air, etc.) ;– organiser les récréations de façon à ceque les jeunes mettent en pratique leshabiletés et les attitudes essentielles àl’acquisition d’un mode de vie physi-quement actif ;– favoriser des modes de transport actifset sécuritaires vers l’école (marche, vélo).

Somme toute, la qualité de l’envi-ronnement offert à l’école est détermi-nante, car c’est souvent en milieu sco-laire que les jeunes ont la possibilité devivre des expériences positives en cequi concerne la pratique d’activités phy-siques et sportives.

Un quartier qui donne le goût debouger

Le milieu municipal occupe aussiune place de premier plan afin de ren-dre la population plus active physique-ment. Outre le fait que la municipalitépeut elle aussi intervenir sur l’environ-nement physique – améliorer et pro-mouvoir l’accessibilité (proximité,disponibilité, gratuité, etc.) des infras-tructures de loisir, des installations spor-tives, des voies cyclables et des endroitspour la marche –, elle peut aussi offrirune variété d’activités qui répondentaux goûts et aux besoins des citoyensde tous âges et mettre en place unestructure de soutien à l’activité physique(par exemple un club de marche) ouencore des politiques, des normes etdes règlements qui favorisent la pra-tique d’activités physiques. Kino-Qué-bec a récemment publié un documentintitulé « Aménageons nos milieux devie pour nous donner les goût de bou-ger ». Ce document a pour but de ren-seigner les municipalités sur la notiond’environnements physiques favorablesà la pratique d’activités physiques et deles inviter à considérer certains élé-ments qui leur permettent d’offrir desenvironnements propices à la pratiqued’activités physiques lorsqu’ils adoptentdes politiques, des règlements, desplans d’urbanisme et des schémas d’a-ménagement du territoire.

Plusieurs municipalités ont déjàemboîté le pas et ont réalisé des actionsconcrètes en ce sens (encadré p. 44).

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Les activités de communicationpour une pratique régulière

Un dernier facteur important afin depromouvoir l’activité physique est demener des activités de communication.Réaliser des campagnes promotionnel-les comporte de nombreux avantages :elles permettent d’informer la popula-tion sur les activités offertes, de l’inciterà adopter une attitude positive et de ren-forcer son intention d’être plus actif phy-siquement. Les campagnes promotion-nelles permettent aussi à Kino-Québecde travailler étroitement avec les muni-cipalités et les écoles afin qu’elles orga-nisent de nouvelles activités ou mettenten valeur les activités déjà existantes.

Une campagne promotionnelle rem-porte un franc succès, depuis plusieursannées, c’est la campagne « Plaisirs d’hi-ver ». À partir de janvier, Kino-Québecinvite les municipalités et les écoles àutiliser ses outils promotionnels (affi-ches, banderoles, objets divers, etc.)afin d’organiser, de promouvoir et demettre en valeur des activités hiverna-

les simples et peu coûteuses. Les objec-tifs de Plaisirs d'hiver sont les suivants : – augmenter les occasions de pratiquerdes activités accessibles (patinage, glis-sade, raquette, ski de fond, marche,hockey-bottines, etc.) ; – faire découvrir ou redécouvrir le plai-sir de pratiquer des activités que l’on peutfacilement intégrer à son mode de vie ;– réduire les obstacles à la participationaux activités hivernales en facilitant leuraccessibilité dans un environnementsécuritaire (présence d'installations,proximité des lieux d'activités, atelierd'initiation, location, prêt ou échanged'équipement, etc.).

Des approches de plus en plusconcertées et intégrées

Les approches intégrant la promo-tion de plusieurs habitudes de vie,notamment l’alimentation et l’activitéphysique, se font de plus en plus nom-breuses. Par exemple, le programme« 0-5-30 combinaison prévention » estimplanté dans plusieurs régions duQuébec ; il propose des interventions

axées sur la promotion des habitudesde vie saines (0 tabagisme, 5 portionsde fruits/légumes par jour et 30 minu-tes d’activités physiques quotidiennes)dans le but de réduire le développe-ment des maladies chroniques. Ce pro-gramme s’articule autour de deux stra-tégies : les actions éducatives et lesactions environnementales. Les actionséducatives ciblent l’individu, notam-ment par les pratiques cliniques pré-ventives des professionnels de la santé.Elles visent à habiliter les médecins encabinet privé à introduire un counsel-ling bref de promotion d’habitudes devie saines, par la visite du déléguémédical de prévention dans les écoles,des activités de formation et par la créa-tion d’outils d’aide à l’intervention. Lesactions environnementales touchentautant les jeunes, les familles et les com-munautés, particulièrement les person-nes vivant en contexte de vulnérabilité.Elles s’adressent aux décideurs, diri-geants, élus et organisateurs afin de pro-mouvoir la création d’environnementsfavorables aux habitudes de vie. Bienque cette approche ne soit pas sous laresponsabilité du programme Kino-Québec, les conseillers régionaux sontappelés de plus en plus à travailler ausein d’équipes multidisciplinaires entant qu’experts en activité physique.

Un vaste éventail d’interventionsSi l’on veut accroître le volume d’ac-

tivité physique et freiner l’augmentationpréoccupante de l’obésité, il faut mettreen place un vaste éventail d’interven-tions. Des interventions qui agissentautant sur la personne que sur son envi-ronnement, qui sont réalisées sur lesscènes locale, régionale et nationale et,enfin, qui nécessitent un partenariatfructueux et une concertation intersec-torielle. Le programme Kino-Québeccontinue d’agir en ce sens afin que lapopulation québécoise soit plus activephysiquement.

Véronique Martin

Conseillère en activité physique,

Équipe de coordination nationale

Kino-Québec, ministère de l’Éducation,

du Loisir et du Sport, Québec, Canada.

1. Action de mettre en relation différentes personnesou organismes qui peuvent, dans ce cas-ci, devenir desagents de promotion de l’activité physique.

Pour plus d’information sur le programme :www.kino-quebec.qc.ca

Des pistes cyclables aux parcours sécurisésVoici quelques exemples d’adaptation de l’environnement à la pratique de l’activité physique :• la ville de Saint-Constant a construit, à côté de la gare, un quartier résidentiel mixte (destiné àtous types de familles) : tout y est conçu pour favoriser la marche à pied et le recours aux transportsen commun ; les déplacements à pied et à bicyclette sont favorisés par l’aménagement de sen-tiers qui convergent vers la gare. La proximité d’une garderie et celle de deux écoles incitentaussi à effectuer les trajets à pied. Un parc sportif municipal est prévu à l’est du terrain et l’on yinstallera plusieurs équipements, tels des terrains de tennis, de soccer, de balle, etc. L’objectif :une meilleure accessibilité pour tous sans nécessiter de déplacement en voiture ;• la ville de Sherbrooke. L’objectif privilégié est de permettre aux familles de circuler en toute sécu-rité, peu importe le mode de déplacement choisi ; ainsi des « corridors scolaires » ont été implan-tés aux abords des écoles primaires pour favoriser une circulation piétonnière sécuritaire desélèves. Un diagnostic de la situation dans un périmètre de un kilomètre autour de chaque école aété effectué. Cette analyse a permis de déterminer les actions à entreprendre pour créer desparcours sécuritaires. Les pistes d’action retenues variaient d’une école à l’autre : avancées detrottoir, aménagement de passages pour les écoliers, panneaux de signalisation, etc. Divers ser-vices municipaux ont été mis à contribution avec la collaboration des directions d’école et desconseils d’établissement pour mettre en œuvre ces parcours sécuritaires. Jusqu’à maintenant desparcours ont pu être établis autour de vingt-trois écoles.• la piste du Parcours-des-Anses, située dans la ville de Lévis en bordure du fleuve Saint-Laurent,d’une longueur de 13,5 kilomètres, est accessible pendant la belle saison aux adeptes de la mar-che, du vélo et du patin à roues alignées (NDLR : roller) de même qu’aux personnes à mobilitéréduite. Des aires de repos dans plusieurs parcs ainsi que des points de services sont présentssur le parcours. Depuis début 2005, une section de six kilomètres est ouverte pour la marchependant la saison hivernale. De plus, de nombreux Lévisiens l’empruntent quotidiennement pourse rendre au traversier (qui permet de se rendre à Québec par voie maritime).• à Ville-Marie, la nécessité d’une piste cyclable dans la ville afin de rendre la pratique du véloplus sécuritaire – particulièrement pour les enfants – était criante. Un groupe de travail a pro-posé un tracé pour une boucle d’environ quatre kilomètres et a consulté la population. À la suitede ces démarches, la ville a investi les fonds nécessaires à la réalisation de la voie cyclable. Lapopularité immédiate de cette nouvelle voie cyclable a confirmé le besoin manifesté.

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Contrairement à une représentation profondément ancrée dans la société, les person-nes âgées de 60 à 75 ans estiment, en majorité, qu’elles ont une bonne qualité de vie,aussi bonne que les générations plus jeunes (40-60 ans). Tel est l’un des enseignementsde la dernière enquête Baromètre santé de l’INPES, publiée en 2006. Il ressort égale-ment que les facteurs socio-économiques – tels la situation matrimoniale ou le niveaude revenu – sont déterminants dans ce ressenti de leur qualité de vie, plus que la dégra-dation de l’état de santé physique associé à l’avancée en âge.

Dans le cadre de l’enquête Baromè-tre santé réalisée par l’INPES (1), desquestions sont posées aux personnes,âgées de 18 à 75 ans, sur leur ressenticoncernant leur santé physique, socialeet mentale. Afin de mesurer la qualitéde vie des personnes âgées de 60 à75 ans, les auteurs du Baromètre utili-sent l’échelle de santé de Duke, qui per-met d’évaluer la santé ressentie et décla-rée par les personnes à partir dedix-sept items (voir encadré ci-contre).Les scores de santé physique, mentaleet sociale sont les trois principalesdimensions étudiées qui, associéesentre elles, produisent un score desanté générale (allant de 0 à 100). S’a-joutent à cela des indices permettantd’évaluer l’anxiété, la dépression, l’es-time de soi, la douleur, l’incapacité ainsique l’état de santé perçue, appréciéspar la personne elle-même, que nousn’aborderons pas ici.

L’avancée en âge n’est pas toujourssynonyme de dégradation de laqualité de vie

Dans le Baromètre santé, les scoresde santé générale maximaux concer-nent les individus âgés de 20 à 29 anset de 30 à 39 ans avec un score de 72,6(Figure 1). Les personnes âgées de 60à 75 ans possèdent une qualité de vietrès proche de celle des 40 à 59 ans (70sur 100 vs 70,9 pour les 40-49 ans et 69,9pour les 50-55 ans). La perception queles 60-75 ans ont de leur qualité de vien’est donc pas très différente de celledes classes d’âge inférieures.

Plus précisément, c’est la perceptionde l’état de santé physique qui se

Les 60-75 ans, aussi heureux que les plus jeunes

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la santé en chiffres

QUESTIONS DIMENSIONS

Pour chacune de ces formules, dites si vous pensez que c’est tout à fait votre cas, à peu près votre cas ou que cela n’est pas votre cas…

1 Je me trouve bien comme je suis Mentale, estime de soi

2 Je ne suis pas quelqu’un de facile à vivre Sociale, estime de soi, anxiété

3 Au fond, je suis bien portant Santé perçue

4 Je me décourage trop facilement Mentale, estime de soi, dépression

5 J’ai du mal à me concentrer Mentale, anxiété, dépression

6 Je suis content(e) de ma vie de famille Sociale, estime de soi

7 Je suis à l’aise avec les autres Sociale, anxiété, estime de soi

Diriez-vous qu’aujourd’hui, au moment de l’interview…

8 Vous auriez du mal à monter un étage Physique

9 Vous auriez du mal à courir une centaine de mètres Physique

Diriez-vous qu’au cours des huit derniers jours…

10 Vous avez eu des problèmes de sommeil Physique, anxiété, dépression

11 Vous avez eu des douleurs quelque part Physique, douleur

12 Vous avez eu l’impression d’être fatigué(e) Physique, anxiété, dépression

13 Vous avez été triste ou déprimé(e) Mentale, dépression

14 Vous avez été tendu(e) ou nerveux(se) Mentale, anxiété

15 Vous avez rencontré des parents ou amis Sociale

16 Vous avez eu des activités soit de groupe, soit de loisirs Sociale

Est-ce qu’au cours des huit derniers jours…

17 Vous avez dû rester chez vous ou faire un séjour en clinique ou à l’hôpital pour raison de santé Incapacité

La qualité de vie selon le profil de santé de Duke Le score de santé de Duke permet d’évaluer la santé ressentie et déclarée par les individus à partirde dix-sept items du questionnaire. Le tableau ci-dessous présente les questions posées dans lecadre du test de Duke. La santé physique, mentale et sociale sont les trois principales dimensionsétudiées qui, associées, produisent le score de santé générale. S’ajoutent des indices pour évaluerl’anxiété, la douleur, la dépression, l’estime de soi et l’incapacité. Les scores calculés vont de 0 à100. Cent est le score optimal de qualité de vie, sauf pour les scores d’anxiété, de dépression, dedouleur et d’incapacité où le rapport est inversé.

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la santé en chiffres

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dégrade le plus avec l’âge (67,3 pointspour les 60-75 ans). En revanche, lespersonnes âgées de 60 à 75 ans possè-dent le score de santé mentale le plusélevé (77,4 points sur 100). Ce constatvaut aussi bien chez les hommes quechez les femmes, même si ces derniè-res possèdent un score de santé men-tale très inférieur à celui des hommes(73,6 vs 81,3).

Existe-t-il une relation entrela très bonne santé mentaledéclarée par les plus âgés et leur hygiène de vie ?

Pour répondre à cette question,nous avons choisi six indicateurs decomportements pouvant être associésà la perception qu’un individu a de sasanté mentale : la consommation quo-tidienne d’alcool, le tabagisme régulier,la consommation de médicamentspsychotropes1 au cours des douze der-niers mois, le fait d’avoir eu un épisodedépressif au cours des douze derniersmois, le fait d’avoir eu des pensées sui-cidaires au cours des douze derniersmois, et enfin le fait d’avoir pratiqué un

sport au cours des sept derniers jours(Figure 2).

Entre 60 et 75 ans, la proportion d’in-dividus adoptant les comportementsdécrits ci-dessus varie sensiblementselon le sexe. La moitié des hommesboit de l’alcool quotidiennement contremoins d’un quart des femmes. Les hom-mes sont également beaucoup plusnombreux que les femmes à déclarerfumer régulièrement (12,0 % vs 6,4 %).À l’inverse, la proportion de femmes àavoir des troubles dépressifs et des pen-sées suicidaires est plus importante(3,4 % et 4,1 % vs 1,4 % et 1,8 % pour leshommes). Un quart des femmes ditconsommer des médicaments psycho-tropes alors que seuls 11,8 % des hom-mes disent le faire. Enfin, le nombre defemmes déclarant avoir pratiqué unsport au cours des sept derniers joursest un peu plus important (34,3 % vs32,6 % pour les hommes).

Si l’on compare maintenant, au seinde la population des 65-75 ans, les sco-res de santé mentale des personnes qui

répondent par l’affirmative aux sixindicateurs énoncés, on constate quela perception que les plus âgés ont deleur santé mentale est principalementassociée aux indicateurs de santé men-tale les plus objectifs – la consomma-tion de médicaments psychotropes, lefait d’avoir eu un épisode dépressif oudes pensées suicidaires (Figure 3).Les comportements à risques tels quele fait de fumer régulièrement et deboire quotidiennement de l’alcool ontun impact relativement faible sur laperception que les plus âgés ont deleur santé mentale. Et, paradoxale-ment, ce sont les individus déclarantadopter ces comportements à risquequi obtiennent de meilleurs scores desanté mentale, 78,0 versus 77,2 pourle fait de fumer régulièrement et 79,4versus 76,0 pour le fait de consommerquotidiennement de l’alcool. Enfin, lespersonnes de 60-75 ans qui ont unepratique sportive possèdent une scorede santé mentale de presque cinqpoints supérieur aux autres (respecti-vement 80,5 et 75,8).

La situation socio-économique, un élément déterminant de la qualité de vie des 60-75 ans

Plus que l’avancée dans l’âge, cesont des facteurs socio-économiquestels que le niveau de revenu ou la situa-tion matrimoniale qui semblent déter-miner la qualité de vie des 60-75 ans. Leconstat, de l’influence du niveau derevenu ainsi que du niveau de diplômessur la qualité de vie de l’individu, qui estfait pour l’ensemble de la population,est donc également valable pour la tran-che d’âge des 60-75 ans (Figure 4). Lesscores de santé physique, mentale, etparticulièrement le score de santésociale des plus âgés ne possédant pasde diplômes, sont inférieurs à ceux deleurs contemporains qui ont un niveaubac et plus (respectivement 63,2 vs69,9 ; 74,2 vs 79,1 et 59,6 vs 69,0). Leniveau de revenu détermine égalementfortement la qualité de vie : les plusâgés dont le revenu est inférieur à900 euros par mois possèdent ainsi unscore de santé générale moindre queceux qui perçoivent plus de 1 500 eurospar mois (66,8 vs 73,4).

Pour les hommes et les femmes, un niveau de bien-être étroitementlié à leur situation matrimoniale

Selon la même tendance que celleobservée en population générale, les

Moins de 20 ans

76,4

69,9

67,3

20-29 ans

75,173,7

68,9

30-39 ans

73,9

76,1

67,7

40-49 ans

71,9

74,3

66,4

50-59 ans

69,5

75,1

65,2

60-75 ans

67,3

77,4

65,4

Santé physique Santé mentale Santé sociale Santé générale

76

74

72

70

78

80

68

66

64

62

60

58

71,3 72,6 72,6

70,9 69,9 70,0

Troubles dépressifs

1,4 3,4

Pensées suicidaires

2,8 4,1

Conso. médicaments

11,8

25,0

Fumeur régulier

12,06,4

Conso. quotidienned’alcool

53,3

21,8

Pratique sportive

32,634,3

Hommes Femmes60 %

50 %

40 %

30 %

20 %

10 %

0

Figure 2 : Comportements des personnes âgées de 60 à 75 ans, selon le sexe (en pour-centage)

Figure 1 : Scores de qualité de vie de l’échelle de Duke parmi les individus âgés de 12à 75 ans (sur 100)

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la santé en chiffres

personnes âgées en couple obtiennentde meilleurs scores de qualité de vieque leurs contemporains vivant seuls.Le score de santé générale des 60-75 ans en couple est de 71,4 sur 100,alors qu’il n’est que de 66,2 pour lespersonnes isolées.

Toute chose égale par ailleurs, leshommes possèdent de meilleurs sco-res de santé que les femmes. Ainsi,parmi les 60-75 ans, le score de santégénérale des hommes est de 72,9 sur100 alors que celui des femmes est de67,3 sur 100.

Le fait d’être marié, remarié, divorcé,veuf ou encore célibataire a donc unimpact sur la qualité de vie des per-sonnes âgées (Figure 5). Chez les fem-mes, ce sont les personnes remariéesqui possèdent le meilleur score de santégénérale (70,6 sur 100) ; il est supérieurà celui des femmes mariées (68,3 sur100). Les femmes veuves ou divorcéesprésentent, quant à elles, les scores lesplus faibles (respectivement 65,1 et 65,5sur 100). Parmi les hommes, le score desanté générale le plus élevé est détenupar ceux qui sont mariés (73,7 sur 100),les remariés et divorcés viennentensuite, avec respectivement 72,5 et72,0 sur 100. Contrairement aux fem-mes, le score de santé générale le plusbas n’est pas celui des veufs, mais celuides célibataires (67,5 sur 100). Nousvoyons par là que l’influence bénéfiquedu mariage sur la qualité de vie sembleconcerner plus certainement les hom-mes que les femmes de 60 à 75 ans alorsque ces dernières ressentent plus forte-ment l’impact néfaste du veuvage surleur qualité de vie.

La maladie chronique : une influencecertaine sur la qualité de vie

Les personnes âgées de 60 ans etplus sont 44 % à déclarer avoir une ouplusieurs maladies chroniques (44,4 %des hommes vs 43,7 % des femmes).

Le score de santé générale des per-sonnes âgées vivant avec une maladiechronique est de 6,5 points inférieur àcelui des personnes qui n’en déclarentpas (66,4 vs 72,9). Le score de santéphysique détermine en premier lieu cetécart : il est, chez les personnesmalades, de 11 points inférieur à celuides autres enquêtés du même âge (72,1vs 61,1). Les scores de santé mentale etde santé sociale sont également favo-

rables, l’écart observé étant toutefoismoins important (respectivement 79,6vs 74,5 et 66,7 vs 63,8).

Les scores de santé générale desmalades chroniques, observés par caté-gories sociales, montrent que, parmil’ensemble des malades chroniques de60 à 75 ans, ce sont les cadres qui pos-sèdent les scores de santé générale lesplus élevés (71,5 vs 66,6 pour les agri-culteurs ou encore 65,8 pour lesouvriers).

Appréhender la santé par l’intermé-diaire de la qualité de vie permet d’avoirune vision de l’état de santé tel qu’il estressenti par les personnes concernées.La qualité de vie est une dimensionmultiple qui n’est pas seulement liée àl’état de santé objectif des individus,comme nous le montre ce focus sur les60-75 ans. Alors que cette population estplus fréquemment concernée par lespathologies chroniques et les problèmesliés au vieillissement, la perception glo-bale de leur santé reste identique à celle

Figure 4 : Scores de santé des individus âgés de 60 à 75 ans, selon le revenu par unitéde consommation

Troubles dépressifs

56,6

77,9

Pensées suicidaires

53,5

78,2

Conso. médicaments

63,5

80,5

Fumeur régulier

78,077,2

Conso. quotidienned’alcool

79,476,0

Pratique sportive

80,575,8

Oui Non90

80

70

60

50

40

30

Figure 3 : Scores de santé mentale des individus âgés de 60 à 75 ans suivant les six indicateurs de comportement (sur 100)

Marié

73,7

68,3

Remarié

72,5

70,6

Veuf

69,3

65,1

Célibataire

67,5

Divorcé

72,0

65,5

Hommes Femmes

72

74

76

70

68

66

64

62

60

Figure 5 : Scores de santé générale des hommes et femmes âgés de 60 à 75 ans selon leursituation matrimoniale (sur 100)

Moins de 900 €

63,5

74,7

62,1

de 900 à 1500 €

68,0

77,6

65,8

Plus de 1500 €

71,1

80,1

68,8

Santé physique Santé mentale Santé sociale Santé générale

76

74

72

70

78

80

68

66

64

62

60

58

66,866,8

73,4

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des classes d’âge les plus jeunes, ce queconfirment d’autres recherches réaliséesen France (1-3) et à l’étranger (4, 5). Plu-sieurs travaux ont ainsi pointé la remar-quable stabilité du bien-être subjectifdes personnes âgées, qui transparaîtdans nos résultats à travers le score élevéde santé mentale chez les 60-75 ans. Desstratégies d’adaptation identitaire auvieillissement fournissent une explica-tion partielle à ce phénomène : les per-sonnes âgées peinent à s’identifier auxreprésentations sociales du vieillardmalade et grabataire, et tendent, plusque d’autres groupes d’âges, à compa-rer leur état de santé à d’autres person-nes âgées qu’ils estiment moins bienportants qu’eux (comparaison descen-dante) (6-8). Comme nous avons pu leconstater, ce score est davantage lié auxindicateurs de santé mentale les plusobjectifs (consommation de médica-ments psychotropes, troubles dépressifset pensées suicidaires) qu’aux indica-teurs relatifs aux comportements àrisque. Nous avons également pu noterque la pratique d’une activité sportiveinfluence positivement le score de santémentale.

Toutefois, nos analyses montrentégalement que les inégalités socio-éco-nomiques face à la santé ressentie per-sistent avec l’âge : le genre, la situationmatrimoniale et la situation socio-éco-nomique influencent de façon marquéela manière dont les personnes appré-cient leur état de santé physique, men-tal et social (4, 9). Ainsi que le soulignentd’autres recherches plus approfondies,la qualité de vie traduit également desdifférences objectives dans l’accès auxsoins, dans la structure familiale ousociale, ainsi que dans les conditionsde logement ou de transports (4, 7, 10).

Cynthia Kubiak

Stéphanie Pin

Chargées d’études et de recherche,

Direction des affaires scientifiques, INPES.

1. Consommation d’antidépresseurs, anxiolytiques,stabilisants, somnifères ou neuroleptiques.

(1) Dressen C., Perrin H. La santé des person-nes âgées de 60 à 75 ans. In : Guilbert P., Bau-dier F., Gautier A. Baromètre Santé 2000.Vol. 2. Résultats. Vanves : CFES, coll. Baromè-tres santé, 2001 : 425-37.(2) Helmer C., Barberger-Gateau P., LetenneurL., et al. Subjective health and mortality in frenchelderly women and men. Journal of Geronto-logy: Social sciences 1999; 54B: 84-92.(3) Doumout D., Libion F., Deccache A. Les per-sonnes âgées et leurs besoins : besoins, repré-sentations, comportements (2e partie). UCL-Reso, série documentaire, 1999 : 21 p.(4) Kirby S.E., Coleman P.G., Daley D., et al. Spi-rituality and well-being in frail and nonfrail olderadults. Journal of Gerontology: Social andPsychological Sciences 2004; 59B(3): 123-29.(5) Idler E.L., Kasl S.V. Self-ratings of health:do they also predict change in functionaly abi-lity? Journal of Gerontology: Social Sciences1995; 50B : 344-53.

(6) Caradec V. Les épreuves subjectives du vieillissement. Éthique et santé 2006 ; 3 : 20-5.(7) Beaumont J.G. Quality of life (Qol) of thehealthy elderly: residential setting and socialcomparison processes, 2004, Economic andResearch Council. Téléchargeable sur le site :http://www.esrcsocietytoday.ac.uk/ESRCIn-foCentre/ViewAwardPage.aspx ?Awar-dId=837 [Dernière visite : 12/10/2006](8) Coudin G. La vieillesse n’est pas une mala-die. Sciences humaines 2005 ; n° 48 : 20-2.(9) Muldoon M.F., Barger S.D., Flory J.D.,Manuck S.B. What are quality of life measure-ments measuring? British Medical Journal1998; 316 : 542-5.(10) Von Kondratowitz H.J., Tesch-Römer C.,et al. La qualité de vie des personnes âgéesdans les États-providence européens. Retraiteet Société 2003 ; n° 38.

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La Santé de l’homme : Peut-on par-ler de fortes inégalités de santéchez les personnes âgées ? Lesquel-les vous semblent les plus domma-geables pour leur qualité de vie ?

Philippe Pitaud : L’influence des déter-minants socio-économiques sur la qua-lité de vie des personnes âgées est lar-gement dominante, comme d’ailleurspour toute autre classe d’âge. Les travauxde mon collègue G. Desplanques (1) surl’inégalité devant la mort en fonction dela catégorie socioprofessionnelle d’ap-partenance ont fait largement école. Eneffet, les conditions de travail subies (voirle cas des ouvriers de l’amiante jusqu’àla fin des années 1990 en particulier),les conditions économiques vécuesdéterminent très souvent l’espace socialet environnemental ; elles structurenttrès fortement la relation à la qualité devie. Elles entraînent souvent – aumoment de la vieillesse mais surtout dugrand âge (85 ans et plus) – de fortesdisparités, ne serait-ce qu’en termesd’espérance de vie et donc d’apparte-nance aux survivants de chaquecohorte : l’on peut se référer ici en par-ticulier à la non-qualité de vie des vieuxmigrants que le récent film Indigènes –et la cohorte de bons sentiments qui ontaccompagné sa sortie – a mis en exerguemais pas améliorée dans l’immédiat.

S. H. : La qualité de vie des person-nes âgées est-elle suffisammentprise en compte par les différentsprofessionnels du secteur médical,paramédical ou social qui inter-viennent auprès de cette popula-tion ?

D’une manière générale, cette notionde qualité de vie n’est pas suffisammentprise en compte chez les personnesâgées, tout comme c’est le cas pour lestravailleurs exposés à des conditions detravail pénibles ou dangereuses. Onconnaît tous les difficultés rencontrées,

chaque jour, sur le terrain par les méde-cins du travail. Pour en revenir aux per-sonnes âgées, les professionnels desanté, les paramédicaux (aides-soi-gnants, aides-ménagères, kinésithéra-peutes, infirmières, etc.) « soignent » cel-les et ceux dont les pathologies résultentdes altérations liées à l’avancée en âge.Ils ne cherchent pas à guérir les per-sonnes âgées de la vieillesse mais à res-taurer, quand cela est possible, un mini-mum d’autonomie. Si l’on considèreque, la santé, c’est aussi la qualité de vie,on peut dire qu’ils œuvrent à l’amélio-ration de cette dernière. Quant aux pro-fessionnels du secteur social, ils sontgénéralement confrontés à des person-nes âgées en difficultés économique,sociale, relationnelle, souffrant d’isole-ment et de solitude. Tous leurs effortsvisent à aider ces personnes en souf-france, à améliorer autant que faire sepeut leur qualité de vie, en tout cas ten-ter d’atténuer – quand c’est possible –certaines inégalités. Alors oui, la qua-lité de vie est non seulement prise encompte mais elle est sous-jacente au tra-vail de tous les intervenants, qu’il fautsaluer, car ce sont eux qui – outre lesproches – peuvent contribuer à amélio-rer la qualité de vie des personnesâgées.

S. H. : Quelles actions de préventionet de promotion de la santé voussemblent prioritaires pour amélio-rer la qualité de vie des personnesâgées ?

Votre question est tout un pro-gramme politique au sens réel duterme ! Je veux simplement soulignerque l’immense majorité des personnesâgées ne vit pas en institution ; pourtantl’image dominante – largement véhicu-lée par les médias mais également parles politiques ou les médecins – est cellede personnes âgées grabataires et dés-hydratées abandonnées dans des insti-tutions où on les maltraite.

La qualité de vie c’est d’abord l’imageque la société vous renvoie de vous-même, une image qui va contribuer àvotre structuration identitaire et faireque vous vous sentirez partie prenantede la société dans laquelle vous vivez.Quelles actions sont à entreprendredans ce contexte ? Celles menées, parexemple, par l’équipe de l’Institut degérontologie sociale et qui peuvent serésumer ainsi : écouter l’autre dans sasouffrance et lui redonner confiance encherchant à le réinsérer dans le liensocial. Prévenir les effets du mauvaisvieillissement et travailler à ce que lePr Marius Audier – grand précurseur enla matière – a appelé, il y a plus detrente ans, le « bien-vieillir » (2), déno-mination largement reprise aujourd’hui.Il nous faut donc développer cettedémarche d’éduquer au « bien-vieillir »par la diffusion de messages d’infor-mation mais également éducatifs car onapprend à tous les âges. De plus, c’estvalorisant pour les personnes qui sesentent destinataires car, ainsi, on« compte » pour les autres.

Propos recueillis par Stéphanie Pin.

* Auteur notamment de : Solitude et isolement despersonnes âgées. L’environnement solidaire. Ramon-ville : Érès, coll. Pratiques du champ social-géronto-logie, 2001 : 272 p. ; Exclusion, maladie d’Alzheimeret troubles apparentés : le vécu des aidants. Ramon-ville : Érès, coll. Pratiques du champ social-géronto-logie, 2006 : 320 p.

Entretien avec Philippe Pitaud, directeur de l’Institut de gérontologie sociale, professeurassocié à l’université de Provence*.

« Il nous faut valoriser et accompagner davantageles personnes âgées »

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◗ Référencesbibliographiques

(1) Desplanques G. L’inégalité sociale devant lamort. Paris : Insee, Économie et statistique1984 ; n° 162 : 29-50.(2) Audier M.Savoir vieillir en restant jeune.Mar-seille : Autres Temps, coll. Temps forts, 1994 :163 p.

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