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Colloque de Cerisy La sérendipité dans les sciences, les arts et la décision sous la direction de Pek Van ANDEL et Danièle BOURCIER 20-30 juillet 2009 Centre Culturel de Cerisy Le Château - 50210 Cerisy-la-salle Actes (les trois princes, musée de Cleveland)

La sérendipité dans les sciences, les arts et la décision Actes

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Colloque de Cerisy

La sérendipité dans les sciences,

les arts et la décision

sous la direction de Pek Van ANDEL et Danièle BOURCIER

20-30 juillet 2009

Centre Culturel de Cerisy

Le Château - 50210 Cerisy-la-salle

Actes

(les trois princes, musée de Cleveland)

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La Sérendipité à Cerisy La sérendipité est le don de faire des « trouvailles » et la faculté de découvrir, d’inventer ou de créer ce qui n’était pas recherché grâce à une observation surprenante et une interprétation correcte. De multiples exemples montrent l’importance de la sérendipité dans l’histoire des sciences et des techniques, dans l’art, et dans le domaine de la décision. La notion (issue de l’aventure des Trois princes de Sérendip, conte persan du XIIIème siècle repris par Voltaire dans Zadig) est peu utilisée en France, même si le sociologue Robert Merton et l’écrivain Umberto Eco lui ont consacré des développements importants. Pourtant dans une société de plus en plus rationalisée, la créativité et le hasard ont souvent partie liée.

Cette Décade sur la sérendipité est la première rencontre organisée par le CNRS. Elle réunit pendant dix jours des chercheurs, des artistes, des philosophes, des mathématiciens, des inventeurs, des juristes, des pédagogues et des amateurs curieux sur un objet interdisciplinaire paradoxal: quelle leçon peut-on apprendre de l’inattendu? Expériences vécues et récits scientifiques, témoignages de grands témoins, ateliers de découverte musicale ou théâtrale, groupes de réflexion alterneront pour partager les multiples approches de cette aptitude étrange. Cette Décade est elle-même une expérience sur un jeu sérieux : quels seront les effets inattendus de ces échanges entre chercheurs et artistes, entre philosophes et mathématiciens, entre science, technique et vie pratique ? A l’heure où les techno-sciences brouillent les limites entre science et application et contraignent souvent la liberté du chercheur, c’est aussi à défendre un espace public de débat sur la création et la recherche que nous vous convions.

Pek van Andel, Université de Groningue, Faculté des Sciences médicales, NL [email protected] Danièle Bourcier, CNRS, CERSA, FR [email protected]

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Remerciements Nos premiers remerciements iront à tous les intervenants qui ont accepté dès 2007 de se lancer dans l’aventure que peut être une rencontre sur la Sérendipité. Nous remercions particulièrement les responsables de sessions et d’ateliers C. Aguiton, J. Andrieu, P. Berloquin, M. Boudier, S. Catellin, F. Dubois, E. Gayou, J. Lévy, et tous ceux qui ont relayé cet appel dans leurs réseaux : ils ont été particulièrement efficaces pour créer la dynamique nécessaire dans leur communauté. Que tous ceux qui ont participé au Comité scientifique informel qui s’est réuni au CNRS CERSA en 2008 et 2009 soient aussi remerciés pour leur contribution et en particulier Edith Heurgon qui sait résoudre le dilemme entre prévision et imprévision, entre organisation et improvisation, dilemme qui occupe et préoccupe particulièrement tous ceux qui sont intéressés par la sérendipité. Nous avons une pensée particulière pour F. Ascher qui a participé à l’une des réunions de préparation et devait organiser la session sur Ville et Sérendipité. Sa présence nous manquera profondément dans tous les débats à Cerisy. Merci à Farideh Rava, la traductrice du conte des Trois Princes de Sérendip et Alain Lance qui ont su admirablement restituer ce récit dans la langue française. M.A.Meyers, New York, auteur d’un des ouvrages les plus fameux sur la sérendipité en médecine, a bien voulu nous adresser sa présentation sur la sérendipité pour cette décade. Cette Décade a été soutenue à des titres divers par le Centre d’Etudes et de Recherches de Sciences Administratives et Politiques (CERSA – CNRS/Université de Paris 2), par la Société KRIL, par la Société Orange. Elle a fait l’objet d’une publicité gracieuse dans les médias suivants : France Info, Les Echos, Science et Avenir, le Nouvel Obs, L’Humanité, le Journal du CNRS ainsi que sur beaucoup de blogs et sites divers (FING). NIAS, the Netherlands Institute for Advanced Studies, Pays Bas a été à l’origine de la sérendipité qui a permis ce projet en 1994. S. Canevet a été l’initiateur du site que nous avons créé autour de la décade. Ce site attend vos réactions après la décade. http://www.serendipite.org/ J. Blériot (CERSA) nous a aidés à préparer ce recueil de résumés Merci à toute l’équipe de Cerisy, avec une mention particulière pour le repas de sérendipités, délicieusement préparées par la cuisine du Centre. Merci enfin à tous les participants pour avoir accepté de partager leurs récits et leur expérience personnelle de la sérendipité.

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LUNDI 20 JUILLET Après-midi ACCUEIL DES PARTICIPANTS Soirée Présentation du Centre, des colloques et des participants Photo prise pendant la préparation du colloque

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Le Kairos de la basilique de Sainte Maria Assunta, Torcello, près de Venise Ce bas relief représente les trois réactions possibles face à une opportunité qui se présente: la saisir, hésiter, et regretter de l’avoir ratée. Il se trouve dans la basilique de Sainte Maria Assunta à Torcello, une île située à huit kilomètres au Nord-Est de Venise. La partie droite avait disparu mais fut retrouvée dans l’atelier d’un tailleur de marbre à Venise, en 1887.

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MARDI 21 JUILLET

Matin Pek Van ANDEL & Danièle BOURCIER : Pourquoi un colloque sur la sérendipité ? Histoire d’une notion Pause François FLAHAULT : Tirer parti de l’imprévu 12h45 - Déjeuner Après-midi Morton A. MEYERS (spécialiste américain de la sérendipité en médecine) Lecture du texte "The guarded secret of the unpected ways in which medical discoveries are actually made" Echange entre tous les participants Geneviève LASSUS: Les yeux fermés 18h00 - Vernissage des expositions de peinture de Geneviève LASSUS et Josée LANDRIEU 19h30 - Diner Soirée Jeux, avec Pierre BERLOQUIN

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Résumés (par ordre d’intervention)

Pek van ANDEL & Danièle BOURCIER : Pourquoi un colloque sur la sérendipité? Histoire d’une notion Une notion multiple et ouverte La sérendipité est considérée comme la capacité de découvrir, d’inventer, de créer ou d’imaginer quelque chose de nouveau sans l’avoir cherché à l’occasion d’une observation surprenante qui a été expliquée correctement. La sérendipité par définition ne commence pas par une savante hypothèse ou avec un plan déterminé. Elle n’est pas due seulement à un accident ou au hasard. Les milliers de grandes ou petites innovations qui ont jalonné l’histoire de l’humanité ont un élément commun: ils n’ont pu se transmettre que parce qu’un observateur, un expérimentateur, un artiste, un chercheur à un certain moment a su tirer profit de circonstances imprévues. La sérendipité recouvre ce que les Sophistes disaient déjà cinq siècles avant J-C qu’on ne

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peut pas chercher ce qu’on ne connaît pas parce qu’on ne sait pas ce qu’on doit chercher. Pour découvrir quelque chose de nouveau on ne peut pas dériver le nouveau de l’ancien, ni le connu de l’inconnu. Si on était capable de le faire, le résultat ne serait ni inconnu, ni nouveau. Pour une véritable innovation, on a aussi besoin d’un élément imprévisible, comme d’une observation surprenante expliquée ensuite correctement. Le droit exige même cet élément inattendu, imprévisible, non évident, pour qu’une invention soit brevetable. La première monographie sur l’histoire, la pratique et la théorie de la sérendipité est celle des sociologues des sciences Robert K. Merton & Elinor G. Barber, intitulée The Travels and Adventures of Serendipity, A study in Historical Semantics and the Sociology of Science Princeton University Press (2004). Pourquoi ce colloque? L’approche que nous souhaiterions partager est différente. Il ne s’agit pas de proposer un colloque en sociologie des sciences, mais de faire réfléchir, à partir de cas et d’expériences, une communauté de chercheurs, d’artistes, de décideurs sur ce phénomène qui se retrouve dans les sciences et les techniques mais aussi dans les arts, dans la politique, le droit et les sciences de la décision. Notre livre De la sérendipité dans la science la technique, l’art et le droit (L’Act Mem, 2009) insiste sur la narrativité de ce sujet et sur les rapports étroits que l’on peut entrevoir entre fiction et non-fiction. La sérendipité est une somme infinie d’expériences individuelles. Le projet de ce premier colloque en France sur le sujet a surgi de la rencontre de deux chercheurs. Pek van Andel, chercheur en médecine, a collectionné pendant des années, parallèlement à sa recherche, des exemples et des textes sur la sérendipité. Danièle Bourcier, juriste, travaillant sur la légistique (l’écriture des normes) et les politiques publiques (les effets pervers), découvre lors d’un séjour aux Pays-Bas en 1994 que ni le mot ni le concept n’existent en français. Pourtant le phénomène intéresse toutes les disciplines scientifiques, y compris le droit et la politique. Les auteurs commencent à publier ensemble sur ce sujet pour l’introduire en France. Le phénomène de sérendipité est soit inconnu soit la cible de nombreuses critiques. Est-ce un concept pertinent pour la recherche? En pratique une vraie découverte, invention, création est toujours la combinaison d’un élément étonnant et d’une vérification pertinente. Nous pensons que la recherche systématique et la sérendipité ne s’excluent pas, au contraire elles se complètent et même se renforcent. En science et en général dans l’action, il faut planifier, mais un plan n’est jamais sacré: des milliers d’événements inattendus ou d’effets non anticipés interviennent dans le cours d’une expérience ou d’un projet dont un bon chercheur doit savoir se servir. Il en est de même pour tout type de création. Ce colloque voudrait, dans une culture dominée par le cartésianisme, mais où l’ingéniosité a toujours cohabité avec la raison, réhabiliter le génie de l’empirie quand il s’exerce sur "des esprits préparés" (Pasteur). Hymne à la liberté de chercher et de trouver, ce phénomène concerne chercheurs et créateurs de toutes disciplines et de tous les domaines de l’action. François FLAHAULT : Tirer parti de l’imprévu Les contes populaires européens font une large place à une forme de sérendipité qui consiste à tirer parti de l'imprévu: un personnage, alors qu’il poursuit un but, fait en chemin des rencontres, connaît différentes péripéties. Y voit-il des obstacles ou, au contraire, des opportunités? Je montrerai comment les intrigues de ces contes témoignent d'une vérité de l'existence humaine, révélant ainsi une portée philosophique. Dans une seconde partie, je témoignerai du rôle que joue la sérendipité dans ma propre activité de recherche en anthropologie générale et philosophie.

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Morton A. MEYERS : Serendipity - The guarded secret of the unexpected ways in which medical discoveries are actually made Every one has had a personal experience of searching for a particular object and coming across an unexpected finding of even greater value. This is precisely what is meant by the term serendipity. In the United States, in being incorporated into the popular vernacular, it has unfortunately served as a synonym for almost any pleasant surprise. The word abounds as the name of restaurants, pastry shops, movies and the occurrences of everyday life. The essence of serendipity implies a process in which a chance event is seized upon by a creative person who chooses to pay attention to the event, unravel its mystery, and find a proper application for it. It is the key to the process of discovery. Indeed, discovery requires serendipity. Lucky accidents or happenstance that could point the way to major discoveries occur frequently, but few people recognize them. As Winston Churchill whimsically observed “Men occasionally stumble across the truth, but most of them pick themselves up and hurry off as if nothing happened”. Successful scientists may have the insight and creativity to recognize a “Eureka” moment when it happens, see the potential, and know what to do to take it to the next step. It is a mystical moment when scientists find what they’re not looking for. It typically takes the form of “I have the solution! What is the problem?” It was my own serendipitous discovery in medicine that stimulated my interest. Seeking a new way to visualize internal organs in the abdomen by X-ray, I stumbled upon an understanding of the pathways of spread and localizations of cancer—an insight that has been widely adopted for both diagnosis and management. How common is the element of serendipity in discoveries? I found that it has been readily admitted by researchers involved in commercial products and this has entered our body of American lore. Let’s briefly consider a scene I initially imagined to convince my editor and publisher (Happily, as it turned out, they needed no persuasion). My recent book, Happy Accidents: Serendipity in Modern Medical Breakthroughs indicates one hundred or so instances of the role of chance in scientific discoveries and concentrates on four of the major fields of medical advances in the past century: infectious disease, cancer, heart disease, and mental illness. In truth, the major antibiotics, chemotherapy agents, and psychotropics as well as major advances in cardiovascular diseases have all come about through serendipity. The overarching theme deals with “when scientists find what they’re not looking for” to establish several general points. Even with increasingly sophisticated technology and team efforts inclusive of multiple disciplines, serendipity continues to be a major influence to which a resourceful investigator cannot afford to turn a blind eye. The ideal scientific mind comfortably incorporates unanticipated factors into an established body of work or, more likely, follows it into completely new directions. Such a mind handles error, inconsistencies, and accidents in a characteristic way that represents a special mark of creativity. Référence: Meyers MA: Happy Accidents: Serendipity in Modern Medical Breakthroughs, Arcade Publishing, New York, 2007. Geneviève LASSUS : Les yeux fermés Dans l’élaboration de l’œuvre d’art, la sérendipité, c’est la part qui revient à ce qui n’est pas prévu, à ce qui est hors du conscient et du stéréotype. La part due à la naïveté, à la spontanéité, à l’aléatoire. En un mot l’inspiration. Et quand l’œuvre est achevée, étonné l’artiste la découvre, prend conscience de ce qu’il a fait, accompli. Geneviève Lassus se couche sur le papier d’un rouleau sur le sol de son atelier. Les yeux fermés, le crayon passant d’une main à l’autre, à l’écoute de la musique, elle parcourt le rouleau en traces successives. Le résultat peut être de fluides empreintes du corps, ou n’être

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que tracés dissociés ou membres épars, ou réseau dense de traits courts et hachés où le corps est devenu abstraction. Quand l’inspiration la quitte, Geneviève Lassus se relève, découvre et s’étonne... Pendant vingt ans Geneviève Lassus a fermé les yeux et tracé les limites de son corps sur des rouleaux de 10 m. C'est un carnet intime qui peut se dérouler, 150 rouleaux... Geneviève Lassus parlera de ces expériences autour d’une exposition de ses toiles à Cerisy et de la projection du film "Parcours d’un peintre: Geneviève Lassus", de M.D. Dhelsing (16 mn). Expositions de peinture Josée LANDRIEU : « Emergence » Un rapport à l’instant. L’instant où fusionnent l’espace intime et l’espace du monde, l’instant qui rend perceptible ce qui ne se voit pas. Temps suspendu où tout devient possible. C’est cet instant que peint Josée Landrieu, sans projet, guidée par l’inattendu qui émerge sur la toile, ou bien par le lien qui l’unit à la musique et au mouvement d’un corps qui danse. Elle déroule le geste qui semble parfois s’arrêter mais qui, nourri par le silence, reprend sa course jusqu’à ce qu’il cesse de lui même. Elle découvre alors la trace de ces transformations, comme peut la découvrir le visiteur, et ce regard permet à la peinture de se manifester, de vaincre l’ombre. Josée Landrieu exposera sa peinture dans le cadre de la décade, en lien avec son intervention « Observer l’émergence : voir sans regarder, toucher sans saisir ». Geneviève LASSUS : « Traces » « Le blanc du papier : un espace de silence, y inscrire sa trace Le corps couché, à l’horizontale, à plat, les yeux fermés pour voir. Inscrire sa présence, se saisir du maintenant, abolir le temps du regard pour décupler la force expressive du toucher, s’absorber dans une proximité du corps à lui-même, un vis-à-vis tactile, membre à membre. L’empreinte de la sensation comme si la toile était la peau même Décider, dans le doute, dans le « je ne sais pas », dans l’espace offert, de l’espacement, de l’intervalle, l’affirmation de sa présence : je suis là, encore là, déjà là …. Au bout… » Geneviève Lassus 2009 « le blanc du papier » (extrait) « …..Le corps de Geneviève Lassus s’inscrit sur de grands rouleaux de papier blanc. Le corps est réalisé aux crayons aquarellés: le plus souvent noir, avec des dessins mélodiques, dans la continuité musicale, lorsque l’artiste écoute le prolongement de la musique. Ses yeux sont fermés quand elle dessine. Sur le rouleau, Geneviève Lassus dessine à l’horizontale. Allongée, elle trace ses contours. Elle engendre et éveille ses formes. En 1984, dans le deuil, elle méditait sur le sommeil, frère de la mort, à plat, sur le sol et se représentait comme endormie. Mais, maintenant, elle multiplie la vie, la liberté physique. Maintenant, elle crée une succession d’instantanés, une série de variations, une cadence de mutations, de retournements, une suite de changements, d’oscillations. Les traits se font, se défont, se refont. Ils s’harmonisent et dissonent. Les plis marquent le corps. Des signatures, des signes s’y écrivent. Des contours s’égarent. Ses limites surgissent, s’évanouissent, se manifestent. Les lignes s’entrelacent, mêlent, tremblent parfois, se définissent, se scellent: lignes fermes et instables, flottantes et assurées, incertaines et résolues. » Gilbert Lascault 1998 « Le corps et l’étendue » (extrait)

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MERCREDI 22 JUILLET Matin "On souffle sur les braises de la veille" Jean-Marie BROM : Sérendipité et heuristique dans la démarche scientifique Jean-Michel KANTOR : D'où viennent les idées justes ? Pause Baudouin JURDANT : Fiction, coïncidence et rôle des questions traversières 12h45 - Déjeuner Après-midi Sérendipité, fiction et innovation (Sylvie CATELLIN) Sylvie CATELLIN : Enquêtes et sérendipité Laurent LOTY : Sérendipité et indisciplinarité: découvrir en forçant le hasard (et le déterminisme), enjeux pour une politique scientifique Pause Atelier : Sérendipité et arts de la scène: "L’inattendu en scène", avec Marion BOUDIER, Chloé DÉCHERY, Olivier NORMAND et Guillermo PISANI 19h30 - Diner

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Résumés (par ordre d’intervention) Jean-Marie BROM : Sérendipité et heuristique dans la démarche scientifique Depuis quelques années, avec le développement de l’informatique et quels que soient les domaines scientifiques, la démarche heuristique tend à détrôner la démarche logique et cartésienne. Cette session aura pour objectif de poser la question suivante: "la sérendipité suppose-t-elle une démarche heuristique?". Le débat sur l'heuristique devrait nous faire réfléchir sur les aspects politiques des méthodes scientifiques: la démarche déductive favorise ceux qui la mettent en place, la démarche heuristique met en avant l'apprentissage collectif et la participation de la communauté. L'une est plutôt autoritaire et contrôlée, l'autre plus décentralisée et répartie. Cette session réunira des chercheurs de différentes disciplines pour comparer les effets de cette tendance. Reconnaître le rôle de la sérendipité n'impliquerait-il pas une autre façon d'apprendre et de faire de la recherche? Et de faire appel à des politiques scientifiques plus ouvertes, plus coopératives et partant plus efficaces ?

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Jean-Michel KANTOR : D'où viennent les idées justes? Tombent-elles du ciel? Non. Sont-elles innées? Non. Elles ne peuvent venir que de la pratique sociale, de trois sortes de pratique sociale: la lutte pour la production, la lutte de classes et l’expérimentation scientifique. L’existence sociale des hommes [et des femmes] détermine leur pensée. Mao Zedong, 1963 Cette question à laquelle Mao Zedong a su le premier répondre de manière péremptoire, la sérendipité n’y répond que par une pirouette. Les idées justes arrivent ... d'où? Si le mot sonne si bien en anglais, c’est peut-être qu’il ne reflète que lui-même, une fausse bonne idée qui fait finalement pity (pitié). Toute idée nouvelle n’est pas bonne, et toutes les bonnes comme les mauvaises, arrivent selon des processus encore mal connus faisant intervenir des millions de neurones. Quand Kekulé rêve du benzène, ou quand Alexander Fleming revient de vacances pour constater la prolifération d’un champignon — la pénicilline — ou pour se restreindre aux mathématiques comme nous le ferons dans notre exposé — quand Poincaré découvre les fonctions fuchsiennes en montant dans l’omnibus d’une excursion géologique à Coutances (près d’ici), quand Suslin profite vingt ans après d’une erreur accidentelle de Henri Lebesgue, indigne de ce grand géomètre, il y a certes "concours de circonstances" mais Poincaré n’est pas n’importe qui et Suslin a l’aide de Luzin qui saisit immédiatement l’ouverture vers un nouveau champ des mathématiques, la théorie descriptive des ensembles. Autrement dit: "Halte au hasard... !" Comme le proclamait le regretté René Thom. Peut-on déduire, de ces exemples, des hypothèses sur le fonctionnement de l’imagination créatrice? Y a t-il du nouveau depuis la célèbre enquête menée par Hadamard dans "Essai sur la psychologie de l’invention dans le domaine mathématique" (1959) ou même, depuis Pascal: "Hasard donne les pensées et hasard les ôte. Point d'art pour conserver ni pour acquérir" (Pascal, Pensées 370, Brunschvicg, cité par Pierre Pachet, L’oeuvre des jours)? Il faut dès lors s’en remettre à notre seul salut: l’espace. La métaphore de la recherche et de l’exploration géographique, que vaut-elle? Ah s’il suffisait de s’organiser un voyage, "le Voyage des princes fortunés", de Béroalde de Verville. Mais justement: il suffit d’être fortuné c’est-à-dire d’avoir les moyens, les moyens intellectuels, d’être préparé comme par l’échauffement du coureur de fond à la Murakami qui vous met en état de saisir la rencontre, la chance, et de s’apercevoir qu’on approche de Serendip, du Sri-Lanka. Cette métaphore de l’exploration a été exploitée par la phénoménologie, avec un succès mitigé, que nous jaugerons sur des textes de Jean-Toussaint Desanti. Le serpent de mer géométrique réapparaît d’ailleurs chez les cognitivistes, et Dehaene localise la géométrie au fond à droite du lobe gauche. Oui, les idées naissent de rencontres au coin d’un bois, souvent, et l’on peut esquisser la dialectique des hasards et des programmes, qui est la jouissance quotidienne du mathématicien, le cocktail que nous nous préparons, dosé au goût de chacun. Baudouin JURDANT : Sérendipité et réflexivité La sérendipité peut aussi s'appliquer à la rencontre entre humains. L'un des exemples les plus fameux de cette sérendipité est certainement celui de la rencontre "accidentelle" de Bouvard et Pécuchet au début du roman de Flaubert. A la suite d'un rappel de cet exemple,

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j'essayerai de proposer une vision de la sérendipité qui implique la manière dont elle peut engager le sujet dans une aventure qui donne singulièrement prise à la réflexivité. Session : Sérendipité, fiction et innovation (Sylvie CATELLIN) Qu'est-ce qui est à l'origine d'une découverte sérendipienne? C'est la faculté de repérer puis d'interpréter un fait inattendu ou surprenant. Cette aptitude à œuvrer avec l'inattendu est fondamentale, elle est à l'origine de découvertes majeures, elle traverse l'histoire des idées et de la création esthétique. En science comme en art, un tel processus peut conduire le chercheur à réorganiser ses façons de voir ou de penser, à construire de nouvelles connaissances. A travers des exemples et des études illustrant les fertilisations croisées entre science et littérature, épistémologie et esthétique, cette session s'interrogera sur ce processus générateur de créativité et d'innovation et sur les environnements susceptibles de le favoriser. Sylvie CATELLIN : Enquêtes et sérendipité Parmi les nombreuses versions et adaptations du conte de Serendip, deux œuvres sont à distinguer car elles introduisent un élément radicalement nouveau dans la structure narrative de leur modèle : le suspens. L’Histoire véritable ou le Voyage des Princes Fortunez de Béroalde de Verville (1610) et Zadig ou la destinée de Voltaire (1748) font par là-même figure de précurseur d’un genre littéraire, le récit policier, dont la narration permet de rendre compte d’un processus de découverte au travers d’une enquête, et transforme ainsi l’acte de lecture en expérience de connaissance.

Laurent LOTY : Sérendipité et indisciplinarité : découvrir en forçant le hasard, enjeux pour une politique scientifique Comment favoriser la découverte scientifique ? Par la mise en place d’institutions paradoxales, qui suscitent la sérendipité et l’indisciplinarité. La sérendipité, c’est-à-dire la capacité à se concentrer sur l’imprévu et à l’expliquer par l’élaboration d’une mise en rapport inédite. Comment substituer au sentiment de hasard la formulation d’une hypothèse sur des causes et des effets ? : « ce n’est pas par hasard si [..] ». L’indisciplinarité, c’est-à-dire une pratique de questionnement et d’enquête à l’écart des programmes de recherche déterminés par des savoirs déjà disciplinarisés. Comment s’émanciper des évidences disciplinaires pour découvrir de l’imprévu et l’interpréter ? Ces questions touchent au rôle du hasard et du déterminisme dans la pratique scientifique, mais aussi dans le rapport entre la personne savante et le pouvoir politique. Des fictions comme les Trois frères de Serendip et Zadig ou la destinée de Voltaire associent la représentation d’une pratique empirique de l’hypothèse sur les causes et les effets, et la représentation d’un rapport complexe de la perspicacité savante au pouvoir politique. L’histoire des Trois frères de Serendip, et celle des spéculations voltairiennes sur le fatalisme scientifique (le déterminisme) et le fatalisme politique, seront l’occasion de réfléchir à la question des moyens institutionnels à mettre en place pour favoriser la recherche scientifique, et la découverte. Marion BOUDIER, avec Chloé DECHERY, Olivier NORMAND et Guillermo PISAMI Sérendipité et arts de la scène : l'inattendu en scène Atelier et spectacle Imprévu, accident, trouvaille heureuse, fécondité du détour, interconnexions inédites, en lien avec l'improvisation ou l'intermédialité, traversent et nourrissent les processus de création scénique. Selon les types de spectacle, l’inattendu change de valeur : accepté en

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répétition, il est redouté en représentation par le théâtre classique illusionniste, recherché dans des dramaturgies contemporaines qui s’écrivent en acte ou se fondent sur l’improvisation, et provoqué par certaines performances ouvertes à l’accident et à l’intervention du public. Comment préparer, sans les déterminer, les différents moments de la représentation ? Peut-on provoquer l’inattendu ? Où est la frontière entre la véritable sérendipité artistique, l’improvisation et le hasard que sont capables de produire certains dispositifs ? Quelles aptitudes personnelles de l’acteur, du metteur en scène ou du danseur favorisent la sérendipité ? Comment créer les conditions de possibilité de l'inattendu artistique et de la rencontre entre praticiens et spectateurs? Cet atelier est une invitation à éprouver et à expérimenter différents dispositifs dramaturgiques, scéniques et physiques afin de tenter l'inattendu. Il est fragmenté en plusieurs séances sur la durée de la décade, de façon à ingérer et à contaminer les débats et les relations entre participants du colloque. Il sera également nourri de la préparation du work in progress Les trois pinces de Sérendip (d’après le conte persan d’Amir Khusrau, 1302), présenté en clôture du colloque. Si l’art des trois princes donne des éléments pour une description de la sérendipité comme démarche cognitive en posant les questions de l’observation et de la déduction, il touche aussi à celles de la vérité et du mensonge, c’est-à-dire au propre de la fiction, qui ne cesse de construire et de déplacer ses critères de vérité, et à celle de la valeur performative du geste artistique, qui fait advenir des possibles et donne un caractère d’évidence ou de vérité à ce qu’il invente. La crédulité du chamelier est celle de tout spectateur… Ce spectacle expérimental itinérant interrogera et explorera les mécanismes du récit, en les reprenant comme procédés formels. Le conte sera utilisé comme une boîte à outils servant à une série de mises en jeu dans des protocoles formels de création résultant de ou produisant de la sérendipité.

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JEUDI 23 JUILLET

Matin "On souffle sur les braises de la veille" Sérendipité et émergence: zoner et observer l'émergence (Josée LANDRIEU) Josée LANDRIEU : Entre sérendipité et émergence: questions sur le rapprochement des termes Marc HATZFELD : Catastrophe et élan de vie: l'émergence d'une conscience nouvelle? Pause Etienne LE ROY : Bricolages anthropologiques pour promouvoir un dialogue entre univers référentiels 12h45 - Déjeuner Après-midi Sérendipité et émergence: zoner et observer l'émergence (Josée LANDRIEU) Alain SAULIÈRE : Autour d'un plan-séquence Josée LANDRIEU : Observer l'émergence. Voir sans regarder, toucher sans saisir: la mesure des choses Pause Marc HATZFELD : Zoner, une errance dans l'émergence 19h30 - Diner

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Résumés (par ordre d’intervention) Session : Sérendipité et émergence: zoner et observer l'émergence (Josée LANDRIEU) Les hommes sont probablement face à un moment de profonde transformation, voire de rupture de leur histoire collective. Les risques sont là qui pourraient conduire à une disparition du vivant mais ces risques et ces incertitudes contribuent aussi à mettre à jour la détermination des hommes à vivre et à dépasser cet état d’incertitude. La catastrophe qui fait partie de notre présent et de notre devenir contient donc à la fois les potentialités de disparition de l’humain et les expressions de l’élan de vie des hommes. Cet état de tension ouvre un renversement des évidences concernant les façons de voir le monde et de s’y mouvoir, de le penser, de le partager. Ce processus d’émergence met en question nos modes d’observer, de penser, d’agir, il interroge les disciplines, il s’abstrait des frontières, il donne toute sa place à une pensée plurielle. Nous avançons dans cette approche de l’émergence comme dans une valse à trois temps:

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- pressentir l’émergence entre vitalité et résistance, à la lisière du possible et de l’impossible, dans les espaces interstitiels de retournement et de surgissement, - repérer l’innommable par ce jeux de mise à distance que nous avons appelés zoner, observer sans intentionnalité, qui implique de voir autrement, peut-être de savoir voir autrement en mettant en lien nos espaces intérieurs et l’espace du monde qui nous habite, - témoigner de ces émergences pressenties, des retournements de l’impossible, des surgissements de nouveaux possibles. Nos interventions à plusieurs voix feront le point de nos réflexions collectives en insistant plus particulièrement sur notre questionnement général et sur les aspects méthodologiques. Josée LANDRIEU : Entre sérendipité et émergence: questions sur le rapprochement des termes La sérendipité n’est-t-elle que "le don de faire des trouvailles, de trouver ce qu’on ne cherchait pas"? La lecture du conte des Trois Princes de Sérendip nous permet de penser que la sérendipité peut également être vue comme un processus qui ouvre sur une connaissance différente du monde, connaissance pour laquelle une érudition scientifique se révèle insuffisante. Dans ce conte initiatique, à travers les différentes étapes du voyage qui scandent la marche des Princes vers cette connaissance, le lecteur, tout comme les voyageurs, découvre l’inattendu: que visible et invisible sont étroitement imbriqués et que l’acte de mesurer est questionné par notre rapport à l’invisible, qu’un passage par l’obscur, par la descente sous terre, par la descente en soi, est nécessaire pour que l’on puisse passer d’une forme de connaissance à une autre, d’une forme de vérité à une autre; que cette vérité est plurielle, que la pensée ne peut être binaire; que l’observation est un engagement dans le temps, dans l’espace... Le lecteur découvre aussi que c’est la question posée, celle du chamelier, qui donne sens aux observation des Princes. La sérendipité comme errance dans l’entre-deux, entre ce qui est matière et ce qui est trace subtile, comme processus vers un autre savoir, comme approche de questions jusque-là indicibles. Voila qui nous parle par sa proximité avec notre propre travail sur l’émergence. L’émergence du monde, pour nous, est un processus continu, né de la tension permanente entre le drame de la mort, de la perte, et la vitalité des forces de création qui sont en chacun de nous, comme elles sont dans le vivant qui nous environne. Ressentir ce processus, le comprendre, en observer le cours et les manifestations suppose, tout comme l’ont fait les Princes, d’abandonner nos certitudes, de développer d’autres formes d’être au monde et de penser le monde et soi. Il s’agit, dans une posture d’ouverture à l’inconnu, d’accepter le flottement, d’accepter le voyage dans le désert. D’errer, de zoner, d’être dans les marges, dans l’incertitude. De promouvoir un dialogue entre les différents univers qui nous habitent et que nous habitons. De laisser venir à nous l’image de ce que nous ne voyons pas, nos yeux étant ouverts sur nos pré-jugements qui nous aveuglent. Marc HATZFELD : Catastrophe et élan de vie: l'émergence d'une conscience nouvelle? Des façons nouvelles d'être homme? Une relation nouvelle au vivant? Cette intervention proposera des questionnements sur les ruptures et leurs expressions. Etienne LE ROY : Bricolages anthropologiques pour promouvoir un dialogue entre univers référentiels Le principe d’unité est si fondamentalement inscrit au cœur de l’aventure de la modernité que nous en avons occulté l’impact, en sacrifiant ainsi à ce que Paul Veyne appelle, dans un autre contexte, la "monolâtrie", le "culte du un seul", dans le sillage du monothéisme. Et notre conception de l’universalisme auquel nous sommes si intimement attachés dans la

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tradition politique française en est une manifestation éclairante. Pourtant, dans la vie quotidienne, nous appartenons à une pluralité de mondes, et les différences entre ces "mondes" sont parfois telles que nous devons les tenir pour des univers distincts, entre lesquels nous devons apprendre à naviguer ou à cheminer, dans des "entre deux" qui peuvent être de nouvelles odyssées. S’ils ne sont pas solubles les uns dans les autres, ces univers n’en sont pas moins constitutifs d’un cadre référentiel commun, en "émergence", qui ne peut être appréhendé que de manière contingente et bricolée et qu’en préférant le paradigme de la complémentarité des différences à celui fondé sur le principe aristotélicien mais trop réducteur du contraire. Références Bibliographiques : Le jeu des lois, une anthropologie ‘dynamique’ du droit, Paris, LGDJ, Col. Droit et société. 1999. "De la propriété aux maîtrises foncières", Franck-Dominique Vivien (éditeur scientifique) Biodiversité et appropriation: les droits de propriété en question ; Paris, Elsevier-NSS, 2002, p. 139-162. Les Africains et l’Institution de la Justice, entre mimétismes et métissages, Paris, Dalloz 2004. "Bricolages anthropologiques pour promouvoir, en Afrique et ailleurs, un dialogue entre univers juridiques", McGill Law Journal, spécial issue ‘Navigating the transsystémic’, vol. 50, december 2005, N°4, p. 951-966. "L’anthropologue et le droit. Juridisme, ethnocentrisme et reproduction des sociétés", Pierre Moreau (editor), Dans le regard de l’autre, In the Eye of the Beholder, Montréal, Les éditions Thémis, 2007, p. 75-112. Alain SAULIÈRE : Autour d'un plan-séquence La circulation de la caméra crée la dépendance entre des registres pluriels et fait émerger la réalité visible de ce qui se joue et émerge. Josée LANDRIEU : Observer l'émergence. Voir sans regarder, toucher sans saisir: la mesure des choses Observer l’émergence du monde, c’est observer à la fois ce qui est en train de disparaître et ce qui n’est pas encore manifesté. C'est-à-dire observer un entre-deux subtil dont nous n’avons pas toujours conscience et que notre regard discerne mal, entravé par des formes de pensée et des pré-jugements dont il nous faudrait nous abstraire pour y parvenir. Entravé aussi par notre peur de la finitude et par notre trop faible conscience des forces de vie qui nous environnent et existent en nous. C’est de cette tension propre à la vie pourtant que se nourrit le processus d’émergence. L’observer suppose donc de l’accepter et de s’accepter soi-même en émergence, en renaissance permanente. C’est donc bien tout d’abord notre posture, notre relation au monde, notre conscience de vie qui sont primordiales. Mais observer ce qui est subtil, ce que nous avons caché à notre regard, c’est aussi accepter l’inattendu, le dérangement, errer dans l’inconnu en abandonnant nos certitudes, développer des sens nouveaux. Une démarche, donc, qui nous inscrit nous-même dans le tableau, où, devenu aussi subtil que l’entre-deux observé, nous avançons dans un flottement, développons une pensée plurielle, remettons en question la mesure des choses, la notion de temps, celle d’espace. Cette errance n’est pas sans risque et nécessite des balises et des passerelles pour que la communication avec les autres reste possible. Le collectif de travail joue ainsi tout son rôle pour veiller à la rigueur de la démarche, permettre l’échange des observations, construire les questionnements qui s’en dégagent, capitaliser les expériences et les acquis, trouver les modes de transmission adaptés à cette nouvelle connaissance, Car il s’agit bien là de poser les bases d’un nouveau savoir, d’une connaissance qui ne s’enferme pas dans les découpages et l’a priori disciplinaires, qui n’est pas le fait d’un expert mais provient de l’expérience de chacun. L’intervention rendra compte des différents aspects de ce nouvel art d’observer, et des ponts possibles avec la sérendipité, à partir d’un travail collectif sur l’émergence qui

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associe Marc Hatzfeld, Josée Landrieu, Etienne Le Roy, Thierry Ribault et Alain Saulière et se déroule expérimentalement sur plusieurs terrains d’observation. Marc HATZFELD : Zoner, une errance dans l'émergence La bienséance scientifique a inventé la méthode comme toute église conçoit son dogme. La méthode est une vieille sorcière érudite et revêche qui tape sur les doigts de ceux qui prennent des risques émotionnels ou statistiques avec le sacro-saint terrain. L’idée de base de la méthode est que ce terrain détient la vérité, c’est son côté sacré. Il conviendrait de ménager ce saint terrain par d’infinies précautions de neutralité de façon à ce qu’il veuille bien livrer cette vérité nue que nous restituerons telles des pépites dans le creux de nos paumes au lecteur stupéfait. Nous ne croyons pas au caractère sacré du terrain parce que nous avons des doutes sérieux quant à une vérité qui y serait enfouie comme un trésor. Ne croyant pas à la vérité du terrain, finalement nous ne croyons qu’à pas grand chose dans cette aventure scientifique car quel serait l’intérêt du terrain qui risquerait de raconter des balivernes. La mécréance libère; mécréants nous nous découvrons libres de toute méthode fermée. Du coup nous apprécions justement les balivernes du terrain comme des histoires d’enfant porteuses de sens caché, parfois même indéchiffrable. Nous allons de l’une à l’autre au gré des conteurs, de l’heure qu’il est et du sommeil qui gagne. Nous appelons cela zoner, c’est une méthode qui se prétend ouverte. Zoner, c’est au fond accepter que nous avons renoncé à observer d’autres sujets comme on observe des fourmis ou des myosotis. Et que nous sommes avec les fourmis, les myosotis et les autres humains à la fois sujets et objets d’observation, nous regardant les uns les autres avec la stupéfaction des voyageurs à pied qui n’ont pas réservé à l’auberge. C’est un grand soulagement et un intense plaisir. Zoner, c’est confier aux étoiles le soin d’organiser nos terrains en y tressant contraintes, aléas et silence. Nous savons ce que nous voulons et nous nous laissons dériver au fil des heures et des chemins vers où nous guide l’intuition de nos penchants et des accidents. Zoner, c’est accepter d’être multiples et de confier à cette multiplicité de jouer des effets de relief de la réalité. Et c’est aussi admettre de n’être qu’un de sorte à rassembler toute expérience aussi farfelue soit-elle dans la connaissance singulière du sujet traité.

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VENDREDI 24 JUILLET

Matin "On souffle sur les braises de la veille" Evelyne GAYOU, Emmanuel FAVREAU, Daniel TERUGGI : Musique concrète, sérendipité et créativité: la dialectique du "faire et entendre" 12h45 - Déjeuner Après-midi DÉTENTE 19h30 - Diner Soirée Hommage à François ASCHER, avec Sylvain ALLEMAND, Georges AMAR, Mireille APEL-MULLER, Alain BOURDIN, Edith HEURGON et Jacques LÉVY

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Résumés (par ordre d’intervention) Evelyne GAYOU, Emmanuel FAVREAU, Daniel TERUGGI : Musique concrète, sérendipité et créativité: la dialectique du "faire et entendre" Dans cette session sur la sérendipité, passés le rappel des faits et des premiers développements qui ont abouti aux logiciels actuels de traitement du son – les GRM Tools -, nous émettrons quelques hypothèses pour comprendre la sérendipité à partir de la musique, à la lueur des connaissances d'aujourd'hui en science de la musique, en neurosciences, en psychoacoustique, en philosophie, et de quelques démonstrations. L'invention de la musique concrète par Pierre Schaeffer, dans les studios de la radiodiffusion française en 1948, est un bel exemple de sérendipité. À l’origine, se trouve la rencontre entre cet homme, ingénieur et musicien, et une rupture technologique : la possibilité de fixer, mémoriser, les sons par leur enregistrement sur un support (disque, au début, puis bande magnétique) et par là même de pouvoir les réécouter à satiété. L'acte créateur est survenu à la suite d'une erreur de manipulation qui a induit un changement qualitatif de l'écoute des sons : épochè, ou écoute réduite, une écoute déconnectée de la source causale du son. Chez l'homme comme chez l'animal, la première réaction à l'écoute d'un son incongru ou inouï est défensive : pour sa survie, l'être vivant doit impérativement être capable de juger immédiatement de l'importance éventuelle d'un danger. Or la musique concrète, du moins à ses débuts, n'était pas identifiée comme un code culturel connu. La première tâche du musicien concret a donc consisté à s'entraîner à l'écoute réduite pour dépasser cette attitude défensive. Le programme était vaste car les instruments « classiques » de la musique étaient

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volontairement délaissés – dans une attitude expérimentale - au profit de la recherche de « l'instrument le plus général qui soit », un instrument capable de produire tout type de son. Dès 1948, Pierre Schaeffer avait même envisagé l'usage de la cybernétique pour simuler tous les sons possibles. Les fondements même de notre musique occidentale sont alors bouleversés : les conservatoires arc boutés sur l'écriture sont contraints de s'interroger : le solfège peut-il rendre compte de tous les critères de description du son ? Y a-t-il une écriture dans les musiques non écrites ? Pierre Schaeffer dès 1958 recrute une équipe de chercheurs ingénieurs et artistes de diverses disciplines pour mettre au point un « nouveau solfège » non plus des notes ou de la musique, mais du monde sonore. Cela se passe au sein du Service de la Recherche de l'ORTF. Aux côtés de Schaeffer quelques collaborateurs remarquables s'activent : Abraham Moles, Pierre Henry, Iannis Xenakis. Certains lieux communs sont remis en cause, des phénomènes jusque-là mal connus sont démontrés : la perception auditive n'est pas linéaire, le timbre d'un son dépend de sa forme. Des productions célèbres comme les Shadocks marquent les esprits. La notion de groupe et de travail en équipe pluridisciplinaire est systématisée, comme dans les ateliers de la Renaissance. Ainsi s'élabore la théorie du « faire et entendre » qui consiste, en l'absence de toute écriture codifiée du phénomène sonore, à chercher de nouveaux modes d'accès à la matière sonore pour la conduire vers l'abstraction musicale. Une fois le son « brut » enregistré sur le support, toutes les opérations d'exploration et de construction de la matière musicale relèvent du toucher, et des gestes de production. Dans le jargon des musiciens on parle de manipulations du son : tirer doucement le support pour obtenir un effet de ralenti, tirer rapidement pour une accélération, stopper net, rayer le disque ou froisser la bande magnétique pour les détériorer. On retrouve là les mêmes accès à la matière que dans les arts plastiques, du fait de la présence d'un support. Les étapes suivantes ne sont qu'une extension du pouvoir de la main à travers l'usage puis la mise au point d'outils. On voit le manipulateur-compositeur couper la bande magnétique à l'aide de ciseaux ; le scotch quand à lui permet de rapprocher des extraits sonores non contigus. Puis les compositeurs aidés d'ingénieurs développent des instruments de plus en plus sophistiqués utilisant l'énergie électrique : filtres, phonogènes, chambres d'écho, dispositifs de spatialisation du son. Mais alors, se demande Schaeffer : « La musique commence quand on la fait ou quand on l’entend ? ». On voit bien qu'à ce point de rencontre entre faire et entendre jaillit un sens, mais que représente-t-il ? Quel que soit le sens (la direction) dans lequel on entre dans la problématique, il semble que l'on arrive toujours au même endroit. On parle d'images perceptives qui établiraient le lien entre réalité et représentation, sur fond de mémoire. Les neurones miroirs, récemment identifiés, ouvrent quant à eux des portent immenses à la compréhension des phénomènes de communication, dont la musique est un prototype. Notre intervention, fidèle à l'interdisciplinarité, évoquera en particulier comment depuis la fin des années 1990, la puissance de calcul de l'ordinateur appliquée à l'exploration du cortex cérébral grâce à l'imagerie médicale, mais également aux réflexions sur les théories de la communication avec l'usage de l'internet et du multimédia, et aux différentes avancées dans l'ensemble des disciplines scientifiques… nous permettent d'assurer que la pensée repose essentiellement sur la perception, et qu'au cœur du dispositif se trouve le geste moteur. Sérendipité, synchronicité, émergence, créativité, invention, théories du nouveau, trouvent là un terrain d'entente. En plus des travaux Pierre Schaeffer, Abraham Moles, André Leroi-Gourhan, Carl G. Jung, Rudolf Arnheim, nous citerons les travaux récents de Gilbert Simondon, François Delalande, Antonio Damasio, Giacomo Rizzolatti, Jean-Pierre Changeux, Daniel J. Levitin,

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René Guitart, Ilya Prigogine, Louis Marin, Pascal Picq, Boris Cyrulnik, René Girard. Un Hommage à François ASCHER F. Ascher, qui avait beaucoup évoqué la sérendipité dans ses derniers travaux1, a participé à la première réunion que nous avions organisée au CERSA en 2008 pour préparer la Décade de Cerisy. Ce sujet visiblement le passionnait. Malgré son état, il avait accepté spontanément de faire la Préface au livre De la sérendipité de P. van Andel & D Bourcier, 2009 qui était alors en cours de publication. Nous publions cette préface pour rendre hommage à son ouverture d’esprit et à sa générosité et le remercier pour ce texte concis et enthousiaste qui fera partie de ses dernières contributions. La Sérendipité est un mot qui n’est pas toujours facile à mémoriser et à prononcer. De plus, il ne figure pas – encore – dans les dictionnaires français. Et pourtant, l’expérience montre qu’il plaît beaucoup. Chaque fois que j’en ai expliqué le sens, mes interlocuteurs se sont montrés très intéressés, quitte à me téléphoner quelques jours plus tard pour que je leur reprécise l’orthographe du mot, car ils avaient trouvé une situation qui relevait de cette notion. Pek van Andel et Danièle Bourcier en donnent une définition très claire : « la Sérendipité est le don de faire des trouvailles ou la faculté de découvrir, d’inventer ou de créer ce qui n’était pas recherché dans la science, la technique, l’art, la politique et la vie quotidienne, grâce à ne observation surprenante ». Ils illustrent abondamment cette définition et donnent de multiples exemples qui montrent l’importance de la Sérendipité dans l’histoire des sciences et dans d’autres domaines, en particulier le droit. Pourtant la notion est peu utilisée en France même si des auteurs aussi célèbres que le sociologue Robert Merton ou l’écrivain Umberto Ecco lui ont consacré des développements importants. La raison n’en est pas évidente. D’autant que dans une société de plus en plus moderne, où la rationalité et la réflexivité tiennent une place croissante, la place et le rôle du hasard méritent un surcroît d’intérêt. On pourrait même dire que c’est notre univers rationnel et scientifique qui crée de plus en plus de hasard. Auparavant, dans les sociétés traditionnelles, l’imprévu était le fait des dieux et du destin. Aujourd’hui dans les sociétés modernes, on s’efforce de tout maîtriser et de laisser le moins de place possible à l’incertitude. Le hasard est alors en quelque sorte un solde : c’est ce qu’on ne parvient pas à prévoir mais que l’on se propose pourtant de réduire sans cesse plus, notamment grâce au développement des sciences et des techniques. Toutefois, le hasard est comme un horizon qui recule au fur et à mesure où l’on s’avance dans le champ des connaissances. Et il semble jouer un rôle assez constant, voire croissant, y compris dans le domaine des progrès scientifiques. Le Viagra, conçu à l’origine pour lutter contre l’hypertension, et dont les effets secondaires ont été découverts par hasard, en fournit une très belle illustration… Aussi, la question qui se pose dans notre société aujourd’hui est celle de la possibilité d’accroître les circonstances hasardeuses, et l’art des les utiliser. Pourtant, comme le soulignent les auteurs de cet ouvrage, « dès qu’on peut la programmer, on ne peut plus la nommer Sérendipité. Mais, ajoutent-ils, on peut

1 François Ascher, Examen clinique - Journal d'un hypermoderne, Ed. L’Aube, 2007 (215 p.).

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aider à s’y préparer et on peut éventuellement spécifier les conditions nécessaires pour faire émerger des faits surprenants ». Cette question se pose par exemple très concrètement aujourd’hui dans l’économie. Le développement de la concurrence et l’utilisation de plus en plus directe et massive des sciences fait de la « créativité » un élément clef de la compétition entre les firmes et entre les territoires. Or la créativité et le hasard ont souvent partie liées. On l’a bien vu lors du développement de la micro-informatique où, comme l’a montrée une économiste, Anna Lee Saxenian, les grandes entreprises informatiques intégrées de la région de Boston, où tout est prévu et réglé, et où les rencontres se font sur rendez-vous, ont été battues par les petites entreprises de la Silicone Valley où les chercheurs et les entrepreneurs se rencontraient dans des circonstances non programmées, dans les travail et en dehors. De même aujourd’hui, le hasard est devenu un enjeu urbanistique majeur. On s’aperçoit en effet que les villes modernes hyperfonctionnelles, où l’on ne fait que ce que l’on a prévu de faire, sont ennuyeuses et peu favorables à la créativité. On redécouvre ainsi le plaisir, mais aussi les performances de la ville et de ses espaces publics, de ces lieux où il se passe des choses imprévues, où l’on croise des inconnus, où l’on se rencontre par hasard. La Sérendipité est donc à l’ordre du jour plus que jamais. Certes, comme l’écrivent Pek van Andel et Danièle Bourcier, « il n’est pas nécessaire de connaître le mot sérendipité et le phénomène de la Sérendipité pour faire des trouvailles ! Mais une certaine connaissance du mot, du phénomène et des cas de Sérendipité aide probablement à réagir de façon optimale quand on fait une observation étonnante. » Ce livre, très clair et très vivant, est donc particulièrement bien venu pour diffuser ce mot et cette notion et féconder des champs d’activités et de connaissances les plus divers.

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SAMEDI 25 JUILLET Matin "On souffle sur les braises de la veille" Villes et sérendipité (Jacques LÉVY) : Jacques LÉVY : La serendipity comme compétence. Gérer les virtualités de l'espace urbain à l'âge de la société des individus Pause Georges AMAR : La mobilité, un milieu favorable à la sérendipité 12h45 - Déjeuner Après-midi Prospective et sérendipité (Edith HEURGON) Saphia RICHOU : Que peut-on apprendre de l'inattendu en prospective? Carole LIPSYC : La sérendipité, processus cognitif et sémantique du média-numérique Pause Atelier: Sérendipité et arts de la scène: "L’inattendu en scène", avec Marion BOUDIER, Chloé DÉCHERY, Olivier NORMAND et Guillermo PISANI 19h30 - Diner Soirée: Logistique, aventure et sérendipité: le cas des expéditions polaires, avec Pascal CROSET et Pascal LIÈVRE

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Résumés (par ordre d’intervention) Session : Villes et sérendipité (Jacques LEVY) Jacques LÉVY : La serendipity comme compétence. Gérer les virtualités de l'espace urbain à l'âge de la société des individus La ville se caractérise par une quantité d'actions potentielles qui dépasse les possibilités pour les individus de les actualiser: ce sont donc des virtualités, dont la part non réalisée est d'autant plus forte que le niveau d'urbanité, relatif et absolu, est fort et que les individus

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sont des acteurs dotés de compétences intentionnelles substantielles. Dans ces conditions, comment gérer au mieux ce décalage? On peut distinguer deux modalités: le répertoire (directory) consistant à ordonner les actions possibles sous forme de listes et à faire son choix dans ces listes; la serendipity, qui assume le caractère aléatoire du résultat, mais qui permet d'obtenir des interactions avec l'environnement à haute teneur en créativité. On peut faire l'hypothèse que l'une des spécificités de la ville (par exemple par rapport à l'internet) est que c'est en maximisant le mode serendipity que l'on profite au maximum de son avantage comparatif. L'urbanité offre ainsi aux individus qui en acceptent les promesses et les risques l'aventure d'une société déprogrammée. Saphia RICHOU : Quelle leçon peut-on apprendre de l'inattendu en prospective? Si la prospective est un art pour certain, il semblerait qu'elle ait perdu sa capacité à intégrer l'inattendu dans sa démarche créatrice de futurs possibles. Guy Arnar et moi-même avons expérimenté une méthode qui maille la Créativité à la démarche Prospective et qui participe, en quelque sorte, à la réhabilitation de la sérendipidté en prospective. A cet effet, la sérendipidité sera le fruit de trouvailles créatives issues de la photographie. Mais cette prise de conscience du don que représente la sérendipité — cette observation surprenante, cet art de faire des trouvailles ou des créations qui n'étaient pas recherchées — passe ici par une phase de découverte, d'apprivoisement de cette aptitude. Les méthodes de créativité et l'espace des ateliers de prospective vont sensibiliser les participants à ce don. La créativité y contribue en permettant aux groupes de libérer leur imagination, ouvrant ainsi un interstice propice à la sérendipité, tout autant que l'espace des ateliers de prospective vécus au sens d'espace transitionnel, développé par Donald Winnicott, espace qui change le regard porté sur l'environnement et ses futurs possibles. Un de nos séminaires sur Le Tourisme en Europe en 2020 servira de matériau à la présentation de ce processus et mettra en exergue les trouvailles et les créations qui n'étaient pas recherchées, a priori, pour étayer notre étude sur le tourisme. Carole LIPSYC : La sérendipité, processus cognitif et sémantique du média-numérique L'exemple du Topos numérique et du Récit variable. Le "Topos numérique" est un nouvel "objet" documentaire crossmédia, interactif et coopératif. En littérature, le Topos numérique permet l'émergence d'un nouveau genre littéraire, le "Récit Variable". Le Récit des 3 Espaces est le premier récit variable. Développé et testé depuis 2001, il a été rendu public en 2007 et rencontre depuis un large public. Dans la construction d'un document réticulaire comme le Topos numérique et le récit variable, la question du sens et de la cohérence est primordiale. Quand n'importe quel texte peut être le premier, quand on ignore combien de textes vont être lus par le lecteur et selon quel ordre, quand on ignore ce que le lecteur sait de l'univers narratif ou théorique avant d'entreprendre sa lecture, quand des publics très différents peuvent rencontrer l'espace documentaire dans des situations non dédiées, quand on travaille avec cet inattendu, comment construit-on le sens en tant qu'auteur/concepteur? La réponse se situe dans le passage de l'imprévisible (une variable ouverte) à l'inconnue (une variable au sein d'un ensemble) grâce à la modélisation. Toutefois, dans cette préparation ne réside pas toute la construction du sens. En dernière instance, le sens reste la responsabilité du lecteur confronté à un nouveau contrat de lecture. Le texte ne lui est plus livré "prêt-à-lire", il ne doit plus simplement le recevoir et l'analyser. Le texte lui est présenté "en kit": des segments, des liens, des indexations, des catégories. Charge à lui d'interpréter toutes ces données comme autant d'indices d'une élaboration qui lui revient. Pour atteindre le sens, le lecteur doit solliciter sa force d'observation, sa sagacité

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et sa capacité analogique ; en d'autres termes, il doit user de "sérendipité". Mais, cette utilisation cognitive de la sérendipité n'est pas limitée au Topos numérique. Il faut plutôt considérer cet objet documentaire comme un révélateur des processus cognitifs de la Pensée-Réseau, une pensée qui est sollicitée par le "média-numérique", nouvelle facette physique de la réalité, générée par les mathématiques et manifestée par les médias. S'aguerrir à la sérendipité serait ainsi désormais une nécessité de l'alphabétisation numérique. Soirée : Logistique, aventure et sérendipité: le cas des expéditions polaires (Pascal CROSET et Pascal LIEVRE) L’organisation d’une expédition en milieu extrême pour un acteur peut s’apparenter à une expérience où fondamentalement celui-ci est confronté à faire face à quelque chose d’inconnu, à quelque chose qu’il ne pouvait pas prévoir. Au point que seul l’expert sait qu’une fois sur le terrain, il doit abandonner toute velléité d’exécuter le plan, bien qu’il ait portée une très grande attention à sa construction pendant plusieurs années. Mais comment fait-on pour faire face à quelque chose que l’on n’avait pas prévu? L’objet de cette présentation pourrait être de rendre compte, de la part de deux intervenants, de pratiques novices et expertes en situation à partir d’expérience vécues en matière d’expédition polaire. Il s’agit de rentrer dans le détail de la compréhension de la préparation d’une expédition où la dimension logistique a de véritables lettres de noblesses. On verra que cela nous mènera, entre autre, sur le champ de l’épistémologie (autour de la question du registre des savoirs d’action) et de la décision en situation effective (étude des controverses en cours d’expédition). Au-delà de l’objet ainsi posé, on se propose de l’aborder non seulement au travers de l’étude historique des grands explorateurs (pour lesquels il existe un matériau d’étude extrêmement riche, notamment à partir des leurs carnets de bord), mais également au travers du vécu des deux exposants. Pascal Lièvre est maître de conférences en science de gestion à l’université d’Auvergne, à Clermont Ferrand, où il dirige un programme de recherche de Logistique des Situations Extrêmes depuis 2000 sur le terrain des expéditions polaires. De plus, il a à son actif plus d’une quinzaine d’expéditions polaires qui constituent le matériau de ses recherches. Pascal Croset a participé à l’expédition montée par Pascal Lièvre l’an dernier au Spitzberg, en qualité de profane. Il a ainsi suivi le parcours initiatique qui l'a conduit cette année à renouveler l’expérience, mais en solo. Références Bibliographiques : Lièvre P., 2007, La logistique, Editions La Découverte, Collection Repères, Paris, 120p. Lièvre P., sous la dir., 2003, La logistique des expéditions polaires à ski, Editions GNGL Production, Paris, 222p. Lièvre P., sous la dir., 2001, Logistique en milieux extrêmes, Edition Hermès, 280p.

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Le Kairos du musée de Turin Ce bas relief (60 cm) représente Kairos, le dieu grec du moment juste, le génie de l’occasion favorable, qui est le motto de la sérendipité. Regardons l’iconographie de cette allégorie antique. Son crâne est presque chauve : si on le laisse passer, on ne plus l’attraper. On doit le saisir quand il se présente. Il tient une lame de la main gauche sur laquelle repose une balance. Avec son index, il sent si la balance bascule : c’est le momentum. Le mot moment vient de là.

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DIMANCHE 26 JUILLET Matin "On souffle sur les braises de la veille" Pierre BERLOQUIN : Brisons le toit de la maison Pause Francis DANVERS : La sérendipité: un concept novateur pour s’orienter dans la vie ? 12h45 - Déjeuner Après-midi Denis LABORDE : Improvisation, sérendipité, indétermination 19h30 - Diner Soirée Rencontre avec le colloque "Comment rêver la SF à présent ?"

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Pierre BERLOQUIN : Brisons le toit de la maison Abattre un mur est banal et ne demande qu'un peu de violence, mais le toit de la maison vole en éclats à l'occasion d'un réel bond dans l'imaginaire et d'une intervention exceptionnelle de sérendipité. Une exploration de techniques de sérendipité concertée mises en oeuvre professionnellement et une théorie correspondante de la sérendipité, rendant compte de son existence et de son efficacité en la reliant aussi bien au jeu qu'à la mystique. Francis DANVERS : La sérendipité: un concept novateur pour s’orienter dans la vie? S’orienter dans l’existence, c’est faire un choix dans un univers de contraintes. En quoi la notion de "sérendipité" peut-elle nous aider à repositionner le rôle du sujet, acteur-auteur, compositeur de son projet de vie? L’avenir est ouvert (le pire n’est jamais sûr !). Un parcours de vie bifurque, une trajectoire socio-professionnelle n’est jamais lisse, un plan de carrière résiste à toute programmation rigide dans un monde en mutation accélérée. A partir d’une conception anthropologique de l’orientation dans l’existence, nous montrerons que "le don de faire des trouvailles" peut s’apprendre dans certaines conditions et s’ouvrir à une pédagogie de la créativité et de l’erreur féconde. Références Bibliographiques : Danvers, F., 2009, S’orienter dans la vie: 500 mots-clefs, Villeneuve d’Ascq: Presses universitaires du Septentrion (à paraître). Danvers, F., 2006, Modèles, concepts et pratiques en orientation des adultes, Villeneuve d’Ascq: Presses universitaires du Septentrion, 249 p.

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Denis LABORDE : Improvisation, sérendipité, indétermination Un improvisateur serait-il un virtuose de la sérendipité qui s’ignore? Comment concevoir ensemble improvisation et sérendipité? Cette session envisage ces questions en portant attention à la planification dans des situations d’improvisation. Elle prendra pour point de départ le monde du jazz, où l’improvisation occupe une place canonique, et concentrera son attention sur l’actio (l’agir en cours) plus que sur l’actum (le résultat de cette action). Comment un musicien engagé dans une situation d’improvisation fait-il surgir dans l’environnement des appuis qui guident son action? La notion d’affordance, thématisée par James Gibson (1979) dans sa théorie écologique de l’action, nous servira d’appui heuristique. De ce positionnement, nous déduirons deux questions relatives à la planification dans l’action, et à la figure de l’acteur rationnel: 1. Si improviser, c’est traiter une situation, l’issue de ce traitement n’est pas aléatoire. Dans les formes artistiques dont il aura été question jusqu’ici, l’improvisation est orientée vers une finalité: produire un poème, un chorus... Or, si elle est orientée vers une finalité, l’improvisation ne peut plus être un jeu de hasard: elle est un jeu d’adresse. Nous voyons se dessiner une première ligne de démarcation entre improvisation et sérendipité ; 2. Nous étendrons alors l’examen à l’analyse de prises de décision en situation d’incertitude dans des situations autres que les situations musicales à finalité prescrite: économie, expertises professionnelles diverses. Cette confrontation entre la planification et l’aléatoire, entre le savoir-faire et l’imprévu nous permettra de mieux cerner les contours de l’improvisation, donc ceux de la sérendipité. L’approche n’est pas nomologique mais jurisprudentielle. Il ne s’agit pas, dans cette session pluridisciplinaire, d’assigner des territoires institutionnels à la sérendipité ou à l’improvisation. Il s’agit bien au contraire de tester l’individuation de la sérendipité à partir de ce que nous pouvons analyser de l’improvisation, puisque nos concepts, à la différence de nos définitions, sont destinés à rester équivoques.

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LUNDI 27 JUILLET Matin "On souffle sur les braises de la veille" Sérendipité, synchronicité et mathématiques (François DUBOIS) Jean-Jacques SZCZÉCINIARZ : Construire une théorie nouvelle, stratification et propagation au sein du corpus mathématique. Analyse partielle du cas de la théorie de Galois Pause Robert VALLÉE : Quelques aspects de la sérendipité en mathématiques François DUBOIS : Double découverte et sérendipité 12h45 - Déjeuner Après-midi DÉTENTE 19h30 – Diner

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Résumés (par ordre d’intervention)

Session : Sérendipité, synchronicité et mathématiques (François DUBOIS) Les exposés auraient pour thème, d'une part la découverte scientifique en mathématiques et, d'autre part, les formalisations mathématiques du processus de découverte scientifique. Les intervenants exposeront le processus de découverte en le plaçant en philosophie, en mathématique, en logique. Jean-Jacques SZCZÉCINIARZ : Construire une théorie nouvelle, stratification et propagation au sein du corpus mathématique. Analyse partielle du cas de la théorie de Galois Il s'agit de proposer quelques réponses à la question suivante: comment une théorie mathématique émerge-t-elle de l'ensemble des questions qu"elle construit et des problèmes qu'elle thématise pour devenir discipline à part entière. Comment devient-elle alors théorie de sa propre théorie pour unifier des pans entiers des recherches mathématiques. Robert VALLÉE : Quelques aspects de la serendipité en mathématiques L’enseignement des mathématiques par suite de théorèmes et de démonstrations a laissé bien des générations dans l’ignorance des voies de la découverte. Voies dont peu de mathématiciens ont parlé, sauf, entre autres, Poincaré, Hadamard et aussi George Pólya qui oppose raisonnement démonstratif et raisonnement plausible, lequel inclut les

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raisonnements inductif et analogique, formes de la sérendipité. Dans un cadre plus large, Descartes, lui-même, n’hésite pas à vanter les mérites de la "force de l’imagination" et Edgar Poe le rôle, dans la découverte, des "faits collatéraux, fortuits, accidentels", la justesse des vues de celui qui est "poète et mathématicien". Aucun théorème ne se présente d’emblée sous sa forme définitive. Il apparaît comme une conjecture à la validité seulement pressentie. Souvent les notions nouvelles, issues de la sérendipité, contiennent des difficultés logiques. Ce fut le cas de la "pseudo-fonction delta" utilisée avec succès en mécanique, électricité, physique (en particulier par Dirac). Cette pseudo-fonction t→δ(t), définie sur]-∞, +∞ [ , est nulle partout sauf en t=0 où elle vaut +∞, de plus son intégrale de -∞ à +∞ doit être égale à 1. Elle présente deux difficultés: sa valeur est infinie en t=0 et son intégrale n’a pas de sens classique. Deviner l’intérêt de cet objet mathématique, alors que la rigueur demandait son rejet, a nécessité une audacieuse sérendipité. Son usage s’accompagnait d’un sentiment de culpabilité qui fut levé par la théorie des distributions. On peut citer bien d’autres exemples. où il y a, un objet mathématique, entrevu par sérendipité, qui "ne demande qu’à être" et attend un raffinement théorique pour obtenir droit de cité. Références Bibliographiques : Descartes, R., Les Olympiques, in Œuvres philosophiques, tome I, Éditions Garnier, Paris, 1963. Poe, E. A., Le mystère de Marie Roget, La lettre volée, Euréka, traduction Ch. Baudelaire, in Edgar Allan Poe, contes-essais-poèmes, Éditions Laffont, Paris 1989. Pólya, G., Les Mathématiques et le raisonnement ‘plausible’, traduction R. Vallée, Éditions Jacques Gabay, Paris 2008, (première édition : Gauthier-Villars, Paris 1959).

François DUBOIS : Double découverte et sérendipité

Dans cette contribution, nous rappelons d'abord quelques exemples de double découverte. Bien entendu, ils fourmillent dans le livre de P. van Andel et D. Bourcier (2009). Nous insistons tout particulièrement sur l'exemple de la controverse entre I. Newton et G. Leibniz lors de la construction du calcul infinitésimal. Plus récemment, la découverte simultanée du « quark charmé » J-� en 1974 par B. Richter et S. Ting a donné lieu à un jeu coopératif avec publication des deux articles dans le même numéro de la Physical Review ! Dans un second temps, nous tentons de donner un cadre théorique à la double découverte à l'aide de l'hypothèse fractaquantique, paradigme que nous développons depuis 2002. L'idée est de forcer une lecture du monde à notre échelle (entre autres) avec les outils classiques de la mécanique quantique, partant de l'hypothèse que cette approche étant opératoire pour la micro-échelle, elle doit certainement l'être aux échelles plus grandes. Bien entendu, cette démarche, voisine d'autres propositions comme celles de L. Nottale (1998) ou M. Mugur-Schächter (2006), reste une hypothèse largement spéculative qui pemet toutefois de faire émerger des analogies troublantes. La double découverte permet la controverse ou le jeu coopératif selon les cas. Elle permet de fait la « mesure », au sens du processus de mesure par projection orthogonale dans le paradigme de la mécanique quantique. Mesure faite par le corps social sur les chercheurs individuels pour la double découverte. De façon analogue à la mesure faite par le corps social lors d'une élection, processus que nous avons interprété (2009) avec les outils quantiques. La sérendipité, c'est à dire l'opportunite de trouver quelque chose que l'on ne cherche pas, est de nature plus intime que la double découverte. Nous proposons dans une troisième partie d'en donner une lecture en termes fractaquantiques. La première phase de rêverie lors du travail du chercheur peut être associée à l'évolution libre de « l'atome » (qui est ici l'être humain en situation de chercheur) et le second temps de la remarque, de l'écriture, de la

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pensée consciente peut être associée au processus de mesure. Processus qui permet ensuite une lecture de l'état du monde par l'ensemble des observateurs. Et le hasard qui est central en sérendipité n'est peut être pas sans relation avec les probabilités de la mécanique quantique qui sélectionnenent le résultat de l'observation parmi les valeurs propres de l'opérateur sous-jacent à la mesure ! La difficulté fondamentale, classique en sciences cognitives, est que « le sujet » de l'expérience est également « l'objet » de cette expérience, et nous renvoyons bien sûr aux travaux fondateurs de F. Varela (1993) sur la « position en première personne ». Revue dans le paradigme fractaquantique, la sérendipité pose en fait le problème de la mesure à une même échelle où l'on ne peut plus distinguer l'observateur de « l'atome » observé. References P. van Andel, D. Bourcier. De la sérendipité dans la science, la technique, l'art et le droit ; leçons de l'inattendu. L'Act Mem, Chambéry, 2009. F. Dubois. "Hypothèse fractaquantique", 5th Congress of the European Union of Systemics, Heraklion, Creta, and Res-Systemica, volume 2, octobre 2002. F. Dubois. On Voting Process and Quantum Mechanics, Proceedings of the workshop « Quantum Interaction », Saarbrücken, 25-27 march 2009, Lecture Notes in Computer Science, number 5494 (P. Bruza et al Eds), p. 200-210, Springer, 2009. M. Mugur-Schächter. Sur le tissage des connaissances, Hermès, Paris, 2006. L. Nottale. La relativité dans tous ses états, Hachette, Paris, 1998. B. Richter et al. Discovery of a Narrow Resonance in e+ e- Annihilation, Physical Review Letters, volume 53, number 23, p. 1406-1408, 1974. S. Ting et al. Experimental Observation of a Heavy Particule J, Physical Review Letters, volume 53, number 23, p. 1404-1406, 1974. F. Varela, E. Thomson, E. Rosch. L'inscription corporelle de l'esprit ; sciences cognitives et expérience humaine, Seuil, Paris, 1993.

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Branche de caféier, par Bert Andreae

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MARDI 28 JUILLET Matin "On souffle sur les braises de la veille" Décision, sérendipité et politique (Danièle BOURCIER) Danièle BOURCIER : Qu'est-ce que la sérendipité législative? Pause Jean-Michel SAUSSOIS : Effets pervers, inanité et sérendipité dans les politiques publiques 12h45 - Déjeuner Après-midi Décision, sérendipité et politique (Danièle BOURCIER) Sébastien CANEVET: La sérendipité dans le roman policier: l'exemple de Sherlock Holmes Pompeu CASANOVAS & Martha POBLET: La médiation ou la puissance imaginative du dialogue Pause Atelier: Sérendipité et arts de la scène: "L’inattendu en scène", avec Marion BOUDIER, Chloé DÉCHERY, Olivier NORMAND et Guillermo PISANI 19h30 - Diner Soirée: Jeux, avec Pierre BERLOQUIN

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Résumés (par ordre d’intervention) Session : Décision, sérendipité et politique (Danièle BOURCIER) La sérendipité est rebelle à la norme générale, à la décision rationnelle, au management planificateur: on parle de sérendipité législative, là où le sens de la loi sera détourné par les citoyens, ou d’effets sérendip quand des politiques, savamment élaborées, manqueront leur cible. Dans la jurisprudence, l’expertise judicaire, ou le roman policier, la sérendipité retrouve le monde des traces, des signes, et les énigmes caractéristiques de l’analyse casuistique. Enfin, des révolutions ont été déclenchés par des décisions individuelles "spontanées" et imprévisibles (Rosa Parks en est un emblème dans le mouvement des droits civiques).

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Dans ces diverses situations, peut-on dégager un raisonnement propre à saisir l’imprévu pour innover? On dit en général, dans la lignée de Peirce, que c’est l’abduction qui invente, à la différence de la déduction qui conforte. Mais quel rôle joue l’argumentation ou la justification dans la sérendipité? A l'inverse, quelle est la place l’inattendu, de l’imprévu dans le travail d’interprétation? A partir d’expériences de diagnostic, de stratégie politique et de démocratie, nous interrogerons le rôle de la sérendipité dans les dynamiques sociales et institutionnelles. Nos débats partiront de récits ou de cas où des effets inattendus ont surgi de situations de rationalité collective.

Danièle BOURCIER : Qu'est-ce que la sérendipité législative? Le droit est trop humain pour prétendre à l’absolu de la ligne droite. Sinueux, capricieux, incertain, tel il nous est apparu - dormant et s’éclipsant mais au hasard, et souvent refusant le changement attendu, imprévisible par le bon sens comme par l’absurdité. Jean Carbonnier Le Code Napoléon avait élaboré une loi successorale destinée à empêcher la concentration du patrimoine sur la tête d’un seul héritier: comment réagirent les pères de famille qui ne voulaient pas démanteler leur propriété? Ils ripostèrent par le fils unique... Comme le dit si subtilement le fondateur de la sociologie législative en France, le droit ne répond qu’imparfaitement à la rationalité dont il se pare. Et pourtant rien n’est moins soumis à l’arbitraire et au hasard que l’écriture du droit. Procédures, règles, institutions, modes d’argumentation, expertise, figures de rhétorique sont conçus et organisés pour répondre à cette rationalité spécifique au droit qui vise à ajuster les moyens aux buts (zweckrational). Dans ces conditions, comment une méthode aussi rationnelle de décision collective peut elle quand même provoquer des effets surprenants que le Parlement n’a pu anticiper? Le sociologue des sciences R.-K. Merton publia en 1936 un article sur un phénomène similaire: les conséquences inattendues, non prévues, voire contreproductives des actions et des décisions humaines. Dans Flexible Droit encore, Jean Carbonnier a consacré quelques pages aux effets imprévus des lois: "Ne peut-il arriver que des textes, tout en ayant effet, aient un autre effet que celui que leur auteur ait voulu. C’est, distinct du problème de l’effectivité, le problème de l’incidence". Ces deux approches renvoient à un même phénomène que l’on appelle, dans d’autres disciplines, sérendipité. La sérendipité décisionnelle renvoie à cette classe de phénomènes inattendus issus d’un projet rationnel qui contredisent les effets visés par la décision. La sérendipité législative, plus spécifiquement, consiste pour tout acteur plongé dans la complexité des normes, à tirer profit de l’interprétation qui lui semblera la plus favorable, ou à contourner simplement l’objectif affiché de la loi par n’importe quel moyen légitime, comme le pater familias du code civil que nous avons cité. Les effets inattendus des lois peuvent être incidents ou secondaires. Mais certaines lois ou décisions produisent des effets contraires aux effets espérés par le décideur ou le législateur de façon délibérée ou non. On appelle effets pervers ce type de phénomène. La science politique américaine parle de perverse incentives, et en France, dans les politiques publiques, on parle aussi de stratégies absurdes. Comment caractériser ce phénomène? Est-il le résultat d’une erreur ou d’un manque de préparation? Comment a-t-on cherché à le circonvenir? J’analyserai les effets inattendus de l’application des lois à partir de cas puisés dans l’action publique de ces dernières années. Je les caractériserai comme des exemples de sérendipité législative. En conclusion, je verrai de quelle façon la sociologie législative a apporté dans l’art de légiférer quelques solutions aux effets imprévus des lois comme les études d’impact qui peinent encore à être mises en place.

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Jean-Michel SAUSSOIS : Effets pervers, inanité et sérendipité dans les politiques publiques On connaît le proverbe l'enfer est pavé de bonnes intentions. S’agissant des politiques publiques et de leur mise en place, quelle peut être la signification de ce proverbe et sa traduction dans l’évaluation des politiques publiques? Si l’on part de notre postulat qu’une politique publique contient une théorie implicite du changement social, il s’agit de dire qu’une politique publique exprime clairement des intentions qu’on ne peut pas supposer "mauvaises" au départ: intention pour changer un comportement individuel (drogué, alcoolique, fumeur) jugé dommageable pour l’intérêt général (dépenses de santé publique), intentions pour réduire les inégalités sociales ou scolaires, intention pour lutter contre la fraude fiscale, intentions pour aménager autrement le territoire, intentions pour mettre en place des pôles de compétitivité, etc. Ces bonnes intentions risquent de se retourner contre ceux qui les impulsent ; voilà ce qu’il faut comprendre par effet pervers. A vouloir modifier l’état des choses, on l’aggrave ou alors on risque d’obtenir quelque chose que l’on ne souhaitait pas obtenir voire, pire, l’inverse de ce qui était recherché. La surprise peut cependant être divine. Les effets pervers sont en fait un sous-ensemble de ce que l‘on pourrait appeler des effets non recherchés. Sébastien CANEVET: La sérendipité dans le roman policier: l'exemple de Sherlock Holmes Parce que Sherlock Holmes est l'archétype du détective de roman, il est tentant d'examiner sa méthode à la lumière de la sérendipité. Parce que Sherlock Holmes est plus qu'un détective de roman, il est souhaitable d'examiner également son "existence" au regard du même principe. La méthode holmesienne semble, a priori, fort éloignée de toute sérendipité, tant le détective a pris soin, dans ses études, de ne sélectionner que les seules connaissances utiles à son exercice professionnel. Pourtant, la sérendipité trouve néanmoins sa place dans la méthode holmesienne, non seulement en raison du principe de fonctionnement du roman basé sur le "whodunit", mais aussi en raison des incertitudes de certaines de ses déductions. Mais c'est dans la "vie" de Sherlock Holmes que la sérendipité trouve pleinement sa place. Parce que ce personnage de roman a pris son indépendance par rapport à son créateur, devenant ainsi un sujet d'étude pour des milliers d'admirateurs, l'existence de Sherlock Holmes fourmille de contradictions et d'apparentes invraisemblances, que les "holmesiens" ont cherché à expliqué. Pompeu CASANOVAS & Martha POBLET : La médiation ou la puissance imaginative du dialogue L’art de l'inventio (la première partie de la dialectique classique) a disparu de la philosophie politique et juridique européenne au XVIIIème siècle. L’État, qu’il s’agisse de l’État des monarchies absolues ou de l’Etat de droit qui l'a suivi, a alors été construit sur des formes de raisonnement fondées sur le syllogisme judiciaire (judicium) qui correspondait à la deuxième partie de la dialectique. Les méthodes juridiques du XIXème siècle (Savigny, Jhering, Gény...) ont subsumé la créativité des solutions possibles sous l’art de l’interprétation normative, et la formalisation des normes du XXème siècle, qui n'a pas saisi la différence, a suivi cette même voie. Ce n’est qu’avec la mondialisation, Internet, l’apparition du Web 2.0 et 3.0 (l’Internet des objets) et les nouvelles formes de la médiation, Online Dispute Resolution (ODR) et CM (Conflict Management), que la structure de l’inventio émerge dans les formes régulatoires du droit contemporain de façon généralisée. Cela veut dire que les formes de la gouvernance et les droits peuvent être fondés à nouveau sur la créativité inattendue des accords, s’appuyant sur des technologies de la communication (e.g. mobile technologies). Une nouvelle forme, plus libre, de

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concevoir la citoyenneté est à l’origine de cette métamorphose. Dans notre intervention, centrée sur la structure et le processus de la médiation, nous fournirons des exemples de cette créativité émergente dans les interactions juridiques et plus généralement sociales. Sérendipité et arts de la scène: "L’inattendu en scène" Imprévu, accident, trouvaille heureuse, fécondité du détour, interconnexions inédites en lien avec l'improvisation ou l'intermédialité, traversent et nourrissent les processus de création scénique. Comment préparer, sans les déterminer, les différents moments de la représentation, créer les conditions de possibilité de l'inattendu artistique et de la rencontre entre praticiens, entre performeurs et spectateurs? Cet atelier est une invitation à éprouver et à expérimenter différents dispositifs scéniques et mises en condition physique afin de tenter l'inattendu. Il sera fragmenté en diverses séquences sur la durée de la décade, de façon à intégrer et à contaminer les débats et les relations entre participants du colloque.

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MERCREDI 29 JUILLET Matin Jean RICARDOU : Roman: des inventions inattendues Pause Etienne KLEIN : La genèse de la physique quantique: entre hésitations et fulgurances 12h45 - Déjeuner Après-midi Sérendipité et web 2.0 (Christophe AGUITON) Christophe AGUITON : Du plan à la carte Dominique CARDON : La force des coopérations faibles Pause Denis PANSU : Innovation numérique, réseaux ouverts et connexions aléatoires Nicolas AURAY : La carte, un outil d'opportunité : butiner, travailler, prendre 19h30 - Diner Soirée "L'inattendu en scène" : Les trois princes de Sérendip, avec Marion BOUDIER, Chloé DÉCHERY, Olivier NORMAND et Guillermo PISANI

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Résumés (par ordre d’intervention) Jean RICARDOU : Roman: des inventions inattendues Cette contribution sera divisée en deux parties: d'abord une analyse, puis une théorisation. L'analyse, pour sa part, appuyée sur l'élaboration du roman Les Lieux-dits (Gallimard, 1969; 10/18, 1977), examinera deux exemples d'invention dont le principe était absent au départ et dont l'occasion a été fournie par une attention portée à ce qui surgissait à mesure. La première est venue d'une particularité imprévue de l'initiale grille, un peu spéciale, assurant la répartition alphabétique des noms de lieux à visiter: cette bizarrerie, prise en considération, a provoqué les caractéristiques, un peu étranges, et décisives si l'on veut, de l'un des deux majeurs protagonistes. La deuxième est issue d'une particularité imprévue de l'écriture, débordant vite les cellules qui lui avaient été d'emblée imparties: cette autre bizarrerie, prise non moins en considération, a provoqué un spécial gauchissement de la structure selon un dispositif plus curieux relançant la fiction.

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La théorisation, quant à elle, appuyée sur cette "théorie unitaire des structures de l'écrit et des opérations de l'écriture" élaborée dans le cadre de la discipline nommée textique (dont Cerisy accueillera, la décade suivante, le séminaire annuel) s'efforcera de concevoir, dans sa branche dite praxotextique, le mécanisme plus ou moins admis sous le nom de sérendipité. Elle sera conduite, ainsi, à envisager notamment les concepts de programme, de bifurcation programmatique, de métaprogramme et, moins vaguement, de méta(allo)programme et de méta(homo)programme, avec l'espoir d'offrir quelque rigueur accrue à un phénomène peut-être encore sous-estimé. Etienne KLEIN : La genèse de la physique quantique: entre hésitations et fulgurances Au cours des années 1920, la physique a connu un bouleversement majeur: on comprit que les atomes, ces petits grains de matière qui avaient été découverts quelques années plus tôt, ne sont pas des objets tout à fait ordinaires: leur comportement n’obéit pas aux lois de la physique habituelle. Il fallut donc mettre au jour de nouveaux concepts, de nouveaux principes, de nouvelles règles. Cette entreprise a obligé les scientifiques à abandonner, parfois dans la douleur, souvent dans l’ivresse, quelques-uns des principes les mieux ancrés de la physique classique. D’illustres credo se virent alors contestés pour la première fois. En l’espace de quelques années, le monde est devenu méconnaissable. Et les physiciens ont dû inventer une nouvelle physique, la physique quantique, celle de l’infiniment petit. Une décennie d'effervescence créatrice, d'audace, de tourments et surtout d'intense labeur a suffi à un petit nombre d’entre eux, tous jeunes, européens, pour fonder l'une des plus belles constructions intellectuelles de tous les temps. Dirac, Pauli, Schrödinger, Einstein, Gamow, Majorana et d’autres, ce sont ces hommes originaux que nous évoquerons, ainsi bien sûr que leur façon singulière de faire des découvertes. Créateurs d’une "poésie sophistiquée" (Montaigne), ils ont affronté des problèmes entièrement nouveaux, et résolu presque miraculeusement ce qu’on est en droit d’appeler de véritables énigmes. Session : Srendipité et Web 2.0 (Christophe AGUITON) Christophe AGUITON : Du plan à la carte, De nouvelles forme de cartographie sont en train d'apparaître : des "cartes vivantes" basées sur les traces de nos activités numériques : trafic des téléphones mobiles, géo-localisation de nos activités sur le web et les réseaux sociaux. Nous pouvons utiliser ces cartes comme des moteurs d'opportunités, où notre simple "présence" peut créer des potentialités de rencontres… Dominique CARDON : La force des coopérations faibles Une des principales caractéristiques du web2.0 est la prolifération de sites participatifs où les contenus sont apportés par les utilisateurs et où se multiplient les interactions entre acteurs. Pour mieux comprendre la nature de ces interactions et leur mode opératoire, nous avons tenté de construire un modèle basé sur la "force des coopérations faibles" où les acteurs commencent par une action - écrire sur un blog, publier une photo, changer sa phrase de statut – sans en connaître le résultat… Denis PANSU : Innovation numérique, réseaux ouverts et connexions aléatoires L'expérience des "Carrefours des Possibles" à partir de témoignages vidéo de porteurs de projets.

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Nicolas AURAY : La carte, un outil d'opportunité : butiner, travailler, prendre Les figures de la « prise » et du « butinage », comme activité d’exploration et de recherche en diagonale, ont des résonances profondes avec ce qui se passe sur Internet, que ce soit dans les nouveaux modes d’organisation du travail, dans les apprentissages ou dans les logiques de connexion sociale par les réseaux. Ces figures du « butinage » ont été décrites et explicitées dans des anthropologies et des constructions philosophiques variées. Trois d’entre elles les ont particulièrement grandies : la pensée « océanique » propre au radicalisme puritain (Milton, Winstanley), qui pense l’activité dans les catégories de la navigation ; la « nomadologie » de Deleuze-Guattari, et l’approche anthropologique classique de la chasse et de la cueillette. Nous tenterons de pointer quelques points dans ces trois approches qui donnent un éclairage particulier à la notion de sérentipité. Nous tenterons de saisir l’apport de cette pensée du butinage pour fonder des dispositifs stimulant l’activité créatrice dans la production collective via Internet. Bibliographie : Nicolas Auray, 2009, « Pirates en réseau : prédation, détournement et exigences de justice », Esprit, pp. 168-180. 2007, Auray, N., « Folksonomy : a New Way to Serendipity », Communications and Strategies, n°65, pp. 67-91. Nicolas Auray, 2009, « De Linux à Wikipedia. Régulation dans les collectifs de travail massivement distribués », in Licoppe, C. (éd.), L’évolution de la culture numérique, FYP éditions. 2007, Auray, N., « Folksonomy : a New Way to Serendipity », Communications and Strategies n°65, pp. 67-91 2007, Auray, N. et Gensollen, M., "<http://ses.telecom-paristech.fr/auray/AurayGensollenGout.pdf>Internet et la synthèse collective des goûts", Désirs à vendre, Assouly, O., éd., PUF. <2009, Auray N., "<http://ses.telecom-paristech.fr/auray/AurayTravailEnReseauxFYP2009.pdf>De Linux à Wikipedia. Régulation dans les collectifs de travail massivement distribués", in Licoppe, C. (éd.), L’évolution des usages et des pratiques numériques, FYP éditions . 2009, Auray N., "<http://ses.telecom-paristech.fr/auray/AuraySolidarit%E9ElectroniqueFYP2009.pdf>Communautés en ligne et nouvelles formes de solidarité", in Licoppe, C. (éd.), L’évolution des usages et des pratiques numériques, FYP éditions

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Auscultation directe’ pratiquée par Laënnec à l’hôpital Necker

Collection Gaduase

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JEUDI 30 JUILLET Matin Les effets de la sérendipité du colloque Rallumer les braises Débat Général 12h45 - Déjeuner Après-midi DÉPART DES PARTICIPANTS « Bravo à tous les sages ! Avec des amis tels que vous J’ai tiré profit avec discernement Se divertir avec vous est une source de connaissance D’autant plus bénéfique que cela dure longtemps. Mais on ne peut retenir en un lieu Celui qui voyage de par le monde » Extrait de la fable des Trois Princes de Serendip, Livre 5, Hacht Behecht, Ed. Amir Ahmad Achrafi, Téhéran, 1983

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* Perriault, Jacques, "Effet diligence, effet serendip et autres défis pour les sciences de l’information", Paris X Nanterre, CRIS/SERIES http://www.limsi.fr/Individu/turner/DCP/Paris2OOO/Perriault.pdf. * Picard J., Essai sur les conditions positives de l’invention dans les sciences, Thèse, Université de Lyon, Bourg, 1928, 324 pp. Paris : Alcan, 1928. * Reichardt J., Cybernetic Serendipity ; The Computer and the Arts. New York : Praeger, 1969, 101 pp. * Remer T.G., ed., Serendipity and the Three Princes. From the perigrinaggio of 1557, with a preface by W. S. Lewis, Un. of Oklahoma Press, Norman, Oklahoma, 1965, 199 pp. * Rieusset-Lemarié Isabelle, "Narrativité et réticularité sur Internet : une école du raisonnement, de la sérendipité aux légendes urbaines", in Actes du séminaire "Ecrit, Image, Oral, Nouvelles Technologies" 1999-2000, Publications de l'Université Paris 7-Denis Diderot. * Roberts R.M., Serendipity. Accidental Discoveries in Science, John Wiley & Sons, Inc., New York, 1989, 270 pp.

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« (par hasard, diriez-vous, mais souvenez-vous que, dans les sciences de l’observation, le hasard ne favoris que des esprits préparés) » Louis Pasteur

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INDEX ALPHABETIQUE DES INTERVENANTS

Van ANDEL Pek ……………………………. p 4-7AGUITON Christophe ……………………………. p 37-38ALLEMAND Sylvain ……………………………. p 19AMAR Georges ……………………………. p 19-23APEL-MULLER Mireille ……………………………. p 19ASCHER François ……………………………. p 19-21AURAY Nicolas ……………………………. p 37-38BERLOQUIN Pierre ……………………………. p 7-27-33BOUDIER Marion ……………………………. p 11-13-23-33-37BOURCIER Danièle ……………………………. p 4-7-33-34BOURDIN Alain ……………………………. p 19BROM Jean-Marie ……………………………. p 11CANEVET Sébastien ……………………………. p 33-35CARDON Dominique ……………………………. p 37-38CASANOVAS Pompeu ……………………………. p 33-35CATELLIN Sylvie ……………………………. p 11-13CROSET Pascal ……………………………. p 23-25DANVERS Francis ……………………………. p 27DÉCHERY Chloé ……………………………. p 11-13-23-33-37DUBOIS François ……………………………. p 29-30FAVREAU Emmanuel ……………………………. p 19FLAHAULT François ……………………………. p 7-8GAYOU Evelyne ……………………………. p 19HATZFELD Marc ……………………………. p 15-16-18HEURGON Edith ……………………………. p 19-23JURDANT Baudouin ……………………………. p 11-12KANTOR Jean-Michel ……………………………. p 11-12KLEIN Etienne ……………………………. p 37-38LABORDE Denis ……………………………. p 27-28LANDRIEU Josée ……………………………. p 7-10-15-16-17LASSUS Geneviève ……………………………. p 7-9-10 LE ROY Etienne ……………………………. p 15-16LÉVY Jacques ……………………………. p 19-23LIÈVRE Pascal ……………………………. p 23-25LIPSYC Carole ……………………………. p 23-24LOTY Laurent ……………………………. p 11-13MEYERS Morton A. ……………………………. p 7-9 NORMAND Olivier ……………………………. p 11-13-23-33-37

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PANSU Denis ……………………………. p 37-38PISANI Guillermo ……………………………. p 11-13-23-33-37POBLET Martha ……………………………. p 33-35RICARDOU Jean ……………………………. p 37RICHOU Saphia ……………………………. p 23-24SAULIÈRE Alain ……………………………. p 15-17SAUSSOIS Jean-Michel ……………………………. p 33-34SZCZÉCINIARZ Jean-Jacques ……………………………. p 29TERUGGI Daniel ……………………………. p 19VALLÉE Robert ……………………………. p 29