La sociologie, l’anthropologie et l’entreprise québécoise
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Les cahiers des leçons inaugurales
La sociologie, l’anthropologie et l’entreprise québécoise : une
histoire, des enjeux, des recherches
Jean-Pierre Dupuis Professeur titulaire
aucune
aucun
Reliure :
1 broche en coin 2 broches à plat cahier 8¨1/2x11 cahier
5¨1/2x8¨1/2 collé avec ruban spirale
texte extérieur texte intérieurtexte intérieurtexte extérieur
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1 2 33 2
Type: [.PDF]
Nb pages 2: 2
Nb pages 2-3:
Remarque: Couvertures du cahier de la leçon inaugurale du 17 mai
2007 de Jean-Pierre Dupuis
Pliage int 2: Off
Jean-Pierre Dupuis
Jean-Pierre Dupuis est titulaire d’un baccalauréat et d’une
maîtrise ès sciences en sociologie de l’Université de Montréal et
d’un doctorat (Ph. D.) en anthropologie de la même université.
Chercheur à l’Institut québécois de recherche sur la culture au
début des années 1980, il travaille alors sur les pratiques
émancipatoires en milieu populaire. Il se joint au Service de
l’enseignement du management en 1990 où il oriente progressivement
ses recherches du côté du modèle québécois de développement
économique et des relations entre les entreprises québécoises et
son environnement social, culturel et politique. Il a publié trois
ouvrages collectifs : Le modèle québécois de développement
économique en 1995, Des sociétés en mutation en 2003 avec Pierre
Beaucage et Sociologie de l’entreprise en 2007. Il mène
actuellement diverses enquêtes sur la rencontre interculturelle en
gestion : l’une sur les expériences des gestionnaires et des hommes
d’affaires français au Québec; une deuxième sur celles des
Québécois faisant affaires à l’étranger (principalement aux
États-Unis, en France et au Mexique); et une troisième sur la
spécificité de l’entreprise multiculturelle montréalaise. Promus
titulaires, les professeurs de HEC Montréal sont invités à donner
un discours inaugural appelé leçon inaugurale, à l'intention de la
communauté universitaire. Dans le cadre de cette leçon, les
professeurs font part de leurs réflexions sur leur carrière et sur
la pratique de la gestion. COPYRIGHT, ©, mai 2007, Jean-Pierre
Dupuis
LA SOCIOLOGIE, L’ANTHROPOLOGIE ET L’ENTREPRISE QUÉBÉCOISE :
UNE HISTOIRE, DES ENJEUX, DES RECHERCHES
TABLE DES MATIÈRES
L’entreprise multiculturelle montréalaise
........................................................ 17
Conclusion : au-delà de l’entreprise québécoise
.............................................. 22
Bibliographie
.......................................................................................................
24
Introduction
Influencée principalement par la sociologie marxiste française, la
sociologie québécoise des années 1960 à 1980 a mis beaucoup de
temps à reconnaître l’entreprise comme objet de recherche. Dans ce
contexte de sociologie marxiste, l’entreprise était perçue comme un
lieu, un récipient, des luttes de classes entre les prolétaires,
les ouvriers et la bourgeoisie, le grand capital. Elle n’avait peu
ou pas d’autonomie, elle était un lieu sans enjeux locaux. Les
acteurs n’existaient qu’à travers leur appartenance à l’une ou à
l’autre des deux classes sociales et les entreprises industrielles
étaient toutes identiques.
Au Québec, à cette époque, cela se doublait d’une connotation
ethnique,
puisque la majorité des ouvriers étaient des Canadiens français et
que la majorité des grands capitalistes étaient des Anglo-Saxons
(Britanniques, Américains ou Canadiens anglais), si bien que
l’analyse en termes de luttes sociales se doublait d’une analyse en
termes de luttes nationales. C’est pourquoi, dans les années 1960,
les sociologues Jacques Dofny et Marcel Rioux (1962; voir aussi
Rioux, 1965) ont parlé d’une classe ethnique pour définir la place
des Canadiens français dans le capitalisme anglo-saxon1. La
rencontre des deux mondes – celui rural, catholique et français, et
celui industriel, protestant et anglo-saxon – dans la petite ville
de Drummondville, en voie d’industrialisation par la venue
d’entreprises américaines, avait déjà fait l’objet d’une étude d’un
anthropologue américain, Everett C. Hughes (1972), à la fin des
années 1930. En résumé, l’entreprise n’était pas une réalité
autonome mais un lieu de reproduction des classes sociales2.
La situation n’était guère mieux du côté de l’anthropologie
québécoise. Il est
vrai cependant que, par définition, l’anthropologie se spécialise
dans l’étude de l’autre, et que l’autre n’avait pas créé
l’entreprise moderne. De plus, l’anthropologie québécoise,
d’inspiration américaine à l’origine3, a été plus que d’autres,
tournée vers l’extérieur. Seule l’Université Laval, avec les
Marc-Adélard Tremblay, Gérald Louis Gold, Claude Bariteau et
compagnie, a maintenu un courant de recherches centré sur la
société québécoise et ses réalités (Bariteau et Genest, 1987). Dans
les années 1970, ils vont principalement travailler sur les effets
du développement du capitalisme et de la modernisation sur les
populations autochtones et la paysannerie. D’autres thèmes vont
émerger dans les années 1980 : la condition féminine, la santé,
l’organisation sociale, les études ethniques 1 Ouvrant ainsi la
voie à un débat entre les spécialistes des sciences sociales, voir
Halary (1978) à ce propos. 2 Il est à noter que, pour les
économistes, l’entreprise n’était pas plus animée; elle était une
boîte noire où des intrants se transformaient en produits et où
toute la dynamique interne des hommes et des femmes qui y
travaillaient était passée sous silence. C’est le marché qui
dominait l’entreprise en l’assujettissant à la loi de l’offre et de
la demande. Ainsi, si, du point de vue sociologique, l’entreprise
était le lieu de reproduction de la lutte des classes, elle était,
du point de vue économique, le lieu de la reproduction du marché. 3
Cette origine américaine crée un malaise au sein de l’anthropologie
québécoise selon l’anthropologue brésilien Guilhermo R. Ruben
(1993).
5
(Idem, p. 135). L’entreprise n’apparaît pas comme un objet de
recherche en soi pour les anthropologues québécois.
Il faut dire aussi que, de manière générale, pour l’anthropologie,
l’entreprise
n’était pas traditionnellement un objet central de recherche. Il y
a bien eu ici et là des anthropologues qui s’y sont intéressés,
mais pas pour l’entreprise elle-même. Il s’agissait plutôt
d’observer des phénomènes comme l’industrialisation, la domination
ou la stratification sociales à la manière des sociologues
marxistes évoqués précédemment, je pense notamment aux études des
anthropologues américains Everett C. Hughes et June Nash. Ou encore
il s’agissait d’étudier des questions d’identité sociale et
culturelle comme celle que se posait l’anthropologue britannique
Max Gluckman au tournant des années 1960 : le travailleur africain
dans les entreprises capitalistes est-il d’abord et avant tout un
africain ou un ouvrier ? En fait, dans ces études, c’est encore
l’influence marxiste qui a souvent dominé, et on parle davantage
d’anthropologie industrielle que d’anthropologie de l’entreprise4.
Où en sommes-nous aujourd’hui au Québec ?
Sous l’effet des théories des organisations américaines, fruit du
travail de politicologues, de psychologues et de sociologues
œuvrant dans des écoles de gestion, l’entreprise a retrouvé une
certaine épaisseur sociologique. Elle n’est plus seulement un lieu
de reproduction sociale mais elle est aussi un lieu d’actions, de
stratégies, d’enjeux pour les différents acteurs qui la composent.
C’est là, aux États-Unis, que le sociologue français Michel Crozier
est allé chercher, à la fin des années 1950, les éléments
nécessaires à la construction d’un modèle d’analyse lui permettant
de mieux saisir la dynamique des acteurs dans les organisations. Il
a développé son modèle dans les années 1960 et 1970, qui se trouve
sous sa forme la plus achevée dans L’acteur et le système publié en
1977. Cet ouvrage, écrit conjointement avec Erhard Friedberg, est
devenu la référence dans le monde francophone.
Cependant, la majorité des sociologues français ont rejeté cette
approche, la
trouvant trop à droite, trop peu critique à l’égard des dirigeants
d’entreprise. C’était l’époque où dominait la sociologie marxiste,
faut-il le rappeler. Néanmoins, petit à petit, sous l’effet de
l’essoufflement de la pensée marxiste qui avait de plus en plus de
mal à bien rendre compte des transformations des sociétés
occidentales, l’idée que l’entreprise puisse être regardée du point
de vue de sa dynamique interne faisait son chemin. Entre-temps, le
modèle d’analyse de
4 Voir à ce sujet Holzberg et Giovannini, 1981.
6
Crozier obtenait ses lettres de noblesse en sciences politiques, en
administration publique et dans les écoles de gestion où il était
fréquemment utilisé pour étudier les institutions politiques, les
organisations publiques et les grandes organisations privées,
notamment pour y étudier les rapports de pouvoir entre
acteurs.
Au Québec, l’approche de Michel Crozier n’a pas trouvé un écho
très
important dans les départements de sociologie. C’est plutôt, comme
en France, dans les départements de sciences politiques, en
administration publique et dans les écoles de gestion que
l’approche a connu un certain succès. C’est d’ailleurs dans un de
ces lieux, à HEC Montréal, que jeune sociologue, j’ai découvert les
travaux de Michel Crozier à la fin des années 1970. Plus tard,
devenu professeur de sociologie des organisations dans ce même
établissement, j’ai utilisé le modèle d’analyse de Crozier dans mes
enseignements. Cependant, ce modèle n’était pas parfait, comme tout
modèle d’ailleurs, et présentait certaines lacunes qui appelaient à
l’action.
Aussi paradoxal que cela puisse paraître, une de ces lacunes était
d’être
finalement une approche assez peu sociologique. En effet, les
concepts centraux dans le modèle de Crozier (ceux d’acteurs, de
ressources, de stratégies, d’enjeux, de pouvoir, de zones
d’incertitude, etc.) relèvent de l’analyse stratégique et sont
utilisés tant par les journalistes que par les spécialistes des
sciences sociales pour rendre compte de la réalité. En fait, il
s’agit de concepts élémentaires pour qui veut faire une analyse
d’une réalité en tenant compte des acteurs, qu’il s’agisse
d’individus, de groupes, d’organisations, d’institutions, de
mouvements sociaux ou de sociétés. Chez Crozier, le modèle est
d’abord une méthode d’analyse, une heuristique pouvant s’appliquer
à tout contexte organisationnel, qui permet notamment de comprendre
la dynamique du pouvoir dans les organisations. Par contre, il ne
vise pas à construire des typologies sociologiques d’acteurs ou
d’organisations qui nous permettraient de différencier les
entreprises les unes des autres, de les classer en fonction de leur
performance économique et sociale ou de leur dynamique sociale
interne5.
Pour lui, chaque entreprise est unique et doit être étudiée pour
mettre au jour
sa dynamique d’acteurs. Ce qui est fort juste du point de vue de la
méthodologie. Mais du point de vue de l’analyse, il faut dépasser
cet horizon et chercher à voir des tendances6. Y a-t-il des types
d’organisation en progression, d’autres en régression ? Y a-t-il
des dynamiques plus riches que d’autres en matière de retombées
sociales, de promotion de valeurs (égalité, justice, responsabilité
sociale, préservation de l’environnement, etc.) ? Or, comme
sociologue, ce sont 5 Comme le disent Crozier et Friedberg (2000,
p. 136) : « [Notre] perspective est avant tout heuristique. Elle
essaie de formuler un mode de raisonnement pour l’analyse de ces
processus [organisationnels], plutôt qu’une théorie substantive sur
l’émergence, la diffusion et/ou l’élimination de différentes formes
organisationnelles. » 6 La recherche des tendances est au cœur du
projet sociologique depuis les tout premiers débuts. À ce sujet,
voir Langlois (2003).
7
des questions qui nous intéressent, qui nous interpellent.
Là-dessus, le modèle de Crozier ne nous permet pas ce niveau de
compréhension, de généralisation. Pour ce faire, il faudra aller
voir d’autres sociologues, notamment Renaud Sainsaulieu (1977;
1987; avec Francfort et al. 1995) qui a beaucoup travaillé sur les
identités de groupes au travail et sur les identités d’entreprises
mais aussi sur ce qu’il appelait les modes de développement de
l’entreprise.
Pour ma part, j’ai essayé de construire un modèle de la dynamique
interne
de l’entreprise qui intègre les acquis de Crozier tout en les
dépassant pour inclure davantage de dimensions sociologiques.
L’idée était aussi et surtout de comprendre la dynamique interne de
l’entreprise du point de vue social et culturel plutôt que
simplement du point de vue stratégique. Or, la question des
régulations sociales, celle des identités sociales et celle des
processus culturels à l’œuvre en son sein étaient toutes des
questions qui permettent d’analyser l’entreprise d’un point de vue
sociologique. Pour ce faire, je me suis principalement appuyé sur
deux autres sociologues, soit Jean-Daniel Reynaud (1989) et Renaud
Sainsaulieu (Francfort et al., 1995).
En fait, ce modèle tient compte du fait que, pour moi, comme pour
la plupart
des individus, l’entreprise est plus qu’un simple lieu de travail :
c’est un milieu de vie. Les individus y passent une grande partie
de leur temps, et souvent de leur vie. Ils y créent des liens,
parfois très forts, qui marquent l’entreprise. J’ai essayé de
comprendre cette vie dans l’entreprise, de voir comment se forment
les alliances, les collaborations, les oppositions, les
affrontements entre les individus et les groupes qui la composent,
de voir comment s’articulent les diverses stratégies des acteurs
(de collaboration, d’affrontement, etc.) autour de buts et
d’intérêts divers, d’accès aux ressources et d’enjeux différents.
Je crois également que le type de contrôle qu’exerce la direction
de l’entreprise sur son personnel et les règles qui la gouvernent
ou s’y développent à son insu influent sur les stratégies des
individus et des groupes. Il résulte de ces jeux d’acteurs et des
processus culturels à l’œuvre des identités de groupes et
d’entreprises qui illustrent la richesse, la complexité et la
variété de la vie en entreprise. En fait, les entreprises se
distinguent les unes des autres parce que les individus et les
groupes qui les composent sont différents : certaines comptent plus
d’hommes, d’autres plus de femmes, elles sont plus ou moins
homogènes culturellement, marquées par les métiers manuels ou
intellectuels, certaines sont contrôlées par des étrangers,
d’autres par des intérêts locaux, par de grands gestionnaires, ou
par une famille, etc. Cette diversité des acteurs – comme de leurs
buts, de leurs intérêts et de leurs stratégies – se répercute sur
la dynamique interne de l’entreprise,
8
l’oriente et lui donne finalement une couleur particulière.
(Dupuis, 1998, p. 290; extrait légèrement modifié pour les besoins
de ce texte) Ce modèle (voir la représentation schématique à la
page suivante) est le
principal outil dans les cours de sociologie de l’entreprise que
nous offrons à HEC Montréal. Mais que ce soit sous cette forme, ou
sous d’autres (celle de Crozier et Friedberg [1977], ou celle de
Francfort et al. [1995]), cette approche centrée davantage sur les
acteurs n’est pas dominante chez les sociologues au Québec. C’est
plutôt l’approche de la régulation, plus proche de la pensée
marxiste, qui a connu un certain développement. Les porteurs de ce
courant sont deux sociologues très dynamiques de l’Université du
Québec à Montréal, Paul R. Bélanger et Benoît Lévesque, qui ont
réuni autour d’eux une équipe de sociologues.
9
Dimensions de l’analyse Variables de l’analyse
économiques
Relations négociation entre acteurs
économiques enjeux politiques symboliques ensemble de règles 1
autonomes ensemble de règles 2 etc.
Régulations ensemble de règles 1 de contrôle ensemble de règles 2
etc. ensemble de règles 1 conjointes ensemble de règes 2 etc.
modèle réglementaire de groupes modèle communautaire modèle
professionnel
Identités modèle de la mobilité modèle entrepreneurial
confrontation culturelle d’entreprises intégration culturelle
désintégration culturelle Tiré de : DUPUIS, J.-P., « Une approche
sociologique de la dynamique interne de l’entreprise », dans
J.-P.
Dupuis et A. Kuzminski (dir.), Sociologie de l’économie, du travail
et de l’entreprise, Boucherville, Gaëtan Morin, 1997, p. 357.
10
Bélanger et Lévesque (1994) proposent un modèle théorique de
l’entreprise s’appuyant largement sur la théorie de la régulation
qui privilégie l’étude des grandes entreprises industrielles et le
rapport salarial qui s’y déroule. En effet, selon les tenants de
cette théorie, la grande entreprise industrielle de l’après- guerre
s’appuie sur un compromis (appelé fordiste) qui consiste pour les
travailleurs à laisser carte blanche à la direction de l’entreprise
quant à l’organisation du travail en échange d’une rémunération
supérieure. Bien qu’intéressant, ce choix théorique restreint
l’étude à certaines catégories d’entreprises (les grandes
entreprises industrielles) et au rapport salarial qui s’y déroule.
De plus, ils s’intéressent plus particulièrement à la crise de ce
modèle (fordiste) et aux transformations de l’entreprise dans ce
contexte. Ils constatent une variété de configurations de
l’entreprise moderne, mais, prisonniers de leur modèle, ils
limitent celles-ci à des variantes du fordisme. Ainsi, selon eux,
il y a cinq modèles de modernisation des entreprises (fordistes) :
le fordisme renouvelé (sécurité d’emploi et flexibilité), le
néo-fordisme (segmentation; dualisme), le modèle californien
(individualisation et flexibilité), le taylorisme socio-démocrate
ou coopératif et le modèle de démocratie salariale.
Cette typologie nous permet d’appréhender la réalité de
certaines
entreprises, mais elle laisse croire en quelque sorte que toutes
les entreprises étaient fordistes « à l’origine ». Or, plusieurs
entreprises n’ont jamais été fordistes au sens défini par la
théorie de la régulation. On pense ici aux nombreuses petites et
moyennes entreprises qui représentent une grande partie des
entreprises au Québec. De plus, la dynamique sociale qui est
analysée dans ces études touche essentiellement l’organisation du
travail et ne prend pas en compte des dimensions aussi centrales
que les cultures et les identités au travail ou celles
d’entreprises. C’est particulièrement vrai des travaux récents qui
se concentrent surtout sur les innovations en milieu de travail et
qui adoptent des préoccupations de recherche plus américaines en
mesurant la performance économique de ces innovations, bien qu’ils
essaient aussi d’en évaluer la performance sociale (Lapointe et
Bellemare, 2006).
En dehors de ce groupe, il y a bien eu ici et là quelques
recherches, comme
celle de Hamel et Forgues (1995) sur les entreprises francophones,
celle de Billette, Carrier et Saglio (1991) sur les entreprises
manufacturières de la Beauce ou celle de Mercure (1996) sur les
entreprises forestières, mais il n’y a souvent pas de suite ou de
continuité à ces recherches plus isolées. De plus, elles portent
moins sur la dynamique sociale interne de l’entreprise que sur des
thématiques plus particulières : l’évolution de l’entreprise
francophone dans la société québécoise (ici on pourra lire aussi
Bélanger, 1998), le réseau des entreprises beauceronnes et les
stratégies de gestion des ressources humaines des entreprises
forestières.
11
Caractériser la dynamique interne des entreprises québécoises
Un des thèmes intéressants qui a retenu l’attention ces quinze
dernières
années est la tentative de caractérisation de la gestion
québécoise. En essayant de voir la spécificité de la gestion
québécoise, on examine la couleur que prend la dynamique interne de
l’entreprise dans le contexte québécois. Autrement dit, on se
demande si la dynamique des entreprises au Québec n’est pas marquée
par sa culture. À l’origine, ce thème a été initié par des
professeurs de gestion de HEC Montréal – Omar Aktouf, Renée Bédard
et Alain Chanlat (1992) – qui ont cru déceler l’existence d’un mode
de gestion québécois plus humaniste et plus participatif dans
l’entreprise Cascades, une multinationale québécoise dans le
secteur des pâtes et papier. Ces professeurs ont proposé cette
entreprise comme un modèle de rechange au modèle américain présenté
comme le modèle universel par bien des spécialistes de la gestion.
Ce qui a immédiatement soulevé l’intérêt des sociologues Paul
Bélanger et Benoît Lévesque (1995) de l’UQUAM, qui, à partir de
leurs enquêtes dans les entreprises québécoises, ont proposé une
lecture différente de celle de Aktouf, Bédard et Chanlat. De plus,
de jeunes sociologues de leur équipe et d’ailleurs ont pris
d’assaut l’entreprise Cascades pour examiner le modèle de gestion
de cette entreprise. Signalons qu’ils ont pu le faire grâce à
l’ouverture d’esprit de ses dirigeants qui ont laissé ces
chercheurs entrer dans leurs usines.
Ces chercheurs ont particulièrement ciblé les entreprises
syndiquées du
groupe Cascades pour mettre à l’épreuve et vérifier «
l’authenticité » de son modèle humaniste et participatif. En effet,
le modèle présenté par Aktouf, Bédard et Chanlat (1992) avait été
développé à partir du cas de l’usine du siège social du groupe, à
Kingsey Falls, qui n’était pas syndiquée. Les sociologues croyaient
davantage à la manipulation des ouvriers, sans ressources
syndicales, par les dirigeants qu’à un véritable mode de gestion
participatif. Pour eux, le test ultime de vérité (de véracité) de
ce modèle participatif devait avoir lieu dans les entreprises
syndiquées du groupe. Grâce à leurs enquêtes, ils ont démontré que,
dans un contexte syndical, la portée du modèle participatif de
Cascades était plutôt limitée (voir Bélanger et Lévesque, 1995;
Pépin 1996; Lapointe, 1997; Cloutier et Hamel, 1997). Dans ce
contexte, la participation des ouvriers était limitée et beaucoup
moins rose – les conflits étaient fréquents – que ne le décrivaient
les dirigeants et les Aktouf, Bédard et Chanlat. Dans leurs
analyses, la culture Cascades était souvent présentée et analysée
comme une idéologie ou un culte qui servait à manipuler les
ouvriers.
Dans la foulée de leurs travaux, Bélanger, Lapointe et Lévesque
(1998) ont
même avancé que de nombreuses entreprises syndiquées québécoises
étaient plus
12
participatives et plus originales du point de vue de la gestion que
Cascades qui correspondait à un mode de gestion paternaliste plus
traditionnel. Ils attribuaient aux syndicats un rôle important dans
l’élaboration de modes de gestion plus modernes et plus
démocratiques et avançaient même que ce modèle était probablement
dominant au Québec, et plus fréquent que dans d’autres sociétés
occidentales. Ils faisaient le lien entre ce mode de gestion et le
mode de gestion plus global de l’économie québécoise dominée par
l’État et de grandes institutions publiques, syndicales et privées,
et où une forme de partenariat existait pour ce qui est des grands
enjeux économiques.
Comme sociologue, anthropologue et professeur à HEC Montréal, j’ai
été
interpellé fortement par ce débat lancé par des professeurs de
l’École qui s’appuyaient sur les travaux d’Omar Aktouf. Ce dernier
avait utilisé l’ethnographie, la méthode centrale de ma formation
doctorale en anthropologie, pour recueillir son matériel. Mes
confrères sociologues, de qui je partageais l’esprit plus critique
envers les entreprises pour avoir fait un baccalauréat et une
maîtrise en sociologie, accordaient plus d’importance aux acteurs
ouvriers et à leur instrument d’émancipation que sont les
syndicats. En 1995, j’ai réuni et publié les premiers textes sur le
sujet dans un ouvrage collectif et en ai fait une synthèse critique
(Dupuis, 1995)7. J’ai aussi organisé, en 1997, une séance sur le
modèle Cascades dans le cadre du 65e Congrès de l’ACFAS, tenu à
Trois- Rivières, qui réunissait les chercheurs ayant mené une
enquête de terrain dans une usine de Cascades8.
Ce débat initié par les sociologues remettait en question la valeur
du modèle
Cascades à partir de leurs enquêtes dans les entreprises syndiquées
du groupe. Les dirigeants de l’entreprise, de leur côté,
soutenaient que c’était justement le syndicat qui les empêchait de
déployer toutes les ressources de leur modèle en interférant dans
leurs relations avec les employés. Qui croire ? Et que restait-il
alors de l’idée d’Aktouf, Bédard et Chanlat sur l’originalité
culturelle du modèle de gestion québécois ? Les gestionnaires
québécois étaient-ils plus participatifs, plus égalitaires, plus
ouverts que leurs homologues américains comme le voulaient la
découverte des premiers ? Pourquoi cela ne fonctionnait-il pas
aussi bien dans les milieux syndiqués, alors que d’autres formules
de participation semblaient bien fonctionner ailleurs, comme
l’avaient montré Bélanger, Lapointe et Lévesque (1998) ?
7 Pour être plus précis, les textes portant sur cette problématique
sont réunis dans la deuxième partie de cet ouvrage. La première
partie réunit des textes qui débattent des forces et des faiblesses
du modèle de développement économique québécois. Ma synthèse
critique porte sur l’ensemble des textes. 8 Étaient présents
Paul-André Lapointe, qui avait étudié l’usine de Jonquière, Fernand
Cloutier et Jacques Hamel, celle de East Angus, et Richard
Lavigueur, qui avait revisité l’usine de Kingsey Falls ayant fait
l’objet de l’enquête d’Omar Aktouf au début des années 1980.
Richard Lavigueur travaillait alors sous la supervision de ce
dernier. Notons que Normand Pépin, dont la thèse portait sur
l’usine d’East Angus, avait accepté de participer à cette séance
mais qu’il n’a pu se présenter.
13
Pour répondre en partie à ces questions, il me semblait que la
comparaison internationale était la meilleure solution. En effet,
si nous observions et comparions les modes de gestion des
gestionnaires québécois à ceux de leurs collègues d’autres cultures
à travers des expériences internationales, il serait possible de
dégager les « vraies » singularités de ce mode de gestion. De plus,
cette comparaison permettrait de sortir des débats locaux teintés
d’une opposition entre le point de vue patronal – supposément
défendu par les professeurs de gestion – et le point de vue
syndical – supposément défendu par les sociologues. Cette manière
d’aborder la question du mode de gestion québécois m’a amené à
travailler dans un champ où l’anthropologie, ou du moins ses
concepts, joue un rôle important, celui du management
interculturel.
Le concept de culture est central dans ce champ, et la plupart des
auteurs se
réfèrent aux définitions des anthropologues. C’est le cas de Geert
Hofstede (1980, 1991, 2002) qui domine ce champ de recherche depuis
près de trente ans, et de Philippe d’Iribarne (1989, 1998, 2003),
qui a proposé un modèle fort intéressant. Le premier définit la
culture comme « une programmation mentale » et opérationnalise le
concept à travers quatre ou cinq dimensions de portée universelle.
Il examine l’impact de ces dimensions culturelles sur la gestion.
Le deuxième définit la culture comme « référentiel de sens » (1993,
p. IX), reprenant ainsi la définition de l’anthropologue Clifford
Geertz (1973). Il tente plutôt de dégager le sens propre à une
culture et à comprendre les pratiques de gestion et la dynamique
interne des entreprises qui s’y trouvent à partir de ce sens.
Précisons que ces approches en management interculturel examinent
les liens entre la culture nationale et la gestion et partent très
souvent d’une hypothèse générale, à savoir qu’il n’y a pas un mode
de gestion universel, mais qu’il y a des modes de gestion qui sont
tributaires de cultures nationales.
Il existe peu de travaux sur le Québec dans ce champ du
management
interculturel (pour un bilan, voir Dupuis, 2002). Cela s’explique
aisément : le Québec n’est pas une grande nation ni ne joue un
grand rôle dans l’économie mondiale, bien que certaines de ses
entreprises commencent à y être très actives, comme Bombardier et
Cascades. Il y a eu quelques études dans la perspective de Hofstede
(par exemple : Punnett, 1991; Su et Lessard, 1998), mais elles ne
sont pas concluantes. En fait, les résultats sont contradictoires,
en partie à cause d’un manque de rigueur méthodologique des
chercheurs. Du côté de l’approche de P. d’Iribarne, un chercheur
comme Jean-Pierre Segal (1987, 1991, 1998), membre du même
laboratoire de recherche que d’Iribarne, a conduit quelques
enquêtes de terrain dans des filiales d’entreprises françaises au
Québec et aux États-Unis, et qui vont dans le sens des résultats
d’Aktouf, Bédard et Chanlat. En s’appuyant notamment mais pas
seulement sur les études de Segal, d’Iribarne (1998, p. 11, note 1)
classe le Québec dans la même catégorie que les petits pays
d’Europe du Nord comme la Belgique, les Pays-Bas et les pays
scandinaves, soit celle des
14
modes de gestion communautaire, qui sont, en général, plus axés sur
la participation et les rapports égalitaires dans
l’entreprise.
C’est à la fois pour vérifier ces résultats et les approfondir que
j’ai entrepris,
à l’automne 2001, un vaste mais très modeste chantier de recherche
auprès de gestionnaires québécois travaillant dans des contextes
culturels français, mexicains et américains et auprès de
gestionnaires de ces cultures travaillant au Québec ou dans des
entreprises québécoises. La confrontation des perceptions et des
expériences est un bon moyen de mettre au jour les caractéristiques
culturelles des pratiques de gestion des uns et des autres. Par
exemple, pour les Français travaillant au Québec, il ne fait aucun
doute que le mode de gestion québécois est différent du mode de
gestion français. Ils le trouvent beaucoup plus ouvert,
participatif, égalitaire et consensuel. Ce qui ne veut pas dire
qu’il le trouve plus efficace ou sans reproche. Au contraire, pour
les Français, la prise de décision plus consensuelle peut poser de
sérieux problèmes même si, sur papier, ils trouvent l’idée fort
intéressante. Mais, d’une part, ils ont du mal à ne pas associer
consensus à compromis, et compromis à compromission, ce qui est une
valeur extrêmement négative pour eux. D’autre part, les processus
de gestion qui excluent les discussions animées et les
affrontements musclés des points de vue les étonnent et les
déconcertent, voire les paralysent, d’autant plus qu’ils sont
rejetés par les Québécois, qui les traitent alors de « maudits
Français », s’ils adoptent cette attitude plus combative. Ils
doivent ainsi revoir leurs stratégies d’intégration et de
fonctionnement dans les entreprises québécoises (à ce sujet, voir
Dupuis, 2005).
Ce modèle de gestion est souvent identifié par les Français non pas
comme
étant québécois mais nord-américain, c’est-à-dire américain. Le
point de vue des gestionnaires français qui ont aussi travaillé aux
États-Unis avant de venir au Québec permet véritablement de mettre
en évidence les différences entre le mode de gestion québécois et
le mode américain. Ces gestionnaires français trouvent ainsi les
Américains beaucoup plus formels et individualistes que les
Québécois malgré que l’accent soit mis là aussi sur l’égalité, la
participation, voire la convivialité au travail. La comparaison des
modes de gestion québécois et américain par les Français fait
ressortir que la participation à la québécoise se conjugue
davantage sur le mode collectif que sur le mode individuel9.
En examinant le point de vue des dirigeants québécois ayant œuvré
dans les
deux contextes, français et américain, on arrive aussi à préciser
davantage ce qui distingue le mode de gestion québécois de celui
des Américains. Les dirigeants québécois d’entreprises de logiciels
rencontrés dans le contexte d’une enquête sur
9 Ce point de vue s’appuie sur un corpus d’une vingtaine
d’entretiens de gestionnaires français travaillant au Québec, dont
plusieurs avaient eu une expérience américaine avant leur venue au
Québec, ou ont entrecoupé leur séjour au Québec d’une expérience
américaine.
15
leurs expériences américaines et françaises se répartissent en deux
groupes sur cette question : l’un, minoritaire, soutient qu’il n’y
a fondamentalement pas de différences entre la façon de gérer des
Québécois et celle des Américains, l’autre, majoritaire, que la
gestion québécoise se situerait quelque part entre celle de la
France (ou de l’Europe) et celle des États-Unis (Dupuis et Dugré,
2005). Pour ce dernier groupe, il s’agit là d’un avantage qu’ont
les Québécois d’être capables de jouer sur les deux plans
culturels. Les dirigeants de ce dernier groupe constatent
d’ailleurs des différences importantes entre Québécois et
Américains. Par exemple, bien que les Québécois soient directs dans
leur mode de communication, ils ne le seraient pas autant que les
Américains. Ou encore, bien que la motivation des employés passe
par des incitatifs financiers forts et nombreux, la tendance n’est
pas aussi forte qu’aux États-Unis, la qualité des relations au
travail jouant énormément comme en Europe.
D’autres situations mettent en évidence d’autres interprétations du
modèle
de gestion des Québécois. Par exemple, les gestionnaires québécois,
qui se perçoivent eux-mêmes comme très ouverts et très
participatifs, sont souvent étonnés du peu de succès de leur mode
de gestion au Mexique par exemple10. Plusieurs ont même beaucoup de
mal à s’ajuster et quittent souvent le Mexique sans avoir réussi à
comprendre la dynamique des entreprises mexicaines. En fait, ces
derniers ont dû mal à imaginer qu’on puisse refuser une plus grande
égalité ou une plus grande participation dans l’entreprise. La
vérité, c’est qu’ils sont incapables de traduire dans des termes
culturels mexicains les pratiques participatives qu’ils vénèrent.
Ils croient leur position ouverte, progressive et moderne. Ce n’est
pas tant que les Mexicains ne veulent pas s’impliquer ou qu’ils ne
sont pas ouverts aux relations plus égalitaires. C’est plutôt que
le mode de gestion québécois doit être implanté différemment au
Mexique. D’Iribarne (2001) a donné un bel exemple d’une entreprise
française qui a réussi ce tour de force au Mexique.
La confrontation des perceptions du mode de gestion québécois avec
celles
de la France, des États-Unis et du Mexique fait ressortir non
seulement les caractéristiques centrales de ce mode, mais aussi une
attitude et des comportements différenciés des gestionnaires en
fonction des contextes culturels. Ainsi, face aux Français et à la
France, les Québécois affichent, avec une certaine arrogance, chez
eux du moins, la supériorité de leur modèle d’inspiration
américain. La comparaison avec le Mexique illustre plutôt une
certaine naïveté des gestionnaires québécois quant aux enjeux
culturels, ces derniers ne saisissant pas toujours la complexité du
contexte culturel mexicain. Quant à leur rapport avec les
Américains, il révèle une conception des affaires à l’américaine
dans un enrobage qui n’est pas si américain qu’il en a l’air. Reste
que, malgré toutes ces 10 Les informations contenues dans ce
paragraphe sont basées sur les études de B. Bonneau (1995), de K.
Henry (2006) et sur des entretiens réalisés auprès de gestionnaires
québécois travaillant ou ayant travaillé au Mexique (recherche en
cours).
16
remarques, beaucoup reste à faire pour bien comprendre cette ou ces
dynamiques culturelles des entreprises québécoises. Nous n’avons
pas beaucoup de données et, de plus, c’est un énorme chantier à
peine entamé (pour une première tentative de synthèse, voir Dupuis,
2007).
L’entreprise multiculturelle montréalaise Par ailleurs, j’ai aussi
commencé à examiner la dynamique interne des
entreprises multiculturelles montréalaises, surtout sous la forme
de cas. L’entreprise multiculturelle montréalaise est intéressante
à plusieurs points de vue. D’abord la très grande diversité
culturelle que nous retrouvons à Montréal fait en sorte que
certaines entreprises peuvent mettre en présence des dizaines de
cultures. Ensuite, la présence de deux grandes communautés
linguistiques, francophone et anglophone, crée une dynamique
particulière dans ces entreprises. En effet, dans un contexte
national dominé par une grande culture, comme dans la plupart des
grandes villes d’Occident, une langue s’impose naturellement malgré
la présence des langues des immigrants, comme l’anglais à Toronto,
à New York ou à Londres. À Montréal, la situation est différente,
deux langues dominent, l’anglais, langue de la majorité canadienne,
et le français, langue de la majorité des Québécois. La langue de
travail devient alors un enjeu important pour les deux communautés.
Quelle langue s’imposera au travail ?
En théorie, en entreprise, les deux langues sont supposées bien
cohabiter,
d’autant plus que l’on s’attend à ce que la plupart des personnes y
travaillant parlent les deux langues, particulièrement dans les
postes de gestion. Dans les faits, c’est plus compliqué, puisque le
bilinguisme anglais-français n’est pas généralisé et que, très
souvent, les personnes dites bilingues ne maîtrisent pas aussi bien
les deux langues. Tout cela fait que plusieurs individus, ou
groupes d’individus, cherchent à imposer dans l’entreprise leur
langue maternelle, en particulier aux employés étrangers et
immigrants. Cette concurrence plus ou moins affichée, souvent
larvée, entre les deux grandes communautés pour l’intégration
linguistique des étrangers et des immigrants rend plus difficile
l’intégration culturelle, comme le dialogue entre les cultures,
d’autant plus que les communautés d’immigrants ont souvent un
profil linguistique bien marqué en matière de langue seconde (à ce
sujet, voir Labelle et Lévy, 1995). Par exemple, les ressortissants
de l’Asie ont souvent l’anglais comme deuxième langue parlée,
tandis que ceux de l’Afrique du Nord ont plutôt le français.
Ainsi, souvent, le clivage linguistique entre les anglophones et
les
francophones se reproduit à la grandeur des communautés
immigrantes, mais, encore là, la situation n’est pas si simple.
L’exemple de la communauté italienne
17
peut servir à illustrer la complexité de la question. Les premières
générations d’Italiens ont adopté le français, mais, dans les
années 1960, ils ont massivement décidé d’envoyer leurs enfants à
l’école anglaise pour favoriser leur réussite sur le marché du
travail. On se retrouve donc aujourd’hui avec une vieille
génération d’Italiens qui parle français et une jeune génération
anglicisée qui, souvent, parle aussi le français, avec le maintien
de l’italien comme langue de communication entre les parents et les
enfants. On retrouve ce patron dans plusieurs autres communautés,
mais, parfois, c’est l’inverse qui se produit. Les parents ont
adopté l’anglais, alors que leurs enfants ont adopté le français
par le biais de l’école11.
Prenons quelques exemples concrets pour illustrer la dynamique
créée dans
l’entreprise multiculturelle par la présence de ces deux grandes
communautés linguistiques à Montréal. Dans une petite entreprise du
secteur de la bio- pharmacologie, une vingtaine de techniciens, de
chercheurs et de professionnels provenant de plus de quinze
cultures différentes, travaillent à développer des produits à la
fine pointe des connaissances12. Fondée par un Nord-Africain qui
s’associe avec des Québécois francophones, la langue de travail
dans cette entreprise est, la plupart du temps, le français. On
utilise l’anglais avec quelques personnes qui ne maîtrisent pas
encore assez bien le français. Le développement de l’entreprise
entraîne le recrutement d’un directeur de production. L’entreprise
le choisit sur la base de ses compétences techniques.
Malheureusement, ce nouveau directeur, originaire du Sud-Est
asiatique, ne parle pas le français. En peu de temps, il impose
l’anglais à son équipe, recrute surtout des personnes maîtrisant
l’anglais, mécontentant un certain nombre d’employés plus à l’aise
avec le français. Les relations entre les deux groupes iront en se
détériorant et plusieurs francophones quitteront même
l’entreprise.
Le cas de l’ancienne usine de Canadair, à Ville Saint-Laurent,
acquise par
Bombardier en 1986, est aussi très intéressant. Cette usine était
traditionnellement sous contrôle anglo-saxon et engageait un fort
contingent d’ingénieurs venus directement d’Angleterre. Dans son
histoire de l’entreprise Bombardier, le journaliste Miville
Tremblay (1994, p. 57) souligne la stupéfaction de la majorité des
employés anglophones lorsque Laurent Beaudoin s’adressa à eux en
français lors d’une cérémonie soulignant l’acquisition de l’usine.
Cette acquisition par une entreprise francophone ainsi que
l’obligation de franciser les milieux de travail, imposée depuis
1977 par la Charte de la langue française, auraient dû suffire
à
11 Il faut préciser ici que depuis l’adoption de la Charte de la
langue française, en 1977, les enfants d’immigrants sont obligés de
fréquenter l’école française au Québec. Dans le cas des vieilles
communautés immigrantes, les parents ont le droit d’envoyer leurs
enfants à l’école anglaise s’ils ont eux-mêmes faits leurs études
en anglais au Canada. Ces politiques ont été adoptées à la suite
des transferts massifs des Italiens des écoles francophones vers
les écoles anglophones, et à cause de la faible proportion
d’enfants d’immigrants se retrouvant à l’école française. 12
Matériel recueilli par Philippe Cimper et moi auprès de six
employés, pour la plupart des professionnels, dans cette entreprise
en 2002. Ces six personnes reflétaient la composition diversifiée
de l’entreprise : trois Québécois francophones, une Française, une
Roumaine et un Libanais d’origine arménienne.
18
transformer la dynamique interne de l’entreprise au profit des
francophones. Et pourtant ce ne fut pas le cas.
Les principaux dirigeants de l’entreprise ont invoqué le secteur,
fortement
mondialisé, de l’industrie aérospatiale pour expliquer et justifier
la prédominance de l’anglais dans l’entreprise, et ce, malgré
l’embauche de nombreux employés et ingénieurs francophones depuis
l’acquisition faite par Bombardier (et qui viennent s’ajouter aux
anglophones et aux allophones déjà présents en grand nombre). Or,
une étude menée par une équipe de sociologues de l’Université de
Montréal a montré qu’il y avait d’autres facteurs, internes
ceux-là, qui expliquaient le maintien de la prédominance de
l’anglais dans les relations de travail dans l’entreprise (McAll,
Montgomery, Teixera et Tremblay, 1998), notamment le refus
systématique des ingénieurs anglophones d’utiliser le français.
Pourtant, les sociologues concluent leur enquête en soutenant «
qu’il n’y a rien d’inévitable dans la prédominance d’une langue
dans ce secteur. Le travail lui- même ne l’exige pas (en termes
d’efficacité) et même pourrait exiger le contraire, dans la mesure
où la communication intra-équipe sur le plan local serait plus
importante pour la résolution des problèmes techniques et
scientifiques que la communication inter-équipes sur le plan
international. Il s’agirait surtout d’une question de gestion et de
volonté » (McAll, Montgomery, Teixera et Tremblay, 1998, p.
201).
Ainsi, la dynamique de l’entreprise multiculturelle montréalaise
est non
seulement marquée par les difficultés d’intégration de personnes
provenant de cultures différentes, mais aussi par des tensions
liées à l’existence de deux grandes communautés linguistiques qui
se disputent le territoire de l’entreprise. Différentes stratégies
ont probablement cours pour éviter ou atténuer ce conflit larvé –
il n’y a tout de même pas de guerre civile dans les entreprises
montréalaises –, mais elles sont peu documentées. Les travaux des
sociolinguistes qui se sont intéressés aux relations entre
francophones et anglophones à Montréal nous renseignent un peu sur
cette réalité, mais cela est loin d’être suffisant pour comprendre
finement ce qui se passe dans ces entreprises. Ces sociolinguistes
parlent de l’étiquette changeante de la pratique linguistique à
Montréal, qui se manifeste par un ensemble de jeux complexes.
Graham Fraser (2007, p.180) les résume ainsi :
Lorsque deux personnes bilingues se rencontrent, quelle langue
emploient-elles et comment la choisissent-elles ? La question
semble un peu bête, voire oiseuse, et elle n’appelle pour seule
réponse simple que « tout dépend ». Seulement voilà, l’éventail des
circonstances déterminant une réponse plus précise est un des
éléments qui rendent si fascinante la question des liens culturels.
Car cette réponse variera en fonction de la langue dans laquelle on
établit la relation, de l’endroit
19
où se déroule la conversation, de la présence ou non d’autres
personnes, de la nature de la relation et de tout un ensemble
d’autres facteurs tels que des velléités de domination (« Je
choisis la langue, ici »), le désir de mieux paraître (« Je parle
votre langue mieux que vous ne parlez la mienne »), l’exclusion («
Je parle ma langue avec mes seuls compatriotes, et vous n’en faites
pas partie »), la complicité (« Nous parlons cette langue, pas eux
»), la solidarité (« Je suis des vôtres » ou « Vous êtes des nôtres
») ou simplement le pragmatisme.
Pour les entreprises montréalaises, le défi est donc plus grand que
pour
d’autres entreprises, car il faut non seulement apprendre à gérer
la diversité culturelle de la main-d’œuvre, ce que peu
d’entreprises font, mais aussi le rapport tendu entre les deux
communautés linguistiques qui multiplient les jeux possibles au
sein des entreprises. En effet, comme immigrant ou membre d’une
communauté culturelle, je peux parler anglais, français ou même ma
langue maternelle, puisque la compétition entre les deux langues «
officielles » me laisse en quelque sorte un espace pour utiliser ma
propre langue maternelle avec mes compatriotes. Le jeu se corse
parfois comme me le disait un dirigeant québécois francophone
travaillant dans une entreprise multiculturelle à propos de ses
employés majoritairement asiatiques : « Je leur interdis de parler
leur langue maternelle en ma présence ou lorsqu’il y a des employés
d’autres nationalités; ils doivent alors se parler en français ou
en anglais. C’est aussi bon pour eux que pour moi puisqu’il y a des
Chinois, des Vietnamiens et des Cambodgiens parmi mon personnel. »
L’objectif de cette stratégie est d’éviter les suspicions et les
malentendus créés par l’usage de sa langue maternelle avec des
confrères de travail, langue que les autres ne comprennent
pas.
En fait, nous avons encore moins d’idées sur ce qui se passe à
l’intérieur de
ces entreprises multiculturelles qu’à l’intérieur des entreprises
québécoises plus homogènes culturellement. Les connaissances ici
sont embryonnaires et apparaissent surtout sous la forme de
mémoires de maîtrise et de thèses de doctorat produites au cours
des dix dernières années. On notera bien, avec un peu d’ironie, les
deux articles publiés dans la plus importante revue d’anthropologie
de l’Amérique francophone, Anthropologie et Sociétés, qui sont en
fait les deux seuls articles publiés sur les entreprises dans cette
revue qui existe depuis trente ans. Curieusement, ces deux articles
avaient le même objet de recherche : la main- d’œuvre féminine dans
des entreprises ethniques de vêtements à Montréal (Bernier, 1979;
Teal, 1986). Il s’agissait, dans les deux cas, d’une analyse
marxiste de l’organisation du travail dans ces entreprises
ethniques montréalaises. En fait, tout reste à faire du côté de
l’anthropologie comme je l’ai dit au début. Nous sommes ainsi bien
loin d’une typologie des entreprises multiculturelles qui nous
éclairerait sur les diverses dynamiques sociales internes et sur
les arrangements auxquels sont parvenus les différents acteurs qui
les composent.
20
Pour explorer cette question, et pour ne pas enfermer le cas de
l’entreprise
multiculturelle montréalaise dans la seule problématique
linguistique, prenons le cas de l’intégration de gestionnaires
nord-africains au sein des entreprises montréalaises qu’a étudié
Yousra Essid (2004) dans le cadre de son mémoire. Ce cas nous
informe aussi sur la dynamique interne des entreprises québécoises
comme nous le verrons. Yousra Essid a recueilli des données sur
l’expérience de travail et de gestion de cadres intermédiaires
originaires des pays du Maghreb qui ont été embauchés dans des
entreprises montréalaises. Pour ce faire, elle a interviewé
dix-huit cadres arrivés récemment au Québec et travaillant au sein
d’entreprises montréalaises, qui avaient également occupé des
postes semblables dans leur pays d’origine avant leur venue au
Québec. Que constate-t-elle ? Que ces gestionnaires ont une vision
très positive de leur expérience au sein de leur entreprise et
qu’ils apprécient particulièrement leurs supérieurs, qu’ils soient
francophones ou anglophones, parce qu’ils sont modestes (p. 137) et
qu’ils privilégient « l’égalité des conditions de travail,
l’ouverture des relations entre supérieurs et simples employés,
l’existence de discussions informelles » (p.138). Ces commentaires
de cadres sont très représentatifs de ce constat :
Mon patron actuel, je l’adore et c’est lui qui m’a retenu dans
cette succursale. C’est quelqu’un d’honnête, quelqu’un de
respectueux et d’humble. Il ne va pas, par exemple, vous considérer
différemment que vous soyez caissier ou adjointe ou secrétaire.
C’est bien quelqu’un qui respecte l’homme et non pas le titre.
(Extrait tiré de Essid, 2004, p. 137)
Lorsque je pense à mon supérieur en Tunisie, j’ai envie de pleurer
sur ces jours. Je n’en pouvais plus de l’entendre dire et insinuer
combien il se sent supérieur (…) Je peux dire que mon supérieur
maintenant est réellement cool. Il est très cool. Il est très
compréhensif et même empathique. (Extrait tiré de Essid, 2004, p.
142)
En fait, ces cadres originaires du Maghreb apprécient le modèle de
gestion
en place dans les entreprises parce qu’il leur permet de s’épanouir
pleinement et, même paradoxalement, d’y vivre davantage en accord
avec leurs valeurs traditionnelles de respect et de dignité que
dans leur propre pays où l’entreprise vit sous le règne du flou
organisationnel. Ce modèle de gestion, tel qu’ils le décrivent,
renvoie au modèle de gestion participatif, consensuel et
communautaire mis au jour par les recherches sur le mode de gestion
québécois dont j’ai parlé plus tôt. Leur intégration à l’entreprise
a été facile et s’est faite la plupart du temps dans le respect
mutuel13, ce qui contraste cependant fortement avec leur
intégration sociale dans la communauté québécoise, qu’ils jugent
beaucoup plus 13 Tout n’est pas rose pourtant, puisqu’il existe
aussi des entreprises « cloisonnées et égocentriques où tu te sens
facilement rejeté », comme l’indique un des informateurs de Essid
(2004, p. 145).
21
problématique. Ce qui est une tout autre question, explosive
celle-là, comme nous l’avons vu récemment avec la question des
accommodements raisonnables.
Ce constat de Yousra Essid est très riche et nous amène à nous
interroger
fortement, notamment sur la question de la gestion de la diversité
culturelle. Le modèle de gestion en place, notamment sa version
montréalaise qui reste à mieux définir, contiendrait-il en soi la
souplesse nécessaire à la bonne intégration des personnes de
communautés culturelles, du moins au niveau des cadres et des
professionnels ? Les résultats de Yousra Essid semblent l’indiquer
et contrastent fortement avec tout ce que sous-tend la littérature
en management interculturel qui parle davantage de choc des
cultures, de malentendus culturels, de conflits, que d’intégration
harmonieuse au sein des entreprises. Est-ce la tension entre les
communautés anglophone et francophone au sein des entreprises qui
crée les conditions propices à l’intégration en douceur des
immigrés et des membres des communautés culturelles dans un espace,
un entre-deux culturel, dans lequel ils pourraient se glisser avec
plus de facilité que dans les entreprises totalement dominées par
la culture de la majorité ? Est-ce seulement un cas de figure parmi
tant d’autres qui resteraient à découvrir ? Le cas de l’entreprise
montréalaise semble un cas à part qui mérite toute notre attention
de chercheur.
Conclusion : au-delà de l’entreprise québécoise La perception de
l’entreprise par les sociologues et, dans une moindre
mesure, par les anthropologues a beaucoup changé ces quarante
dernières années. L’entreprise est progressivement devenue un objet
de recherche en soi et non pas seulement un simple lieu de
reproduction des rapports sociaux de domination existant dans la
société capitaliste. Pour l’étudier, un outil a été développé. Dans
le monde francophone, c’est le modèle développé par Michel Crozier
qui a été le plus important. Ce modèle avait cependant
l’inconvénient d’utiliser surtout les concepts de l’économie
(acteurs, ressources, stratégies) et de la science politique
(règles, pouvoir) pour analyser les organisations. Les concepts
plus identifiés à la sociologie et à l’anthropologie, comme ceux
d’identité et de culture, étaient négligés. Le modèle que nous
avons développé, en continuité avec les travaux de Reynaud et
Sainsaulieu, met de l’avant ces concepts sans négliger les acquis
de Crozier.
L’usage de concepts davantage propres à la sociologie et à
l’anthropologie
amènera peut-être plus de sociologues et d’anthropologues à
s’intéresser à l’entreprise, à l’étudier. Elles pourraient aussi
amener d’autres à l’analyser autrement que comme un simple lieu de
domination et d’exploitation, à lui reconnaître une autonomie, une
existence, une capacité à faire la différence pour
22
les hommes et les femmes qui y travaillent. Car, au-delà des
jugements portés sur la valeur du système capitaliste et sur son
orientation actuelle, il faudrait peut-être reconnaître que
l’entreprise est capable du meilleur comme du pire. En l’étudiant
plus attentivement, en repérant les formes progressistes, en les
mettant de l’avant, serons-nous peut-être ainsi capables d’en
favoriser le meilleur et non le pire.
Finalement, étudier les caractéristiques de la gestion québécoise,
de même
que les perceptions, les attitudes et les pratiques des
gestionnaires québécois, dans une perspective comparative
internationale, c’est aussi étudier des questions sociologiques
fondamentales comme : Qui sommes-nous ? Des Nord-Américains, voire
des Américains qui s’ignorent, comme le pensent les historiens
Gérard Bouchard et Yvan Lamonde (1995) ? Des Latins du Nord comme
l’avance le sociologue québécois d’origine argentine Victor Armony
(2002) ? Des postmodernes, c’est-à-dire des êtres profondément
ambivalents, comme le soutient l’historien Jocelyn Létourneau
(2000) ? Mis à part ce « qui sommes- nous ? », d’autres questions
sont tout aussi captivantes : Quelle est notre place dans le monde
d’aujourd’hui ? Quelles contributions pouvons-nous y faire ? Quelle
société contribuons-nous à construire pour demain ? Toutes ces
questions sont évidemment liées entre elles. En effet, la façon de
nous percevoir et de nous projeter dans le monde déterminera en
grande partie le type d’action que nous entreprendrons. À travers
mes enquêtes auprès des gestionnaires d’ici et d’ailleurs, c’est
donc notre place dans le monde que j’explore. Et, je l’avoue bien
modestement, l’exploration ne fait que commencer !
23
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