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Les cahiers des leçons inaugurales La sociologie, l’anthropologie   et l’entreprise québécoise : une histoire, des enjeux,   des recherches Jean-Pierre Dupuis Professeur titulaire 17 mai 2007

La sociologie, l’anthropologie et l’entreprise québécoise

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Les cahiers des leçons inaugurales
La sociologie, l’anthropologie et l’entreprise québécoise : une histoire, des enjeux, des recherches
Jean-Pierre Dupuis Professeur titulaire
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Remarque: Couvertures du cahier de la leçon inaugurale du 17 mai 2007 de Jean-Pierre Dupuis
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Jean-Pierre Dupuis
Jean-Pierre Dupuis est titulaire d’un baccalauréat et d’une maîtrise ès sciences en sociologie de l’Université de Montréal et d’un doctorat (Ph. D.) en anthropologie de la même université. Chercheur à l’Institut québécois de recherche sur la culture au début des années 1980, il travaille alors sur les pratiques émancipatoires en milieu populaire. Il se joint au Service de l’enseignement du management en 1990 où il oriente progressivement ses recherches du côté du modèle québécois de développement économique et des relations entre les entreprises québécoises et son environnement social, culturel et politique. Il a publié trois ouvrages collectifs : Le modèle québécois de développement économique en 1995, Des sociétés en mutation en 2003 avec Pierre Beaucage et Sociologie de l’entreprise en 2007. Il mène actuellement diverses enquêtes sur la rencontre interculturelle en gestion : l’une sur les expériences des gestionnaires et des hommes d’affaires français au Québec; une deuxième sur celles des Québécois faisant affaires à l’étranger (principalement aux États-Unis, en France et au Mexique); et une troisième sur la spécificité de l’entreprise multiculturelle montréalaise. Promus titulaires, les professeurs de HEC Montréal sont invités à donner un discours inaugural appelé leçon inaugurale, à l'intention de la communauté universitaire. Dans le cadre de cette leçon, les professeurs font part de leurs réflexions sur leur carrière et sur la pratique de la gestion. COPYRIGHT, ©, mai 2007, Jean-Pierre Dupuis
LA SOCIOLOGIE, L’ANTHROPOLOGIE ET L’ENTREPRISE QUÉBÉCOISE :
UNE HISTOIRE, DES ENJEUX, DES RECHERCHES
TABLE DES MATIÈRES
L’entreprise multiculturelle montréalaise ........................................................ 17
Conclusion : au-delà de l’entreprise québécoise .............................................. 22
Bibliographie ....................................................................................................... 24
Introduction
Influencée principalement par la sociologie marxiste française, la sociologie québécoise des années 1960 à 1980 a mis beaucoup de temps à reconnaître l’entreprise comme objet de recherche. Dans ce contexte de sociologie marxiste, l’entreprise était perçue comme un lieu, un récipient, des luttes de classes entre les prolétaires, les ouvriers et la bourgeoisie, le grand capital. Elle n’avait peu ou pas d’autonomie, elle était un lieu sans enjeux locaux. Les acteurs n’existaient qu’à travers leur appartenance à l’une ou à l’autre des deux classes sociales et les entreprises industrielles étaient toutes identiques.
Au Québec, à cette époque, cela se doublait d’une connotation ethnique,
puisque la majorité des ouvriers étaient des Canadiens français et que la majorité des grands capitalistes étaient des Anglo-Saxons (Britanniques, Américains ou Canadiens anglais), si bien que l’analyse en termes de luttes sociales se doublait d’une analyse en termes de luttes nationales. C’est pourquoi, dans les années 1960, les sociologues Jacques Dofny et Marcel Rioux (1962; voir aussi Rioux, 1965) ont parlé d’une classe ethnique pour définir la place des Canadiens français dans le capitalisme anglo-saxon1. La rencontre des deux mondes – celui rural, catholique et français, et celui industriel, protestant et anglo-saxon – dans la petite ville de Drummondville, en voie d’industrialisation par la venue d’entreprises américaines, avait déjà fait l’objet d’une étude d’un anthropologue américain, Everett C. Hughes (1972), à la fin des années 1930. En résumé, l’entreprise n’était pas une réalité autonome mais un lieu de reproduction des classes sociales2.
La situation n’était guère mieux du côté de l’anthropologie québécoise. Il est
vrai cependant que, par définition, l’anthropologie se spécialise dans l’étude de l’autre, et que l’autre n’avait pas créé l’entreprise moderne. De plus, l’anthropologie québécoise, d’inspiration américaine à l’origine3, a été plus que d’autres, tournée vers l’extérieur. Seule l’Université Laval, avec les Marc-Adélard Tremblay, Gérald Louis Gold, Claude Bariteau et compagnie, a maintenu un courant de recherches centré sur la société québécoise et ses réalités (Bariteau et Genest, 1987). Dans les années 1970, ils vont principalement travailler sur les effets du développement du capitalisme et de la modernisation sur les populations autochtones et la paysannerie. D’autres thèmes vont émerger dans les années 1980 : la condition féminine, la santé, l’organisation sociale, les études ethniques 1 Ouvrant ainsi la voie à un débat entre les spécialistes des sciences sociales, voir Halary (1978) à ce propos. 2 Il est à noter que, pour les économistes, l’entreprise n’était pas plus animée; elle était une boîte noire où des intrants se transformaient en produits et où toute la dynamique interne des hommes et des femmes qui y travaillaient était passée sous silence. C’est le marché qui dominait l’entreprise en l’assujettissant à la loi de l’offre et de la demande. Ainsi, si, du point de vue sociologique, l’entreprise était le lieu de reproduction de la lutte des classes, elle était, du point de vue économique, le lieu de la reproduction du marché. 3 Cette origine américaine crée un malaise au sein de l’anthropologie québécoise selon l’anthropologue brésilien Guilhermo R. Ruben (1993).
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(Idem, p. 135). L’entreprise n’apparaît pas comme un objet de recherche en soi pour les anthropologues québécois.
Il faut dire aussi que, de manière générale, pour l’anthropologie, l’entreprise
n’était pas traditionnellement un objet central de recherche. Il y a bien eu ici et là des anthropologues qui s’y sont intéressés, mais pas pour l’entreprise elle-même. Il s’agissait plutôt d’observer des phénomènes comme l’industrialisation, la domination ou la stratification sociales à la manière des sociologues marxistes évoqués précédemment, je pense notamment aux études des anthropologues américains Everett C. Hughes et June Nash. Ou encore il s’agissait d’étudier des questions d’identité sociale et culturelle comme celle que se posait l’anthropologue britannique Max Gluckman au tournant des années 1960 : le travailleur africain dans les entreprises capitalistes est-il d’abord et avant tout un africain ou un ouvrier ? En fait, dans ces études, c’est encore l’influence marxiste qui a souvent dominé, et on parle davantage d’anthropologie industrielle que d’anthropologie de l’entreprise4. Où en sommes-nous aujourd’hui au Québec ?
Sous l’effet des théories des organisations américaines, fruit du travail de politicologues, de psychologues et de sociologues œuvrant dans des écoles de gestion, l’entreprise a retrouvé une certaine épaisseur sociologique. Elle n’est plus seulement un lieu de reproduction sociale mais elle est aussi un lieu d’actions, de stratégies, d’enjeux pour les différents acteurs qui la composent. C’est là, aux États-Unis, que le sociologue français Michel Crozier est allé chercher, à la fin des années 1950, les éléments nécessaires à la construction d’un modèle d’analyse lui permettant de mieux saisir la dynamique des acteurs dans les organisations. Il a développé son modèle dans les années 1960 et 1970, qui se trouve sous sa forme la plus achevée dans L’acteur et le système publié en 1977. Cet ouvrage, écrit conjointement avec Erhard Friedberg, est devenu la référence dans le monde francophone.
Cependant, la majorité des sociologues français ont rejeté cette approche, la
trouvant trop à droite, trop peu critique à l’égard des dirigeants d’entreprise. C’était l’époque où dominait la sociologie marxiste, faut-il le rappeler. Néanmoins, petit à petit, sous l’effet de l’essoufflement de la pensée marxiste qui avait de plus en plus de mal à bien rendre compte des transformations des sociétés occidentales, l’idée que l’entreprise puisse être regardée du point de vue de sa dynamique interne faisait son chemin. Entre-temps, le modèle d’analyse de
4 Voir à ce sujet Holzberg et Giovannini, 1981.
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Crozier obtenait ses lettres de noblesse en sciences politiques, en administration publique et dans les écoles de gestion où il était fréquemment utilisé pour étudier les institutions politiques, les organisations publiques et les grandes organisations privées, notamment pour y étudier les rapports de pouvoir entre acteurs.
Au Québec, l’approche de Michel Crozier n’a pas trouvé un écho très
important dans les départements de sociologie. C’est plutôt, comme en France, dans les départements de sciences politiques, en administration publique et dans les écoles de gestion que l’approche a connu un certain succès. C’est d’ailleurs dans un de ces lieux, à HEC Montréal, que jeune sociologue, j’ai découvert les travaux de Michel Crozier à la fin des années 1970. Plus tard, devenu professeur de sociologie des organisations dans ce même établissement, j’ai utilisé le modèle d’analyse de Crozier dans mes enseignements. Cependant, ce modèle n’était pas parfait, comme tout modèle d’ailleurs, et présentait certaines lacunes qui appelaient à l’action.
Aussi paradoxal que cela puisse paraître, une de ces lacunes était d’être
finalement une approche assez peu sociologique. En effet, les concepts centraux dans le modèle de Crozier (ceux d’acteurs, de ressources, de stratégies, d’enjeux, de pouvoir, de zones d’incertitude, etc.) relèvent de l’analyse stratégique et sont utilisés tant par les journalistes que par les spécialistes des sciences sociales pour rendre compte de la réalité. En fait, il s’agit de concepts élémentaires pour qui veut faire une analyse d’une réalité en tenant compte des acteurs, qu’il s’agisse d’individus, de groupes, d’organisations, d’institutions, de mouvements sociaux ou de sociétés. Chez Crozier, le modèle est d’abord une méthode d’analyse, une heuristique pouvant s’appliquer à tout contexte organisationnel, qui permet notamment de comprendre la dynamique du pouvoir dans les organisations. Par contre, il ne vise pas à construire des typologies sociologiques d’acteurs ou d’organisations qui nous permettraient de différencier les entreprises les unes des autres, de les classer en fonction de leur performance économique et sociale ou de leur dynamique sociale interne5.
Pour lui, chaque entreprise est unique et doit être étudiée pour mettre au jour
sa dynamique d’acteurs. Ce qui est fort juste du point de vue de la méthodologie. Mais du point de vue de l’analyse, il faut dépasser cet horizon et chercher à voir des tendances6. Y a-t-il des types d’organisation en progression, d’autres en régression ? Y a-t-il des dynamiques plus riches que d’autres en matière de retombées sociales, de promotion de valeurs (égalité, justice, responsabilité sociale, préservation de l’environnement, etc.) ? Or, comme sociologue, ce sont 5 Comme le disent Crozier et Friedberg (2000, p. 136) : « [Notre] perspective est avant tout heuristique. Elle essaie de formuler un mode de raisonnement pour l’analyse de ces processus [organisationnels], plutôt qu’une théorie substantive sur l’émergence, la diffusion et/ou l’élimination de différentes formes organisationnelles. » 6 La recherche des tendances est au cœur du projet sociologique depuis les tout premiers débuts. À ce sujet, voir Langlois (2003).
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des questions qui nous intéressent, qui nous interpellent. Là-dessus, le modèle de Crozier ne nous permet pas ce niveau de compréhension, de généralisation. Pour ce faire, il faudra aller voir d’autres sociologues, notamment Renaud Sainsaulieu (1977; 1987; avec Francfort et al. 1995) qui a beaucoup travaillé sur les identités de groupes au travail et sur les identités d’entreprises mais aussi sur ce qu’il appelait les modes de développement de l’entreprise.
Pour ma part, j’ai essayé de construire un modèle de la dynamique interne
de l’entreprise qui intègre les acquis de Crozier tout en les dépassant pour inclure davantage de dimensions sociologiques. L’idée était aussi et surtout de comprendre la dynamique interne de l’entreprise du point de vue social et culturel plutôt que simplement du point de vue stratégique. Or, la question des régulations sociales, celle des identités sociales et celle des processus culturels à l’œuvre en son sein étaient toutes des questions qui permettent d’analyser l’entreprise d’un point de vue sociologique. Pour ce faire, je me suis principalement appuyé sur deux autres sociologues, soit Jean-Daniel Reynaud (1989) et Renaud Sainsaulieu (Francfort et al., 1995).
En fait, ce modèle tient compte du fait que, pour moi, comme pour la plupart
des individus, l’entreprise est plus qu’un simple lieu de travail : c’est un milieu de vie. Les individus y passent une grande partie de leur temps, et souvent de leur vie. Ils y créent des liens, parfois très forts, qui marquent l’entreprise. J’ai essayé de comprendre cette vie dans l’entreprise, de voir comment se forment les alliances, les collaborations, les oppositions, les affrontements entre les individus et les groupes qui la composent, de voir comment s’articulent les diverses stratégies des acteurs (de collaboration, d’affrontement, etc.) autour de buts et d’intérêts divers, d’accès aux ressources et d’enjeux différents. Je crois également que le type de contrôle qu’exerce la direction de l’entreprise sur son personnel et les règles qui la gouvernent ou s’y développent à son insu influent sur les stratégies des individus et des groupes. Il résulte de ces jeux d’acteurs et des processus culturels à l’œuvre des identités de groupes et d’entreprises qui illustrent la richesse, la complexité et la variété de la vie en entreprise. En fait, les entreprises se distinguent les unes des autres parce que les individus et les groupes qui les composent sont différents : certaines comptent plus d’hommes, d’autres plus de femmes, elles sont plus ou moins homogènes culturellement, marquées par les métiers manuels ou intellectuels, certaines sont contrôlées par des étrangers, d’autres par des intérêts locaux, par de grands gestionnaires, ou par une famille, etc. Cette diversité des acteurs – comme de leurs buts, de leurs intérêts et de leurs stratégies – se répercute sur la dynamique interne de l’entreprise,
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l’oriente et lui donne finalement une couleur particulière. (Dupuis, 1998, p. 290; extrait légèrement modifié pour les besoins de ce texte) Ce modèle (voir la représentation schématique à la page suivante) est le
principal outil dans les cours de sociologie de l’entreprise que nous offrons à HEC Montréal. Mais que ce soit sous cette forme, ou sous d’autres (celle de Crozier et Friedberg [1977], ou celle de Francfort et al. [1995]), cette approche centrée davantage sur les acteurs n’est pas dominante chez les sociologues au Québec. C’est plutôt l’approche de la régulation, plus proche de la pensée marxiste, qui a connu un certain développement. Les porteurs de ce courant sont deux sociologues très dynamiques de l’Université du Québec à Montréal, Paul R. Bélanger et Benoît Lévesque, qui ont réuni autour d’eux une équipe de sociologues.
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Dimensions de l’analyse Variables de l’analyse
économiques
Relations négociation entre acteurs
économiques enjeux politiques symboliques ensemble de règles 1 autonomes ensemble de règles 2 etc.
Régulations ensemble de règles 1 de contrôle ensemble de règles 2 etc. ensemble de règles 1 conjointes ensemble de règes 2 etc. modèle réglementaire de groupes modèle communautaire modèle professionnel
Identités modèle de la mobilité modèle entrepreneurial confrontation culturelle d’entreprises intégration culturelle désintégration culturelle Tiré de : DUPUIS, J.-P., « Une approche sociologique de la dynamique interne de l’entreprise », dans J.-P.
Dupuis et A. Kuzminski (dir.), Sociologie de l’économie, du travail et de l’entreprise, Boucherville, Gaëtan Morin, 1997, p. 357.
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Bélanger et Lévesque (1994) proposent un modèle théorique de l’entreprise s’appuyant largement sur la théorie de la régulation qui privilégie l’étude des grandes entreprises industrielles et le rapport salarial qui s’y déroule. En effet, selon les tenants de cette théorie, la grande entreprise industrielle de l’après- guerre s’appuie sur un compromis (appelé fordiste) qui consiste pour les travailleurs à laisser carte blanche à la direction de l’entreprise quant à l’organisation du travail en échange d’une rémunération supérieure. Bien qu’intéressant, ce choix théorique restreint l’étude à certaines catégories d’entreprises (les grandes entreprises industrielles) et au rapport salarial qui s’y déroule. De plus, ils s’intéressent plus particulièrement à la crise de ce modèle (fordiste) et aux transformations de l’entreprise dans ce contexte. Ils constatent une variété de configurations de l’entreprise moderne, mais, prisonniers de leur modèle, ils limitent celles-ci à des variantes du fordisme. Ainsi, selon eux, il y a cinq modèles de modernisation des entreprises (fordistes) : le fordisme renouvelé (sécurité d’emploi et flexibilité), le néo-fordisme (segmentation; dualisme), le modèle californien (individualisation et flexibilité), le taylorisme socio-démocrate ou coopératif et le modèle de démocratie salariale.
Cette typologie nous permet d’appréhender la réalité de certaines
entreprises, mais elle laisse croire en quelque sorte que toutes les entreprises étaient fordistes « à l’origine ». Or, plusieurs entreprises n’ont jamais été fordistes au sens défini par la théorie de la régulation. On pense ici aux nombreuses petites et moyennes entreprises qui représentent une grande partie des entreprises au Québec. De plus, la dynamique sociale qui est analysée dans ces études touche essentiellement l’organisation du travail et ne prend pas en compte des dimensions aussi centrales que les cultures et les identités au travail ou celles d’entreprises. C’est particulièrement vrai des travaux récents qui se concentrent surtout sur les innovations en milieu de travail et qui adoptent des préoccupations de recherche plus américaines en mesurant la performance économique de ces innovations, bien qu’ils essaient aussi d’en évaluer la performance sociale (Lapointe et Bellemare, 2006).
En dehors de ce groupe, il y a bien eu ici et là quelques recherches, comme
celle de Hamel et Forgues (1995) sur les entreprises francophones, celle de Billette, Carrier et Saglio (1991) sur les entreprises manufacturières de la Beauce ou celle de Mercure (1996) sur les entreprises forestières, mais il n’y a souvent pas de suite ou de continuité à ces recherches plus isolées. De plus, elles portent moins sur la dynamique sociale interne de l’entreprise que sur des thématiques plus particulières : l’évolution de l’entreprise francophone dans la société québécoise (ici on pourra lire aussi Bélanger, 1998), le réseau des entreprises beauceronnes et les stratégies de gestion des ressources humaines des entreprises forestières.
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Caractériser la dynamique interne des entreprises québécoises
Un des thèmes intéressants qui a retenu l’attention ces quinze dernières
années est la tentative de caractérisation de la gestion québécoise. En essayant de voir la spécificité de la gestion québécoise, on examine la couleur que prend la dynamique interne de l’entreprise dans le contexte québécois. Autrement dit, on se demande si la dynamique des entreprises au Québec n’est pas marquée par sa culture. À l’origine, ce thème a été initié par des professeurs de gestion de HEC Montréal – Omar Aktouf, Renée Bédard et Alain Chanlat (1992) – qui ont cru déceler l’existence d’un mode de gestion québécois plus humaniste et plus participatif dans l’entreprise Cascades, une multinationale québécoise dans le secteur des pâtes et papier. Ces professeurs ont proposé cette entreprise comme un modèle de rechange au modèle américain présenté comme le modèle universel par bien des spécialistes de la gestion. Ce qui a immédiatement soulevé l’intérêt des sociologues Paul Bélanger et Benoît Lévesque (1995) de l’UQUAM, qui, à partir de leurs enquêtes dans les entreprises québécoises, ont proposé une lecture différente de celle de Aktouf, Bédard et Chanlat. De plus, de jeunes sociologues de leur équipe et d’ailleurs ont pris d’assaut l’entreprise Cascades pour examiner le modèle de gestion de cette entreprise. Signalons qu’ils ont pu le faire grâce à l’ouverture d’esprit de ses dirigeants qui ont laissé ces chercheurs entrer dans leurs usines.
Ces chercheurs ont particulièrement ciblé les entreprises syndiquées du
groupe Cascades pour mettre à l’épreuve et vérifier « l’authenticité » de son modèle humaniste et participatif. En effet, le modèle présenté par Aktouf, Bédard et Chanlat (1992) avait été développé à partir du cas de l’usine du siège social du groupe, à Kingsey Falls, qui n’était pas syndiquée. Les sociologues croyaient davantage à la manipulation des ouvriers, sans ressources syndicales, par les dirigeants qu’à un véritable mode de gestion participatif. Pour eux, le test ultime de vérité (de véracité) de ce modèle participatif devait avoir lieu dans les entreprises syndiquées du groupe. Grâce à leurs enquêtes, ils ont démontré que, dans un contexte syndical, la portée du modèle participatif de Cascades était plutôt limitée (voir Bélanger et Lévesque, 1995; Pépin 1996; Lapointe, 1997; Cloutier et Hamel, 1997). Dans ce contexte, la participation des ouvriers était limitée et beaucoup moins rose – les conflits étaient fréquents – que ne le décrivaient les dirigeants et les Aktouf, Bédard et Chanlat. Dans leurs analyses, la culture Cascades était souvent présentée et analysée comme une idéologie ou un culte qui servait à manipuler les ouvriers.
Dans la foulée de leurs travaux, Bélanger, Lapointe et Lévesque (1998) ont
même avancé que de nombreuses entreprises syndiquées québécoises étaient plus
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participatives et plus originales du point de vue de la gestion que Cascades qui correspondait à un mode de gestion paternaliste plus traditionnel. Ils attribuaient aux syndicats un rôle important dans l’élaboration de modes de gestion plus modernes et plus démocratiques et avançaient même que ce modèle était probablement dominant au Québec, et plus fréquent que dans d’autres sociétés occidentales. Ils faisaient le lien entre ce mode de gestion et le mode de gestion plus global de l’économie québécoise dominée par l’État et de grandes institutions publiques, syndicales et privées, et où une forme de partenariat existait pour ce qui est des grands enjeux économiques.
Comme sociologue, anthropologue et professeur à HEC Montréal, j’ai été
interpellé fortement par ce débat lancé par des professeurs de l’École qui s’appuyaient sur les travaux d’Omar Aktouf. Ce dernier avait utilisé l’ethnographie, la méthode centrale de ma formation doctorale en anthropologie, pour recueillir son matériel. Mes confrères sociologues, de qui je partageais l’esprit plus critique envers les entreprises pour avoir fait un baccalauréat et une maîtrise en sociologie, accordaient plus d’importance aux acteurs ouvriers et à leur instrument d’émancipation que sont les syndicats. En 1995, j’ai réuni et publié les premiers textes sur le sujet dans un ouvrage collectif et en ai fait une synthèse critique (Dupuis, 1995)7. J’ai aussi organisé, en 1997, une séance sur le modèle Cascades dans le cadre du 65e Congrès de l’ACFAS, tenu à Trois- Rivières, qui réunissait les chercheurs ayant mené une enquête de terrain dans une usine de Cascades8.
Ce débat initié par les sociologues remettait en question la valeur du modèle
Cascades à partir de leurs enquêtes dans les entreprises syndiquées du groupe. Les dirigeants de l’entreprise, de leur côté, soutenaient que c’était justement le syndicat qui les empêchait de déployer toutes les ressources de leur modèle en interférant dans leurs relations avec les employés. Qui croire ? Et que restait-il alors de l’idée d’Aktouf, Bédard et Chanlat sur l’originalité culturelle du modèle de gestion québécois ? Les gestionnaires québécois étaient-ils plus participatifs, plus égalitaires, plus ouverts que leurs homologues américains comme le voulaient la découverte des premiers ? Pourquoi cela ne fonctionnait-il pas aussi bien dans les milieux syndiqués, alors que d’autres formules de participation semblaient bien fonctionner ailleurs, comme l’avaient montré Bélanger, Lapointe et Lévesque (1998) ?
7 Pour être plus précis, les textes portant sur cette problématique sont réunis dans la deuxième partie de cet ouvrage. La première partie réunit des textes qui débattent des forces et des faiblesses du modèle de développement économique québécois. Ma synthèse critique porte sur l’ensemble des textes. 8 Étaient présents Paul-André Lapointe, qui avait étudié l’usine de Jonquière, Fernand Cloutier et Jacques Hamel, celle de East Angus, et Richard Lavigueur, qui avait revisité l’usine de Kingsey Falls ayant fait l’objet de l’enquête d’Omar Aktouf au début des années 1980. Richard Lavigueur travaillait alors sous la supervision de ce dernier. Notons que Normand Pépin, dont la thèse portait sur l’usine d’East Angus, avait accepté de participer à cette séance mais qu’il n’a pu se présenter.
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Pour répondre en partie à ces questions, il me semblait que la comparaison internationale était la meilleure solution. En effet, si nous observions et comparions les modes de gestion des gestionnaires québécois à ceux de leurs collègues d’autres cultures à travers des expériences internationales, il serait possible de dégager les « vraies » singularités de ce mode de gestion. De plus, cette comparaison permettrait de sortir des débats locaux teintés d’une opposition entre le point de vue patronal – supposément défendu par les professeurs de gestion – et le point de vue syndical – supposément défendu par les sociologues. Cette manière d’aborder la question du mode de gestion québécois m’a amené à travailler dans un champ où l’anthropologie, ou du moins ses concepts, joue un rôle important, celui du management interculturel.
Le concept de culture est central dans ce champ, et la plupart des auteurs se
réfèrent aux définitions des anthropologues. C’est le cas de Geert Hofstede (1980, 1991, 2002) qui domine ce champ de recherche depuis près de trente ans, et de Philippe d’Iribarne (1989, 1998, 2003), qui a proposé un modèle fort intéressant. Le premier définit la culture comme « une programmation mentale » et opérationnalise le concept à travers quatre ou cinq dimensions de portée universelle. Il examine l’impact de ces dimensions culturelles sur la gestion. Le deuxième définit la culture comme « référentiel de sens » (1993, p. IX), reprenant ainsi la définition de l’anthropologue Clifford Geertz (1973). Il tente plutôt de dégager le sens propre à une culture et à comprendre les pratiques de gestion et la dynamique interne des entreprises qui s’y trouvent à partir de ce sens. Précisons que ces approches en management interculturel examinent les liens entre la culture nationale et la gestion et partent très souvent d’une hypothèse générale, à savoir qu’il n’y a pas un mode de gestion universel, mais qu’il y a des modes de gestion qui sont tributaires de cultures nationales.
Il existe peu de travaux sur le Québec dans ce champ du management
interculturel (pour un bilan, voir Dupuis, 2002). Cela s’explique aisément : le Québec n’est pas une grande nation ni ne joue un grand rôle dans l’économie mondiale, bien que certaines de ses entreprises commencent à y être très actives, comme Bombardier et Cascades. Il y a eu quelques études dans la perspective de Hofstede (par exemple : Punnett, 1991; Su et Lessard, 1998), mais elles ne sont pas concluantes. En fait, les résultats sont contradictoires, en partie à cause d’un manque de rigueur méthodologique des chercheurs. Du côté de l’approche de P. d’Iribarne, un chercheur comme Jean-Pierre Segal (1987, 1991, 1998), membre du même laboratoire de recherche que d’Iribarne, a conduit quelques enquêtes de terrain dans des filiales d’entreprises françaises au Québec et aux États-Unis, et qui vont dans le sens des résultats d’Aktouf, Bédard et Chanlat. En s’appuyant notamment mais pas seulement sur les études de Segal, d’Iribarne (1998, p. 11, note 1) classe le Québec dans la même catégorie que les petits pays d’Europe du Nord comme la Belgique, les Pays-Bas et les pays scandinaves, soit celle des
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modes de gestion communautaire, qui sont, en général, plus axés sur la participation et les rapports égalitaires dans l’entreprise.
C’est à la fois pour vérifier ces résultats et les approfondir que j’ai entrepris,
à l’automne 2001, un vaste mais très modeste chantier de recherche auprès de gestionnaires québécois travaillant dans des contextes culturels français, mexicains et américains et auprès de gestionnaires de ces cultures travaillant au Québec ou dans des entreprises québécoises. La confrontation des perceptions et des expériences est un bon moyen de mettre au jour les caractéristiques culturelles des pratiques de gestion des uns et des autres. Par exemple, pour les Français travaillant au Québec, il ne fait aucun doute que le mode de gestion québécois est différent du mode de gestion français. Ils le trouvent beaucoup plus ouvert, participatif, égalitaire et consensuel. Ce qui ne veut pas dire qu’il le trouve plus efficace ou sans reproche. Au contraire, pour les Français, la prise de décision plus consensuelle peut poser de sérieux problèmes même si, sur papier, ils trouvent l’idée fort intéressante. Mais, d’une part, ils ont du mal à ne pas associer consensus à compromis, et compromis à compromission, ce qui est une valeur extrêmement négative pour eux. D’autre part, les processus de gestion qui excluent les discussions animées et les affrontements musclés des points de vue les étonnent et les déconcertent, voire les paralysent, d’autant plus qu’ils sont rejetés par les Québécois, qui les traitent alors de « maudits Français », s’ils adoptent cette attitude plus combative. Ils doivent ainsi revoir leurs stratégies d’intégration et de fonctionnement dans les entreprises québécoises (à ce sujet, voir Dupuis, 2005).
Ce modèle de gestion est souvent identifié par les Français non pas comme
étant québécois mais nord-américain, c’est-à-dire américain. Le point de vue des gestionnaires français qui ont aussi travaillé aux États-Unis avant de venir au Québec permet véritablement de mettre en évidence les différences entre le mode de gestion québécois et le mode américain. Ces gestionnaires français trouvent ainsi les Américains beaucoup plus formels et individualistes que les Québécois malgré que l’accent soit mis là aussi sur l’égalité, la participation, voire la convivialité au travail. La comparaison des modes de gestion québécois et américain par les Français fait ressortir que la participation à la québécoise se conjugue davantage sur le mode collectif que sur le mode individuel9.
En examinant le point de vue des dirigeants québécois ayant œuvré dans les
deux contextes, français et américain, on arrive aussi à préciser davantage ce qui distingue le mode de gestion québécois de celui des Américains. Les dirigeants québécois d’entreprises de logiciels rencontrés dans le contexte d’une enquête sur
9 Ce point de vue s’appuie sur un corpus d’une vingtaine d’entretiens de gestionnaires français travaillant au Québec, dont plusieurs avaient eu une expérience américaine avant leur venue au Québec, ou ont entrecoupé leur séjour au Québec d’une expérience américaine.
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leurs expériences américaines et françaises se répartissent en deux groupes sur cette question : l’un, minoritaire, soutient qu’il n’y a fondamentalement pas de différences entre la façon de gérer des Québécois et celle des Américains, l’autre, majoritaire, que la gestion québécoise se situerait quelque part entre celle de la France (ou de l’Europe) et celle des États-Unis (Dupuis et Dugré, 2005). Pour ce dernier groupe, il s’agit là d’un avantage qu’ont les Québécois d’être capables de jouer sur les deux plans culturels. Les dirigeants de ce dernier groupe constatent d’ailleurs des différences importantes entre Québécois et Américains. Par exemple, bien que les Québécois soient directs dans leur mode de communication, ils ne le seraient pas autant que les Américains. Ou encore, bien que la motivation des employés passe par des incitatifs financiers forts et nombreux, la tendance n’est pas aussi forte qu’aux États-Unis, la qualité des relations au travail jouant énormément comme en Europe.
D’autres situations mettent en évidence d’autres interprétations du modèle
de gestion des Québécois. Par exemple, les gestionnaires québécois, qui se perçoivent eux-mêmes comme très ouverts et très participatifs, sont souvent étonnés du peu de succès de leur mode de gestion au Mexique par exemple10. Plusieurs ont même beaucoup de mal à s’ajuster et quittent souvent le Mexique sans avoir réussi à comprendre la dynamique des entreprises mexicaines. En fait, ces derniers ont dû mal à imaginer qu’on puisse refuser une plus grande égalité ou une plus grande participation dans l’entreprise. La vérité, c’est qu’ils sont incapables de traduire dans des termes culturels mexicains les pratiques participatives qu’ils vénèrent. Ils croient leur position ouverte, progressive et moderne. Ce n’est pas tant que les Mexicains ne veulent pas s’impliquer ou qu’ils ne sont pas ouverts aux relations plus égalitaires. C’est plutôt que le mode de gestion québécois doit être implanté différemment au Mexique. D’Iribarne (2001) a donné un bel exemple d’une entreprise française qui a réussi ce tour de force au Mexique.
La confrontation des perceptions du mode de gestion québécois avec celles
de la France, des États-Unis et du Mexique fait ressortir non seulement les caractéristiques centrales de ce mode, mais aussi une attitude et des comportements différenciés des gestionnaires en fonction des contextes culturels. Ainsi, face aux Français et à la France, les Québécois affichent, avec une certaine arrogance, chez eux du moins, la supériorité de leur modèle d’inspiration américain. La comparaison avec le Mexique illustre plutôt une certaine naïveté des gestionnaires québécois quant aux enjeux culturels, ces derniers ne saisissant pas toujours la complexité du contexte culturel mexicain. Quant à leur rapport avec les Américains, il révèle une conception des affaires à l’américaine dans un enrobage qui n’est pas si américain qu’il en a l’air. Reste que, malgré toutes ces 10 Les informations contenues dans ce paragraphe sont basées sur les études de B. Bonneau (1995), de K. Henry (2006) et sur des entretiens réalisés auprès de gestionnaires québécois travaillant ou ayant travaillé au Mexique (recherche en cours).
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remarques, beaucoup reste à faire pour bien comprendre cette ou ces dynamiques culturelles des entreprises québécoises. Nous n’avons pas beaucoup de données et, de plus, c’est un énorme chantier à peine entamé (pour une première tentative de synthèse, voir Dupuis, 2007).
L’entreprise multiculturelle montréalaise Par ailleurs, j’ai aussi commencé à examiner la dynamique interne des
entreprises multiculturelles montréalaises, surtout sous la forme de cas. L’entreprise multiculturelle montréalaise est intéressante à plusieurs points de vue. D’abord la très grande diversité culturelle que nous retrouvons à Montréal fait en sorte que certaines entreprises peuvent mettre en présence des dizaines de cultures. Ensuite, la présence de deux grandes communautés linguistiques, francophone et anglophone, crée une dynamique particulière dans ces entreprises. En effet, dans un contexte national dominé par une grande culture, comme dans la plupart des grandes villes d’Occident, une langue s’impose naturellement malgré la présence des langues des immigrants, comme l’anglais à Toronto, à New York ou à Londres. À Montréal, la situation est différente, deux langues dominent, l’anglais, langue de la majorité canadienne, et le français, langue de la majorité des Québécois. La langue de travail devient alors un enjeu important pour les deux communautés. Quelle langue s’imposera au travail ?
En théorie, en entreprise, les deux langues sont supposées bien cohabiter,
d’autant plus que l’on s’attend à ce que la plupart des personnes y travaillant parlent les deux langues, particulièrement dans les postes de gestion. Dans les faits, c’est plus compliqué, puisque le bilinguisme anglais-français n’est pas généralisé et que, très souvent, les personnes dites bilingues ne maîtrisent pas aussi bien les deux langues. Tout cela fait que plusieurs individus, ou groupes d’individus, cherchent à imposer dans l’entreprise leur langue maternelle, en particulier aux employés étrangers et immigrants. Cette concurrence plus ou moins affichée, souvent larvée, entre les deux grandes communautés pour l’intégration linguistique des étrangers et des immigrants rend plus difficile l’intégration culturelle, comme le dialogue entre les cultures, d’autant plus que les communautés d’immigrants ont souvent un profil linguistique bien marqué en matière de langue seconde (à ce sujet, voir Labelle et Lévy, 1995). Par exemple, les ressortissants de l’Asie ont souvent l’anglais comme deuxième langue parlée, tandis que ceux de l’Afrique du Nord ont plutôt le français.
Ainsi, souvent, le clivage linguistique entre les anglophones et les
francophones se reproduit à la grandeur des communautés immigrantes, mais, encore là, la situation n’est pas si simple. L’exemple de la communauté italienne
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peut servir à illustrer la complexité de la question. Les premières générations d’Italiens ont adopté le français, mais, dans les années 1960, ils ont massivement décidé d’envoyer leurs enfants à l’école anglaise pour favoriser leur réussite sur le marché du travail. On se retrouve donc aujourd’hui avec une vieille génération d’Italiens qui parle français et une jeune génération anglicisée qui, souvent, parle aussi le français, avec le maintien de l’italien comme langue de communication entre les parents et les enfants. On retrouve ce patron dans plusieurs autres communautés, mais, parfois, c’est l’inverse qui se produit. Les parents ont adopté l’anglais, alors que leurs enfants ont adopté le français par le biais de l’école11.
Prenons quelques exemples concrets pour illustrer la dynamique créée dans
l’entreprise multiculturelle par la présence de ces deux grandes communautés linguistiques à Montréal. Dans une petite entreprise du secteur de la bio- pharmacologie, une vingtaine de techniciens, de chercheurs et de professionnels provenant de plus de quinze cultures différentes, travaillent à développer des produits à la fine pointe des connaissances12. Fondée par un Nord-Africain qui s’associe avec des Québécois francophones, la langue de travail dans cette entreprise est, la plupart du temps, le français. On utilise l’anglais avec quelques personnes qui ne maîtrisent pas encore assez bien le français. Le développement de l’entreprise entraîne le recrutement d’un directeur de production. L’entreprise le choisit sur la base de ses compétences techniques. Malheureusement, ce nouveau directeur, originaire du Sud-Est asiatique, ne parle pas le français. En peu de temps, il impose l’anglais à son équipe, recrute surtout des personnes maîtrisant l’anglais, mécontentant un certain nombre d’employés plus à l’aise avec le français. Les relations entre les deux groupes iront en se détériorant et plusieurs francophones quitteront même l’entreprise.
Le cas de l’ancienne usine de Canadair, à Ville Saint-Laurent, acquise par
Bombardier en 1986, est aussi très intéressant. Cette usine était traditionnellement sous contrôle anglo-saxon et engageait un fort contingent d’ingénieurs venus directement d’Angleterre. Dans son histoire de l’entreprise Bombardier, le journaliste Miville Tremblay (1994, p. 57) souligne la stupéfaction de la majorité des employés anglophones lorsque Laurent Beaudoin s’adressa à eux en français lors d’une cérémonie soulignant l’acquisition de l’usine. Cette acquisition par une entreprise francophone ainsi que l’obligation de franciser les milieux de travail, imposée depuis 1977 par la Charte de la langue française, auraient dû suffire à
11 Il faut préciser ici que depuis l’adoption de la Charte de la langue française, en 1977, les enfants d’immigrants sont obligés de fréquenter l’école française au Québec. Dans le cas des vieilles communautés immigrantes, les parents ont le droit d’envoyer leurs enfants à l’école anglaise s’ils ont eux-mêmes faits leurs études en anglais au Canada. Ces politiques ont été adoptées à la suite des transferts massifs des Italiens des écoles francophones vers les écoles anglophones, et à cause de la faible proportion d’enfants d’immigrants se retrouvant à l’école française. 12 Matériel recueilli par Philippe Cimper et moi auprès de six employés, pour la plupart des professionnels, dans cette entreprise en 2002. Ces six personnes reflétaient la composition diversifiée de l’entreprise : trois Québécois francophones, une Française, une Roumaine et un Libanais d’origine arménienne.
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transformer la dynamique interne de l’entreprise au profit des francophones. Et pourtant ce ne fut pas le cas.
Les principaux dirigeants de l’entreprise ont invoqué le secteur, fortement
mondialisé, de l’industrie aérospatiale pour expliquer et justifier la prédominance de l’anglais dans l’entreprise, et ce, malgré l’embauche de nombreux employés et ingénieurs francophones depuis l’acquisition faite par Bombardier (et qui viennent s’ajouter aux anglophones et aux allophones déjà présents en grand nombre). Or, une étude menée par une équipe de sociologues de l’Université de Montréal a montré qu’il y avait d’autres facteurs, internes ceux-là, qui expliquaient le maintien de la prédominance de l’anglais dans les relations de travail dans l’entreprise (McAll, Montgomery, Teixera et Tremblay, 1998), notamment le refus systématique des ingénieurs anglophones d’utiliser le français. Pourtant, les sociologues concluent leur enquête en soutenant « qu’il n’y a rien d’inévitable dans la prédominance d’une langue dans ce secteur. Le travail lui- même ne l’exige pas (en termes d’efficacité) et même pourrait exiger le contraire, dans la mesure où la communication intra-équipe sur le plan local serait plus importante pour la résolution des problèmes techniques et scientifiques que la communication inter-équipes sur le plan international. Il s’agirait surtout d’une question de gestion et de volonté » (McAll, Montgomery, Teixera et Tremblay, 1998, p. 201).
Ainsi, la dynamique de l’entreprise multiculturelle montréalaise est non
seulement marquée par les difficultés d’intégration de personnes provenant de cultures différentes, mais aussi par des tensions liées à l’existence de deux grandes communautés linguistiques qui se disputent le territoire de l’entreprise. Différentes stratégies ont probablement cours pour éviter ou atténuer ce conflit larvé – il n’y a tout de même pas de guerre civile dans les entreprises montréalaises –, mais elles sont peu documentées. Les travaux des sociolinguistes qui se sont intéressés aux relations entre francophones et anglophones à Montréal nous renseignent un peu sur cette réalité, mais cela est loin d’être suffisant pour comprendre finement ce qui se passe dans ces entreprises. Ces sociolinguistes parlent de l’étiquette changeante de la pratique linguistique à Montréal, qui se manifeste par un ensemble de jeux complexes. Graham Fraser (2007, p.180) les résume ainsi :
Lorsque deux personnes bilingues se rencontrent, quelle langue emploient-elles et comment la choisissent-elles ? La question semble un peu bête, voire oiseuse, et elle n’appelle pour seule réponse simple que « tout dépend ». Seulement voilà, l’éventail des circonstances déterminant une réponse plus précise est un des éléments qui rendent si fascinante la question des liens culturels. Car cette réponse variera en fonction de la langue dans laquelle on établit la relation, de l’endroit
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où se déroule la conversation, de la présence ou non d’autres personnes, de la nature de la relation et de tout un ensemble d’autres facteurs tels que des velléités de domination (« Je choisis la langue, ici »), le désir de mieux paraître (« Je parle votre langue mieux que vous ne parlez la mienne »), l’exclusion (« Je parle ma langue avec mes seuls compatriotes, et vous n’en faites pas partie »), la complicité (« Nous parlons cette langue, pas eux »), la solidarité (« Je suis des vôtres » ou « Vous êtes des nôtres ») ou simplement le pragmatisme.
Pour les entreprises montréalaises, le défi est donc plus grand que pour
d’autres entreprises, car il faut non seulement apprendre à gérer la diversité culturelle de la main-d’œuvre, ce que peu d’entreprises font, mais aussi le rapport tendu entre les deux communautés linguistiques qui multiplient les jeux possibles au sein des entreprises. En effet, comme immigrant ou membre d’une communauté culturelle, je peux parler anglais, français ou même ma langue maternelle, puisque la compétition entre les deux langues « officielles » me laisse en quelque sorte un espace pour utiliser ma propre langue maternelle avec mes compatriotes. Le jeu se corse parfois comme me le disait un dirigeant québécois francophone travaillant dans une entreprise multiculturelle à propos de ses employés majoritairement asiatiques : « Je leur interdis de parler leur langue maternelle en ma présence ou lorsqu’il y a des employés d’autres nationalités; ils doivent alors se parler en français ou en anglais. C’est aussi bon pour eux que pour moi puisqu’il y a des Chinois, des Vietnamiens et des Cambodgiens parmi mon personnel. » L’objectif de cette stratégie est d’éviter les suspicions et les malentendus créés par l’usage de sa langue maternelle avec des confrères de travail, langue que les autres ne comprennent pas.
En fait, nous avons encore moins d’idées sur ce qui se passe à l’intérieur de
ces entreprises multiculturelles qu’à l’intérieur des entreprises québécoises plus homogènes culturellement. Les connaissances ici sont embryonnaires et apparaissent surtout sous la forme de mémoires de maîtrise et de thèses de doctorat produites au cours des dix dernières années. On notera bien, avec un peu d’ironie, les deux articles publiés dans la plus importante revue d’anthropologie de l’Amérique francophone, Anthropologie et Sociétés, qui sont en fait les deux seuls articles publiés sur les entreprises dans cette revue qui existe depuis trente ans. Curieusement, ces deux articles avaient le même objet de recherche : la main- d’œuvre féminine dans des entreprises ethniques de vêtements à Montréal (Bernier, 1979; Teal, 1986). Il s’agissait, dans les deux cas, d’une analyse marxiste de l’organisation du travail dans ces entreprises ethniques montréalaises. En fait, tout reste à faire du côté de l’anthropologie comme je l’ai dit au début. Nous sommes ainsi bien loin d’une typologie des entreprises multiculturelles qui nous éclairerait sur les diverses dynamiques sociales internes et sur les arrangements auxquels sont parvenus les différents acteurs qui les composent.
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Pour explorer cette question, et pour ne pas enfermer le cas de l’entreprise
multiculturelle montréalaise dans la seule problématique linguistique, prenons le cas de l’intégration de gestionnaires nord-africains au sein des entreprises montréalaises qu’a étudié Yousra Essid (2004) dans le cadre de son mémoire. Ce cas nous informe aussi sur la dynamique interne des entreprises québécoises comme nous le verrons. Yousra Essid a recueilli des données sur l’expérience de travail et de gestion de cadres intermédiaires originaires des pays du Maghreb qui ont été embauchés dans des entreprises montréalaises. Pour ce faire, elle a interviewé dix-huit cadres arrivés récemment au Québec et travaillant au sein d’entreprises montréalaises, qui avaient également occupé des postes semblables dans leur pays d’origine avant leur venue au Québec. Que constate-t-elle ? Que ces gestionnaires ont une vision très positive de leur expérience au sein de leur entreprise et qu’ils apprécient particulièrement leurs supérieurs, qu’ils soient francophones ou anglophones, parce qu’ils sont modestes (p. 137) et qu’ils privilégient « l’égalité des conditions de travail, l’ouverture des relations entre supérieurs et simples employés, l’existence de discussions informelles » (p.138). Ces commentaires de cadres sont très représentatifs de ce constat :
Mon patron actuel, je l’adore et c’est lui qui m’a retenu dans cette succursale. C’est quelqu’un d’honnête, quelqu’un de respectueux et d’humble. Il ne va pas, par exemple, vous considérer différemment que vous soyez caissier ou adjointe ou secrétaire. C’est bien quelqu’un qui respecte l’homme et non pas le titre. (Extrait tiré de Essid, 2004, p. 137)
Lorsque je pense à mon supérieur en Tunisie, j’ai envie de pleurer sur ces jours. Je n’en pouvais plus de l’entendre dire et insinuer combien il se sent supérieur (…) Je peux dire que mon supérieur maintenant est réellement cool. Il est très cool. Il est très compréhensif et même empathique. (Extrait tiré de Essid, 2004, p. 142)
En fait, ces cadres originaires du Maghreb apprécient le modèle de gestion
en place dans les entreprises parce qu’il leur permet de s’épanouir pleinement et, même paradoxalement, d’y vivre davantage en accord avec leurs valeurs traditionnelles de respect et de dignité que dans leur propre pays où l’entreprise vit sous le règne du flou organisationnel. Ce modèle de gestion, tel qu’ils le décrivent, renvoie au modèle de gestion participatif, consensuel et communautaire mis au jour par les recherches sur le mode de gestion québécois dont j’ai parlé plus tôt. Leur intégration à l’entreprise a été facile et s’est faite la plupart du temps dans le respect mutuel13, ce qui contraste cependant fortement avec leur intégration sociale dans la communauté québécoise, qu’ils jugent beaucoup plus 13 Tout n’est pas rose pourtant, puisqu’il existe aussi des entreprises « cloisonnées et égocentriques où tu te sens facilement rejeté », comme l’indique un des informateurs de Essid (2004, p. 145).
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problématique. Ce qui est une tout autre question, explosive celle-là, comme nous l’avons vu récemment avec la question des accommodements raisonnables.
Ce constat de Yousra Essid est très riche et nous amène à nous interroger
fortement, notamment sur la question de la gestion de la diversité culturelle. Le modèle de gestion en place, notamment sa version montréalaise qui reste à mieux définir, contiendrait-il en soi la souplesse nécessaire à la bonne intégration des personnes de communautés culturelles, du moins au niveau des cadres et des professionnels ? Les résultats de Yousra Essid semblent l’indiquer et contrastent fortement avec tout ce que sous-tend la littérature en management interculturel qui parle davantage de choc des cultures, de malentendus culturels, de conflits, que d’intégration harmonieuse au sein des entreprises. Est-ce la tension entre les communautés anglophone et francophone au sein des entreprises qui crée les conditions propices à l’intégration en douceur des immigrés et des membres des communautés culturelles dans un espace, un entre-deux culturel, dans lequel ils pourraient se glisser avec plus de facilité que dans les entreprises totalement dominées par la culture de la majorité ? Est-ce seulement un cas de figure parmi tant d’autres qui resteraient à découvrir ? Le cas de l’entreprise montréalaise semble un cas à part qui mérite toute notre attention de chercheur.
Conclusion : au-delà de l’entreprise québécoise La perception de l’entreprise par les sociologues et, dans une moindre
mesure, par les anthropologues a beaucoup changé ces quarante dernières années. L’entreprise est progressivement devenue un objet de recherche en soi et non pas seulement un simple lieu de reproduction des rapports sociaux de domination existant dans la société capitaliste. Pour l’étudier, un outil a été développé. Dans le monde francophone, c’est le modèle développé par Michel Crozier qui a été le plus important. Ce modèle avait cependant l’inconvénient d’utiliser surtout les concepts de l’économie (acteurs, ressources, stratégies) et de la science politique (règles, pouvoir) pour analyser les organisations. Les concepts plus identifiés à la sociologie et à l’anthropologie, comme ceux d’identité et de culture, étaient négligés. Le modèle que nous avons développé, en continuité avec les travaux de Reynaud et Sainsaulieu, met de l’avant ces concepts sans négliger les acquis de Crozier.
L’usage de concepts davantage propres à la sociologie et à l’anthropologie
amènera peut-être plus de sociologues et d’anthropologues à s’intéresser à l’entreprise, à l’étudier. Elles pourraient aussi amener d’autres à l’analyser autrement que comme un simple lieu de domination et d’exploitation, à lui reconnaître une autonomie, une existence, une capacité à faire la différence pour
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les hommes et les femmes qui y travaillent. Car, au-delà des jugements portés sur la valeur du système capitaliste et sur son orientation actuelle, il faudrait peut-être reconnaître que l’entreprise est capable du meilleur comme du pire. En l’étudiant plus attentivement, en repérant les formes progressistes, en les mettant de l’avant, serons-nous peut-être ainsi capables d’en favoriser le meilleur et non le pire.
Finalement, étudier les caractéristiques de la gestion québécoise, de même
que les perceptions, les attitudes et les pratiques des gestionnaires québécois, dans une perspective comparative internationale, c’est aussi étudier des questions sociologiques fondamentales comme : Qui sommes-nous ? Des Nord-Américains, voire des Américains qui s’ignorent, comme le pensent les historiens Gérard Bouchard et Yvan Lamonde (1995) ? Des Latins du Nord comme l’avance le sociologue québécois d’origine argentine Victor Armony (2002) ? Des postmodernes, c’est-à-dire des êtres profondément ambivalents, comme le soutient l’historien Jocelyn Létourneau (2000) ? Mis à part ce « qui sommes- nous ? », d’autres questions sont tout aussi captivantes : Quelle est notre place dans le monde d’aujourd’hui ? Quelles contributions pouvons-nous y faire ? Quelle société contribuons-nous à construire pour demain ? Toutes ces questions sont évidemment liées entre elles. En effet, la façon de nous percevoir et de nous projeter dans le monde déterminera en grande partie le type d’action que nous entreprendrons. À travers mes enquêtes auprès des gestionnaires d’ici et d’ailleurs, c’est donc notre place dans le monde que j’explore. Et, je l’avoue bien modestement, l’exploration ne fait que commencer !
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