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2 QUE QUE VEUX-TU VEUX-TU ? Dieu le seul souverain L’étude de ce thème nous projette dans un univers totale- ment différent de l’humanisme am- biant, méconnaissant non seulement la souveraineté de Dieu, mais même son existence. L ’homme est de plus en plus la mesure de toutes choses. Luc Ferry, par exemple, avait bien perçu cette orientation de l’histoire de l’humanité : il parle de l’humanisation du divin et de la divinisation de l’hu- main 1 . En ce XXI e siècle, les pro- pos de Paul aux Corinthiens ont toujours autant de poids (sinon plus !) : « L ’homme livré à lui-même (psuchikos) ne reçoit pas ce qui vient de l’Esprit de Dieu; à ses yeux, c’est «pure folie» et il est in- capable de le comprendre, car seul l’Esprit de Dieu permet d’en ju- ger » (1 Co 2.14). Pourtant, la Bible nous révèle clairement – au moins à celui qui accepte de se laisser éclairer par l’Esprit – un Dieu qui règne avec puissance, au dessus de tout. Il est : « L ’unique Souverain, le Roi des rois, le Seigneur des seigneurs » (1 Tm 6.15) ; « Il mène tout au gré de sa volonté » (Ep 1.11, TOB). Le psaume dit : « Je sais que l’Éternel est grand, et que notre Seigneur est au-dessus de tous les dieux. Tout ce que l’É- ternel veut, il le fait, dans les cieux et sur la terre, dans les mers et dans tous les abîmes. » (Ps 135.5- 6) Même le grand monarque babylonien, Nabuchodonosor, frappé par le jugement de Dieu à cause de son orgueil dit, alors qu’il retrouve la raison : « Je re- merciai le Très-Haut, je louai ce- lui qui vit éternellement, et je pro- clamai sa gloire : sa souveraineté est éternelle et son règne dure d’âge en âge. Devant lui, tous les ha- bitants de la terre ne comptent pour rien, il agit comme il l’en- tend envers l’armée des êtres célestes et envers les habitants de la terre. Personne ne peut s’op- poser à ses interventions ou lui dire: « Que fais-tu là ? » (Dn 4.31-32 Semeur). Ces descriptions de Dieu lais- sent peu de place à la liberté humaine, surtout si nous prenons en compte les affirmations encore plus surprenantes qui suivent. 1 Luc Ferry, L ’homme-Dieu ou le Sens de la vie, Éditions Grasset, 1996. On peut aussi lire avec profit l’œuvre du philosophe chrétien Jean Brun montrant ce chemin de divi- nisation croissante de l’humain. La souveraineté de Dieu et notre responsabilité La plupart des articles de ce dos- sier mettront l’ac- cent sur la liberté et la responsabilité humaines et, notam- ment, pour le chré- tien, sur sa respon- sabilité à rechercher la volonté de Dieu. Mais il importe de chercher à placer notre responsabilité dans la perspective de la souveraineté de Dieu. REYNALD KOZYCKI Pages Servir 4-2009 08/12/09 15:23 Page2

La souveraineté de Dieu et notre responsabilité

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QUEQUE VEUX-TUVEUX-TU ??

Dieu le seulsouverain

L’étude de ce thème nousprojette dans un univers totale-ment différent de l’humanisme am-biant, méconnaissant non seulementla souveraineté de Dieu, mais mêmeson existence. L’homme est de plusen plus la mesure de touteschoses. Luc Ferry, par exemple,avait bien perçu cette orientationde l’histoire de l’humanité : ilparle de l’humanisation du divinet de la divinisation de l’hu-main1. En ce XXIe siècle, les pro-pos de Paul aux Corinthiens onttoujours autant de poids (sinonplus !) : « L’homme livré à lui-même(psuchikos) ne reçoit pas ce quivient de l’Esprit de Dieu; à sesyeux, c’est «pure folie» et il est in-capable de le comprendre, car seull’Esprit de Dieu permet d’en ju-ger » (1 Co 2.14).

Pourtant, la Bible nous révèleclairement – au moins à celui quiaccepte de se laisser éclairer parl’Esprit – un Dieu qui règne avecpuissance, au dessus de tout.

Il est : « L’unique Souverain,le Roi des rois, le Seigneur des

seigneurs » (1 Tm 6.15) ; « Il mènetout au gré de sa volonté » (Ep1.11, TOB). Le psaume dit : « Jesais que l’Éternel est grand, et quenotre Seigneur est au-dessus detous les dieux. Tout ce que l’É-ternel veut, il le fait, dans les cieuxet sur la terre, dans les mers etdans tous les abîmes. » (Ps 135.5-6) Même le grand monarquebabylonien, Nabuchodonosor,frappé par le jugement de Dieuà cause de son orgueil dit, alorsqu’il retrouve la raison : « Je re-merciai le Très-Haut, je louai ce-lui qui vit éternellement, et je pro-clamai sa gloire : sa souverainetéest éternelle et son règne dure d’âgeen âge. Devant lui, tous les ha-bitants de la terre ne comptentpour rien, il agit comme il l’en-tend envers l’armée des êtrescélestes et envers les habitants dela terre. Personne ne peut s’op-poser à ses interventions ou luidire: « Que fais-tu là ? » (Dn4.31-32 Semeur).

Ces descriptions de Dieu lais-sent peu de place à la libertéhumaine, surtout si nous prenonsen compte les affirmations encoreplus surprenantes qui suivent.

1 Luc Ferry, L’homme-Dieu ou le Sens de la vie, Éditions Grasset, 1996. On peut aussilire avec profit l’œuvre du philosophe chrétien Jean Brun montrant ce chemin de divi-nisation croissante de l’humain.

La souveraineté de Dieu et notre responsabilité

La plupart des

articles de ce dos-

sier mettront l’ac-

cent sur la liberté et

la responsabilité

humaines et, notam-

ment, pour le chré-

tien, sur sa respon-

sabilité à rechercher

la volonté de Dieu.

Mais il importe de

chercher à placer

notre responsabilité

dans la perspective

de la souveraineté

de Dieu.

REYNALD KOZYCKI

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Prédestination Avant de souligner plus précisément la res-

ponsabilité du chrétien dans la deuxième par-tie de son Épître aux Éphésiens, Paul com-mence par une affirmation catégorique de lasouveraineté de Dieu. Le Seigneur est aucontrôle de l’histoire, rien ne lui échappe,même pas notre destinée éternelle. Tout, fina-lement, s’accomplit selon « le bon plaisir desa volonté » : « En Jésus, Dieu nous a élusavant la fondation du monde, pour quenous soyons saints et irrépréhensibles devantlui, nous ayant prédestinés dans son amourà être ses enfants d’adoption par Jésus-Christ, selon le bon plaisir de sa volonté. »(Ep 1.4-6)

Paul le redit un peu plus loin : « En lui,nous avons aussi reçu notre part d’héritage,nous qui avons été destinés d’avance, selonle projet de celui qui opère en tout selon lesdécisions de sa volonté. » (Ep 1.11, NBS)

Dans les Actes, nous trouvons des confir-mations à cette doctrine : « Ceux qui étaientdestinés à la vie éternelle crurent. » (Ac13.482).

Jésus souligne à plusieurs reprises cettedimension de la souveraineté de Dieu :« Toutes choses m’ont été données par monPère, et personne ne connaît le Fils, si ce n’estle Père ; personne non plus ne connaît le Père,si ce n’est le Fils et celui à qui le Fils veut lerévéler » (Mt 11.27).

Paul va jusqu’à envisager aussi une formede prédestination pour ceux qui refusent lesalut : « Le potier n’a-t-il pas le droit, à par-tir du même bloc d’argile, de fabriquer un potd’usage noble et un autre pour l’usage cou-rant ? Et qu’as-tu à redire si Dieu a voulu mon-trer sa colère et faire connaître sa puissanceen supportant avec une immense patienceceux qui étaient les objets de sa colère, toutprêts pour la destruction ? » (Rm 9.21-22).

Dans les siècles passés, des polémiquessans fin ont surgi dans l’effort de conciliationentre la souveraineté de Dieu et la part deliberté humaine. Peu de théologiens, dansl’Histoire, ont essayé de traiter de front,

avec l’ensemble des données bibliques, cethème délicat.

Augustin l’a fait3. Calvin reprend nombrede ses arguments dans son Institution chré-tienne, notamment au livre III : « C’est pour-quoi, il n’y a pas de doute que les volontésdes hommes ne peuvent résister à celle deDieu – qui fait tout ce qu’il veut au ciel et surla terre et qui même a fait ce qui est à venir– vu qu’il fait ce que bon lui semble des volon-tés des hommes… Il tient les cœurs au-dedans, il les pousse et les tire par leurs volon-tés qu’il a formées en eux »4.

Pour Calvin, l’enseignement biblique dela prédestination « anéantit tous les moyensque tous les hommes imaginent avoir en eux-mêmes pour être élus »5. Ces vérités sontsource de repos pour le croyant et source delouange au Dieu infiniment sage et souve-rain. Loin d’endormir le croyant, ellesdevraient au contraire l’encourager dans sareconnaissance envers Dieu et son désir dele glorifier : « Peu de doctrines théologiquesont eu autant de force créatrice que la pré-destination » écrit André Dumas dansl’Encyclopédie Universalis6.

Regardons à présent plusieurs textesbibliques qui appuient paradoxalement l’autreface de la médaille.

Liberté humaineSi nous prenons l’exemple de Judas,

nous voyons les deux aspects de ces vérités :« Le Fils de l’homme s’en va, selon ce quiest écrit de lui. Mais malheur à l’homme parqui le Fils de l’homme est livré ! Mieux vau-drait pour cet homme qu’il ne fût pas né »(Mt 26.24). Dans ce récit, la souveraineté deDieu est manifeste – « selon ce qui est écrit »

2 Le thème a déjà été traité en partie dans notre revue, notamment parJean-Pierre Bory, « Libre ou prédestiné », Servir, 1993, n°4 (accessiblesur le site caef.net) ; Jean-Paul Rempp, « Élection et évangélisation »,Servir, 2007, n°5 ; et un développement de cet article dans ce numéro-ci par le même auteur.3 Voir aussi l’action de Dieu qui précède les conversions en Actes 11.18 ;16.14 ; 18.27.4 Voir Le Survol de la grâce dans cette même revue en 3/2001 (acces-sible aussi sur Internet) www.caef.net/

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– et pourtant la responsabilité de Judas estsoulignée tout autant par Jésus. Si, derrièrele choix de Judas, il n’y avait qu’un fatalismeou une simple décision de Dieu, Jésus n’ap-puierait pas si clairement la faute de Judas.

Pratiquement toutes les pages de la Bibleattestent l’importance du choix humain, desa volonté, de sa foi personnelle. Le salut parexemple est annoncé par Jésus avec les condi-tions de repentance, de foi, d’écoute atten-tive de sa parole7. Ces appels n’auraient aucunsens si l’homme n’était qu’une marionnetteentre les mains de Dieu. L’urgence de laconversion et les appels récurrents à marcherdans la sainteté et l’obéissance à Dieu mar-tèlent la part de « responsabilité humaine »tout au long des exhortations bibliques.

Alors, comment concilierces deux vérités ?

On peut dire que ces deux vérités sont surdeux plans différents. L’un est éternel, absolu,l’autre est humain, « terre-à-terre ».

Si dans notre logique limitée, nous n’ar-rivons pas à concilier ces deux plans, ilnous faut accepter ces deux réalités commecomplémentaires dans la logique divine.

Même si cela nous semble déroutant, Paulplace ces deux plans dans une même exhor-tation aux Philippiens : « Ainsi, mes bien-aimés, comme vous avez toujours obéi…,mettez en œuvre votre salut avec crainte ettremblement. Car c’est Dieu qui opère en vousle vouloir et le faire pour son bon plaisir. »(Ph 2.12-13, NBS).

Notre responsabilité à obéir et à mettre enœuvre notre salut dans une attitude de pro-fond respect envers Dieu est évidente dansce texte. Paradoxalement l’action souve-raine du Seigneur est aussitôt soulignée. Dieuest capable d’agir au plus profond de nosdésirs et motivations pour accomplir son bonplaisir.

Auguste Lecerf disait que nous devonsavoir une si haute opinion de la souverainetéde Dieu qu’il nous faut le croire capable denous faire accomplir librement, ce qu’il a

décidé souverainement8.Ce paradoxe s’éclaire partiellement lorsque

que nous considérons notre création àl’image de Dieu, à sa ressemblance, ce quiimplique nécessairement une certaineliberté.

Henri Blocher souligne la réalité de laliberté humaine dans la Souveraineté deDieu : « Le Seigneur me fait libre devant Lui ;il protège et garantit la réalité de ma décision,en la suscitant lui-même et en dosant par-faitement les pressions du dehors sur levouloir pour qu’elles ne l’écrasent ni ne l’étouf-fent… Le Dieu qui nous est «plus intérieurque le plus intime de nous-mêmes» (Augustin),est capable, avec un tact infini, de susciter ennous le vouloir et le faire sans léser notreliberté : en nous faisant libres ! »9

ConclusionLa logique humaine ne pourra jamais

concilier les deux aspects précédents.Néanmoins, le chrétien préoccupé de lagloire de Dieu reconnaît dans la souverainetédivine, dans ses décrets éternels et dans lebon plaisir de sa volonté, une sagesse infi-nie provenant d’un Dieu d’amour : « C’estde lui, par lui, et pour lui que sont touteschoses. À lui la gloire dans tous les siècles ! »(Rm 11.36)

En même temps, cette révélation n’en-courage en aucun cas le laxisme et un espritfataliste. La compréhension de la souverai-neté de Dieu devient au contraire un moteurà la recherche plus ardente de sa volonté etde sa gloire dans notre vie quotidienne.

R.K.

QUEQUE VEUX-TUVEUX-TU ??

5 Calvin, L’institution chrétienne, L.III, chap. 23, § 14. Calvin reprend enfait l’argumentation d’Augustin, De la correction et de la grâce, ch. 14.43-456 Calvin, Ibid, L. III, chap. 22, § 2.7 Article « Prédestination », Encyclopédie Universalis 2006.8 Voir par exemple Marc 1.15 ; Jean 5.24… 9 Voir l’article de Jean-Pierre Bory, « Libre ou prédestiné », Servir, 1993,n°410 Henri BLOCHER, « Souveraineté de Dieu et décision humaine », IchthusOctobre-Novembre 1977 N° 71, pp. 2-9

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QUEQUE VEUX-TUVEUX-TU ??

Cela fait 6 mois que jefréquente une jeune fille chrétienne, Émilie, en tout honneur,m’explique Martin, 23 ans, pendant un camp. Je l’aime,

mais je ne sais pas si c’est elle que Dieu veut pour moi. Je me tri-ture l’esprit pour savoir si cette union est la volonté de Dieu. Com-ment le savoir ? » Je lui donne ma réponse. Quatre jours plus tard,Martin sait quelle est la volonté de Dieu quant à cette fréquenta-tion. Il m’annonce alors qu’il a rompu, son visage est aussi rayon-

nant que celui de Moïse descendant de la mon-

5

Philippe, en terminale,ne voit pas du tout ce que Dieu veutpour sa vie après le bac. Il est dans le

brouillard et cela lui pèse. Ce qui est décou-rageant et qui assombrit son visage, c’estqu’il demande avec insistance à Dieu de luiindiquer sa volonté, mais elle ne se manifestepas. « Alors, suis-je son enfant ? Parce quesi je l’étais réellement, Dieu ne pourrait pasne pas me répondre. » Son père était pasteur.Sa faiblesse était de frapper sa femme et, deplus, devant les enfants. Philippe a grandiavec cette idée : croire en Dieu et faire dumal, c’est de l’ordre du normal. « Si Dieu nerépond pas à mes demandes, c’est qu’il mefrappe comme mon père frappait ma mère.Cela doit être pour notre bien. Daniel, me dit-il, as-tu une idée de ce que Dieu veut pourmoi après ? » Je lui donne ma réponse. Levisage de Philippe exprime l’étonnement, jesens que son esprit est ballotté. D’une traite,il m’explique dans le détail ce qu’il va entre-prendre après le bac.

Dans le même camp,Michaël, 15 ans, est en trainde tomber amoureux de Blan-

dine. Cela fait 36 heures qu’il a lafièvre. Sa vie n’a pas de raison d’êtresi Blandine ne devient pas sa femme.Il me parle avec les larmes aux yeux,ses lèvres tremblent tellement d’émo-tion qu’il doit s’y prendre à deux foispour me faire comprendre sa situa-tion. Et la question est la même :« Est-ce la volonté de Dieu que jedise à Blandine tout l’amour que j’aipour elle ? » Je lui réponds. Il prendun air pensif, puis me regarde fixe-ment. Il est devenu serein, il me dit :« Maintenant je sais ce que je dois

faire, je ne vais riendire du tout à Blan-dine ».

“ “

DANIEL MATTIOLI

Sois en Dieu et fais ce que tu veuxSois en Dieu et fais ce que tu veux

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Un jour, Aristote est invité à la tabled’Alexandre le Grand, encorejeune à ce moment-là. Alors

qu’ils mangent, un petit chien vient joueret lécher la main d’Alexandre. Aristote,amusé par les prouesses du petit chien,interpelle Alexandre : « Manifestement cechien t’aime beaucoup ». Alexandrerépond : « En faisant la supposition quece chien m’aime, tu lui prêtes des sen-timents ; et si tu estimes que ce chienentretient des sentiments, tu suggèresalors qu’il a une âme. » Imperturbable,Aristote répond à son interlocuteur :« Ça, c’est une question qui te dépasse…Et elle me dépasse également. » Ilconduit le jeune Alexandre dans sonlaboratoire de biologie, se fait apporterune truie en ordonnant de l’égorger etde lui ouvrir le ventre de toute sa lon-gueur. Il pousse Alexandre à plonger samain dans les entrailles de l’animal, defouiller et de chercher. Alexandre estexcité par l’expérience, il ne sait pas cequ’il cherche, mais son maître lui dit dechercher. « Plonge ton bras » lui dit lephilosophe. Le jeune homme s’exécute.« Cherche encore et encore : trouves-tuson âme ? » Déçu, Alexandre doitrépondre par la négative. « Ça, c’estune question qui te dépasse, lui avait ditson professeur, et elle me dépasseaussi. »

Il semblait que la volonté de Dieu,pour mes trois amis campeurs, était unequestion aussi complexe que celle poséepar Alexandre. La volonté de Dieu était,pour eux, aussi camouflée que l’étaitl’âme de cette truie et aussi obscure quel’était la question de l’âme pour Aristoteà ce moment-là. Pour eux, Dieu avaitparsemé sa volonté sur leur chemincomme des parents cachent des œufs de

Pâques en demandant à leurs enfants deles rechercher. Et ne pourraient en béné-ficier que ceux qui les trouveraient. Maissi on fait abstraction de l’aspect ludiqueet sympathique de la chasse aux œufs,on a affaire à une sorte de sarcasme,Dieu nous laissant tâtonner et haussantles épaules à chaque fois qu’on passe àcôté d’un œuf sans le voir. Dieu rend-ilvraiment sa volonté si peu claire ?

Une de mes paroissiennes se levait ledimanche matin et demandait à Dieu,debout devant son dressing, quels vête-ments elle devait mettre ce jour-là.Quand Dieu ne répondait pas, elle endéduisait que la volonté de Dieu pourelle ce matin-là était de ne pas aller auculte. Ainsi, d’un côté, on la cherche,mais on ne la trouve pas, d’un autre, elleest simple et on agit simplement. Dansles deux cas, on a affaire à une volontéde Dieu « cachée ».

La Bible présente au contraire unDieu qui aime et qui fait savoir avecprécision quelle est sa volonté. Nousavons affaire à un Père céleste pour quitoutes nos voies ont de l’importance.« Ne soyez pas sans intelligence, maiscomprenez quelle est la volonté du Sei-gneur » (Ep 5.17). Sommes-nous sansintelligence si nous ne comprenons pasla volonté du Seigneur ? Non. Ce n’estpas l’intelligence qui manque à celui quine comprend pas la volonté de Dieu,mais la plénitude de l’Esprit (Ep 5.18).

Être rempli du Saint-Esprit ? C’estvivre le quotidien en gestes et en parolescomme si Jésus était présent. Direquelque chose à quelqu’un – ou surquelqu’un – doit se faire comme si Jésus-Christ, le Fils de Dieu, le créateur des

QUEQUE VEUX-TUVEUX-TU ??

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cieux et de la terre, était physiquementprésent. Sans cela, si l’on parle quandmême, on n’est pas rempli de l’Esprit. Entant que chrétien, on a certes l’Esprit,mais celui-ci est éteint ou attristé. On nesait pas quelle est sa volonté.

Comment continue la listeque Paul adresse aux Éphé-siens ? La plénitude de l’Esprit,c’est la communion fraternellepar le chant et la louange, dansune totale soumission interper-sonnelle1 (les épouses soumisesà leur époux2 ; un amour sansborne des maris à l’égard de leurfemme3 ; l ’obéissance desenfants à leurs parents4 ; pour lesparents, ne pas irriter leursenfants5 ; pour les ouvriers,l’obéissance à leur employeur6 ;pour les employeurs, traiter leursouvriers avec justice7). Enfin,être rempli de l’Esprit, c’est êtresaturé de la Parole et de sa miseen pratique.

Quelle était ma réponse à cestrois jeunes gens en recherche dela volonté de Dieu ? Sois remplide l’Esprit Saint et fais ce que tuveux ! Jean 15 laisse à penserque, pour ceux qui y restent atta-chés, les pensées du cep devien-nent celles des sarments. La sèvequi passe dans le cep passe éga-lement en eux. Plus de différence doncentre son vouloir et le nôtre. Mais, celan’arrive qu’à celui qui demeure en lui.« Quiconque boit de cette eau n’aurajamais soif » (Jn 4.13). Pour ce quiregarde la droite compréhension de lavolonté de Dieu, il ne s’agit pas d’unbesoin ponctuel, mais continuel.

Méditons le Psaume 37, versets 4 et5. La volonté de Dieu ne se recherchepas, elle se vit : sois en Dieu et fais ceque tu veux. Laissons Dieu nous rem-plir… sa volonté devient limpide.

D.M.

1 Ep 5.19-212 Ep 5.22-243 Ep 5.25-334 Ep 6.1-35 Ep 6.46 Ep 6.5-87 Ep 6.9

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La volonté de Dieu...

la chercherla chercher

MARIE-CHRISTINE

FAVE

La« volontéde Dieu »reste uneexpressionun peu abs-traite. Pourla chercher,chacun nes’y prendpas néces-sairementde la mêmemanière.En intro-duction,nous vousproposonsun petitquestion-naire. Au cours des pages suivantes,

nous développerons quatreaspects de la recherche de la volontéde Dieu : en lisant la Bible, en priant,en tenant compte des circonstanceset des conseils reçus. Nous pour-rions aussi mentionner le bon sens etl’intelligence que Dieu donne à cha-cun. Les articles suivants ne pré-sentent pas quatre méthodes afinque chacun opte pour celle qu’il pré-

fère. Les aspects abordés se com-plètent. Et puis surtout, chercher ce que Dieuveut pour notre vie ou dans undomaine précis ne relève pas d’unetechnique à appliquer. Cela se situedavantage dans la confiance queDieu ne joue pas à cache-cache avecnous et qu’Il nous fera connaîtred’une manière ou d’une autre cequ’Il attend de nous.

« QUEL EST L’HOMME

QUI CRAINT L’ETERNEL ?L’ETERNEL LUI MONTRE

LE CHEMIN

QU’IL DOIT CHOISIR. »PSAUME 25.12

■ Pour chercher la volonté de Dieu, je prie que Dieu me donne un ver-set et j’ouvre ma Bible

❏ Toujours ❏ Parfois ❏ Rarement ❏ Jamais

■ Je prie que Dieu ferme la porte si ce n’est pas Sa volonté.

❏ Toujours ❏ Parfois ❏ Rarement ❏ Jamais

■ Puisque la porte est ouverte, c’est Dieu qui le permet et je ne me posepas davantage de questions.

❏ D’accord ❏ Pas d’accord

■ Avant une décision importante, je demande conseil

❏ Toujours ❏ Souvent ❏ Rarement ❏ Jamais

Si Oui, auprès de qui ? …………………………………………………………

■ « Dieu me guide généralement en faisant germer dans mon esprit desraisons pour agir d’une certaine façon. » (John Wesley)

Êtes-vous : ❏ D’accord ❏ Pas d’accord ❏ Je ne sais pas

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La volonté de Dieu...

la chercher dans la Bible ?la chercher dans la Bible ?

JACQUES

NUSSBAUMER

Alors, y a-t-il uneméthode ?

Il nous faut partir d’un constattrès simple : le chrétien est unhomme ou une femme qui cherchela volonté de Dieu chaque jour. Or,la lecture de la Bible est un momentprivilégié de cette recherche. En tantque révélation de Dieu, l’Écriturenous dévoile sa volonté pourl’homme, pour tous les hommes.C’est bien par là qu’il nous faut com-mencer. La volonté de Dieu pourmoi, n’est-elle pas premièrementque j’apprenne à marcher dans sesvoies (Dt 8.6 ; Mi 6.8) et à renoncerau péché (Ps 119.11) ? Dans cetteperspective, l’Écriture, inspirée parDieu et éclairée par l’Esprit quihabite en nous, nous façonne demanière à ce que nous conformionsnos actes, nos paroles et nos pen-

sées aux préceptes qu’il a lui-mêmedonnés. Cet apprentissage se faitdans le temps, par un renouvelle-ment de l’intelligence, peu à peu(ré-/trans-) formée par la Parole (Rm12.2) lue et méditée personnelle-ment, ou encore enseignée dansl’église locale. Ainsi, la découvertede la volonté de Dieu par sa Paroleimplique l’exercice régulier, indivi-duel et collectif, de lecture et deméditation. Autrement dit, ellenécessite de la discipline, mot peugoûté par la culture contemporaine.

La Parole de Dieu est donc lelieu par excellence où l’on trouve lavolonté de Dieu pour nous ! Ellenous cadre, éliminant d’emblée lesoptions qui ne sont pas conformesà sa loi. Bien imprudent celui qui, seréclamant d’une quelconque convic-tion personnelle ou révélation par-ticulière, ferait délibérément unchoix que l’Écriture désapprouve !

Pas de recette !Si la Parole contribue à une plus

grande sensibilité au discernementdu bien et du mal, la Bible ne nousdévoile pas directement toute lavolonté de Dieu pour nous, en par-ticulier en ce qui concerne les déci-sions personnelles relatives à nos

Qui ne connaît pas l’histoire de cette personnequi, pour trouver la volonté de Dieu, ouvrit un joursa Bible et, choisissant un verset au hasard, tombasur cette phrase : « … et Judas alla se pendre ». Unpeu perplexe, elle réitéra l’opération de la mêmemanière pour lire : « Va, et fais de même ». Qu’ilsoit véridique ou légendaire, ce récit nous invite àla prudence quant à l’usage de la Bible pourdécouvrir la volonté de Dieu.

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choix de vie. Néanmoins, elle nous yaide de plusieurs manières, pour nouspermettre de choisir non seulement lebien, mais aussi le meilleur.

Tout d’abord, la Parole nous invite àla confiance en Dieu de manière à nouslibérer des craintes réelles mais infon-dées. En faisant éclater la souverainetéde Dieu, l’Écriture nous rappelle quetout ne dépend pas de nous.

Ensuite, la Bible montre que nous nesommes pas des individus isolés, maisque notre vie est inscrite dans l’Histoiredu peuple de Dieu sur laquelle il estsouverain. Si Dieu et son œuvre de salutsont au centre de la Bible, nous sommesinvités à nous décentrer de nous-mêmespour « chercher d’abord le Royaume deDieu ». Dans cette perspective, quellesera pour nous la définition d’une bonnedécision, une décision conforme à lavolonté de Dieu ? Est-ce une décisionqui nous évitera le sentiment d’échec ?Rien n’est moins sûr.

Discerner… ce que nousdevons chercher !

Pour ne pas confondre la volonté deDieu et une fausse idée de la réussite, lalecture de la Bible exerce et affine notrediscernement. La Bible est d’ailleurs par-semée de récits ou de références à desgens qui cherchent ou qui trouvent lavolonté de Dieu, ainsi que de conseilsadressés à ceux qui la cherchent.

Une première observation de cestextes nous montre la diversité des situa-tions, des interrogations et des manièresdont Dieu répond. Au sein d’une mêmevie, Dieu agit diversement : Paul a reçuune conviction personnelle à propos deson ministère (Ga 1.15-16). Mais sonchamp de mission a, plus tard, été défini

suite à un discernement collectif (Ac13.1-3).

Une seconde observation, partant duvocabulaire biblique, nous montre l’im-portance accordée à l’exercice de l’in-telligence. La foi ne consiste pas à renon-cer à la raison, mais à l’éclairer, pour nepas être ballottés par nos sentimentsfluctuants. Il ne s’agit pas de mettre enœuvre un rationalisme étroit, mais defaire travailler une intelligence lucide surson besoin d’être conduite et assistéepar l’Esprit de Dieu.

Une troisième observation consiste àintégrer que le discernement, dans l’É-criture, s’inscrit aussi dans le temps etl’expérience, même s’il relève d’un donde Dieu (Dn 1.17 ; Né 9.20). C’est biensûr la sagesse reçue de Dieu (par l’Espritau travers de la Parole) qui est primor-diale, mais elle n’exclut pas non plusl’intelligence que donne la relecture desbénédictions et des erreurs passées com-prises à la lumière de l’Écriture (Dn 9 ;Ps 119.67).

Enfin, la volonté de Dieu discernée autravers de l’Écriture a trait à son règne età son peuple. Autrement dit, noussommes liés au plan de Dieu et savolonté s’inscrit dans ce cadre, qui, pournous, tourne autour de l’annonce et dela vie du Royaume de Dieu. Lors d’unchoix professionnel, immobilier ou affec-tif, dans quel but cherchons-nous lavolonté de Dieu ? Réfléchissons-nousvraiment à la manière dont notre choixparticipera au progrès de l’Évangile –dans notre vie et au-delà – et à l’encou-ragement de nos frères et sœurs ? Peut-être le rôle principal de la Parole réside-t-il d’ailleurs bien là : pour apprendre àdiscerner la volonté de Dieu, la Biblenous incite à nous poser lucidement lesbonnes questions. J.N.

QUEQUE VEUX-TUVEUX-TU ??

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plus accessible que je ne l’imagine ?plus accessible que je ne l’imagine ?

NELLY SINCLAIR-KUEN

« Bonjour, mon Dieu. Je t’accueille,Père, Fils et Saint-Esprit. Sois le bien-venu chez moi aujourd’hui. Je tedonne toute autorité sur mon esprit,mon âme et mon corps. Je me revêtsde la ceinture de la vérité, du casquedu salut, de la cuirasse de la justice.Je prends aussi le bouclier de la foi,l’épée de l’Esprit et les bonnes dispo-sitions de l’Évangile de paix. (Ep 6.14-17). Cette journée, je veux la vivre encollaboration avec toi, sous ta direc-tion. Tout cela, je le demande en tonnom, par ta grâce et pour ta gloire. »

Le cadre est ainsi posé pour vivrela volonté de Dieu au quotidien. Lesformules peuvent varier, mais l’inten-t ion reste la même : activer laconnexion avec Dieu. C’est cette dis-position d’avancer « ni par puissance,ni par force, mais par l’Esprit du Sei-gneur » (Za 4.6) qui permet d’avoirconfiance.

Si je peux louer Dieu, proclamerqui Il est, prendre ses promesses aumot, cela va m’élever au-dessus descirconstances pour être en phase avecsa perspective.

Face à la question : « Ai-je le droitde faire ceci ou cela? », je m’imprègne

chaque jour de la Parole qui donne lecadre de ce qui est bien ou mal. Celaest une balise suffisante pour la plu-part des situations. Le livre « Vos déci-sions et la volonté de Dieu »1 a étélibérateur pour moi.

Finie aussi la perpétuelle tension :« Dois-je décider d’aller à droite ouplutôt à gauche ? » Dieu m’a donnédu bon sens, des goûts, des quali-tés… et je peux tranquillement déve-lopper ma personnalité sous sonregard bienveillant. J’ai confiancequ’avec Dieu, j’ai en moi toutes lesressources pour décider, comme n’im-porte quel être humain.

Cette question de la volonté deDieu ne doit pas être un vernis spiri-tuel qui masque en fait une difficultéà faire des choix. Lorsque je me pola-rise anxieusement sur cette question,cela peut être dû à un enseignementinfantilisant ou à un manque deconfiance en moi. J’avancerai plutôten regardant la difficulté en face.Apprendre à faire un choix, c’estaccepter de dire oui à une chose et dumême coup non à une autre. C’estréaliser profondément que je ne peuxavoir en même temps « le beurre etl’argent du beurre ». C’est assumer lerisque de me tromper et d’apprendrede mes erreurs. C’est croire que Dieu

1 Garry FRIESEN, Vos décisions et la volontéde Dieu, Éditions Vida

Dès le réveil, j’ai conscience que Dieu est là, toutproche, lui qui a veillé pendant la nuit et qui meprécède dans la nouvelle journée. Le dialoguecommence :

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me pardonne et que je peux me pardon-ner à moi-même.

Un autre critère pour ne pas rater lacible de la volonté de Dieu – c’est l’une desdéfinitions de « pécher » –, c’est d’avoir enmoi-même une pleine conviction (Ro14.5). Dans certains cas, ne pas être diviséest tout un apprentissage. Si je me senscoincé entre deux désirs contraires ou deuxréalités opposées, je peux laisser émergerce qui a le plus de poids et ensuite fairepencher la balance dans un certain sens.

Tout ce chemin d’incarnation fait gran-dir et peu à peu affiner mon discerne-ment. Je précise mes leviers d’action, mescritères de choix, les barrières de sécuritéà respecter, et je prends conscience deszones délicates où il s’agit d’être particu-lièrement vigilant. « Les adultes, quant àeux, prennent de la nourriture solide : parla pratique, ils ont exercé leurs facultés àdistinguer ce qui est bien de ce qui estmal. » (Hé 5.14).

Quant au reste ? Oserai-je dire quec’est la glorieuse liberté des enfants deDieu ? (Rm 8.21)

Pour des questions d’ordre courant,reliées à la gestion du quotidien, je suislibre. Dieu m’a donné mon intelligencepour faire des choix sensés. Choisir A ouB n’a pas grande importance.

Ensuite, à l’intérieur de cette liberté, ily a des voies plus porteuses que d’autres.

Ce sont les OPA: décodez les ŒuvresPréparées d’Avance. (Ep 2.10) C’est làqu’intervient l’écoute du Saint-Esprit pourse laisser conduire de manière spécifique.

« Les brebis écoutent sa voix… et ellesle suivent parce que sa voix leur est fami-lière » (Jn 10.3-4)

Si nous prenons l ’ image de laconnexion internet ouverte, de temps entemps une image s’affiche pour informerde l’arrivée d’un message. Il en est demême avec Dieu, si j’ai mes antennesouvertes, il peut survenir une idée, ou uneimage, un chant ou une sensation.J’écoute ces indices et je les soumets à

Dieu : « Y a t-il quelque chose à entendrede ta part ? ». Le dialogue se poursuit toutau long de la journée.

Peu à peu, je me familiarise avec la façonqu’a le Seigneur de me parler et de meconduire dans des voies tracées d’avance.C’est là que je réalise souvent après coupcomment j’ai été dirigé si j’ai écouté. Il y ades occasions saisies, un contentement pro-fond et un fruit qui demeure.

Il y a certes aussi des choix importantsqui portent à conséquences. Il s’agit làd’utiliser la panoplie du discernement avecla concordance entre les circonstances, lesconvictions, les avis extérieurs, la Parole,la paix intérieure… Cela ressemble beau-coup à un puzzle où l’on cherche à mettreensemble plusieurs pièces jusqu’à ce quel’image apparaisse de plus en plus claire-ment. La disposition de base saine serad’être prêt à accepter l’image qui va semontrer sans s’agripper à une idée précisequ’on aurait en tête.

La perspective finale du discernementde la volonté de Dieu, serait-elle liée à laquestion : quel type de chrétien sommes-nous appelés à être ? Je suis toujours frap-pée par les grands personnages bibliquescomme Abraham qui a osé négocier avecDieu avant la destruction de Sodome etGomorrhe, comme Moïse qui a « parléavec Dieu face à face comme un hommeparle à son ami » (Dt 33.11) et qui a plaidéen faveur du peuple pour écarter sacolère… Il s’agit de viser cette stature par-faite de Christ, d’être un vis-à-vis qui tienten face de Dieu, à la fois dans le respectet dans la hardiesse. Oui, nous pouvonsuser de cette foi qui prend Dieu au mot etle met au défi d’appliquer sa parole.

Puissions-nous, à la suite de Jésus, vivrecette affirmation : « Ma nourriture est d’ac-complir la volonté de mon Père. » (Jn4.34) Oui, il est possible – et peut-êtreplus simple que nous ne l’imaginons – degoûter la saveur inimitable de l’investisse-ment durable, à la gloire de notre Sei-gneur. N.S-K.

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et si les autres m’aidaientà la chercher ?et si les autres m’aidaientà la chercher ?

MARIE CHRISTINE

FAVE

« We all need somebody tolean on1 » affirme le chant « Leanon me ». Échanger avec un ami,une personne de confiance pen-dant ce temps délicat de prise dedécisions et de recherche de ce queDieu voudrait dans une situa-tion… ce n’est pas du luxe !

« Les projets s’affermissent pardes conseils », assure Proverbes20.18. Vous avez dit conseils ? Jene suis pas sûr de toujours en vou-loir ! direz-vous. En fait, distinguonsdeux situations : les conseils quenous cherchons et ceux que nousrecevons sans aucune sollicitationde notre part.

Les conseils cherchés« Les projets échouent, faute de

délibérations, mais ils réussissentquand il y a de nombreux conseillers. »

(Pr 15.22). Besoin de délibéra-tions parce que :•Ma perspective est limitée et que

les autres vont la compléter et luiapporter une objectivité et unrecul par rapport à la situation,s’ils sont extérieurs à celle-ci.

•Expliquer mes projets m’amèneà les formuler avec plus deconcret et de précision, à réflé-chir à haute voix sur les avantageset les inconvénients, les consé-quences et les risques.

Parfois, on y voit plus clair aprèsce genre d’échanges, même sil’interlocuteur n’a pas donné de« réponse ».

Avec qui parler ?•Avec des amis

Le dialogue est naturel, informelet probablement chaleureux. Onest à l’aise et celui (celle) qui nousécoute, nous connaît bien avecnos points forts et nos faiblesses,notre vécu. Il (elle) pourra sou-lever une réflexion pertinente etéventuellement nous remettreen question. Il est important des’adresser à des personnes qui ont

La vie… une succession de choixDes détails de notre quotidien jusqu’aux engage-ments qui portent à conséquence, nous vivons choixsur choix. Si nous en apprécions l’aspect liberté,nous appréhendons souvent l’autre aspect : celui dela responsabilité. Cependant, liberté et responsabi-lité vont de pair dans un choix. Alors, prendre unedécision… cela peut devenir stressant parfois, voirepesant.

1 Nous avons tous besoin de quelqu’unsur qui nous appuyer.

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la liberté et la capacité de nous direce qu’ils pensent, même si cela necorrespond pas à ce que nous aurionssouhaité entendre à priori. Noustouchons ici aux raisons qui nouspoussent à aller discuter avec quel-qu’un : attention à ne pas simplementchercher une approbation.

•Avec des personnes que j’es-time pour leur maturitéNous nous tournons naturellementvers les amis pendant ces temps dedécisions. Ne nous privons pas nonplus des personnes peut-être plusexpérimentées et que nous respectonspour leur maturité et leur foi. Quand Roboam devient roi en Israël,il doit réagir à une requête deJéroboam et de l’assemblée d’Israël(1 R 12). Il se donne trois jours pourrépondre et cela est sage de sa part.Nous aussi, ne précipitons pas unedécision même si parfois nos inter-locuteurs voudraient que tout aille vite.Roboam prend conseil auprès desanciens, d’une part, et de ceux quiavaient grandi avec lui, d’autre part.« Le roi répondit durement au peuple.Il ne tint pas compte du conseil quelui avaient donné les anciens » (v.13).Roboam suit l’opinion de ses pairs eton connaît la suite : schisme desroyaumes de Juda et d’Israël. Les avisne divergent pas toujours de façonaussi flagrante et l’âge n’est pas tou-jours la garantie de la sagesse.S’adresser à un responsable d’église,de groupe de jeunes, à un orateur…peut effectivement nous rendre atten-tifs à certains points, nous encoura-ger et nous permettre de prierensemble par rapport à une décision.Néanmoins, le choix demeure notre

responsabilité. Et la personne, mêmesi elle est en position de responsable,peut se tromper ou ne pas voir tousles éléments de la question. On se rap-pelle du dialogue de David et Nathan(2 S 7) à propos de l’arche de Dieuqui habitait sous la toile de tente.L’intention de David semble bonne,généreuse et son raisonnement cohé-rent. « Nathan répondit au roi : Va,fais tout ce que tu as dans le cœur,car l’Éternel est avec toi. Or, cette nuit-là, la parole de l’Éternel fut adresséeà Nathan… » (voir vv.3 et 4) Dieuintervient. Le prophète Nathan aréagi en toute logique humaine maisce n’était pas le « plan » de Dieu, nisa façon de penser (voir vv. 6 et 7).Nous ne pouvons pas nous retrancherderrière l’avis du pasteur. Nous avonsla responsabilité de réfléchir, de prieret de décider. Celui qui donne unconseil a aussi sa part et doit veillerà ne pas choisir pour l’autre.

Les conseils reçusspontanément

Nous sommes parfois abordés parl’un ou l’autre dans notre manière d’agiralors que nous n’avons rien demandé.Comment réagissons-nous ? Pas tou-jours facile de se laisser interpeller, ycompris par des proches.

« Que fais-tu là pour cepeuple ? »

Suite à cette question de son beau-père Jéthro, Moïse s’explique et entendensuite : « Ce que tu fais n’est pas bien.… Maintenant, écoute ma voix ; je vaiste donner un conseil, et que Dieu soitavec toi ! » (Ex 18.17 et 19) Jéthro avaitécouté Moïse et vu comment il s’or-

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ganisait. Sa position lui permettaitprobablement un langage direct. Sonavis est très pertinent et Moïse aura lasagesse et l’humilité de suivre sonconseil. Avons-nous toujours l’humilitéde reconnaître le bien-fondé de cer-taines suggestions de entourage ? Ousommes-nous tout de suite sur ladéfensive avec des « Oui, mais… », « Tune comprends pas… », « Ce n’est passi simple… ». Même si notre interlo-cuteur ne mesure pas toute la com-plexité de notre situation et même sisa proposition ne s’applique pas néces-sairement telle quelle, cepeut être l’occasion de réflé-c h i r e n s e m b l e à u n emeilleure solution.

« On m’a dit… »« On m’a dit alors de te

tuer… » confie David à Saülalors qu’il l’épargne dansune caverne (1 S 24). Eneffet, ses hommes lui avaient même dit :« Voici le jour où l’Éternel te dit : C’estmoi qui livre ton ennemi entre tes mains… ». C’est plus qu’un conseil, c’est unesollicitation et une interprétation de lavolonté de Dieu. David ne se laisse pasmettre la pression : ses valeurs sont suf-fisamment claires pour lui permettre derésister. « Je ne porterai pas la mainsur mon seigneur, car il est le messiede l’Éternel. » (v.11) La crainte de Dieuainsi que la connaissance que Davida de Dieu l’aident à analyser la situa-tion. Il reconnaît comme ses hommesque Dieu lui avait livré Saül entre sesmains, mais sa conclusion est différente.Autant nous avons besoin d’être sen-sibles aux propositions de notre entou-rage, autant nous devons conserver lediscernement par rapport à elles.

ParadoxeDavid cite le « vieux proverbe : c’est

des méchants que vient la méchan-ceté » (1 S 24.14) et il se garde de laviolence par rapport à Saül. Et pour-tant, au chapitre suivant, il réagitimpulsivement à l’affront de Nabal. Ils’apprête à le tuer ainsi que ses servi-teurs. Heureusement, Abigaïl, « femmede bon sens » (1 S 25.3) saura l’arrê-ter par ses paroles et son attitude. Cetévènement relève l’humilité de David,prêt à se remettre en question, y com-pris devant ses hommes face aux

conseils d’Abigaïl.Mais on constateaussi que même siDavid avait saisiun principe au cha-pitre 24, il avaitbesoin de l’inter-vention de quel-qu’un pour le luirappeler. Nous

aussi, nous entendons parfois cer-taines recommandations ou valeurs quenous connaissons bien. « Je sais cela !» pensons-nous. Mais ce conseil arrivepeut-être comme une interpellation ouune mise en garde alors que nous nouslaissons prendre par nos émotions ouune réaction rapide.

Écouter pour mieuxdécider

La vie est une succession de choixque les autres ne peuvent pas prendreà notre place. Il serait cependant dom-mage de nous priver de leur soutien,leur réflexion, leur apport. Remercionsplutôt Dieu pour ceux qu’il met surnotre route pour nous accompagner.

M-C.F.

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La volonté de Dieu...

la chercher au traversdes circonstancesla chercher au traversdes circonstances

De nombreux chrétiens insistentsur l’importance des circons-tances dans le processus déci-

sionnel. Mais le danger avec les cir-constances, c’est qu’elles sont difficilesà interpréter. Si nous prenons les cir-constances comme éléments princi-paux pour comprendre ce que Dieuveut dans notre cas précis, nousserons plus confus que confortés.Une circonstance favorable signifie-t-elle toujours une approbation divineet, inversement, une circonstance àpriori défavorable signifie-t-elle uneporte « fermée » ?

Prenons l’exemple de Moïse (Exode2). À l’âge de 40 ans, les circonstancessemblaient être favorables pour qu’ilprenne la tête du peuple pour le sor-tir d’Égypte. Le peuple était fortementopprimé. Moïse venait de parfaireson éducation à la cour de Pharaon,

il était au mieux de sa forme (il a tuéun Égyptien à mains nues !). Mais Dieun’a pas vu les choses selon ce pointde vue humain. Il a fallu attendre40 ans plus tard, 40 années, loin dupeuple, à garder un troupeau demoutons dans le désert, pour que Dieul’appelle et lui confie sa mission.

Les circonstances doivent être évi-demment passées par le filtre de laParole. Prenons l’exemple de laconstruction d’un bâtiment pourl’église : nous ne pourrons pas inter-préter un don de financement impor-tant comme une confirmation de lavolonté de Dieu alors que nous savonsque ce don provient d’une source dou-teuse.

Nous pouvons ainsi citer de nom-breux autres exemples montrant queles circonstances sont loin d’être facilesà interpréter et qu’il faut beaucoup desagesse pour le faire.

Certes, les circonstances sont desparamètres à prendre en compte dansquasiment toutes les décisions, maisnous ne devons pas les laisser déci-der à notre place. Elles doivent n’êtreque des facteurs parmi d’autres quinous amènent à la décision finale. Dece fait, elles ne sont pas nécessairementdes signes de la direction de Dieu.

Lorsque Paul a été mordu par lavipère (Ac 28.4), les spectateurs de la

NANTENAINA

ANDRIAMANAMPISOA

« Dieu a ouvert les portes » ! Voilà une des expres-sions que nous utilisons fréquemment concernant lamanière dont nous interprétons parfois les circons-tances en rapport à la volonté de Dieu. En effet, lescirconstances sont couramment citées parmi les élé-ments ou critères qui permettent de discerner lavolonté de Dieu. Est-il juste d’avoir de telles consi-dérations ? Les circonstances sont-elles effectivementdéterminantes pour confirmer la volonté de Dieu ?

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scène vont successivement donner deuxinterprétations de ce qu’ils voient. Il s’avèreque, dans les deux cas, ils avaient tort !

Essayer de lire ou confirmer la volontéde Dieu à travers les circonstances relèveparfois de l’art divinatoire, plutôt qued’un exercice spirituel.

Dans Actes 9, quelque temps après saconversion, Paul se rend à Damas. Là, cer-tains Juifs ont payé des tueurs pour assas-siner Paul. Ce dernier s’échappe de la villeen descendant le long du mur dans unpanier. Il a utilisé son bon sens et a fui.

Dans Actes 16.9-40, Paul est à Philippesen compagnie de Silas. Devant l’adversité,ils se laisseront arrêter, tout en défendantleurs droits de citoyens romains. Cette arres-tation permettra au geôlier ainsi qu’àtoute sa famille de se convertir.

Dans Actes 20.1-3, Paul, qui est enGrèce, projette de se rendre en Syrie. Maislorsqu’il est informé du complot des Juifscontre lui, il change ses plans et retourneen Macédoine.

Que constatons-nous ? Trois fois, Paula été confronté à un danger ; une fois ils’est enfui, une fois il est resté et, la troi-sième fois, il évite le danger.

Le principe de ne pas laisser les cir-constances déterminer nos choix s’ap-plique aux évènements positifs. Une « porteouverte » n’est pas nécessairement le doigtde Dieu pointant et nous invitant à allerde l’avant. L’expression « porte ouverte »est plusieurs fois dans le NouveauTestament : Ac 14.27, 1 Co 16.9, 2 Co2.12, Co 4.3 et Ap 3.8. Il renvoie le plussouvent à une opportunité au service deChrist ; en général l’enjeu n’y est pas per-sonnel, mais concerne quelque chose deplus important : l’Évangile !

Quand une porte était ouverte, lesapôtres y sont entrés la plupart du temps,mais pas toujours. Prenons l’exemple de2 Co 2.12. Si on affirme qu’une porte

ouverte manifeste la volonté de Dieu, alorsPaul était ici en train de désobéir, puisqu’ilest allé dans une autre direction. Mais cechoix de Paul n’a jamais été remis en ques-tion dans la Bible. Il semble donc évidentque Paul ici a considéré cette porte ouvertecomme un fait à prendre en considérationavec d’autres facteurs, d’autres priorités dela vie, et même en relation avec sespropres sentiments. Paul a pris librementsa décision en fonction de ce qui lui sem-blait important à ce moment-là.

Les circonstances, qu’elles soient bonnesou mauvaises, ne déterminent pas lavolonté de Dieu. Les lettres de Paul conti-nuent à édifier l’église de Jésus-Christdepuis 2000 ans, il les a souvent écritesdans des circonstances difficiles. Il était doncle mieux placé pour encourager et exhor-ter Timothée à prêcher la parole et à insis-ter en toute occasion, favorable ou non !

Il est important de comprendre que Dieune veut pas faire de nous des marionnettes,mais des êtres libres. Il nous laisse unegrande liberté dans le cadre de sa volontémorale.

Lorsqu’il est question de la volonté deDieu dans nos choix, il est en réalité sou-vent question de sagesse. En effet, si Dieune nous promet pas de nous manifester tou-jours sa volonté spécifique dans tous les choixde notre vie, il nous demande de chercherla sagesse et il veut nous l’accorder (Jc 1.5).L’apôtre Pierre écrit que nous avons reçu toutce qui contribue à la vie (et donc aux choixqu’elle nécessite) et à la piété (2 P 1.3), ettout cela nous l’avons en Jésus-Christ, « enqui sont cachés tous les trésors de la sagesseet de la connaissance » (Col 2.3).

Que Dieu nous accorde cette sagessepour que nous sachions comment réagirquelles que soient les circonstances.

N.A.

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Qui n’a jamais été tenté – dans unesituation critique, devant unedécision difficile – d’imiter

Gédéon et « d’étaler une toison » ? Toutne serait-il pas plus simple si nous pou-

vions interroger le Seigneur decette façon et à volonté ? Avant d’in-vestir dans l’achat d’une peau demouton, prenons un instant pourregarder de plus près l’expériencede ce héros de la foi…L’aventure de Gédéon s’inscrit danscette période sombre de l’histoired’Israël qu’on appelle l’époque des

juges. Lorsque l’ange de l’Éternel sur-prend le jeune homme qui s’escrime àvanner du blé dans le pressoir, sonpeuple est au fond du gouffre. Septlongues années d’oppression aux mainsdes Madianites ont brisé l’esprit desIsraélites. L’explication humaine de cettesituation est que ces ennemis féroces pro-fitent de leur « avance technologique » :ils ont réussi à domestiquer des chameauxpour en faire des montures, ce qui leura permis d’inventer la razzia. Ils arriventsi vite et si nombreux que les Israélitesn’ont jamais le temps de s’organiser oude réagir. L’explication spirituelle de cetétat de choses est autre : Israël subit lejugement de Dieu sur son infidélité, sonidolâtrie. Mais le Seigneur a entendu lescris de son peuple affaibli et va susciter

un meneur pour bousculer le statu quo,rétablir le culte de l’Éternel et secouer lejoug des Madianites.

Dieu appelle Gédéon et lui accordeun premier signe en faisant sortir du feudu rocher pour consumer son offrande.Fort de cette expérience, qu’on peut voircomme le renouvellement de l’alliancede l’Éternel avec Israël, le jeune hommetrouvera le courage de s’attaquer auxsymboles du culte idolâtre : il démolit l’au-tel du Baal, abat le poteau cultuel appelé« ashéra », construit un autel tout neufen l’honneur du seul vrai Dieu et y offreun sacrifice. Avec le soutien de sonpère, Gédéon réussit à imposer cetteréorientation spirituelle aux gens du voi-sinage. C’est une première victoire.

Ensuite, les choses se corsent… LesMadianites et leurs alliés viennent tran-quillement s’installer, pour la huitièmeannée consécutive, dans la vallée deJizréel. Ils se préparent à fondre sur lepays. C’est à ce point du récit que l’au-teur inspiré introduit deux précisionsimportantes… sur lesquelles le lecteurmoderne passe trop facilement. D’abord,il écrit que Gédéon fut revêtu du souffledu Seigneur. Brian Tidiman commente :« Ce n’est pas Gédéon qui revêt l’Esprittelle une armure, c’est l’Esprit qui enve-loppe le chef militaire comme un vête-ment afin d’en faire son instrument.

ROBERT SOUZA

Grain à moudre

Poser une toison ?« … que la toison seule reste sècheet qu’il y ait de la rosée sur le sol partout ailleurs ! »(Juges 6.39)

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Rien ne semble lui manquer pour engager le com-bat.1 » Rien… sinon une armée ! Et c’est là quenous est donnée une deuxième précision : laconvocation publiée par Gédéon a mobilisé bonnombre de ses compatriotes de la partie nord dupays. Il n’est plus seul.

Et c’est à ce moment-là que Gédéon abat sapeau de mouton… et donne le top départ à unediscussion qui n’est pas près de s’arrêter ! A-t-ilmanqué de foi, oui ou non ? A-t-il eu raison outort d’agir de la sorte ? Et, bien sûr, nous est-ilpermis de l’imiter ? N’allons pas trop vite…Gédéon semble avoir tout ce qu’il faut : l’ap-pel de Dieu, l’Esprit de Dieu, des compagnonsprêts à se battre. Pourtant, il lui manque quelquechose d’essentiel : la reconnaissance de sespairs. Ce n’est pas parce qu’il sait sonner de latrompette qu’on va accepter de le suivre dans uneexpédition militaire à haut risque ! Il dit que l’É-ternel est avec lui ? Qu’il le prouve !

Gédéon n’est pas pris au dépourvu. Il a déjàréfléchi à la question : il se trouve justement qu’ila une toison de mouton sous la main ! Le sensdu signe demandé est dans ce début de phrase :Si tu veux sauver Israël par moi, comme tu l’asdit… Les détails sont choisis avec soin. L’essoragede la toison pour en sortir un plein bol d’eau estun geste théâtral, visible de loin par des hommesnombreux massés autour de l’aire. Voilà unbeau signe !

Ensuite, qui a douté ? Gédéon ? Les hommesqui l’avaient rejoint ? Une forte tête qui aurait vouluêtre juge à la place du juge ? Le récit ne le pré-cise pas. Il y a peut-être eu des murmures : « Toutle monde sait que la laine retient l’eau tandis quele rocher sèche aux premiers rayons du soleillevant ! » Lorsque Gédéon demande un derniersigne en confirmation, on le sent hésitant, crain-tif même. Il s’exprime comme Abraham l’a faitlorsqu’il intercédait pour Sodome : Ne te mets pasen colère contre moi… je ne parlerai plus que cettefois. Pour ce qui est de la crainte de l’Éternel,

1 Le livre des Juges, Édifac, 2004, p. 168

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Gédéon a une longueur d’avance sur sescompagnons. N’est-il pas écrit dans la loi :Vous ne provoquerez pas le SEIGNEUR,votre Dieu2 ? Mais le Seigneur dans sagrâce accède à la demande de son nou-veau serviteur – et ce qui n’était jusque-là qu’un rassemblement hétéroclite deguerriers peut être désigné désormaiscomme Gédéon… et toute sa troupe(7.1) !3

Quelles analogies nous permettraientde tirer édification de l’histoire deGédéon ? Si nous avons bien décryptéle récit, la toison est avant tout le signeque Dieu reconnaît Gédéon comme lesauveur (à petite échelle et pour untemps) qu’il a désigné pour délivrer sonpeuple. De ce point de vue, la toison ren-voie aux miracles qui ont marqué leministère de Jésus et, en particulier, au« signe de Jonas », sa victoire sur le « der-nier ennemi » : il a été déclaré Fils deDieu avec puissance… par sa résur-rection d’entre les morts4. Jésus est leSauveur désigné par Dieu, pour toutel’humanité et pour tout temps. Nousn’en attendons pas d’autre – dans ce sens,il n’y aura plus d’autre « toison ».

Le parcours de Gédéon reste, néan-moins, un exemple intéressant de vievécue par la foi (il est cité à ce titre dansHébreux 11). Son expérience de la décou-verte de la volonté de Dieu ne commencepas par la toison, mais par l’écoute : leSeigneur l’appelle, lui parle, se révèle àlui. Ensuite, Gédéon accepte de faire cequ’il peut avec les moyens dont il dispose.Il s’occupe de l’autel de Baal et le Seigneurhonore son courage. Le soutien inattendude son père est aussi un « signe » qu’il estsur la bonne voie. Après cela, Dieu jugeque Gédéon est prêt pour une mission deplus grande envergure. Il le revêt de son

Esprit et lui envoie des renforts. Bien avantl’incident de la toison, Gédéon s’estengagé à marcher dans la volonté de Dieu.Dans ces conditions, celui qui marche parla foi reçoit les signes en confirmation dontil a besoin.

Si nous avançons courageusementdans la direction que Dieu nous indique,il nous encouragera de toutes sortes demanières et nous pouvons avoir confiancequ’il saura lever, les uns après les autres,les verrous qui semblent nous barrer laroute. Il n’y a pas de « technique » pourdécouvrir la volonté de Dieu. Le « secret »est de cheminer avec lui, les yeux, lesoreilles et le cœur grand ouverts.

R.S.

2 Deutéronome 6.163 cf. Exode 4.1-9 et les signes accordés à Moïse pourlui permettre d’établir son autorité.4 Romains 1.4

« Mes frères, considérezcomme un sujet de joiecomplète les diverses épreuvesque vous pouvez rencontrer,sachant que la mise à l’épreuvede votre foi produit lapatience. Mais il faut que lapatience accomplisse uneœuvre parfaite, afin que voussoyez parfaits et accomplis, etqu’il ne vous manque rien. »(Jacques 1.2-4)

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QUEQUE VEUX-TUVEUX-TU ??

La volonté de Dieu...

Des choix sous influence ?Des choix sous influence ?

Tout au long de nos journées, demanière consciente ou par auto-matisme, nous faisons constam-

ment des choix, notre volonté estmise en action. Choix banals dansbeaucoup de cas, mais déterminantsdans d’autres !

Se méfier de la loi du nombre

En fonction de l’importance desdécisions, la conscience est plus oumoins éveillée. Et c’est là qu’il y a unrisque ! Étant entourés d’un grandnombre de personnes qui ont déjà faitleur choix, nous risquons simplementde prendre pour normal et évident lechoix majoritaire. Est-ce que j’oubliequelquefois que ce que je fais et penseest de l’ordre du choix ? Certaineschoses sont-elles évidentes et sansquestionnement parce que « tout lemonde » fait ou pense comme cela ?

Prenons l’exemple de latélévision. Les statistiques nous

apprennent que98,3 % des Françaispossèdent un télé-v i s e u r . 3 0 %d’entre eux en ontdeux, 8 % en onttrois. La questionn’est pas desavoir s’il estlégitime ou non d’avoir un téléviseur,la question qui se pose à moi en tantque chrétien est de savoir pourquoi jevais acheter ou non un téléviseur.Une bonne question préalable serait :« Comment 2 % des Français peuvent-ils vivre sans la télé ? »

La télévision est bien sûr un moyend’information, de culture et de décou-verte, mais elle permet aussi l’irruptionde la culture ambiante dans le foyer.Deux études1 faites en 1988 et 1993font apparaître la banalisation de la vio-lence : on a compté, en une semainesur les chaînes hertziennes, 624bagarres en 1988 et 943 en 1993 ; lesfusillades et explosions passent de303 à 966 ; les scènes de guerre de 11à 104, les viols de 0 à 22. Par rapportaux enfants en particulier, le tableauest inquiétant2 : 85,9 % des jeunes

Nos choix sont-ils induits par la culture ambiante,par les messages publicitaires ou par l’exempledes autres plus que par les valeurs chrétiennes ?Ne faut-il pas nous poser la question si nos choixsont sous influence ?

1 Étude du Point en 1988 et de Télérama en1993.2 Étude de Claude ROZIER, médecin scolaire,1998.

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MARCEL

REUTENAUER

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interrogés ont déjà vu un film porno(81,1 % des filles et 89,6 % des garçons).42,5% des ados interrogés avaient vu leurpremier film X entre 11 et 15 ans. On pour-rait aussi évoquer la banalisation de l’adul-tère, du divorce, de l’homosexualité, etc.

On voit donc bien que l’achat d’un télé-viseur n’est pas anodin et qu’il convient dele faire précéder d’une réflexion sérieusequant à ses dégâts collatéraux si sonusage n’est pas maîtrisé. À l’instar del’apôtre Paul, nous pouvons donc dire :« Tout m’est permis, mais tout n’est pas utile,tout m’est permis, mais je ne me laisseraipas asservir par quoi que ce soit. »3 Et « Toutest permis, … mais tout n’édifie pas. »4

Se méfier de la convoitiseS’il y a une valeur dont notre société

de consommation est imprégnée, c’est l’en-vie. Et les agences de publicité l’ont biencompris : la convoitise des yeux, le besoinde paraître, etc. sont des mécanismes quifont vendre. Dans le cas d’une marque lea-der sur le marché de l’hygiène-beauté, unecampagne radio a permis une progressiondes ventes de 15 %5 !

Il faut donc que je me pose la question :« Quelle est ma sensibilité à la mode ? Quelssont les personnages que j’admire ? Pourquoi serais-je prêt(e) à faire des sacrificesd’argent ou de temps ? » Et il convient deconfronter mes désirs à cette exhortation dela Parole de Dieu : « N’aimez pas le mondeni rien de ce qui fait partie de ce monde.Si quelqu’un aime le monde, l’amour pourle Père n’est pas en lui. En effet, tout ce quifait partie du monde : les mauvais désirsqui animent l’homme livré à lui-même, lasoif de posséder ce qui attire les regards,et l’orgueil qu’inspirent les biens matériels,tout cela ne vient pas du Père, mais dumonde. Or le monde passe avec tous sesattraits, mais celui qui accomplit la volontéde Dieu demeure éternellement. » 6

Il ne s’agit bien sûr pas, d’une manièrelégaliste, de prohiber tout achat de biensde consommation (équipements, vête-ments, produits d’hygiène ou de beauté,etc.). Mais il faut se poser la question dece qui est le besoin « objectif » et ce quipourrait être la motivation « profonde » enrelation avec l’image de soi. Cette moti-vation peut être extrêmement variée :depuis le besoin de paraître jusqu’à l’ad-diction. Voici deux réflexions – dignes dulivre des Proverbes – relevées sur internet :« Les gens ont parfois tendance à n’ache-ter que des choses chères. La raison en estque ces choses sont destinées à rehausserleur image d’eux-mêmes. […] Ceux qui netombent pas dans ce système ont atteintun haut niveau de sagesse. » « Les publi-citaires nous vendent une image de nous-mêmes. […] Nous sommes prêts à dépen-ser des fortunes. Celui qui n’a pas besoinde cela pour avoir une bonne image desoi fera de grosses économies. »7

Faire attention àl’éblouissement…

Les enfants et les jeunes – les adultesaussi dans une certaine mesure – ont besoinde « modèles » par lesquels se structure lahiérarchie des valeurs. Et à partir de cesvaleurs se construiront le projet de vie, lechoix des études, la carrière professionnelle,le choix d’un conjoint, etc.

Il est donc extrêmement important deveiller à être entouré de personnes aux par-cours variés, aux compétences diverses, etporteuses de valeurs approuvées par laBible.

Les médias populaires sont, quant à eux,friands d’étaler la réussite de toutes sortes

QUEQUE VEUX-TUVEUX-TU ??

3 1 Co 6.124 1 Co 10.235 Source : www.e-marketing.fr6 1 Jn 2.15-177 www.4p8.com/eric.brasseur/imso.html

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de célébrités : sportifs, chanteurs, écrivains,scientifiques, etc. Les plus admirées sontparfois celles qui étalent leur richesse et…leurs frasques sentimentales. La discrétionet l’humilité attirent beaucoup moins lesregards !

Une autre possibilité d’« éblouisse-ment » peut être constituée par le miragede la richesse facile qui nous est proposéeau travers de tous les jeux d’argent. Ils ontun grand succès. En 2003, les dépensesdes ménages français en jeux se sont éle-vées à 7,8 milliards d’euros en valeur, soit130 euros par habitant… et beaucoup pluspar joueur.8 Mais on ne nous montre queles gagnants… et pas ceux qui ont ruinéleur foyer !

En tant que chrétiens, nous sommesinvités à mener nos projets de vie (études,profession, mariage, etc.) avec mesure, sansécarter une saine ambition. La question defond est, ici encore, celle de mes priorités.Sommes-nous convaincus des paroles dupsalmiste : « Car un jour dans tes par-vis, vaut bien mieux que mille ailleurs9 » ?Et quand nous disons : « Cherchez pre-mièrement le royaume et la justice de Dieu ;et toutes ces choses vous seront donnéespar-dessus10 », sommes-nous vraimentconvaincus que c’est la meilleure deschoses et que, même si nos devions ensouffrir, Dieu nous donnera par-dessus laforce pour endurer et rester dans la joie etla paix ?

Ne pas se laissergouverner par la peur

L’une des influences les plus paralysantespour être témoin du Christ est la peur du« qu’en-dira-t-on ? ». On voudrait vivre,également en dehors du cercle des frèreset des sœurs de l’Église, des relations ami-cales et tranquilles avec notre entourage(camarades d’études, collègues de travail,voisins, etc.).

Mais trop souvent, surtout lorsqu’on esten groupe, les sujets de conversation, lesavis exprimés par les uns et les autres, lesblagues ou les attitudes sont imprégnésd’une pensée qui a tourné le dos à Dieu,voire qui le tourne en ridicule. Qu’il peutparaître difficile dans ces moments-là dese positionner avec nos convictions chré-tiennes !

Il est important d’avoir réfléchi – avecprière ! – à la conduite à tenir pour ne pasêtre entraîné par le flot des courantscontraires à nos valeurs. Car dans ces ins-tants il faudra choisir : attrister notreSeigneur ou subir les sarcasmes éventuelsde l’entourage. Avoir identifié nos peurset chercher à honorer Dieu nous permet-tra – avec l’assistance du Saint-Esprit – detrouver l’attitude ou les mots justes pourréagir selon nos convictions. Rappelons-nous que la fierté d’avoir été fidèle auSeigneur dépasse de loin la « honte » quevoudraient nous infliger ceux qui s’oppo-sent à Dieu.

En conclusionNe vous coulez pas simplement dans le

moule de tout le monde. Ne conformez pasvotre vie aux principes qui régissent le siècleprésent ; ne copiez pas les modes et leshabitudes du jour. Laissez-vous plutôtentièrement transformer par le renouvel-lement de votre mentalité. Adoptez une atti-tude intérieure différente. Donnez à vospensées une nouvelle orientation afin depouvoir discerner ce que Dieu veut devous. Ainsi, vous serez capables de recon-naître ce qui est bon à ses yeux, ce qui luiplaît et qui vous conduit à une réelle matu-rité. M.R.

8 http://www.insee.fr/9 Ps 84.1110 Mt 6.3311 Lc 12.11-1212 Rm 12.2 (Parole Vivante)

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Mais cette question : « Que veux-tu ? » peutprendre une intensité particulière lorsque noussommes confrontés au problème du mal. Voyonsquelques réactions possibles.

Contre DieuUne des façons de réagir face au mal, c’est d’ac-

cuser Dieu de ce mal. C’est souvent la réaction del’incroyant (l’athée) qui dit nier l’existence de Dieuà cause de la présence du mal dans le monde : « SiDieu existait, il n’y aurait pas de mal… » Cetteréaction part d’une révolte juste contre le mal. Ellenous donne même l’intuition que l’incroyant seraitpeut-être prêt à croire en Dieu s’il ne se présentaitpas, à ses yeux, sous les traits d’un sadique oud’un incapable.

1- Un dieu sadiqueLe sadique tire profit de l’angoisse qu’il pro-

voque chez l’autre. Dans une situation de souf-france, quelqu’un peut être tenté d’attribuer à Dieucette attitude-là. Il pourrait tenir le raisonnement sui-vant : si Dieu peut ôter le mal, et qu’il ne le fait pas,alors ce dieu-là est sadique. Il laisse l’homme souf-frir inutilement, sans intervenir. On pourrait mêmeimaginer ce dieu-là se frottant les mains du spectaclede l’homme trébuchant face au mal…

2- Un dieu incapableOu bien si Dieu n’ôte pas le mal, cela pourrait

signifier qu’il n’en est pas capable. Sa puissancemême serait en cause. Dieu voudrait bien aider

En lisant et en étudiant laBible, chacun peut répondre,du moins en partie, au débutde cette question : « Queveux-tu… ? » En effet, la Biblenous révèle le projet qu’avaitDieu à l’origine de l’êtrehumain, ce que ce projet estdevenu à cause du péché, etle salut que Dieu a mis enœuvre pour rétablir les choses.Par sa Parole, Dieu se révèle àl’homme. Et pourtant, la« volonté de Dieu » demeureinaccessible à la penséehumaine. Le psalmistel’exprime à sa façon : « Cetteconnaissance étonnante medépasse, elle est trop élevéepour que je puisse la saisir1. »Il y a quelque chose qui nouséchappe, et quinouséchappera tou-jours dans lavolonté deDieu.

QUEQUE VEUX-TUVEUX-TU ??

SYLVAIN LOMBET

« Que veux-tu… quand j’ai mal ? »« Que veux-tu… quand j’ai mal ? »

1 Psaume 139.6

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l’homme face au mal, mais sa faiblessel’en empêcherait, il ne peut pas interve-nir ! Dans cette perspective, le mal auraitdonc le dernier mot, sortant vainqueur durapport de force avec Dieu. Dans ce cas-là, Dieu aurait créé un monde qu’il nepourrait ni gérer, ni assumer…

Ces deux images de Dieu, « lesadique » et « l’incapable », ne corres-pondent en rien au Dieu qui se révèledans la Bible2, mais peuvent néanmoinsnous revenir en tête lorsque nous souf-frons.

Pour DieuUne autre réaction consiste, non pas

cette fois à se positionner contre Dieu,mais à prendre sa défense. C’est souventl’attitude du croyant soucieux de ne pascompromettre Dieu avec le mal. Le rai-sonnement pourrait prendre la tournuresuivante : Dieu est saint et il ne tolère pasle mal. Dieu ne se mêle pas du mal, c’estcontre sa nature. Dans ce raisonnement,qui part d’une affirmation biblique juste(Dieu est saint et il ne tolère pas le mal3),l’objectif serait d’innocenter Dieu d’unequelconque responsabilité du mal quiaccable l’homme.

Dans la Bible, l’attitude des « amis » deJob est un exemple extrême de ce pointde vue. Dans leur discours, ils défendentDieu contre Job, car, pour eux, la façondont Job interpelle Dieu au sujet de sonmalheur est prise comme un affront. Maisleur souci d’innocenter Dieu est tellementfort, que leur discours tombe finalementdans l’absurde, voire la haine. Ils s’en-ferment dans leur théorie qui croit qu’unhomme souffrant est forcément coupabled’une faute devant Dieu.

Et c’est là le problème. Quand oncherche à excuser Dieu comme cela, endéfendant l’image qu’on se fait de Dieu

(ce qui est la même chose), on risqued’en arriver à considérer que la souf-france est toujours justifiée (en raison desa valeur « pédagogique », par exemple).Voire même qu’elle est toujours méritée(en raison d’un « péché caché », parexemple). Ce qui n’est pas le cas pourJob : l’auteur du livre soutient son inno-cence du début à la fin. Si quelqu’un setrouve dans une situation de souffrance,cela ne constitue pas nécessairement unepreuve de sa culpabilité devant Dieu.

Comme les « amis » de Job, nouspourrions croire que le mal que noussubissons a toujours un sens. Cette atti-tude est logique d’une certaine manière,parce que nous cherchons à expliquerpourquoi nous vivons telle ou telle chose,et pourquoi Dieu « permet » ou « veut »cela… Mais est-elle juste ?

Comment sortir alors de cette tour-mente ? Car si nous disons que Dieu« veut » le mal, ne risque-t-il pas de pas-ser pour un sadique ? Et si nous disonsque Dieu ne veut pas le mal, ou le « per-met », comment ne pas croire que le maléchappe finalement à son contrôle ?

Avec DieuLa réponse biblique est différente des

précédentes. Pour la Bible, le Dieu quis’est révélé à Abraham, Isaac et Jacob, leDieu de Jésus-Christ, n’est ni pervers, niincapable, ni irresponsable. Il ne poussepas l’homme dans la souffrance, et il nebaisse pas non plus les bras. Au contraire,loin de se désintéresser du mal, Dieu a étéle premier à agir. La réponse biblique deDieu face au mal n’est pas une réponseexplicative, mais active. Dieu n’a pas jugébon de disserter avec nous sur le pour-

2 En ce qui concerne un Dieu non sadique, lire par exempleJacques 1.133 Lire par exemple Lévitique 19.2, Romains 1.18.

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quoi des événements, mais il a jugé bond’entrer lui-même dans le problème dumal. En cela, le Dieu de la Bible n’aaucun rapport avec les dieux païens, cou-pés du monde des hommes, sauf pours’en servir égoïstement…

Dès la Genèse, à peine le mal est-ilcommis, que Dieu vient à la rencontre del’homme et de la femme, certes cou-pables, mais en premier lieu victimes dudiscours du serpent. Comment Dieu inter-vient-il dans ce problème ? Par le biais ducombat. Et dans ce combat contre le mal,Dieu se place du côté de l’être humain etde sa descendance (Gn 3.15). Ce mal,qui a fait irruption par surprise dans laCréation, ne trouve aucune place, aucunejustification dans le récit biblique. La seuleréponse qui lui est donnée, c’est uneopposition farouche !

Cette opposition, Dieu l’a particuliè-rement manifestée en allant lui-même aucœur du problème. Il est venu s’inscrireen personne dans la descendancehumaine, il y a 2000 ans : en Jésus-Christ, Dieu s’est fait réponse à la ques-tion : « que veux-tu… quand j’ai mal !? »Vrai Dieu et vrai homme, il a vécu parminous sans commettre le mal. Il a pris surlui le problème du mal, à la croix, pournous sauver. Mais ce n’est pas tout. Carun Dieu mort ne servirait à rien. Jésus atraversé la mort, Dieu l’a ressuscité ! Il estvivant aujourd’hui.

Et ça change quoi pourmoi… ?

Qu’est-ce que le message bibliquepourrait avoir comme conséquences dansnos vies ? Ce message signifie qu’il n’y apas nécessairement de lien de cause àeffet entre subir le mal et commettre lemal. Par sa vie d’homme, Jésus-Christ aouvert un chemin qui nous libère du des-

tin, de la fatalité du péché sur nos vies4.Quelle que soit notre histoire, les condi-tions dans lesquelles nous sommes venusà la vie, dans lesquelles nous avonsgrandi, quelles que soient les erreurs desautres ou les nôtres, quels que soient lesdrames que nous vivons (une maladie, undeuil, un accident, les conséquences d’unmauvais choix personnel…), bref, quelleque soit la situation qui nous fait mal, ily a en Jésus-Christ un chemin nouveauà prendre, un chemin de vie et de vérité5.

La Bible ne nous promet pas d’éviterla souffrance ni même la mort, mais ellenous donne cette espérance, cette« bonne nouvelle » que le mal et la mortont été vaincus à la croix du Christ et nesont là qu’en sursis. Le mal n’a pas le der-nier mot. Si je souffre, ma souffranceactuelle n’est pas l’objectif de ma vie. Il ya un chemin à travers et au-delà de lasouffrance. Un chemin de vie et non demort.

Si Dieu n’apparaît pas dans la Biblecomme la cause du mal, il en fait pour-tant sa cause, son combat. Si je suisconfronté au mal, je trouve donc en Dieuun allié de choix puisque, comme lui,j’affronte le même adversaire. Face à cemême adversaire, nous pouvons donclutter ensemble.

Si je souffre, l’enjeu est donc de par-venir à déplacer le problème. À passer dela question : « Pourquoi ? » (Pourquoiveux-tu ce qui m’arrive ? Pourquoi cemal ? Pourquoi ne fais-tu rien ? etc.), à laquestion : « Comment ? » (Comment lut-ter ensemble ? Comment traverser cetteépreuve avec toi ? etc.)6 S.L.

QUEQUE VEUX-TUVEUX-TU ??

4 Hébreux 4 : 155 Jean 14 : 66 Pour aller plus loin sur le thème développé dans cet article,voir par exemple Adolphe GESCHE, Dieu pour penser, tomeI, Le mal, Cerf, 1993.

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Évangéliser aujourd’huiRubrique de la Commission d’Évangélisation et d’Implantation d’Eglises (CEIE) des CAEF

C.E.I.E.

Les conséquencesde l’élection sur l’évangélisation

Dans l’épitre aux Ro-mains, chapitre 11, ver-set 5, il est question

d’un « reste selon l’électionde la grâce ». S’il y a unthème qui magnifie lagrandeur et la souve-raineté de Dieu, c’estbien celui de l’élection.La doctrine del’élection nous aideà comprendre l’im-mensité de la grâce ma-nifestée en Jésus-Christ.Elle nous aide à mieux ado-rer et à mieux servir le Dieu quiest réellement le Seigneur desSeigneurs, le Maître de l’His-toire et de nos vies personnelles.

En Éphésiens 1.4, nous li-

sons : « En lui (Jésus le Fils),Dieu (le Père) nous a élusavant la fondation du monde… »Avant même que le monde et

qu’aucun homme n’exis-tent, alors que, seul, ilexistait dans la per-fection de son être,Dieu a souverainementdécidé, et ce de façonirrévocable, de noussauver et de faire de

nous ses enfants d’adoption parle moyen de l’œuvre rédemptricede son Fils Jésus. Le salut adonc bien son origine enDieu et non en l’homme. Ladoctrine de l’élection prouve,on ne peut mieux, l’absolue sou-veraineté de Dieu, mais, pré-

cisément à cause de cela, ellen’est facile ni à comprendre nià accepter pour les êtres limi-tés et pécheurs que noussommes…

De tout temps, on a donccherché à opposer le fait de l’élec-tion au choix de l’homme.Autrement dit, à opposer la sou-veraineté de Dieu à la res-ponsabilité de l’homme, commesi affirmer l’une de ces réali-tés excluait l’autre. Agir ainsi,c’est accepter une fausse pro-blématique dans laquelle nosesprits corrompus et déchus sontplus que jamais disposés à

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JEAN-PAUL REMPP

1 Voir par exemple Lc 22.22 ; Ac 2.23ou Ph 2.12-13.

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s’égarer. En réalité, l’Écritureenseigne ensemble ces deux vé-rités1. Il s’ensuit qu’il faut lescroire ensemble et ne pas lesconsidérer comme des ensei-gnements contradictoires.Comme le disait le célèbreprédicateur Spurgeon quandon lui posait la question :Comment comprenez-vous lemystère de la tension entre lasouveraineté divine et la res-ponsabilité humaine ? – « Il n’estpas nécessaire de réconcilierdes amis ! »2

Les conséquences de ladoctrine de l’élection dans ledomaine de l’évangélisation sontmultiples. En voici quelques-unes :

Une nouvellemotivation

La foi en l’élection et en lasouveraineté de Dieu ne changerien à la nécessité d’évangé-liser. C’est en effet généralementpar la prédication de l’Évan-gile que Dieu a choisi de sau-ver les pécheurs.3 En évangé-lisant, nous entrons donc dansle plan de Dieu. Ainsi, c’est enréponse à l’Évangile annoncépar les membres du peuple deDieu, tous appelés à être sestémoins, que les élus vien-dront au salut que Dieu leura préparé.

Prenons donc conscience queDieu a probablement préparédes personnes dont, comme Ly-die en Actes 16.14, il « ouvrirale cœur » pour qu’elles s’atta-chent à ce que nous leur di-

rons. Le même Esprit qui nousguidera vers ces personnes, quise révèleront être des élus lors-qu’elles se convertiront, travailleraégalement en elles et les ren-dra capables de croire et de com-prendre au moment décisif.

Ainsi, l’assurance que Dieuétait souverain dans la grâcepermit à Paul de ne pas perdrecourage et lui donna de l’es-poir pour croire que son tra-vail ne resterait pas sans effet.Il était persuadé que là oùChrist envoie ses messagers avecl’Évangile, c’est là qu’il a sonpeuple qu’il veut sauver. Notreconfiance devrait être la mêmeque celle de Paul.

S’il nous arrive d’éprouverun sentiment de découragementface à l’immense tâche à ac-complir ou face aux difficultésdu terrain, comme c’est fré-quemment le cas en France,rappelons-nous que Dieu nenous demande pas de sauvernotre pays. Ce qu’il nous de-mande, c’est de prêcher fidè-lement l’Évangile. Dieu sechargera lui-même de sauverceux qu’il a élus depuis tou-jours. Peut-être ce genre de pen-sées nous permettront-ellesd’échapper à certaines frus-trations, voire au désespoir, etmême de devenir de meilleursinstruments entre ses mains !

Lorsque nous annonçons l’É-vangile à des incroyants, soyonspleinement convaincus de l’im-portance de notre ministère auxyeux de Dieu, à la fois pour letemps présent et pour l’éter-nité.

Une nouvelle urgenceLa foi en l’élection et en la

souveraineté de Dieu ne changerien non plus à la nécessité pourl’homme pécheur de répondreà l’invitation de l’Évangile etde venir à Christ pour expéri-menter sa miséricorde. Mais com-ment un homme corrompupar le péché pourrait-il com-prendre la nécessité de laconversion et à plus forte rai-son la vouloir ? La réponse setrouve dans cette merveilleuseprière qu’Éphraïm adresse à l’É-ternel : « Fais-moi revenir et jereviendrai » (Jér. 31.18).

Le devoir de tout pécheurnon régénéré est de se tour-ner vers Christ dans le repen-tir et la foi pour être sauvé. Maispour qu’il en vienne à crier :« Mon Dieu, je suis déses-péré, sauve-moi par ta grâce »,il doit au préalable se recon-naître incapable de se sauveret savoir, psychologiquement,que son salut dépend de Dieu.Tel est le moteur, la convictionqui le pousse vers Christ.

Ainsi, le pécheur qui se saitperdu ne pourra pas venir delui-même, mais c’est Dieu quilui en donnera la volonté ; ilest aveugle, mais c’est Dieu quile conduira, lui qui dit : « Jeferai marcher les aveugles surun chemin qu’ils ne connais-saient pas » (Es 42.16).

2 Cité in BRINK Egbert, « La prédesti-nation et la liberté humaine peuvent-elles faire bon ménage ? », La RevueRéformée n° 244 – 2007/5 – Octobre2007 – Tome LVIII, pp. 67-83, p. 83.3 Voir Rm 10.12-17.

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Aussi lorsque nous présen-tons l’Évangile, n’oublions pasd’exhorter notre interlocuteurà demander au Seigneur de faireen lui par son Esprit ce qu’ilest incapable de faire par sespropres forces. La rédemp-tion est bien une conséquencede l’élection et non l’inverse.

Puisse Dieu nous accorderle discernement nécessairechaque fois que nous présen-tons l’Évangile !

Une vie de prièrerenouvelée

Dans son livre L’évangélisationet la souveraineté de Dieu4, J.I.PACKER a écrit : « La prière n’estpas une tentative faite pour for-cer la main de Dieu, c’est unhumble aveu de faiblesse et dedépendance. Quand noussommes à genoux, nous savonsque ce n’est pas nous quicontrôlons le monde… Chaquefois que nous prions, nousconfessons à la fois notre im-puissance et la souveraineté deDieu. »5

La façon dont nous prionspour la conversion de ceux quenous avons à cœur témoigneégalement du fait que nous consi-dérons en réalité Dieu commeréellement souverain en cequi concerne le salut. Ce quenous faisions jusqu’à présentspontanément, maintenantque nous comprenons mieuxl’importance de la doctrinede l’élection et ses implica-tions dans l’évangélisation, nedevrions-nous pas le faire avec

plus de ferveur et de persé-vérance encore ? Prions pour« ceux que nous voulons ga-gner à Christ, afin que le Saint-Esprit illumine leurs cœurs ; etpour nous-mêmes, ainsi quepour tous ceux qui prêchent l’É-vangile, afin que la puissanceet l’autorité du Saint-Espritsoient sur eux. »6

Un appel efficaceRien ni personne, pas même

les pires circonstances ni Sa-tan lui-même, ni même le pé-ché de l’être humain éternel-lement aimé, n’empêcheraDieu de sauver une personnequ’il a élue au salut. Job 23.13le rappelle avec force : « Maislui, s’il prend une décision,qui pourra l’en faire revenir ?Ce que lui-même désire, ill’exécute. »

Christ lui-même enseignaitque cette œuvre de Dieu estuniversellement nécessaire :« Nul ne peut venir à moi, sile Père qui m’a envoyé nel’attire. » Il enseignait aussiqu’elle est universellement ef-ficace : « Quiconque a en-tendu le Père… vient à moi. »En plus, il enseignait que la ré-ponse à l’appel de Dieu est uni-versellement certaine en cequi concerne les élus de Dieu :« Tous ceux que le Père m’adonné viennent à moi » : ils en-tendront parler de moi et ils se-ront amenés à croire en moi.C’est là le dessein du Père etla promesse du Fils.

Tout est possibleS’il est vrai que le salut vient

de Dieu et que c’est Dieu quirégénère, la conséquence mer-veilleuse c’est qu’aucun hommen’est trop corrompu, aucunhomme n’est trop « pourri » pourpouvoir être sauvé. Si c’estl’Esprit qui régénère alors toutest possible, car tout homme,même le pire des pécheurs, ala possibilité d’expérimenter lagrâce et de se convertir. La doc-trine de l’élection est réelle-ment pour nous une source d’en-couragement. Elle nous inviteà nous engager résolument etavec hardiesse dans l’évangé-lisation et le témoignage, dansla foi que nul cœur n’est tropdur, nul pécheur n’est trop en-durci pour le Dieu Tout-Puis-sant. Il peut faire ce que noussommes incapables de fairedans la vie des hommes ; n’enrestons donc jamais aux réac-tions premières de ceux auxquelsnous apportons l’Évangile.

Comme l’a bien résuméJ.R. Packer, « la souverainetéde Dieu dans la grâce est le seulélément qui peut nous donnerun espoir de succès dansl’évangélisation… Au lieu derendre l’évangélisation inutile,la grâce souveraine de Dieu estjustement ce qui, seul, l’empêched’être inefficace. »7

J-P.R.

4 (Mulhouse : Grâce et Vérité, 1968),127 p.5 Ibid., pp. 9-10.6 Ibid., p. 117.7 Ibid., p. 101.

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Au cœur de lapensée de Calvin

Alors que Luther s’est dressécomme un prophète héroïqueface au pouvoir impérial et ec-clésiastique, Calvin s’est assisdans sa bibliothèque, pourécrire de savants et pesants ou-vrages de théologie... Telle estdu moins l’image contrastéequ’on se fait souvent des deux« grands » de la Ré-forme protestante, etqui explique pourquoiLuther est beaucoupplus populaire queCalvin2.

Or cette image n’estpas seulement exa-

gérée, elle est fausse ! Le Doc-teur Luther (comme on l’ap-pelait) est aussi un hommed’étude qui a enseigné la théo-logie et a beaucoup écrit.Quant à Calvin, il a vécu destemps de clandestinité et d’iti-nérance, en danger de mort,puis, contre son gré, il a renoncéà ses chères études pour s’en-gager dans la vie d’une Genèveturbulente dont il a d’ailleurs

été expulsé durant troisans. Durant toute savie, il s’est profondé-ment impliqué dans ledrame de ses coreli-gionnaires français per-sécutés qu’il a accueillisà Genève et pour lesquels

il s’est battu par des interven-tions au plus haut niveau po-litique. Quant à son engage-ment pastoral, il apparaîtclairement dans son emploi dutemps et son abondante cor-respondance.

Il est pourtant vrai que lecontraste entre le charisme deLuther et celui de Calvin sauteaux yeux. Oui, Luther estavant tout un prophète, etCalvin surtout un docteur. Orle Nouveau Testament nous in-dique clairement que ces deux

Calvin : une œuvre1

JACQUES

BLANDENIER

1 Résumé d’un article paru dans le jour-nal « Reflets » des Assemblées belgesavec autorisation de l’auteur.2 Fait significatif : on a réalisé douzefilms sur Luther... aucun sur Calvin !

LE MUR DES RÉFORMATEURS - GENÈVE

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ministères sont complémentaireset aussi indispensables l’unque l’autre pour une crois-sance équilibrée de l’Église.

Dieu est Dieu !Puisque l’année 2009 est

celle du 500ème anniversaire dela naissance de Jean Calvin,c’est l’occasion de porter uneattention particulière à la cohé-rence de sa pensée théolo-gique : une architecture dontla pièce maîtresse est le thèmede la souveraineté de Dieu.Dieu est Dieu, tout simple-

ment ! Et il faut que l’hommele reconnaisse et le confessepour pouvoir trouver sa placedevant lui et dans sa création.Calvin le dit dès les premièreslignes de son catéchisme :« Dieu nous a créés et mis aumonde pour être glorifié ennous. Et il est bien raisonnableque, puisqu’il est l’auteur et leprincipe de notre vie, nous larapportions toute à sa gloire. »

II n’en demeure pas moinsque Calvin a opéré, par rap-port à la théologie de sontemps, y compris celle de Lu-ther, une révolution coperni-cienne. L’astronome Coper-nic a renversé la vision communequ’on avait du cosmos, dé-montrant que ce n’est pas lesoleil qui tourne autour de laTerre, mais qu’il est le centreautour duquel la Terre tourne.De même pour Calvin, ce n’estpas nous, notre salut ou notrebonheur qui est le point focalde la théologie, mais c’estDieu reconnu et honoré comme

Dieu. Ce n’estpas Dieu quiest là pournous, maisnous sommeslà pour lui.Ce théocen-t r i s m e v acomplètementà contre-cou-rant de notremanière ha-bituelle deconcevoir laréalité ! Au-jourd’hui plus

que jamais, dans notre culturesécularisée.

Plusieurs remarques s’im-posent ici. En premier lieu,pour Calvin, la souveraineté deDieu n’est pas une opinion, une« tendance théologique ». C’estun fait qui a entièrement bou-leversé ses projets de vie et l’ajeté dans la tourmente, contra-riant son caractère timide et ef-facé. Calvin écrit dans l’Insti-

tution Chrétienne : « Nous nesommes point nôtres, nousappartenons au Seigneur. Quedonc notre raison et volonté nedominent point en nos conseilset en ce que nous avons à faire.Nous ne sommes point nôtres ;oublions-nous donc nous-mêmes tant qu’il sera pos-sible. Au contraire, nous sommesau Seigneur, que toutes lesparties de notre vie soient ré-férées à lui, comme à notre butunique. » Confesser un Dieusouverain, et prétendre enmême temps conserver la di-rection de sa vie serait une graveinconséquence.

De plus, si cette divine au-torité concerne la vie du croyant,elle s’étend aussi sur toute lacréation, en vertu de ce queCalvin appelle la Providencedivine.

La toute-puissancede Dieu,fondement denotre liberté

Ensuite, et il faut le direavec d’autant plus d’insistanceque cela ne va pas de soi,cette autorité du Dieu tout-puis-sant est garante de notre liberté.Car précisément c’est lors-qu’Adam et Ève ont voulu« devenir comme des dieux »qu’ils ont été expulsés du jar-din d’Éden et de son harmo-nie pour être projetés dansun univers hostile, écrasant. Dé-sormais l’être humain est vouéà des puissances qui le domi-

MUSÉE CALVIN - NOYON

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nent, de quelque nom qu’onles appelle : hasard, fatalité, dé-mons, esprits des ancêtres,pouvoir d’un clergé détenantla clé du salut – ou, selon levocabulaire paulinien, princi-pautés, puissances et domi-nations. C’est ici que la doc-trine calvinienne si honnie dela prédestination (ou de l’élec-tion divine) trouve sa véri-table portée : elle consiste à re-connaître que notre destinéeterrestre et éternelle n’est pasle jouet d’un destin aveugle nile fruit d’une décision quel’homme, esclave du péché, estincapable de prendre, maisqu’elle est entre les seulesmains de Dieu – un Dieu juste,sage et amour. Certes la doc-trine de la prédestination estdifficile et pose de sérieux pro-blèmes, surtoutquand on la poussedans sa logiqueultime pour enfaire un systèmephilosophique plu-tôt qu’une humbleet joyeuse confes-sion de foi. Maisl’histoire donneraison à l’inter-prétation que nous avons es-quissée : aux siècles suivant laRéforme, les régions ayantadopté le calvinisme, bien loinde sombrer dans le fatalisme,ont fait un bond en avantdans les domaines écono-mique, intellectuel et social3.Se savoir élu de Dieu donneun sens à la vie, une mission,réhabilite le travail et la prise

de responsabilités. Enfin, et surtout, ce Dieu,

dont Calvin confesse l’autoritéabsolue et la suprématie glo-rieuse, est un Dieu qui veut fairede l’homme le partenaire d’unealliance. Toute l’histoire dusalut est faite d’alliances suc-cessives, par le moyen desquellesDieu prend l’initiative de res-taurer sa créature pour qu’elleréintègre sa position initialefaite en image de Dieu et vi-vant en communion avec Lui.

La grâce seuleLe message du salut par la

seule grâce de Dieu est en effetau cœur même de la théolo-gie de Calvin. Il suffit ici desouligner que la pleine suffi-sance de la grâce en Jésus-

Christ (sola gratia)s’ar ticule logi-quement avec ladoctrine de lasouveraineté deDieu. Car nousn’avons aucuneressource pourmarchander avecDieu, comme s’ilé ta i t poss ib le

d’obtenir quoi que ce soit enéchange de ce que nous luioffrons. À la doctrine du salutpar la grâce, on a toujoursopposé l’argument déjà servià l’apôtre Paul : « Péchonsdonc, afin que la grâceabonde ! » Quelle réponseCalvin donne-t-il au reproched’un christianisme sans consé-quence pratique ? Comment

envisage-t-il le fondementd’une éthique chrétienne ?

Tout d’abord, le Réforma-teur n’hésite pas à parlerd’obéissance à la loi divine –ce que Luther évite en géné-ral de faire, tant il redoute ladoctrine des œuvres méritoiresqui l’avait tant angoissé avantsa conversion4. Pour Calvin, sila grâce consiste à retrouver notrestatut de créatures à l’image duCréateur, il est normal quenotre vie reflète « l’échelle desvaleurs » qui est celle de Dieu.

Le Dieu de Calvin est le Dieutrinitaire. On n’insistera jamaisassez sur l’importance qu’ilattribue à l’incarnation et àl’œuvre expiatoire de Christ.Sa lecture de la Bible est chris-tocentrique autant que théo-centrique. Il dit : « Les Écrituresdoivent être lues avec l’inten-tion d’y trouver Christ. Quis’écarte de ce but se fatigueratoute sa vie dans l’étude sansjamais parvenir à la connais-sance de la vérité. » Dès lors,se contenter d’une grâce à

3 Quand Calvin est arrivé à Genève,il n’y avait qu’un imprimeur. En 1559,ils étaient soixante-deux - et soixante-douze libraires ! ce que certains ontqualifié de « dictature calviniste » n’apas été particulièrement étouffante surle plan intellectuel...4 S’il n’emploie guère les termes de pré-destination ou d’élection, et leur pré-fère celui de « serf-arbitre » (c’est-à-direl’esclavage de la conscience et de lavolonté) c’est qu’il prend pour pointde départ, nous l’avons déjà noté, l’ex-périence de l’incapacité humaine plu-tôt que le dessein éternel de Dieu. Etil expose la question sur un ton per-sonnel («je»), ce que Calvin ne fait pas.

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bon marché et sans consé-quence sur notre comportementserait insulter le prix de l’amourde Dieu en Christ. Dieu trini-taire... Mais est-il exact que latroisième personne de la Tri-nité est le parent pauvre du cal-vinisme ? Du calvinisme, peut-être, mais non de Calvin !Certes, on reconnaît que la Ré-forme discerne l’œuvre del’Esprit-Saint non seulement dansla rédaction des écrits bibliques,mais aussi dans « le témoignageintérieur » par lequel cet Es-prit nous convainc que c’est leDieu vivant lui-même qui nousparle au travers des pages dela Bible.

Ce qu’on oublie par contre,c’est l’accent que met Calvinsur le rôle du Saint-Esprit dansla sanctification du croyant. Dieuest éternel, infini, tout-puis-sant : c’est sa transcendance.Mais tout autant, il s’approchepar son Saint-Esprit de celui qu’ila purifié par le sang de son Filsafin de le rendre digne d’êtreune habitation de sa personnedivine5. Pour Calvin, le Saint-Esprit, c’est Christ en nous : lasanctification n’est pas uneœuvre complémentaire à lagrâce, fournie par la piété etla vertu humaines. Elle estl’œuvre de Dieu en nous parle Saint-Esprit : la nouvellenaissance est une implantationde la vie divine dans le cœurdu croyant. Calvin, c’est vrai,se méfie beaucoup des révé-lations particulières attribuéesau Saint-Esprit, il combat ceuxqu’il appelle les « illuminés » ;

émotif, il craint les émotions quifont perdre le contrôle de soi,pudique, il parle avec beaucoupde sobriété de ses expériencesspirituelles. De là vient sans douteune indéniable austérité duculte calviniste : on peut le re-gretter, mais il serait erroné del’interpréter comme une absencede l’Esprit.

La crainte d’une perceptionsubjective de l’action du Saint-Esprit a incité Calvin à ac-centuer le rôle de la Bible,non pas interprétée de façonintellectualiste comme si elle étaitune lettre morte, mais écou-tée comme une Parole agissante

– et agissante par l’Esprit, jus-tement : « La Parole de Dieun’est pas pour nous apprendreà babiller, pour nous rendre élo-quents et subtils, mais pour ré-former nos vies. »

Que par le Saint-Esprit,cette Parole continue d’êtrevivante et agissante, pour ré-former nos vies et celle denos Églises !

J.B.

5 Dans la dernière et la plus achevéedes éditions latines de l’InstitutionChrétienne, celle de 1559, Calvin vajusqu’à exprimer l’idée «d’union sa-crée» par les termes étonnants de‘mystica unio’.

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