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La spécialisation de la poursuite du génocide, des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre Étude comparée des systèmes canadien et français Mémoire Maîtrise en droit Florie Trichet Université Laval Québec, Canada Maître en droit (LL. M.) et Université de Toulouse I Capitole Toulouse, France Master (M.) © Florie Trichet, 2017

La spécialisation de la poursuite du génocide, des crimes contre … · 2020. 8. 7. · relativement à la poursuite des crimes internationaux. Ces deux États ont adapté leur

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La spécialisation de la poursuite du génocide, des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre

Étude comparée des systèmes canadien et français

Mémoire Maîtrise en droit

Florie Trichet

Université Laval Québec, Canada

Maître en droit (LL. M.)

et

Université de Toulouse I Capitole Toulouse, France

Master (M.)

© Florie Trichet, 2017

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Résumé

Le présent mémoire propose une analyse comparée des systèmes canadien et français

relativement à la poursuite des crimes internationaux. Ces deux États ont adapté leur

législation et mis en place, à des années d’intervalle, des unités spécialisées dans la

poursuite de ces crimes. De telles poursuites portant sur des faits commis dans un État

étranger plusieurs années auparavant, des questions principalement liées à leurs coûts ou

aux impacts sur les relations internationales sont prises en compte par l’autorité nationale

que ce soit au stade de la décision d’engager des poursuites ou ensuite lors de l’exercice de

celles-ci. Ce mémoire se propose donc d’étudier les diverses mesures qui ont été prises par

le Canada et par la France dans l’organisation de la spécialisation de leurs poursuites tout

en composant avec les difficultés inhérentes à la nature des crimes commis. Les questions

de l’existence d’un modèle commun et des évolutions à envisager permettront de nous

guider dans les développements de cette étude.

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Table des matières

Résumé ......................................................................................................................... iiTable des matières ...................................................................................................... iiiListe des abréviations ................................................................................................... vRemerciements ........................................................................................................... viiIntroduction ................................................................................................................ 1Chapitre préliminaire. La mise en place d’unités spécialisées dans la poursuite des crimes internationaux ............................................................................................... 12

Section 1. Le Programme sur les crimes de guerre au Canada ....................................... 12I. Une mise en place précoce .................................................................................................... 12

A.L’élaboration de la compétence canadienne pour juger les criminels internationaux ....... 12B. La création du Programme sur les crimes de guerre .......................................................... 15

II. L’action du Programme sur les crimes de guerre ................................................................. 17A.Le strict encadrement des missions du Programme ........................................................... 17B. Le Canada : chef de chef de file mondial dans le traitement des crimes internationaux ... 20

Section 2. Le Pôle spécialisé crimes de guerre, crimes contre l’humanité en France ..... 22I. Une mise en place tardive ..................................................................................................... 23

A.L’existence de nombreux précurseurs législatifs ............................................................... 23B. L’organisation d’une spécialisation législative et opérationnelle ...................................... 26

II. L’action du Pôle spécialisé crimes de guerre, crimes contre l’humanité .............................. 31A.Un Pôle consacré à la poursuite des criminels internationaux ........................................... 31B. Un Pôle au centre de nombreux partenariats ...................................................................... 33

Conclusion du chapitre préliminaire ................................................................................ 36TITRE 1. LA SPECIALISATION DANS LE DECLENCHEMENT DES POURSUITES ............................................................................................................... 37

Chapitre 1. Le consensus en faveur du système de l’opportunité des poursuites38Section 1. L’impossible poursuite nationale de tous les crimes internationaux ............... 38Section 2. Le nécessaire encadrement de l’opportunité des poursuites ........................... 40

I. Le strict encadrement canadien de l’opportunité des poursuites .......................................... 40II. Le souple encadrement français de l’opportunité des poursuites ......................................... 43

Chapitre 2. Le consensus en faveur de l'attribution du monopole des poursuites48Section 1. Un pouvoir exorbitant confié au procureur ..................................................... 48

I. Une attribution du monopole des poursuites assumée et justifiée ........................................ 49A.La poursuite subordonnée au consentement personnel et écrit du procureur général du Canada

49B. La poursuite subordonnée à la requête exclusive du ministère public en France .............. 51

II. Les garanties inhérentes au statut du procureur comme tempérament au monopole des poursuites 53

Section 2. L’éviction des victimes dans l’engagement des poursuites .............................. 56I. Un statut spécial non conforme à la tradition juridique française ......................................... 56II. Un statut spécial inadapté aux réalités de la justice pénale internationale ............................ 60

Conclusion du Titre 1 ........................................................................................................ 64

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TITRE 2. LA SPECIALISATION DANS L’EXERCICE DES POURSUITES ..... 65Chapitre 1. L’actuel consensus en faveur d’un dialogue entre les acteurs ......... 66

Section 1. L’organisation d’une collaboration entre acteurs internes ............................. 66I. Les enquêtes au Canada : un système de common law face aux crimes internationaux ....... 67II. Les enquêtes en France : un système civiliste face aux crimes internationaux .................... 70

Section 2. L’organisation d’une collaboration avec des acteurs externes ....................... 73I. La difficile collaboration avec les autorités locales .............................................................. 73

A.La conclusion d’accords bilatéraux comme cadre juridique favorisant le dialogue .......... 74B. La persistance de défis concernant les investigations sur place ......................................... 78

II. L’essentiel relais des institutions internationales .................................................................. 81Chapitre 2. Les perspectives d’avenir de la spécialisation des poursuites ......... 85

Section 1. Le Réseau génocide européen comme modèle de spécialisation régionale ..... 85I. La France et le Réseau génocide européen ........................................................................... 86

A.La genèse du Réseau génocide européen ........................................................................... 86B. L’action du Réseau génocide européen .............................................................................. 88

II. Les potentialités d’un Réseau génocide américain ............................................................... 92A.La coopération régionale comme palliatif aux inconvénients des mesures d’immigration au

Canada ...................................................................................................................................... 92B. La difficile coopération panaméricaine en matière de crimes internationaux ................... 95

Section 2. La spécialisation universelle des poursuites : entre nécessité et utopie .......... 98I. Les poursuites nationales face aux lacunes du principe de complémentarité ....................... 98II. Les initiatives en faveur d’une convention internationale pour les « cores crimes » ......... 101

Conclusion du Titre 2 ...................................................................................................... 105Conclusion générale ............................................................................................... 106Index ........................................................................................................................ 108Bibliographie .......................................................................................................... 109

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Liste des abréviations

ACAT ............................................. Action des chrétiens pour l’abolition de la torture AG .................................................. Assemblée Générale AJ pénal .......................................... Actualité Juridique Pénal ASFC .............................................. Agence des services frontaliers du Canada ASF Canada .................................... Avocats sans frontières Canada ASIL ............................................... American Society of International Law Art ................................................... Article c ...................................................... Chapitre Can Crim L Rev .............................. Canadian Criminal Law Review Can YB Intl L ................................. Canadian Yearbook of International Law CCJI ................................................ Centre canadien pour la justice internationale C cr ................................................. Code criminel CESEDA ......................................... Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du ........................................................ droit d’asile CFCPI ............................................. Coalition Française pour la Cour pénale ........................................................ internationale CIC .................................................. Citoyenneté et immigration Canada CIJ ................................................... Cour internationale de Justice Cons. cont. ...................................... Conseil constitutionnel Cour ass .......................................... Cour d’assises C pén ............................................... Code pénal CPI .................................................. Cour pénale internationale C proc pén ....................................... Code de procédure pénale Crim LF .......................................... Criminal Law Forum Crim LQ .......................................... Criminal Law Quarterly D ..................................................... Recueil Dalloz DDHC ............................................. Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen ed .................................................... Édition FIDH ............................................... Fédération internationale des droits de l’Homme Global J Pol & L Research ............. Global Journal GRC ................................................ Gendarmerie royale du Canada HWR ............................................... Human Rights Watch Intl Community L Rev .................... International Community Law Review Intl Crim Just R ............................... International Criminal Justice Review Intl Crim L R .................................. International Criminal Law Review Intl J Proc L .................................... International Journal of Procedural Law IRJS ................................................ Institut de Recherche Juridique de la Sorbonne JCP G ............................................. Semaine juridique - Édition générale J Intl Crim Just ................................ Journal of International Criminal Justice J Intl L & Intl Rel ........................... Journal of International Law and International ........................................................ Relations JO .................................................... Journal Officiel de la République française JOUE .............................................. Journal Officiel de l’Union Européenne LC ................................................... Loi du Canada

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LCHCG ........................................... Loi sur les crimes contre l’humanité et les crimes de ........................................................ guerre LIPR ................................................ Loi sur l’immigration et la protection des Réfugiés LRC ................................................ Lois révisées du Canada Mil L Rev ........................................ Military Law Review Minn J Intl L ................................... Minnesota Journal of International Law Naval L Rev .................................... Naval Law Review OCLCHCG ..................................... Office central de lutte contre les crimes contre ........................................................ l’humanité, les génocides et les crimes de guerre OÉA ................................................ Organisation des États américains OFPRA ........................................... Office français de protection des réfugiés et ........................................................ apatrides ONG ................................................ Organisation non gouvernementale para ................................................. Paragraphe PUF ................................................. Presses Universitaires de France QPC ................................................ Question prioritaire de constitutionnalité Rev fr dr constl ............................... Revue Française de Droit Constitutionnel RJE .................................................. Réseau judiciaire européen RPDP .............................................. Revue Pénitentiaire et de Droit Pénal RQDI .............................................. Revue Québécoise de Droit International RSC ................................................. Revue de science criminelle RTNU ............................................. Recueil des traités des Nations Unies SC ................................................... Statuts du Canada SEI .................................................. Service d’entraide internationale SPPC ............................................... Service des poursuites pénales du Canada Sri Lanka J Intl L ............................ Sri Lanka Journal of International Law TGI .................................................. Tribunal de grande instance TMI ................................................. Tribunal militaire international TPI .................................................. Tribunal pénal international TPIR ................................................ Tribunal pénal international pour le Rwanda TPIY ............................................... Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie TSSL ............................................... Tribunal spécial pour la Sierra Leone UE ................................................... Union européenne USM ................................................ Union syndicale des magistrats

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Remerciements

Je tiens tout d’abord à exprimer toute ma reconnaissance aux directeurs de formations

canadien et français qui ont conçu un magnifique partenariat entre les Université Laval et

Toulouse 1 Capitole, et qui m’ont ainsi permis de faire partie de la première cohorte de ce

parcours bi-diplômant. Cette expérience enrichissante m’a offert la possibilité de rédiger le

présent mémoire dont le sujet m’a passionné.

Je tiens ensuite à remercier madame la professeure Fannie Lafontaine qui a accepté

de diriger mon mémoire et qui a su m’offrir de l’autonomie tout en me guidant grâce à ses

remarques pertinentes.

Enfin, je souhaite remercier ma co-directrice de mémoire en France, madame Amane

Gogorza qui, malgré la distance, a été présente dès le début de mes recherches et a su

m’offrir un soutien jusqu’à la fin de la rédaction.

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Introduction

La perpétration de crimes internationaux est d’une triste actualité. Toutes les régions

du monde sont touchées, que ce soit en Syrie1, au Burundi2, en Côte d’Ivoire3, ou en

Colombie4 – pour ne citer que ces quatre pays – où la question de la poursuite de crimes

contre l’humanité et crimes de guerre se pose. Or, dans la majorité des cas, les États dans

lesquels de telles exactions sont commises ne sont pas aptes à poursuivre les responsables,

que ce soit parce que ceux-ci font partie du gouvernement au pouvoir ou encore en raison

de la destruction de leur appareil judiciaire. Dès lors, il est nécessaire que des organes tiers

prennent le relais afin de lutter contre l’impunité et ainsi exprimer des valeurs de justice

universelle.

C’est ainsi que, récemment, des États comme le Canada5 ou la France6 ont exercé leur

compétence juridictionnelle pour poursuivre des personnes soupçonnées d’être impliquées

dans le génocide rwandais. Toutefois, avant de pouvoir poursuivre des étrangers ayant

commis des crimes dans un autre État et ayant fait des victimes étrangères, ces deux pays

ont dû adopter, d’une part, une législation assortie de règles de compétence particulières et,

d’autre part, une spécialisation des acteurs de la poursuite afin de garantir l’efficacité de

celles-ci. Ce mouvement de spécialisation est l’issue d’un long et laborieux processus

entamé à la suite des exactions commises durant la Seconde Guerre mondiale.

1 Le Monde, « La France ouvre une enquête pour « crimes contre l’humanité » en Syrie », Le Monde (30 septembre 2015), en ligne : <http://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2015/09/30/la-france-ouvre-une-enquete-pour-crimes-de-guerre-contre-la-syrie_4777628_3218.html>. 2 Le Monde, « Burundi : ouverture d’un examen préliminaire à la CPI sur les récentes violences », Le Monde (25 avril 2016), en ligne : <http://www.lemonde.fr/afrique/article/2016/04/25/cpi-la-procureure-ouvre-un-examen-preliminaire-sur-les-recentes-violences-au-burundi_4908229_3212.html>. 3 Le Monde, « L’ex-première dame ivoirienne Simone Gbagbo sera jugée pour crimes contre l’humanité », Le Monde (21 avril 2016), en ligne : <http://www.lemonde.fr/afrique/article/2016/04/21/l-ex-premiere-dame-ivoirienne-simone-gbagbo-sera-jugee-pour-crimes-contre-l-humanite_4906452_3212.html>. 4 Cour pénale internationale, « Situation en Colombie – Rapport intérimaire », (novembre 2012), en ligne : <https://www.icc-cpi.int/iccdocs/otp/OTP-COLOMBIE-Rapport-Int%C3%A9rimaire-Novembre%202012.pdf>. 5 Voir R c Mungwarere, 2013 ONCS 4594 ; Munyaneza c R, 2014 QCCA 906. 6 Affaire Simbikangwa, Cour ass Paris, 14 mars 2014, [non publié] ; Affaires Ngenzi et Barahira, Cour ass Paris, 6 juillet 2016.

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En effet, l’exercice de ce rôle de relais se heurte à diverses difficultés découlant de

l’essence même du droit pénal international7. Comme le rappelle Cherif Bassiouni8, cette

matière fait intervenir « trois courants idéologiques : 1) l’intérêt mutuel des États à la

coopération internationale, 2) le protectionnisme de la souveraineté nationale, et 3)

l’impulsion des valeurs humanistes et humanitaires ». Les premier et troisième courants

expriment l’idée d’une nécessaire entraide entre les États pour lutter efficacement contre

des actes ayant une dimension transnationale, entraide justifiée par une volonté de lutte

contre l’impunité et de promotion de valeurs universelles. Au contraire, le deuxième

courant exprime la méfiance et les difficultés politiques à s’immiscer dans les affaires d’un

pays tiers. En outre, il explique la prédominance du « principe territorial »9 d’après lequel

l’État où les faits ont été commis est le plus à même de juger les responsables. Cela se

comprend, d’abord parce que ce sont ses lois et donc son autorité et son ordre public qui ont

été bafoués, mais également pour des questions pratiques et procédurales. L’exercice des

poursuites est d’autant plus facilité que les victimes, les témoins et les preuves matérielles

sont présents sur place. Aucune barrière linguistique ou culturelle ne peut être opposée aux

enquêteurs. En outre, des poursuites limitées à son propre territoire permet des économies

budgétaires substantielles pour le pays qui les exerce.

Cette primauté de la compétence territoriale a d’ailleurs fait l’objet d’une Déclaration

officielle comme le rappelle le Préambule de l’Accord de Londres10 - texte fondamental qui

a pour la première fois définit les crimes internationaux par nature11 et institué le Tribunal

militaire international (ci-après TMI) de Nuremberg :

Considérant que la Déclaration publiée à Moscou le 30 octobre 1943 sur les atrocités allemandes en Europe occupée a spécifié que les officiers et soldats allemands et les membres du parti nazi qui sont responsables d'atrocités et de crimes, ou qui ont pris

7 Pour les fins du présent mémoire, la notion de « droit pénal international » sera utilisée sans volonté de distinction avec celle de « droit international pénal », bien que dans la conception française, ces deux notions sont différenciées. Pour une explication de la distinction : Didier Rebut, Droit pénal international, 2e ed, Paris, Dalloz, 2014 aux pp 1-2 [Rebut]. 8 Cherif Bassiouni, Introduction au droit pénal international, Bruxelles, Bruylant, 2002 à la p 1. 9 Henri Donnedieu de Vabres, Les principes modernes du droit pénal international, Paris, Sirey, 1928 à la p 13. 10 Accord concernant la poursuite et le châtiment des grands criminels de guerre des puissances européennes de l’Axe, et le Statut du Tribunal militaire y annexé, 8 août 1945, 82 RTNU 281 (entrée en vigueur : 8 août 1945). 11 Les crimes internationaux par nature sont le génocide, les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre. Nous utiliserons également la notion de grands crimes internationaux pour les désigner.

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volontairement part à leur accomplissement, seront renvoyés dans les pays où leurs forfaits abominables ont été perpétrés, afin qu'ils puissent être jugés et punis conformément aux lois de ces pays libérés et des Gouvernements libres qui y sont établis.

Dès lors, l’on comprend qu’au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, les États

parties à cet Accord étaient conscients des difficultés liées à la poursuite de faits commis

dans un État étranger.

Nonobstant cette difficulté, le Canada, pourtant territorialement éloigné de l’Europe,

a démontré sa volonté de lutter contre l’impunité des criminels de guerre en adoptant dès

1946 la Loi sur les crimes de guerre12, utilisée pour juger le personnel militaire. Robert J.

Currie13 nous apprend que 170 affaires ont fait l’objet d’enquêtes et que quatre procès ont

été organisés par les tribunaux militaires canadiens en Autriche et en Allemagne en 1945 et

1946.

Quelques années plus tard, les Conventions de Genève de 194914, fondatrices du

droit international humanitaire et axées sur les crimes de guerre, se sont éloignées du

principe territorial en incitant les juridictions nationales à exercer une compétence

universelle :

Les Hautes Parties contractantes s’engagent à prendre toute mesure législative nécessaire pour fixer les sanctions pénales adéquates à appliquer aux personnes ayant commis, ou donné l’ordre de commettre, l’une ou l’autre des infractions graves à la présente Convention définies à l’article suivant. Chaque Partie contractante aura l’obligation de rechercher les personnes prévenues d’avoir commis, ou d’avoir ordonné de commettre, l’une ou l’autre de ces infractions graves, et elle devra les déférer à ses propres tribunaux, quelle que soit leur nationalité. Elle pourra aussi, si elle le préfère, et selon les conditions prévues par sa propre législation, les remettre pour jugement à une autre Partie contractante intéressée à la poursuite, pour autant que cette Partie contractante ait retenu contre lesdites personnes des charges suffisantes.

12 Loi sur les crimes de guerre, SC 1946, c 73 [Lois sur les crimes de guerre]. 13 Robert J. Currie, International & transnational criminal law, Toronto, Irwin Law, 2010 à la p 224 [Currie]. 14 Convention pour l’amélioration du sort des blessés et des malades dans les forces armées en campagne, 12 août 1949, 75 RTNU 31 art 49; Convention pour l’amélioration du sort des blessés, des malades et des naufragés dans les forces armées sur mer, 12 août 1949, 75 RTNU 85 art 50; Convention relative au traitement des prisonniers de guerre, 12 août 1949, 75 RTNU 135 art 129 ; Convention relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre, 12 août 1949, 75 RTNU 287 art 146 [Les Conventions de Genève].

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Selon Didier Rebut, la compétence universelle est la « compétence par laquelle un

État poursuit et juge une infraction qui n’a pas de lien de rattachement avec lui »15. Cela

recouvre donc l’hypothèse du jugement d’un étranger ayant commis des faits à l’étranger

contre une victime étrangère.

Cependant, dans les années 1950, la reconstruction économique des pays vainqueurs

a été considérée plus importante que la poursuite des criminels, ces derniers ont donc été

relativement épargnés par les juridictions nationales16. Toutefois, dès la fin des années

1980, l’on a pu assister à un regain de telles poursuites. C’est notamment le cas de la

France qui a poursuivi des criminels sur la base de sa compétence territoriale. Les affaires

Barbie 17 , Touvier 18 et Papon 19 ont entraîné des condamnations pour crimes contre

l’humanité20.

C’est à partir des années 1990, sous l’impulsion de la création du Tribunal pénal

international pour l’ex-Yougoslavie (ci-après TPIY) et du Tribunal pénal international pour

le Rwanda (ci-après TPIR), que les États ont véritablement adapté leurs législations pour

pallier les inconvénients de la primauté de la compétence territoriale en consacrant, à divers

degrés, le principe de la compétence universelle. En effet, au Rwanda et en ex-

Yougoslavie, ce sont des hauts représentants de l’État ou des personnes proches du pouvoir

qui sont à l’origine des exactions commises. Laisser ces pays exercer leur compétence

territoriale ne pourrait que conduire à des simulacres de procès et ainsi servir l’impunité des

responsables. C’est sur ce fondement que deux lois ont été adoptées en France21 afin de

15 Rebut, supra note 7 à la p 97. 16 Fannie Lafontaine, « National Jurisdictions » (2016) dans William A. Schabas, International Criminal Law, Cambridge, University Press, 2016 à la p 157 [National Jurisdictions]. 17 Affaire Barbie, Cour ass Lyon, 4 juillet 1987. 18 Affaire Touvier, Cour ass Versailles, 19 avril 1994. 19 Affaire Papon, Cour ass Bordeaux, 2 avril 1998. 20 Alors même que de tels faits n’étaient pas incriminés par le Code pénal français de l’époque. En effet, au moment des procès, il n’existait qu’une loi de portée temporelle (Loi n° 64-1326 du 26 décembre 1964 tendant à constater l'imprescriptibilité des crimes contre l'humanité, JO, 29 décembre 1964, 11788) qui consacrait l’imprescriptibilité des crimes contre l’humanité tels que définis par la résolution des Nations Unies du 13 février 1946, prenant acte de la définition des crimes contre l'humanité, telle qu'elle figure dans la charte du tribunal international du 8 août 1945. Ainsi, les juridictions françaises ont considéré que les crimes contre l’humanité étaient applicables en France, sans bafouer le principe de non-rétroactivité des lois, en raison de ses engagements internationaux. 21 Loi n° 95-1 du 2 janvier 1995 portant adaptation de la législation française aux dispositions de la résolution 827 du Conseil de sécurité des Nations Unies instituant un tribunal international en vue de juger les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur

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permettre à ses juridictions de poursuivre et juger les présumés auteurs d’exactions

commises durant ces deux conflits si ceux-ci sont trouvés sur le territoire de la République.

En effet, en vertu de l’article 689 du Code de procédure pénale français, pour qu’un crime

commis à l’étranger par un étranger sur un étranger soit poursuivi en France, il faut qu’une

loi française ou une convention internationale donne compétence aux juridictions

nationales. Cet élargissement de la compétence des juridictions françaises avait été précédé

d’une modification substantielle issue de l’adoption du nouveau Code pénal en 1994 qui a

permis l’incrimination du génocide22 et des crimes contre l’humanité23 dans le droit interne

français.

Parallèlement, le Canada est allé encore plus loin dans son implication dans la

poursuite des criminels internationaux, et ce, suite au rapport rendu par la Commission

Deschênes en 198624. Le juge Jules Deschênes a été désigné pour enquêter sur la présence

d’éventuels criminels de guerre sur le territoire du Canada et sur la question de l’exercice

de poursuites contre ceux-ci. Comme nous le verrons dans le développement de ce

mémoire, il a été à l’origine de la création d’unités spécialisées dans la poursuite des crimes

contre l’humanité et des crimes de guerre, lesquelles sont intégrées dans quatre organes

canadiens : le ministère de la Justice, la Gendarmerie royale du Canada (ci-après GRC),

l’Agence des services frontaliers du Canada (ci-après ASFC) et Citoyenneté et Immigration

Canada (ci-après CIC). Dès lors, c’est autant en la modification de son droit substantiel

qu’en la spécialisation des acteurs de la poursuite que le Canada a vu le moyen le plus

efficace pour lutter contre les criminels internationaux. Et c’est le mouvement qui sera suivi

par la suite en France à la suite de l’adoption du Statut de Rome25.

le territoire de l'ex-Yougoslavie depuis 1991, JO, 3 janvier 1995, 71 [Loi TPIY] ; Loi n° 96-432 du 22 mai 1996 portant adaptation de la législation française aux dispositions de la résolution 955 du Conseil de sécurité des Nations unies instituant un tribunal international en vue de juger les personnes présumées responsables d'actes de génocide ou d'autres violations graves du droit international humanitaire commis en 1994 sur le territoire du Rwanda et, s'agissant des citoyens rwandais, sur le territoire d'Etats voisins, JO, 23 mai 1996, 7695 [Loi TPIR]. 22 Art 211-1 C pén. 23 Art 212-1 C pén. 24 Rapport Deschênes, Commission d’enquête sur les criminels de guerre, Ottawa, Approvisionnements et services Canada, 1986 [Rapport Deschênes]. 25 Statut de Rome de la Cour pénale internationale, 17 juillet 1998, 2187 RTNU 3 art 17, 37 ILM 1002 (entrée en vigueur : 1er juillet 2002) [Statut de Rome].

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En effet, c’est véritablement le Statut de Rome qui a institutionnalisé le rôle de relais

des États en consacrant le principe de complémentarité dès son Préambule et en prévoyant

sa mise en œuvre à l’article 17. Dorénavant, il est donc « du devoir de chaque État de

soumettre à sa juridiction criminelle les responsables de crimes internationaux »26. Ce n’est

qu’en cas de manque de volonté ou d’incapacité de leur part que la Cour pénale

internationale (ci-après CPI) exercera les poursuites. En outre, la CPI a une compétence

temporelle particulière puisqu’elle ne peut poursuivre et juger que pour des faits commis

après l’entrée en vigueur de son Statut. La lutte contre l’impunité est donc nécessairement

assurée par des États tiers pour les faits commis avant 2002. D’ailleurs, même pour les faits

commis après cette date, l’ouverture d’une enquête par le bureau du Procureur de la CPI est

soumise à différents verrous27, principalement justifiés par des raisons politiques. Comment

ne pas être étonné qu’un des modes de saisine de la CPI soit confié au Conseil de sécurité

des Nations Unies28, alors même que trois de ses cinq membres permanents n’ont pas ratifié

le Statut de Rome29 ? De la sorte, c’est assurément l’exercice de leur compétence

universelle par les juridictions nationales qui permet de faire face aux blocages de la

realpolitik30.

Selon la professeure Mireille Delmas-Marty31, il existe une double forme de

complémentarité : passive et active. La complémentarité passive serait en réalité une

subsidiarité qui ferait intervenir la CPI en l’absence de volonté ou de capacité de l’État à

poursuivre. Alors que la complémentarité active ferait appel à l’idée d’une véritable

participation des États à la justice pénale internationale. Cette seconde forme pouvant être

exercée par le pays où les faits ont été commis, avec le problème évoqué précédemment de

la reconstitution de leur système judiciaire, ou bien par un pays tiers en vertu de la

compétence universelle.

26 Ibid, para 6 du Préambule. 27 Ibid, art 53. 28 Ibid, art 15 b). 29 Les cinq membres permanents sont la Chine, les États-Unis d’Amérique, la Fédération de Russie, la France, le Royaume-Uni. Or, les trois premiers pays cités n’ont pas ratifié le Statut de Rome (les États-Unis d’Amérique et la Fédération l’ont tout de même signée). 30 Currie, supra note 13 à la p 163. 31 Mireille Delmas-Marty, « La Cour pénale internationale 2002-2012 : regards sur ces dix premières années », Colloque organisé par la Coalition Française pour la Cour pénale internationale, présenté à l’École Normale Supérieure, le 13 décembre 2012 [non publié], en ligne : <http://savoirs.ens.fr/expose.php?id=1078>.

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7

Il ressort de cette observation et de la lecture du Statut de Rome que ce dernier a

voulu instituer une véritable complémentarité active32. Dès lors, les États parties se doivent

d’adopter une législation conforme aux exigences édictées par cette convention. Or, afin de

procéder à une telle complémentarité active, il ne faut pas seulement que les législateurs

reconnaissent les crimes internationaux par nature comme faisant partie de leur droit

interne ; il faut en plus que des poursuites effectives soient exercées. Cette effectivité des

poursuites semble permise grâce au mouvement de spécialisation des poursuites

actuellement en cours dans différents pays du monde.

Comme nous l’avons noté précédemment, le Canada a procédé à une spécialisation

organique avant même l’adoption du Statut de Rome. De ce fait, ce pays assure « le rôle de

chef de file mondial dans le traitement des crimes contre l’humanité et des crimes de

guerre »33. C’est après sa ratification du Statut de Rome qu’il a adopté la Loi sur les crimes

contre l’humanité et les crimes de guerre34 (ci-après LCHCG) qui ne fait pas partie du

Code criminel. C’est sur cette base que des poursuites ont été intentées et que des

jugements ont été rendus dans les affaires Munyaneza et Mungwarere en 2013 et 2014.

Ce mouvement est également engagé en France, sous l’impulsion de l’Union

européenne (ci-après UE), et ce, depuis une loi de 201035 qui a intégré les crimes de guerre

au Code pénal et organisé la compétence des tribunaux français pour les crimes relevant de

la compétence de la CPI36. Contrairement au Canada, la France n’a pas fait le choix d’une

législation spécialement dédiée à ces crimes internationaux, à certains égards, ces trois

crimes ne sont d’ailleurs pas soumis au même régime. Ce n’est qu’en 201237 que le pôle

spécialisé français est entré en fonction. Le travail de cette unité a permis, deux ans plus

32 Le bureau du procureur de la CPI utilise la notion de « complémentarité positive » : Cour pénale internationale, Assemblée des États Parties, Rapport du bureau sur le bilan de la situation. Bilan de la situation sur le principe de complémentarité : éliminer les causes d’impunité, 8e sess, Doc ICC-ASP/8/51 (2010) à la p 4. 33 Agence des services frontaliers du Canada, Citoyenneté et Immigration Canada, Ministère de la Justice Canada, Gendarmerie royale du Canada, 12ème rapport Programme canadien sur les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre 2008-2011, Ottawa, 2008 à la p V [Rapport 2008-2011]. 34 Loi sur les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre, LC 2000, c 24 [LCHCG]. 35 Loi n° 2010-930 du 9 août 2010 portant adaptation du droit pénal à l’institution de la Cour pénale internationale, JO, 10 août 2010, 14678 [Loi du 9 août 2010]. 36 Voir art 689-11 C proc pén. 37 Loi n° 2011-1862 du 13 décembre 2011 relative à la répartition des contentieux et à l'allègement de certaines procédures juridictionnelles, JO, 14 décembre 2011, 21105.

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tard, la tenue du procès de Pascal Simbikangwa38, première affaire jugée sur les fondements

de ces nouveautés juridiques. Deux autres affaires relatives au génocide rwandais ont donné

lieu à des condamnations à des peines de réclusion criminelle à perpétuité contre deux

anciens bourgmestres rwandais39.

Cette mise en perspective historique permet de comprendre dans quel mouvement

s’inscrit la spécialisation des poursuites actuellement en cours en France et au Canada

relativement aux grands crimes internationaux. L’impossible exercice de sa compétence

territoriale par l’État où les faits ont été commis en raison de la destruction de son appareil

judiciaire ou de la corruption de son gouvernement, les difficultés des enquêtes dans un

État tiers liées à la barrière de la langue, au contexte politique, à la distance et aux coûts

financiers sont autant de motifs nécessitant une efficacité supplémentaire dans la mise en

œuvre des poursuites. Ainsi, « une formation permettant d’acquérir des connaissances

particulières »40 permet aux unités participant à la poursuite de gagner en temps et en

efficacité. En outre, cette spécialisation ne passe pas que par l’acquisition de connaissances,

historiques ou contextuelles, mais également par l’acquisition de pratiques spécifiques et

leur diffusion. En effet, comme nous le verrons dans la suite de cette étude, les unités

spécialisées ne sont pas isolées. Au contraire, des rencontres sont organisées au Canada

comme en France afin de partager les expériences acquises.

Le choix d’une approche comparée entre le Canada et la France pour traiter de cette

spécialisation se justifie à plusieurs titres. Premièrement, en raison de leurs similitudes.

Comme nous l’avons évoqué, ces deux pays sont impliqués de longue date dans la

poursuite des criminels internationaux ; de la sorte, ils sont parties à de nombreuses

conventions internationales communes et ont ainsi des obligations internationales similaires

en ce qui concerne les crimes internationaux. D’autre part, ils ont respecté 41 ces

engagements internationaux en adaptant leur législation et même en allant plus loin par la

création d’unités spécialisées. Le Canada étant le premier pays à s’être engagé dans une

telle spécialisation, il est intéressant de se demander si son modèle est suivi par la France.

38 Affaire Simbikangwa, Cour ass Paris, 14 mars 2014, [non publié]. 39 Affaires Ngenzi et Barahira, Cour ass Paris, 6 juillet 2016, [non publié]. 40 Le petit Robert, 2016, sub verbo « spécialisation ». 41 La question du réel respect des termes du Statut de Rome lors de son intégration dans le droit interne des États sera étudiée au cours de ce projet.

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Enfin, des procès ont été tenus sur le fondement de ces modifications juridiques, un certain

recul peut donc être pris afin de cibler les avantages et les inconvénients des spécialisations

opérées.

L’intérêt est tout aussi grand au regard des différences opposant ces deux États.

Situés à des milliers de kilomètres de distance, et malgré des origines historiques

communes, le droit pénal42 canadien et le droit pénal français n’ont pas les mêmes

fondements. Alors que le premier pays fait partie d’un système de common law privilégiant

la procédure pénale accusatoire, le second est de tradition romano-germanique préférant

une procédure pénale inquisitoire. De la sorte, les poursuites ne sont pas menées selon les

mêmes règles et chaque acteur de la procédure a un rôle et une importance différente. Or,

bien que le droit pénal international a été façonné sur le modèle accusatoire43, on assiste

depuis quelques années à une incursion du modèle inquisitoire, notamment en ce qui

concerne la procédure devant la CPI44.

En outre, ce phénomène de spécialisation est relativement récent. En effet, il a moins

de vingt ans au Canada et moins de six ans en France. De plus, il était nécessaire d’attendre

la tenue de procès afin d’avoir de la matière à analyser tout en bénéficiant des critiques des

acteurs mêmes de la procédure. Le premier procès ayant eu lieu en 2009 au Canada45, cela

ne fait que quelques années que la doctrine pouvait se pencher véritablement sur la

question. Or, il s’avère que peu d’études ont été réalisées sur ce sujet46. D’autre part, ce

mouvement de spécialisation étant toujours en cours, notamment en France à travers son

implication dans le Réseau génocide européen, une telle étude comparée est pleinement

d’actualité.

42 Pour les fins du présent mémoire, le terme « droit pénal » utilisé en France sera employé sans volonté de distinction avec le terme de « droit criminel » qui a cours au Canada. 43 Anne-Marie La Rosa, Juridictions pénales internationales : La procédure et la preuve, Genève, Graduate Institute Publications, 2003 aux pp 30-33 44 Ibid. 45 R c Munyaneza, 2009 QCCS 2201. 46 La majorité des documents ayant trait aux unités spécialisées a été rédigée par des ONG. Il existe en outre diverses analyses faites par des praticiens ou auteurs français - sur lesquelles nous nous appuierons -mais très peu au Canada.

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Ce mémoire s’attachera donc à répondre à la question de recherche suivante : la

comparaison de la spécialisation des poursuites opérée en France et au Canada, à travers

le Pôle spécialisé crimes contre l’humanité et le Programme sur les crimes de

guerre, permet-elle de faire ressortir l’existence d’un modèle commun de lutte contre les

crimes internationaux ?

Afin de répondre à cette question générale, il conviendra d’étudier les modalités de la

spécialisation choisies dans chacun des deux États. Par ailleurs, cette comparaison

permettra de faire ressortir les points communs ou dissemblances de chaque unité

spécialisée, ce qui aidera à déterminer les évolutions envisageables par chaque État afin

d’améliorer son système actuel.

Comme nous l’avons indiqué précédemment, les unités spécialisées au sein du

Programme sur les crimes de guerre canadien sont réparties dans quatre organismes

distincts. De la sorte, la spécialisation opérée concerne de nombreux acteurs. Or, la

poursuite des présumés criminels de guerre ne constitue qu’une infime part du travail de ce

Programme qui passe surtout par l’utilisation de mesures d’immigration qui supposent le

retour de criminels dans un État tiers47. Au contraire, le Pôle français est une petite

structure entièrement consacrée à de telles poursuites et qui fait partie de l’ensemble

structuré qu’est le Réseau génocide européen48, permettant ainsi une étroite collaboration

avec des États tiers.

L’hypothèse de travail de ce mémoire est que bien qu'issus de traditions juridiques

différentes, la France et le Canada ont organisé la spécialisation de leurs enquêtes et de

leurs poursuites en se basant sur des principes communs. Dès lors, un système spécialisé

propre aux infractions internationales est en train d’émerger ; système qui pourrait servir de

base pour une spécialisation plus large, à dimension régionale voire internationale.

47 Rapport 2008-2011, supra note 33 à la p 4 ; Fannie Lafontaine, « Le droit chemin tracé par la Cour d’appel du Québec dans Munyaneza » (2014) 27:1 RDQI 161 aux pp 178-179. 48 CE, Décision 2002/494/JAI du Conseil du 13 Juin 2002 portant création d’un réseau européen de points de contact en ce qui concerne les personnes responsables de génocide, de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre, [2002] JOUE, L 167 [Décision Réseau génocide].

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Ce projet étant consacré à la spécialisation des poursuites, il conviendra, dans un

chapitre préliminaire, de se concentrer sur la mise en place des unités spécialisées

canadienne et française. L’étude de leur fonctionnement à travers l’histoire de leur création,

l’analyse de leur composition et de leurs missions générales permettra d’en avoir une vision

globale, permettant la compréhension du reste de l’étude.

En effet, ce mémoire adoptera une division en deux parties. Dans une première partie

nous nous intéresserons aux modalités d’ouverture des poursuites en matière de grands

crimes internationaux, lesquelles diffèrent quelque peu, dans ces deux États, de ce qui

existe en matière d’infractions de droit commun.

La seconde partie sera consacrée à l’étude de la spécialisation dans l’exercice des

poursuites. Notons que cette division binaire ne se veut pas chronologique car nous

traiterons ici d’actes - tels que les enquêtes - qui peuvent débuter avant même la décision de

déclencher les poursuites car ce sont justement les preuves recueillies au cours de ces

enquêtes qui aideront le poursuivant à décider des suites à donner à l’affaire.

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Chapitre préliminaire. La mise en place d’unités spécialisées dans la

poursuite des crimes internationaux

Avant d’étudier le fonctionnement et les interactions existant entre les membres des

unités spécialisées canadienne et française, il convient de se concentrer sur les raisons qui,

au Canada (Section 1) et en France (Section 2), ont entrainé la création de telles unités.

Section 1. Le Programme sur les crimes de guerre au Canada

Le Programme sur les crimes de guerre canadien se réclame de permettre au Canada

de jouer le rôle de chef de file mondial en matière de lutte contre l’impunité des grands

crimes internationaux, cela se justifie d’une part du fait que cette unité spécialisée fait

partie des plus anciennes du monde (I) mais également en raison des prérogatives qui lui

sont attribuées (II).

I. Une mise en place précoce

L’objectif premier du Programme sur les crimes de guerre est « d’empêcher que le

Canada devienne un refuge pour les criminels de guerre et les personnes soupçonnées

d’avoir commis des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité, ou d’en avoir été

complices »49. Ce but se comprend au regard des événements (A) ayant donné lieu à sa

création (B).

A. L’élaboration de la compétence canadienne pour juger les criminels

internationaux

L’avènement de la guerre froide dès les début de l’année 1948 a fait oublié la volonté

de répression des criminels de guerre nazis de moindre envergure par les juridictions

nationales. Dès lors, le Canada a préféré se concentrer sur la lutte contre les agents

49 Rapport 2008-2011, supra note 33 à la p 3. Notons que le rapport du Bureau de la gestion de la planification stratégique et du rendement ajoute au refus de constituer un refuge un autre but, celui « de contribuer à la lutte nationale et internationale contre l’impunité » : Canada, Ministère de la Justice, Programme sur les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre. Évaluation sommative. Rapport final, Ottawa, 2008 à la p i [Évaluation sommative].

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soviétiques et communistes en libéralisant, au fur et à mesure des années, sa politique en

matière d’immigration. Ainsi, Grant Purves50 nous indique qu’en 1962 la seule exclusion

qui perdurait était celle « visant les personnes ayant pris part à des exécutions ou ayant

participé à des activités concernant les travaux forcés et les camps de concentration ».

L’imprécision de cette exclusion a fondé la rumeur selon laquelle Joseph Mengele aurait

réussi à immigrer au Canada en 1962, et ce, en toute connaissance de cause des autorités

canadiennes. Afin de conclure à la véracité ou non de ces accusations, le 7 février 1985, le

juge Jules Deschênes a été nommé afin de diriger une Commission d’enquête indépendante

dont le mandat était

de procéder à toutes enquêtes qu’il estime nécessaires sur les présumés criminels de guerre au Canada, et notamment de rechercher si des présumés criminels de guerre résident actuellement au Canada et, le cas échéant, de déterminer quand et comment ceux-ci y sont entrés, afin d’être en mesure de présenter au gouverneur en conseil des suggestions et recommandations sur les dispositions à prendre au Canada pout traduire en justice les criminels de guerre pouvant y résider, et de préciser les mécanismes juridiques existants qui pourraient être utilisés à cette fin ou, à défaut, ceux qu’il y aurait lieu pour le Parlement canadien d’instituer par voie législative.

Le rapport de la Commission Deschênes51 a été présenté au gouvernement à la fin de

l’année 1986. Il contenait plusieurs recommandations52 dont la modification du droit

substantiel canadien dans le but de pouvoir juger les criminels de guerre. Tout d’abord, ce

rapport préconisait la modification du Code criminel 53 afin que celui-ci permette la

poursuite de ces présumés criminels car à l’époque, ces criminels ne pouvaient être

poursuivis qu’en vertu du droit militaire54. Plus particulièrement, le rapport encourageait

l’assimilation des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité à des infractions

commises au Canada même s’ils ont été commis à l’étranger et avant l’adoption de la

modification.

Le rapport préconisait également de confier au Procureur général du Canada le

monopole pour intenter des poursuites. En outre, il recommandait la modification de la Loi

sur l’extradition et des traités d’extradition pour faciliter l’extradition des personnes

50 Canada, Bibliothèque du Parlement, Les criminels de guerre : la Commission Deschênes, par Purves Grant, dans Bulletin d’actualité no 87-3F, Ottawa, 1998, à la p 3 [Purves]. 51 Rapport Deschênes, supra note 24. 52 Purves, supra note 50 à la p 6. 53 Code criminel, LR C 1985, c C-46 [Code criminel]. 54 Loi sur les crimes de guerre, supra note 12.

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recherchées par un État étranger. Enfin, il conseillait la modification des règles relatives à

la révocation de citoyenneté et à l’expulsion. Comme nous le verrons ci-dessous, ces

recommandations visent les domaines d’action du futur Programme sur les crimes de

guerre.

Certaines recommandations ont été prises en compte par le législateur et des

évolutions législatives ont eu lieu. C’est le cas dès 1987, six mois après le dépôt du rapport

Deschênes, du projet C-71 de Loi modifiant le Code criminel, la Loi sur l’immigration de

1976 et la Loi sur la citoyenneté. L’adoption de ce projet de loi a permis aux juridictions

canadiennes d’être compétentes pour juger les crimes contre l’humanité et les crimes de

guerre commis à l’extérieur du Canada, en les considérant comme réputés commis au

Canada55. De la même manière, le législateur canadien a adopté la proposition de la

Commission qui subordonnait les poursuites au consentement du Procureur général, ou du

sous Procureur général, celles-ci devant être menée par lui-même ou en son nom. En outre,

la Loi sur l’immigration et la Loi sur la citoyenneté ont toutes deux été retouchées suite aux

travaux de la Commission.

En plus de ces modifications substantielles, et afin de permettre l’effectivité des

mesures envisagées, Grant Purves nous indique que des négociations ont été organisées

entre le Canada et l’Israël, l’URSS, la Tchécoslovaquie, la Hongrie, les Pays-Bas, la

Pologne, la Yougoslavie et l’Allemagne de l’Ouest afin de lui permettre de recueillir des

preuves contre des personnes soupçonnées de crimes de guerre au Canada56. Comme nous

le verrons par la suite, cela prouve que la coopération interétatique est un élément

déterminant dans la lutte contre l’impunité des responsables de grands crimes

internationaux.

55 Code criminel, supra note 53 à l’art 7(3.71). 56 Purves, supra note 50 à la p 20.

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B. La création du Programme sur les crimes de guerre

Outre les modifications législatives faisant suite au rapport Deschênes, des unités

spécialisées dans les crimes de guerre ont été créées au sein du ministère de la Justice et de

la GRC et ont ainsi pu commencer à travailler ensemble57 dès 1987.

Leur mandat était d’enquêter et recommander, lorsque les preuves étaient suffisantes,

soit la poursuite, la révocation de citoyenneté ou l’expulsion, la priorité étant donnée aux

crimes commis durant la Seconde Guerre mondiale. Ce sont ces mêmes départements qui

ont négocié des protocoles d’accords avec des États tiers pour la coopération en matière de

recherche de preuve, de recueillement des témoignages et d’autres techniques

d’investigations. À ce titre, ce sont les précurseurs des mécanismes d’assistance mutuelle58.

Malgré ce travail d’équipe, seulement quatre affaires traitées par ces deux unités ont

fait l’objet de poursuites dont une seule qui a abouti à un procès : la célèbre affaire Finta59

du nom de ce capitaine de la Gendarmerie hongroise qui surveillait, sous l’autorité du

régime nazi, un centre de détention en Hongrie et qui avait obtenu la nationalité canadienne

en 1956. Le Canada avait fondé sa compétence sur le nouvel article 7(3.71). Cependant,

une confusion sur les éléments constitutifs du crime contre l’humanité a entrainé son

acquittement60.

Ces différents échecs ont eu pour conséquence la réduction des effectifs des unités

spécialisées, passant de vingt-quatre à onze membres. En outre, le gouvernement canadien

a préféré se concentrer sur les mesures d’immigration. En 1996, une nouvelle unité

spécialisée a été créée au sein du département CIC61.

57 Robert J. Currie et Joseph Rikhof, International & transnational criminal law, 2e ed, Toronto, Irwin Law, 2013 à la p 240 [Currie et Rikhof]. 58 Ibid. 59 Purves, supra note 50 à la p 9. En 1989, Michel Pawlowski était accusé de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, mais les poursuites ont été abandonnées suite à l’échec de la commission rogatoire en URSS. L’absence de preuves suffisantes a justifié l’arrêt des poursuites contre Stephen Reistetter en 1990. Les poursuites contre Radislav Grujicic ont quant à elles été abandonnées en raison de l’état de santé de l’accusé. 60 R c Finta, [1994] 1 RCS 701. 61 Currie et Rikhof, supra note 57 à la p 245.

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Alors que la volonté de poursuivre des criminels internationaux commençait à

s’étioler, l’élaboration du Statut de Rome62 a donné un élan supplémentaire à la lutte contre

l’impunité au Canada en consacrant le principe de complémentarité. Toutefois, il n’a pas

institué de nouvelles obligations en matière d’enquête et de poursuite des « core crimes »63.

Cette impulsion a conduit à la refonte du Programme sur les crimes de guerre ainsi qu’à une

spécialisation législative.

En effet, le Programme coordonné sur les crimes contre l’humanité et les crimes de

guerre a véritablement été créé en 199864 grâce à l’octroi de ressources supplémentaires

pour faciliter et coordonner les activités entre le ministère de la Justice, la GRC et CIC. En

2014, ce Programme regroupait une centaine d’agents totalement ou partiellement

spécialisés, c’est-à-dire s’occupant ou non d’autres crimes65.

La LCHCG est allée plus loin dans la spécialisation en sortant le génocide, les crimes

contre l’humanité et les crimes de guerre du Code criminel pour que les poursuites et

procès soient entièrement réglementés dans une loi spéciale et autonome. Cette loi permet

la mise en œuvre du Statut de Rome au Canada. En plus de définir ces trois crimes

internationaux66, la LCHCG permet aux juridictions canadiennes d’exercer une compétence

universelle en autorisant les poursuites si l’une de ces infractions est commise à l’étranger

par « quiconque » se trouvant au Canada67.

Outre ces considérations substantielles, ce sont les prérogatives octroyées aux

membres du Programme sur les crimes de guerre qui permettent véritablement une

spécialisation des poursuites.

62 Signé par le Canada le 18 décembre 1998 et ratifié le 7 juillet 2000. Le Canada a été le 14e État du Commonwealth a ratifié le Statut de Rome. 63 Évaluation sommative, supra note 49 à la p 10. La notion de « core crimes » fait référence au génocide, aux crimes contre l’humanité et aux crimes de guerre. 64 Ibid à la p 1. 65 L’on pouvait compter 9 agents de police, 30 agents au sein des services judiciaires et 50 agent dans d’autres services (ministère des affaires étrangères, agents d’entraide judiciaire, agents de l’immigration) : Réseau concernant les enquêtes et les poursuites pénales relatives aux génocides, aux crimes contre l’humanité et aux crimes de guerre, Stratégie du Réseau génocide de l’UE pour lutter contre l’impunité du crime de génocide, des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre au sein de l’Union européenne et de ses États membres, QP-05-14-102-FR-C, La Haye, novembre 2014, à la p 29 [Stratégie Réseau génocide européen]. 66 LCHCG, supra note 34 à l’art 4(3). 67 Ibid, art 8(b).

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II. L’action du Programme sur les crimes de guerre

Les différentes informations à la disposition du public concernant ce Programme sont

principalement fournies par le gouvernement lui-même, et ce par l’intermédiaire de la

publication de rapports annuels sur son activité68. Ces comptes rendus permettent de faire

ressortir la mission et les objectifs du Programme (A) dont la mise en œuvre offre au

Canada un statut particulier sur le plan international (B).

A. Le strict encadrement des missions du Programme

Actuellement, le Programme sur les crimes de guerre comporte des unités

spécialisées réparties entre quatre administrations : le ministère de la Justice, la GRC, CIC

et l’ASFC depuis 2003. Ces quatre partenaires sont sous la direction du Comité directeur

sur les crimes de guerre. Ce dernier se réunit ponctuellement pour évaluer le Programme et

vérifier que les objectifs sont toujours respectés. En outre, le Comité de coordination et des

activités du Programme assure la coordination ministérielle en élaborant une politique

opérationnelle, en traitant de toutes les allégations de crimes de guerre et en vérifiant le

respect des obligations internationales.

La mission du Programme69 est la suivante :

[c]oncrétiser la politique canadienne consistant à empêcher les présumés criminels de guerre de trouver refuge au Canada et de contribuer à la lutte nationale et internationale contre l’impunité. Le Programme vise également à donner suite à l’engagement du gouvernement à l’égard de la justice internationale, du respect des droits de la personne et de la sécurité renforcée à la frontière.

Cette mission faire ressortir trois éléments : le refus de constituer un refuge, la lutte

contre l’impunité et le respect des engagements internationaux. Dès lors, l’on voit bien

qu’en matière de poursuites de criminels internationaux, justice nationale et obligations

internationales sont étroitement liées.

68 Des rapports annuels ont effectivement été rendus publics de 1998 à 2008. Cependant, le dernier rapport porte sur l’activité du 1er avril 2008 au 31 mars 2011. Depuis cette date, aucun rapport n’a été publié par le gouvernement canadien : Rapport 2008-2011, supra note 33. 69 Évaluation sommative, supra note 49 à la p 2.

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Afin de mener à bien cette mission, neuf recours70 ont été accordés au Programme :

1. Examen et déni de visa aux personnes hors du Canada 2. Déni d’accès (exclusion) au système de détermination du statut de réfugié du

Canada 3. Exclusion de la protection prévue par la Convention des Nations Unies de

1951 relative au statut des réfugiés 4. Poursuite au Canada en vertu de la LCHCG 5. Extradition vers un État étranger (suite à une demande) 6. Remise à un tribunal international 7. Révocation de la citoyenneté et expulsion 8. Enquête et renvoi du Canada en vertu de la Loi sur l’immigration et la

protection des réfugiés71 (ci-après LIPR) 9. Refus de statut aux agents de gouvernements considérés comme s’étant livrés à

des violations graves des droits de la personne en application de l’art 35(1)b) de la LIPR

Sur les neufs recours de cette liste, seulement trois assurent la poursuite des

présumés criminels internationaux : la poursuite au Canada, la remise à un tribunal

international et l’extradition vers un État étranger. Comme nous le verrons par la suite, les

mesures d’immigration sont privilégiées par les autorités canadiennes, le problème étant

qu’elles ne permettent pas de s’assurer que des poursuites seront exercées contre un

individu renvoyé hors du Canada, ce qui relativise le rôle de cet État dans la lutte contre

l’impunité.

Avant même qu’une décision d’engager les poursuites soit prise, l’allégation en

question devra figurer dans le répertoire de la GRC et du ministère de la Justice. C’est à

cette condition qu’une enquête pourra être menée, laquelle aboutira éventuellement à des

poursuites pénales. Or, pour qu’une allégation demeure dans ce répertoire, elle doit remplir

les critères suivants72 :

1. [L]’allégation doit révéler l’implication de l’individu en cause ou de ses responsabilités de commandement ;

2. [L]a preuve de l’allégation doit être corroborée ; 3. [L]a preuve nécessaire doit être accessible de manière non compliquée et

rapide. Toutefois, un dossier peut être ajouté au répertoire même si les trois critères ne sont pas remplis, notamment dans les cas suivants :

70 Ibid à la p 3. 71 Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [LIPR]. 72 Évaluation sommative, supra note 49 à la p 19.

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4. [L]’allégation concerne un citoyen canadien vivant au Canada ou un individu présent au Canada qui ne peut être expulsé pour des motifs pratiques ou juridiques ;

5. [L]’existence de motifs stratégiques, notamment l’intérêt national ou public, ou de motifs primordiaux liés aux intérêts du Programme, à l’impunité internationale ou à la recherche de justice.

Le troisième critère peut paraître étonnant au regard du type de contentieux. En effet,

inutile de rappeler que les infractions en question se sont produites dans des États éloignés

du Canada, souvent, de nombreuses années auparavant. Dès lors, c’est de l’essence même

des grands crimes internationaux que de faire face à des difficultés dans l’obtention de la

preuve. De la même manière, les deux critères subsidiaires peuvent surprendre. Le

quatrième fait ressortir la priorité donnée aux mesures d’immigration puisque c’est

l’impossibilité d’expulser qui justifie l’inscription au répertoire. En outre, l’intérêt public et

la lutte contre l’impunité sont relégués au dernier rang. Or, il est tout de même heureux de

constater que la lutte contre l’impunité permet l’inscription d’affaires dans ce répertoire

même si les preuves sont difficiles à obtenir.

Une fois cette allégation inscrite au répertoire, la GRC peut entamer des

investigations, et ce, en collaboration avec le ministère de la Justice73. En effet, des

membres de la GRC vont se déplacer dans l’État où les faits ont été commis pour vérifier le

bienfondé des allégations, notamment par l’audition de témoins. Les éléments recueillis

vont être analysés par des membres du ministère de la Justice, lesquels vont recommander

ou non des poursuites pénales. Si des poursuites ne sont pas recommandées, les recours en

matière de révocation de citoyenneté ou de renvoi en vertu de la LIPR vont pouvoir être

engagés. Dans le cas contraire, le dossier est transmis au procureur général du Canada – qui

bénéficie de l’opportunité et du monopole des poursuites74. S’il choisit de poursuivre, c’est

le Service des poursuites pénales du Canada (ci-après SPPC) qui sera chargé de la

poursuite. La Section des crimes de guerre du ministère de la Justice soutiendra le SPPC

jusqu’au début du procès, tout comme les membres de la GRC qui peuvent même

comparaître au procès.

73 Voir Évaluation sommative, supra note 49 « Recours 4 : Poursuite » à la p 103. 74 Voir infra Partie 1.

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L’organisation stricte de la mission du Programme sur les crimes de guerre a permis

au Canada de bénéficier d’une place à part entière sur la scène internationale en ce qui

concerne la lutte contre l’impunité des grands crimes internationaux.

B. Le Canada : chef de chef de file mondial dans le traitement des crimes

internationaux

L’évaluation effectuée en 2008 par la Division de l’évaluation du ministère de la

Justice a mis en exergue le fait que75

[l]e Programme continue d’assurer le rôle de chef de file mondial du Canada dans le traitement des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre, essentiellement par son engagement à l’égard de la coopération internationale, son cadre législatif robuste, et l’existence d’un programme interministériel intégré. Le Programme est aussi parvenu à remplir les obligations juridiques internationales du Canada relatives aux crimes contre l’humanité et aux crimes de guerre.

L’un des facteurs clés du succès de ce Programme est donc la constitution de

nombreux partenariats76 qu’ils soient à l’intérieur même du Canada ou à l’international77.

Comme nous le verrons par la suite, ce Programme est d’autant plus novateur que la

collaboration entre quatre ministères est prévue ce qui favorise l’effectivité des différents

recours grâce au dialogue entre ces unités. D’ailleurs, un fond documentaire commun – le

Système sur les crimes de guerre contemporains – compile diverses informations telles que

de la jurisprudence, de la législation ou des avis juridiques mais celui-ci semble bénéficier

uniquement aux agents de l’AFSC et de CIC78.

Cette collaboration interne peut entraîner certaines difficultés. En effet, il s’avère que

différents recours peuvent être exercés en parallèle ce qui multiplie les coûts de

fonctionnement du Programme. Ainsi, les recours en matière d’immigration peuvent ou non

déboucher sur des poursuites criminelles à l’issue des enquêtes, et ce en fonction des

critères précédemment énoncés. S’assurer que les mesures nécessaires ont été prises sur le

plan de l’immigration permet d’expulser un individu du Canada même si des poursuites ne

75 Évaluation sommative, supra note 49 à la p v. 76 Ibid aux pp 23-25. 77 L’importance de la coopération internationale sera étudiée dans la seconde partie de cette étude. 78 Évaluation sommative, supra note 49 à la p 21.

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sont pas engagées. Se pose ensuite l’épineux problème du sort de l’individu expulsé du

Canada, renvoyé dans un État tiers qui n’exercera peut être pas lui-même des poursuites

pour ces mêmes considérations économiques. Dès lors, le Canada n’est certes par un havre

de paix pour les criminels internationaux mais il ne permet pas l’effectivité de leur

répression79.

En outre, l’évaluation sommative évoque les difficultés relationnelles entre ce

Programme et le ministère des Affaires étrangères ce qui peut entacher son

fonctionnement80. En matière de justice pénale internationale, les interactions entre la

justice et l’exécutif sont toutefois inévitables. En effet, ce sont en partie des négociations

politiques et diplomatiques qui permettent les déplacements dans des pays « amis » et ainsi

l’assistance logistique nécessaire à la mise en œuvre des poursuites et donc au

fonctionnement de la Justice.

Dès lors, il semble que ce soit grâce à ses partenariats extérieurs que le Canada joue

le rôle de chef de file mondial. En effet, outre les négociations rendues possibles par le

truchement du ministère des Affaires étrangères, le Programme sur les crimes de guerre

collabore avec des institutions internationales telles que la CPI ou les différents tribunaux

pénaux internationaux (ci-après TPI). Comme nous le verrons dans la seconde partie de

cette étude, ces unités spécialisées participent à différentes réunions et conférences

internationales. Il est intéressant de remarquer que le Canada est le seul pays non européen

à faire partie du Réseau européen des points de contact81. Outre des partenariats solides

avec l’UE, le Canada participe à la formation des unités spécialisées dans de nombreux

pays, comme l’Australie.

L’évaluation sommative de 2008 regrette qu’à l’intérieur même du Canada, le

Programme n’ait pas renforcé la sensibilisation à la question de la lutte contre l’impunité

des criminels internationaux. Il semble que le Canada ait davantage la volonté de rayonner

à l’international comme le prouve son implication sur la scène internationale. Cela peut

paraître regrettable car pour lutter efficacement contre l’impunité, et en vertu du principe de

79 Cette question sera détaillée infra dans la sous-partie « A. La coopération régionale comme palliatif aux inconvénients des mesures d’immigration au Canada » à la p 88. 80 Évaluation sommative, supra note 49 à la p 25. 81 Pour des détails sur le Réseau génocide européen : voir, infra aux pp 86-81.

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complémentarité, l’action du Canada à l’intérieur même de ses frontières est primordiale.

Ce sont ses juridictions nationales qui doivent poursuivre et juger les présumés criminels

internationaux. Sans un travail de sensibilisation plus important, des crimes peuvent ne pas

être portés à la connaissance des unités spécialisées.

Comme dans tout domaine, le financement de ce Programme est l’un des facteurs clés

de l’effectivité des poursuites. Sur la période quinquennale 2005-2006 à 2009-2010, le

Programme disposait d’une enveloppe de 78 millions de dollars auxquels s’ajoutent chaque

année 0,66 millions alloués par la GRC82. Il semble que ce montant ne soit pas suffisant

pour assurer l’effectivité des poursuites criminelles83. En effet, le coût de celles-ci est l’un

des facteurs à prendre en compte avant de décider d’engager des poursuites. Plus le

Programme aura de ressources, plus il pourra procéder à des enquêtes et se déplacer à

l’étranger et ainsi tout mettre en œuvre pour que les poursuites se concrétisent par un

procès. Dans le même sens, il est clair que les ressources en personnel doivent également

être augmentées.

Cet aperçu de l’historique de la création du Programme sur les crimes de guerre et de

ses diverses missions va nous permettre de comparer cette unité avec celle créée quelques

années plus tard en France.

Section 2. Le Pôle spécialisé crimes de guerre, crimes contre l’humanité en

France

Alors que dès 1987, le Canada mettait en place des unités spécialisées dans différents

ministères pour traiter des crimes internationaux, la France n’était pas étrangère à un tel

mouvement. En effet, dès 1986, on a pu assister à un empilement de lois spécialisées – non

pas dans la lutte contre le génocide, les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre –

mais permettant l’établissement d’un véritable arsenal législatif de lutte contre le

82 Évaluation sommative, supra note 49 à la p 57. 83 Voir ibid aux pp vi et 49 ; Fannie Lafontaine « The Unbearable Lightness of International Obligations: When and How To Exercise Jurisdiction Under Canada's Crimes against Humanity and War Crimes Act » (2010) 23:2 RQDI 1.

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terrorisme84. Il a pourtant fallu attendre 2012 pour qu’une unité spécialisée dans les « core

crimes » soit mise en place en France (I). Pôle spécialisé dont les prérogatives ne sont pas

équivalentes à celles de son homologue canadien (II).

I. Une mise en place tardive

Contrairement à son équivalent canadien, la création du Pôle spécialisé français n’est

pas le résultat de rumeurs quant à la présence de présumés criminels de guerre sur son

territoire. En effet, l’établissement de cette unité s’est faite à « petits pas », par

l’intervention de nombreuses initiatives législatives (A). Cette « méthode pointilliste »85 ne

pouvant perdurer, des modifications substantielles du droit pénal français ont permis

l’émergence d’une spécialisation législative et opérationnelle (B).

A. L’existence de nombreux précurseurs législatifs

L’exercice de la compétence universelle des juridictions françaises est revenu à

l’ordre du jour suite aux exactions commises en ex-Yougoslavie et au Rwanda. En effet, en

1995 et 1996, en application de résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies86, la

France a modifié sa compétence87 afin de pouvoir poursuivre sur son sol des personnes

impliquées dans le génocide rwandais ainsi qu’en ex-Yougoslavie. À partir de ces dates,

des affaires concernant des crimes internationaux ont donc été portées à la connaissance des

juridictions françaises. Toutefois, des auteurs critiquaient déjà la frilosité du droit pénal

84 Loi n° 86-1020 du 9 septembre 1986 relative à la lutte contre le terrorisme et aux atteintes à la sûreté de l'État, JO, 10 septembre 1986, 10956. Suivie de manière non exhaustive de : Loi n° 96-647 du 22 juillet 1996 tendant à renforcer la répression du terrorisme et des atteintes aux personnes dépositaires de l'autorité publique ou chargées d'une mission de service public et comportant des dispositions relatives à la police judiciaire, JO, 23 juillet 1996, 11104 ; Loi n° 96-1235 du 30 décembre 1996 relative à la détention provisoire et aux perquisitions de nuit en matière de terrorisme, JO, 1er janvier 1997, 9 ; Loi n° 97-1273 du 29 décembre 1997 tendant à faciliter le jugement des actes de terrorisme, JO, 31 décembre 1997, 19312 ; Loi n° 2006-64 du 23 janvier 2006 relative à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers, JO, 24 janvier 2006, 1129 ; Loi n° 2012-1432 du 21 décembre 2012 relative à la sécurité et à la lutte contre le terrorisme, JO, 22 décembre 2012, 20281 [Loi de 2012 contre le terrorisme]; Loi n° 2014-1353 du 13 novembre 2014 renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme, JO, 14 novembre 2014, 19162. 85 Hervé Ascencio, « Une entrée mesurée dans la modernité du droit international pénal, à propos de la loi du 9 août 2010 » (2010) 37 JCP G 1693 [Ascencio]. 86 Résolution 827 établissant le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, Rés CS NU, Doc off CS NU, Doc NU S/RES/827 (1993) et Résolution 955 établissant le Tribunal pénal international pour le Rwanda, Rés CS NU, Doc off CS NU, 49e sess, Doc NU S/RES/955 (1994). 87 Loi TPIR et Loi TPIY, supra note 21.

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français au regard des conditions d’exercice de cette compétence 88 . Dès lors, des

déplacements à l’étranger devaient nécessairement avoir lieu afin de pouvoir recueillir des

preuves et autres témoignages. Il ne semble pas qu’une adaptation de la procédure pénale

française ait été envisagée à cette époque pour faciliter de telles enquêtes à l’étranger

malgré le grand nombre de dossiers ouverts concernant le génocide rwandais.

Tout comme pour le Canada, la signature89 et la ratification90 du Statut de Rome a eu

un impact sur le droit pénal français, puisqu’après avoir modifié sa Constitution pour

reconnaître la CPI91, le législateur a ajouté un titre au Code de procédure pénale « De la

coopération avec la Cour pénale internationale »92 correspondant aux articles 627 à 627-20.

Comme nous le verrons dans la suite de ce mémoire (Partie 2), le Statut de Rome a

également favorisé la mise en place d’une coopération entre les États membres de l’UE

suite à la création du Réseau des points de contacts. La décision instituant ce Réseau

préconisant également une spécialisation de ces points de contact en disposant93 :

Pour encourager une coopération étroite, il y a lieu que les États membres prennent des dispositions pour que des points de contact centralisés et spécialisés puissent communiquer directement entre eux [nous soulignons].

Sans que l’on connaisse le nombre exact d’affaires en cours d’information dans les

années 2000, il apparaît que la majorité des poursuites concernait - et concerne toujours –

des personnes soupçonnées d’être impliquées dans le génocide rwandais. Sans entrer dans

les détails, la justification peut se trouver dans le fait que la constitution de partie civile

directement devant le juge d’instruction est autorisée par la loi de 1996 de coopération avec

le TPIR et donc que les victimes peuvent déclencher l’action publique. La coexistence d’un

grand nombre de poursuites et le manque de qualification des équipes chargées de ces

88 Voir Michel Massé, « Ex-Yougoslavie, Rwanda : Une compétence « virtuelle » des juridictions françaises ? » (1997) 2 RSC 893. L’auteur énumère les différentes conditions pour engager la compétence française : 1) une Convention internationale engageant la France et prévoyant une compétence dite universelle, 2) cette Convention doit avoir fait l’objet d’un texte national de mise en œuvre, 3) la présence en France de la personne soupçonnée, 4) les victimes, personnes morales ou physiques, doivent répondre aux conditions les plus strictes de l’habilitation ou de l’intérêt à agir en droit interne. 89 Le 18 juillet 1998. 90 Le 9 juin 2000. 91 Loi constitutionnelle n° 99-568 du 8 juillet 1999 insérant, au titre VI de la Constitution, un article 53-2 et relative à la Cour pénale internationale, JO, 9 juillet 1999, 10175. 92 Loi n° 2002-268 du 26 février 2002 relative à la coopération avec la Cour pénale internationale, JO, 27 février 2002, 3684 [Loi de coopération avec la CPI]. 93 Décision Réseau génocide, supra note 48 au cons 10.

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poursuites a conduit à la condamnation de la France en 2004 par la Cour européenne des

droits de l’homme94. Dans cette affaire, la requérante, madame Mutimura, a porté les faits

devant la Cour de Strasbourg en se plaignant de l’absence de suite donnée à sa plainte avec

constitution de partie civile, l’information étant ouverte depuis près de neuf ans.

Pour Human Rights Watch (ci-après HWR)95, le grand nombre d’affaires concernant

le génocide rwandais est un des facteurs ayant conduit à la création du Pôle spécialisé. La

multiplication du nombre d’affaires se justifie par le fait que le TPIR était une juridiction

temporaire et donc amenée à disparaître. En 2003, une résolution96 des Nations unies l’avait

d’ailleurs enjoint d’élaborer une stratégie d’achèvement afin de clore ses travaux en 201097.

Pour ce faire, les Nations unies ont demandé

à la communauté internationale d’aider les juridictions nationales à renforcer leurs capacités afin qu’elles puissent connaître des affaires que leur auront renvoyées le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie et le Tribunal pénal international pour le Rwanda [nous soulignons].

Comme cela était attendu, la disparition du TPIR a entrainé une augmentation du

nombre de saisines des juridictions françaises pour ces faits ne pouvant plus être soumis à

la juridiction hybride. Alors qu’en 2008, le Rapport Guinchard98 évaluait à dix le nombre

d’affaires ouvertes pour crimes contre l’humanité à l’encontre de ressortissants rwandais se

trouvant sur le territoire français, elles étaient vingt-six en 201699.

L’accumulation de ces pressions, internationales comme européennes, pour que la

France adapte sa législation à la complexité des affaires a poussé le législateur a réagir en

modifiant, de manière substantielle, le droit et la procédure applicables en la matière.

94 Mutimura c France, n°46621/99, [2004] CEDH [Mutimura] au para 74 : « Compte tenu des circonstances de l’espèce et en dépit de leur particularité, la Cour estime que l’on ne saurait considérer comme « raisonnable » une durée globale de presque neuf ans pour une information pénale au demeurant toujours en cours. » 95 Leslie Haskell, « The Long Arm of Justice : Lessons from Specialized War Crimes Units in France, Germany, and the Netherlands » (16 septembre 2014), Human Rights Watch, en ligne: <https://www.hrw.org/report/2014/09/16/long-arm-justice/lessons-specialized-war-crimes-units-france-germany-and> [Haskell] à la p 69. 96 Résolution 1503, Rés CS NU, Doc off CS NU, Doc NU S/RES/1503 (2003). 97 Le TPIR a fermé le 31 décembre 2015 et a été remplacé par le Mécanisme pour les Tribunaux pénaux internationaux. 98 Commission sur la répartition des contentieux, L’ambition raisonnée d’une justice apaisée – Rapport au garde des Sceaux (août 2008) à la p 275 [Rapport Guinchard]. 99 Collectif des parties civiles pour le Rwanda, « Les personnes poursuivies » (non daté, consulté le 28 juin 2016), en ligne: <http://www.collectifpartiescivilesrwanda.fr/les-personnes-poursuivies/>.

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B. L’organisation d’une spécialisation législative et opérationnelle

Ce n’est qu’en 2008 que l’idée de la création d’une unité spécialisée a été soumise au

Parlement. La Commission Guinchard préconisait, en effet, la mise en place d’un « pôle

spécialisé pour les crimes contre l’humanité ou un pôle droit pénal humanitaire et

international »100 adapté aux spécificités des poursuites pour génocide, crimes contre

l’humanité et crimes de guerre. La nécessité d’une spécialisation des magistrats est apparue

suite à deux conclusions tirées par la Commission : 1) la juridiction doit être assez grande

pour faire face au grand nombre de victimes et aux investigations à mener ; 2) ces affaires

soulèvent des questions juridiques particulières ainsi qu’une nécessaire connaissance du

contexte politique. Cette Commission s’appuie également sur l’existence de précédents en

Europe avec la mise en place de telles unités spécialisées aux Pays-Bas, en Norvège, en

Suède et en Belgique.

Notons que la préconisation se conclue sur cette phrase : « la création de ce pôle

constituerait un signal fort de la volonté française de lutter contre les crimes internationaux

les plus graves »101. La raison d’être de l’unité spécialisée française diffère donc de celle du

Programme sur les crimes de guerre. En effet, le rapport Guinchard n’évoque ni le refus de

constituer un refuge ni une quelconque spécialisation des services d’immigration.

Avant de créer ces unités spécialisées, le législateur français a préféré adapter le Code

pénal à l’institution de la CPI par une loi de 2010102. Cette adaptation était rendue

nécessaire car seul les crimes contre l’humanité – comprenant le génocide – étaient

réprimés en droit français suite à l’entrée en vigueur du nouveau Code pénal en 1994. De la

même manière, les définitions françaises étaient plus restrictives que celles du Statut de

Rome103. Cette loi a donc permis l’incrimination des crimes de guerre en insérant un Livre

IV bis « Des crimes et des délits de guerre » au Code pénal. Le choix d’un tel emplacement

peut paraître singulier à deux égards. D’une part, d’un point de vue comparatiste, du fait

qu’au Canada, c’est une loi autonome qui régit ces infractions ce qui accentue leur

100 Rapport Guinchard, supra note 98 à la p 273. 101 Ibid à la p 279. 102 Loi du 9 août 2010, supra note 35. 103 Etienne Verges, « Loi n° 2010-930 du 9 août 2010 portant adaptation du droit pénal à l’institution de la Cour pénale internationale » (2010) 4 RSC 896.

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particularité. D’autre part, car ces crimes ne se trouvent pas au même emplacement que les

crimes contre l’humanité lesquels sont placés dans le Livre II consacré aux infractions

contre les personnes104. Alors qu’en France, le Code pénal est vu comme une compilation

de textes classés en fonction de valeurs, le fait de ne pas regrouper ces deux crimes

internationaux au sein d’un même Livre laisse à penser que les crimes de guerre sont

considérés comme moins graves que les crimes contre l’humanité pour le législateur

français. Ce sentiment est d’ailleurs accentué par le fait que ces deux crimes ne relèvent pas

du même régime juridique105.

Outre ces considérations substantielles, cette loi de 2010 a organisé la compétence

universelle française pour les crimes relevant du Statut de Rome. Le nouvel article 689-11

du Code pénal revêt une importance particulière pour notre étude. En effet, nous verrons

que les conditions, ou « verrous », prévues par ce texte limitent de manière non négligeable

les poursuites contre des actes de génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre.

104 Pour une critique de cet emplacement, voir Michèle-Laure Rassat, Droit pénal spécial : Infractions du Code pénal, 6e ed, Paris, Dalloz, 2011 à la p 811 [Rassat]. Cette auteure considère que les crimes contre l’humanité ne sont pas des atteintes aux personnes, chose que le législateur français aurait comprise en ne plaçant pas les crimes de guerre dans le même Livre. Toutefois, elle pense que ces derniers crimes n’ont pas leur place dans le Code pénal puisqu’ils ne peuvent être placés qu’au sein du Code de justice militaire. D’une manière plus générale, la professeure Rassat estime que les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre ne devraient pas être régis par le droit interne mais devraient seulement relever du droit pénal international et des juridictions pénales internationales de manière à ce que les condamnations soient homogènes. Au contraire, Ward Ferdinandusse considère que les applications nationales divergentes du droit pénal international ne sont pas nécessairement problématiques car cela constituerait un moteur de développement de la loi : Ward Ferdinandusse, « The Prosecution of Grave Breaches in National Courts » (2009) 7:4 J Intl Crim Just 723. 105 Le génocide (art 211-1 C proc pén) et les autres crimes contre l’humanité (art 212-1 C proc pén) sont punis de la réclusion criminelle à perpétuité. Tandis que selon le type d’atteinte, on parle de crimes ou de délits de guerre, la peine encourue allant de la réclusion criminelle à perpétuité à de l’emprisonnement. Par ailleurs, en vertu d’une loi de 1964, les crimes contre l’humanité sont imprescriptibles (art 213-5 C pén), alors que les crimes de guerre se prescrivent par trente ans et les délits de guerre par vingt ans (art 462-10 C pén) : Loi n° 64-1326 du 26 décembre 1964 tendant à constater l'imprescriptibilité des crimes contre l'humanité, JO, 29 décembre 1964, 11788. Cette différenciation du délai de prescription n’a pas été jugée contraire au principe d’égalité devant la loi pénale protégé par l’article 6 de la DDHC. Le Conseil constitutionnel, estimant que les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre sont de nature différente, n’a pas déclaré contraire à la Constitution l’art 462-10 : Cons. cont., 5 août 2010, (2010) JO 10 août, n° 2010-612 DC. Notons que le 10 mars 2016, l’Assemblée nationale a adopté une proposition de loi qui modifie le délai de prescription des crimes et délits de guerre, sans pour autant les rendre imprescriptibles : Chroniques internationales collaboratives, « La prescription des crimes de guerre en droit français : une imprescriptibilité sous condition » (21 mars 2016), en ligne: <https://chroniquesinternationalescolla.wordpress.com/2016/03/21/la-prescription-des-crimes-de-guerre-en-droit-francais-une-imprescriptibilite-sous-condition/>.

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Les quatre conditions pour que les juridictions françaises puissent poursuivre et juger ces

infractions sont les suivantes106 :

1. La résidence habituelle du présumé coupable sur le territoire français. 2. Deux branches alternatives :

a. Soit la nécessité d’une double incrimination107, si les faits ont eu lieu sur le territoire d’un État non partie au Statut de Rome.

b. Soit que l’État sur le territoire duquel les faits ont été commis ou que l’État dont la personne soupçonnée a la nationalité a adhéré au Statut de Rome.

3. Le monopole du Ministère public pour engager les poursuites108. 4. L’absence de demande de remise ou d’extradition de la personne par une

juridiction nationale ou internationale.

L’ensemble de ces verrous a été vivement critiqué par la doctrine109 et a donné lieu à

une proposition de loi du sénateur Jean-Pierre Sueur en 2012110 visant à les supprimer.

Il est intéressant de remarquer à ce stade que l’article 689-11 requiert que la personne

réside habituellement111 en France pour pouvoir être poursuivie. Cette condition ne figure

pas à l’article 689-1 du Code de procédure pénale qui organise la compétence universelle

106 Art 689-11 C proc pén. 107 La condition de double incrimination nécessite, pour être respectée, que les faits soient incriminés aussi bien en France que dans l’État où ils ont été commis. 108 Cette condition exclue donc la constitution de partie civile par voie d’action, permettant aux victimes de déclencher l’action publique en portant plainte directement auprès du juge d’instruction selon les modalités de l’article 85 C proc pén. Cette question sera développée infra. 109 Voir notamment, Ascencio, supra note 85 ; Ghislain Poissonier, « Cour Pénale Internationale : la France refuse de respecter l’ensemble de ses engagements internationaux » (2010) 41 D 2728 ; Coalition Française pour la Cour pénale internationale, « Recommandations de la CFCPI sur la Loi n°2010-930 du 9 Août 2010 Portant Adaptation du Droit Pénal à l’Institution de la Cour Pénale Internationale », en ligne: <cfcpi.fr/IMG/pdf/Recommandations_CFCPI_sur_689-11.pdf> ; Commission nationale consultative des droits de l’homme, Avis sur l’adaptation de la législation pénale française au Statut de Rome relatif à la Cour pénale internationale (4 février 2010), en ligne: < http://www.cncdh.fr/sites/default/files/10.02.04_avis_sur_ladaptation_de_la_legislation_penale_francaise_au_statut_de_rome_relatif_a_la_cour_penale_internationale.pdf>. Pour une opinion dissidente, voir Rassat, supra note 104 à la p 811. 110 Sénat, Proposition de loi n°753 de M. Jean-Pierre SUEUR tendant à modifier l'article 689-11 du Code de procédure pénale relatif à la compétence territoriale du juge français concernant les infractions visées par le statut de la Cour pénale internationale (6 septembre 2012). 111 La résidence habituelle est définie comme le « [l]ieu où se trouvent le centre des intérêts matériels (par exemple, sa maison) et moraux (par exemple, sa famille) d’une personne » : Glossaire Service-Public.fr, 2015, sub verbo « résidence habituelle ». Il convient de faire un parallèle avec le régime applicable en matière de terrorisme. Ce critère de la résidence habituelle a été introduit dans l’article 113-13 C pén par une loi de 2012 : Loi de 2012 contre le terrorisme, supra note 84. Il étend la compétence extraterritoriale française en permettant la poursuite en France d’actes de terrorisme commis à l’étranger par un résident habituel, alors que pour les infractions de droit commun, de telles poursuites ne sont possibles que si la personne est de nationalité française. Cette notion de résidence habituelle est donc utilisée par le législateur français tantôt pour restreindre la compétence de ses juridictions, tantôt pour l’élargir.

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française en application d’autres conventions internationales. En effet, pour des crimes

internationaux comme la torture112, le simple « passage » sur le territoire français suffit à

rendre compétentes les juridictions nationales113. En outre, la constitution de parties civiles

par plainte directement devant le magistrat instructeur est permise pour l’infraction de

torture, ce qui facilite le déclenchement des poursuites. Dès lors, la torture étant une

modalité d’exécution du crime contre l’humanité d’après le 6° de l’article 212-1 du Code

pénal, une requalification des faits peut être utilisée par les poursuivants afin de faciliter

l’ouverture des poursuites, ce qui peut poser problème d’un point de vue symbolique.

De la même manière, en vertu de l’article 689, et conformément aux lois de 1995 et

1996 de coopération avec les TPI, la présence en France est suffisante pour poursuivre les

présumés coupables de crimes contre l’humanité, génocide et crimes de guerre relevant de

la compétence du TPIY ou du TPIR.

Alors que les différentes dispositions de cette loi d’adaptation à la CPI ont pu paraître

contraires aux engagements internationaux de la France en rendant « improbable

l’enclenchement de poursuites pénales contre un dictateur ou tortionnaire de passage sur le

sol français »114, la loi du 13 décembre 2011115 est, elle, allée au delà des exigences du

Statut de Rome en créant l’organe chargé de mettre en œuvre ces nouveautés. Cette loi a

inséré dans le Livre IV du Code de procédure pénale, un Titre Ier « Des règles de

procédure applicables aux crimes contre l’humanité et aux crimes de guerre » où elle

aborde les questions de coopération avec la CPI, puis celles des « juridictions compétentes

112 Convention contre la torture et autres peines ou traitement cruels, inhumains ou dégradants, 10 septembre 1984, 1465 RTNU 85 [Convention contre la torture]. 113 Deux procès ont eu lieu sur le fondement de la compétence universelle prévue à l’article 689-2, en application de la Convention contre la torture, ibid. Les affaires Ould Dah et Ben Saïd se sont toutes deux soldées par la condamnation des tortionnaires : Affaire Ben Saïd, Cour ass Nancy, 24 septembre 2010, [non publié] ; Affaire Ould Dah, Cour ass Nîmes, 1 juillet 2005, [non publié] [Affaires Ould Dah et Ben Saïd]. 114 Françoise Bellivier et Marina Eudes, « Le pôle « crimes internationaux » du TGI de Paris : une prometteuse spécialisation de la justice française dans la lutte contre l’impunité des crimes les plus graves » (2014) dans Diane Bernard et Damien Scalia, dir, Vingt Ans de Justice Pénale Internationale, Les dossiers de la R.D.C.P, Bruxelles, La Charte, 2014, à la p 27 [Bellivier et Eudes]. 115 Loi n° 2011-1862 du 13 décembre 2011 relative à la répartition des contentieux et à l'allègement de certaines procédures juridictionnelles, JO, 14 décembre 2011, 21105, art 22 [Loi du 13 décembre 2011].

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pour la poursuite, l’instruction et le jugement des crimes contre l’humanité et des crimes et

délits de guerre »116.

Ce pôle est composé d’un procureur de la République, d’un pôle de l’instruction et de

la cour d’assises de Paris et exerce une compétence concurrente à la compétence territoriale

de principe de ces organes. Une telle compétence concurrente avait était préconisée par la

Commission Guichard du fait que les affaires Barbie et Papon n’auraient pas pu être jugées

à Lyon et Bordeaux en cas de compétence exclusive117. Or, il apparaissait nécessaire à cette

Commission de maintenir un lien entre le lieu de commission et le lieu de jugement des

faits d’où la volonté d’une compétence concurrente. On retrouve encore une fois ici l’idée

que la compétence territoriale est la plus à même de rendre une « meilleure » justice.

Notons par ailleurs que la compétence matérielle de ce Pôle ne se limite pas aux trois

crimes du Statut de Rome. En effet, bien que l’article 628 ouvrant le sous-titre II précise

que les dispositions suivantes sont applicables aux crimes contre l’humanité, crimes de

guerre et au génocide, c’est le dernier article de ce même sous-titre qui précise que ces

dispositions sont également applicables au crime de torture pour lesquels les juridictions

françaises sont compétentes en application de l’article 689-2 du Code de procédure pénale.

Afin de faciliter l’action de ce Pôle, lui a été adjoint, par un décret de 2013118,

l’Office central de lutte contre les crimes contre l’humanité, les génocides et les crimes de

guerre (ci-après OCLCHGCG) qui a été créé pour l’occasion. Cet Office rattaché à la

gendarmerie nationale est chargé de coordonner les investigations relatives aux crimes

relevant de sa compétence. En plus des crimes contre l’humanité, crimes de guerre et

torture, il est compétent pour traiter des disparitions forcées et des crimes de haines119.

116 Florence Bellivier et Marina Eudes remarquent que la loi de 2011 et le Code pénal ne parlent pas de « pôle » mais de « juridiction compétente pour la poursuite, l’instruction et le jugement des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre ». Elles énumèrent les différentes dénominations de cette institution dont le nombre est pour elles révélateur du flou l’entourant : « pôle génocide et crimes contre l’Humanité », « pôle crimes de guerre », « pôle Crimes contre l’humanité » : Bellivier et Eudes, supra note 114 à la p 19 sous note 1. 117 Rapport Guinchard, supra note 98 à la p 278. 118 Décret n° 2013-987 du 5 novembre 2013 portant création d'un office central de lutte contre les crimes contre l'humanité, les génocides et les crimes de guerre, JO, 7 novembre 2013. 119 Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales, L’activité des offices centraux de la police judiciaire de la police et de la gendarmerie nationales (2015) à la p 12 [Activité Office central].

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Maintenant que l’on a une vision plus globale des considérations à l’origine de la

création de cette unité spécialisée, il convient d’étudier plus en avant son action.

II. L’action du Pôle spécialisé crimes de guerre, crimes contre l’humanité

Pour Aurélia Devos, la chef du Pôle crimes contre l’humanité, la création de ce Pôle

permet « le développement d’une véritable politique pénale, de la capacité d’évaluation des

plaintes déposées à l’enquête d’initiative, en passant par la constitution de partenariats et la

consultation de la société civile »120. Afin de s’en convaincre, il conviendra dans un premier

temps d’étudier de manière succincte les prérogatives des organes composant ce Pôle (A),

avant de se concentrer sur leur coopération (B).

A. Un Pôle consacré à la poursuite des criminels internationaux

Contrairement au Programme sur les crimes de guerre canadien qui l’a précédé, le

Pôle français est consacré uniquement à la poursuite des criminels internationaux. Il est

intéressant de faire cette remarque au regard du choix politique qui a justifié la création de

cette unité. En effet, ne pas associer les services d’immigration peut faire ressortir la

volonté d’une véritable lutte contre l’impunité, en se chargeant soi-même des poursuites et

en ne les transférant pas sur les épaules d’un quelconque autre État. D’ailleurs, cette

approche différente ressort des propos d’Aurélia Devos qui estime que la motivation

principale doit être « de ne pas constituer un refuge pour des personnes qui s’installeraient

temporairement ou durablement sur le territoire »121. La formulation de cette phrase laisse

transparaître que le refus de constituer un refuge en France et au Canada n’a pas

exactement la même signification. En effet, alors qu’au Canada le refus de constituer un

refuge passe par la mise en œuvre de mesures d’immigration, en France, c’est l’exercice de

poursuites qui permet cela. De la sorte, « ne pas constituer un refuge » et « lutter contre

l’impunité » seraient des synonymes dans la vision française, alors qu’ils auraient des

significations et des conséquences différentes au Canada.

120 Aurélia Devos, « Juger le passé au présent : une promesse pour l’avenir ? » (2014) 4 Les Cahiers de La Justice 29 à la p 559 [Devos]. 121 Devos, ibid à la p 559.

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Ce pôle consacré à la poursuite est composé de trois juges d’instruction, deux

procureurs et six assistants spécialisés 122 , toutes ces personnes coopérant avec

l’OCLCHGCG. Le bureau du procureur 123 et le pôle de l’instruction 124 ont a leur

disposition chacun trois assistants spécialisés. Les tâches dévolues aux assistants spécialisés

sont précisées par l’article 628-9 du Code de procédure pénale. Le rôle de ces assistants

spécialisés – juristes et sociologues – est particulièrement important125. Ils réalisent un

travail de recherche et de synthèse de la jurisprudence et des ouvrages pertinents. Pour cela,

ils collaborent avec des universités ou des instituts de recherche. Grâce à leurs expériences

professionnelles126, ils aident les magistrats dans leurs relations avec diverses institutions

internationales et participent à la formation des officiers de police judiciaire.

Comme cela est le cas au Canada, un fond documentaire virtuel a été créé au sein du

Pôle afin que les organes de la poursuite puissent prendre connaissance du contexte

historique, politique, religieux des États concernés par les investigations. Ces données

numériques sont mises en commun et sont donc partagées entre le pôle de l’instruction et le

bureau du procureur, ce qui peut poser des difficultés au regard des droits de la défense127.

Afin d’exercer au mieux ces poursuites, des moyens exceptionnels ont été confiés au

Pôle spécialisé crimes contre l’humanité, crimes de guerre. En effet, bien que cette unité

était une nouveauté en 2012, les prérogatives qui lui ont été attribuées ne sont, elles, pas

nouvelles. Le législateur français s’est contenté d’octroyer aux organes chargés de la

poursuite des crimes internationaux, les prérogatives attribuées aux juridictions spécialisées

en matière de criminalité organisée128. Dès lors, le régime dérogatoire au droit commun en

122 Le nombre d’assistants spécialisés a augmenté depuis la création du Pôle spécialisé. Ils étaient quatre en 2013 : Ministère de la Justice, « Crimes contre l’humanité : la France mobilisée. « La création d’un pôle spécialisé s’inscrit dans un mouvement européen et international » » (5 mars 2013), en ligne: < http://www.justice.gouv.fr/organisation-de-la-justice-10031/crimes-contre-lhumanite-la-france-mobilisee-25168.html>. 123 Claude Choquet, « Instruire Un Génocide » (2014) 4 Les Cahiers de La Justice 41 à la p 565 [Choquet]. 124 Haskell, supra note 95 à la p 73. 125 Choquet, supra note 123 à la p 570. 126 À l’heure actuelle, parmi les trois assistants spécialisés du pôle de l’instruction, deux sont issus de la CPI, ibid à la p 565. 127 Françoise Mathe, « La défense devant les juridictions françaises saisies au titre de la compétence universelle » (2014) 4 Les Cahiers de La Justice 69 à la p 603 [Mathe]. 128 Art 628-8 C proc pén.

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matière de surveillance, d’infiltration, de garde à vue129, de perquisitions, d’écoutes

téléphoniques, de sonorisations et fixations d’image, de captation de données informatiques

est applicable. Cette manière de procéder a le mérite de permettre aux équipes de disposer

d’un large arsenal procédural pour mener à bien leurs poursuites, arsenal juridique

tellement dérogatoire au droit commun qu’il a fait l’objet de nombreux contrôles de

constitutionnalité130. Toutefois, l’on peut se demander si la criminalité organisée et les

crimes internationaux relevant du Statut de Rome sont à ce point similaires pour bénéficier

d’un tel régime commun. D’autant plus que les actes d’enquêtes ne peuvent, pour la

plupart, être exercés sur le territoire national mais par l’intermédiaire de commissions

rogatoires internationales. Le législateur a tenu compte de cette particularité en permettant

au juge d’instruction français de se prévaloir de l’article 93 du Code de procédure pénale

lui permettant de se transporter à l’étranger, avec l’accord des autorités concernées, pour

procéder à des actes. Contrairement au Canada, le budget attribué à ce Pôle n’est pas rendu

public.

Le Pôle français étant consacré à la poursuite, un véritable « programme » composé

d’unités spécialisées dans diverses administrations n’a pas été créé, contrairement au

Canada. Toutefois, l’existence de nombreux partenariats permet à l’unité française de

bénéficier du concours d’autres ministères ou organes en France comme à l’international.

B. Un Pôle au centre de nombreux partenariats

Le contexte particulier des génocides, crimes contre l’humanité et crimes de guerre

rend impossible le travail d’un Pôle solitaire, menant ses investigations de son côté sans

l’aide de personne.

L’exemple canadien nous montre à quel point la spécialisation des services

d’immigration peut être pertinente pour traiter de ce type d’affaires. Bien que le législateur

français n’ait pas fait le choix de créer une structure comparable au Programme sur les

129 À l’exception des art 706-88-1 (prolongation de la garde à vue au delà d’un délai de quatre jours) et 706-88-2 (abrogé) C proc pén. 130 Cons. const. 2 mars 2004, (2004), n° 2004-492 DC ; Cons. const., 4 décembre 2013, (2013), n°2013-679 DC ; Cons. const., 9 octobre 2014, (2014), n°2014-420/421 QPC.

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crimes de guerre, les magistrats du Pôle travaillent en collaboration avec les services

d’immigration français 131 . Cette collaboration peut avoir deux fondements en droit

français : le Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (ci-après

CESEDA) et le Code de procédure pénale. Le premier vise expressément l’Office français

de protection des réfugiés et apatrides132 (ci-après OFPRA), lequel est obligé d’informer le

procureur de toute exclusion du statut de réfugié, du bénéfice de la protection subsidiaire ou

du statut d’apatride. En effet, de telles exclusions ne sont possibles que s’il existe de

sérieuses raisons de penser que la personne a commis un crime contre la paix, un crime de

guerre ou un crime contre l’humanité, ce qui permet d’envisager l’ouverture d’une

procédure pénale contre elle. En vertu de l’article 40 du Code de procédure pénale, en tant

qu’organisme public, l’OFPRA doit également informer le procureur de la République s’il

acquiert la connaissance d’un crime ou d’un délit, ce qui peut être le cas s’il se trouve cette

fois face à une victime. Réciproquement, l’autorité judiciaire doit communiquer, sur

demande ou d’office, les éléments qu’elle détient et qui sont de nature à faire suspecter que

la personne relève d’une clause d’exclusion ou que la demande d’asile a revêtu un caractère

frauduleux133.

Le ministère des Affaires étrangères est un interlocuteur tout aussi pertinent en raison

des questions politiques et diplomatiques inhérentes à la poursuite des crimes

internationaux. Aucun partenariat n’a été officiellement conclu entre le Pôle et ce ministère

mais cela est fortement souhaité134, un diplomate du ministère des Affaires étrangères

pouvant aider les membres du Pôle à manœuvrer entre les subtilités politiques des enquêtes

à l’étranger.

En effet, l’activité quotidienne du Pôle étant constituée par « le Rwanda certes, mais

aussi notamment le Congo, le Tchad, la Lybie, la Syrie, l’Irak, le Cambodge ou la

Centrafrique, la coopération internationale, l’entraide judiciaire vers l’Amérique latine,

131 Aurélia Devos, allocution, Conférence de l’Association française pour l’histoire de la justice, « La genèse des procès pour crimes contre l’humanité » (19 mai 2014), en ligne: <http://www.afhj.fr/index.php/evenements/18-conference-la-genese-des-proces-pour-crime-contre-l-humanite> [Conférence AFHJ]. 132 Art L.722-3 CESEDA. 133 Art L.713-5 et L.713-6 CESEDA. 134 Haskell, supra note 95 à la p 71.

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l’Afrique ou les juridictions internationales »135, il est indispensable que cette unité ne reste

pas cantonnée à des considérations nationales. D’ailleurs, les membres du Pôle se déplacent

trois ou quatre fois par an sur le terrain durant quinze jours ou trois semaines à chaque

fois136.

Preuve de l’importance de la coopération internationale en la matière – que nous

développerons dans la seconde partie de cette étude – tous les intervenants de la poursuite

ont des relations avec des acteurs internationaux. En effet, alors que le Pôle de l’instruction

fait partie du Réseau génocide européen, il est question de créer un poste d’officier de

liaison au Rwanda pour faciliter les investigations dans ce pays où les témoins vont être

amenés à disparaître en raison du grand nombre d’années écoulées depuis le génocide137.

En outre, le bureau du procureur gérerait une quarantaine de demandes d’entraide judiciaire

par an, lesquelles proviennent aussi bien des TPI que de la CP. Pour l’association HWR, le

grand nombre de demandes provenant de la CPI s’explique du fait que de nombreux cas

pendants devant cette institution concernent des pays francophones138.

135 Devos, supra note 120 à la p 559. 136 Franck Petit, « France : Pascal Simbikangwa, un procès test pour le Pôle génocide » (1er octobre 2014), Amnesty International, en ligne: <www.amnesty.fr/Nos-campagnes/Lutte-contre-impunite/Dossiers/France-Pascal-Simbikangwaun-proces-test-pour-le-pole-genocide-12583>. 137 Choquet, supra note 123 aux pp 572-573. 138 Haskell, supra note 95 à la p 73.

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Conclusion du chapitre préliminaire

L’étude parallèle de la création et du fonctionnement des unités spécialisées française

et canadienne dévoile l’existence de nombreux traits communs. Ainsi, il semblerait que la

poursuite des criminels internationaux nécessite la mise en place d’une structure

particulière, laquelle serait garante de leur réussite.

En effet, l’existence de critères précis permettant l’ouverture des poursuites, le

monopole attribué au ministère public, l’intervention de tiers – assistants spécialisés,

historiens, sociologues – la mise en commun des fichiers par la création d’un fonds

documentaire commun, la collaboration avec des acteurs régionaux et internationaux sont

autant de points communs entre le Programme sur les crimes de guerre et le Pôle spécialisé

crimes contre l’humanité, crimes de guerre.

Pour autant, cette analyse préliminaire fait apparaître la persistance de nombreux

défis. En effet, que ce soit au Canada ou en France, peu de poursuites ont donné lieu à

l’ouverture d’un procès. De la même manière, l’insuffisance des moyens financiers semble

limiter les capacités d’enquêtes, tout comme les relations qui peuvent être tendues avec les

autorités étrangères d’où la nécessité de développer des partenariats à la fois internes avec

le ministère des Affaires étrangères et externes par la coopération régionale et

internationale.

Afin d’étudier plus en avant la spécialisation des poursuites, il convient maintenant

de s’intéresser aux modalités d’ouverture des poursuites relatives au génocide, aux crimes

contre l’humanité et aux crimes de guerre. La comparaison avec la poursuite en matière de

crimes de droit commun, ainsi qu’avec d’autres crimes internationaux telle que la torture,

nous permettra de faire ressortir les particularités de ce régime spécial.

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Titre 1. La spécialisation dans le déclenchement des

poursuites

Jouer le rôle de celui qui décide de l’engagement des poursuites est d’une haute

importance quelque soit le type de crime commis car cette décision aura des impacts à

plusieurs niveaux : sur la politique pénale d’un gouvernement, sur la ou les victimes, tout

comme sur l’accusé. En matière de crimes internationaux, une telle décision est d’autant

plus difficile qu’elle peut avoir une incidence sur les relations diplomatiques entre deux

pays. Le Canada et la France ont donc fait le choix de confier ce rôle au ministère public à

travers le Procureur général chez l’un et le Procureur de la République chez l’autre.

Les qualités qu’un procureur doit avoir en temps normal doivent donc être adaptées à

ce type exceptionnel de contentieux, comme le résume James K. Stewart139 :

The Ideal Prosecutor is motivated by a passion for justice. In her personal qualities, she combines courage, integrity, judgment, impartiality, and independence of mind. She operates with a high level of skill. She has stamina. She has her wits about her in a dangerous world. Justice is a concept with many facets, and it includes both concern for the welfare of victims and respect for the rights of accused persons. The Ideal Prosecutor works with an even hand under the rule of law, with regard to due process. She has the independence and the means at her disposal, in order to achieve the ends of justice. How far can such an ideal be met within the real world of international criminal justice ?

En outre, il appert que pour ce contentieux particulier, le type d’intervention du

ministère public devait également être adapté. Le Canada et la France ont, en effet, choisi

de lui conférer opportunité (Chapitre 1) et monopole des poursuites140 (Chapitre 2). Comme

nous le verrons, la combinaison de ces deux prérogatives peut entraîner un certain statisme

dans l’exercice des poursuites.

139 James K. Stewart, « International Criminal Prosecutions : The Ideal Prosecutor : Status, Means and Discretion » à la p 15, dans Journées Maximilien-Caron, La voie vers la Cour pénale internationale : tous les chemins mènent à Rome, Montréal, Thémis, 2004. 140 Alors que le droit français utilise les notions d’ « opportunité » et de « monopole », le droit canadien préfère celles de « discrétion » et d’ « exclusivité ». Dès lors, pour les besoins de ce mémoire, nous utiliserons de manière indifférente l’ensemble de ces termes.

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Chapitre 1. Le consensus en faveur du système de l’opportunité des

poursuites

Le système de l’opportunité des poursuites domine de longue date les droits français

et canadien. Cette règle « selon laquelle le ministère public, en vertu du pouvoir

d’appréciation qui lui est reconnu, est autorisé à ne pas déclencher des poursuites alors qu’il

possède l’assurance d’une infraction présentant tous les éléments constitutifs prévus par

l’incrimination a bien été commise »141 est totalement adaptée à la poursuite du génocide,

des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre (Section 1). Toutefois, afin de limiter

ou guider – selon les conceptions – le Procureur dans ce choix, des critères ont été établis

par les législateurs français et canadien (Section 2).

Section 1. L’impossible poursuite nationale de tous les crimes

internationaux

Traditionnellement, à la règle de l’opportunité des poursuites est opposée celle de la

légalité des poursuites. Cette dernière n’est pas marginale dans les systèmes juridiques

puisque des pays comme l’Allemagne, l’Espagne ou encore l’Italie y ont souscrits.

La légalité des poursuites est le « [s]ystème selon lequel le ministère public est tenu

d’engager des poursuites dès que les agissements portés à sa connaissance renferment,

vérification par lui faite, tous les éléments d’une infraction »142. Appliquer cette définition à

la poursuite des crimes internationaux peut faire penser, de prime abord, que ce système est

idéal pour lutter contre l’impunité, chaque présumé criminel international devant être

poursuivi dès lors que le ministère public a connaissance des faits et que l’infraction semble

constituée. Cependant, un des principaux inconvénients de ce système est l’encombrement

des tribunaux. En effet, le nombre de victimes est considérable lorsque sont commis des

crimes contre l’humanité, crimes de guerre ou un génocide. Dès lors, si chaque dépôt de

plainte entraînait l’ouverture de poursuites, les tribunaux seraient vites incapables de traiter

toutes ces affaires. En outre, la complexité des dossiers est telle que cela entraînerait

141 Gérard Cornu, Vocabulaire juridique, PUF, 2016, sub verbo « opportunité ». 142 Gérard Cornu, Vocabulaire juridique, PUF, 2016, sub verbo « légalité ».

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l’augmentation des délais de procédure, ainsi que celle des coûts par la multiplication des

déplacements nécessaires, sans parler des problèmes diplomatiques qu’une poursuite

systématique peut engendrer. Il semble donc que ce système ne soit pas le plus adapté à la

poursuite des crimes internationaux.

Cette idée peut d’ailleurs être confortée par les dispositions du Statut de Rome qui, lui

aussi, s’est tourné vers le système de l’opportunité des poursuites comme en atteste son

article 53-2. De manière plus explicite, le Bureau du Procureur a affirmé récemment que

« [d]ans l’exercice de son mandat, le Bureau décide, à sa discrétion, des affaires à

sélectionner en priorité au fin d’ouvrir une enquête et d’engager des poursuites »143.

En outre, l’expérience réussie des TPI ad hoc, qui ont eux aussi opté pour

l’opportunité des poursuites144, a pu conforter les rédacteurs du Statut de Rome dans leur

volonté de mettre en place un tel système.

Il est intéressant de noter que même dans un État où le système de la légalité des

poursuites était de mise, c’est celui de l’opportunité des poursuites qui a été choisi lorsque

doit être mise en œuvre la compétence universelle. En effet, en Allemagne, lorsque

l’infraction est commise à l’étranger par un étranger sur une victime étrangère, le procureur

a le choix de poursuivre ou de ne pas poursuivre. La justification se trouvant dans le fait

qu’il fallait libérer l’État allemand de la lourde charge financière et de travail

qu’engendrerait l’obligation de poursuivre toutes les affaires145.

Le choix du Canada et de la France de maintenir leur système en vigueur se justifie

donc pleinement que ce soit au regard des inconvénients du système de la légalité des

poursuites que de l’expérience des TPI. D’ailleurs, ces deux pays ont établi des critères afin

143 Cour pénale internationale, « Projet. Document de politique générale relatif à la sélection et à la hiérarchisation des affaires » (29 février 2016), en ligne: <https://www.icc-cpi.int/iccdocs/otp/29.02.16_Draft_Policy-Paper-on-Case-Selection-and-Prioritisation_FRA.pdf> à la p 4. 144 L’article 18 du Statut du TPIY prévoit expressément que le Procureur se prononce « sur l’opportunité ou non d’engager des poursuites », tandis que l’article 17 du Statut du TPIR énonce que le Procureur « décide s’il y a lieu de poursuivre ». Résolution 827 établissant le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, Rés CS NU, Doc off CS NU, Doc NU S/RES/827 (1993) [Statut du TPIY] ; Résolution 955 établissant le Tribunal pénal international pour le Rwanda, Rés CS NU, Doc off CS NU, 49e sess, Doc NU S/RES/955 (1994) [Statut du TPIR]. 145 Daniel D. Ntanda Nsereko, « Prosecutorial Discretion before National Courts and International Tribunals » (2005) 3:1 J Intl Crim Just 124 à la p 127 [Nsereko].

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de guider le ministère public dans l’exercice de son pouvoir d’opportunité. En effet, comme

le rappelle le Guide du SPPC146 :

La décision de poursuivre est l’une des décisions les plus importantes que prendra un procureur de la Couronne. Il faut accorder une attention particulière à chaque cas afin de s’assurer de prendre la bonne décision. Une mauvaise décision, dans un sens comme dans l’autre, risque de miner la confiance du public dans le système de justice pénale.

Section 2. Le nécessaire encadrement de l’opportunité des poursuites

Afin de ne pas laisser un trop large pouvoir discrétionnaire entre les mains du

procureur, le Canada et la France, à des degrés différents ont mis en place des critères

permettant de le limiter. En effet, alors que le Canada établit différentes listes, applicables

selon les circonstances, pour guider le procureur (I), le procureur français doit se contenter

d’un encadrement plus flou (II).

I. Le strict encadrement canadien de l’opportunité des poursuites

Comme nous l’avons vu précédemment147, avant même que des poursuites puissent

être envisagées, les affaires susceptibles d’en faire l’objet doivent figurer dans le répertoire

de la GRC et du ministère de la Justice. Dès lors, un premier filtre s’applique avec les cinq

critères énoncés à cet effet. C’est l’inscription initiale dans ce répertoire qui permettra

ensuite au procureur d’initier des poursuites pénales.

Deux listes peuvent lui être utiles dans sa décision d’engager des poursuites : celle

consacrée au choix entre les différents recours offerts au Programme sur les crimes de

guerre et celle, plus générale, relative à la décision d’intenter des poursuites ou non pour

toute sorte de crimes.

La première énonce quatre critères148 :

146 Canada, Service des poursuites pénales du Canada, Guide du service des poursuites pénales du Canada (2014), en ligne: <www.sppc-ppsc.gc.ca> à la section 2.3 [Guide du SPPC]. 147 Voir supra à la p 18. 148 Ministère de la justice, « Crimes de guerre et crimes contre l’humanité. Processus » (7 janvier 2015) en ligne: <http://justice.gc.ca/fra/jp-cj/cdg-wc/proc.html>. La professeure Lafontaine a remarqué qu’avant 2010, le site internet du Programme faisait référence à un plus grand nombre de critères, lesquels ont disparu :

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1. Les différentes exigences établies par les tribunaux judiciaires et administratifs dans les affaires pénales, civiles et administratives en ce qui concerne la corroboration et la vérification des éléments de preuve;

2. Les ressources disponibles pour exercer les poursuites; 3. La probabilité d'avoir gain de cause; 4. Les obligations du Canada en droit international.

La lecture de ces quatre critères permet de comprendre le faible nombre de poursuites

pénales comparativement aux mesures d’immigration. Quoi de plus onéreux qu’une

enquête impliquant des déplacements à l’étranger avec un risque de perte de preuves en

raison du temps écoulé ? L’existence d’un tel critère économique justifie le refus quasi

systématique de déclencher des poursuites. D’ailleurs, la possibilité de réussite d’un recours

est étroitement liée à la question des coûts des poursuites. Comme pour toute affaire, plus

des moyens sont mis à disposition des enquêteurs, plus l’enquête a des chances d’être

complète et d’aboutir à une condamnation si l’affaire est renvoyée devant un tribunal. La

recherche efficace de preuves peut également permettre de conclure à l’innocence de la

personne soupçonnée faute de charges suffisantes à son encontre. Dans ce cas, la justice

sera de la même manière rendue et la lutte contre l’impunité assurée. Dès lors, il semble

que les termes de « gain de cause » ne soient pas les plus opportuns. D’autant plus qu’en

2008, le critère était formulé de manière plus nuancée « possibilité de réussite d’un recours

donné »149. La réussite ne devrait pas être synonyme de condamnation mais d’un verdict en

cohérence avec les éléments de preuve rapportés. Une déclaration d’innocence ou

l’abandon de poursuites ne traduisent pas nécessairement l’échec de celles-ci si

l’insuffisance de preuves n’est pas le résultat d’une déficience de l’enquête.

Ces critères forment une sorte de cercle vicieux empêchant toute poursuite : pour que

des poursuites soient engagées, il doit exister une probabilité d’obtenir gain de cause. Or,

l’obtention d’une déclaration de culpabilité est subordonnée à l’octroi de tous les moyens

nécessaires aux enquêteurs pour procéder au recueil de preuves, ce qui a un coût élevé. Il

est donc impossible que ces deux exigences soient simultanément respectées. De la même

manière, la professeure Lafontaine remarque que le critère des ressources disponibles est

Fannie Lafontaine, Prosecuting Genocide, Crimes Against Humanity and War Crimes in Canadian Courts, Toronto, Carswell, 2012 à la p 71 [Lafontaine]. 149 Évaluation sommative, supra note 49 à la p 3.

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inconciliable avec celui des obligations du Canada en vertu du droit international150 puisque

les ressources actuellement à la disposition des autorités canadiennes sont insuffisantes

pour que ce pays respecte ses obligations internationales.

Les critères énoncés ne sont donc pas adaptés à la criminalité dont est chargée le

Programme sur les crimes de guerre, ou, à tout le moins, à la lutte contre l’impunité

laquelle passe par l’exercice de poursuites pénales et ne peut se contenter de mesures

d’immigration.

Cette première énumération doit être combinée à une seconde liste spécialement

consacrée à la décision d’intenter des poursuites. Cette dernière se contente de deux

critères151 :

1. L’existence d’une perspective raisonnable de condamnation 2. L’intérêt public

Dans sa volonté ne de pas laisser le procureur seul face à cette importante décision, le

Guide du SPPC détaille même ce qu’il faut comprendre par ces deux critères. Ainsi, les

facteurs à prendre en compte concernant l’existence d’une perspective raisonnable de

condamnation sont les suivants : « la disponibilité, la compétence et la crédibilité des

témoins et l’impression qu’ils auront sur le juge des faits, ainsi que l’admissibilité des

éléments de preuves à charge »152. Ce n’est que si l’ensemble de ces facteurs est respecté

que le procureur doit ensuite se poser la question de l’intérêt public.

Relayer la question de l’intérêt public au second rang dans la décision d’intenter des

poursuites peut paraître étonnant 153 . D’autant plus lorsque l’on sait que l’une des

attributions principales du procureur général est qu’il a la charge des intérêts de la

Couronne154, donc de l’intérêt public. D’ailleurs, le professeur Nsereko considère que

l’intérêt public doit être le principal critère guidant la décision du procureur : « [p]ublic

interest, more than anything else, is the most important consideration that the prosecutor

150 Lafontaine, supra note 148 à la p 75. 151 Guide du SPPC, supra note 129 à la section 2.3 à la p 3. 152 Ibid section 2.3 à la p 4. 153 L’intérêt national était également au dernier rang des critères justifiant l’inscription d’un affaire dans le répertoire de la GRC et du ministère de la Justice : supra à la p 18. 154 Loi sur le ministère de la Justice, LRC 1985, c J-2, para 5(d).

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must take into account in deciding whether to prosecute or not to prosecute. It is also the

most reliable compass whereby the prosecutor makes the decision »155.

Quoiqu’il en soit, le Guide du SPPC156 détaille en six points ce qu’il faut prendre en

compte dans l’intérêt public, précision étant faite que cette liste est non exhaustive : la

nature de l’infraction reprochée, la nature du dommage causé par l’infraction ou ses

conséquences, la situation et l’attitude de la victime, le degré de culpabilité et la situation

de l’accusé, la nécessité de protéger les sources d’information et la confiance dans

l’administration de la justice. L’étude de ces facteurs à la lumière du génocide, des crimes

contre l’humanité et des crimes de guerre laisse à penser que le critère de l’intérêt public

devrait toujours être rempli dans ce type d’affaires. Pourtant, c’est justement celui qui est

utilisé pour empêcher l’automaticité des poursuites criminelles157.

Bien que non inscrits dans la loi, l’accumulation de ces critères montre que le Canada

cherche véritablement à contrôler le pouvoir d’opportunité des poursuites de son procureur

en limitant son pouvoir discrétionnaire et en l’adaptant aux crimes internationaux. Or,

l’étude de l’ensemble de ces critères fait également ressortir leur inadéquation avec le type

de contentieux objet de cette étude.

La France guide également le ministère public, détenteur du pouvoir de l’opportunité

des poursuites. Toutefois, elle le fait de manière beaucoup moins stricte, le procureur

devant se contenter des conditions énoncées dans la loi puisqu’aucun guide similaire à celui

du SPPC n’a été rédigé en France.

II. Le souple encadrement français de l’opportunité des poursuites

Le système de l'opportunité peut donc paraître meilleur au moins à condition que les

critères d'appréciation soient précis. Car le risque qu'il présente est que les décisions du

ministère public puissent être inspirées soit d'un favoritisme personnel, étranger à l'intérêt

155 Nsereko, supra note 145 à la p 130. 156 Guide du SPPC, supra note 146 à la section 2.3 aux pp 6-8. 157 Lafontaine, supra note 148 à la p 73.

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collectif, soit, pire encore dans un système où le ministère public est hiérarchiquement

subordonné au pouvoir politique, à des considérations de clientélisme politique158.

Nous allons voir que le droit français n'est pas le plus à même de répondre aux

inquiétudes de la professeure Rassat. En effet, ce n'est pas par l'édiction de critères précis

que le législateur a choisi de palier le danger de subordination du ministère public, mais

plutôt par une loi encadrant le principe hiérarchique.

La table alphabétique du Code de procédure pénale français renvoie à l'article 40

lorsque l'on recherche la notion d' « opportunité des poursuites ». En effet, cet article issu

d'une loi de 1985159 énonce simplement : « Le procureur de la République reçoit les

plaintes et les dénonciations et apprécie la suite à leur donner »160.

L'article suivant nous indique tout de même que pour que le procureur de la

République dispose de ce pouvoir d'opportunité il faut que161 :

- Les faits portés à sa connaissance constituent une infraction ; - L'identité et le domicile de l'auteur de l'infraction sont connus ; - Aucune disposition légale ne fait obstacle à la mise en mouvement de l'action

publique162.

À part ces indications, aucun critère n'est donné par ce Code pour guider le procureur

qui a désormais le choix entre trois options : la poursuite, le classement sans suite ou la

mise en œuvre d'une procédure alternative aux poursuites. Notons qu'en raison de la

particularité du contentieux étudié, le procureur a plutôt deux options puisqu'il est difficile

158 Michèle-Laure Rassat, Procédure pénale, 2e ed, Paris, Ellipses, 2013 à la p 379 [Rassat, Procédure pénale]. 159 Loi n°85-1407 du 30 décembre 1985 portant diverses dispositions de procédure pénale et de droit pénal, JO, 31 décembre 1985, 15505. 160 Pour Éric Mathias, il n'existe aucune consécration législative du principe de l'opportunité des poursuites, laquelle serait seulement la conséquence de la diversification de la pratique du classement sans suite, ce qui a obligé le ministère public à apprécier l'opportunité des poursuites. Il considère que l'article 40 alinéa 1 consacre seulement le principe du classement sans suite : Eric Mathias, Les procureurs du droit. De l’impartialité du ministère public en France et en Allemagne, Paris, CNRS Editions, 1999, à la p 70. Dans le même sens : voir Rassat, Procédure pénale, supra note 148 à la p 379. Au contraire, des auteurs tels que Jean Pradel sont partisans d'une consécration législative du principe de l'opportunité des poursuites : Jean Pradel, « Opportunité ou légalité des poursuites ? Aperçus sur quelques législations d’Europe » (1991) RPDP 9, à la p 15. 161 Art 40-1 C proc pén. 162 Cela renvoie aux hypothèses d'abrogation de la loi pénale, d'amnistie, ou encore d'écoulement d'un délai de prescription.

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d'envisager une alternative aux poursuites pour de tels crimes internationaux. En outre, la

majorité des affaires sont des crimes, l'information judiciaire – ou instruction préparatoire

– est donc obligatoire ; le procureur s'il décide de poursuivre devra alors saisir un juge

d'instruction par un réquisitoire introductif. Notons tout de même qu'en droit français, il

existe des délits de guerre, or en matière délictuelle, l'ouverture d'une information judiciaire

n'est pas obligatoire163. Les professeurs Guinchard et Buisson nous expliquent alors que

« le législateur laisse au procureur de la République la faculté de n'engager la poursuite que

pour certains dossiers de la procédure qu'il détermine en fonction de paramètres qui,

normalement tirés de la politique criminelle qu'il a la charge d'appliquer, ont été fixés

spontanément ou sur instructions du garde des Sceaux »164.

Sur la question du rôle du ministre de la Justice dans l'engagement des poursuites, et à

la lumière du statut du ministère public, il convient de préciser que des évolutions récentes

ont eu lieu. En effet, la loi du 25 juillet 2013165 a eu pour finalité d'empêcher toute

ingérence du garde des Sceaux dans le déroulement des procédures pénales. L'article 30 du

Code de procédure pénale dispose désormais :

Le ministre de la justice conduit la politique pénale déterminée par le Gouvernement. Il veille à la cohérence de son application sur le territoire de la République. A cette fin, il adresse aux magistrats du ministère public des instructions générales. Il ne peut leur adresser aucune instruction dans des affaires individuelles. Chaque année, il publie un rapport sur l'application de la politique pénale déterminée par le Gouvernement, précisant les conditions de mise en œuvre de cette politique et des instructions générales adressées en application du deuxième alinéa. Ce rapport est transmis au Parlement. Il peut donner lieu à un débat à l'Assemblée nationale et au Sénat.

Dès lors, avec cette impossibilité de donner des instructions dans des affaires

individuelles, il semble que dans son pouvoir d'opportunité des poursuites et donc dans sa

décision de poursuivre un génocide, des crimes contre l'humanité ou des crimes de guerre,

le procureur français dispose d'une totale indépendance face au pouvoir exécutif, et ce,

163 Art 79 C proc pén. 164 Serge Guichard et Jacques Buisson, Procédure pénale, 10e ed, Paris, Lexis Nexis, 2014 à la p 858 [Guichard et Buisson]. 165 Loi n° 2013-669 du 25 juillet 2013 relative aux attributions du garde des sceaux et des magistrats du ministère public en matière de politique pénale et de mise en œuvre de l'action publique, JO 26 juillet 2013, 12441.

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contrairement à son homologue canadien puisque le procureur général est ministre de la

justice166. Cette affirmation doit toutefois être relativisée par le principe hiérarchique qui

place le procureur de la République sous l'autorité du procureur général, lequel reçoit des

instructions générales du ministre de la Justice.

Existe-t-il en France des critères guidant le ministère public dans sa décision

d'engager des poursuites pour ces « cores crimes » ? Où trouver de telles indications ?

Contrairement au Canada, et malgré l'existence d'un rapport sur l'application de la politique

pénale exigé depuis la loi de 2013, ce dernier n'est pas public167. Lors de l'examen du projet

de loi, le Sénat a supprimé le principe, pourtant adopté par l'Assemblée nationale, de la

publicité de ce rapport. La Commission des lois avait adopté l'amendement CL1 qui

préconisait une telle publicité, celle-ci pouvant être encadrée « dès lors qu'elle portera

atteinte à la sûreté de l'Etat, à la sécurité publique ou au déroulement des procédures

engagées devant les juridictions ou des investigations préliminaires à de telles procédures ».

Toutefois, l'article 30 du Code de procédure pénale n'a pas été modifié en ce sens.

En France, c’est donc moins l’établissement de critères guidant à proprement parler

l’opportunité des poursuites que la mise en œuvre de la compétence universelle pour les

crimes relevant du Statut de Rome168 qui empêche au procureur d’avoir un large choix à sa

disposition. Toutefois, comme nous le verrons dans la section suivante, cela est tout de

même limité par le fait que les victimes ne peuvent déposer de plainte avec constitution de

partie civile auprès du juge d'instruction, chose qui en temps normal permet de contrôler

l'opportunité des poursuites du ministère public.

Le choix de confier un pouvoir discrétionnaire au procureur dans l'engagement des

poursuites a également été pris par des pays européens tels que l'Angleterre, le Pays de

Galles, la Belgique, les Pays-Bas, la Norvège, le Danemark et l'Allemagne – avec appel

166 Voir infra à la p 49. 167 Assemblée nationale, Rapport n°1230 de M. Jean-Yves LE BOUILLONNEC fait au nom au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République sur le projet de loi (n° 1227), modifié par le Sénat, relatif aux attributions du garde des Sceaux et des magistrats du ministère public en matière de politique pénale et de mise en œuvre de l’action publique (9 juillet 2013). 168 Voir les quatre « verrous » : supra à la p 28.

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possible devant une juridiction, de la décision de refus en Angleterre Pays de Galles, et au

Pays-Bas et avec un recours administratif en Allemagne, en Norvège et au Danemark169.

Notons que le pouvoir discrétionnaire du procureur devant les juridictions

internationales est beaucoup plus limité que devant les juridictions nationales170. De la

même manière, à la CPI, le pouvoir du procureur est plus limité que devant les juridictions

ad hoc171. Dans tous les cas, l’important est que ce pouvoir discrétionnaire d’opportunité

des poursuites soit exercé de manière indépendante, ce qui est d'autant plus nécessaire que

le Canada et la France ont fait le choix d'accorder au procureur un monopole de la poursuite

des génocides, crimes contre l'humanité et crimes de guerre.

169 Sénat, Rapport n°326 de M. Patrice Gélard fait au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de la législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale sur le projet de loi portant adaptation du droit pénal à l'institution de la Cour pénale internationale (14 mai 2008) à la p 61. 170 Nsereko, supra note 145 à la p 135. 171 Ibid à la p 138.

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Chapitre 2. Le consensus en faveur de l'attribution du monopole des

poursuites

Que l'on parle du système de droit pénal français ou du système de droit pénal

canadien, l'attribution du monopole des poursuites au procureur n'est pas une chose

naturelle. En effet, au Canada, les poursuites sont normalement confiées aux procureurs

généraux provinciaux. C'est le cas pour toutes les infractions contenues dans le Code

criminel en vertu de son article 2. Ce n'est que de manière subsidiaire que le procureur

général fédéral est compétent, et ce, pour les infractions fédérales non prévues dans ce

code, telles que la LCHCG. En France, il n’existe pas une telle distinction, le procureur de

la République est compétent dès lors que les critères de sa compétence sont remplis.

Toutefois, normalement un contrepoids existe pour contrôler son pouvoir d'opportunité des

poursuites : la plainte avec constitution de partie civile directement devant le juge

d'instruction. Ce droit, traditionnellement reconnu aux victimes en droit français, leur a été

retiré en matière de génocide, crimes contre l'humanité et crimes de guerre. Dans le même

sens, contrairement au droit commun, un simple citoyen ne peut se porter dénonciateur

devant le juge de paix en vertu de la LCHCG au Canada. On voit donc que dans ces deux

pays, le monopole des poursuites confié au procureur lui confère un véritable pouvoir

exorbitant (Section 1) qui entraîne l'éviction des victimes dans l'engagement des poursuites

(Section 2).

Section 1. Un pouvoir exorbitant confié au procureur

Cette compétence exclusive confiée au procureur en France et au Canada n'est pas

anodine. Au contraire, elle démontre la réelle volonté des législateurs internes d'empêcher

toute immixtion de parties privées dans la décision d'engager des poursuites en matière de

grands crimes internationaux. Comme nous le verrons, ce choix a été justifié des deux côtés

par diverses raisons, parfois critiquables, d'autant plus que le régime n'est pas le même pour

d'autres crimes internationaux tels que la torture (I). Il reste qu'un consensus existe en

faveur de cette attribution exorbitante dont on peut se demander si elle peut être tempérée

par les garanties inhérentes au statut du procureur (II).

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I. Une attribution du monopole des poursuites assumée et justifiée

Pour arriver à cette fin, le Canada a choisi de soumettre la décision de poursuivre au

consentement personnel et écrit de son procureur général (A), tandis que la France a précisé

que de telles poursuites ne peuvent être exercées « qu'à la requête du ministère public »

(B).

A. La poursuite subordonnée au consentement personnel et écrit du procureur

général du Canada

L'article 9(3) de la LCHCG subordonne le déclenchement des poursuites « au

consentement personnel et écrit du procureur général du Canada ou du sous-procureur

général du Canada et sont menées par le procureur général du Canada ou en son nom ». Il

convient de préciser que le procureur général du Canada est également le ministre de la

justice et donc un membre du pouvoir exécutif. Tandis que le sous-procureur général du

Canada est un membre du pouvoir judiciaire puisqu'il est le directeur des poursuites

pénales, comme l'indique l'article 3(4) de la Loi sur le directeur des poursuites pénales172.

Or, le directeur des poursuites pénales travaille « sous l'autorité et pour le compte du

procureur général », on peut donc se questionner sur l'indépendance de cet acteur face au

pouvoir exécutif - question que l'on abordera par la suite.

Le législateur canadien a donc fait le choix de confier au pouvoir fédéral, et non pas

provincial, la poursuite des « core crimes ». Cette compétence exclusive peut être mise en

parallèle avec la compétence du Pôle spécialisé français au sein du TGI de Paris. En effet,

bien que ce soit une compétence concurrente aux juridictions territorialement compétentes

dans le reste de la France, il y existe une volonté affichée de confier ce type de contentieux

à des magistrats spécialisés. De la même manière, au Canada, cette spécialisation semble

plus garantie par les autorités fédérales que par les autorités provinciales. La différence

étant qu'au Canada, on est face à une compétence exclusive alors qu'elle n'est que

concurrente en France.

172 Loi sur le directeur des poursuites pénales, LC 2006, c 9.

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La professeure Lafontaine a mis en lumière diverses justifications à l’attribution d’un

tel monopole au niveau fédéral : « expertise concerning the core crimes

has indeed developed at the federal level, for historical reasons and because of the fact that

implementation of international treaties is, at least in the case of the Rome Statute, done

through federal legislation »173. Ces raisons sont tout à fait pertinentes et permettent une

homogénéisation de la réponse apportée à ce type d'affaires sur l'ensemble du Canada en ne

prenant pas en compte le lieu de résidence du présumé criminel international. D’ailleurs,

l’article 9(1) de la LCHCG précise que des poursuites peuvent être engagées dans toute

circonscription territoriale au Canada.

En plus des critères justifiant l'attribution des poursuites au niveau fédéral, il existe

des critères justifiant véritablement le monopole des poursuites entre les mains du

procureur général du Canada. En effet, traditionnellement, dans cet État où domine la

procédure de common law, aucun droit n'est véritablement confié à la victime d'une

infraction, celle-ci ne pouvant avoir le statut de partie au procès pénal. Toutefois, l'article

504 du Code criminel prévoit que quiconque – la victime étant donc comprise – peut

dénoncer un acte criminel devant le juge de paix, ce qui peut déclencher des poursuites. Or,

cette possibilité n'existe pas en matière de crimes internationaux. La professeure Lafontaine

a, là aussi, détaillé les justifications d'une telle impossibilité dont les deux principales sont

la volonté de limiter le droit des citoyens d'invoquer une procédure criminelle dans ces

affaires et la seconde pour permettre que des considérations de politique étrangère soient

appréciées au niveau politique174. En effet, le ministre des Affaires étrangères pourra alors

intervenir dans la décision d'intenter des poursuites en faisant valoir certains

arguments175.

Ce choix législatif entrainant un contrôle renforcé sur le plan politique semble être

issu de la mauvaise expérience d'autres pays. Les exemples des détériorations des relations

diplomatiques de la Belgique ou de l'Espagne du fait de l’exercice de leur compétence

173 Lafontaine, supra note 148 à la p 62. 174 Ibid à la p 64. 175 Le fait que le ministère des Affaires étrangères soit associé à une telle décision n'est en soi pas condamnable. D'ailleurs, l'Évaluation sommative tout comme le rapport de HWR recommandent que les unités spécialisées travaillent en lien avec ce ministère : Évaluation sommative, supra note 49 à la p 25 ; Haskell, supra note 95 à la p 11. Reste à savoir quel est le poids de ses arguments dans la décision du procureur général d'intenter des poursuites.

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universelle in abstentia176 – qui a facilité l’ouverture de poursuites gênantes au niveau

diplomatique initiées par des parties civiles – ainsi que la modification subséquente de leur

droit en la matière sont autant de raisons justifiant un contrôle politique des poursuites.

Comme nous le verrons par la suite, la question qui se pose face à un tel monopole

des poursuites dont la justification assumée est l'exercice d'un contrôle politique, est celle

du statut du procureur général et des garanties qu'il présente afin de lutter effectivement

contre l'impunité.

Pour des raisons peut-être moins assumées, la France a également fait le choix

d'exclure les parties privées et donc la victime dans le déclenchement des poursuites en

confiant celui-ci à la requête du ministère public.

B. La poursuite subordonnée à la requête exclusive du ministère public en

France

Malgré les critiques de certains parlementaires lors de l'adoption de l'article 7 bis du

projet de loi portant adaptation du droit pénal français à l'institution de la CPI qui

considéraient que le monopole des poursuites accordé au ministère public était « contraire à

la tradition pénale française » et constituait « une atteinte aux droits des victimes et une

violation du principe d'égalité des citoyens devant la loi »177, celui-ci a été adopté.

En effet, l'article 689-11 du Code de procédure pénale subordonne la poursuite du

génocide, des crimes contre l'humanité et des crimes de guerre à la requête du ministère

public. Cela équivaut au consentement personnel et écrit canadien puisque sa décision de

poursuivre et donc de saisir un juge d'instruction – on imagine mal en raison de la

complexité des affaires que pour les délits de guerre, le ministère public ne saisisse pas ce

juge – se fait par le biais d'un réquisitoire introductif ou d'un réquisitoire à fin d'informer,

176 On parle de compétence universelle in abstentia lorsque les juridictions d'un pays peuvent être compétentes alors même que l'auteur ne se trouve pas sur leur territoire. Pour une critique de l’existence même de ce concept en droit pénal international : voir Roger O’Keefe, « Universal Jurisdiction : Clarifying the Basic Concept » (2004) 2:3 J Intl Crim J 735. 177 Assemblée Nationale, Rapport n°2517 de M. Thierry Mariani fait au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de la législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale sur le projet de loi portant adaptation du droit pénal à l'institution de la Cour pénale internationale (19 mai 2010) à la p 86 [Rapport Mariani].

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lequel doit porter le nom et la signature du procureur de la République qui l'a délivré afin

de vérifier sa compétence 178 . Ce monopole confié au ministère public est assez

exceptionnel en droit positif français, qui a de longue date179 consacré le droit des victimes

de se constituer parties civiles par voie d'action180.

Quelles sont les raisons ayant ainsi permis une « atteinte » à ce droit pourtant reconnu

aux victimes en France ? Deux raisons principales ont motivé ce choix : le risque

d'instrumentalisation politique des plaintes et le risque d'engorgement des tribunaux181. Les

avocats Bectarte et Baudouin182 critiquent ces justifications en expliquant que seulement

deux procès d'assises ont eu lieu sur le fondement de l'article 689-2 en matière de torture183.

Il convient d'ailleurs de remarquer qu'un risque d'instrumentalisation existe bel et bien mais

est issu de cette disposition même. En effet, la torture est une infraction sous-jacente du

crime contre l'humanité184, les victimes de tels actes voyant que la poursuite n'est pas

engagée sous la qualification – symboliquement plus importante – de crime contre

l'humanité peuvent ainsi se constituer parties civiles par voie d'action par l'intermédiaire de

l'article 689-2185. Notons que comme cela a été le cas au Canada, les expériences belges et

espagnoles ont été abordées au Parlement et ont contribué à renforcer la volonté de ce

monopole des poursuites.

L'analyse comparative du monopole des poursuites est relativement intéressante du

point de vue des justifications de celui-ci. Alors que les autorités canadiennes semblent

178 Rassat, Procédure pénale, supra note 158 à la p 389. 179 Cass crim, 8 décembre 1906, (1906) D.1907.1.207 (Laurent-Atthalin). 180 La constitution de partie civile par voie d'action désigne la plainte avec constitution de partie civile directement entre les mains d'un juge d'instruction. 181 Rapport Mariani, supra note 177 aux pp 86-87. 182 Clémence Bectarte et Patrick Baudouin, « La proposition de Loi Sueur : vers une mise en conformité du droit français avec les obligations de la France en termes de lutte contre l’impunité des crimes les plus graves » (2013) 5 AJ Pénal 248 à la p 257 [Bectarte et Baudouin]. 183 Affaires Ould Dah et Ben Saïd, supra note 113. 184 Art 212-2 6° C pén. 185 Un rapport sénatorial indique que les magistrats du Pôle crimes contre l’humanité ont fait part de cette pratique. Le juge d'instruction saisi de la sorte doit alors se prononcer sur la qualification des faits en tant qu'actes de tortures et de barbarie. Or, la majorité des dossiers n'aboutissent pas, les éléments constitutifs de l'infraction n'étant pas réunis. Cette pratique pose donc problème dans un souci de bonne administration de la justice : Sénat, Rapport n° 353 de M. Alain Anziani fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d’administration générale sur la proposition de loi de M. Jean-Pierre SUEUR et plusieurs de ses collègues tendant à modifier l’article 689-11 du code de procédure pénale relatif à la compétence territoriale du juge français concernant les infractions visées par le statut de la Cour pénale internationale (13 février 2013), à la p 29 [Rapport Anziani].

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décomplexées à dire que les relations internationales justifient un contrôle politique des

poursuites, les autorités françaises assument beaucoup moins une telle justification qui

transparait pourtant en filigrane des différents textes applicables.

Les professeures Bellivier et Eudes, dans un souci de consensus, considèrent à propos

du monopole des poursuites : « [q]uant au troisième verrou, si d'un côté, il est peu curieux

de supposer que des victimes de crimes internationaux puissent intenter des actions

farfelues ou purement vindicatives, un filtre d'un parquet totalement indépendant ne parait

pas absurde »186. En effet, que ce soit en France ou au Canada, le pendant de ce monopole

des poursuites devrait être l'existence de garanties en la personne du procureur, en

particulier d'une garantie d'indépendance.

II. Les garanties inhérentes au statut du procureur comme tempérament au

monopole des poursuites

Le plan stratégique 2016-2018 du Bureau du Procureur de la CPI énonce que

« l'objectif stratégique premier de ce Bureau est de mener des examens préliminaires, des

enquêtes et des poursuites de haute qualité en toute impartialité et en toute

indépendance »187.

Cet objectif est en cohérence avec l'article 42 du Statut de Rome qui énumère les

qualités dont doit disposer le procureur de la CPI, les paragraphes pertinents énonçant :

1. Le Bureau du Procureur agit indépendamment en tant qu'organe distinct au sein de la Cour […]. Ses membres ne sollicitent ni n'acceptent d'instructions d'aucune source extérieure. 3. Le Procureur et les procureurs adjoints doivent jouir d'une haute considération morale et avoir de solides compétences et une grande expérience pratique […] 7. Ni le Procureur, ni les procureurs adjoints ne peuvent participer au règlement d'une affaire dans laquelle leur impartialité pourrait être raisonnablement mise en doute pour un motif quelconque.

186 Bellivier et Eudes, supra note 114 à la p 29. 187 Cour pénale internationale, Bureau du Procureur, « Plan stratégique 2016-2018 » (6 juillet 2015), en ligne: <https://www.icc-cpi.int/iccdocs/otp/Plan-strategique-2016-2018.pdf> à la p 18.

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De la même manière, les statuts du TPIY et du TPIR reprennent de telles qualités en

omettant l'impartialité188, valeur que le statut des Chambres extraordinaires au sein des

tribunaux cambodgiens (ci-après CETC) prévoit de son côté189. Sur le plan de la justice

pénale internationale, les qualités requises de celui qui initie et exerce la poursuite font

donc consensus. En est-il de même en France et au Canada ?

Les différents textes canadiens ne sont pas explicites quant à la qualité

d'indépendance de cet acteur de la poursuite. La LCHCG à l'article 12(2)a) fait référence de

manière implicite à l'indépendance et l'impartialité du tribunal dans le cas d'un jugement

rendu à l'étranger. Dans le même sens, la Charte canadienne des droits et libertés prévoit à

l'article 11(d) que tout inculpé à droit à un tribunal indépendant et impartial. Enfin, le

procureur général du Canada ayant le statut d'avocat, et non de magistrat, le code de

déontologie des avocats lui est applicable, lequel prévoit un devoir d'indépendance190.

Toutefois, comme nous l'avons précédemment évoqué, le procureur général du Canada est

également ministre de la Justice. À ce titre, il existe une « absence d'indépendance

structurelle des pouvoirs de poursuites vis-à-vis du pouvoir politique »191. D'ailleurs, les

autorités canadiennes ne se cachent pas de prendre en considération des questions de

relations diplomatiques dans leur décision d'engager ou non des poursuites.

En France, le statut du ministère public – et donc du procureur de la République –

fait débat depuis de nombreuses années, la question étant de savoir s’il est une autorité

judiciaire, statut garantissant son indépendance et son impartialité 192 . Cette crainte

188 Statut du TPIY, supra note 144 aux art 16§2 et 16§4 ; Statut du TPIY, ibid aux art 15§2 et 15§4. 189 Loi relative a la création de chambres extraordinaires au sein des tribunaux du Cambodge pour la poursuite des crimes commis durant la période du Kampuchéa démocratique, 27 octobre 2004, NS/RKM/1004/006 à l’art 19 al 1 et 2. 190 Voir par exemple : Barreau du Québec, Code de déontologie des avocats, c B-1, r 3.1, préambule. 191 François Lacasse, « L'historique du rôle du procureur général et du solliciteur général du Canada en droit pénal » (1994) 2 RSC 287, à la p 293. 192 En matière d'arrestation et de détention, le statut du ministère public a été débattu tant au niveau européen qu'au niveau national. Dans les affaires Medvedyev et Moulin c. France, la Cour européenne des droits de l’Homme a considéré que les membres du parquet n'étaient pas des magistrats indépendants et impartiaux au sens de l'article 5§3 de la Convention européenne des droits de l’Homme : CEDH, 29 mars 2010, req. n°3394/03, Medvedyev c. France ; CEDH, 23 novembre 2010, France Moulin c. France. La chambre criminelle de la Cour de cassation a également estimé que le parquet n'était pas une autorité judiciaire au sens de l'article 5§3 ne présentant pas les garanties d'indépendance et d'impartialité requises par ce texte : Cass. crim., 15 décembre 2010, n° 10-83.674. Au contraire, le Conseil constitutionnel dans une décision de 2010 a affirmé que l'autorité judiciaire comprend à la fois les magistrats du siège et du parquet : Cons. const., 30 juillet 2010, (2010), n° 2010-14/22 QPC.

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d'absence d'indépendance du procureur de la République est exacerbée en matière de

poursuite de crimes internationaux en raison des incidences politiques et diplomatiques du

déclenchement des poursuites. Or, sans atténuer ces inquiétudes, le monopole des

poursuites attribué au ministère public ne fait que les confirmer. En effet, confier le

monopole des poursuites à une autorité subordonnée à l'exécutif revient à faire un véritable

contrôle politique du déclenchement des poursuites en matière de génocide, crimes contre

l'humanité et crimes de guerre.

Afin de répondre aux critiques quant au statut du parquet, la loi n°2013-669 du 25

juillet 2013 a apporté quelques modifications au Code de procédure pénale français.

Désormais, l'article 31 prévoit expressément que le ministère public est tenu au principe

d'impartialité. Dans le même sens, l'article précédent interdit au ministre de la Justice de

transmettre des instructions dans des affaires individuelles. Appliquer ces dispositions à la

question qui nous intéresse permettrait de conclure que le pouvoir exécutif ne peut pas

pousser, ou au contraire empêcher, un procureur de la République à engager des poursuites.

C'est d'ailleurs la position qui a été adoptée par le rapporteur de la Commission des lois

concernant justement l'article 689-11. Il considère en effet que ces dispositions – qui

n'avaient pas encore été adoptées à l'époque du rapport – « devraient permettre

d'appréhender de façon différente le rôle du ministère public »193. La limite à cela étant le

principe hiérarchique précédemment évoqué qui subordonne le procureur général au

pouvoir du ministère de la Justice.

L'on remarque donc que le Canada et la France ont offert le monopole des poursuites

à des acteurs dont l'indépendance face à l'exécutif n'est pas garantie. Cela entraîne un

regrettable contrôle politique de l'ouverture des poursuites en matière de crimes

internationaux, la pérennité des relations diplomatiques primant la lutte contre l'impunité.

Des évolutions doivent être engagées à ce niveau. D'une part, afin que ces deux États

respectent le préambule du Statut de Rome « [r]appelant qu'il est du devoir de chaque Etat

de soumettre à sa juridiction criminelle les responsables des crimes internationaux ».

D'autre part, pour que les garanties offertes par le procureur de la CPI soient les mêmes que

celles des procureurs nationaux. De telles disparités ne permettent pas une homogénéisation

193 Rapport Anziani, supra note 185 aux pp 33-34.

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de la répression et entraînent des inégalités entre auteurs et victimes de crimes

internationaux selon qu'ils sont poursuivis par des juridictions nationales ou des juridictions

internationales. L'une des évolutions envisageables serait l'admission d'un droit des

victimes d'initier les poursuites, droit qui pour le moment leur est refusé en France comme

au Canada.

Section 2. L’éviction des victimes dans l’engagement des poursuites

L'adaptation du droit pénal français et du droit pénal canadien à la poursuite du

génocide, des crimes contre l'humanité et des crimes de guerre a entrainé une modification

du rôle du procureur par rapport au droit commun. En effet, en France comme au Canada,

que ce soit pour les infractions de droit commun ou des crimes internationaux tels que la

torture194, le rôle du poursuivant est le même : il dispose de l'opportunité des poursuites

sans les monopoliser puisque des parties privées peuvent les initier. C'est surtout en France

que le rôle de la victime en la matière peut surprendre, et ce, en raison de sa tradition

juridique qui autorise de longue date la plainte avec constitution de partie civile devant un

juge d'instruction. C'est donc en prenant pour exemple ce pays que nous allons voir

l'ampleur de l'éviction des victimes de crimes internationaux (I), alors même que la justice

pénale internationale leur reconnaît, petit à petit, un statut, notamment grâce au modèle des

systèmes civilistes (II).

I. Un statut spécial non conforme à la tradition juridique française

Le rapport de la Commission des lois sur le projet de loi portant adaptation du droit

pénal français à l'institution de la CPI rapporte les propos d'un député qui résume le

paradoxe de la place des victimes de génocide, crimes contre l'humanité et crimes de guerre

en France195 :

194 Au Canada, en matière de torture, bien que les victimes puissent initier les poursuites, celles-ci devront prendre fin si l’auteur n’a pas la nationalité canadienne, sauf si le procureur général du Canada y donne son consentement. Ainsi, en présence d’un auteur étranger, le procureur garde une certaine forme de monopole des poursuites : art 7(7) C cr. 195 Rapport Mariani, supra note 177 à la p 37.

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En troisième lieu, le texte adopté par le Sénat confie le monopole des poursuites au ministère public et empêche les victimes de déclencher l’action publique en se constituant parties civiles, ce qui constitue une rupture radicale avec la tradition française. Cela paraît d’autant plus incohérent que la France s’est battue avec succès, lors des négociations du Statut de Rome, pour qu’il reconnaisse aux victimes une place et un rôle dans la procédure devant la CPI. Il serait choquant et contraire au principe constitutionnel d’égalité des citoyens devant la loi que le droit de déclencher une poursuite pénale par plainte avec constitution de partie civile, ouvert pour le moindre délit de droit commun, soit retiré aux seules victimes des crimes les plus graves – alors que, de surcroît, les seuls procès pénaux d’importance engagés à l’encontre d’auteurs présumés de crimes internationaux l’ont été, en France, sur plainte avec constitution de partie civile.

Traditionnellement, en droit français, les victimes peuvent être des parties à part

entière dans les poursuites pénales, et ce, par voie d'intervention ou par voie d'action. C'est-

à-dire qu’elles ont le droit de se joindre à des poursuites initiées par le ministère public afin

d'obtenir le statut de parties civiles, de la même manière qu'elles peuvent elles-mêmes

palier l'inertie du procureur de la République en se constituant parties civiles directement

devant le juge d'instruction par une plainte196 ou bien par une citation directe devant le

tribunal correctionnel – pour les délits uniquement. Preuve de l'importance du rôle de la

victime, ce droit lui est offert par l'article 1er du Code de procédure pénale.

Il est donc difficilement concevable que les victimes des crimes les plus graves ne

puissent avoir ce droit d'initiative des poursuites. D'autant plus qu'un tel droit leur est

accordé lorsque le fondement des poursuites est l'article 689-2 du Code de procédure

pénale – la torture – ou encore les lois de 1995 et 1996197 concernant les faits commis en

ex-Yougoslavie et au Rwanda. Ainsi, les victimes de génocide, crimes contre l’humanité et

crimes de guerre commis durant les périodes relevant de la compétence des juridictions

françaises en vertu de ces lois peuvent engager l’action publique. Une telle incohérence est

difficilement explicable voire même légalement contestable selon certains auteurs.

196 Article 85 C proc pén. Toutefois, depuis une loi du 5 mars 2007, une telle plainte avec constitution de partie civile n'est recevable que si une plainte préalable à été déposée devant le procureur de la République et que celui-ci a soit classé sans suite, soit a laissé s'écouler un délai de trois mois : Loi n° 2007-291 du 5 mars 2007 tendant à renforcer l'équilibre de la procédure pénale, JO, 6 mars 2007, 4208 à l’art 7. Notons que pour limiter les plaintes avec constitution de partie civile abusive, d'autres conditions ont été élaborées telle que l'exigence d'une consignation. 197 Loi TPIY et Loi TPIR, supra note 21.

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Premièrement, il convient de remarquer que cette question est pleinement d'actualité

en France puisqu'une proposition de loi visant à supprimer, entre autres, le monopole des

poursuites a été déposée au Sénat le 6 septembre 2012 par le sénateur Jean-Pierre Sueur. À

cet effet, l'article unique de cette proposition a notamment pour objet de modifier l'article

689-11 en permettant la poursuite des crimes relevant du Statut de Rome dans les

conditions prévues à l'article 689-1 du Code de procédure pénale198.

Cette modification permettrait aux victimes de mettre en mouvement l'action

publique de même qu'aux associations relevant de l'article 2-4 du même Code 199 .

Cependant, un amendement adopté par le Sénat a rétabli le monopole des poursuites du

ministère public en se fondant sur les raisons précédemment évoquées – risque

d'instrumentalisation politique des plaintes ainsi que les précédents belges et espagnols. Il

est tout de même intéressant de noter que le rapport sénatorial fait également part des

remarques des représentants du ministère des Affaires étrangères qui souhaite « préserver la

France des effets pervers de telles plaintes sur les relations internationales (organisation

d'une conférence de la Paix à Paris, …) »200. À l'heure actuelle, ce texte ainsi amendé, et

adopté de manière unanime par le Sénat201, est en attente de traitement par l'Assemblée

nationale et ce depuis le 26 février 2013.

Cette situation constitue, pour certains auteurs, une « discrimination

flagrante »202 entre victimes de droit commun et victimes de génocide, crimes contre

l'humanité et crimes de guerre. En plus d'une telle rupture d'égalité, ce monopole entraîne

une atteinte au droit d'accès au juge ainsi qu'au droit d'un recours effectif203. Il semble donc

198 L’article 689-1 C proc pén est rédigé comme suit : « En application des conventions internationales visées aux articles suivants, peut être poursuivie et jugée par les juridictions françaises, si elle se trouve en France, toute personne qui s'est rendue coupable hors du territoire de la République de l'une des infractions énumérées par ces articles. Les dispositions du présent article sont applicables à la tentative de ces infractions, chaque fois que celle-ci est punissable ». 199 Cet article permet à toute association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans et qui combat les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre d'exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité. 200 Rapport Anziani, supra note 185 à la p 33. 201 Coalition Française pour la Cour pénale internationale, « Entrevue avec Jean-Pierre SUEUR, Président de la Commission des lois au Sénat, Sénateur du Loiret » (3 mai 2013), en ligne: <cfcpi.com/spip.php?article735>. 202 Bectarte et Baudouin, supra note 182. 203 Coalition Française pour la Cour pénale internationale, « Proposition de Loi Sueur : Réaction de la CFCPI sur l’amendement du rapporteur » (12 février 2013), en ligne: <cfcpi.com/spip.php?article718>.

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que l'éviction des victimes est contraire à certains principes fondamentaux. Selon la

Coalition française pour la CPI, différents organes de l'ONU ont, depuis 2005, appelé le

législateur français à ne pas réserver la compétence exclusive des poursuites au parquet204.

En outre, l'absence de droit des victimes en la matière pourrait être déclaré contraire à

la Convention européenne des droits de l'homme en cas de saisine de la Cour de Strasbourg.

En effet, le professeur Damien Roets estime que le monopole des poursuites viole l'article

6§1205 en ce qu'il empêche les victimes de crimes relevant de la CPI d'accéder au juge pénal

français. Il va même plus loin en affirmant que ce monopole viole l'article 2§1206 – qui

protège le droit à la vie – du fait de l'absence de législation concrète dissuadant les atteintes

contre la personne, obligation positive notamment applicable aux crimes contre

l'humanité207.

Actuellement, les victimes ont uniquement le droit, qui leur est reconnu par les

articles 40-2 et 40-3 du Code de procédure pénale, d'être informées par le procureur de la

République de sa décision de classement sans suite et de pouvoir former un recours auprès

du procureur général, ce dernier pouvant enjoindre au premier d'engager des poursuites.

Au Canada la victime peut dénoncer les actes dont elle a été victime devant un juge

de paix208 et bénéficier du statut de témoin. La LCHCG confirme ce rôle subsidiaire des

victimes en lui enlevant même le pouvoir de saisir un juge de paix puisque l'exclusivité des

poursuites est confiée au procureur général du Canada. Notons que le Guide du SPPC

204 Ibid. 205 L'article 6§1 est rédigé ainsi : « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Le jugement doit être rendu publiquement, mais l’accès de la salle d’audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l’intérêt de la moralité, de l’ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l’exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice ». 206 L’article 2§1 énonce : « Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi. La mort ne peut être infligée à quiconque intentionnellement, sauf en exécution d’une sentence capitale prononcée par un tribunal au cas où le délit est puni de cette peine par la loi ». 207 Damien Roets, « L’article 689-11, al. 2, du Code de procédure pénale : Le monopole du ministère public à l’épreuve de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales » (25 février 2015), Institut des Hautes Études Internationales, en ligne: <ihej.org/wpcontent/uploads/2015/03/Monopole_ministere_public_Damien_Roets_fevrier_2015.pdf> 208 Art 504 C cr.

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conseille au Procureur de donner les raisons justifiant sa décision de ne pas poursuivre aux

victimes qui peuvent se sentir lésées209, mais cela ne constitue pas une obligation pour

eux.

On remarque donc que le législateur français, sur la question de la place de la victime

dans la poursuite, s'est rapproché du système de common law en lui retirant tout rôle actif.

Ce choix est d'autant plus paradoxal qu'on assiste actuellement à un détachement de la

justice pénale internationale du modèle accusatoire pour se tourner vers les influences du

système romano-germanique, notamment concernant la victime.

II. Un statut spécial inadapté aux réalités de la justice pénale internationale

L'éviction des victimes dans les droits français et canadien est regrettable à plusieurs

titres. En effet, l'expérience française a montré que ce sont elles, majoritairement par

l'intermédiaire d'associations, qui ont déclenché la majorité des poursuites dont le Pôle

spécialisé est saisi. D'autre part, sans pour autant leur reconnaître le statut de « parties

civiles », la CPI permet aux victimes de jouer un véritable rôle au cours des poursuites.

Tout d'abord, et en raison des incidences politico-diplomatiques de la décision

d'engager des poursuites, il appert qu'en France, ce sont les associations de victimes qui ont

permis l'ouverture de poursuites en matière de crimes internationaux. Cela concerne

principalement les dossiers concernant le génocide rwandais. En effet, en vertu de la loi n°

95-1 de coopération avec le TPIR, le monopole des poursuites n'est pas attribué au

procureur. Les victimes et associations peuvent déclencher l'action publique en application

des articles 1er et 2-4 du Code de procédure pénale. Ce sont ainsi vingt-huit plaintes qui

ont été déposées par le Collectif des parties civiles pour le Rwanda (ci-après CPCR) depuis

le 12 juillet 1995 jusqu'au 1er juin 2015210. D'ailleurs, à l'ouverture du Pôle spécialisé, le

juge d'instruction avait trente-trois dossiers sur son bureau dont vingt-huit concernaient

uniquement le Rwanda. Ce qui fait dire à l'avocat des parties civiles, Simon Foreman, que

209 Guide du SPPC, supra note 146 à la p 10. 210 Collectif des parties civiles pour le Rwanda, « Tableau des plaintes du CPCR » (non daté, consulté le 28 juin 2016), en ligne: <http://www.collectifpartiescivilesrwanda.fr/tableau-des-plaintes-du-cpcr/>.

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« [s]i des organisations telles que le CPCR, Survie ou la FIDH n'avaient pas déposé ces 28

plaintes, il est à peu près certain que le juge Choquet et ses collègues n'auraient trouvé à

instruire que les 5 dossiers non-rwandais, voire que le pôle n'aurait jamais été créé »211.

D'autant plus qu'après l'ouverture de telles procédures, rien n'assure que la poursuite se fera

rapidement. En effet, la France a été condamnée par la Cour européenne des droits de

l'homme en 2004 pour violation de l’article 6 garantissant le droit à un procès dans un délai

raisonnable et de l’article 13 proclamant le droit à un recours effectif en raison de la lenteur

de la justice qui n'avait toujours pas examiné une plainte neuf années après son dépôt212.

L'on voit donc que l'attribution d'un rôle actif aux victimes pour engager et suivre

l'action publique est primordiale. Les trois condamnations ayant été prononcées à l'heure

actuelle en France concernaient toutes le génocide rwandais et ont toutes pour origine une

plainte du CPCR213. D'autres procédures dont le Pôle est actuellement saisi ont pour origine

des plaintes d'association dans le cadre de l'article 689-2 relatif à la torture214.

Face à des actes commis dans des pays en guerre, à l'appareil judiciaire instable voire

inexistant, il est nécessaire que des relais soient pris au niveau des juridictions nationales.

Or, l'expérience française démontre que ce sont les victimes et les associations qui

permettent l'effectivité d'un tel relais grâce à leur rôle dans l'ouverture des poursuites.

La justice pénale internationale a donc besoin de ces acteurs et leur reconnaît un rôle

de plus en plus actif. En effet, les premières juridictions pénales internationales qu'étaient le

TMI de Nuremberg et le TMI de Tokyo ne reconnaissaient aucun rôle aux victimes dans la

211 Simon Foreman, « Partie civile dans un procès de génocide : retour d’expérience d’un avocat » (2014) 4 Les Cahiers de la Justice 575 à la p 583. 212 Mutimura c France, n°46621/99, [2004] CEDH [Mutimura]. 213 Affaires Simbikangwa, Ngenzi et Barahira. 214 En 2001, une plainte avec constitution de partie civile déposée par FIDH, la Ligue des droits de l'homme et l'Observatoire congolais des droits de l'Homme a permis l'ouverture de poursuites contre un général congolais suspecté d'avoir commis des actes de torture et des crimes contre l'humanité en 1999 à Brazzaville. FIDH et la Ligue des droits de l'homme ont porté plainte en 2003, ce qui a entrainé l'ouverture de poursuites contre deux frères suspectés d'avoir joué un rôle dans des actes de tortures et de disparitions forcées au cours de la guerre civile en Algérie dans les années 1990. Une plainte avec constitution de partie civile déposée en 2011 par FIDH et la Ligue des droits de l'homme a permis l'ouverture de poursuites pour torture contre une entreprise française ayant vendu du matériel de surveillance au régime libyen sous Kadhafi. En 2012, ce sont ces mêmes associations qui ont déclenché des poursuites contre une entreprise française suspectée d'avoir aidé à la commission d'actes de torture en vendant du matériel de surveillance à Bachar al-Assad : TRIAL, ECCHR, FIDH, « Universal jurisdiction annual review 2015 » (14 avril 2015), en ligne: <https://www.fidh.org/IMG/pdf/trial-ecchr-fidh_uj_annual_review_2014-2.pdf>.

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procédure, celles-ci n’avaient aucun statut particulier et ne pouvaient pas obtenir

réparation 215 . Conçus sur le modèle anglo-saxon, comme les juridictions les ayant

précédées, le TPIY, le TPIR et le Tribunal spécial pour la Sierra Leone n'accordaient à la

victime qu'un rôle de témoin, leur représentation étant confiée au procureur, ce qui a fait

l'objet de critiques du fait que les intérêts du procureur et de la victime ne sont pas les

mêmes216.

Le véritable tournant pour la reconnaissance des victimes s’est produit avec le Statut

de Rome. En effet, les ONG ainsi que des États de droit continental, comme la Colombie ou

la France, ont permis la reconnaissance d'une véritable participation des victimes dans la

procédure de la CPI217 . Cette avancée a d'ailleurs inspiré les statuts des tribunaux

postérieurs. C'est ainsi que les CETC en 2001 et le Tribunal spécial pour le Liban en 2006

ont également reconnu un rôle des victimes dans la procédure218. Sans entrer dans le détail

des droits accordés aux victimes devant ces juridictions pénales internationales, on peut

noter qu'elles ont la possibilité de soumettre des observations à la Cour concernant sa

compétence ou la recevabilité d'une affaire219, elles peuvent exprimer leurs vues et

préoccupations à différents stades de la procédure, notamment par l'intermédiaire de leurs

représentants légaux220. Elles n'ont donc pas le statut de « parties civiles ». L’avocate

Natacha Bracq, après avoir détaillé les évolutions envisageables du statut de victime devant

la CPI, conclue221 :

Toutefois, le contexte politique et économique actuel ne permet pas de créer un environnement favorable pour les discussions sur l’amélioration de la participation des victimes. La tendance est aujourd’hui plus tournée vers une restriction de leurs droits, comme c’est le cas avec la mise en place du système de représentation légale commune ou encore la réforme en cours de l’aide judiciaire.

215 Natasha Bracq, « Analyse comparée de la participation des victimes devant la Cour Pénale Internationale et devant les Juridictions pénales des pays de tradition romano-germanique » (2013) 4 La Revue des Droits de l’Homme, en ligne : <http://revdh.revues.org/316> à la p 1 [Bracq]. 216 Salvador Guerrero Palomares, « Common and Civil Law Traditions on Victims' Participation at the ICC » (2014) 4:2 Intl J Proc L 217 à la 230 [Guerrero Palomares]. 217 Bracq, supra note 215 à la p 2. 218 Guerrero Palomares, supra note 216 à la p 234. 219 Statut de Rome, supra note 25 à l’art 19§3. 220 Ibid, art 68§3. 221 Bracq, supra note 215 aux pp 24-25.

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À un niveau plus régional, l’UE préconise également une participation effective des

victimes de crimes internationaux dans les procédures nationales. Sans exiger des États

membres qu’ils permettent aux victimes de déclencher les poursuites en se constituant

parties civiles, une directive de 2012 requiert que les victimes puissent participer à la

procédure en bénéficiant de droits tels que la représentation, la protection, l’assistance

juridique et la réparation222. L’importance de l’octroi de droits appropriés aux victimes a

d’ailleurs été confirmée lors de la vingtième rencontre du Réseau génocide européen en mai

2016223.

222 CE, Directive 2012/29/UE du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2012 établissant des normes minimales concernant les droits, le soutien et la protection des victimes de la criminalité et remplaçant la décision-cadre 2001/220/JAI du Conseil, [2012] JOUE L 315/57. 223 Meeting of the European Network of Contact Points for investigation and prosecution of genocide, crimes against humanity and war crimes, Conclusions of the 20th meeting of the Genocide Network, La Haye, 24-25 mai 2016 [20th meeting of the Genocide Network].

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Conclusion du Titre 1

La comparaison des modalités du déclenchement des poursuites au Canada et en

France fait clairement ressortir l’existence d’un modèle commun entre les deux pays. En

effet, sans le justifier de la même manière, ces deux États ont accordé opportunité et

monopole des poursuites au procureur. Il apparaît que sur le modèle canadien, les critères

justifiant l’ouverture ou non des poursuites devraient être rendus publics, et ce dans un

souci de transparence de la justice dans la lutte contre l’impunité.

Ces deux États ont également écarté la victime dans son rôle de déclenchement des

poursuites. Toutefois, les développements de la justice pénale internationale mettent en

lumière les positions discutables du Canada et de la France quant aux victimes. On assiste,

en effet, à des mouvements opposés entre droit international et droit national. Alors que le

droit pénal international ne leur reconnaissait aucun droit, les victimes peuvent aujourd’hui

participer à la procédure. Au contraire, la France et le Canada privent les victimes de droits

dont elles disposent pour d’autres infractions. Certes, ces mouvements opposés entraînent

un traitement similaire des victimes, mais au vu de l’importance de celles-ci, et dans un

souci de cohérence par rapport aux autres crimes internationaux, il faudrait que ces deux

pays envisagent une évolution de leurs législations actuelles afin d'accorder plus de droits

aux victimes de génocide, crimes contre l'humanité et crimes de guerre. C'est la raison pour

laquelle des ONG, telles que REDRESS, militent en faveur de la prise en compte des

victimes comme stratégie de poursuite224.

En effet, la victime fait partie des acteurs qui, sans forcément pouvoir les déclencher,

ont un rôle dans la mise en œuvre des poursuites, notamment à titre de témoins et

permettent donc de faire avancer les investigations.

224 REDRESS, « A victim-centred prosecutorial strategy to respect victims’ rights and enhance prosecutions » (juillet 2014), en ligne: <http://www.redress.org/downloads/publications/A%20victim%20centred%20prosecutorial%20strategy.pdf>.

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Titre 2. La spécialisation dans l’exercice des poursuites

Le mouvement de spécialisation des poursuites a été dans le même sens en France et

au Canada en ce qui concerne les modalités particulières de déclenchement de celles-ci.

Cette affirmation doit être nuancée concernant la spécialisation qui a trait à l’exercice des

poursuites225, notamment aux investigations. En effet, les divergences entre common law et

tradition civiliste y sont plus visibles. Toutefois, quelque soit le système en vigueur, une

chose est sûre : la qualité des investigations est l’élément clé permettant la lutte contre

l’impunité. Dès lors, les membres de la Section des crimes de guerre de la GRC tout

comme ceux de l’OCLCHCG devront répondre aux exigences énoncées par une ONG226 :

Les agents de police judiciaire doivent posséder les compétences de base nécessaires pour mener des enquêtes fondées sur le renseignement ; préserver des scènes de crime ; recueillir, préserver et maintenir la chaîne de conservation des preuves documentaires, médico-légales ou autres preuves physiques ; et recueillir les témoignages de victimes, de criminels, d’initiés et de suspects. Les enquêteurs doivent disposer des outils appropriés pour enregistrer et gérer les preuves, et doivent comprendre et respecter les droits des suspects et des accusés. Cependant, comme nous l’avons évoqué plus haut, des compétences et des aptitudes supplémentaires sont nécessaires dans toutes les enquêtes sur des crimes internationaux, sauf pour les plus simples. La communauté internationale peut contribuer au développement de cette capacité d’enquête via des formations, des programmes de mentorats ou même le déploiement temporaire d’un personnel international.

Les acteurs menant la poursuite ne sont pas les mêmes et n’ont ni des rôles ni des

prérogatives identiques dans ces deux États, toutefois, l’élément clé faisant consensus en

France comme au Canada est la collaboration entre eux (Chapitre 1). En outre, en raison de

la particularité de ces crimes – commis souvent il y a de nombreuses années, dans des pays

territorialement éloignés – la coopération et l’entraide régionale et internationale sont

indispensables à la lutte contre l’impunité. À des degrés différents, le Canada et la France

s’inscrivent pleinement dans le mouvement en cours de spécialisation universelle des

poursuites (Chapitre 2).

225 Dans le cadre de ce mémoire, nous utiliserons la notion d’exercice des poursuites de manière large, c’est-à-dire comprenant notamment l’étape des investigations, qu’elles aient lieu avant ou après le déclenchement de l’action publique par le procureur. 226 Open Society Justice Initiative, « Crimes internationaux, justice locale. Manuel destiné aux responsables de l’élaboration des programmes de loi, aux bailleurs de fonds et aux organismes d’exécution » (2012), en ligne: <https://www.opensocietyfoundations.org/sites/default/files/crimes-internationaux-justice-locale-20120908.pdf> à la p 62.

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Chapitre 1. L’actuel consensus en faveur d’un dialogue entre les

acteurs

L’entraide répressive internationale est définie par Claude Lombois comme

« l’ensemble des moyens par lesquels un État prête le concours de sa force publique ou de

ses institutions judiciaires à l’instruction, au jugement ou à la répression d’une infraction

par un autre État »227. Une telle entraide est fondamentale dans l’enquête et la poursuite du

génocide, des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre. Le Canada et la France

l’ont bien compris, c’est la raison pour laquelle ces deux États ont organisé un dialogue

entre les acteurs internes à la procédure (Section 1), dialogue qui se doit d’être complété par

la mise en œuvre de partenariats permettant la collaboration avec des acteurs extérieurs au

cours des enquêtes (Section 2).

Section 1. L’organisation d’une collaboration entre acteurs internes

L’enquête est une étape fondamentale de la poursuite en matière de crimes

internationaux. En effet, c’est elle qui permettra de recueillir les preuves à charge comme à

décharge permettant ou non la reconnaissance de culpabilité d’un individu et donc que

justice soit rendue. Lorsque ce sont des juridictions nationales qui poursuivent des crimes

internationaux, les modalités de l’enquête sont nécessairement différentes qu’en matière de

poursuite d’infractions de droit commun. Dès lors, il est nécessaire que les acteurs des

investigations disposent de prérogatives suffisantes pour garantir la lutte contre l’impunité

grâce à la qualité de leurs enquêtes.

C’est bien sûr dans cette optique qu’ont été créés la Section des crimes de guerre au

sein de la GRC ainsi que l’OCLCHCG. C’est également dans cette optique que les moyens

d’une collaboration efficace ont été mis en place entre ces enquêteurs et d’autres acteurs de

la poursuite. Ainsi, le Programme sur les crimes de guerre canadien a organisé la

collaboration entre la GRC et le ministère de la Justice avant même que des poursuites

soient initiées, puis lorsque celles-ci sont engagées, se greffe à cette collaboration le SPPC

227 Claude Lombois, Droit pénal international, 2e ed, Paris, Dalloz, 1979, à la p 537 [Lombois].

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(I). De la même manière, en France, procureur de la République, juge d’instruction et

Office central doivent travailler en étroite collaboration au sein du TGI de Paris (II).

I. Les enquêtes au Canada : un système de common law face aux crimes

internationaux

Au Canada, c’est moins le poursuivant à proprement parler – le procureur général du

Canada – qui est spécialisé que les officiers de police dirigeant l’enquête. En effet, au sein

de la GRC existe une Section des crimes de guerre, c’est elle qui décide des enquêtes à

mener et de leur orientation. Dans le douzième – et actuellement dernier – rapport rendu

public sur l’activité du Programme, il est indiqué qu’au 31 mars 2011, cinquante-huit

dossiers de crimes de guerres contemporains et dix-neuf dossiers liés à la Seconde Guerre

mondiale étaient présents dans le répertoire de la GRC et du ministère de la Justice.

En tant que pays où prévaut le système accusatoire, traditionnellement, la GRC

exerce cette prérogative de direction d’enquête de manière autonome. En effet, ni le

pouvoir exécutif ni le Parlement ne peuvent lui enjoindre de mener des enquêtes ou de

porter des accusations228. Toutefois, la Loi sur la Gendarmerie Royale du Canada229

prévoit que les membres de la GRC sont sous l’autorité d’un commissaire, lui-même sous

la direction du ministre de la Sécurité Publique et de la Protection civile. En outre, comme

nous l’avons précédemment évoqué, le propre du Programme sur les crimes de guerre est

l’existence d’une collaboration entre les différents ministères. Ainsi, la Section des crimes

de guerre du ministère de la Justice assiste la GRC tout au long de l’enquête.

Cette assistance prend la forme d’un accompagnement des officiers de police lors de

leurs déplacements à l’étranger. Des analystes du ministère de la Justice analysent les

différents documents d’archives et rédigent un rapport à la GRC sur l’histoire, le contexte,

les personnes impliquées et les pistes d’enquêtes. Sur cette base, les officiers de police se

228 Guide du SPPC, supra note 149 à la section 2.7. C’est ce qu’a rappelé la Cour suprême dans le célèbre arrêt Regan : « les fonctions policières d’enquête et de dépôt des accusations doivent demeurer distinctes et indépendantes du rôle de poursuivant du ministère public », cette séparation étant nécessaire : R c Regan, [2002] 1 RCS 297 aux para 64, 66. 229 Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, LRC 1985, c R-10, art 5(1).

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rendent à l’étranger pour procéder à l’audition des témoins230. Il convient de préciser que le

législateur canadien n’a pas souhaité modifier les règles traditionnelles en matière de

procédure et de preuves231, aucun pouvoir spécial d’enquête n’a donc été confié aux

officiers de la GRC pour les aider dans les investigations de telles infractions. En effet,

l’article 10 de la LCHCG relatif aux « Poursuites et preuves » ne donne pas de précision

particulière quant aux techniques d’investigations à la disposition des enquêteurs. Cet

article se contente d’énoncer que les poursuites doivent être menées conformément aux

règles de preuve et de procédure en vigueur au moment du procès. Leur spécialisation est

donc davantage le fait de leur formation232 que des prérogatives dont ils disposent.

Ainsi des coûts sont engagés par les équipes d’enquête avant même que l’on sache si

le procureur général du Canada décidera de déclencher des poursuites. En effet, après qu’un

cas a été répertorié dans le répertoire de la GRC et du ministère de la Justice, c’est au

minimum 617 176 $ CAD qui seront dépensés au titre des frais de déplacement à l’étranger,

analyses des preuves et autres rapports juridiques233. Un tel montant peut surprendre

lorsque l’on sait que le critère économique est déterminant dans le choix d’engager des

poursuites234.

Au fur et à mesure du recueillement des preuves sur place, celles-ci sont transmises

aux avocats du ministère de la Justice qui procèdent à leur analyse, en relèvent les lacunes

et fournissent un avis juridique à la GRC quant à la décision de poursuivre ou non. C’est

ensuite que le procureur général du Canada et le SPPC prennent le relais, le procureur a la

prérogative de la mise en accusation et dirige la poursuite. À ce stade de la procédure, la

GRC tout comme les personnels de la Section crimes de guerre du ministère de la Justice

sont présents pour assister le poursuivant. En effet, comme pour toute enquête, « [l]es

membres de la GRC procèdent à des démarches d’enquête additionnelles, telles que

230 Sur les difficultés liées à l’audition des témoins, voir infra aux pp 89-92. 231 Joseph Rikhof, « Les Défis de L’instruction Nationale Des Crimes Internationaux : Canada », en ligne: <ictr-archive09.library.cornell.edu/FRENCH/international_cooperation/papers_presented/Les-Defis-de-L’instruction-Nationale-Des-Crimes-Internationaux.pdf> à la p 1. 232 Un manuel d’orientation est rédigé par la Section des crimes de guerre pour ses nouveaux membres. Un programme de cours fondamentaux à l’intention des enquêteurs des crimes de guerre a également été créé : Évaluation sommative, supra note 49 à la p 71. 233 Voir Évaluation sommative, ibid « Recours 4 : Poursuite » à la p 103. 234 Voir supra à la p 41.

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raisonnablement requises par les poursuivants afin qu’ils puissent présenter leur cause de

façon efficace et accomplir correctement leurs fonctions »235. Ainsi, les membres de la

GRC peuvent être sollicités pour procéder à des actes d’enquêtes supplémentaires sur le

terrain.

Caractéristique des systèmes de common law, au Canada, la charge de la preuve pèse

autant sur l’accusation que sur la défense. Or, il s’avère que cette répartition peut entraîner

des déséquilibres en matière de crimes internationaux. En raison de l’éloignement du lieu

des crimes, la preuve est beaucoup plus difficile à obtenir et les coûts de la défense non

négligeables. Une autre difficulté ressort de la contrainte économique également présente

du côté de l’accusation. Dans les deux affaires jugées au Canada, le procureur général a usé

de son droit, issu de l’article 577 du Code criminel, qui lui permet de passer outre l’enquête

préliminaire et de déposer un acte d’accusation directement devant une cour supérieure.

Dans cet État, l’enquête préliminaire a pour but de vérifier le bienfondé des allégations, de

faire connaître à l’accusé les charges qui pèsent contre lui ainsi que la teneur de la preuve

disponible à la Couronne. Toutefois, dans les deux procès ayant eu lieu sous la LCHCG –

les affaires Munyaneza et Mungwarere - aucune enquête préliminaire n’a été diligentée, et

ce, en raison des coûts que leur mise en œuvre aurait entrainé notamment par les

déplacements à l’étranger nécessaires à l’audition des témoins236. Or, l’absence d’une telle

enquête préliminaire ne permet pas à l’inculpé de mesurer le poids de l’accusation et lui

laisse moins de temps pour préparer sa défense237. En outre, l’équipe de défense ne

bénéficie pas de l’expertise des unités spécialisées dans les différents ministères canadiens.

Sans entrer dans les détails des difficultés de la défense en matière de génocide, crimes

contre l’humanité et crimes de guerre, il convient de préciser que le droit canadien prévoit

235 Canada, Service des poursuites pénales du Canada, Protocole d’entente entre la Gendarmerie royale du Canada et le service fédéral des poursuites, Ottawa, 2001 à l’alinéa 3.1.8. 236 Fannie Lafontaine et Fabrice Bousquet, « Les douze travaux de Me X : la défense d’un accusé avant procès sous la loi sur les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre » (2015) 19 Can Crim L Rev 295 au para 2(c) [Lafontaine et Bousquet]. 237 L’enquête dans l’affaire Munyaneza a débuté au moins avant octobre 2000, l’acte d’accusation date du 7 octobre 2005. Celle relative à l’affaire Mungwarere a débuté aux environs de février 2003 alors que l’acte d’accusation n’a été présenté que le 9 novembre 2009 : ibid. Des années d’intervalles séparent donc le début du recueil de preuves par l’accusation et l’information de l’accusé qu’une procédure est ouverte à son encontre.

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tout de même que l’accusation doit divulguer à la défense – sous certaines conditions – les

éléments à décharge qu’elle recueille238.

Le système à dominante inquisitoire français permet de pallier cette difficulté de la

recherche de la preuve par la défense en confiant au poursuivant la charge d’instruire à

charge et à décharge.

II. Les enquêtes en France : un système civiliste face aux crimes

internationaux

La conduite des enquêtes ne se fait pas de la même manière en France et au Canada.

En effet, les officiers de police français sont beaucoup moins autonomes que leurs

homologues canadiens. Outre le fait qu’ils sont sous la direction du ministère public239, ils

doivent informer sans délai le procureur de la République des crimes, délits ou

contraventions dont ils ont connaissance240. Au sein du Pôle spécialisé français, c’est donc

le procureur de la République qui va collaborer avec l’OCLCHCG au cours de l’enquête

préliminaire241. Une fois que le procureur a pris la décision d’engager des poursuites, une

information judiciaire est ouverte, les membres de l’Office central devront alors procéder

aux actes d’instruction émis par commissions rogatoires par le juge d’instruction242. Dès

lors, les enquêtes, qu’elles aient lieu avant ou après la décision d‘engager des poursuites, se

font sous l’autorité du pouvoir judiciaire. Les officiers de gendarmerie faisant partie du

ministère de l’Intérieur, Aurélia Devos remarque que cela peut poser problème, le ministère

238 Dans l’arrêt Stinchcombe, la Cour suprême a condamné le comportement du poursuivant qui n’avait pas divulgué à la défense des déclarations disculpatoires faites par un témoin lors de l’enquête policière. C’est à cette occasion que la Cour suprême a encadré les modalités de l’obligation de divulgation de la preuve qui incombe au ministère public. Celle-ci connaît peu d’exception : l’absence de pertinence, la preuve qui n’est pas en possession ou sous le contrôle du poursuivant et les renseignements faisant l’objet d’un privilège : R c Stinchcombe, [1991] 3 RCS 326. 239 Art 12 C proc pén. 240 Art 19 C proc pén. 241 En France, il existe deux types d’enquêtes avant que des poursuites soient décidées par le procureur de la République : l’enquête de flagrance régie par l’article 53 du Code de procédure pénale et l’enquête préliminaire régie par l’article 75. En matière de crimes internationaux, les infractions s’étant déroulées, la plupart du temps, de nombreuses années auparavant, ce sont des enquêtes préliminaires qui seront ouvertes. 242 Art 81 C proc pén.

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de l’Intérieur demeurant moins enclin à participer à l’effort collectif en matière de justice

pénale internationale243.

Quoiqu’il en soit, depuis 2013, l’OCLCHCG est « chargé sur le plan opérationnel,

d’animer et de coordonner, à l’échelon national, les investigations de police judiciaire

relatives aux infractions entrant dans son champ d’action »244. En 2015, l’Office était

composé de douze militaires de gendarmerie commandés par un colonel. Ils étaient chargés

de gérer dix-huit enquêtes préliminaires et trente-deux commissions rogatoires dont 70%

concernant le génocide rwandais245. Afin d’augmenter les capacités d’enquête de cet Office

et qu’il devienne un véritable pôle d’élite, il est souhaité que du personnel soit recruté au

sein de la police et du ministère des affaires étrangères, ainsi que des analystes et

interprètes246.

En France, contrairement au Canada, aucun déplacement à l’étranger des officiers de

police n’est généralement organisé avant que le procureur de la République ait décidé

d’engager des poursuites. Les enquêtes préliminaires durent environ moins d’une année et

se contentent de confirmer la présence ou la résidence du suspect sur le territoire français

ainsi qu’à vérifier les bases de données d’Interpol afin de déterminer si le suspect est

recherché pour des crimes dans un autre pays247. Dès lors, beaucoup moins de frais sont

engagés qu’au Canada avant la décision de déclenchement des poursuites.

Autre différence, bien que le législateur français n’ait pas régi le génocide, les crimes

contre l’humanité et les crimes de guerre dans une loi spéciale, le Code de procédure

pénale attribue aux enquêteurs des pouvoirs dérogatoires au droit commun comme

précédemment énoncé248, ce qui leur confère une véritable spécialisation opérationnelle.

243 Clara Bruhman et Shoshana Levy, « Retour colloque sur l’adaptation du droit pénal français à l’institution de la Cour Pénale Internationale. » (22 février 2016), Association Française pour la promotion de la compétence universelle (blogue), en ligne: <https://competence-universelle.org/2016/02/22/retour-colloque-sur-ladaptation-du-droit-penal-francais-%E2%80%A8a-linstitution-de-la-cour-penale-internationale/>. 244 Activité Office central, supra note 119 à la p 12. 245 Ibid. 246 Conférence AFHJ, allocution de Claude Choquet, supra note 131. 247 Haskell, supra note 95 à la p 77. 248 Voir supra aux pp 32-33.

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La tradition civiliste française a des répercussions sur la poursuite de ces « cores

crimes », en effet, ce sont des magistrats qui ont la charge de la preuve à charge et à

décharge. La défense n’a donc pas à se déplacer à l’étranger pour collecter des preuves,

même si cela ne lui est pas proscrit249. En outre, la défense a la possibilité de demander au

juge d’instruction l’exécution de tout acte nécessaire à la manifestation de la vérité250, le

magistrat devant rendre une ordonnance motivée en cas de refus. Bien que le système

continental semble plus adapté aux réalités de la justice pénale internationale en ce sens

qu’il permet qu’un dossier à charge et à décharge soit constitué sans que la défense n’ait à

engager de frais exorbitants, des critiques sont émises. En effet, l’avocate de Pascal

Simbikangwa et de Octavien Ngenzi considère qu’il y a des « défaillances dans la mise en

œuvre du procès équitable »251 en France notamment du fait que le parquet et le juge

d’instruction mèneraient leurs investigations en commun, partageant les dossiers dans une

base de données commune et interrogeant les témoins ensemble, en l’absence de la défense.

En effet, la particularité de cette unité spécialisée est véritablement la collaboration

accrue qui existe entre tous les acteurs de la procédure : juges d’instruction, procureurs,

officiers de police et assistants spécialisés. C’est un véritable travail d’équipe qui est mis en

place au sein de ce Pôle puisqu’a été adopté le principe d’une co-saisine systématique à

deux ou trois juges252. En outre, un dossier numérique partagé entre juges et assistants

spécialisés permet d’établir des connexions et d’éventuelles jonctions entre les affaires,

mais aussi253 :

d’échanger globalement sur les difficultés opérationnelles ou juridiques rencontrées ; d’évaluer périodiquement la charge de travail pesant sur chacun afin d’apporter un renfort utile sur un dossier priorisé au moment opportun ; de nous concerter sur l’agenda des opérations importantes (déplacements à l’étranger, vagues d’auditions) ; d’harmoniser les tâches confiées aux assistants spécialisés ; de confronter nos attentes et nos diagnostics vis-à-vis des services d’enquête ou des auxiliaires de justice (experts, interprètes, etc.)

249 Haskell, supra note 95 à la p 82. 250 Art 82-1 al 1 C proc pén : « Les parties peuvent, au cours de l'information, saisir le juge d'instruction d'une demande écrite et motivée tendant à ce qu'il soit procédé à leur audition ou à leur interrogatoire, à l'audition d'un témoin, à une confrontation ou à un transport sur les lieux, à ce qu'il soit ordonné la production par l'une d'entre elles d'une pièce utile à l'information, ou à ce qu'il soit procédé à tous autres actes qui leur paraissent nécessaires à la manifestation de la vérité [...] ». 251 Mathe, supra note 127 à la p 600. 252 Choquet, supra note 123 à la p 570. 253 Ibid.

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Comme nous l’avons vu dans le chapitre préliminaire, des assistants spécialisés –

pouvant être comparés aux analystes du ministère de la Justice canadien – appuient les

magistrats dans les différents dossiers.

Ainsi, bien qu’issus de traditions juridiques différentes – dont ils ont conservé le

modèle dans l’élaboration de cette justice spécialisée – en France comme au Canada, la

spécialisation passe par la mise en œuvre d’un dialogue renforcé entre les différents acteurs.

En effet, le travail d’équipe, l’échange et la mise en commun semblent être les outils

indispensables à l’efficacité des enquêtes et poursuites en la matière. D’ailleurs, ces deux

États ne se sont pas limités à l’organisation d’une collaboration entre les membres de ces

unités spécialisés, ils ont également fait le choix de l’organisation d’un dialogue avec divers

acteurs à l’international.

Section 2. L’organisation d’une collaboration avec des acteurs externes

Bien que l’adoption du Statut de Rome a véritablement favorisé le mouvement de

spécialisation des poursuites en France et au Canada, notamment à travers la spécialisation

de leurs acteurs et l’organisation d’une étroite collaboration entre eux, on ne peut pas dire

que ce soit la lettre de ce texte qui a permis l’organisation d’une coopération avec les

acteurs sur le terrain. En effet, le chapitre IX du Statut de Rome ne fait que prévoir une

collaboration verticale entre la CPI et les États parties254. Malgré cela, les réalités des

investigations et des poursuites en la matière ont obligé le Canada et la France à organiser

un dialogue avec les autorités locales (I) ainsi qu’avec des institutions internationales (II).

I. La difficile collaboration avec les autorités locales

Comme nous l’avons évoqué en introduction, l’un des défis de la justice pénale

internationale, lorsqu’elle est confiée aux juridictions nationales, est de respecter la

souveraineté de l’État où les faits ont été commis. Souveraineté qui fonde le classique

principe de la compétence territoriale. Mais souveraineté qui est limitée par le principe de

254 Dire Tladi, « Complementarity and cooperation in international criminal justice. Assessing initiatives to fill the impunity gap » (novembre 2014), ISS, en ligne: <https://www.issafrica.org/uploads/Paper277V2.pdf> à la p 5 [Tladi].

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complémentarité et la destruction de l’appareil judiciaire de l’État où de tels crimes

internationaux ont été commis. Ainsi, afin de respecter au mieux les intérêts de l’État

étranger, la France et le Canada ont choisi la voie du droit afin de coopérer au mieux avec

celui-ci (A). Toutefois, la pratique révèle la persistance de nombreux défis difficilement

résolubles par des accords internationaux (B).

A. La conclusion d’accords bilatéraux comme cadre juridique favorisant le

dialogue

Traditionnellement, l’extradition et l’entraide judiciaire en matière pénale sont

distinguées255, la première représentant la forme la plus primaire d’entraide tandis que

l’autre en est une forme plus élaborée.

Sans entrer dans les détails de la question de l’extradition, notons que cette forme de

coopération judiciaire « désigne la remise de toute personne qui est recherchée par l’État

requérant en vue de poursuites pénales consécutives à une infraction donnant lieu à

extradition ou pour purger la peine infligée pour une telle infraction »256. Cette forme de

collaboration peut être régie par un traité d’extradition257.

Pour diverses raisons258, un État peut refuser l’extradition, l’adage aut dedere aut

judicare – remettre ou poursuivre – est alors applicable, du moins si les crimes en cause

sont visés par un traité prévoyant une telle obligation, comme les crimes de guerre ou la

torture, par exemple259. En vertu de ce principe, l’État qui a refusé l’extradition devra juger

255 Claude Lombois dans son Titre II « L’entraide répressive internationale » traite dans un premier chapitre de « L’extradition » et dans un chapitre II « Les autres formes d’entraide répressives entre États » : Lombois, supra note 227 aux pp 535-655. 256 Office des Nations Unies contre la drogue et le crime, « Model Law on Extradition » (2004), en ligne: <http://www.unodc.org/tldb/pdf/Un_Model_Law_Extradition_Translation_FR.DOC>. 257 Pour un modèle de traité d’extradition, voir : Model Treaty on Extradition, Rés AG NU, Doc off AG NU, Doc NU A/RES/45/16 (1990), en ligne: <http://www.unodc.org/pdf/model_treaty_extradition.pdf>. 258 L’article 696-4 du Code de procédure pénale français énumère les causes de refus d’extradition, parmi lequel figure le principe de non extradition des nationaux. Contrairement à la France, le Canada accepte l’extradition de ses nationaux : Loi concernant l’extradition, modifiant la Loi sur la preuve au Canada, le Code criminel, la Loi sur l’immigration et la Loi sur l’entraide juridique en matière criminelle, et modifiant ou abrogeant d’autres lois en conséquence, LC 1999, c 18 à l’art 3(1) [Loi sur l’extradition]. 259 Les Conventions de Genève, supra note 14, dispositions pertinentes ; Convention contre la torture, supra note 112 à l’art 7 para 1.

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sur son territoire la personne en cause260. Bien qu’un tel adage ne puisse être appliqué aux

crimes contre l’humanité, au génocide et aux crimes de guerre commis dans un conflit non

international faute de convention en ce sens261, la France a poursuivi Pascal Simbikangwa

après avoir refusé son extradition vers le Rwanda au motif que les crimes pour lesquels il

était poursuivi n’y étaient pas incriminés en 1994262. Un tel refus d’extradition vers le

Rwanda est quasi-systématique en France263, chose qui peut notamment justifier le grand

nombre de poursuites pénales relatives à ce génocide. De la même manière, le Canada

refusait les demandes d’extradition formulées par les autorités rwandaises jusqu’à

récemment264. Ainsi, de manière générale, l’extradition n’est pas l’outil de coopération le

plus utilisé265, les États préférant les mécanismes d’entraide judiciaire internationale.

En effet, il est nécessaire d’organiser avec l’État souverain où les faits se sont commis

les investigations et les poursuites. Au minimum, cette coopération doit permettre

l’exécution de commissions rogatoires internationales par des agents de l’État requis. Au

mieux, cet État peut autoriser les officiers étrangers à venir sur son sol pour participer aux

investigations. Le Canada et la France ont tous deux fait le choix de régir cette intervention

par la conclusion d’accords266 bilatéraux ou multilatéraux. Notons que l’adoption du Statut

de Rome par le Canada a entraîné une modification de la Loi sur l’extradition267 et de la Loi

sur l’entraide judiciaire en matière pénale268. De la même manière, la France a adapté le

260 Voir Questions concernant l’obligation de poursuivre ou d’extrader (Belgique c Sénégal), [2012] CIJ Rec 422. Dans cette affaire, la Belgique reproche au Sénégal de ne pas avoir respecté son obligation de poursuivre ou d’extrader M. Hissène Habré. 261 Voir National Jurisdictions, supra note 16 aux pp 166-167. 262 Bruno Sturlèse, « Réflexions sur le premier procès d’assises français d’un officier rwandais pour génocide et crimes contre l’humanité » (2014) 4 Les Cahiers de La Justice 533 à la p 538. 263 Damien Roets, « L'extradition des personnes suspectées d'avoir participé au génocide des Tutsi du Rwanda » (2013) 38 D 2570. 264 National Jurisdictions, supra note 16 à la p 171. 265 Entre 2002 et 2014, le Canada a reçu 9 demandes d’extradition ; l’on ne connaît pas le nombre de demandes reçues par la France mais sur l’ensemble des membres du Réseau génocide européen, seulement 118 demandes ont été reçues au cours de cette période : Stratégie Réseau génocide européen, supra note 65 aux pp 31-32. 266 Pour les besoins du présent mémoire, nous utiliserons le terme « accord » de manière large, dans le même sens que celui qui lui est donné par l’article 2(1) de la Loi sur l’entraide juridique en matière pénale canadienne : traité, convention ou autre accord international. 267 Loi sur l’extradition, supra note 257. 268 Loi portant mise en œuvre des traités d’entraide juridique en matière criminelle et modifiant le code criminel, la Loi sur la responsabilité de l’État et la Loi sur l’immigration, LRC 1985, c 30 (4e supp) [Loi sur l’entraide juridique].

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Code de procédure pénale par la loi n°2002-268 de coopération avec la CPI269. Dès lors,

une certaine spécialisation de l’entraide juridique découle de ces adaptations. Celle-ci est

d’autant plus nécessaire que la mise en œuvre d’accords relatifs à la poursuite du génocide,

des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre peut s’avérer problématique, en

particulier du fait de l’intervention du pouvoir exécutif et donc d’un éventuel contrôle

politique. Sans entrer dans les détails des modalités de l’entraide juridique internationale en

France et au Canada, quelques indications sont nécessaires.

Au Canada, plusieurs possibilités permettent au poursuivant de demander l’aide d’un

État étranger. Il peut soit se baser sur un traité existant270, soit, en l’absence d’un tel traité,

émettre une demande d’entraide en s’appuyant sur la courtoisie internationale, enfin, une

demande d’entraide peut être ordonnée par un tribunal sans être fondée sur un traité 271.

Dans les trois cas, l’entraide est régie par la Loi sur l’entraide juridique en matière

pénale272 dont l’article 7(1) charge le ministre de la Justice de la mise en œuvre des

accords. En l’absence d’accord entre le Canada et un État tiers, c’est une entente

administrative qui peut être conclue par le ministre des Affaires étrangères, avec l’agrément

du ministre de la Justice. Dans tous les cas, les demandes émises par le SPPC doivent être

transmises au Service d’entraide internationale (ci-après SEI) dont la directrice, après

étude, devra les approuver au nom du ministre de la Justice. En matière d’entraide juridique

internationale, le législateur canadien semble avoir mis un point d’honneur à empêcher

toute interférence du politique, comme l’indique le site internet du ministère de la

Justice273.

269 Loi de coopération avec la CPI, supra note 92. 270 D’ailleurs, lorsqu’un cas répertorié dans le répertoire de la GRC et du ministère de la Justice est considéré comme de priorité élevée, la première chose qui est vérifiée est l’existence d’un protocole d’entente ou d’un accord entre le Canada et le pays où les investigations doivent être menées : Évaluation sommative, supra note 49 « Recours 4 : Poursuite » à la p 103. 271 Canada, Ministère de la Justice, « Le Service d’entraide internationale Guide » (7 juillet 2016), en ligne: <justice.gc.ca/fra/jp-cj/eej-emla/gs-db.html#sec3> [Guide du SEI]. 272 Loi sur l’entraide juridique, supra note 268. 273 Le Guide du SEI indiquant : « Le processus d'entraide juridique a trait directement aux enquêtes et aux poursuites relatives aux infractions criminelles puisqu'il vise un échange de renseignements et d'éléments de preuve. À cet égard, les responsabilités du ministre de la Justice s'apparentent étroitement aux fonctions de poursuivant du procureur général. Par conséquent, les principes qui exigent que le procureur général exerce ses fonctions d'une façon indépendante, impartiale et transparente, en l'absence de tout préjugé et de toute motivation politique, s'appliquent également aux responsabilités du ministre de la Justice dans le domaine de l'entraide juridique. Dans le traitement d'affaires particulières, aucune motivation ou interférence politiques,

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De la même manière, le Code de procédure pénale français prévoit l’intervention du

ministère de la Justice dans les demandes d’entraide internationale, puisque c’est lui qui est

chargé de les transmettre aux autorités étrangères. Dans le sens inverse, les demandes

d’entraide destinées aux autorités françaises doivent passer par la voie diplomatique274. En

France, il est toutefois prévu qu’en cas d’urgence les demandes d’entraide puissent être

transmises directement entre autorités judiciaires275. Dans cette hypothèse, un contrôle

politique n’est exercé par les autorités françaises que si la demande émane d’un État

étranger, puisqu’un avis doit alors être donné au gouvernement français par la voie

diplomatique.

Au Canada comme en France, la tendance est donc à l’octroi d’une plus grande

indépendance aux autorités judiciaires en limitant le contrôle du politique à la fois pour des

questions de rapidité, mais aussi de transparence. Toutefois, rien n’empêche l’État requis

d’exercer un contrôle politique afin d’accepter ou non la demande d’entraide judiciaire. En

outre, il ne faut pas oublier que l’un des critères favorisant l’exercice des poursuites est la

« perspective raisonnable de condamnation » 276 ou encore l’impact sur les relations

internationales277. Dès lors, ce contrôle a priori permet de s’assurer que l’État dans lequel

les investigations seront menées coopèrera pleinement sans incidence diplomatique.

D’ailleurs, les équipes de défense, en particulier au Canada, critiquent l’inégalité à

laquelle elles doivent faire face en raison du déséquilibre des pouvoirs entre elles et la

Couronne résultant des aléas de la coopération internationale278 :

réelles, apparentes ou simplement appréhendées, ne doivent biaiser le processus d'entraide. Bien que le ministre de la Justice rende compte au Parlement de la mise en œuvre générale de la Loi et des traités en matière d'entraide juridique et de l'application des politiques, en pratique, il ne participe pas personnellement à l'examen des demandes d'aide que reçoit ou que présente le Canada. L'examen des demandes est assuré par des fonctionnaires du SEI au nom du Ministre. » [nous soulignons] : Guide du SEI, supra note 271 au para 3.2.2. 274 Art 694 C proc pén. 275 Des auteurs espèrent qu’une telle transmission entre autorités judiciaires sera mise en place au Canada : Lafontaine et Bousquet, supra note 234 au para 3(a)(i). 276 Voir supra aux pp 41-42. 277 Voir supra à la p 58. 278 Lafontaine et Bousquet, supra note 234 au para 3(a)(i).

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Or, l'effectivité et l'efficacité de la coopération internationale dépendent des rapports entre les deux intervenants. À ce titre, la Couronne possède une position nettement privilégiée par rapport à la défense. Elle bénéficie de l'appui des ministères de la Justice et des Affaires étrangères du Canada, qui peuvent mener une diplomatie judiciaire sur le long terme, alors que la défense doit se reposer substantiellement sur ses propres ressources dans une affaire spécifique. (...) Cependant, la caractéristique des traités d'entraide judiciaire, ou simples ententes ponctuelles, est d'être au bénéfice des gouvernements et donc de l'autorité de poursuite, la défense étant laissée sur la touche en dépit du principe de l'égalité des armes. En effet, le gouvernement demandeur est libre de transmettre ou non les preuves reçues au titre de l'entraide judiciaire, même si elles sont à décharge pour l'accusé.

Selon le contenu de cet accord, le champ des investigations autorisées peut être plus

ou moins large : perquisitions, fouilles, saisies, auditions, interrogatoires, remise d’objets,

etc. Ces actes d’enquêtes seront réalisés soit uniquement par les officiers de l’État requis,

soit en collaboration avec la GRC ou l’OCLCHCG. Bien entendu, autoriser le déplacement

des magistrats et enquêteurs français ou canadiens favorisera la qualité des investigations,

notamment en raison de leur bonne connaissance du dossier qui leur permettra d’apprécier

de manière plus pertinente les résultats d’enquête279. De la même manière, de nombreux

dossiers ayant trait au même pays étant ouverts, de tels déplacements sont l’occasion de

créer des liens avec les équipes sur place, liens qui seront utiles à l’occasion de procédures

ultérieures280.

Toutefois, bien que la conclusion de tels accords favorise la confiance mutuelle, il se

peut que l’État requis entrave les enquêtes sur place, ce qui fait perdurer de nombreux défis

dans l’exercice des poursuites sur le sol d’un État étranger.

B. La persistance de défis concernant les investigations sur place

L’organisation d’un cadre juridique régissant les investigations sur le sol d’un État ne

permet pas de résoudre l’ensemble des difficultés pratiques liées au contexte dans lequel un

génocide, des crimes contre l’humanité ou des crimes de guerre ont eu lieu, c’est là que la

spécialisation des intervenants est déterminante pour la réussite des investigations et des

poursuites.

279 H.-D. Bosly et D. Vandermeersch, Génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre face à la justice. Les juridictions internationales et les tribunaux nationaux, 2e ed, Bruxelles, Bruylant, 2012 au para « Le contexte de l’entraide judiciaire ». 280 Ibid.

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D’une part, les officiers et magistrats qui se déplacent à l’étranger doivent pouvoir

appréhender le contexte culturel, historique et politique dans lequel les faits se sont

déroulés. Mais ils doivent également être au fait des enjeux plus actuels, locaux,

diplomatiques, voire commerciaux qui peuvent avoir un impact sur les investigations. L’un

des inconvénients majeurs des investigations concernant de tels faits est qu’il existe très

peu de preuves matérielles. De plus, des années s’étant écoulées depuis la commission des

faits, les lieux ont également pu changer281. Ce qui fait que, lorsqu’elles existent, la

majorité des preuves se trouve sous le contrôle des autorités du pays dans lequel les faits se

sont déroulés282. Il convient toutefois de préciser que pour les crimes internationaux

commis en ce moment même dans diverses régions du monde, les enquêteurs devront, au

contraire, faire face à une énorme quantité d’informations, notamment contenues dans les

divers médias et réseaux sociaux283. Dès lors, les unités spécialisées devront organiser la

gestion des ce matériel probatoire particulier.

Dans la majorité des poursuites ouvertes en France et au Canada, la preuve

testimoniale reste le principal matériel probatoire à la disposition des enquêteurs284. À ce

titre, lors du récent procès d’Octavien Ngenzi et de Tito Barahira, un enquêteur a exposé les

difficultés auxquelles son équipe a dû faire face, notamment en raison de la prédominance

de cette forme de preuve. En effet, les reconstitutions chronologiques et cartographiques

des faits ont été ardues à cause du temps écoulé, des perceptions et des habitudes de vie285.

Cela s’explique par le fait que les témoins ont déjà été interrogés de nombreuses fois – que

ce soit par les autorités locales, des TPI ou encore d’autres juridictions nationales

étrangères – il est donc difficile pour eux tout comme pour les enquêteurs de démêler le

281 Choquet, supra note 123 à la p 568. 282 Lafontaine et Bousquet, supra note 234 au para 3(a)(i). 283 L’on trouve des présumés criminels de guerre parmi les syriens réfugiés en Europe, comme beaucoup, ils publient des photos de leur arrivée dans leur pays d’accueil, ce qui permet de les identifier pour d’éventuelles poursuites. C’est notamment ce qu’il s’est passé en Suède : JusticeInfo.net, « La traque en Europe des criminels de guerre syriens », JusticeInfo.net (3 mai 2016), en ligne: <http://www.justiceinfo.net/fr/component/k2/27128-la-traque-en-europe-des-criminels-de-guerre-syriens.html>. 284 En 2015, trois déplacements au Rwanda, représentant 45 jours, ont été effectués par neuf enquêteurs de l’OCLCHCG. Ils ont permis de recueillir plus de 200 auditions de témoins : Activité Office central, supra note 119 à la p 13. 285 Élise Le Gall, « Direct procès O. Ngenzi et T. Barahira . S-2 : Semaine du 17 au 20 mai 2016 » (22 mai 2016), Association française pour la promotion de la compétence universelle (blogue), en ligne : <https://competence-universelle.org/2016/05/22/s-2-semaine-du-17-au-20-mai-2016/>.

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vrai du faux. Dans l’affaire Ngenzi et Barahira, les officiers de police ont donc essayé

d’interroger des témoins « neufs » qui n’avaient pas été contactés par les autorités

rwandaises.

En effet, l’expérience sur place a démontré que les autorités de l’État sur le sol duquel

les investigations ont lieu peuvent interférer dans les enquêtes. Bien qu’aucune preuve de

cela n’a été rapportée, en 2014, l’association HWR faisait état de possibles pressions sur les

témoins, de faux témoignages ou encore de documents falsifiés286. Deux ans plus tard, ces

inquiétudes perdurent car au cours du procès français précédemment évoqué, l’enquêteur

auditionné indiquait qu’il était difficile de dire qu’aucune pression n’avait été exercée par

les autorités rwandaises sur les officiers de police judiciaire français. Le Canada a

également fait face à de telles difficultés puisque la Cour supérieure de justice de l’Ontario

a acquitté Mungwarere en considérant qu’il y avait eu fabrication de preuves contre celui-

ci287.

L’existence de pressions exercées par les autorités d’un État peut faire craindre pour

la protection des témoins, notamment lorsqu’ils sont à décharge. Au Canada comme en

France, aucun programme de protection des témoins n’a été mis en place288, les autorités ne

peuvent donc garantir leur sécurité une fois qu’elles ont quitté le pays289. Des évolutions

sont donc nécessaires dans ces deux États, d’autant plus au vu de l’importance des

témoignages dans ce type de poursuites. À titre de comparaison, les Pays-Bas ont prévu une

protection à la fois formelle et pratique en promulguant une loi de protection des témoins et

en organisant une telle protection sur le terrain290.

La spécialisation des organes d’enquête et de poursuite permettra donc au fur et à

mesure des déplacements à l’étranger de palier certaines lacunes existantes et de se

prémunir au mieux contre une instrumentalisation de l’enquête par les autorités sur place. À

286 Haskell, supra note 95 aux pp 15-16. 287 R c Mungwarere, 2013 ONCS 4594 au para 1260. 288 Une récente loi du 3 juin 2016 a, sans créer de programme en tant que tel, renforcé la protection des témoins de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre en permettant le huis clos lors du jugement : Loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l'efficacité et les garanties de la procédure pénale, JO 4 juin 2016, art 21. 289 Voir pour la France : Haskell, supra note 95 à la p 84 ; pour le Canada : Lafontaine et Bousquet, supra note 234 au para 3(a)(iii). 290 Haskell, ibid à la p 48.

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81

ce titre, l’indépendance et la fiabilité de l’interprète sont tout aussi déterminantes que ses

compétences linguistiques. Il faut donc s’assurer qu’il n’a aucun parti-pris sur l’affaire.

La justice pénale internationale ne s’exerçant pas de manière isolée par l’État se

déclarant compétent, celui-ci peut compter sur le soutien d’autres institutions – TPI, États,

ONG – lors de l’exercice de ses poursuites.

II. L’essentiel relais des institutions internationales

Le propre des unités spécialisées canadienne et française est d’avoir développé un

large réseau de coopération avec divers interlocuteurs internationaux. L’idée étant, outre

l’efficacité supplémentaire des enquêtes, que cela empêche à tout criminel de trouver

refuge dans quelque endroit du globe291. Le Programme canadien sur les crimes de guerre

tout comme le Pôle spécialisé français ont donc conclu des partenariats avec des pays tiers,

des TPI, des organisations intergouvernementales ou encore des ONG qui ont une

connaissance particulière du terrain292.

Les grands crimes internationaux ont la caractéristique d’avoir fait de nombreuses

victimes, qui ont pu fuir le pays où les faits ont été commis pour se réfugier dans un État

tiers. De la même manière, ces crimes sont commis par divers auteurs qui peuvent être

répartis dans le monde entier. Dès lors, des poursuites pénales ont pu être ouvertes pour les

mêmes faits ou des faits similaires dans plusieurs pays. Il est donc nécessaire qu’une

coopération soit mise en œuvre entre les États qui exercent leur compétence en matière de

crimes internationaux afin qu’un échange d’informations puissent avoir lieu que ce soit sur

la localisation de témoins, le contexte ou encore pour bénéficier d’un appui logistique293.

Là encore, l’existence de bonnes relations diplomatiques avec l’État disposant de certaines

informations est indispensable pour que les organes de poursuites puissent accéder aux

291 Rapport 2008-2011, supra note 33 à la p 11. 292 Voir pour le Canada : Ministère de la Justice, « Crimes de guerre et crimes contre l’humanité » (7 janvier 2015), en ligne: <justice.gc.ca/fra/jp-cj/cdg-wc/part.html> ; pour la France : Ministère de la Justice, « Crimes contre l’humanité : la France mobilisée. « La création d’un pôle spécialisé s’inscrit dans un mouvement européen et international » » (5 mars 2013), en ligne: < http://www.justice.gouv.fr/organisation-de-la-justice-10031/crimes-contre-lhumanite-la-france-mobilisee-25168.html>. 293 Conférence AFHJ, allocution de Claude Choquet, supra note 131.

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preuves294 . La coopération avec les unités spécialisées d’autres États est également

primordiale pour favoriser la qualité des enquêtes dépassant les frontières nationales, et ce

par l’échange d’expériences, de connaissances et de pratiques295. À cet effet, un protocole

d’entente296 a été conclu en 2007 entre les unités spécialisées des États-Unis, de l’Australie,

du Royaume-Uni et du Canada afin de s’assister mutuellement dans la mise en œuvre de

divers actes d’enquêtes. En outre, le Réseau génocide européen a été créé dans cette optique

de coopération entre les États qui en sont membres297.

Outre la coopération avec d’autres États, les unités spécialisées ont développé des

partenariats privilégiés avec des TPI. D’une part, en ce qui concerne la collaboration avec

la CPI, celle-ci est rendue obligatoire par l’article 86 du Statut de Rome. Comme nous

l’avons précédemment évoqué, cet article organise une collaboration verticale entre un État

membre et la CPI. Cette collaboration est primordiale dans le cadre de l’exercice de sa

compétence par un État en vertu du principe de complémentarité. En effet, la CPI a pu

connaître des affaires similaires ou récolter des informations utiles aux enquêteurs. C’est

donc par l’intermédiaire des assistants spécialisés en France298 ou des ententes existantes

entre la Couronne et le bureau du procureur299, que les membres des unités spécialisées

recueillent des informations utiles aux investigations et aux poursuites.

L’exigence d’une collaboration entre les autorités nationales et le TPIY et le TPIR est

également inscrite dans les statuts respectifs de ces deux institutions300. Le type de

collaboration est d’ailleurs détaillé et comprend l’identification et la recherche des

personnes ; la réunion des témoignages et la production des preuves ; l’expédition des

documents ; l’arrestation ou la détention des personnes ; le transfert ou la traduction de

l’accusé devant le Tribunal. Cette collaboration est d’autant plus intéressante en ce qui

concerne le TPIR. En effet, les seuls procès ayant abouti en France et au Canada ont trait au

294 Encore une fois, un déséquilibre en résulte quant aux droits de l’accusé. La Couronne canadienne disposant d’un accès privilégié à divers documents détenus par des autorités étrangères par l’entremise du Programme sur les crimes de guerre : Lafontaine et Bousquet, supra note 234 au para 3(a)(ii). 295 Haskell, supra note 95 à la p 85. 296 Protocole d’entente intitulé Four Country Conference Memorandum of Understanding with Respect to Genocide, War Crimes ans Crimes Against Humanity : Rapport 2008-2011, supra note 33 à la p 12. 297 Voir infra aux pp 85-91. 298 Choquet, supra note 123 aux pp 570-571. 299 Lafontaine et Bousquet, supra note 234 au para 3(a)(ii). 300 Statut TPIR, supra note 144 à l’art 29 ; Statut TPIY, ibid à l’art 28.

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génocide rwandais, cette juridiction détient donc des informations dont la transmission est

primordiale pour les enquêtes. Toutefois, cette collaboration ne se fait pas dans un sens

unique. En effet, les autorités nationales peuvent également fournir des renseignements à

ces TPI, ainsi que des ressources301.

L’échange d’informations étant l’un des moyens les plus utilisés en matière de

coopération internationale en la matière, un acteur essentiel est à mentionner : Interpol.

Cette organisation intergouvernementale qui regroupe 190 pays membres a pour fonction

principale d’assurer la coopération entre les forces de police et les autorités judiciaires

nationales par la collecte, la mise en commun et la diffusion de renseignements302. En 2012,

Interpol a mis en place une base de données répertoriant des informations relatives aux

enquêtes passées et en cours sur des crimes internationaux à travers le monde, celle-ci

permet notamment de savoir quel pays a de l’expérience dans quel type d’infraction afin de

faciliter la coopération303. Preuve de l’importance des crimes de génocide, crimes contre

l’humanité et crimes de guerre, cette organisation est allée plus loin en 2014 en se dotant

d’une unité de lutte spécialisée appelée « Sous direction sur les crimes de guerre »304. Cette

unité est chargée de quatre activités : l’appui opérationnel par la mise en commun des

informations et la coordination des enquêtes ; la formation et le perfectionnement des

équipes d’enquêtes spécialisées ; l’établissement de partenariats permettant l’échange

d’expertise ; ainsi que la coordination des échanges d’informations entre les pays membres

et les partenaires internationaux pour permettre l’entraide judiciaire la plus large

possible305. Interpol participe également à l’entraide judiciaire internationale en organisant

de nombreuses conférences telles que la Réunion internationale d’experts sur le génocide,

301 Rapport 2008-2011, supra note 33 à la p 12. 302 Ophélie Thielen, « La coopération internationale dans le cadre d’Interpol » dans Hervé Ascencio, Emmanuel Decaux et Alain Pellet, Droit pénal international, 2e ed, Paris, Pedone, 2012, ch 81 à la p 1074. 303 Haskell, supra note 95 à la p 95. 304 Interpol, sous-direction crimes de guerre et génocide, Le soutien aux enquêtes et aux poursuites relatives au génocide, aux crimes de guerre et aux crimes contre l’humanité, (mars 2015), en ligne: <file:///Users/user/Downloads/WCG_projectsheet_2015-03_FR_LR%20(2).pdf>. Il convient de préciser que les articles 2 et 3 du Statut d’Interpol limitent sa compétence matérielle aux infractions de droit commun, sans caractère militaire, religieux ou racial. Toutefois, la résolution AGN/2004/RES/17 de l’Assemblée générale a consacré le principe de la compétence d’Interpol dans la coopération policière spécifique visant le génocide, les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre. 305 Ibid.

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les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre dont la troisième édition a été tenue

conjointement avec la GRC à Ottawa en 2007306.

En effet, au Canada comme en France les membres des unités spécialisées participent

activement à l’établissement d’un dialogue avec des acteurs internationaux par

l’organisation de diverses réunions. Alors que le Programme sur les crimes de guerre

canadien participe à des groupes de travail internationaux et autres conférences

internationales307, le Pôle spécialisé français a organisé en 2013 une première rencontre

regroupant magistrats suisses, belges et français308.

L’on voit donc que le Canada et la France orientent la spécialisation de leurs

poursuites de la même manière en concluant des partenariats à la fois à l’intérieur même de

leur pays qu’à l’international. L’organisation d’un tel dialogue, bien que indispensable, se

révèle insuffisant à certains égards. C’est la raison pour laquelle, des États ou des

organisations souhaitent aller encore plus loin dans la coopération, dans le but de permettre

une spécialisation régionale voire universelle des poursuites.

306 Évaluation sommative, supra note 49 à la p 35. 307 Ibid. 308 Choquet, supra note 123 à la p 571.

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Chapitre 2. Les perspectives d’avenir de la spécialisation des

poursuites

La spécialisation des poursuites étant un sujet actuel et relativement récent, il est en

constante évolution, les législations des États n’étant pas figées sur cette question. Dans

l’UE, le principal moteur d’évolution en la matière prend la forme du Réseau génocide

européen (Section 1). Comme nous le verrons, l’existence d’un tel modèle de spécialisation

régionale peut pousser à la création d’un modèle de spécialisation universelle des

poursuites, bien que divers obstacles se dressent contre celui-ci (Section 2).

Section 1. Le Réseau génocide européen comme modèle de spécialisation

régionale

La confiance réciproque, la parenté des systèmes répressifs sont, à l’évidence, les conditions nécessaires à une collaboration de ce genre, de même que la délimitation très stricte du domaine où elle a lieu. Quant à cette délimitation, elle peut résulter, soit de la spécificité des infractions, soit de la précision de la mission répressive assurée en commun. Ces divers éléments se combinent. Mais la proximité des États – dans l’espace comme dans la doctrine répressive – est le plus puissant moteur de ce partage des tâches. C’est pourquoi les réalisations européennes méritent une place à part309.

Déjà en 1979, Claude Lombois reconnaissait les avantages de l’Europe en tant que

système de lutte contre la criminalité transnationale. Trente-sept ans plus tard, la place de

l’UE dans la lutte contre l’impunité des génocidaires, criminels contre l’humanité et

criminels de guerre est indéniable, ce qui permet à la France d’y jouer un rôle à part entière

(I). L’avantage, énoncé par Lombois, de la proximité spatiale entre les États permet

d’envisager la création d’un réseau de coopération régional sur le continent américain qui

permettrait au Canada de faire perdurer son « rôle de chef de file mondial » (II).

309 Lombois, supra note 227 à la p 635.

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I. La France et le Réseau génocide européen

À l’image de la construction européenne souhaitée par Jean Monnet, la création du

Réseau génocide européen s’est faite par « petits pas » (I). Ce processus progressif a permis

de confier au Réseau un large panel de missions favorisant de manière concrète la lutte

contre l’impunité des grands crimes internationaux à l’échelle européenne comme

internationale (II).

A. La genèse du Réseau génocide européen

L’histoire de la construction européenne est un amoncellement d’outils de

coopération dans divers domaines dont celui de la justice pénale et la sécurité intérieure310.

Afin de coordonner au mieux les relations entre les autorités des différents États membres,

le Conseil de l’UE a créé le Réseau judiciaire européen (ci-après RJE) – également appelé

Réseau européen des points de contact – par l’action commune 98/427/JAI311. Comme son

nom l’indique, il encourage les États de l’UE à désigner des points de contact nationaux

ayant pour rôle de jouer les intermédiaires afin de faciliter la coopération judiciaire entre les

États membres.

Les divers développements de ce mémoire ont pu nous montrer les bienfaits de la

spécialisation des poursuites, le Conseil de l’UE l’a bien compris en organisant une

spécialisation du RJE. Cette spécialisation a eu pour prémisse l’adoption du Statut de Rome

par tous les États membres de l’UE qui était exigée par la position commune

2001/443/PESC concernant la coopération avec la CPI312 et dont le considérant 4 dispose :

« les crimes qui relèvent de la compétence de la Cour préoccupent tous les États membres,

qui sont déterminés à coopérer pour prévenir ces crimes et mettre un terme à l’impunité de

leur auteur ». Les Pays-Bas ont, quelques mois plus tard, adopté une initiative visant la

création d’un réseau européen de points de contact en ce qui concerne les personnes

310 Pour un historique de la construction du droit pénal européen : voir Daniel Flore, Droit pénal européen. Les enjeux d’une justice pénale européenne, 2e ed, Bruxelles, Larcier, 2014, part 1 ch 2 aux pp 25-42 [Flore]. 311 CE, Action commune 98/427/JAI du 29 juin 1998 adoptée par le Conseil sur la base de l'article K.3 du traité sur l'Union européenne relative aux bonnes pratiques d'entraide judiciaire en matière pénale, [1998] JOUE, L 191 à la p 1 [Action commune RJE]. 312 CE, Position Commune 2001/443/PESC du 11 Juin 2001 concernant la Cour pénale internationale, [2001] JOUE, L 155 à la p 19.

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responsables de génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre313. C’est en

application de cette initiative que dès 2002, le Réseau génocide européen a été créé par la

décision 2002/494/JAI 314 . En effet, le considérant 10 de cette décision indique

expressément que « [p]our engager une coopération étroite, il y a lieu que les États

membres prennent des dispositions pour que des points de contact centralisés et spécialisés

puissent communiquer directement entre eux » [nous soulignons].

C’est sur la base de ce considérant, mais surtout de la décision 2003/335/JAI315, que

la France a mis en place le Pôle spécialisé crimes contre l’humanité, crimes de guerre.

Ainsi, les points de contacts du Réseau génocide européen en France sont les magistrats du

TGI de Paris316, ainsi que l’OCLCHGCG317. Bien entendu, la spécialisation de ceux-ci ne

peut être que bénéfique au Réseau génocide européen. Toutefois, tous les États membres de

l’UE n’ont pas créé d’unité spécialisée. Dans ce cas, les points de contacts nationaux sont

« des autorités judiciaires ou d'autres autorités compétentes ayant des responsabilités

spécifiques dans le cadre de la coopération internationale, soit en général, soit pour

certaines formes graves de criminalité »318.

L’affirmation de la place de l’UE et de ses États membres dans la lutte contre

l’impunité des auteurs de grands crimes internationaux a été rappelée par le Conseil

européen dans le Programme de Stockholm en 2010319, ainsi que par le Conseil de l’UE

dans la décision 2011/168/PESC320.

313 CE, Initiative du Royaume des Pays-Bas en ce qui concerne les personnes responsables de génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre, [2001] JOUE C 295 à la p 7. 314 Décision Réseau génocide, supra note 48 à la p 1. 315 Dont l’article 4 dispose : « Les États membres déterminent s'il y a lieu de créer ou de désigner, au sein des services répressifs compétents, des unités spécialisées spécifiquement chargées des enquêtes et, le cas échéant, des poursuites pénales concernant les crimes en question. » [nous soulignons] : CE, Décision 2003/335/JAI du Conseil du 8 Mai 2003 concernant les enquêtes et les poursuites pénales relatives aux génocides, aux crimes contre l’humanité et aux crimes de guerre, [2003] JOUE, L 118 à la p 12. 316 Delphine Carlens, « The French specialized war crimes unit » (2013) 10 EU Update on International Crimes 4. 317 Activité Office central, supra note 119 à la p 12. 318 Action commune RJE, supra note 311 à l’art 2.1. 319 Le programme de Stockholm fournit une feuille de route pour le travail de l’UE dans le domaine de la justice, de la liberté et de la sécurité pour la période 2010-2014. Le Conseil européen y invite les institutions de l’UE à « à continuer de soutenir et de promouvoir l'action de l'Union et des États membres contre l'impunité et à continuer de lutter contre les crimes de génocide, les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre; à cet égard, à encourager la coopération entre les États membres, les pays tiers et les juridictions internationales dans ce domaine, en particulier la Cour pénale internationale (CPI), et à développer les

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Il est intéressant de relever que depuis 2011, le Secrétariat du Réseau génocide

européen – et de manière plus large celui du RJE - est intégré au sein d’Eurojust. Une telle

organisation se justifie pleinement au regard de la mission de cette « agence de l’Union »321

énoncée à l’article 85 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne322.

Actuellement, tous les États membres de l’UE ne font pas partie du Réseau génocide

européen puisque seulement douze États ont désigné un point de contact national. Il faut y

ajouter les États observateurs du Réseau que sont la Norvège, les États-Unis, le Canada et

la Suisse323 qui ont un rôle similaire aux points de contacts nationaux. Le Réseau organise

également la liaison avec des représentants de la Commission européenne, d’Eurojust, de la

CPI et des tribunaux internationaux ad hoc, du Comité international de la Croix-Rouge,

d’Interpol, et des organisations de la société civile. Grâce à ce « rôle pivot »324, le Réseau

génocide européen est devenu un interlocuteur incontournable lors de toute poursuite

nationale en matière de grands crimes internationaux.

B. L’action du Réseau génocide européen

Les activités principales du Réseau génocide européen ont été détaillées par son

Secrétariat325 :

échanges d'informations judiciaires et de bonnes pratiques concernant les poursuites pénales relatives à ces crimes, par l'intermédiaire du réseau européen de points de contact en ce qui concerne les personnes responsables de crimes de génocide, de crimes contre l'humanité et de crimes de guerre. » : CE, Le Programme de Stockholm – une Europe ouverte et sûre qui sert et protège les citoyens, [2010] JOUE, C 115 à la p 1. 320 CE, Décision 2011/168/PESC du 21 mars 2011 concernant la Cour pénale internationale et abrogeant la position commune 2003/444/PESC, [2011] JOUE, L 76/56. 321 Flore, supra note 310 à la p 751. Eurojust est dotée de la personnalité juridique. 322 L’article 85.1 dispose : « La mission d'Eurojust est d'appuyer et de renforcer la coordination et la coopération entre les autorités nationales chargées des enquêtes et des poursuites relatives à la criminalité grave affectant deux ou plusieurs États membres ou exigeant une poursuite sur des bases communes, sur la base des opérations effectuées et des informations fournies par les autorités des États membres et par Europol. » : CE, Version consolidée du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, [2012] JOUE, C 326 à la p 47. Pour se faire, Eurojust est composée de procureurs, de magistrats ou d’officiers de police des États membres. Ses tâches peuvent comprendre le déclenchement des poursuites ou la proposition de déclenchement de poursuites sur des faits précis, tout comme la mise en place d’une équipe commune d’enquête. 323 Stratégie Réseau génocide européen, supra note 65 aux pp 28-29. 324 Ibid à la p 25. 325 Réseau européen d’enquêtes et poursuites pénales relatives aux génocides, crimes contre l’humanité et crimes de guerre, Brochure de présentation (15 novembre 2012), en ligne:

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Le Réseau soutient les échanges d’informations, de bonnes pratiques et d’expériences en ce qui concerne :

- identification des auteurs responsables, des victimes et des témoins dans les cas de procédure de demande d’asile

- protection et soutien des témoins venant de pays hors Union Européenne - Obtention de preuve pour soutenir les procédures pénales dans les pays hors

Union Européenne - implication d’entreprises (légitimes aussi bien qu’illégitimes) dans la

perpétration de crimes - gel et confiscation d’avoirs à l’étranger - établissement d’une chaîne de commande - travail avec des intermédiaires locaux durant les processus d’enquêtes

judiciaires - services d’interprètes et de traducteurs compétents dans les langues spécifiques

de pays lointains - évaluation des normes internationales afin de garantir un procès suffisamment

équitable dans les cas d’extradition de pays tiers - demande mutuelle de soutien judiciaire de pays sortant d’une situation de

conflit - travail avec différentes dispositions judiciaires lors de l’établissement d’une

compétence extraterritoriale dans un système national - examen des stratégies de fin de mandat des tribunaux pénaux internationaux ad

hoc (TPIY, TPIR, TSSL) et leurs effets sur les poursuites pénales au niveau national.

Ces activités rappellent l’ensemble des difficultés auxquelles font face les enquêteurs

et poursuivants des unités spécialisées canadienne et française lors de leurs enquêtes, et

notamment de leurs déplacements à l’étranger. L’existence d’un tel Réseau de coopération

régionale permet donc de manière incontestable de diminuer voire de palier ces obstacles.

Dès lors, la spécialisation régionale associée à la spécialisation nationale des poursuites

permet la qualité et l’efficacité de celles-ci.

La coopération étant l’une des clés de voûte de la spécialisation des poursuites, des

rencontres sont organisées deux fois par an entre les membres du Réseau afin d’échanger

sur les expériences et difficultés rencontrées, ainsi que sur les futures évolutions. Ces

réunions se divisent en deux sessions dont l’une est à huis clos pour favoriser la

confidentialité des débats326. À l’heure actuelle, vingt réunions ont été tenues, et ce, depuis

2004. Les différents échanges ayant lieu au cours de ces réunions permettent au Réseau et à

<http://www.eurojust.europa.eu/doclibrary/genocide-network/genocidenetwork/European%20Network%20for%20investigation%20and%20prosecution%20of%20genocide,%20crimes%20against%20humanity%20and%20war%20crimes%20(LEAFLET)/GenNetLeaflet-2012-11-15-FR.pdf>. 326 Stratégie Réseau génocide européen, supra note 65 à la p 26.

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son secrétariat de produire des documents à la disposition des autorités nationales via une

plateforme d’échanges d’informations.

La stratégie du Réseau génocide européen – rédigée en 2014 – révèle les résultats

qualifiés d’ « impressionnants » pour ce qui est de la poursuite des grands criminels

internationaux par les membres du Réseau. En effet, depuis 2002, 11162 dossiers ont été

clôturés avant procès, 1668 personnes ont été condamnées ou acquittées, tandis que 1339

dossiers étaient en cours d’enquêtes et poursuites327.

Ces chiffres pourraient bientôt augmenter du fait de l’intégration du génocide, des

crimes contre l’humanité et des crimes de guerre dans les mandats d’Eurojust et d’Europol

dès mai 2017328, compétence matérielle qu’ils n’ont actuellement pas, ce qui les empêche

de coopérer avec le Réseau génocide européen. Dès lors, un groupe de travail commun

entre Eurojust, Europol329 et le Réseau génocide européen sera mis en place pour explorer

et proposer une ligne d’action tenant compte du nouveau contexte et des nouvelles

possibilités offertes par Eurojust et Europol. La stratégie du Réseau préconise d’ailleurs que

des équipes communes d’enquêtes330 soient mises en place entre les autorités policières de

différents États membres afin « d’éviter une multiplication du travail et des coûts ;

d’économiser des ressources humaines et financières ; de fournir une base juridique pour un

échange d’informations rapide et flexible ; et limiter le nombre de fois où les témoins et les

victimes doivent être convoqués pour témoigner »331. En outre, consciente de l’importance

des services d’immigration dans la collecte de témoignages et l’identification de potentiels

327 Ibid à la p 29. 328 20th meeting of the Genocide Network, supra note 223. 329 Alors qu’Eurojust est un organe de coopération judiciaire, Europol est un organe de coopération policière. Son mandat était initialement circonscrit aux formes graves de criminalité que sont le trafic de drogues ou de matières radioactives, les filières d'immigration clandestine, la traite des êtres humains, les trafics de véhicules, le blanchiment des capitaux, le terrorisme et la grande criminalité internationale (mafia), pédophilie, cybercriminalité. Sur ces questions, Europol assiste Eurojust en facilitant l’échange de renseignements entre les organes de police des États membres : Toute l’Europe, « EUROPOL, Office européen de police », Toute l’Europe (2 février 2016), en ligne: <http://www.touteleurope.eu/l-union-europeenne/autres-institutions/synthese/europol-office-europeen-de-police.html>. 330 Deux raisons principales peuvent justifier la mise en place d’une équipe commune d’enquête : l’importance de l’affaire qui entraîne une enquête difficile mobilisant d’importants moyens et différents États membres, ainsi que le besoin de coordination ou de concertation entre les États membres : CE, Décision-cadre du Conseil du 13 juin 2002 relative aux équipes communes d'enquête, [2002] JOUE, L 162 à la p 1, art 1er. En outre, Europol et Eurojust peuvent demander aux autorités compétentes des États membres de constituer une équipe commune d’enquête : Flore, supra note 310 à la p 714. 331 Stratégie Réseau génocide européen, supra note 65 à la p 40.

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auteurs, victimes ou témoins de grands crimes internationaux, la stratégie du Réseau

préconise aux États de toute l’Europe de faciliter les échanges entre leurs services

d’immigration. Elle va même plus loin en envisageant la création d’une structure en réseau

chargés des dossiers de type 1F332, similaire au Réseau génocide333.

Cependant, le Réseau génocide européen fait face à des difficultés financières

l’empêchant de soutenir au mieux les États membres qui exercent des poursuites. En effet,

comme c’est le cas au niveau national, la poursuite des grands crimes internationaux n’est

pas prioritaire au niveau de l’UE, contrairement à celle des infractions terroristes. Le

budget consacré au Réseau génocide européen est de 80000€334 dont la majorité couvre les

frais de déplacement des points de contacts pour participer aux réunions biannuelles335.

Les chiffres précédemment évoqués démontrent l’efficacité de l’organisation d’une

spécialisation régionale des poursuites. C’est d’ailleurs pour cette raison que le Réseau

génocide européen a servi de modèle à un réseau de l’Union africaine de procureurs

spécialisés en matière de génocide, de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre336.

La création d’un tel réseau à l’échelle américaine pourrait donc être envisagée afin que le

Canada coopère avec des États plus proches géographiquement ce qui permettra de créer

des liens supplémentaires.

332 La Convention de Genève de 1951 sur le statut des réfugiés prévoit une clause d’exclusion de ce statut à l’article 1F qui dispose : « Les dispositions de cette Convention ne seront pas applicables aux personnes dont on aura des raisons sérieuses de penser : a) qu’elles ont commis un crime contre la paix, un crime de guerre ou un crime contre l’humanité, au sens des instruments internationaux élaborés pour prévoir des dispositions relatives à ces crimes; b) qu’elles ont commis un crime grave de droit commun en dehors du pays d’accueil avant d’y être admises comme réfugiées ; c) qu’elles se sont rendues coupables d’agissements contraires aux buts et aux principes des Nations Unies » : Convention relative au statut de réfugié, 28 juillet 1951, 189 RTNU 137. 333 Ibid à la p 39. 334 CE, État des recettes et des dépenses d’Eurojust pour l’exercice 2014, [2014] JO, C 90/95. 335 Haskell, supra note 95 à la p 88. 336 Stratégie Réseau génocide européen, supra note 65 à la p 26.

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II. Les potentialités d’un Réseau génocide américain

Alors que le tout premier procès pour génocide ayant eu lieu en Amérique latine a été

tenu par les juridictions guatémaltèques en 2013337, il appert que la création d’un Réseau

génocide américain semble faire face à de nombreux obstacles (B). Cela est d’autant plus

malheureux qu’un tel Réseau serait bénéfique au Canada et permettrait de pallier les

critiques relatives au grand nombre de mesures d’immigration exercées par ce pays

comparativement aux poursuites pour génocide, crimes contre l’humanité et crimes de

guerre (A).

A. La coopération régionale comme palliatif aux inconvénients des mesures

d’immigration au Canada

Le chapitre préliminaire de ce mémoire nous a appris qu’au Canada, pour diverses

raisons précédemment évoquées, les mesures d’immigration sont privilégiées à l’exercice

de poursuites contre les auteurs de grands crimes internationaux 338 . Le principal

inconvénient de ce choix politique est que la lutte contre l’impunité ne peut être

véritablement assurée puisque rien ne garantit que des poursuites seront engagées par l’État

dans lequel la personne est renvoyée. La mise en place d’un Réseau génocide américain

pourrait pallier cet inconvénient en organisant une coopération judiciaire accrue concernant

ces grands crimes internationaux.

En effet, les nombreux conflits ayant eu lieu et étant toujours en cours dans des pays

d’Amérique latine entraînent la fuite d’auteurs de crimes vers d’autres pays, dont le

Canada. Or, si les agents d’immigration du Programme sur les crimes de guerre suspectent

une personne d’avoir été impliquée dans des crimes internationaux, ils peuvent refuser son

visa, exclure la personne du statut protecteur de réfugié ou encore révoquer sa citoyenneté.

Dans ces hypothèses, la personne restera dans le pays à partir duquel elle a émis la

demande ou devra quitter le Canada. Or, rien n’assure que des poursuites seront exercées

337 Avocats sans frontières Canada, « ASFC appuie la tenue du tout premier procès pour génocide en Amérique latine » (23 janvier 2013), en ligne: <http://www.asfcanada.ca/es/noticias/asfc-appuie-la-tenue-du-tout-premier-proces-pour-genocide-en-amerique-latine-190>. 338 Voir supra à la p 18.

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contre cet individu par le pays dans lequel elle se trouvera. Dès lors, la lutte contre

l’impunité n’est pas véritablement assurée, tout au plus, le Canada peut faire valoir qu’il

n’est pas un refuge pour les criminels internationaux.

Dès lors, il apparaît nécessaire que l’organisation d’une coopération régionale

permette de s’assurer de l’exercice de poursuites à l’encontre de l’individu qui a fait l’objet

de telles mesures d’immigration. Le Réseau génocide américain pourrait permettre cela en

obligeant les États de communiquer sur de tels faits afin que l’État dans lequel la personne

est renvoyée, ou à partir duquel la demande est émise, ait connaissance des charges et

exerce des poursuites. En outre, cette coopération régionale devrait obliger l’État où se

trouve déjà la personne à la poursuivre plutôt que d’exercer des mesures d’immigration si

l’exercice de poursuites ne peut être garantit dans l’État où la personne serait renvoyée,

dans l’esprit du principe aut dedere aut judicare.

La mise en place d’un tel Réseau pourrait également permettre de gérer et prioriser

les demandes d’extradition émises par plusieurs États américains à l’encontre d’une même

personne. L’affaire Sosa Orantes339 illustre les difficultés entrainées par l’absence de telles

dispositions et pose la question de savoir si l’adage aut dedere aut judicare est respecté

lorsque l’extradition est accordée à un pays pour fraude à l’immigration plutôt qu’à un autre

pays pour crimes contre l’humanité.

Sosa Orantes est un guatémaltèque qui a obtenu les citoyennetés canadienne en 1992

et américaine en 2008. En 2010, les autorités américaines se sont rendues compte qu’il

avait fait de fausses déclarations pour obtenir la citoyenneté américaine lorsqu’on lui avait

demandé s’il avait commis un crime ou s’il avait été membre d’une organisation militaire.

Pour cette fraude passible de maximum dix années d’emprisonnement, les États-Unis ont

demandé au Canada son extradition. Parallèlement, deux autres pays ont demandé

l’extradition de Sosa Orantes pour sa présumée implication dans le conflit armé ayant eu

339 Sur l’affaire Sosa Orantes, voir : Centre canadien pour la justice internationale, « Jorge Sosa Orantes (Guatemala) » (non daté, consulté le 11 août 2016), en ligne: <http://www.ccij.ca/fr/cases/sosa-orantes-2/> ; TRIAL International, « Jorge Vinicio Sosa Orantes » (14 juin 2016), en ligne: <https://trialinternational.org/fr/latest-post/jorge-vinicio-sosa-orantes/#section-1> ; Avocats sans frontières Canada, « Les premiers jours du procès de Jorge Vinicio Sosa Orantes aux États-Unis » (3 octobre 2013), en ligne: <http://www.asfcanada.ca/fr/blogue/billet/les-premiers-jours-du-proces-de-jorge-vinicio-sosa-orantes-aux-etats-unis-jour-1/220>.

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94

lieu au Guatemala, et plus particulièrement durant le massacre de Dos Erres qui a fait plus

de deux-cent morts entre le 6 et le 8 décembre 1982. En 2011, l’Espagne a émis un mandat

d’arrêt et une demande d’extradition pour génocide, tortures et exécutions extrajudiciaires,

crimes passibles de trente ans de réclusion criminelle. La même année le Guatemala a

demandé son extradition, et ce, suite à aux condamnations pour assassinats et crimes contre

l’humanité à plus de 6000 ans de réclusion de quatre hommes sous les commandements de

Sosa Orantes. Une Cour de l’Alberta a toutefois jugé que les conditions étaient réunies pour

une extradition vers les États-Unis. L’extradition a été réalisée en 2012, et ce, malgré les

appels de diverses ONG340 au gouvernement du Canada pour qu’il privilégie les demandes

espagnole et guatémaltèque ou qu’il exerce des poursuites en vertu de la LCHCG du fait de

la gravité des infractions reprochées. Le procès américain a conduit à la condamnation de

Sosa Orantes à la peine de dix ans d’emprisonnement. Désormais, Amnesty International

demande aux États-Unis de le poursuivre pour les crimes internationaux dont il est suspecté

sur la base de la compétence universelle341. Si de telles poursuites ne sont pas exercées, il

faudra attendre dix années avant une éventuelle extradition vers le Guatemala, ce qui pose

autant la difficulté de la perte de preuve que de l’absence de volonté de ce pays de ressasser

le passé.

En effet, bien que la mise en place d’un Réseau génocide américain serait un signal

fort envoyé par ce continent d’une réelle volonté de lutte contre l’impunité, il appert que les

tensions passées et actuelles ne font pas de la lutte contre le génocide, les crimes contre

l’humanité et les crimes de guerre la priorité de ces États.

340 Voir les deux lettres adressées au ministre de la Justice et au ministre des Affaires étrangères par le CCJI et l’ASF Canada : en ligne: <http://www.ccij.ca/content/uploads/2015/07/Sosa-CCIJ-ASF-Letter-to-Minister-of-Justice-Apr-2011.pdf> et <http://www.ccij.ca/content/uploads/2015/07/Sosa-CCI-ASF-Letter-to-Minister-of-Justice-Sept-22-2011-FINAL-VERSION-CLEAN.pdf>. 341 Amnesty International, « USA: Guatemalan soldier accused of massacre must face justice » (11 février 2014), en ligne: <https://www.amnesty.org/en/latest/news/2014/02/guatemala-dos-erres-soldier-usa/>.

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B. La difficile coopération panaméricaine en matière de crimes internationaux

Bien avant l’organisation d’une coopération entre les États européens, dès 1889, les

États du continent américain avaient scellé une « union morale » en constituant l’Union

panaméricaine afin de construire un système commun de normes et d’institutions342. La

problématique des grands crimes internationaux a été abordée dès la fin de la Seconde

Guerre mondiale lors de la Conférence américaine sur les problèmes de la guerre et la paix,

conférence qui a aboutit à l’Acte de Chapultepec dont la résolution IV « crimes de guerre »

prévoient que les États américains s’engagent à ce que « les coupables, responsables de ces

crimes soient jugés et condamnés »343. Deux ans plus tard, l’Union panaméricaine confirme

sa volonté de coopération régionale à travers le Traité interaméricain d’assistance

mutuelle344. L’année suivante et afin de « parvenir à un ordre de paix et de justice, de

maintenir leur solidarité, de renforcer leur collaboration et de défendre leur souveraineté,

leur intégrité territoriale et leur indépendance », la Charte de l’Organisation des États

américains 345 est adoptée. Pour certains auteurs, c’est en raison des liens historiques du

Canada avec une puissance européenne – le Royaume-Uni – que cet État n’a pas fait partie

de l’Union panaméricaine et n’a intégré l’Organisation des États américains (ci-après OÉA)

qu’en 1990346. Aujourd’hui encore, de nombreuses conventions interaméricaines sont

conclues afin de favoriser cette coopération régionale. C’est notamment le cas de la

Convention interaméricaine sur l’entraide en matière pénale347 et ou de la Convention

interaméricaine relative à l’extradition348. Un Réseau continental d’échange d’informations

342 Jesús María Yepes, Les accords régionaux et le droit international, La Haye, Recueil de cours, 1947, à la p 291. 343 Alejandro E. Alvarez, Eduardo A. Bertoni et Miguel Boo, « Droit argentin » dans Antonio Cassese et Mireille Delmas-Marty, Juridictions nationales et crimes internationaux, Paris, PUF, 2002, c 10 à la p 306 [Alvarez, Bertoni et Boo]. 344 OÉA, Inter-American Treaty Of Reciprocal Assistance (1947). 345 OÉA, Secrétariat général, Charter of the Organization of American States (1948). 346 Claude Morin, allocution « L’intégration des Amériques avant 1948 : une voie tortueuse », Colloque Le Canada dans la continentalisation des Amériques : bilan et perspectives, Chaire Téléglobe Raoul-Dandurand, présenté à l’Université du Québec à Montréal, 16-17 octobre 1997, en ligne : <https://www.webdepot.umontreal.ca/Usagers/morinc/MonDepotPublic/pub/Integra97.htm>. 347 OÉA, Assemblée générale, 22e sess, Inter-American Convention on Mutual Assistance in Criminal Matters (1992). 348 OÉA, Secrétariat général, Inter-American Convention on Extradition (1981).

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relatives à l’entraide judiciaire en matière pénale et d’extradition a également été mis en

place en 2001349.

Malgré l’existence d’une réelle volonté de coopération interaméricaine en matière

judiciaire, il semble que la coopération dans la lutte contre les grands crimes internationaux

ne fasse pas partie des priorités des États américains du fait de l’histoire, de l’actualité, du

contenu des législations et/ou des pratiques judiciaires de ces pays. Loin dans dresser une

liste exhaustive, l’Argentine350, le Brésil351, le Guatemala352 ou encore la Colombie353

peuvent être cités. En effet, ce qui différencie l’Europe et l’Amérique latine est que « le

contexte de violation des droits de l’homme est beaucoup plus aigu »354 dans cette seconde

région. Ce contexte a poussé la Cour interaméricaine des droits de l’homme à élaborer un

devoir positif des États à instruire, juger et sanctionner les crimes internationaux355.

En outre, le fait que sur les trente-cinq États membres de l’OÉA, vingt-huit ont ratifié

le Statut de Rome pose nécessairement problème dans la mise en en place d’un Réseau

génocide américain. D’autant plus qu’un État en particulier est absent : les États-Unis. En

349 Pour plus d’informations sur les origines de ce Réseau : <http://www.oas.org/juridico/mla/fr/fr_origin.html>. 350 Alors que de nombreux criminels de guerre nazis se sont réfugiés dans ce pays – dont le plus connu est Adolf Eichmann – l’Argentine n’était pas la plus à même de coopérer en matière d’extradition et de jugement : Alvarez, Bertoni et Boo, supra note 343 à la p 306. Notons cependant que depuis quelques années ce pays s’implique dans la lutte contre les grands crimes internationaux. En effet, il a intégré la Convention pour la prévention et la répression du génocide dans son bloc de constitutionnalité : Convention pour la prévention et la répression du génocide, 9 décembre 1948, 78 RTNU 277 (entrée en vigueur : 12 janvier 1951) [Convention génocide]. En 2014, les tribunaux argentins ont condamné quinze personnes pour le génocide commis au cours de la dictature qu’à connu cet État de 1976 à 1983 : Le Figaro, « Argentine : 15 condamnés pour génocide », Le Figaro (25 octobre 2014), en ligne: <http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2014/10/25/97001-20141025FILWWW00040-argentine-15-condamnes-pour-genocide.php>. 351 Le Brésil fait actuellement face à des difficultés politiques, la lutte contre les crimes internationaux n’est donc sûrement pas sa préoccupation première. D’ailleurs, la législation adoptée par ce pays reflète son absence d’implication en la matière puisque les juridictions brésiliennes ne peuvent exercer leur compétence universelle qu’en matière de génocide et uniquement si l’auteur est brésilien : Fauzi Hassan Choukr, « Droit brésilien » dans Antonio Cassese et Mireille Delmas-Marty, Juridictions nationales et crimes internationaux, Paris, PUF, 2002, c 10 à la p 343. 352 Voir sous-partie précédente. 353 Un rapport de l’association HWR dénonce l’implication d’officiers de l’armée colombienne dans des « exécutions extrajudiciaires généralisées et systématiques de civils commises entre 2002 et 2008 », ce qui laisse à penser que des crimes contre l’humanité ont été commis : Human Rights Watch, « Colombie : Des officiers supérieurs impliqués dans des exécutions extrajudiciaires » (24 juin 2015), en ligne: <https://www.hrw.org/fr/news/2015/06/24/colombie-des-officiers-superieurs-impliques-dans-des-executions-extrajudiciaires>. 354 John A.E Vervaele, « Violations graves des droits de l’homme et crimes internationaux : Du jus (non) puniendi de l’État nation à un deber puniendi impératif tiré du jus cogens » (2014) 3 RSC 487. 355 Ibid.

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effet, bien qu’elle fasse partie des États observateurs du Réseau génocide européen et

qu’elle dispose d’une unité spécialisée dans les grands crimes internationaux, cette grande

puissance n’a toujours pas ratifié le Statut de Rome356. Ce paradoxe s’explique par le fait

que les États-Unis redoutent que des citoyens américains soient poursuivis par la CPI357.

C’est d’ailleurs l’appel qui a été lancé par l’association HWR qui souhaitait que la 18e

Réunion des points de contacts du Réseau génocide européen soit l’occasion d’aborder la

question de l’exercice d’enquêtes et de poursuites à l’encontre de membres de la CIA

soupçonnés d’avoir commis des actes de torture et des mauvais traitements358.

L’absence de consensus régional quant à la ratification du Statut de Rome est un

obstacle de taille à la création d’un Réseau génocide américain. Il semble que le Canada

doive se contenter de son statut d’État observateur au sein du Réseau génocide européen

pour bénéficier des avantages liés à la coopération accrue et la spécialisation des acteurs de

la poursuite. D’ailleurs, au niveau régional, ce sont les instabilités politiques qui touchent

l’Amérique latine et la criminalité qui en découle359 qui ont poussé le Canada à adopter le

Programme visant à renforcer les capacités de lutte contre la criminalité360. Dès lors,

aujourd’hui, la coopération régionale en Amérique semble moins tournée vers la lutte

contre l’impunité à l’échelle internationale que vers la résolution de conflits internes au

continent.

L’existence de conflits au sein d’un continent n’empêche pas nécessairement la

collaboration entre juridictions nationales. En effet, en 2013, l’Union africaine a

recommandé la mise en place d’un Réseau de procureurs spécialisés dans les crimes

356 Le président Bill Clinton a signé le Statut de Rome le 31 décembre 2000. Mais son successeur Georges W. Bush a annulé cette signature le 6 mai 2002 : Coalition pour la Cour pénale internationale, « Les États-Unis et la CPI » (non daté, consulté le 11 août 2016), en ligne: <http://www.iccnow.org/?mod=usaicc&lang=fr>. 357 George P. Fletcher, « Les pays d’Amérique du Nord » dans Antonio Cassese et Mireille Delmas-Marty, Juridictions nationales et crimes internationaux, Paris, PUF, 2002, c 1 à la p 467. 358 Human Rights Watch, « Letter to Members of the EU Genocide Network on Discussing Ongoing and Potential Investigations and Prosecutions Following the Release of the US Senate Intelligence Committee Report Summary » (20 avril 2015), en ligne: <https://www.hrw.org/news/2015/04/20/letter-members-eu-genocide-network-discussing-ongoing-and-potential-investigations>. 359 Selon des estimations près de 200 millions d’habitants d’Amérique latine et des Caraïbes ont été victimes d’un acte de criminalité : Canada, Affaires mondiales Canada, « Le Programme visant à renforcer les capacités de lutte contre la criminalité (PRCLC) et l'Organisation des états américains (OEA) 2009-2011 » (9 septembre 2012), en ligne: <http://www.international.gc.ca/crime/OAS_Report-Rapport_OEA.aspx?lang=fra>. 360 Canada, Affaires mondiales Canada, « Capacité de lutte contre la criminalité » (2 février 2013), en ligne: <http://www.international.gc.ca/crime/accbp-prclc.aspx?lang=fra>.

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internationaux361. Initiative qui a été saluée lors de la 16e Réunion des points de contacts

nationaux. Une étroite coopération entre les deux réseaux est d’ailleurs envisagée, ainsi que

l’organisation de réunions conjointes362. L’émergence d’un Réseau génocide africain est

d’autant plus souhaitable que la coopération entre diverses régions du monde permettra

peut-être un jour une spécialisation universelle des poursuites. À l’heure actuelle, une telle

spécialisation est notamment envisagée sous l’angle de la conclusion d’une convention

internationale.

Section 2. La spécialisation universelle des poursuites : entre nécessité et

utopie

Face au fléau de la criminalité, la coopération devient désormais obligatoire.

Toutefois, après avoir fait cette observation, François-Xavier Roux-Demare remarque que

« l’entraide pénale s’appuie toujours sur les mêmes instruments mis en place pour répondre

aux impératifs de la criminalité du début du siècle dernier »363. Or, c’est justement en

s’appuyant sur le même constat que diverses initiatives ont vu le jour afin de créer une

convention internationale dédiée à ces grands crimes internationaux (II). En effet, malgré

son caractère récent, le Statut de Rome présente des lacunes qu’il est nécessaire de combler

(I).

I. Les poursuites nationales face aux lacunes du principe de

complémentarité

Nous avons fait part dans la première partie de cette étude des critiques de la

professeure Rassat quant au fait que le droit interne et les juridictions nationales ne

devraient pas s’occuper des grands crimes internationaux, régime qui devrait être laissé au

361 Commission internationale des juristes – section kenyane, REDRESS, Institute for Security Studies, « Note de Fonds sur la rencontre d’experts. La lutte contre l’impunité et la justice pour les crimes internationaux graves en Afrique: vers la création d’un réseau de praticiens » (10-11 septembre 2015), en ligne: <http://www.redress.org/downloads/background-note-icj--redressfinalrevisedfr.pdf>. 362 Meeting of the European Network of Contact Points for investigation and prosecution of genocide, crimes against humanity and war crimes, Conclusions of the 16th meeting of the Genocide Network, La Haye, 21-22 mai 2014. 363 François-Xavier Roux-Demare, De l’entraide pénale à l’Europe pénale, thèse de doctorat en droit, Lyon III, 2012, Dalloz à la p 77.

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droit pénal international et aux juridictions pénales internationales364. Quoique défendable,

cette position est désormais intenable du fait de la consécration du principe de

complémentarité par le Statut de Rome. Dès lors, le débat doit maintenant se concentrer sur

les moyens permettant aux juridictions nationales d’exercer au mieux cette prérogative

ainsi que sur ceux permettant de garantir l’homogénéité des poursuites. Or, sur ces

questions, de véritables lacunes existent en droit pénal international.

En effet, le Statut de Rome, en ne prévoyant qu’une coopération verticale entre la CPI

et les États365, n’a pas organisé de coopération horizontale entre États relativement aux

enquêtes et poursuites des criminels internationaux. Deux lacunes en découlent : d’une part,

le Statut de Rome ne créé pas d’obligation légale pour les États d’organiser la compétence

de leurs juridictions nationales pour poursuivre et juger les responsables366. Cela a pour

conséquence que tous les États qui ont ratifié le Statut de Rome n’ont pas pour autant prévu

de compétence universelle, ni même incriminé le génocide, les crimes contre l’humanité et

les crimes de guerre dans leur législation. La seconde lacune tient au fait qu’aucune

coopération interétatique n’est organisée367. Or, inutile de rappeler à quel point une telle

coopération est nécessaire dans la poursuite nationale des crimes grands crimes

internationaux. Cette dernière lacune n’est d’ailleurs pas compensée par les différentes

conventions d’entraide judiciaire en matière pénale existantes puisqu’aucune ne concerne

les crimes contre l’humanité, et celles relatives au génocide368 et aux crimes de guerre369

sont limitées et dépassées370.

Outre le fait que de telles lacunes ne favorisent pas l’exercice du principe de

complémentarité, lorsque les juridictions nationales se déclarent compétentes, l’absence

364 Rassat, supra note 104. 365 Voir supra à la p 82. 366 Tladi, supra note 254 à la p 3. 367 Ibid à la p 4. 368 Convention génocide, supra note 350. 369 Les Conventions de Genève, supra note 14. 370 Ward Ferdinandusse, « Improving Inter-State Cooperation for the National Prosecution of International crimes : Towards a New Treaty ? » (21 juillet 2014), ASIL, en ligne: <https://www.asil.org/insights/volume/18/issue/15/improving-inter-state-cooperation-national-prosecution-international> à la p 1.

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d’homogénéité des poursuites entraîne des inégalités flagrantes entre auteurs et victimes de

grands crimes internationaux. La professeure Fannie Lafontaine371 résume :

The lack of international obligations over many of the most serious international crimes has as a main consequence that States criminalise and assert jurisdiction in an incoherent and unequal fashion as regards all core crimes and that the web meant to close the impunity gap is filled with holes.

Puis, elle détaille trois impacts majeurs qu’entraînerait la création d’une obligation

officielle d’enquêter et de poursuivre à la charge des États. Le premier impact serait relatif

au pouvoir discrétionnaire d’exercer les poursuites372. En effet, les critères actuels justifiant

l’ouverture des poursuites divergent en fonction des États, notamment entre le Canada et la

France373. Dès lors, créer une obligation de poursuivre tout en élaborant des critères

identiques pour chaque État permettrait une homogénéisation de la réponse pénale, offrirait

un moyen de pression aux victimes et permettrait d’exercer un recours contre un État qui

n’a pas respecté cette obligation. Le second impact relevé par la professeure Lafontaine est

que les juridictions internes ne pourront plus utiliser l’argument de l’absence d’obligation

pour justifier leur non intervention374. Enfin, l’existence d’une obligation internationale de

poursuivre favoriserait la coopération entre États375 et donc la lutte contre l’impunité.

Certes le Canada et la France sont allés plus loin que les obligations issues du Statut

de Rome en ce qui concerne la poursuite des grands crimes internationaux – bien que les

verrous français376 ou la préférence canadienne pour les mesures d’immigration377 ont été

critiqués – mais ce n’est que si un mouvement similaire est enclenché dans l’ensemble des

pays que la spécialisation de ces juridictions nationales aura le plus grand effet dans la lutte

contre l’impunité. C’est pourquoi les différentes initiatives en faveur d’une convention

internationale régissant un ou plusieurs de ces grands crimes internationaux sont tout à fait

louables.

371 National Jurisdictions, supra note 16 à la p 167. 372 Ibid aux pp 168-170. 373 Voir Partie 1. 374 National Jurisdictions, supra note 16 à la p 170. 375 Ibid aux pp 170-171. 376 Voir supra à la p 28. 377 Voir supra à la p 92.

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II. Les initiatives en faveur d’une convention internationale pour les « cores

crimes »

L’existence de deux principales lacunes dans le système de droit pénal international,

d’une part dans l’absence d’obligation des États d’établir et d’exercer leur compétence,

d’autre part dans l’organisation de la coopération entre eux ont motivé des organisations

intergouvernementales et des États à proposer des solutions. Deux initiatives doivent être

mentionnées.

La première initiative est celle de la Commission du droit international – organe

subsidiaire de l’Assemblée générale (ci-après AG) des Nations Unies – qui a pour mission

d’étudier certains sujets et de proposer des textes qui sont ensuite transmis à l’AG pour

qu’ils prennent la forme de conventions. Lors de la soixante-cinquième réunion de cette

Commission, en 2013, la question de l’élaboration d’une convention relative aux crimes

contre l’humanité a été inscrite comme sujet de travail à long terme378. Le premier rapport a

été rendu lors de la soixante-septième session par son rapporteur, le professeur Sean D.

Murphy. Il contient notamment deux projets d’articles, un concernant la prévention et la

répression des crimes contre l’humanité et l’autre sur leur définition. Les objectifs d’une

telle convention, uniquement consacrée aux crimes contre l’humanité, sont résumés comme

suit379 :

Une convention mondiale sur la prévention et la répression des crimes contre l’humanité et la coopération entre États en la matière semble être un élément essentiel manquant au cadre juridique international actuel, en particulier au droit international humanitaire, au droit pénal international et au droit international des droits de l’homme. Une telle convention pourrait contribuer à jeter l’opprobre sur de tels actes odieux, appeler davantage l’attention sur la nécessité de les prévenir et d’en punir les auteurs, et faciliter l’adoption et l’harmonisation de lois nationales concernant ces crimes, ouvrant ainsi la voie à une meilleure coopération entre États en matière de prévention, d’enquêtes, de poursuites et d’extradition. Avec la création d’un réseau de

378 Commission du droit international, Rapport sur les travaux de sa soixante-cinquième session, Doc Off AG NU, 65ème session, Doc NU A/68/10 (2013), annexe B [65ème session CDI]. L’intérêt de la Commission de droit international sur ce sujet a eu comme prémisse l’initiative de la professeure Leila Nadya Sadat pour une Convention sur les crimes contre l’humanité développée en 2008 qui a aboutit à la rédaction d’une proposition de convention en 2010 : Whitney R. Harris World Law Institute, « Initiative sur les crimes contre l'humanité : Proposition de Convention internationale sur la prévention et la répression des crimes contre l'humanité » (août 2010), en ligne: <http://law.wustl.edu/harris/cah/docs/FrenchTreatyFinal.pdf>. 379 Commission du droit international, Premier rapport sur les crimes contre l’humanité, Doc off AG NU, 67e sess, Doc NU A/CN.4/680 (2015) à la p 7.

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coopération, comme cela a été fait pour d’autres crimes, les auteurs de ces crimes ne pourraient plus trouver refuge nulle part, ce qui, on l’espère, contribuera à dissuader quiconque de les commettre ab initio et à garantir que les auteurs aient à en répondre ex post facto [nous soulignons].

Afin d’atteindre ces objectifs, la Commission considère que cette convention devra

contenir quatre éléments clés380 :

1. La définition des crimes contre l’humanité sur la base de l’article 7 du Statut de Rome ;

2. L’obligation pour les États de réprimer ces actes dans leurs législations nationales, pas seulement lorsqu’ils sont commis sur son territoire ou par des nationaux, mais également lorsqu’ils sont commis par des étrangers qui sont retrouvés sur son territoire ;

3. L’imposition d’une solide coopération entre les États parties pour ce qui est des enquêtes, des poursuites et de la répression de ces crimes, à travers l’entraide judiciaire en matière pénale et l’extradition, ainsi que la reconnaissance des preuves ;

4. L’imposition de l’obligation aut dedere aut judicare lorsque le suspect est présent sur son territoire [notre traduction].

Cette convention se veut donc être un complément du Statut de Rome, afin

d’organiser la relation horizontale entre les États non prévue par ce Statut. Toutefois, les

possibles conflits avec les dispositions du Statut de Rome, de même que la crainte d’une

fragmentation du régime des grands crimes internationaux381 seront des défis à surmonter

pour la Commission de droit international. Récemment, douze ONG ont adressé une lettre

au professeur Sean D. Murphy sur le contenu espéré de cette convention382.

La seconde initiative à mentionner est l’initiative commune de la Belgique, de la

Slovénie et des Pays-Bas, présentée à La Haye en 2011. Ces États envisagent la rédaction

d’un traité multilatéral d’entraide judiciaire et d’extradition pour la poursuite nationale du

génocide, des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre. En effet, partant du constat

de l’ancienneté et l’inadaptation des traités existants en matière de génocide et de crimes de

guerre, ces pays souhaitent se baser sur des traités d’entraide plus récents – tels que la

380 65ème session CDI, supra note 339 à la p 142. 381 Tladi, supra note 254 à la p 7. 382 Human Rights Watch, « Letter to the Special Rapporteur of the International Law Commission on Crimes Against Humanity » (16 février 2016), en ligne: <https://www.hrw.org/news/2016/02/16/letter-special-rapporteur-international-law-commission-crimes-against-humanity>.

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Convention contre la criminalité transnationale organisée383 ou la Convention des Nations

Unies contre la corruption384 – pour qu’une coopération adéquate soit organisée quant à la

poursuite des trois grands crimes internationaux. Une telle convention est destinée « à tous

les États comme moyen pratique d’améliorer leur capacité d’enquêtes et de poursuites, au

niveau national, des crimes de génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre, ainsi

qu’à tous les États susceptibles de transmettre ou de recevoir une demande de coopération

en la matière »385. De la même manière, la conclusion d’un tel traité multilatéral permet de

réaffirmer l’importance que la communauté internationale attache à l’effectivité des

poursuites de tels crimes386.

À la différence de la convention envisagée par la Commission de droit international,

cette initiative commune vise les trois grands crimes internationaux afin d’organiser un

régime commun et uniforme, en s’appuyant sur les définitions déjà existantes. Plus encore

que l’initiative précédemment évoquée, celle-ci est liée au Statut de Rome du fait qu’elle

souhaite expressément viser le principe de complémentarité. Cela pose problème en raison

de la vocation universaliste de ce traité multilatéral – actuellement soutenu par plus d’une

quarantaine d’États387. En effet, l’ambition des initiateurs est que ce traité reçoive la

ratification à la fois d’États parties au Statut de Rome, mais également de ceux qui n’y ont

pas adhéré. Or, le lien de ce traité multilatéral avec le Statut de Rome pourrait constituer un

frein, notamment pour les États de l’Union africaine388. Notons que cette initiative est

383 Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, 15 novembre 2000, 2225 RTNU 209. 384 Convention des Nations Unies contre la corruption, 31 octobre 2003, 2349 RTNU 41. 385 MLA Initiative, Vers un traité multilatéral en matière d’entraide judiciaire et d’extradition pour la poursuite nationale des crimes internationaux les plus graves (non daté), en ligne: <https://rm.coe.int/CoERMPublicCommonSearchServices/DisplayDCTMContent?documentId=090000168059495b#search=mla%20initiative> à la p 2. 386 Ibid. 387 Pour une liste des 48 États soutenant l’initiative : MLA Initiative, Towards en multilateral treaty for mutual legal assistance and extradition for domestic prosecution of the most serious international crimes – Supporting States as of 10/09/2015 (non daté), en ligne: <https://rm.coe.int/CoERMPublicCommonSearchServices/DisplayDCTMContent?documentId=090000168059495c#search=mla%20initiative>. 388 Tladi, supra note 254 aux pp 8-9.

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soutenue par le Réseau génocide européen389 qui a réaffirmé son support lors de la dernière

rencontre des points de contacts390.

Il est indéniable que l’adoption de ces deux initiatives serait un excellent complément

à la spécialisation des poursuites opérée par le Canada et la France. En effet,

l’harmonisation des modalités de l’entraide judiciaire permettrait de palier les difficultés

précédemment évoquées. Dès lors, les États ne pourraient plus se cacher derrière les

problèmes de coopération pour refuser d’engager les poursuites. La lutte contre l’impunité

s’en verrait ainsi confortée.

389 Stratégie Réseau génocide européen, supra note 65 à la p 40. 390 20th meeting, supra note 223 au para 2.

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Conclusion du Titre 2

La différence entre les législations canadienne et française est plus visible en ce qui

concerne l’exercice des poursuites par les unités spécialisées. En effet, il est intéressant de

voir que le Canada, malgré l’importance du critère économique, réalise des enquêtes à

l’étranger avant même que des poursuites soient engagées. Au contraire, bien que possible,

la France préfère s’assurer que des poursuites seront déclenchées avant d’engager les frais

relatifs aux enquêtes dans un pays étranger. Le Canada devrait peut-être trouver le moyen

de s’assurer de la pertinence des poursuites sans avoir à se déplacer à l’étranger, les

économies réalisées bénéficieraient alors aux poursuites réalisées.

De la même manière, du fait de l’opposition des systèmes civilistes et de common

law, les organes chargés de l’enquête ne sont pas les mêmes et n’ont pas les mêmes

prérogatives. Or, il appert qu’en matière de poursuite nationale de grands crimes

internationaux, le modèle français confiant aux magistrats l’instruction à charge et à

décharge permet de palier de manière significative les obstacles d’une enquête qui serait à

mener par la défense.

Cependant, des similitudes existent entre les deux États. En effet, le Canada et la

France ont bien compris que la condition sine qua non de la spécialisation des poursuites

est la coopération. L’on peut donc dire qu’à ce niveau, un modèle commun existe entre les

deux pays. Modèle commun qui pourra être accentué et servir d’exemple du fait des

initiatives précédemment évoquées.

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106

Conclusion générale

« La spécialisation, cela met tôt ou tard un terme au progrès d’une espèce »,

contrairement à ce qu’écrit Roy Lewis dans son ouvrage Pourquoi j’ai mangé mon père391,

la spécialisation des poursuites opérée en France et au Canada est un véritable progrès pour

la lutte contre les grand crimes internationaux.

Le Canada a établi un régime de spécialisation des poursuites qui a inspiré le régime

français établi quelques années plus tard. Bien que ces deux États fassent partie de deux

systèmes juridiques différents, cette étude nous a démontré qu’en matière de poursuite du

génocide, des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre, un modèle commun est mis

en place.

La première partie de notre hypothèse de travail était que l’existence de principes

communs avait guidé la spécialisation des poursuites en France et au Canada. Celle-ci s’est

vérifiée car l’on a pu voir à quel point la lutte contre l’impunité était une mission chère à

ces deux pays qui ont souhaité mettre en œuvre le principe de complémentarité. Dès lors,

nous avons établi que ce modèle commun a pour caractéristiques l’octroi au procureur du

monopole et de l’opportunité des poursuites. En effet, les réalités inhérentes aux grands

crimes internationaux obligent les autorités nationales à limiter le déclenchement des

poursuites. Cette limitation passe au Canada par l’édiction de critères stricts de sélection

des affaires, tandis que la France a préféré verrouiller l’exercice de la compétence

universelle de ses juridictions. Dans cette même optique, ces deux États refusent tout rôle

actif aux victimes.

Une fois que les poursuites sont déclenchées, ce modèle commun consiste en

l’organisation d’une collaboration étroite à la fois entre les organes nationaux de la

poursuite qu’avec des intervenants extérieurs aux frontières territoriales. Les unités

spécialisées canadienne et française sont ainsi en lien avec TPI, États étrangers,

organisations intergouvernementales ou encore ONG. La pierre angulaire de ce modèle

commun de spécialisation est donc la coopération.

391 Roy Lewis, Pourquoi j’ai mangé mon père, Pocket, janvier 2012.

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107

La seconde partie de notre hypothèse de travail soulignait l’importance de ce modèle

commun pour servir de base à une spécialisation régionale voire universelle des poursuites.

En effet, l’absence actuelle de spécialisation universelle des poursuites pose des difficultés

que la France et le Canada ne sont pas en mesure de surmonter. Les initiatives en faveur

d’une convention internationale dédiée aux trois grands crimes internationaux ou

uniquement consacrée aux crimes contre l’humanité permettraient de remédier à certains

obstacles par l’harmonisation des législations et la coopération accrue qu’elles envisagent.

Cependant, en sachant que la ratification du Statut de Rome n’a pas été réalisée par tous les

États du monde, notamment par de grandes puissances qui interviennent militairement dans

des zones de conflits, on peut sérieusement douter de la possibilité de réalisation d’une

spécialisation universelle des poursuites.

C’est la raison pour laquelle la spécialisation régionale semble constituer une bonne

alternative. En effet, le régionalisme permet de conclure des accords avec des États proches

territorialement et avec lesquels une coopération dans d’autres domaines a déjà pu être mise

en œuvre, ce qui favorise la confiance mutuelle nécessaire à la coopération.

Malheureusement, à l’heure actuelle, la spécialisation régionale ne s’est organisée qu’à

l’intérieur de l’UE, et une spécialisation à l’échelle américaine ne semble pas être à la

priorité des années futures.

En attendant la mise en place d’une spécialisation plus large, le Canada et la France

peuvent continuer à lutter contre l’impunité en consacrant leur spécialisation à la prévention

des grands crimes internationaux. C’est notamment la voie qui a été choisie par

l’Allemagne dont les « enquêtes structurelles » visent des États en conflits tels que la Lybie

ou la Syrie392. Ces enquêtes ne visent pas un individu en particulier mais permettent de

cataloguer les crimes commis dans un pays et d’identifier les potentiels victimes et témoins

présents en Allemagne. En outre, le recueil a priori des preuves permet leur conservation

en vue d’une utilisation pour des poursuites futures.

392 Haskell, supra note 95 à la p 14.

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108

Index

A

Accusatoire, 9, 60, 67

B

Barahira, 1, 8, 61, 79

C

Commission Deschênes, 5,

13, 14

Commission Guinchard, 25,

26

Common law, 9, 50, 60, 65,

67, 69, 105

Compétence territoriale, 2, 4,

8, 28, 30, 52, 73

Compétence universelle, 3, 4,

6, 16, 23, 27, 28, 29, 32,

39, 46, 51, 71, 79, 94, 96,

99, 106

Complémentarité, 6, 7, 16, 22,

74, 82, 98, 99, 103, 106

Constitution de partie civile,

24, 28, 46, 48, 52, 56, 57,

61

CPI, 1, 6, 7, 21, 24, 26, 29, 32,

35, 47, 51, 53, 55, 56, 57,

59, 60, 62, 73, 82, 86, 87,

88, 97, 99

Criminalité organisée, 33

D

Droit romano-germanique, 9,

56, 60, 62, 105

E

Eurojust, 88, 90, 91

Europol, 88, 90

Extradition, 13, 18, 28, 74, 75,

89, 93, 95, 96, 101, 102,

103

F

Finta, 15, 113

I

Immigration, iv, v, 10, 13, 14,

15, 16, 18, 19, 20, 21, 26,

31, 33, 41, 42, 74, 75, 90,

92, 93, 100

Inquisitoire, 9, 70

Interpol, 71, 83, 88

M

Ministère des Affaires

étrangères, 21, 34, 36, 50,

58, 76, 94

Mungwarere, 1, 7, 69

Munyaneza, 1, 7, 69

Mutimura, 25, 61

N

Ngenzi, 1, 8, 61, 72, 79

R

Rwanda, 4, 5, 23, 24, 25, 34,

35, 39, 57, 60, 75, 79

S

Simbikangwa, 1, 8, 35, 61

Sosa Orantes, 93

T

Témoins, 2, 19, 35, 42, 64, 68,

69, 72, 79, 80, 81, 89, 90,

107

Terrorisme, 23, 28, 80, 90, 91

Torture, 29, 30, 36, 48, 52, 56,

57, 61, 97

TPIR, 4, 5, 23, 24, 25, 29, 39,

54, 57, 60, 62, 82, 89

TPIY, 4, 5, 23, 29, 39, 54, 57,

62, 82, 89

U

UE, 7, 16, 21, 24, 63, 85, 86,

87, 88, 91, 107

Union africaine, 91, 97, 103

V

Victime, 4, 34, 39, 43, 50, 51,

56, 57, 59, 60, 62, 64

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109

Bibliographie

I. Législation Législation canadienne

Charte canadienne des droits et libertés, partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, constituant l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R-U), 1982, c 11.

Code criminel, LR C 1985, c C-46.

Loi concernant l’extradition, modifiant la Loi sur la preuve au Canada, le Code criminel, la Loi sur l’immigration et la Loi sur l’entraide juridique en matière criminelle, et modifiant ou abrogeant d’autres lois en conséquence, LC 1999, c 18.

Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, LRC 1985, c R-10.

Loi sur le directeur des poursuites pénales, LC 2006, c 9.

Loi portant mise en œuvre des traités d’entraide juridique en matière criminelle et modifiant le code criminel, la Loi sur la responsabilité de l’État et la Loi sur l’immigration, LRC 1985, c 30 (4e supp).

Loi sur le ministère de la Justice, LRC 1985, c J-2.

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27.

Loi sur les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre, LC 2000, c 24.

Loi sur les crimes de guerre, SC 1946, c 73. Législation française

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Loi constitutionnelle n° 99-568 du 8 juillet 1999 insérant, au titre VI de la Constitution, un article 53-2 et relative à la Cour pénale internationale, JO, 9 juillet 1999, 10175.

Loi n° 64-1326 du 26 décembre 1964 tendant à constater l'imprescriptibilité des crimes contre l'humanité, JO, 29 décembre 1964, 11788.

Loi n°85-1407 du 30 décembre 1985 portant diverses dispositions de procédure pénale et de droit pénal, JO, 31 décembre 1985, 15505.

Loi n° 86-1020 du 9 septembre 1986 relative à la lutte contre le terrorisme et aux atteintes à la sûreté de l'État, JO, 10 septembre 1986, 10956.

Loi n° 95-1 du 2 janvier 1995 portant adaptation de la législation française aux dispositions de la résolution 827 du Conseil de sécurité des Nations Unies instituant un tribunal international en vue de juger les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de l'ex-Yougoslavie depuis 1991, JO, 3 janvier 1995, 71.

Loi n° 96-432 du 22 mai 1996 portant adaptation de la législation française aux dispositions de la résolution 955 du Conseil de sécurité des Nations unies instituant un tribunal international en vue de juger les personnes présumées responsables d'actes de génocide ou d'autres violations graves du droit international humanitaire commis en 1994 sur le territoire du Rwanda et, s'agissant des citoyens rwandais, sur le territoire d'Etats voisins, JO, 23 mai 1996, 7695.

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110

Loi n° 96-1235 du 30 décembre 1996 relative à la détention provisoire et aux perquisitions de nuit en matière de terrorisme, JO, 1er janvier 1997, 9.

Loi n° 97-1273 du 29 décembre 1997 tendant à faciliter le jugement des actes de terrorisme, JO, 31 décembre 1997, 19312.

Loi n° 2002-268 du 26 février 2002 relative à la coopération avec la Cour pénale internationale, JO, 27 février 2002, 3684.

Loi n° 2006-64 du 23 janvier 2006 relative à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers, JO, 24 janvier 2006, 1129.

Loi n° 2007-291 du 5 mars 2007 tendant à renforcer l'équilibre de la procédure pénale, JO, 6 mars 2007, 4208.

Loi n° 2010-930 du 9 août 2010 portant adaptation du droit pénal à l’institution de la Cour pénale internationale, JO, 10 août 2010, 14678.

Loi n° 2011-1862 du 13 décembre 2011 relative à la répartition des contentieux et à l'allègement de certaines procédures juridictionnelles, JO, 14 décembre 2011, 21105.

Loi n° 2012-1432 du 21 décembre 2012 relative à la sécurité et à la lutte contre le terrorisme, JO, 22 décembre 2012, 20281.

Loi n° 2013-669 du 25 juillet 2013 relative aux attributions du garde des sceaux et des magistrats du ministère public en matière de politique pénale et de mise en œuvre de l'action publique, JO 26 juillet 2013, 12441.

Loi n° 2014-1353 du 13 novembre 2014 renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme, JO, 14 novembre 2014, 19162.

Loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l'efficacité et les garanties de la procédure pénale, JO 4 juin 2016.

Législation européenne

CE, Action commune 98/427/JAI du 29 juin 1998 adoptée par le Conseil sur la base de l'article K.3 du traité sur l'Union européenne relative aux bonnes pratiques d'entraide judiciaire en matière pénale, [1998] JOUE, L 191 à la p 1.

CE, Décision 2002/494/JAI du Conseil du 13 Juin 2002 portant création d’un réseau européen de points de contact en ce qui concerne les personnes responsables de génocide, de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre, [2002] JOUE, L 167 à la p 1.

CE, Décision 2003/335/JAI du Conseil du 8 Mai 2003 concernant les enquêtes et les poursuites pénales relatives aux génocides, aux crimes contre l’humanité et aux crimes de guerre, [2003] JOUE, L 118 à la p 12.

CE, Décision 2009/426/JAI du Conseil du 16 Décembre 2008 sur le renforcement d’Eurojust et modifiant la décision 2002/187/JAI instituant Eurojust afin de renforcer la lutte contre les formes graves de criminalité, [2009] JOUE, L 138/14.

CE, Décision 2011/168/PESC du 21 mars 2011 concernant la Cour pénale internationale et abrogeant la position commune 2003/444/PESC, [2011] JOUE, L 76/56.

CE, Décision-cadre du Conseil du 13 juin 2002 relative aux équipes communes d'enquête, [2002] JOUE, L 162 à la p 1.

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111

CE, Directive 2012/29/UE du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2012 établissant des normes minimales concernant les droits, le soutien et la protection des victimes de la criminalité et remplaçant la décision-cadre 2001/220/JAI du Conseil, [2012] JOUE, L 315/57.

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CE, Projet de conclusions du conseil portant sur le Renforcement de la lutte contre l'impunité du crime de génocide, des crimes contre l'humanité et des crimes de guerre au sein de l'Union européenne et de ses États membres, [2015] JOUE, 15584/2/14 REV 2.

CE, Le Programme de Stockholm – une Europe ouverte et sûre qui sert et protège les citoyens, [2010] JOUE, C 115 à la p 1.

Législation américaine

OÉA, Secrétariat général, Charter of the Organization of American States (1948)

OÉA, Secrétariat général, Inter-American Convention on Extradition (1981).

OÉA, Secrétariat général, Inter-American Treaty Of Reciprocal Assistance (1947).

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Législation internationale

Accord concernant la poursuite et le châtiment des grands criminels de guerre des puissances européennes de l’Axe, et le Statut du Tribunal militaire y annexé, 8 août 1945, 82 RTNU 281 (entrée en vigueur : 8 août 1945).

Convention contre la torture et autres peines ou traitement cruels, inhumains ou dégradants, 10 septembre 1984, 1465 RTNU 85.

Convention des Nations Unies contre la corruption, 31 octobre 2003, 2349 RTNU 41.

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Convention pour l’amélioration du sort des blessés et des malades dans les forces armées en campagne, 12 août 1949, 75 RTNU 31.

Convention pour l’amélioration du sort des blessés, des malades et des naufragés dans les forces armées sur mer, 12 août 1949, 75 RTNU 85.

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112

Convention pour la prévention et la répression du génocide, 9 décembre 1948, 78 RTNU 277 (entrée en vigueur : 12 janvier 1951).

Convention relative au traitement des prisonniers de guerre, 12 août 1949, 75 RTNU 135.

Convention relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre, 12 août 1949, 75 RTNU 287.

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Model Treaty on Extradition, Rés AG NU, Doc off AG NU, Doc NU A/RES/45/16 (1990), en ligne: <http://www.unodc.org/pdf/model_treaty_extradition.pdf>.

Résolution 827 établissant le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, Rés CS NU, Doc off CS NU, Doc NU S/RES/827 (1993).

Résolution 955 établissant le Tribunal pénal international pour le Rwanda, Rés CS NU, Doc off CS NU, 49e sess, Doc NU S/RES/955 (1994).

Résolution 1503 du Conseil de sécurité sur la stratégie d’achèvement du Tribunal pénal international pour le Rwanda, Rés CS NU, Doc off CS NU, Doc NU S/RES/1503 (2003).

Statut de Rome de la Cour pénale internationale, 17 juillet 1998, 2187 RTNU 3, 37 ILM 1002 (entrée en vigueur : 1er juillet 2002).

II. Jurisprudence Jurisprudence canadienne

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R c Mungwarere, 2013 ONCS 4594.

R c Munyaneza, 2009 QCCS 2201.

R c Regan, [2002] 1 RCS 297.

R c Stinchcombe, [1991] 3 RCS 326. Jurisprudence française

Cass crim, 8 décembre 1906, (1906) D.1907.1.207 (Laurent-Atthalin).

Cass crim, 11 mai 2010, (2010) Bull crim, n°10-80.953.

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Cons. const. 2 mars 2004, (2004), n° 2004-492 DC.

Cons const, 30 juillet 2010, (2010), n° 2010-14/22 QPC.

Cons. cont., 5 août 2010, (2010) JO 10 août, n° 2010-612 DC.

Cons. const., 4 décembre 2013, (2013), n°2013-679 DC.

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113

Cons. const., 9 octobre 2014, (2014), n°2014-420/421 QPC.

Affaire Barbie, Cour ass Lyon, 4 juillet 1987, [non publié].

Affaire Ben Saïd, Cour ass Nancy, 24 septembre 2010, [non publié].

Affaire Ould Dah, Cour ass Nîmes, 1 juillet 2005, [non publié].

Affaire Papon, Cour ass Bordeaux, 2 avril 1998, [non publié].

Affaire Simbikangwa, Cour ass Paris, 14 mars 2014, [non publié].

Affaires Ngenzi et Barahira, Cour ass Paris, 6 juillet 2016, [non publié].

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Jurisprudence européenne

Mutimura c France, n°46621/99, [2004] CEDH.

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CEDH, 23 novembre 2010, France Moulin c. France.

Jurisprudence internationale

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III. Documents gouvernementaux Documents canadiens

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Barreau du Québec, Code de déontologie des avocats, c B-1, r 3.1

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Ministère de la Justice, « Crimes de guerre et crimes contre l’humanité » (7 janvier 2015), en ligne: <justice.gc.ca/fra/jp-cj/cdg-wc/part.html>.

Ministère de la Justice, « Le Service d’entraide internationale Guide » (7 juillet 2016), en ligne: <justice.gc.ca/fra/jp-cj/eej-emla/gs-db.html#sec3>.

Ministère de la Justice, Programme sur les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre. Évaluation sommative. Rapport final, Ottawa, 2008.

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Rapport Deschênes, Commission d’enquête sur les criminels de guerre, Ottawa, Approvisionnements et services Canada, 1986.

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Assemblée Nationale, Rapport n°2517 de M. Thierry Mariani fait au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de la législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale sur le projet de loi portant adaptation du droit pénal à l'institution de la Cour pénale internationale (19 mai 2010) à la p 86.

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Commission sur la répartition des contentieux, L’ambition raisonnée d’une justice apaisée – Rapport au garde des Sceaux (août 2008) aux pp 273-279 (président : Serge Guinchard) [Rapport Guinchard].

Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales, L’activité des offices centraux de la police judiciaire de la police et de la gendarmerie nationales (2015).

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VIII. Articles de périodiques

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Le Figaro, « Argentine : 15 condamnés pour génocide », Le Figaro (25 octobre 2014), en ligne: <http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2014/10/25/97001-20141025FILWWW00040-argentine-15-condamnes-pour-genocide.php>.

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Le Monde, « La France ouvre une enquête pour « crimes contre l’humanité » en Syrie », Le Monde (30 septembre 2015), en ligne: <http://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2015/09/30/la-france-ouvre-une-enquete-pour-crimes-de-guerre-contre-la-syrie_4777628_3218.html>.

Le Monde, « L’ex-première dame ivoirienne Simone Gbagbo sera jugée pour crimes contre l’humanité », Le Monde (21 avril 2016), en ligne: <http://www.lemonde.fr/afrique/article/2016/04/21/l-ex-premiere-dame-ivoirienne-simone-gbagbo-sera-jugee-pour-crimes-contre-l-humanite_4906452_3212.html>.

Vincent, Élise, « Procès Rwanda : un nouveau test pour le « pôle génocide » », Le Monde (11 mai 2016), en ligne: <http://www.lemonde.fr/afrique/article/2016/05/11/proces-rwanda-un-nouveau-test-pour-le-pole-genocide_4917113_3212.html>.

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IX. Sites web

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Toute l’Europe, « EUROPOL, Office européen de police », Toute l’Europe (2 février 2016), en ligne: <http://www.touteleurope.eu/l-union-europeenne/autres-institutions/synthese/europol-office-europeen-de-police.html>.