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Michelle GILLET Article - Colloque du 19 Novembre 2010 à l’IPAG 1 La systémique, grille de lecture dans les universités pour maîtriser la complexité et la mouvance de l’environnement Par Michelle Gillet 1 Résumé : Dans l’environnement actuel des universités, caractérisé par l’incertitude et la mouvance, la systémique, par son approche globale et dynamique, offre un cadre conceptuel à l’évolution des méthodes de gestion. La définition triviale du concept de système proposée en 1977 par Jean-Louis Le Moigne 2 peut servir de fil conducteur à l’analyse des différents angles de vue des problèmes actuels, afin de construire une stratégie de développement pour l’organisation, qui prenne en compte les besoins des différents acteurs. Abstract : In the current environment of universities, characterized by uncertainty and flux, the systemic, for its global and dynamic approach, provides a conceptual framework to change management practices. The definition of trivial system concept, suggested in 1977 by Jean-Louis Le Moigne 2 , can provide a guide to analyze the different points of view of current problems, in order to build a strategy of development for the organization, which takes into account the needs of the different actors. Introduction : La démarche proposée dans cet article a son origine dans l’observation des comportements managériaux dans les universités. Ces constatations ont été réalisées, depuis une dizaine d’années, dans le cadre des missions de consultants réalisées pour QUASAR Conseil, lors de la mise en place d’outils intégrés au système d’information, ayant pour but de faciliter l’adaptation des établissements aux évolutions des exigences de leur environnement. Dans la France contemporaine, les dirigeants des universités, qu’ils soient chefs de services, notamment DGS, ou élus, sont confrontés à la nécessité d’apprendre à maîtriser un environnement complexe, mouvant, voire menaçant. Pour une équipe présidentielle, il est nécessaire d’arriver à cerner les conséquences sur l’établissement, des décisions prises par les acteurs de l’environnement, en premier lieu, les tutelles. En tant qu’opérateur de l’Etat, les universités (ou EPSCP) sont soumises aux nouvelles règles de gestion définies par la LOLF (Loi Organique relative aux Lois de Finances), votée en août 2001 et mise en place au 1 er janvier 2006. Elles seront également concernées par les nouvelles règles issues de la RGPP (Révision Générale des Politiques Publiques). Plus spécifiquement, en tant qu’établissement d’enseignement supérieur et de recherche, une université est soumise à un train de réformes successives, qui bouleversent le cadre de ses activités et les repères de ses acteurs internes. 1 Michelle Gillet, PRAG à l’IAE de Poitiers et consultante en Systèmes d’Information (société QUASAR Conseil) 2 Jean-Louis Le Moigne, La théorie du système général, PUF 1977

La systémique, grille de lecture dans les universités pour

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Michelle GILLET Article - Colloque du 19 Novembre 2010 à l’IPAG

1

La systémique, grille de lecture dans les universités pour maîtriser la

complexité et la mouvance de l’environnement

Par Michelle Gillet1

Résumé : Dans l’environnement actuel des universités, caractérisé par l’incertitude et la mouvance,

la systémique, par son approche globale et dynamique, offre un cadre conceptuel à l’évolution des

méthodes de gestion. La définition triviale du concept de système proposée en 1977 par Jean-Louis

Le Moigne2 peut servir de fil conducteur à l’analyse des différents angles de vue des problèmes

actuels, afin de construire une stratégie de développement pour l’organisation, qui prenne en

compte les besoins des différents acteurs.

Abstract : In the current environment of universities, characterized by uncertainty and flux, the

systemic, for its global and dynamic approach, provides a conceptual framework to change

management practices. The definition of trivial system concept, suggested in 1977 by Jean-Louis Le

Moigne2, can provide a guide to analyze the different points of view of current problems, in order to

build a strategy of development for the organization, which takes into account the needs of the

different actors.

Introduction :

La démarche proposée dans cet article a son origine dans l’observation des comportements

managériaux dans les universités. Ces constatations ont été réalisées, depuis une dizaine d’années,

dans le cadre des missions de consultants réalisées pour QUASAR Conseil, lors de la mise en place

d’outils intégrés au système d’information, ayant pour but de faciliter l’adaptation des

établissements aux évolutions des exigences de leur environnement.

Dans la France contemporaine, les dirigeants des universités, qu’ils soient chefs de services,

notamment DGS, ou élus, sont confrontés à la nécessité d’apprendre à maîtriser un environnement

complexe, mouvant, voire menaçant.

Pour une équipe présidentielle, il est nécessaire d’arriver à cerner les conséquences sur

l’établissement, des décisions prises par les acteurs de l’environnement, en premier lieu, les tutelles.

En tant qu’opérateur de l’Etat, les universités (ou EPSCP) sont soumises aux nouvelles règles de

gestion définies par la LOLF (Loi Organique relative aux Lois de Finances), votée en août 2001 et mise

en place au 1er janvier 2006. Elles seront également concernées par les nouvelles règles issues de la

RGPP (Révision Générale des Politiques Publiques).

Plus spécifiquement, en tant qu’établissement d’enseignement supérieur et de recherche, une

université est soumise à un train de réformes successives, qui bouleversent le cadre de ses activités

et les repères de ses acteurs internes.

1 Michelle Gillet, PRAG à l’IAE de Poitiers et consultante en Systèmes d’Information (société QUASAR Conseil)

2 Jean-Louis Le Moigne, La théorie du système général, PUF 1977

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Le décret du 19 avril 2002 relatif au SAIC (Services d’Activités Industrielles et Commerciales des

universités) en précise les modalités de gestion. Il introduit de nouveaux concepts et de nouvelles

méthodes : la comptabilité analytique en coût complet, la sectorisation des activités lucratives et non

lucratives.

En 2006, la Loi sur la Recherche du 18 avril et la création des pôles de compétitivité, appel à projets

lancé par le gouvernement en décembre 2004, avaient modifié le paysage de la recherche

universitaire.

En 2007, la LRU (Loi du 10 août 2007), instaurant le passage aux RCE (Responsabilités et

Compétences Elargies), entraîne l’obligation de maîtriser la masse salariale, le patrimoine immobilisé

et le pilotage budgétaire de l’établissement.

En 2009, l’introduction du modèle SYMPA (SYstème de répartition des Moyens à la Performance et à

l'Activité), en remplacement du modèle San Remo, introduit une méthode de calcul de dotation à

l’activité, proche de celle qui a été implantée dans les établissements publics de santé, la T2A

(Tarification A l’Activité).

Parallèlement d’autres acteurs de l’environnement des universités, qui ont un fort impact sur le

développement d’un établissement universitaire, ont modifié leurs modes de fonctionnement. Il

s’agit notamment de l’accès aux fonds de financement de la recherche, qui s’appuie essentiellement

sur la notion d’appels à projets, au niveau local, national comme européen. On peut cependant

remarquer que les exigences de ces acteurs, en termes de règles de gestion, convergent avec les

exigences de réformes de l’Etat et du MENESR.

Des acteurs plus lointains de l’environnement, comme l’Université de Shanghai et son classement

des établissements au niveau mondial, ont un impact important sur l’avenir de l’établissement.

L’action de ce type d’acteurs de l’environnement entraîne une motivation forte pour atteindre la

taille critique permettant d’être visible et reconnu à l’échelle mondiale.

C’est également une motivation pour procéder au regroupement des universités, notamment sur

une base géographique, dans le cadre des PRES.

Donnons quelques exemples d’observations, pour illustrer les effets de ces mutations de

l’environnement sur les établissements, et de la difficulté des dirigeants à en maîtriser les impacts.

Il n’est pas rare d’entendre un DGS prôner de prendre, dans divers domaines, la solution de la

majorité, même si l’établissement est persuadé de son inadéquation, plutôt que de se distinguer en

créant sa propre démarche. Le leitmotiv est de « ne pas faire de vague ».

Lors d’une démarche de PRES fusion, les dirigeants sont souvent tournés vers la conquête du

pouvoir, laissant les acteurs de leurs établissements dans l’incertitude du lendemain, avec une

réorganisation menée par un consultant extérieur et des instances élues quelques jours avant la mise

en œuvre du nouvel établissement. Dans les mois qui suivent, tandis que les politiques s’auto

congratulent, force est de constater, sur le terrain, le développement d’une entropie importante

entraînant des coûts parasites et une très grande insatisfaction des personnels du nouvel

établissement.

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Michelle GILLET Article - Colloque du 19 Novembre 2010 à l’IPAG

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De nombreux établissements préfèrent laisser gérer leurs contrats de valorisation de recherche par

le CNRS ou d’autres EPST, plutôt que d’acquérir les compétences dans ce domaine. Les résultats de la

valorisation sont alors fléchées sur l’EPST, y compris dans les médias.

Dans de nombreux établissements, les dirigeants n’obtiennent pas d’alignement concernant les

thématiques de recherche ou la diffusion des publications de leurs chercheurs sur des sites

d’archives ouvertes.

En conséquence, il apparaît que le besoin de maîtriser les impacts que les acteurs de

l’environnement ont sur le développement d’un établissement universitaire, implique pour l’équipe

dirigeante d’avoir une vision globale et dynamique de l’établissement et de ses relations avec un

environnement, qui est de plus en plus complexe.

Pour atteindre cet objectif, nous proposerons dans cet article aux universités l’utilisation de l’analyse

systémique comme grille de lecture de leur univers, et comme vecteur pour mettre en œuvre le

management stratégique.

Pour rendre opérationnelle cette approche, dans le cadre du type d’organisations que constituent les

universités, nous proposons d’utiliser le questionnement sous-jacent à la définition triviale du

concept de système, proposée par Jean-Louis Le Moigne dans La théorie du système général3.

Chacun des éléments de cette définition va servir de fil conducteur pour une compréhension globale

de la problématique de l’organisation et pour la mise en œuvre d’un nouveau type de management,

le management stratégique, adapté au contexte de l’environnement actuel.

Afin d’initialiser ce parcours, il nous faut énoncer la définition « triviale » du concept de système.

« Un système est quelque chose qui, dans quelque chose, fait quelque chose, pour quelque chose,

avec quelque chose, et qui se transforme. »

Nous allons reprendre chacun de ces éléments pour déterminer une méthode qui permettrait aux

universités de passer de la gestion de crise, associée à la culture des moyens, à la gestion stratégique,

associée à la culture du résultat.

La dernière partie cherchera à proposer une démarche pour gérer les changements de

positionnement de l’établissement, de manière à obtenir un équilibre dynamique de l’organisation.

3 Jean-Louis Le Moigne, La théorie du système général, PUF 1977, p.61 et 62

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I - L’université est un système

La vision systémique de la réalité correspond à une approche globale et dynamique où

l’établissement est positionné par rapport aux acteurs de l’environnement avec lesquels il entre en

interaction.

Schéma 1 : Structure du système et interactions avec son environnement

Le schéma ci-dessus, montre à la fois la structure du système, avec les interactions de ses éléments

composants et l’interaction avec les principaux types d’acteurs de l’environnement.

Un système est composé :

- de modules opérationnels qui mènent l’activité du système, en interagissant avec

l’environnement, ce qui leur permet de collecter des données sur les conditions de celui-ci,

- de modules pilotes qui prennent les décisions engageant l’avenir du système, mais qui n’ont

pas d’interaction directe avec l’environnement, dans le cadre de l’activité quotidienne de

l’établissement. On pourrait objecter que les modules pilotes des établissements,

notamment les présidents, participent à des instances de mutualisation entre

établissements, comme la CPU (Conférence des Présidents d’Université). La collecte des

données concernant l’état de l’environnement d’un système est parallèle aux processus de

transformation des entrants en extrants, avec création de valeur ajoutée. Cette

transformation est réalisée par les opérationnels dans le cadre de l’activité du système.

Lorsque les individus qui composent les modules pilotes d’organisations similaires se

réunissent dans le cadre d’une instance, aucun d’eux n’est impliqué dans les processus de

transformation créateurs de valeur ajoutée. Ils ne sont donc pas dans leur organisation au

contact des conditions de leur environnement. Ils ne peuvent que partager les informations

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indirectes qui leurs sont fournies, via le système d’information, par la collecte des données

des opérationnels de leur établissement. Pour utiliser une métaphore, ce ne sont pas les

yeux (modules opérationnels) qui « voient », mais le cerveau qui interprète les points colorés

lumineux captés par les yeux et transmis au cerveau (module pilote), par le nerf optique

(système d’information). Néanmoins, si les yeux ne captent pas les points lumineux et

colorés et/ou si le nerf optique ne transmet pas l’information, le cerveau ne pourra pas

interpréter l’image et prendre de décision.

- en conséquence, pour prendre les décisions dans de bonnes conditions, les modules pilotes

ont besoin des informations collectées par les modules opérationnels et traitées par le

système d’information. Le système d’information assure, dans cette optique, le couplage

organisationnel entre les modules opérationnels et les modules pilotes. On peut l’assimiler

au système nerveux d’un être évolué, tel qu’un être humain.

I-1 - Première affirmation : « un système, c’est quelque chose… »

Cette affirmation amène à chercher à définir le type d’objet auquel on a affaire. Cette définition peut

être envisagée d’un point de vue statique ou d’un point de vue dynamique.

Point de vue statique : il s’agit d’une vision de ce qu’est une université au présent.

Plusieurs angles de vue peuvent exister sur ce qu’est une université, voire même coexister au sein

du même établissement.

1er type d’opposition de points de vue : On rencontre souvent des présidents qui se considèrent

comme des dirigeants d’organisations ayant une autonomie de prise de décision. Mais on rencontre

également des DGS qui considèrent que les établissements étant des opérateurs de l’Etat, ils ont

pour mission d’exécuter les consignes et de se conformer quasi exclusivement aux règles édictées

par les tutelles. Cette opposition est une manifestation du bicéphalisme du pouvoir que l’on

rencontre dans tous les types d’établissements publics entre les élus et les services. Mais c’est

également l’effet des rôles attribués par les tutelles aux différents acteurs, des discours qui leurs sont

tenus et des modes de « reporting » qui sont mis en place par les ministères. Dans certains cas, le

positionnement de certains acteurs, vu d’un Ministère, relève de ce que l’on appelle « l’œil de

Moscou ». Paradoxalement, cela semble être encore plus flagrant depuis l’introduction de la LRU

introduisant le passage aux RCE.

2ème type d’opposition de points de vue : Les élus et les cadres des services centraux prônent une

vision globale de l’établissement, tandis que les doyens des composantes disciplinaires visent à

mener des politiques indépendantes. Lors des audits de passage aux RCE, l’IGAENR a insisté sur la

nécessité d’avoir une vision globale d’établissement. La maîtrise de la masse salariale, par plafonds et

enveloppes, échappe aux composantes. Dans cette optique, elles n’ont plus la maîtrise de recruter

librement leurs contractuels. La maîtrise du patrimoine immobilisé, et notamment l’imputation des

dotations aux amortissements, passe également par la centralisation au niveau établissement. Les

marges de manœuvre des composantes s’effritent totalement, créant une situation de tension.

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Un autre facteur agit sur le renforcement des forces centrifuges et la dilution du pouvoir de décision

dans l’établissement. Ce phénomène est lié aux laboratoires de recherche constitués en unités

mixtes de recherche (UMR), au sein desquels l’université est associée à des EPST ou à d’autres EPSCP.

Le sentiment d’appartenance des acteurs des UMR est principalement axé sur leur laboratoire avant

de l’être sur l’établissement. Ils rattacheront leurs publications, leurs contrats, leurs dossiers de

propriété intellectuelle au laboratoire en priorité.

Le fait que ces points de vue se confrontent fréquemment au sein d’un même établissement signifie

que les acteurs de la prise de décision sont partagés dans leur vision du monde.

Envisageons les conséquences de ces différents points de vue :

- L’université est essentiellement un opérateur de l’Etat : de ce point de vue, la prise de

décision stratégique ne se fait pas au niveau de l’établissement mais au niveau du Ministère.

Cette vision aboutit à la pérennisation de la culture des moyens. C’est ce qu’expriment les

responsables qui affirment qu’en tant qu’opérateur de l’Etat, l’université doit

essentiellement se conformer aux textes, instructions, règlements, qui lui dictent sa voie.

- L’université est un regroupement de composantes : dans cette vision, le pouvoir de prise de

décision est dilué dans les composantes. L’équipe présidentielle est obligée d’adopter un

comportement consensuel, afin d’éviter l’implosion de l’établissement, sous l’effet des

forces centrifuges. Cette vision aboutit au management de crise. C’est ce qu’expriment de

nombreux directeurs de composantes qui veulent définir et mener leur propre stratégie de

manière prioritaire à celle de leur établissement.

- L’Université est une organisation indépendante où l’équipe dirigeante se doit d’assurer le

développement à long terme. Cette vision permet la mise en œuvre du management

stratégique. C’est le sens que Christine Musselin donne à l’évolution des universités4, où les

équipes dirigeantes renforcent leur positionnement. Certains présidents d’université se

conçoivent comme des chefs d’entreprise, qui, avec leur comité de direction, se doivent de

prendre des décisions stratégiques et les mettre en œuvre. Ils considèrent alors le cadre

normatif des tutelles comme une donnée de leur environnement, qui peut constituer des

opportunités ou des menaces, à prendre en compte dans la prise de décision stratégique.

Point de vue dynamique : il s’agit d’une vision de ce qu’une université peut ou doit être demain.

L’évolution de « l’espèce organisationnelle » université est poussée de toute part vers une taille

croissante, par des mécanismes de croissance externe : fusion, scission, absorption.

La recherche de la taille critique est en premier lieu un facteur endogène. Elle est liée à la recherche

de pouvoir de l’équipe dirigeante. Comme tous les dirigeants salariés, les dirigeants des universités

tirent une aura personnelle, qui rejaillit sur leur carrière, du développement de leur établissement.

La recherche de la taille critique est également issue d’un facteur exogène. Dans ce cas, elle est liée à

la pression des collectivités territoriales, qui poussent au regroupement des établissements présents

4 Christine Musselin, Universités françaises : l’autonomie tant attendue ? Sciences humaines Hors série N° 28 Le

changement De l’individu aux sociétés Mars/Avril/Mai 2000

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sur leur territoire, afin de pouvoir afficher, au plan national et international, un pôle universitaire de

renom.

Pour réussir cette évolution, qui correspond à la structure des PRES Fusion, l’équipe dirigeante

devrait posséder la maîtrise de la stratégie de croissance externe.

Ce type de stratégie est difficile à réussir dans tous les types d’organisation, car il faut absolument

obtenir un certain nombre de résultats dès le début du projet, sous peine d’échec. Il faut notamment

posséder une nouvelle équipe dirigeante et un système d’information homogènes. Pour des raisons

statutaires, la formation de la nouvelle équipe dirigeante est tardive dans les fusions d’universités.

On constate également que les systèmes d’information n’étant pas conformes à la définition

systémique, mais étant plutôt un puzzle d’outils informatiques et bureautiques, leur fusion est

difficile et n’apporte pas d’efficacité à l’organisation créée.

Ce premier questionnement, issu de la définition triviale du concept de système, permet de poser

qu’il existe un problème de définition de périmètre de l’objet université et un problème de vision de

ce qu’il est au sein même de son organisation.

I-2 - Deuxième affirmation : « un système, c’est quelque chose qui, dans quelque chose, … »

Comme tout système, l’université est dans un environnement avec lequel elle entre en interaction

permanente pour mener ses activités.

Le schéma 2 montre que les acteurs de l’environnement sont de natures très diverses et qu’ils

appartiennent tant à l’espace national qu’international, ce qui est cohérent avec la mondialisation

généralisée de notre société.

Schéma 2 : Les différents acteurs de l’environnement : leurs rôles et leur perception

Universités

étrangères

Classement

de Shanghai

ÉCONOMIE

mondiale

Formation et recherche au plan international

Formation et recherche au plan national

ECONOMIE

nationale

MENESR

et MINEFI

ANR PRES

EPST

Partenaires ou

concurrents ?

Tutelles

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Plusieurs types d’acteurs de l’environnement ont un impact important sur un établissement

universitaire.

- Dans le contexte national :

o Les EPST

L’organisation de la recherche en France depuis l’après-guerre entraîne que l’université n’a

pas le monopole de la recherche publique. Elle partage ce rôle avec les EPST présents dans

les laboratoires de type UMR (Unité Mixte de Recherche). Cette relation est ambivalente. On

constate aujourd’hui que, de manière insidieuse, cette relation avec les EPST tend à vider

l’université de sa substance, en matière de recherche.

Quelques exemples permettent de s’en persuader.

a) Lorsque l’on consulte les différents systèmes d’archives ouvertes, qui référencent les

publications des chercheurs, présents dans les laboratoires de l’université et salariés de

celle-ci, on constate qu’une minorité seulement des publications est attachée au critère

de recherche de l’université. En effectuant une recherche de ce type sur le site HAL du

CNRS5, on a pu constater que les publications listées pour l’ensemble d’une université et

pour une année représentaient à peine 20% du nombre de publications de son principal

laboratoire de recherche, UMR avec le CNRS et une école d’ingénieur. Cela nuit à la

visibilité nationale et internationale de l’université, les publications étant reliées au

critère du laboratoire et du partenaire EPST, dans la plupart des cas.

b) On peut constater le même type de phénomène en ce qui concerne les contrats de

recherche et la gestion de la propriété intellectuelle. Pour des raisons de compétences et

de masse critique en termes organisationnels, les universités confient volontiers aux

EPST, notamment au CNRS, la gestion de contrats de recherche et de la propriété

intellectuelle. La généralisation du mandat unique de gestion dans les UMR favorise

cette méthode. Sur le plan de la gestion, c’est effectivement une mesure qui semble

rationnelle. Mais cela accroit l’habitude de rattacher les résultats de la recherche d’une

UMR à l’EPST et non à l’université. Lisant dans une revue scientifique un article sur une

invention importante, connaissant les inventeurs, enseignants-chercheurs dans une

université, appartenant à un laboratoire ayant un EPST pour cotutelle, il a été surprenant

de constater que seul le nom des inventeurs et de l’EPST étaient cités. Ce type de

phénomènes crée un déficit d’image pour l’université.

o les grandes écoles

Les grandes écoles sont en position de concurrence par rapport aux universités, dans le

contexte français de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Qu’il s’agisse d’écoles d’ingénieurs ou d’écoles de commerce, cette dualité a tendance à

semer la confusion et à diviser les potentiels tant en enseignement qu’en recherche.

D’autant qu’actuellement, on trouve ce type d’écoles aussi bien intégrées à l’université

qu’autonomes. Par rapport à l’objectif de reconnaissance à l’échelle nationale et

internationale, la division des ressources et le peu de lisibilité des structures est un handicap.

o les collectivités territoriales

5 Site Internet HAL, archive ouverte pluridisciplinaire : hal.archives-ouvertes.fr

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Elles font pression sur les établissements de leur territoire, pour les pousser à constituer des

PRES. Dans les agglomérations ou dans les régions possédant plusieurs universités, les

collectivités territoriales incitent à la fusion, en assortissant cette opération de subventions

non négligeables. Cette pression peut amener à réaliser des opérations de fusion qui ne

respecteront pas les règles évoquées précédemment, hypothéquant les chances de réussite

de l’opération de croissance externe.

o le financement de la recherche au niveau national

La recherche publique a été amenée à diversifier ses sources de financement. Actuellement,

l’essentiel des financements sont issus de la réponse aux appels à projet d’organisations

telles que l’ANR ou les collectivités territoriales. La mise en œuvre d’une stratégie de

recherche au sein d’un établissement universitaire passe par le contrôle des processus par

lesquels les chercheurs, au sein des laboratoires de l’établissement, répondent aux appels

d’offre. La non maîtrise de ces processus au niveau global de l’organisation va entraîner

l’impossibilité de mettre en œuvre une stratégie de recherche s’appuyant sur des

thématiques rendant visible l’établissement. Les chercheurs auront la possibilité de se

comporter comme des électrons libres. Contrôler les modalités de réponse aux appels d’offre

n’est pas chose facile, car les financeurs du type ANR proposent des modalités de réponse

directe et en ligne aux chercheurs, renvoyant en fin de processus le quitus de

l’établissement. Dans la majorité des cas, les financeurs lancent des appels à projet dont la

durée est de deux ou trois ans. C’est donc à l’établissement d’avoir des perspectives à plus

long terme sur des thématiques de recherche porteuses en termes stratégiques. Dans cette

optique, obtenir un financement sur réponse à un appel à projet n’est plus une fin en soi,

mais une étape dans le développement d’un Domaine d’Action Stratégique (DAS).

- Dans le contexte international :

o les financeurs internationaux, notamment l’Union Européenne:

L’UE constitue un financeur essentiel des projets de recherche. Monter un dossier, trouver

les partenaires européens, et, en cas de succès, gérer le projet en tant que chef de file,

constitue un parcours qui exige des compétences au sein de l’établissement et des processus

de gestion précisément modélisées et mis en œuvre. Dans la phase de négociation, il faut

être capable de faire du « lobbying » pour avoir une chance d’être sélectionné. Cela pose un

problème de masse critique pour avoir la capacité de financer le recrutement d’un spécialiste

des appels à projets européens. Dans la phase de gestion du projet, lorsque l’établissement

est chef de file, il faudrait avoir les méthodes et les outils de traitement de l’information

permettant d’obtenir la qualité requise de la gestion sans coûts parasites. Dans la réalité, on

constate que l’essentiel des outils de gestion tournent autour de l’usage d’outils

bureautiques.

o Les partenariats avec les établissements étrangers

La stratégie de développement d’une université va buter sur le partage « du marché

intérieur », notamment en ce qui concerne l’activité de formation initiale. Les universités

vont devoir se développer à l’international, en nouant des relations avec des établissements

étrangers. De la mobilité étudiante, dans le cadre des programmes ERASMUS aux contrats

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d’ingénierie pédagogique ou aux réponses communes à des appels à projet internationaux,

l’activité des universités est de plus en plus tournée vers l’international. C’est le moyen de

poursuivre la croissance avec un « marché intérieur» de taille limitée, où seuls quelques

établissements très attractifs, grâce à leur renommée, peuvent prétendre à se développer

sur le territoire national. L’activité internationale n’est pas sans embûches. Les universités

françaises subissent la baisse d’attractivité de notre langue et de notre culture. Pour les

programmes ERASMUS, par exemple, nous avons plus d’étudiants qui partent à l’étranger

que d’étudiants européens qui viennent en France. A quelques exceptions, les universités

subissent les effets de leur taille insuffisante.

o Le classement de Shanghai

L’université de Shanghai a créé un grand remous dans l’environnement des universités, avec

son classement des 500 premières universités mondiales. Certes, il y a de nombreuses

critiques concernant les critères de classement. Néanmoins, tous les établissements, et

même la politique du Ministère, sont orientés vers l’obtention d’un nombre plus important

d’établissements français classés et vers l’obtention de meilleures places. C’est un facteur de

motivation très important qui pousse au regroupement des universités, prôné par de

nombreux acteurs de l’environnement. Mais, sans apporter de solutions aux problèmes de

défaut d’identification des activités de recherche par rapport à l’université et au problème de

rayonnement de la langue et de la culture française, problèmes décrits précédemment, on

peut douter de l’efficacité réelle du processus de concentration en cours.

La prise de décision stratégique implique de bien connaître les acteurs de l’environnement à forts

impacts sur l’établissement, car ils sont source d’opportunités et de menaces qu’il faut savoir

analyser. Pour cela le pré requis fondamental est la maîtrise de la démarche de prise de décision

stratégique au sein de l’établissement.

C’est un des aspects de la méthode de prise de décision IMC (Intelligence Modélisation Choix)

d’Herbert Simon6, qui offre une méthode de prise de décision et de mise en œuvre de la stratégie en

cohérence totale avec la vision systémique de l’organisation.

6 Herbert Simon, Human problem solving, (avec A. Newell), (1972), Englewood Cliffs, NJ: Prentice-Hall.

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Schéma 3 : Le management stratégique d’après H. Simon et les effets judo et karaté d’après J. Apter

La méthode IMC d’Herbert Simon dans la théorie de la prise de décision est bien connue. Sa mise en

œuvre dans le contexte d’un établissement universitaire appelle néanmoins quelques remarques. On

ne peut pas se contenter d’énoncer le point de départ de la méthode, notamment la confrontation

« forces et faiblesses de l’organisation » avec « opportunités et menaces de l’environnement »,

comme un principe aisé à mettre en œuvre. L’éclairage de la systémique et de la posture

épistémologique constructiviste qui lui est sous-jacente, amène une interprétation plus complexe de

ce principe. L’analyse opportunités - menaces est notamment centrée sur la problématique de la

relation de l’organisation à son environnement, objet du questionnement qui nous intéresse à cette

étape de la définition de l’université en tant que système. L’orientation constructiviste nous amène à

remarquer que l’environnement dont nous venons de donner quelques caractéristiques ne présente

en lui-même ni opportunités, ni menaces, mais qu’il crée des événements par la décision de ses

acteurs, qui ont des impacts sur les universités. La perception d’un événement comme étant une

opportunité ou une menace pour l’organisation est donc subjective. Cette perception va être

influencée par la vision de ce qu’est l’établissement que possède le sujet. On constatera donc de

grandes divergences d’un sujet à l’autre, y compris au sein d’un même établissement. Si l’on se

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Michelle GILLET Article - Colloque du 19 Novembre 2010 à l’IPAG

12

réfère au développement du point I-2, il est clair que la perception des événements en tant

qu’opportunités ou menaces pourra connaître des différences importantes d’un sujet à l’autre. Il

pourra donc être très difficile au sein d’un établissement de parvenir à une vision commune des

différents types d’acteurs impliqués dans la prise de décision. Cela pourrait entraîner un effet

paralysant sur l’établissement. On doit remarquer également que la perception d’un événement

comme étant opportun ou menaçant est également liée à la vision que le sujet a des forces et

faiblesses de son organisation. L’effort d’introspection organisationnelle que présuppose l’analyse

forces et faiblesses peut être réduit à néant par des visions du monde divergentes chez les décideurs.

Nous analyserons également au point IV-1 les effets de la culture de l’organisation et de sa structure

sur sa capacité à développer l’analyse forces et faiblesses. La culture et la structure aura également

un impact sur les autres phases du processus de prise de décision et de gestion stratégique.

S’adapter à l’évolution de son environnement est une obligation en termes de survie pour toute

espèce vivante, qu’elle soit biologique ou sociale. Parmi les choix possibles, certains pourront se

révéler plus judicieux que d’autres, notamment en termes d’efficience. Pour aider les décideurs à

choisir parmi les axes de développement possibles, on peut utiliser l’analyse de Jacques Apter7, qui

différencie les actions à effet judo et à effet karaté. La mise en œuvre de la stratégie utilisera les

méthodes de ces disciplines sportives. Dans les actions à effet judo, on se servira de la flexibilité de

l’organisation comme avantage de souplesse pour déstabiliser l’adversaire. A l’opposé dans les

actions à effet karaté, on concentrera toutes les ressources disponibles de l’organisation, réduisant la

flexibilité à zéro, pour mettre à terre l’adversaire. Pour une organisation, il est donc plus facile de

choisir en priorité les actions à effet judo et de ne se lancer dans des actions à effet karaté que dans

les cas où toute autre solution est impossible.

Si l’on se réfère au schéma ci-dessous, le positionnement des projets, à mener dans le cadre de la

mise en œuvre de la stratégie, sur les branches d’une hyperbole équilatère permet de visualiser

l’importance du résultat obtenu par rapport à l’intensité de l’effort consenti.

7 Jacques Apter, De nouveaux outils pour maîtriser la dynamique de l’entreprise, L’Harmattan 2002

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Michelle GILLET Article - Colloque du 19 Novembre 2010 à l’IPAG

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Schéma 4 : Positionnement des projets « effet judo » et « effet karaté »

Sur la branche « a » de l’hyperbole, la variation de résultat (marge de progression obtenue) est plus

que proportionnelle par rapport à l’effort consenti (consommation de ressources supplémentaires).

Les projets positionnés sur cette branche ne nécessitent pas d’affecter toutes les ressources

disponibles pour réussir. Ils laissent la possibilité de disposer de flexibilité (ressources inemployées)

ce qui rend la situation interne moins tendue. Cela correspondra aux projets de type « effet judo »

Sur la branche « b » de l’hyperbole, si la situation concurrentielle exige de gagner encore en qualité

dans un domaine où l’organisation est déjà très performante, il faudra mobiliser toutes les

ressources disponibles, ramenant la flexibilité à zéro, pour glaner un progrès modeste. Cette

situation est très tendue, elle correspondra aux projets de type « effet karaté ».

Δ 1 Δ 3

Δ 4

Δ 2

Résultat

s

Efforts (consommations

de ressources)

a. Projets à effet judo, maintien de la

flexibilité (ressources disponibles car

besoins faibles de ressources pour réussir

le projet)

b. Projets à effet karaté, suppression de la

flexibilité (affectation du maximum de

ressources disponibles pour réussir le projet)

0

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II - L’université : un système finalisé

II-1 - Troisième affirmation : « un système c’est quelque chose qui, dans quelque chose, fait quelque

chose … »

Toute organisation mène des activités qui doivent lui permettre d’atteindre son but. Le schéma 1

montre que ces activités, menées par les modules opérationnels les amènent à entrer en interaction

avec l’environnement. C’est dans ce cadre que les modules opérationnels collectent les données, qui

seront transmises et traitées par le système d’information afin d’aider la prise de décision par les

modules pilotes.

Plusieurs aspects doivent être pris en compte.

- Pour qu’une organisation, quelle qu’elle soit, ait vocation à survivre à long terme, ses

activités doivent créer de la valeur ajoutée. Cette constatation se déduit de la définition du

système. Les activités doivent permettre d’atteindre le but de l’organisation, qui s’évalue

parfois en termes de bénéfice, mais toujours en termes de création de valeur pour les ayants

droits. Mais on peut constater également que cette affirmation est cohérente avec le

principe de la LOLF, faire passer les opérateurs de l’Etat d’une culture des moyens à une

culture du résultat. Dans le cadre de la LOLF, on raisonne en termes de missions, de

programmes et d’actions dont on doit pouvoir prévoir et mesurer les résultats.

- Pour réaliser cette mutation culturelle et obtenir une bonne allocation des ressources,

permettant de bonnes conditions d’obtention de la valeur ajoutée, il faut avoir des acteurs

compétents. Comment définir la compétence des acteurs du système ? On peut se référer

aux principes de l’ISO 9000 V2000, qui définit, au nombre de ses principes fondateurs,

l’obligation pour l’organisation de gérer la compétence de ses salariés. Un salarié est

compétent dans son poste s’il possède les savoirs, savoir-faire et savoir-être, qui

correspondent à celui-ci. Cela entraîne l’obligation pour les dirigeants de communiquer pour

obtenir l’alignement stratégique des salariés. Il s’agit de répondre à l’ensemble des questions

qui se posent pour chaque acteur et chaque tâche d’un processus. Pour mener ses activités

de manière efficace, un salarié appartenant aux modules opérationnels a besoin d’avoir des

réponses à un ensemble de questions que l’on résume habituellement sous le sigle QQQOCP

(Qui, Quand, Quoi, Où, Comment, Pourquoi). Dans les universités, comme c’est le cas dans

de nombreuses entreprises, les décideurs éludent fréquemment le « pourquoi », ce qui sous-

entend que les opérationnels peuvent se contenter du quoi et du comment. Dans une

période de mutations profondes, comme l’est la période actuelle, où la définition même du

périmètre de l’organisation est floue, ainsi que nous l’avons montré précédemment (I-1), la

communication est fondamentale pour maintenir la cohésion sociale dans l’organisation.

Elle doit émaner des dirigeants et doit permettre aux opérationnels de comprendre où les

décideurs les conduisent. En l’absence d’information concernant l’avenir de l’organisation,

donc le leur, les opérationnels vont développer des peurs, néfastes à la poursuite efficace de

leurs activités.

Page 15: La systémique, grille de lecture dans les universités pour

Michelle GILLET Article - Colloque du 19 Novembre 2010 à l’IPAG

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Schéma 5 : le Système d’Information, composante d’un système assurant le couplage entre MO et MP :

véritable système nerveux de l’organisation

- La collecte de données et le SI (Système d’Information). Le schéma 5 montre l’interaction

permanente entre les opérationnels et l’environnement dans le cadre des activités,

créatrices de valeur ajoutée, qui appartiennent aux missions dévolues à l’établissement.

C’est dans ce cadre que les opérationnels sont amenés à collecter les données qui seront

transmises et traitées par le système d’information. Les décideurs ne seront pas en mesure

de disposer d’aide à la décision si cette collecte n’est pas qualitative.

Modules pilotes (MP)

Système d’Information (SI)

Modules opérationnels (MO)

Flux entrants de

l’environnement

Flux sortants vers

l’environnement

Collecte des

données par les MO

Applications

opérationnelles : gestion

des flux d’activités

quotidiens

Informations expression

des décisions des MP

pour actions

Informations

à caractère

informel

non intégrables

au SI

Outils de contrôle /

Tableau de bord : calcul

et analyse des écarts,

variables d’état et

alertes

Objectifs : inclus

dans le budget

Système d’Information

d’Aide à la Décision

(SIAD) adapté au niveau

hiérarchique : respect

de l’angle du vue du

sujet et zoom sur les

informations

Informations issues

de la prise de

décision stratégique

et tactique

Page 16: La systémique, grille de lecture dans les universités pour

Michelle GILLET Article - Colloque du 19 Novembre 2010 à l’IPAG

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Par qualité de la collecte des données, on entend la recherche du zéro erreur, du zéro

omission et du zéro délai. Pour obtenir ce résultat, plusieurs conditions sont requises. Il faut

posséder un système d’information qui soit structuré comme un véritable système nerveux.

Dans la réalité, il s’agit le plus souvent d’un puzzle d’applications informatiques hétérogènes

et du recours intensif aux outils bureautiques. Cette architecture des outils, à la disposition

des opérationnels, présente des inconvénients majeurs, dont le résultat final est

l’indisponibilité d’indicateurs pour les décideurs. Parmi les inconvénients qui nuisent à

l’efficacité des activités, il y a le renforcement de l’individualisme des personnes dans leur

poste de travail. Cela est dû à l’utilisation des outils bureautiques et à l’improductivité de ce

mode de traitement de l’information, qui génère des saisies multiples et des coûts parasites,

entraînés par la nécessité de réconcilier les résultats obtenus par les uns et par les autres.

Ce mode de fonctionnement accroît tous les facteurs de non qualité à la fois. Cela entraîne

des coûts parasites qui dilapident les ressources et des tensions qui dégradent les relations

humaines.

II-2 - Quatrième affirmation : « un système c’est quelque chose qui, dans quelque chose, fait quelque

chose, pour quelque chose … » : objectifs stratégiques d’une université

Selon le principe téléologique, l’établissement poursuit une finalité. Ce but, défini par les dirigeants,

doit être la cible permanente des activités menées par les opérationnels. Ces activités constituent les

moyens d’atteindre le but.

Deux questions se posent alors :

1) Comment définir le but ?

2) Comment le partager avec les opérationnels ?

La première question consiste à s’interroger sur la manière de mettre en place au niveau de l’équipe

dirigeante des pratiques organisées de prises de décisions stratégiques.

On peut proposer d’utiliser un outil comme le diagramme Ishikawa8. On pourrait également utiliser la

technique du « mind mapping ».

8 Christophe Longépé, Le projet d’urbanisation du S.I., Editions Dunod 2

ème édition 2004, pp. 78 et 80

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Schéma 6 : Exemple d’utilisation du diagramme Ishikawa pour définir le but de l’organisation et les

domaines d’actions stratégiques

Cet exemple réalisé avec un établissement a pour but de montrer que des outils de modélisation

sont nécessaires pour mettre en œuvre la démarche de prise de décision stratégique et le partage

des objectifs. Il est inspiré de l’usage du diagramme Ishikawa en urbanisation des SI proposé par C.

Longépé9.

La « tête du poisson » doit contenir « le but », au sens de Goldratt et Cox 10. L’élaboration de cette

périphrase, qui ne doit pas comporter de conjonction de coordination, afin de s’assurer d’exprimer

« Le But » et non des objectifs, est un travail collaboratif des dirigeants de l’établissement, qui

permet de clarifier la vision de l’avenir qu’ils se doivent de partager. Le développement des sous-

objectifs sur les « arêtes principales et secondaires » doit permettre de définir les domaines d’actions

stratégiques à gérer pour atteindre le but. Les arêtes élémentaires représenteront des projets à

mener. Cette démarche collective des dirigeants permet d’aboutir à une vision claire et partageable

de la stratégie avec tous les membres de l’organisation.

On pourra associer un second diagramme représentant les sous-ensembles du système d’information

qui vont être à développer ou à faire évoluer de manière à assurer le succès de la mise en œuvre des

9 Christophe Longépé, Le projet d’urbanisation du S.I., Editions Dunod 2

ème édition 2004, pp. 78 et 80

10 Eliyahu M. Goldratt et J. Cox : Le but, un processus de progrès permanent, Afnor 3

ème édition juin 2003

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Michelle GILLET Article - Colloque du 19 Novembre 2010 à l’IPAG

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axes stratégiques de ce premier diagramme. En effet, il faut prendre en considération le fait que

seule une évolution adaptée du système d’information permettra de maîtriser l’inévitable tendance à

l’entropie que le développement de l’organisation va engendrer. Le système d’information va

constituer le facteur clé de succès ou le facteur d’échec de la mise en œuvre de la stratégie. Son

évolution se doit d’être envisagée simultanément avec la prise de décision stratégique. Cette

méthode permet d’enchaîner la réflexion en s’appuyant sur les deux diagrammes qui sont

homothétiques.

Construire un système d’information

adapté, capable d’évoluer

Gérer

la formation

tout au long de la vie

Gérer la formation

initiale

Gérer

la recherche

Gérer les

informations

de la recherche

Gérer

les publications

et les colloques

Gérer

les doctorants

Gérer le

contrat quadriennal

et les

partenariats

Gérer les laboratoires

et les équipesGérer la

valorisation de

la rechercheGérer les contrats

avec les entreprises

et les contrats

publics

Gérer les

brevets

et licences

Posséder

une comptabilité

analytique (ABC)

Remplir les

obligations

fiscales

Gérer les informations

sur les foramtions

Gérer les connaissances

et la veille commerciale

et technologique

Gérer les données de l’offre

de formation

Gérer

les modalités

de formationContrôler

l’affectation

des

ressources

Gérer les

obligations

liées aux contrats

et conventions

Gérer les cursus et

la transversalité

Gérer la

formation

permanente

Gérer les cursus

à distance

Suivre

la facturation

et

les règlements

Gérer

les données

de validation

Gérer les connaissances

et la veille commerciale

et technologique

Gérer les cursus

et les données

administratives

Gérer les cursus

et les données

administratives

Posséder des

outils de contrôle

de gestion

Gérer les données relatives

aux offres de stages et d’emplois

Posséder

des outils

de

communication

: forum

messagerie,

Chat,

classe virtuelle

Pouvoir gérer des cours

en ligne

Gérer les données

de prospections

Gérer le budget

de communication

Gérer

les données

relatives

aux

interlocuteurs

Gérer un annuaire des

anciens étudiants

Gérer

les relations

extérieures

Diagramme Ishikawa : Impacts du POS sur les besoins en matière de système d’information et marquage de l’existant

En trait plein : il n’existe pas d’outil, flèches tirets : il existe des outils insuffisants ( tableaux Excel par exemple ,flèches pointillés : il existe des outils

satisfaisants

Gérer

la prospection

Posséder un site

avec les offres et

l’inscription

en ligne

Posséder des

Outils de pilotage

Groupware et Workflow

Intégrés à la gestion

Des processus métiers

Groupware et Workflow

Pour gérer la qualité

Outil

GPEC

Data

Warehouse

Schéma 7 : Exemple d’utilisation du diagramme Ishikawa pour définir la structure adéquate du Système

d’Information

Utiliser ce type d’outil aura deux impacts :

- Transformer l’équipe dirigeante en groupe de créativité, ayant pour cible la prise de décision

stratégique. Ce type de décisions engage l’avenir de l’établissement à moyen et long terme.

Dans les universités, les équipes dirigeantes sont confrontées à plusieurs écueils dans le

processus de prise de décision stratégique. Elles subissent, comme dans toutes les

organisations publiques, les effets du partage du pouvoir, dû au bicéphalisme que représente

la dualité entre élus et services. Elles sont confrontées à l’absence d’alignement des acteurs

sur les décisions prises car ceux-ci ont l’habitude d’opposer soit l’inertie, soit un

comportement de type « électron libre ». Elles ne disposent pas d’un système d’information,

tel qu’on le définit en systémique, qui, véritable système nerveux, leur permettrait

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Michelle GILLET Article - Colloque du 19 Novembre 2010 à l’IPAG

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d’améliorer le couplage entre modules opérationnels et modules pilotes. Adopter des outils

de ce type va rendre inévitable le débat des décideurs concernant le but et les voies pour

l’atteindre. L’équipe dirigeante devrait donc gagner en cohérence et en cohésion à l’issue de

cette démarche. C’est un résultat fondamental, car on rencontre des situations où les

membres de l’équipe présidentielle sont en désaccord total, chacun poursuivant son propre

objectif.

- Instaurer la communication autour des décisions stratégiques prises, à destination des

opérationnels chargés de leur mise en œuvre. Comme nous l’avons évoqué précédemment,

un acteur opérationnel dans l’organisation ne peut être compétent dans son action que dans

la mesure où il en comprend la finalité (le P du QQQOCP). Le manque de clarté sur le but

poursuivi par l’équipe dirigeante et le manque de communication sur la stratégie adoptée se

traduisent en incompétence des opérationnels, c’est-à-dire en impossibilité d’agir vers le but

dans le cadre de leurs activités. On peut traduire cette situation en disant qu’il y a un

manque d’alignement stratégique des acteurs de l’organisation. Cette expression peut

induire que les opérationnels sont responsables de cet état de fait. Dans la réalité, obtenir

cet alignement est incontournable pour atteindre le but. Mais, on ne peut l’obtenir qu’à deux

conditions : savoir prendre des décisions stratégiques et savoir communiquer à leur propos

auprès de l’ensemble des acteurs de l’organisation. De surcroît, la communication ne doit

pas se contenter de répondre aux questions QQQOC (Qui, Quand, Quoi, Où, Comment). Elle

doit être limpide concernant le Pourquoi.

Prenons un exemple, les équipes dirigeantes de nombreuses universités prennent la décision

de créer une UB Recherche, pour regrouper les laboratoires de toutes les UFR disciplinaires.

Cette décision suscite de nombreuses réactions de résistance au changement, notamment

pour des problèmes de partage de pouvoir. On constate que la communication sur ce sujet

est le plus souvent factuelle. Il s’agit uniquement d’informer que la décision est prise et

qu’elle prendra effet à une certaine date. Or, il y a de nombreuses raisons stratégiques qui

peuvent amener à prendre cette décision dans le contexte environnemental décrit

précédemment. Donnons quelques exemples d’arguments stratégiques permettant d’étayer

cette décision. Regrouper la recherche la rend plus visible de l’extérieur. Cela permet au

conseil scientifique et au conseil d’administration d’avoir une stratégie de recherche au sein

de l’établissement et d’en assurer la mise en œuvre. Pour les établissements pluri

disciplinaires, cela peut favoriser la recherche transversale. Développer une campagne de

communication interne, concernant tous les opérationnels, permettrait de conduire ce

changement en le légitimant. Cela permettrait de diminuer l’intensité des résistances au

changement et favoriserait l’alignement stratégique des acteurs de l’organisation. La mise en

œuvre de la stratégie s’en trouverait améliorée, notamment accélérée.

C’est un aspect très important dans les universités que de permettre et d’accélérer le

changement. Le non alignement stratégique entraîne l’inertie des hommes et l’immobilisme

de l’organisation. Dans le contexte environnemental actuel, ne pas évoluer rapidement est

impossible. Cela entraînerait la disparition de l’organisation à brève échéance. Mais ne pas

savoir conduire le changement, pour mettre en œuvre une stratégie clairement définie et

explicitée, entraîne des phénomènes très négatifs. Sur le plan humain, vont apparaître les

phénomènes que nous avons qualifiés de syndrome France Télécom. Pour l’organisation,

c’est sa survie à long terme qui est alors remise en cause.

Page 20: La systémique, grille de lecture dans les universités pour

Michelle GILLET Article - Colloque du 19 Novembre 2010 à l’IPAG

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III - L’université un système en transformation

III-1 - Cinquième affirmation : « un système c’est quelque chose qui, dans quelque chose, fait quelque

chose, pour quelque chose, avec quelque chose » : vers une structure matricielle pour mettre en

œuvre la méthode projets ?

Cette dernière partie de la définition triviale du concept de système fait référence à la structure de

l’organisation. Il s’agit du squelette qui permet à l’être vivant social de mener ses activités et, ainsi,

d’atteindre son but. Tous les types de structure ne sont pas favorables au couplage entre modules

opérationnels et modules pilotes.

La structure existante est le plus souvent hiérarchique. Elle fait donc référence à la mise en œuvre

des principes d’Henri Fayol11. Dans ce cadre, il est impératif, pour la plupart des flux d’informations

échangés, de suivre la ligne hiérarchique. Par exemple, les courriers sont souvent transmis sous

couvert de la direction de l’institution d’appartenance du destinataire. A certaines époques de

l’année, il serait plus efficace d’écrire au domicile personnel, mais ce n’est pas la règle. Le respect

des habitudes et des règles prévaut par rapport à l’efficacité. Il y a dans les établissements un code

du langage et des usages qui freine le mouvement. Il est fréquent de s’entendre dire que l’on ne peut

pas dire ou faire telle chose. Ce qui est hors norme est généralement réprouvé. La prise en compte

de la complexité croissante de l’environnement et du mouvement lié aux réformes exigerait, tout au

contraire, de la plasticité de l’organisation. Cela favoriserait la capacité d’adaptation aux évolutions

du contexte.

La rupture avec la structure hiérarchique correspond à une rupture culturelle. La plupart des

organisations de taille importante ont adopté la méthode projets comme moyen de mettre en œuvre

les décisions stratégiques avec succès. Parallèlement, elles ont fait évoluer leur structure vers une

structure matricielle. Dans le cadre de cette structure, la conduite des projets, qui structurent les

activités orientées vers le but, n’est pas dépendante de la pression de la hiérarchie. Cette structure

permet de clarifier la chaîne de responsabilités dans le succès ou l’échec d’une opération. On va se

situer dans une sorte de relation client-fournisseur généralisée. La dimension verticale, représentant

les structures fonctionnelles, offrira des services à la dimension horizontale, représentant les projets,

qui créent la valeur ajoutée.

Cependant définir un nouvel organigramme matriciel est une condition nécessaire mais pas

suffisante pour obtenir le changement culturel que cela implique.

La gestion en mode projets est encore étrangère aux universités. On entend fréquemment des chefs

de services affirmer qu’il va leur falloir travailler en mode projets et que cette pratique est inconnue

dans leurs services. Dans la plupart des cas, le mode projets est imposé comme étant une sorte de

solution « magique » pour faire évoluer la manière dont les personnes envisagent leurs postes de

travail. Par contre, cette annonce ne s’accompagne d’aucune action pour rendre les responsables

compétents dans la conduite des projets de changement.

Réussir la mutation structurelle est incontournable pour réussir le passage au management

stratégique. L’implication de l’équipe dirigeante doit être forte pour être capable d’entraîner

l’ensemble de l’organisation dans cette mutation avec succès.

11

Henri Fayol, Administration Industrielle et Générale, Dunod 1918

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Michelle GILLET Article - Colloque du 19 Novembre 2010 à l’IPAG

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Il faudrait mettre en place :

- L’exercice du leadership. Pour motiver et mobiliser les opérationnels, les dirigeants doivent

se positionner en leaders. Il leur faut exercer un pouvoir charismatique sur les acteurs de

l’organisation. C’est ce que l’on a coutume d’appeler un profil de meneur d’hommes. Ce

profil est rare dans les universités, comme dans les entreprises. On peut citer Antoine Riboud

comme exemple de ce profil de dirigeant12.

On trouve plus fréquemment dans les universités des dirigeants consensuels, attentifs à ne

fâcher personnes. Exercer le leadership du dirigeant ne consiste pas à faire plaisir à tout le

monde mais à convaincre du bien fondé des choix que l’on a effectué et, grâce à un certain

talent de communication, à entraîner et à guider les opérationnels vers le but.

- L’apprentissage du travail collaboratif et de la recherche de l’amélioration permanente des

pratiques.

Atteindre cet objectif passe par :

o Savoir conduire les projets de changement

Pour faire face à des mutations génératrices de peurs et dont les conséquences sont difficiles

à évaluer, les acteurs de l’organisation ont tendance à résister au changement. Dans la

plupart des cas, ils ont des habitudes ancrées depuis de nombreuses années, qui n’ont jamais

été remises en question. Par exemple, dans les services qui doivent passer de la gestion

administrative des personnels à la gestion de ressources humaines, on entend souvent des

personnels objecter, face aux demandes de modifications de leurs méthodes de travail, que

depuis des années cela fonctionne de la même manière, que cela convenait bien, donc

pourquoi changer.

Avec le passage aux RCE et au modèle SYMPA, il devient cependant nécessaire d’introduire le

changement dans les méthodes de travail, pour améliorer leur efficience.

Il faut observer qu’il n’y a pas d’incitation des tutelles vers la conduite des projets de

changement. Toujours dans l’esprit d’éviter de faire des vagues, on entend dire, au plus haut

niveau, qu’il ne faut pas affoler les personnels et les dirigeants en expliquant que le modèle

SYMPA implique des calculs économiques de type seuil de rentabilité ou coût marginal, afin

d’étayer la prise de décision stratégique.

o Savoir faire travailler les personnes ensemble

Les méthodes de travail sont très individualisées car elles s’appuient sur des outils

bureautiques, qui sont à tort assimilés à des briques du système d’information. Utiliser des

outils bureautiques dans le traitement de l’information est la manifestation de l’entropie qui

règne dans l’organisation et qui est liée aux insuffisances du système d’information, pris au

sens de la systémique, autrement dit l’instrument de couplage organisationnel entre

opérationnels et pilotes. Travailler de cette manière renforce l’isolement de chacun dans son

poste de travail et pérennise la parcellisation du pouvoir. Une personne qui est seule à

détenir une information détient, de ce fait même, du pouvoir auquel elle va difficilement

renoncer. Dans cette situation, il n’existe pas non plus de capitalisation des compétences

permettant de faire face au « turn over ».

12

Antoine Riboud, fondateur et président du groupe Danone jusqu’en 1996

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III-2 - Sixième affirmation : « un système c’est quelque chose qui, dans quelque chose, fait quelque

chose, pour quelque chose, avec quelque chose, qui se transforme »

Parce qu’une université est un être vivant social, elle obéit au règne du vivant, c’est-à-dire qu’elle est

condamnée à évoluer, sous peine de disparaitre.

Comme tout être vivant, elle n’est pas menacée de disparition tant qu’elle s’inscrit dans un processus

de développement. Mais la croissance, dont l’aspect positif est d’empêcher le déclin et la mort,

possède de manière dialectique son côté obscur. Se développer signifie une augmentation de la

variété, si le mode de croissance est l’expansion, et une augmentation de la complexité, si le mode

de croissance tend vers la diversification. Les universités sont confrontées aux deux phénomènes

lorsqu’elles participent à un PRES, notamment un PRES fusion. Sans une évolution du système

d’information, seule capable de maîtriser les conséquences inéluctables de l’évolution, l’entropie va

se développer. Dans un premier temps, elle sera cause de gaspillage de ressources et de dégradation

des relations humaines, mais si elle n’est pas jugulée à temps par l’évolution du système

d’information, l’entropie entraînera la disparition de l’établissement. Le passage aux RCE est en train

de provoquer des situations de ce type.

Le fait de poser l’évolution du système comme un principe incontournable devrait amener l’équipe

dirigeante à tirer les conséquences sur l’évolution du système d’information de ses décisions

stratégiques. Elle devrait tenir compte du fait qu’une stratégie ne peut se mettre en œuvre sans un

système d’information adapté. Or actuellement, le système d’information est essentiellement perçu

comme un ensemble d’outils informatique et non comme l’élément composant du système en

charge du couplage entre opérationnels et pilotes. Cette vision systémique du rôle du système

d’information est cependant nécessaire si l’on veut atteindre le but fixé par l’équipe dirigeante en

menant les activités opérationnelles.

Un deuxième enseignement peut être tiré de cette affirmation concernant l’évolution. Une université

doit se transformer de manière à s’adapter à son environnement, sous peine de disparition si elle n’y

arrive pas. Elle doit alors manifester son intelligence organisationnelle, au sens où André Gide

définissait l’intelligence comme la faculté d’adaptation.

Mais sa nature d’être social fait qu’elle est composée d’un ensemble d’êtres humains. De ce fait, et

contrairement aux être biologiques, la cellule de base d’une organisation dispose d’un libre arbitre et

de la possibilité de manifester son opposition entre la perception de ses intérêts propres et les

intérêts de l’organisation.

Cela entraîne l’absolue nécessité pour les dirigeants d’être capable de conduire le changement

organisationnel lié à l’évolution et, notamment, de le légitimer.

Page 23: La systémique, grille de lecture dans les universités pour

Michelle GILLET Article - Colloque du 19 Novembre 2010 à l’IPAG

23

IV - L’université à la recherche de l’équilibre

Dans son ouvrage La théorie du système général, Jean-Louis Le Moigne proposait un schéma de

positionnement13 entre être (principe ontologique), agir (principe fonctionnel, voire éthologique) et

évoluer (principe génétique).

Schéma 8 : Définition du positionnement suivant les trois définitions d’après Jean-Louis Le Moigne

Cette représentation possède une vertu opérationnelle pour l’équipe dirigeante d’une université.

Ce positionnement sur les trois axes représente la position actuelle du centre de gravité de

l’organisation. Il permet de juger de la nature de son équilibre. Si le centre de gravité est trop orienté

vers l’être, l’organisation est nombriliste, avec une tendance à l’inertie et au refus du changement.

S’il est orienté à l’excès vers l’action, l’organisation est activiste, de tradition orale et incapable de

penser son évolution. Si elle est orientée principalement vers l’évolution, elle perturbe les acteurs

dans leur action et leur fait perdre le repère de ce qu’est l’organisation à laquelle ils appartiennent.

C’est dans ce type de situation que va se développer le « syndrome France Télécom ».

Tout l’art de la direction d’un établissement va donc consister à analyser où se trouve le centre de

gravité actuel de l’organisation, à prévoir où il devrait être pour s’adapter à l’environnement, et à

conduire le changement pour gérer le déplacement du centre de gravité vers cet équilibre

compatible avec le contexte.

13

Jean-Louis Le Moigne, La théorie du système général, PUF 1977, p. 64

Être

Evoluer Agir

Positionnement

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Schéma 9 : Dynamique du positionnement du centre de gravité

Il y a donc trois problèmes à résoudre :

1- Savoir positionner le centre de gravité actuel. Cela exige de pratiquer l’introspection

organisationnelle. Ce n’est possible qu’à condition de faire preuve d’un maximum

d’honnêteté intellectuelle face à ce qu’est l’organisation, d’éviter de recourir à un code de

langage convenu et de s’affranchir de la pesanteur de la hiérarchie.

2- Savoir déterminer le bon positionnement pour atteindre les objectifs stratégiques.

La mise en œuvre de la stratégie entraîne soit une augmentation de variété (augmentation

du volume d’activités dans les domaines d’actions stratégiques existants), soit une

augmentation de complexité (adjonction de nouveaux domaines d’actions stratégiques),

voire les deux à la fois. L’analyse des conséquences de la stratégie décidée par les dirigeants

permettra donc de déterminer :

o le positionnement sur l’axe « Evoluer » en fonction de la variation de complexité,

o le positionnement sur l’axe « Agir » en fonction de la variation de la variété.

o le positionnement sur l’axe « Être » sera donc résiduel. Mais il faudra vérifier que le

nouveau centre de gravité ainsi déterminé n’entraînera pas une perte d’identité au

sein de l’organisation à cause de ce nouveau positionnement sur l’axe « Être ».

3- Savoir gérer le mouvement pour passer d’un point à un autre. Pour cela, il faut être conscient

des vitesses relatives d’évolution des différents acteurs, afin de synchroniser leurs

mouvements. Déterminer la vitesse d’évolution sur les acteurs les plus rapides pourrait

entraîner l’implosion de l’organisation. Synchroniser l’évolution sur les plus lents présente

Être

Agir Evoluer

(1) Savoir se positionner

(introspection organisationnelle)

(2) Savoir déterminer le bon

positionnement pour atteindre

les objectifs

(3) Savoir gérer le

mouvement

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moins de risque, à condition de savoir motiver ces acteurs afin qu’ils fassent de leur mieux

pour accélérer au maximum de leurs possibilités.

Dans leur ouvrage Le but, un processus de progrès permanent14, Eliyahu M. Goldratt et J. Cox

décrivent clairement les bonnes pratiques pour synchroniser les mouvements des membres d’une

équipe afin d’éviter la désorganisation et d’obtenir le meilleur résultat possible de l’actions de

l’ensemble des acteurs du groupe. C’est pourquoi au-delà de l’action en elle-même, c’est l’obtention

d’un comportement de groupe (sur l’axe « Agir ») qui permet d’obtenir une dynamique équilibrée

(sur l’axe « Evoluer »), sans qu’il y ait perte d’identité (sur l’axe « Être »).

14 Eliyahu M. Goldratt et J. Cox : Le but, un processus de progrès permanent, Afnor 3

ème édition juin 2003

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Conclusion :

L’approche présentée a l’avantage de rendre possible la gestion de la complexité, qui ne peut se

comprendre que par une analyse globale et dynamique du monde réel. Elle constitue à ce titre une

manière efficace d’intelligence des problèmes auxquels l’établissement est confronté.

Elle présente également l’avantage d’être facile à traduire en actes. Il est en effet possible, avec cette

démarche, de modéliser les solutions disponibles pour les problèmes identifiés, et de choisir la

solution à implémenter, après évaluation des différentes possibilités en termes de pertinence par

rapport à la situation.

Cette approche offre aux dirigeants d’un établissement une méthode qu’ils peuvent s’approprier

pour prendre des décisions stratégiques, pour les mettre en œuvre et pour contrôler les résultats de

la mise en œuvre.

Appréhender un système complexe, comme une université, de manière globale, grâce à la

systémique, constitue un facteur de progrès de l’organisation en elle-même et des hommes qui la

composent. Les structures, les méthodes de travail, le système d’information, le rôle de chaque

acteur : tous ces éléments se trouveront légitimés et dynamisés dans le cadre de l’analyse

systémique.

Le potentiel de l’organisation s’en trouve alors décuplé. C’est le sens du concept de paradigme

inforgétique, présenté par Jean-Louis Le Moigne15. Une organisation apprenante, où le système

d’information joue bien son rôle de couplage organisationnel entre les modules opérationnels et

pilotes, crée des services à valeur ajoutée, en évitant les coûts parasites. Elle est dans une dynamique

de progrès permanent, qui permet d’améliorer à la fois les conditions de fonctionnement de

l’organisation et les conditions de travail des hommes qui la composent.

15

Jean-Louis Le Moigne : Organisation intelligente et système d'information stratégique, co direction avec J.A.Bartoli. Editions Economica. 1996

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Bibliographie

Jean-Louis Le Moigne : La théorie du système général, PUF 1977

Jean-Louis Le Moigne : Organisation intelligente et système d'information stratégique, co direction avec J.A.Bartoli. Editions Economica. 1996

Herbert Simon : Theories of Decision-Making in Economics and Behavioral Science, (1959), American

Economic Review, 49, n°1, pp.253-283.

Herbert Simon : Human problem solving, (avec A. Newell), (1972), Englewood Cliffs, NJ: Prentice-Hall.

Jacques Apter : De nouveaux outils pour maîtriser la dynamique de l’entreprise, L’Harmattan 2002

Christine Musselin : Universités françaises : l’autonomie tant attendue ? Sciences humaines Hors

série N° 28 Le changement De l’individu aux sociétés Mars/Avril/Mai 2000

Christophe Longépé : Le projet d’urbanisation du SI, Dunod 2ème édition 2004

Eliyahu M. Goldratt et J. Cox : Le but, un processus de progrès permanent, Afnor 3ème édition juin

2003