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Jean-François MOYEN Dept of Geology University of Stellenbosch Private Bag X1 7602 Matieland - South Africa http://jfmoyen.free.fr Jean-Yves JOLIVEL META ODOS EURL AJ Conseil 88 rue du Grand Domaine 35510 - CESSON-SEVIGNE - France http://www.metaodos.com La Terre précambrienne Quelques terrains précambriens en Afrique du Sud Litages de chromitite et anorthosite. Dwars River, complexe du Bushveld

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Jean-François MOYENDept of Geology

University of Stellenbosch

Private Bag X1

7602 Matieland - South Africa

http://jfmoyen.free.fr

Jean-Yves JOLIVELMETA ODOS

EURL AJ Conseil

88 rue du Grand Domaine

35510 - CESSON-SEVIGNE - France

http://www.metaodos.com

La Terre précambrienne

Quelques terrains précambriens

en Afrique du Sud

Litages de chromitite et anorthosite.

Dwars River, complexe du Bushveld

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A la découverte des terrains précambriens d’Afrique du Sud

Ce document est une annexe, ou un complément, au livret-guide écrit pour uneexcursion géologique en Afrique du Sud, organisée en Février 2007 à l’initiative deJean-Yves Jolivel, de Meta-Odos. Cette excursion visite une partie des terrainsprécambriens dans ou autour du craton du Kaapvaal, en Afrique du Sud : régionde Barberton, ceinture du Limpopo, complexe du Bushveld.

La géologie du Précambien est inhabituelle pour des géologues français, habituésà des roches jeunes et à une géologie ou les bassins sédimentaires (et leurs dé-formations) représentent le type dominant de géologie. Ce texte vise donc à don-ner quelques informations, d’une part d’ordre général sur la Terre précambrienne,d’autre part d’ordre local sur la géologie Sud-Africaine.

Si ce document a été conçu en vue d’une excursion particulière, il a fini par prendreune certaine ampleur, et constitue maintenant un texte autonome (surtout la pre-mière partie), qu’on peut lire par lui même.

Bonne lecture !

Jean-François Moyen

Janvier 2007

ii

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Table des matières

Avant-propos ii

Table des matières iii

Première partie: Contexte général : la Terre Précambrienne 1

1 Dates et lieux 21.1 Retour sur l’échelle des temps géologiques . . . . . . . . . . . . . . 21.2 Les terrains archéens . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4

1.2.1 Répartition géographique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 41.2.2 Présentation de la géologie de l’Archéen . . . . . . . . . . . 6

1.3 Les terrains protérozoïques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 61.3.1 Les ceintures mobiles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 61.3.2 Le magmatisme basique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7

1.4 Quelques repères chronologiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8

2 Quelques roches précambriennes typiques 102.1 Les orthogneiss TTG . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11

2.1.1 Caractéristiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 112.1.2 Pétrogenèse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 132.1.3 Site géodynamique de formation . . . . . . . . . . . . . . . . 162.1.4 Complexité des TTG . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18

2.2 Les komatiites . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 212.2.1 Caractéristiques de terrain et textures . . . . . . . . . . . . 212.2.2 Composition et origine . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 242.2.3 Implications sur les conditions mantelliques . . . . . . . . . 26

2.3 Les sédiments chimiques riches en fer . . . . . . . . . . . . . . . . . 292.3.1 Caractéristiques générales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 292.3.2 Différents faciès . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 292.3.3 Types et associations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 312.3.4 Modèles de formation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32

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Table des matières

3 Les origines de la tectonique des plaques 363.1 Tectonique des plaques et chaleur terrestre : pourquoi la tectonique

des plaques ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 373.1.1 Tectonique des plaques et convection . . . . . . . . . . . . . 373.1.2 Depuis quand ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37

3.2 Comment reconnaître la tectonique des plaques ? . . . . . . . . . . 383.2.1 Un problème de définitions ! . . . . . . . . . . . . . . . . . . 393.2.2 Des blocs rigides . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 393.2.3 Des mouvements relatifs horizontaux . . . . . . . . . . . . . 393.2.4 Des limites de plaques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 42

3.3 “La” ou “les” tectonique des plaques ? . . . . . . . . . . . . . . . . 473.3.1 Différents styles tectoniques au cours du temps . . . . . . . 483.3.2 Les limites entre différents styles tectoniques . . . . . . . . . 49

4 L’évolution de l’atmosphère 524.1 L’atmosphère primitive : date et durée de sa formation . . . . . . . 534.2 Quelques contraintes sur l’atmosphère et les environnements passés 54

4.2.1 Les sources d’informations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 544.2.2 L’eau et les températures de surface . . . . . . . . . . . . . . 544.2.3 Concentrations des principaux gaz dans l’atmosphère . . . . 574.2.4 L’atmosphère terrestre du passé à l’actuel . . . . . . . . . . 63

4.3 De l’atmosphère primitive à l’atmosphère Archéenne . . . . . . . . . 654.3.1 Précipitation et recyclage de carbonates . . . . . . . . . . . 654.3.2 Dissolution dans un “océan magmatique” . . . . . . . . . . . 66

4.4 De l’atmosphère Archéenne à l’atmosphère moderne . . . . . . . . . 674.4.1 Le retard de croissance d’O2 . . . . . . . . . . . . . . . . . . 674.4.2 Un changement de style tectonique ? . . . . . . . . . . . . . 704.4.3 Stable ou instable ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 71

4.5 Les fluctuations de l’atmosphère actuelle . . . . . . . . . . . . . . . 744.5.1 Les cycles orogéniques/rupture des continents . . . . . . . . 744.5.2 D’autres changements tectoniques . . . . . . . . . . . . . . . 744.5.3 Les évolutions de la biosphère . . . . . . . . . . . . . . . . . 754.5.4 Paramètres non liés à la composition de l’atmosphère . . . . 764.5.5 Des rétroactions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 77

Deuxième partie: Géologie régionale 79

5 Le bloc archéen de la région de Barberton 805.1 Stratigraphie et unités géologiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 82

5.1.1 La ceinture de roches vertes . . . . . . . . . . . . . . . . . . 825.1.2 Les orthogneiss avoisinants et leurs enclaves . . . . . . . . . 915.1.3 Les batholites tardifs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 95

iv

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Table des matières

5.2 Architecture et structures . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 985.2.1 Les structures dans la CRV . . . . . . . . . . . . . . . . . . 985.2.2 Le système de failles d’Inyoka–Inyoni . . . . . . . . . . . . . 985.2.3 Les structures dans les gneiss TTG et leurs enclaves . . . . . 1025.2.4 Les contacts entre CRV et gneiss et les structures en dômes . 104

5.3 Le métamorphisme dans et autour de la CRV . . . . . . . . . . . . 1105.3.1 Dans la CRV proprement dite . . . . . . . . . . . . . . . . . 1105.3.2 Dans les gneiss du domaine NW . . . . . . . . . . . . . . . . 1105.3.3 Dans les gneiss du domaine SE . . . . . . . . . . . . . . . . 1105.3.4 Dans le contact entre les deux terrains : zone de cisaillement

d’Inyoni . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1115.3.5 Synthèse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 111

5.4 Histoire géologique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1145.4.1 L’histoire précoce (3.6–3.3 Ga) . . . . . . . . . . . . . . . . . 1145.4.2 Les épisodes à ca. 3.2 Ga . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1155.4.3 La mise en place des batholites à 3.1 Ga . . . . . . . . . . . 119

6 La ceinture du Limpopo 1256.1 Structure d’ensemble . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1296.2 Les zones marginales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 130

6.2.1 La zone marginale Nord . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1306.2.2 La zone marginale Sud . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 131

6.3 La zone centrale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1366.3.1 Lithologies . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1376.3.2 Métamorphisme et structures . . . . . . . . . . . . . . . . . 1416.3.3 Problèmes de chronologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 143

6.4 Modèles d’évolution de la ceinture du Limpopo . . . . . . . . . . . 1446.4.1 Modèle “archéen surtout” : le collage des deux cratons a lieu

à 2.6 Ga . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1466.4.2 Modèle “protérozoïque surtout” : la collision a lieu à 2.0 Ga 146

7 Le complexe du Bushveldt 1527.1 Présentation générale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 153

7.1.1 Extension géographique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1537.1.2 La Province magmatique du Bushveld . . . . . . . . . . . . 1547.1.3 Contexte et conditions de mise en place . . . . . . . . . . . . 155

7.2 Stratigraphie des unités basiques litées . . . . . . . . . . . . . . . . 1587.2.1 La Zone Marginale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1597.2.2 La Zone Inférieure (Lower Zone, LZ) . . . . . . . . . . . . . 1627.2.3 La Zone Critique (Critical Zone, CZ) . . . . . . . . . . . . . 1627.2.4 La Zone Principale (Main Zone, MZ) . . . . . . . . . . . . . 1627.2.5 La Zone Supérieure (Upper Zone, UZ) . . . . . . . . . . . . 1637.2.6 Corps discordants . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 163

v

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Table des matières

7.3 Evolution magmatique de la partie basique du Complexe . . . . . . 1677.3.1 Cristallisation fractionnée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1677.3.2 Réalimentations magmatiques . . . . . . . . . . . . . . . . . 1717.3.3 Formation des chromites . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1787.3.4 Le remplissage de l’intrusion du Bushveld . . . . . . . . . . 181

7.4 Les litages magmatiques à l’échelle de l’affleurement . . . . . . . . . 1857.4.1 Différents types de litages . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1857.4.2 L’origine des litages . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 186

7.5 Les niveaux minéralisés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1917.5.1 Platinoïdes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1917.5.2 Vanadium . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 192

8 L’impact de Vredefort 1948.1 La structure de Vredefort . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 194

8.1.1 Géologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1948.1.2 Géophysique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1958.1.3 Métamorphisme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 195

8.2 Les preuves d’impact . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1988.2.1 Métamorphisme d’impact et structures de choc . . . . . . . 1988.2.2 Brèches d’impact s.l. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2008.2.3 Isotopes de l’Osmium . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 200

8.3 L’extension de la structure . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2028.3.1 Indices dispersés et taille réelle de la structure d’impact . . . 2028.3.2 Le cratère et son dôme central . . . . . . . . . . . . . . . . . 2028.3.3 Le cratère et la préservation du Supergroupe du Witswaters-

rand . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 204

Liste des figures 207

vi

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Première partie

Contexte général : la TerrePrécambrienne

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1 Dates et lieux

2.1.1 Caractéristiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 112.3.1 Caractéristiques générales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 293.2.2 Des blocs rigides . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 394.5.1 Les cycles orogéniques/rupture des continents . . . . . . . . . . . 744.5.2 D’autres changements tectoniques . . . . . . . . . . . . . . . . . 74

1.1 Retour sur l’échelle des temps géologiques

La géologie classique étudie une partie de l’histoire de la Terre, qui s’étend depuisle Primaire (ou Paléozoïque), jusqu’au Quaternaire (fin du Cénozoïque). Ceci estdû à :– Des raisons historiques : la géologie moderne est née en Europe occidentale,

où les terrains sont soit hercyniens (Paléozoïque), soit alpins (Mésozoïque etCénozoïque).

– Des raisons scientifiques : cette période est regroupée sous le terme de “ Pha-nérozoïque” (“animaux visibles”, en grec), ou de “temps fossilifères”, l’un etl’autre mettant bien en évidence que la particularité de cette période est deprésenter des fossiles souvent bien conservés, et reconnaissables. C’est à partirde la paléontologie que s’est développée la stratigraphie, qui a été la base de lagéologie.

Had

éen

Archéen Protérozoïque

Phanérozoïque"Précambrien"

Prim

aire

Sec

onda

ireTe

rtiai

re

4,1 Ga 2,5 Ga 0,6 Ga4,56 Ga 0 Ga

Fig. 1.1: Echelle stratigraphique simplifiée couvrant l’ensemble de l’histoire de la Terre.Noter l’importance relative de l’Archéen.

Pendant longtemps (jusque dans les années 1950, voire 1960), le reste de l’histoirede la Terre était presque ignoré, parce qu’il ne présentait pas de fossiles. On re-

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1 Dates et lieux

groupait sous le terme générique de “Précambrien” tout ce qui était antérieur auPaléozoïque (soit presque 4 Ga d’histoire géologique : près de 90 %), et la plupartdes géologues évitaient de s’y aventurer.

Parfois, cependant, l’étude des terrains précambriens était inévitable ; les géologuesse sont alors aperçu que les temps précambriens étaient une période longue etcomplexe, où on pouvait distinguer de nombreux épisodes, et plusieurs phasesorogéniques. Une limite majeure est marquée par une discordance importante.Elle sépare (Windley, 1984a et b) :

– un socle généralement gneissique et granitique, polyphasé, avec des sédimentsrelativement rares, associés à des laves, disposés en petits bassins discontinus ;la vie ne s’y manifeste que de façon très discrète.

– des sédiments (essentiellement détritiques), qui forment des bassins réguliers, oùon peut établir une stratigraphie valable au moins à l’échelle régionale ; on ytrouve plus de traces de vie.

Cette discordance majeure a permis de séparer les terrains “archéozoïques” (“ani-maux anciens”) des terrains “protérozoïques” (“premiers animaux”). Plus tard,l’Archéozoïque est devenu “l’Archéen”.

L’Archéen regroupe donc tous les terrains plus vieux que cette discordance ; sa li-mite inférieure est simplement représentée par les plus anciennes roches connues.

La radiochronologie a permis de préciser la période de temps concernée :

– Les derniers épisodes attribués à l’Archéen (en général des intrusions tardives degranites potassiques) sont bien datés aux alentours de 2,5 Ga, par de nombreusesméthodes et en de nombreux endroits.

– Les plus anciennes roches datées sont, à l’heure actuelle, les gneiss d’Acasta,au Canada ; il s’agit de grosses enclaves au sein de roches plus récentes. Ilsont fourni des âges U-Pb sur zircon plus vieux que 4.0 Ga. Si on s’intéresse àdes roches en place, ce sont les gneiss d’Amitsoq, au Groenland occidental, quisont les plus vieilles roches reconnues (3.8 Ga) ; encore y trouve-t-on des cœursde zircons datés (SHRIMP) à 3.9 Ga (Whitehouse, 1999). Enfin, des cœurs dezircons isolés en Australie ont fourni des âges de 4,4 Ga. Tout ceci impliqueque, dès 4.2 Ga, une croûte continentale existait ; on peut donc fixer la base del’Archéen aux alentours de cette date.

Comme par ailleurs la formation de la Terre est estimée à 4,56 Ga, il s’avère que :

– L’Archéen couvre une période de temps de plus de 2 Ga, soit une moitié de latotalité de l’histoire de la Terre.

– Il reste une période de 300 Ma environ entre la formation de la Terre et le débutde l’Archéen. De cette période, appelée “Hadéen”, il ne reste aucun témoindirect.

3

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1 Dates et lieux

whole Earth history (Moorbath, 1977). On the contrary, more recent re-searches militate in favour of important rates of Hadean crust extraction(Collerson et al., 1991; Bennet et al., 1993; McCulloch and Bennet, 1993;Albarede et al., 2000). Similarly, studies of 142Nd (produced by decay of146Sm, half-life = 0.103 Ga) points to an important crust differentiationduring the very early stages of Earth history, probably during the magmaocean stage (Boyet et al., 2003; Caro et al., 2003). It has been proposed(McCulloch and Bennet, 1994) that the early depletion of the mantle has beenbuffered after 3.75 Ga by changes in the mantle convective regime resultingin mixing between depleted mantle and underlying less depleted lowermantle. Results presented by Albarede et al. (2000) are in agreement with thismodel.

4.3.3.2. Jack Hills zirconsRecently, zircon crystals, extracted from Jack Hills meta-quartzites in

Australia gave an age of 4.404±0.008 Ga (Wilde et al., 2001), which is theoldest age so far obtained on terrestrial material (Figure 4.15). However, itmust be noted that many detrital zircons from Jack Hills and Mont Narryerin Australia already gave a great variety of ages ranging between 4.3 and4.0 Ga (Froude et al., 1983; Compston and Pidgeon, 1986; Cavosie et al.,2004), which demonstrates that Hadean crust existed but also that it devel-oped and grew all along Hadean times.

• Zircons predominantly crystallize in granitic (s.l.) melts, so it can bereasonably concluded that granitoids already formed at 4.4 Ga. Thisconclusion is reinforced by the presence, into the zircon crystals of

Figure 4.15. Cathodoluminescence image of zircon W74/2-36 from the Jack Hills metacon-glomerate (Western Australia). An age of 4.404 Ga has been determined by ion microprobe

from the place shown by an ellipse. This crystal also contains quartz (Qt) inclusions indicatingthat it crystallized in a granite-like magma (Photo: John Valley, University of Wisconsin,Madison).

134 HERVE MARTIN ET AL.

Fig. 1.2: Le plus vieux zircon connu (4404Ma) provient de Jack Hill, en Australie. Ilcontient des inclusions de quartz (Qt), quisuggèrent qu’il s’est formé dans un mamgaacide (Martin et al., 2006).

L’Archéen est donc limité, à sa base par l’Hadéen, et à son sommet par le Proté-rozoïque.

1.2 Les terrains archéens

Bien que l’Archéen soit présent dans toutes les parties du monde, il est remarquablede noter que seule une poignée des terrains de cet âge ont été réellement étudiés endétail. Tous ne sont pas aussi bien connus ; les plus étudiés sont naturellement ceuxqui affleurent dans de bonnes conditions, sont facilement accessibles, sont situésdans des pays riches, et sont riches en mines. Il y a aussi un fort intérêt scientifiquepour ceux de ces cratons où l’on trouve des roches particulièrement vieilles.

1.2.1 Répartition géographique

Comme le montre la carte figure 1.3, il existe quelques dizaines de blocs archéensdans le monde. A côté de quelques terrains “privilégiés”, la poignée de régionsévoquées au dessus, il existe des dizaines de provinces plus mal connues, étudiésseulement par une poignée de géologues. Au hasard des projets de recherche de telou tel groupe, l’une ou l’autre de ces provinces peut gagner une gloire momentanéedans la littérature : ce fût le cas, par exemple, du bouclier baltique (Finlande),étudié par l’équipe de Rennes dans les années 80 ; ou du craton indien de Dharwar(Rennes et Clermont–Ferrand, années 90–2000), pour ne citer que des exemplesfrançais.

Il est remarquable de noter que les débats et controverses sur l’Archéen se basent,en général, sur aussi peu d’exemples, et que les géologues essayent de généraliserà partir de 4 ou 5 cas . . . bien heureux, encore, quand on n’essaye pas d’appliquerà la totalité d’une période durant près de 2 Ga le modèle dévelopé dans “son”terrain !

4

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1 Dates et lieux

90 90 180 180 0

60

60

1

2

1011

12

1314

1516

1718

19

21

22

24

2627

25

0

5

46

8

9

73

23

20

2829

30

31

3233 34

Fig. 1.3: Répartition géographique des grandes provinces archéennes d’après Condie (1981)et Goodwin, (1991). Les terrains archéens affleurant sont en noir alors que ceux recouvertspar des formations sédimentaires, ou encore déformés au Protérozoïque, sont figurés en gris.(1) Bouclier baltique ; (2) Bouclier écossais ; (3) Bouclier ukrainien ; (4) Bouclier d’Anabar ;(5) Ceintures baïkale du Sayan et du Yienisei ; (6) Bouclier d’Aldan ; (7) Cratons Sino-coréen,du Tarim et du Yangtze ; (8) Bouclier indien ; (9) Complexes de Litchfield, Rul Jungle andNanambu ; (10) Bloc de Pilbara ; (11) Bloc de Yilgarn ; (12) Complexe de Napier ; (13)Craton du Kaapvaal ; (14) Craton du Zimbabwe ; (15) Bloc de Zambie ; (16) Craton kasaï ;(17) Craton centre africain ; (18) Bloc éthiopien ; (19) Craton du Chaillu ; (20) ComplexeCamerounais du N’tem ; (21) Bouclier de Man ; (22) Bouclier touareg ; (23) Bouclier deReguibat ; (24) Massifs du Rio de la Plata et de Luis Alves ; (25) Craton du Sã o Francisco ;(26) Craton de Guapore ; (27) Bouclier guyanais ; (28) Province du Wyoming ; (29) Provincedu Supérieur ; (30) Groupe de Kaminak ; (31) Bloc de Committe Bay ; (32) Province del’Esclave ; (33) Bouclier du Labrador ; (34) Bouclier groenlandais. (Martin, 1994)

Les terrains les mieux connus sont d’abord les trois plus anciens : le Sud-Ouestdu Groenland (Isua), formé à partir de 3.8 Ga ; le craton du Pilbara en Australie-occidentale, et celui du Kaapvaal en Afrique du Sud, construits à partir de 3.5 Ga.La majeure partie des cratons sont cependant plus récents et se sont formés vers2.7 Ga, à la fin de l’Archéen. On connaît, par exemple, assez bien la province duYilgarn en Australie ou la très grande Province du Supérieure canadienne.

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1 Dates et lieux

1.2.2 Présentation de la géologie de l’Archéen

Les terrains Archéens se composent, en général, d’une “trilogie” assez typique :

1. Un “socle” gneissique, formés d’un ensemble plus ou moins composite, plus oumoins déformé, que l’on appelle collectivement “gneiss gris”. Le composantessentiel des gneiss gros est un orthogneiss de nature sodique, qui définitunesérie dite TTG (tonalite–trondhjemite–granodiorite).

2. Des ensembles de laves et de sédiments, généralement métamorphisés enfaciès schiste vert. On parle de “ceintures de roches vertes” (CRV). Leursrelations avec le socle gneissique sont complexes, et à vrai dire assez variables.

3. Des plutons “potassiques” ”tardifs”, qui sont des intrusions de granites etde granodiorites non ou peu gneissique, post-tectonique. Les deux termessont entre guillemets, car il s’avère que la nature de ces plutons n’est pasforcément très différente de celle des composants granodioritiques des TTG.

Cartographiquement, les terrains archéens présentent souvent une disposition ty-pique, dans laquelle les CRV forment des bassins étroits et allongés, synformes, etsont entourés de dômes plus ou moins arrondis formés de gneiss TTG. L’originede ce dispositif, qui n’a que peu d’équivalents dans la Terre actuelle, est au cœurdes débats sur la géologie de l’Archéen. La majorité des chercheurs pensent qu’ilreflète une forme de diapirisme, c’est à dire de remontée gravitaire des gneiss autravers des CRV. Ce mécanisme implique que les gneiss soient plus légers que lesroches entourantes, ce qui est possible si les roches des CRV sont des laves ba-siques, particulièrement denses ; ou encore si les gneiss sont partiellement fonduset donc anormalement légers.

La région de Barberton (chapitre 5) est un bon exemple de terrainmédio-archéen (3.5–3.1 Ga).

1.3 Les terrains protérozoïques

Le Protérozoïque est une période relativement mal connue. Elle n’a pas l’étrangetéde l’Archéen (en termes de roches ou de structures), mais elle reste assez différentesde la Terre actuelle. Deux types d’objets géologiques caractérisent cete période :

1.3.1 Les ceintures mobiles

Au Protérozoïque, on observe une différence importante entre deux types de do-maines : les cratons, et les ceintures mobiles. Les cratons sont des blocs rigides,

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1 Dates et lieux

qui ne connaissent que peu d’activité géologique d’origine profonde (ce qui ne lesempêche pas d’être fracturés, recouverts de sédiments, de laves, etc.). Ce sontsans doute des blocs protégés par une épaisse racine lithosphérique, réfractaire etfroide, qui empêche la déformation de la lithosphère, et limite les processus dansle manteau sous-cratonique.

Entre les cratons se trouvent des “ceintures mobiles”, c’est à dire des zones, àl’inverse, très métamorphisées (en faciès granulite en général), partiellement fon-dues, fortement déformées. Les ceintures mobiles marquent la limite entre différentsfragments de cratons, qui sont soudés le long de ces structures : il s’agit donc, pro-bablement, des racines de chaînes de montagnes anciennes. Mais ces régions neprésentent pas que des similarités avec les chaînes de montagnes modernes (pasd’ophiolites, pas ou peu de preuves de sutures océaniques, pas ou peu de méta-morphisme de haute pression), si bien qu’on peut s’interroger sur la nature desprocessus orogéniques du Protérozoïque. Quoi qu’il en soit, les arguments paléo-magnétiques indiquent sans équivoque l’existence de mouvements relatifs entre desblocs rigides à cette période.

La ceinture du Limpopo (chapitre 6) est un bon exemple de ces do-maines

1.3.2 Le magmatisme basique

A l’intérieur des cratons, on observe souvent un important magmatisme basique.Le plus souvent, il prend la forme de filons de dolérites, qui hachent les terrainsanciens ; il n’est pas rare de voir plusieurs jeux de filons, chacun avec sa directionstructurale. Ces filons sont souvent impressionnants, pouvant atteindre des dizainesde mètres d’épaisseur, et se suivre sur des kilomètres sur le terrain.

Parfois, les magmas basiques, probablement piégés dans des niveaux particuliersde la croûte, forment des complexes basiques plutoniques. Ils dévellopent alors deslitages complexes, qui témoignent de processus d’évolution de la chambre magma-tique.

Le plus bel exemple de ces objets est le Complexe du Bushveld, chapitre7.

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1 Dates et lieux

1.4 Quelques repères chronologiques

Pour ne pas se perdre dans le Précambrien, on peut avoir en tête les dates sui-vantes1 (en italique, les objets visités au cours de cette excursion) :

– L’Hadéen : des preuves indirectes au mieux. 4.56 – 4.0 Ga– Formation de la Terre : 4.56 Ga– Plus vieux minéraux connus : zircons de Jack Hill, 4.4 Ga– Plus vieilles roches connues : Gneiss d’Acasta (Province de l’Esclave, Nord du

Canada), 4.04 Ga2

– L’Archéen : la construction des premiers blocs continentaux. 4.0 – 2.55 Ga– Plus vieux sédiments connus, et plus ancien fragment continental de taille

“utilisable” : CRV d’Isua, Groenland. 3.8 Ga– Plus anciennes roches en Afrique : 3.644 Ga, au Swaziland (bloc de Barberton)– Premières traces indirectes de vie : signatures isotopiques du Carbone à Isua

(3.8 Ga), contestées3.– Premiers fossiles : stromatholites et cyanobactéries, 3.5 Ga (dans le Pilbara)4

– Construction du bloc de Barberton, 3.5–3.1 Ga– Ceinture du Limpopo (premiers épisodes), 2.65 Ga– Fin de l’Archéen : par convention, 2.55 Ga

– Le Protérozoïque : mouvements et collisions de continents. 2.55 – 0.6 Ga– Deuxième jeu de la ceinture du Limpopo, mise en place du complexe du Bu-

shveld : 2.05 Ga– Transition vers une atmosphère oxydante, env. 2.0 Ga– Apparition des eucaryotes, env. 2.0 Ga– Premières ophiolites reconnaissables, 1.1 Ga– Premiers schistes bleus et éclogites préservés, 0.8 Ga– Orogénène panafricaine et construction du Gondwana, 0.8–0.6 Ga

– Le Phanérozoïque : la Terre telle qu’on la connaît. 0.6 – 0 Ga– Apparition de la coquille, début des “temps fossilifères”, Cambrien : 0.6 Ga– Orogénèse hercynienne : 0.3 Ga– Pangée, extinction Permienne : 0.25 Ga– Orogénèse alpine : 0.1 Ga– L’homme : 0.003 Ga

1L’unité de temps habituelle est le milliard d’années, Ga2grosses enclaves d’orthogneiss dans des roches plus jeunes3Valeurs δ13C négatives, comme en produisent les êtres photosynthétiques actuels4La photosynthèse existait donc dès cette époque, même si l’atmosphère restait réductrice et

pauvre en O2.

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Bibliographie

Bibliographie

H. Martin, F. Albarède, P. Claeys, M. Gargaud, B. Marty, A. Morbidelli, and D.L.Pinti. Building a habitable planet. In M. Gargaud, P. Claeys, P. Lopez-Garcia,H. Martin, T. Montmerle, R. Pascal, and R. Reisse, editors, From suns to life,Earth, Moon and Planets, pages 97–151. Springer, 2006.

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2 Quelques roches précambriennestypiques

5.3.2 Dans les gneiss du domaine NW . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1105.4 Histoire géologique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1146.1 Structure d’ensemble . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 129

6.3.1 Lithologies . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1377.1 Présentation générale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 153

7.2.5 La Zone Supérieure (Upper Zone, UZ) . . . . . . . . . . . . . . . 1637.3.3 Formation des chromites . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 178

La plupart des roches que l’on trouve dans les terrains précambriens n’ont en faitrien de spécial ; ce sont des granites, des laves (basaltiques ou rhyolitiques), ou

encore des sédiments détritiques. La spécificité du Précambrien vient de quelquesaspects :

– Les roches qui sont manquantes : éclogites, schistes bleus (et andésites dansl’Archéen) ;

– Les proportions des différents types de roches : les carbonates par exempleexistent, mais sont rares à l’Archéen ;

– Les structures et les dispositions des roches (cf. chapitre 3 ;– Les quelques types de roches qui, quand même, n’existent que (ou surtout) dans

le Précambrien.

Trois types de roches, typiquement précambriennes, méritent d’être décrites avecun peu plus de détails :

– Les orthogneiss gris, sodiques, appelés “TTG” (tonalites–trondhjémites–granodiorites).Ce sont les roches plutoniques les plus communes de l’Archéen, puis elles se ra-réfient progressivement durant le Protérozoïque, et sont virtuellement absentesau Phanérozoïque.

– Un groupe de laves ultra-mafiques, les komatiites. Elles sont assez communesà l’Archéen et disparaissent peu à peu, pour devenir exceptionnelles après 2.0Ga1.

– Des sédiments chimiques, les “BIF” (Banded Iron Formations”. Très abondantsau début du Protérozoïque, ils sont présents dans l’Archéen, et se raréfient àpartir de 2.0 Ga environ.

1Il en existe quand même un exemple crétacé sur l’île de Gorgona, dans le Pacifique

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2 Quelques roches précambriennes typiques

2.1 Les orthogneiss TTG

Fig. 2.1: Trondhjémites du pluton de Stolz-burg, 3.45 Ga, région de Barberton

Fig. 2.2: Gneiss TTG très déformés de SandRiver, environ 3.1 Ga, près de Musina, Lim-popo Belt

Le socle des cratons archéens (70 à 80 % du volume) est formé d’un complexe de“gneiss gris”. Il s’agit d’orthogneiss, généralement polyphasés et déformés, souventmigmatitiques.

2.1.1 Caractéristiques

Ces gneiss sont bien caractérisés à la fois au plan minéralogique et chimique (Mar-tin, 1994) :

a. Minéralogie

Sur le terrain, il s’agit de granitoïdes riches en plagioclases (diorites, tonalites,granodiorites). On utilise aussi le nom de trondhjémite (tonalite leucocrate) ; d’oùle nom de “série TTG” (tonalite–trondhjémite–granodiorite). Ce sont des rochesà quartz (20–35%), où le feldspath alcalin est rare ou absent (1 à 5%), le seul feld-spath présent étant le plagioclase (45–60 %) (oligoclase à andésine : An20−35). Lesminéraux sombres (moins de 15%) sont la biotite (5–15%) et la hornblende verte (1à 2 %). Les minéraux accessoires, abondants (0,5 à 1,5 %), sont l’épidote, le sphène,le zircon et l’allanite. Ces caractéristiques opposent donc les gneiss TTG aux grani-toïdes connus à l’heure actuelle, qui sont marqués par une série de différenciationscalco-alcalines, avec un enrichissement progressif en feldspath potassique, et unplagioclase moins abondant qui est en général de l’albite (An10−20).

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2 Quelques roches précambriennes typiques

OrAb

Q

CA

Tdh

K

Na Ca

CA

Tdh

Fig. 2.3: Triangles normatif (Q)uartz-(A)l(b)ite-(Or)those (à gauche) et chimique Na-K-Ca(à droite) montrant la spécificité de la série TTG (“Tdh”) comparée à la série calco-alcalineclassique (“CA”). Martin (1994)

b. Eléments majeurs

La chimie des éléments majeurs donne des résultats similaires : les TTG sont desgranitoïdes riches en Na et pauvres en K (ce qui est marqué par leur enrichissementen plagioclase et l’absence de feldspath alcalin), avec des rapports K/Na < 0,5.Ce sont des granitoïdes metalumineux (A/CNK ≈ 1) ; leur Mg# est de 0,4 à0,5. On retrouve là aussi la même opposition avec les granitoïdes calco-alcalinscontemporains (K/Na > 0,7).

c. Eléments en traces

Les teneurs en éléments en traces sont également caractéristiques. Une des plusévidentes caractéristiques des TTG est leur spectre de terres rares très fractionné(La/YbN = 30–50), avec un enrichissement marqué en terres rares légères (LaN

= 50–100) et, à l’inverse, de très faibles teneurs en terres rares lourdes (YbN =1–5). Ces roches ne présentent pas d’anomalie en Eu. A l’inverse, rappelons que lesgranitoïdes calco-alcalins actuels ont des spectres de terres rares moins fractionnés,avec un moindre enrichissement en terres rares légères, des terres rares lourdes plusabondantes (YbN > 10) et une anomalie négative en Eu bien marquée.

Dans une moindre mesure, les autres éléments en trace ont aussi des teneurs ca-ractéristiques (Sr/Y > 50 ; etc.)

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2 Quelques roches précambriennes typiques

(YbN)0

50

100

150YbN

0 4 8 12 16 20

CeLa Nd Sm Eu Gd Tb Dy Er Yb Lu1

10

100

ROCK

/ CH

ON

DRI

TES

CeLa Nd Sm Eu Gd Tb Dy Er Yb Lu1

10

100

Average post 2.5 Ga granitoid

Average Archaean TTG

LaN

A B

Fig. 2.4: Comparaison des valeurs (LaYb)N

et YbN pour les TTG archéennes (noir), et lesgranites juvéniles post-archéens (blanc). Ces variables permettent de quantifier la forme desspectres de terres rares (encart). Ce diagramme montre une opposition forte entre les deuxtypes de magmas (Martin, 1994).

2.1.2 Pétrogenèse

La pétrogenèse des TTG est maintenant bien contrainte, à la fois par des étudesgéochimiques et de pétrologie expérimentale. Les principaux arguments géochi-miques utilisés sont synthétisés ici :

a. Source du magma primitif

Le magma primitif de l’ensemble des gneiss TTG peut être considéré comme unetonalite dont il est possible de remonter à la source :

– Les rapports isotopiques des TTG sont proches de ceux du manteau (I(Sr) =0,701–0,703 ; εNd = +4 à -3). Ceci implique, soit une source mantellique, soitune source qui ne s’est séparée du manteau que peu de temps avant la formationdes TTG.

– Les rapports Na/K élevés suggèrent une source présentant déjà de telles carac-téristiques (basalte).

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2 Quelques roches précambriennes typiques

Stage 1

Stage 2

Stage 3

❵❵❵ TONALITIC MAGMA

ResidueHbl+Grt+Cpx+Ilm±Pl

CumulateHbl+Ilm±Pl

THOLEIITE

MANTLE

FC

PM

PM

T.T.G. SUITE

Fig. 2.5: Modèle pétrogénétique pour la for-mation des TTG (Martin, 1994). PM : fu-sion partielle ; FC : cristallisation fraction-née.

– L’appauvrissement marqué en terres rares lourdes et en Y impose de laisser aurésidu des phases avec un coefficient de partage élevé pour ces éléments. Le plusvraisemblable semble le grenat. En revanche les valeurs de Sr élevées indiquentplutôt des conditions telles que le plagioclase n’était pas stable.

– Enfin, la modélisation géochimique a permis de démontrer que, à la fois en cequi concerne les éléments majeurs et en traces, il est possible de former unmagma ayant toutes les caractéristiques du magma source des TTG en fondantun basalte tholéitique archéen, dans des conditions telles que le grenat soit stableet présent au résidu. Le taux de fusion est de 10 à 30% ; le résidu se compose declinopyroxène, grenat et ilménite.

Finalement, il a été retrouvé (dans des kimberlites) des enclaves d’éclogites à cli-nopyroxène et grenat. Ces enclaves ont des compositions qui correspondent par-faitement à des résidus de fusion de basaltes archéens (Rollinson, 1997), ce quiconfirme le modèle de fusion d’un basalte avec résidu éclogitique.

On peut donc admettre que la série TTG s’explique par la cristallisation d’unmagma issu de la fusion partielle de basaltes hydratés, dans des conditions per-mettant la stabilité du grenat.

b. Apports de la pétrologie expérimentale

Les études de pétrologie expérimentale ont confirmé ce modèle (commpilation dansMoyen and Stevens, 2006). La fusion expérimentale d’amphibolites dans des condi-tions entre 10 et 30 Kb, et 900 à 1100˚C, donne des liquides de composition TTG,avec du grenat au résidu. Les teneurs en éléments en trace des liquides ainsi forméssont elles aussi compatibles avec une telle origine.

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2 Quelques roches précambriennes typiques

Fig. 2.6: (a-c) : Diagrammes de Harker représentant des liquides expérimentaux (“TTGmelts”) obtenus par fusion partielle de basaltes (“Basalt”). Les basaltes se situent sur uneligne entre les TTG et les éclogites, ce qui confirme que les éclogites peuvent être considéréescomme les restites de la fusion partielle du basalte. (d-f) : Même diagramme, utilisant desbasaltes et des TTG de Sierra Leone (Rollinson, 1997).

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2 Quelques roches précambriennes typiques

2.1.3 Site géodynamique de formation

De telles conditions pétrogénétiques peuvent être réalisées dans différents sitesgéodynamiques.

(a)

(b)

(c)

(d)

(e)

Fig. 2.7: Sites géodynamiques possibles pour la formation de magmas TTG. (a) Fusion dansune croûte océanique subductée, subduction fortement pentée. (b) Fusion de basaltes sous-plaqués dans une zone de subduction. (c) Fusion dans une zone de subduction moins pentée(la fusion a lieu dans une zone plus large). (d) Empilement d’écailles de croûte océanique,et fusion à la base de cette pile. (e) Fusion à la base d’un plateau océanique intra-plaque

– Fusion en base de croûte continentale de matériaux basaltiques sous-plaqués.Ce modèle implique une croûte légèrement épaissie (40 à 50 km), qui n’est pasincompatible avec les conditions archéennes. C’est sans doute à une situationanalogue que sont dûs des granitoïdes miocènes d’affinité TTG dans les Andes(Atherton and Petford, 1993).

– Fusion à la base d’un grand plateau basaltique intra-océanique de type Ontong-Java. Cette hypothèse renvoie à des contextes géodynamiques de type “pointchaud”, où le panache mantellique serait responsable du sous-placage de maté-riaux basaltiques, puis de leur refusion donnant naissance aux TTG. Un analogueactuel serait l’Islande ou les Kerguelen (cf. par exemple Bédard, 2006).

– Le dernier modèle considère la fusion d’une plaque océanique subductée. Dansce modèle, en raison des gradients thermiques plus élevés qui régnaient à l’Ar-chéen, une plaque océanique subductée arrive à traverser le solidus des basaltes

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2 Quelques roches précambriennes typiques

AC

Tr

Z

H

G

Ta

Dry solidus

5% water solidus

ANDHAS

TOK

0 200 400 600 800 1000 1200 T C0

10

20

30

P kbars

ARCHEAN

Fig. 2.8: Diagramme P–T indiquant les solidus sec et hydraté des basaltes, ainsi que lesréactions de déshydratation de la croûte plongeante (A, C, Ta, Z, H, Tr). Le champ destabilité du grenat (G) est aussi indiqué. Des TTG ne se forment que si le basalte peutfondre avant de se déshydrater, dans le champ de stabilité du grenat, c’est à dire dans lechamp gris. Alors que le géotherme le long d’une plaque subductée archéenne traverse cechamp, il n’en va pas de même pour les géothermes actuels (pointillés) (Martin, 1994)).

hydratés avant que ne débutent les réactions de déshydratation (l’inverse de lasituation actuelle, où la déshydratation précoce de la plaque plongeante empêchesa fusion).La possibilité d’une telle fusion est débattue ; les modèles thermiques,ambigus, n’arrivent pas à donner de réponse définitive.Un autre argument intéressant est l’existence d’analogues modernes des TTG :ces roches, nommées “adakites” (Synthèse dans Martin, 1999) n’existent quedans les zones de subduction, à l’aplomb d’une croûte subductée jeune (parexemple subduction d’une dorsale océanique). Dans ces conditions, la croûtesubductée est jeune et chaude, et les conditions thermiques archéennes sontlocalement recrées. Dans la mesure où on ne connaît à l’heure actuelle des équi-valents de TTG que en contexte de subduction chaude, on peut considérer qu’ilest vraisemblable que le contexte ait été analogue durant l’Archéen.

De nombreuses solutions intermédiaires sont possibles ; par exemple ce pourraientêtre des plateaux basaltiques type “point chaud” qui rentreraient en subduction,ce qui expliquerait les épisodes de croissance rapide de la croûte ; ou encore, desnoyaux continentaux formés par l’un des deux premiers modèles pourraient servirde “point d’ancrage” focalisant les subductions, et localisant sur ses marges lacroissance crustale.

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2 Quelques roches précambriennes typiques

Latitude S

- 40° -

- 50° -

0 5 10

YbN

Chile ridge0<Tmy<55<Tmy<15Tmy>15

AntarcticPlate

NazcaPlate

SouthAmerican

Plate

Trench

N

Volcanic gap

orY/2.4

A B

Fig. 2.9: Formation des adakites dans le Sud du Chili. La carte de gauche indique l’âge (quiest directement relié à la température) de la lithosphère qui entre en subduction. Quand elleest assez jeune (< 15 Ma), les magmas formés à l’aplomb de la subduction présentent desvaleurs YbN faibles, caractéristiques des adakites (à droite). Ceci démontre qu’une lithosphèreassez jeune et chaude peut fondre, à l’inverse d’une lithosphère plus vieille, qui ne peut quese déshydrater (Martin, 1999).

2.1.4 Complexité des TTG

Les études plus récentes sur les TTG ont amené à s’apercevoir que ce nom recouvreen fait une variété bien plus grande que ce que l’on imaginait. Plusieurs subtilitéssont le sujet de discussions en ce moment :

– Certaines des TTG présentent des teneurs en Ni, Cr et des Mg# nettementsupérieures à celles des TTG typiques ; les données expérimentales de Rappet al. (2000) montrent que de telles roches peuvent se former en faisant interagirun magma issu de la fusion partielle de basaltes hydratés avec des péridotites.Si on revient un moment aux adakites, il s’avère que les adakites naturelles ontsystématiquement des Mg#, Ni et Cr plus élevés que les magmas expérimentauxde fusion des basaltes, ce qui suggère l’implication du manteau dans leur genèse(réactions métasomatiques lors de la montée de ces magmas ?).Il semble donc possible que certaines des TTG au moins aient interagit avecle manteau (ou en tout cas des roches ultra-basiques) lors de leur ascension :de telles interactions peuvent facilement s’envisager dans un contexte de sub-duction chaude (Martin and Moyen, 2002), ou plus exactement, dans n’importequel contexte où du basalte fond (dans le champ de stabilité du grenat) en des-

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2 Quelques roches précambriennes typiques

sous d’un morceau de manteau (cf. figure 3.7 page 47 pour un autre modèlegéodynamique répondant à ces contraintes).

MgO %

SiO2 %0

1

2

3

4

50 60 70SiO2 %50 60 70

CaO %

0

2

4

6

8

Fig. 2.10: Comparaison entre les compositions des adakites (cercles noirs) et celles desTTG (champ grisé). Alors que ces compositions sont analogues pour la majorité des élé-ments (exemple de CaO, à gauche), les teneurs en éléments de transition des adakites sontsignificativement plus élevées que celles des TTG (MgO, à droite). Ceci est interprété commeune preuve d’interactions entre les magmas adakitiques et le manteau sus-jacent. De tellesinteractions pourraient avoir existé à l’Archéen (Martin, 1999).

– Dans certaines TTG les données isotopiques suggèrent l’implication d’une an-cienne croûte continentale (Berger and Rollinson, 1997). Les données géoch-miques (éléments en traces) sur les TTG du Pilbara (Champion and Smithies,2007) suggèrent aussi qu’une partie de ces roches se soient formées à partirde sources déjà continentales. Certaines TTG reflèteraient donc le recyclage decroûte déjà existante plutôt que des nouveaux apports, et se seraient donc for-mées au sein de blocs continentaux déjà évolués.

– Enfin, la compilation de données expérimentales sur la formation de liquidesTTG (par fusion de basaltes) montre une opposition fondamentale, entre lestonalites (liquides de relativement haute teméprature, et basse pression), etles trondhjémites (basse température, mais haute pression). Je pense que cesdeux composants, qui ne se trouvent normalement pas mélangés dans un plutondonné, reflètent des conditions géodynamiques différentes (Moyen et al., 2007).

Ainsi, si les TTG présentent globalement une certaine homogénéité sans douteliée à des processus pétrogénétiques similaires, il existe des différences chimiquesde détail à l’intérieur de cette famille, reflétant des différences de sources ou degenèse. La signification de ces différences, qui commencent à être reconnues endifférents lieux, ainsi que leur interprétation en terme de contexte de formation,reste à établir !

Selon les conclusions auxquelles on arrive quant au site de formation des TTG,on voit qu’on va en tirer des conséquences très différentes sur la géodynamique del’Archéen. Opposer, par exemple, les modèles de Moyen et al. (2007) et Bédard(2006).

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2 Quelques roches précambriennes typiques

700 800 900 1000 1100 1200

40

35

30

25

20

15

10

5

0

P (k

bar

)

T (°C)

Tonalite

Trondhejmite

Granodiorite

Granite

SolidusPlag outAmp outGt in

Low-P melting

High-P melting

Fig. 2.11: Nature des liquides formés parla fusion de basaltes selon les conditions P–T. Une différence fondamentale sépare tona-lites et trondhjémites (Moyen et al., 2007)

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2 Quelques roches précambriennes typiques

2.2 Les komatiites

Fig. 2.12: Affleurement de komatiites en Abi-tibi, Province du Supérieur, Canada (photo :C. Nicollet, http://christian.nicollet.free.fr/). Il est formé d’un empilement decoulées, maintenant verticales (la région estfortement plissée).

Fig. 2.13: Texture spinifex (niveau A2) dansles kiomatiites d’Abitibi (photo : C. Nicollet,http://christian.nicollet.free.fr/).

Une des lithologies les plus typiques des ceintures de roches vertes est représen-tée par des assemblages de roches volcaniques, basiques (basaltes tholéitiques) ouultrabasiques (komatiites). Les komatiites sont des laves ultra-mafiques, dont leminéral dominant est l’olivine. Comme leur nom l’indiquent, elles ont été définiesprès de la rivière Komati, en Afrique du Sud dans la région de Barberton (Viljoenand Viljoen, 1969) (elles ont près de 3.5 Ga à cet endroit). Même dans ces assem-blages, les komatiites sont un composant mineur, les laves les plus abondantes sontdes basaltes, éventuellement un peu plus magnésiens que la normale.

2.2.1 Caractéristiques de terrain et textures

Les komatiites forment en général des coulées ou des empilement de coulées.Chaque coulée individuelle est assez fine, de l’ordre du mètre (ce qui suggère uneviscosité faible, liée à une température de mise en place élevée). Les komatiitesforment assez facilement des pillow-lavas (témoignant d’une mise en place aqua-tique) ; on observe souvent entre les coulées des intercalations de tufs hydromag-matiques ou de sédiments océaniques (cherts en particulier).

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2 Quelques roches précambriennes typiques

a. Les coulées de komatiites

Individuellement, chaque coulée présente une succession de textures. De haut enbas (figure 2.14, on reconnaît habituellement :

Fig. 2.14: Coupe idéalisée dans une coulée de komatiites (Arndt, 1994). Description dansle texte.

– “Croûte” figée, microgrenue ou vitreuse ;– Unité “A”, formée de roche à texture “spinifex”. Le Spinifex est une graminée

australienne, qui pousse dans le Pilbara en particulier. En pétrologie, on utilisece terme pour désigner une texture formée de grands (centimétriques à déci-métriques) cristaux d’olivine aciculaire, dendritique (figure 2.15). On distingueles unités A2 (“random spinifex”, sans orientation préférentielle) et A3 (“platespinifex”, cristaux parallèles).

– Unité “B”, formée de roches à texture cumulative ; soit sous forme d’aiguillesd’olivine spinifex empilées (unité B1), soit de cristaux automorphes.

b. Origine des textures spinifex

Les textures des komatiites sont des textures liées à un refroidissement rapide(éruption à haute température, surtout en milieu aquatique).

Les spinifex sont des dendrites de croissance, c’est à dire des minéraux qui ontgrandi très vite, probablement dans un milieu en surfusion. Elles grandissent àpartir d’un germe. Lorsqu’une coulée de komatiite se met en place à la surface, elleest à des températures plus élevées que son liquidus et se trouve en surfusion. Lapartie externe fige immédiatement en une croûte gelée. A partir de cette croûte,des dendrites d’olivine grandissent ; elles grandissent plus vite dans des directions

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2 Quelques roches précambriennes typiques

Fig. 2.15: Différents aspects des textures des komatiites. (a) : bordure figée d’une coulée ;(c) à (e) : texture spinifex ; (f) : cumulat à olivine. Les cristaux d’olivine apparaissent decouleur claire sur ces photographies (Arndt, 1994).

Fig. 2.16: Formation des textures dans unecoulée komatiitique (source inconnue)

privilégiées (perpendiculaire à la surface de la coulée, c’est à dire le long du plusgrand gradient thermique).

Certains de ces cristaux spinifex peuvent se décrocher du toit, et s’accumuler endessous, formant ainsi la zone à spinifex cumulatif.

Plus bas, plus loin de l’environnement extérieur froid, le refroidissement est moinsrapide ; les cristaux d’olivine qui se forment ont une forme normale, trapue. Onforme ainsi un cumulat à olivine automorphe.

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2 Quelques roches précambriennes typiques

Al-undepleted Al-depletedSiO2 48.20 46.11TiO2 0.34 0.77

FeO(T) 8.58 5.47MnO 0.17 0.17MgO 23.94 25.01CaO 7.08 9.24

Na2O 0.60 0.07K2O 0.05 0.01P2O5 0.02 0.03

Tab. 2.1: Compositions chimiques de deux exemples de komatiites (référence inconnue).

2.2.2 Composition et origine

a. Des laves ultra-magnésiennes

Les caractéristiques majeures des komatiites sont leur nature basique (SiO2 < 50%),et magnésienne (MgO > 25%). Seule une source ultra-basique (manteau) permetde former des laves aussi mafiques. Les faibles teneurs en éléments incompatibles(K2O par exemple) et les fortes teneurs en MgO montrent que le taux de fusionétait important, entre 30 et 60 %.

Les komatiites sont des magmas secs (bien que quelques travaux évoquent deskomatiites riches en eau, mais peu de personnes semblent convaincues). Pour at-teindre à sec un tel taux de fusion, il faut faire fondre le manteau à des tempé-ratures élevées (températures potentielles2 du manteau de 1600–1800˚C, ce quicorrespond à 1900–2000˚C vers 200 km de profondeur).

2La température potentielle du manteau est une température “corrigée de la pression”, c’està dire la température que ce manteau aurait en surface si il se décomprimait de façon adiabatique

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2 Quelques roches précambriennes typiques

Fig. 2.17: Température nécessaire pour former des laves magnésiennes dans le manteau(Lesher, 2006, Penrose meeting. Présentation disponible à http://www.utdallas.edu/~dxt038000/PlateTectonics/presentations.htm)

Fig. 2.18: Trajectoire P–T de remontée desmagmas komatiitiques (Arndt, 1994).

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2 Quelques roches précambriennes typiques

b. Deux types de komatiites

Comme le montre la table 2.1, il existe en fait deux types différents de komatiites,différenciées par des teneurs en Al2O3 différentes. On parle de “komatiites appau-vries en Al” ou “komatiites non appauvries en Al”. L’appauvrissement en Al (quiest corrélé à des plus faibles teneurs en Y, Yb, etc.) montre que ces liquides ontcoexisté avec des minéraux qui ont piégé Al et les terres rares lourdes, c’est à direavec du grenat : il s’agit donc de roches formées en équilibre avec du grenat.

Si tout le monde s’accorde sur cette observation, les implications en terme deconditions de fusion, et de dynamique du manteau, sont moins concordantes. Eneffet, trois paramètres affectent la présence ou non de grenat au résidu :

– La composition du manteau lui-même (plus ou moins alumineux) ;– La profondeur (le grenat est stable entre environ 30 et 100 km de profondeur) ;– Le taux de fusion (plus la réaction de fusion progresse, et plus le grenat est

détruit).

Différents modèles font appel à des combinaisons de ces trois effets pour expliquerles différences entre les komatiites.

2.2.3 Implications sur les conditions mantelliques

a. Le manteau archéen

Les magmas komatiitiques se sont formés dans le manteau, à des températurespotentielles de plus de 1600 ˚C3. Ce sont des températures très élevées : dans laTerre actuelle, les températures potentielles maximales, dans des laves de pointschauds, ne dépassent pas 1520˚C.

Même dans la Terre Archéenne, à plus forte production de chaleur, il est probable(bien que les modèles soient ambigus) que ce n’était pas la température généraledu manteau : si tel était le cas, le manteau archéen aurait été fondu à peu prèsen permanence, ce qui semble impossible (on a des preuves isotopiques de sépa-ration très précoce de “réservoirs” mantelliques, de fraction du manteau qui ontévolué sans se mélanger au reste, ce qui serait difficile à obtenir dans un manteauliquide).

On peut donc proposer les deux conclusions suivantes :

3C’est à dire à des températures réelles qui varient avec la profondeur mais peuvent atteindre2000˚C.

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2 Quelques roches précambriennes typiques

– Les komatiites se sont formées dans des contextes anormalement chauds dumanteau archéen : zones de remontées mantelliques, type “point chaud”.

– Les points chauds archéens (et l’ensemble du manteau, sans doute) étaient pluschaud de 100 à 200 ˚ que leurs équivalents actuels.

Fig. 2.19: Températures potentielles maximales de l’Archéen à l’actuel (Lesher, 2006,Penrose meeting. Présentation disponible à http://www.utdallas.edu/~dxt038000/PlateTectonics/presentations.htm).

b. Implications géodynamiques

Le rôle des points chauds à l’Archéen

Les komatiites sont un composant mineur, mais fréquent des ceintures de rochesvertes, en particulier de leur base (niveaux les plus anciens). Il semble donc que lespoints chauds aient été communs, voire systématiques à l’Archéen, et que l’évolu-tion de la majeure partie des fragments préservés ait débuté dans un tel contexte.

La fin de l’Archéen

D’après les données sur l’évolution séculaire des laves magnésiennes (figure 2.19),il semble qu’il existe une différence fondamentale entre les conditions dans le man-teau à l’Archéen et ensuite : les données préservées semblent montrer une différenceimportante entre la situation pré- et post-2.5 Ga (du moins, en supposant que les

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2 Quelques roches précambriennes typiques

études pétrologiques aient correctement identifiées le magma primitif des diffé-rentes laves, et le lien entre MgO et température potentielle du manteau !), cequi suggère une différence fondamentale dans es styles de dynamique terrestre àl’Archéen et ensuite.

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2 Quelques roches précambriennes typiques

2.3 Les sédiments chimiques riches en fer

Fig. 2.20: BIF plissés, Coppins Gap, Pilbara.Western Australia

Le terme de “formation rubanée riche en fer” (Banded Iron Formation) est unvocable défini de façon flue, et qui recouvre une variété de roches sédimentaireschimiques. Leur point commun est d’être finement lité (à une échelle centimé-trique ou infra-centimétrique), et de contenir au moins 15 % de fer. De nombreuxnoms (quartzite à hématite, jaspilite, taconite, itabirite. . .) sont principalementdes synonymes locaux pour désigner le même genre de roches4.

2.3.1 Caractéristiques générales

98 % des BIF sont formés entre 2.5 et 1.9 Ga : c’est donc une formation principa-lement paléo-protérozoiïque. Les BIF sont formés de bandes de minéraux riches enfer (oxydes, carbonates, etc.) interstratifiées avec des bandes de cherts (sédimentssiliceux orthochimiques), de silicates de fer ou de carbonates. Les couches fontgénéralement de 5 mm à 3 cm d’épaisseur.

2.3.2 Différents faciès

Selon les minéraux porteurs du fer, on distingue 4 faciès principaux :

– Faciès à oxydes : le fer se trouve dans des oxydes (magnétite ou hématite).Les bandes non ferreuses sont des cherts ou parfois des carbonates. On trouvesouvent des textures oolithiques.

4Pour certains auteurs, “taconite” désigne des dépôts ou le fer est sous forme de magnétite,alors qu’il est sous forme d’hématite dans les autres termes.

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GEOL 471/671 - Ore Deposits Origin of Banded Iron Formations (BIFs)

Banded Iron formations comprise the largest iron resources on earth and are the principal sourceof iron for modern industrial society (significantly lesser amounts of Fe are recovered frommagnetite skarn deposits, magmatic Fe deposits, and occasionally from pyrite deposits). In additionto “banded iron formation,” other terms used to describe these chemical sediments include taconite(US), jaspilite (Australia) and itabirite (Brazil). BIFs are unique products of chemicalsedimentation, and it is unclear even today exactly what conditions led to their deposition. BIFs arecommonly divided into two subcategories, the Algoma-type and the Superior-type. A third type of“iron formation,” the Clinton-type ores, has also contributed to iron resources around the world, butis volumetrically minor. Algoma BIFs are almost exclusively of Archean age, whereas the SuperiorBIFs are early Proterozoic in age. The Algoma BIFs are thought to be the products of volcanicexhalations into the early ocean, and are broadly related to volcanogenic massive sulfides. Incontrast, the Superior-type BIFs appear to be the product of purely chemical sedimentation withoutany volcanic input.

BIFs can be mineralogically complex and include oxide, carbonate, silicate, and sulfide minerals(Figure 1). Texturally, they are distinctive in having a finely-laminated appearance, with rhythmicbedding being common. Soft-sediment deformation features are common. BIFs are oftensubdivided into different facies, which appear to represent different redox conditions under whichthe ores were deposited (Figure 2). Oxide facies rocks are dominated by hematite and magnetite(Fe3+ present) whereas carbonate facies are more reduced (all iron is Fe2+) and sulfide facies is morereduced still (Fe2+ and Fe0). Silicate facies minerals carry across all three of these other facies.

Fig. 2.21: Minéraux dans les BIF (source inconnue), dans deux représentations différentes

Les faciès à oxydes se sont formés dans des conditions oxydantes (hématite) à fai-blement réductrices (magnétite), dans des milieux agités (présence d’oolithes) ;sans doute proche de la surface du bassin.

– Faciès à carbonates : le fer forme de la sidérite FeCO3. Les bandes non ferreusessont des cherts.Ce faciès nécessite des conditions très réductrices, sous forte pression partiellede CO2 ; par exemple le fond de bassins océaniques riches en matière organique)cf. figure 4.11 page 61).

– Faciès à silicates : les minéraux porteurs du fer sont des silicates de fer :– grunérite (ortho-amphibole, Fe7Si8O22(OH)2) ,– minnesotaite (phyllosilicate, (Fe2+, Mg)3Si4O10(OH)2),– stilpnomélane (phyllosilicate, K(Fe2+, Mg, Fe3+)8(Si, Al)12(O, OH)27∆n(H2O)),– glauconite ( phyllosilicate (K, Na)(Fe3+, Al, Mg)2(Si, Al)4O10(OH)2 ).Les conditions redox pour former ce faciès sont relativement indifférentes (sou-vent, il est associé à de la magnétite, ce qui donne d’autres informations). Enrevanche la teneur en CO2 doit être faible.

– Faciès à sulfides : le minéral porteur du fer est la pyrite, Fe2+S2. On trouvesouvent de la matière organique associée.Ces faciès se forment en conditions très réductrices, près de sources de souffre(par exemple parties profondes de bassins, avec des bactéries produisant H2S)

A l’exception des faciès à silicates, on a donc un gradient régulier, depuis des facièsassez oxygénés (faciès à oxydes), jusque vers des faciès totalement réduits (facièsà sulfides) ; cette séquence correspond probablement à des faciès de plus en plusprofonds, de la côte au centre d’un bassin.

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2 Quelques roches précambriennes typiques

Fig. 2.22: Conditions chimiques (degré d’oxydation et pH) permettant de former les dif-férents faciès de BIF (Boggs, 2001). A gauche, champs de stabilité des différentes espècesminérales et du fer en solution ; à droite, conditions de dépôts envisageables pour les différentsfaciès correspondants.

2.3.3 Types et associations

On distingue deux types principaux de BIF (et des types mineurs) : le type “lacSupérieur”, et le type “Algoma” (Gross, 1980).

a. Dépôts du type “Algoma”

Ces dépôts sont associés aux ceintures de roches vertes archéennes ; ils sont connusdepuis le début de l’Archéen (Isua, 3.8 Ga), et disparaissent vers la fin de l’Ar-chéen (2.6 Ga). Il s’agit de petites formations, rarement plus épaisses que quelquesdizaines mètres et plus longue que quelques kilomètres. Tout les faciès sont repré-sentés. Ces BIF se trouvent dans des unités où elles sont associées à des formationsvolcaniques ou volcanodétritiques, ou encore à des dépôts hydrothermaux (baryteBaSO4). Les textures oolithiques sont rares.

Ces associations semblent correspondre à des dépôts à proximité de systèmes vol-caniques ou hydrothermaux actifs.

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The cause of deposition is still unclear, despite decades of research. Bacteria may have playedan important role in deposition of oxide and silicate minerals, but exactly the extent of that role isuncertain. It is noteworthy that during the time of deposition of Superior-type BIFs, the atmosphereof the earth was changing from an oxygen-poor to oxygen-rich state, and this is thought to haveplayed a significant role in genesis of oxide BIFs. Iron is quite soluble in reduced form, butinsoluble in oxide form, thus with free oxygen being available as a dissolved component of theoceans, any reduced iron present would have become oxidized and precipitated as hematite ormagnetite. Carbonate facies BIF may have been deposited as cold deep seawater upwelled ontoshallow, warm continental shelves.

The unoxidized ores (taconites) are generally processed by crushing, magnetic separation, andbaking with a clay binder for shipment to the steelmaking centers. Virtually all of the iron producedin the US comes from this taconite processing. Earlier in the last century, some extremely high-grade ores were mined in the weathered outcrops above the present-day taconite mines. These oreswere primarily hematite and goethite which were weathering products of the primary taconites, thesilicates having been leached from the outcrop.

References:

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James, H.L. and Sims, P.K. (Editors), 1973, Precambrian iron-formations of the world; EconomicGeology, v. 68, p. 1179.

Fig. 2.23: Un exemple de bassin sédimentaire à BIF (type Algoma) : le bassin de Michipi-coten, ca. 2.73 Ga (Ontario, Canada). Une bande de BIF, présente au milieu de la séquence,montre une claire succession de faciès de la côte vers le centre.

b. Dépôts du type “lac Supérieur”

C’est le type de gisement de certains es plus grands gisements de fer du monde :Supergroupe du Transvaal (Afrique du Sud), Hamersely Ranges (Australie), cou-verture de la Province du Supérieur (Canada). On trouve ces dépôts au débutdu Protérozoïque, de 2.5 à 1.9 Ga. Contrairement au type précédent, ces dépôtsoccupent de très grandes surfaces (jusqu’à 160 km) et des épaisseurs pouvant at-teindre 1 km. Le faciès à sulfide ne semble pas représenté dans ces bassins ; on netrouve pas non plus de trace d’activité volcanique ou hydrotermale à proximité, etpeu de matériel détritiques est associé.

Ces dépôts sont souvent associés à des sédiments de plate-forme continentale, telsque des carbonates (dolomies). L’ensemble suggère une formation sur des margespassives (plate-formes continentales).

2.3.4 Modèles de formation

Les BIF sont un des rares exemples de sédiments ortho-chimiques, formés parprécipitation directe en milieu aquatique. Les composants majeurs des BIF, lefer et la silice, sont fournis par des ions en solution dans le milieu ; il faut donccomprendre l’origine des ions, et le mécanisme déclenchant la précipitation.

Les minéraux des BIF sont surtout des minéraux à Fe3+ ; la figure 2.21 montre quele Fe2+ est soluble dans l’eau, tandis que le Fe3+ ne l’est pas et se combine à FeO,

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2 Quelques roches précambriennes typiques

O2 ou CO2 pour former divers minéraux. Le passage de la forme soluble Fe2+ à laforme Fe3+ requiert, soit une augmentation du pH, soit un passage en conditionsplus oxydantes.

a. Type Algoma

Les teneurs en éléments traces de ces roches suggèrent une forte composante hy-drothermale. Elles se seraient donc formées autour d’évents hydrothermaux (typefumeurs noirs), à partir d’eaux enrichies par ces fluides.

On peut alors penser à deux mécanismes pour déclencher la précipitation :

– Les panaches hydrothermaux (comme les gaz volcaniques en général) sont gé-néralement assez acide. La dilution du panache dans l’océan, plus neutre, peutaugmenter suffisament le pH pour précipiter des BIF.

– Des colonies de cyanophycées photosynthétiques pourraient avoir, localement,crée des poches assez riches en O2 et oxydantes pour précipiter le fer.

Dans les deux cas, il s’agit de phénomènes l’échelle très locale, qui se déroulent aufond de l’océan, aux alentours de sources hydrothermales ou de volcans.

b. Type lac Supérieur

Les différences de compositions en éléments en traces suggèrent que le fer et la silicesont d’origine surtout continentale, et sont apportés par l’érosion des continents.

La précipitation du fer se fait à une échelle bien plus grande que dans le casprécédent : il ne s’agit plus de petites zones locales de dépôt autour de sourceschaudes, mais plutôt de précipitation généralisée à l’ensemble d’une plate-forme.On peut suggérer deux modèles de dépôt :

– Le fer et la silice proviennent de l’océan profond, et son remontés par upwellingsur les plate-formes. Le réchauffement de l’eau diminue la solubilité du fer etinduit sa précipitation.

– L’océan était à cette époque partiellement oxydé (au moins dans sa couchesupérieure) ; la précipitation de fer se déroule à l’interface entre le réservoirsupérieur, oxydé et le réservoir inférieur, encore réduit (figure 4.15, page 68)

Ce type semble correspondre à une précipitation majeure de fer, qui nécessite uneoxydation importante de l’atmosphère ; il correspond à un moment important dansl’histoire de la Terre.

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Bibliographie

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