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1 La tombe de Marie de Montholon, fille ou filleule de Napoléon, au cimetière de Bruxelles : des documents inédits Napoléon aurait eu une fille… Le comte Charles-Tristan de Montholon-Sémonville 1 fut de ceux qui accompagnèrent Napoléon dans son exil de Sainte-Hélène. Comte d'empire, chambellan de la Maison impériale, général de brigade pendant les Cent Jours, de Montholon s'installa à Longwood, à Sainte-Hélène, avec son épouse Albine 2 (née de Vassal 3 ) et il fit ainsi partie de la suite à partir du 14 avril 1816. Ses démêlés avec le gouverneur de l'ile, Sir Hudson Lowe 4 sont bien connus, Albine s'opposant assez souvent à l'intransigeance du gardien de l'Empereur. Signalons pour l'anecdote que l'épouse de Sir Hudson Lowe n'était autre que Susan de Lancey, la sœur de Sir William Howe de Lancey, l'aide-de-camp favori de Wellington, soufflé à ses côtés par un boulet de canon le 15 juin. Le hasard des destins… Susan de Lancey avait d'abord épousé, en 1812, le colonel William Johnson (28 th Foot Guards) et, veuve, elle se remarie, le 16 décembre 1815, donc après la bataille de Waterloo, avec Sir Hudson Lowe. Son premier mari, William Johnson, avait une sœur, Charlotte, qui épousera, en 1820, le comte Alexandre Antonovitch Ramsay Balmain (1779 - 1848), lequel était le haut commissaire délégué russe par le Tsar à la garde de Napoléon, à Sainte-Hélène. Albine de Montholon aurait eu une liaison avec l’empereur, lequel serait le père de sa seconde fille, Marie Caroline Julie Elisabeth Joséphine Napoléone Semonville. Il paraît que la ressemblance avec Napoléon était, paraît-il, hallucinante… Elle est née à Sainte-Hélène le 26 janvier 1818, ce que confirme la copie (datée de 1930) de l'extrait d’acte de décès conservée dans les archives du Service des inhumations de la Ville de Bruxelles 5 . Elle meurt à Bruxelles le 30 septembre 1819 âgée d'un an huit mois quatre jours…et non le 30 juillet 1819 comme certaines sources l'affirment parfois, ces huit mois faisant bien le bon compte de février à septembre. Elle sera enterrée au cimetière du Quartier-Léopold 6 . Situé à proximité de l'actuelle place Dailly, entre la chaussée de Louvain et la rue du Noyer, ce cimetière, créé en 1794, a été désaffecté à partir de 1875, les deux principaux 1 1783 – 1853 2 Ils s’étaient mariés le 2 juillet 1812 alors qu’Albine venait de divorcer, le 26 mai 1812, du banquier suisse Daniel Roger dont elle était séparée depuis octobre 1808, le mariage religieux ayant été annulé en 1809. 3 Paris, 19 décembre 1779 – Montpellier, 25 mars 1848. 4 28 juillet 1769 – 10 janvier 1844. 5 Dossier de la concession 1410 6 Voir aussi L’énigme Napoléon résolue, René Maury et François de Candé-Montholon, Albin Michel, Paris, 2000. Le cimetière du Quartier-Léopold y est erronément mentionné comme étant situé à la place de la gare du Luxembourg.

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La tombe de Marie de Montholon, fille ou filleule de Napoléon, au cimetière de Bruxelles :

des documents inédits Napoléon aurait eu une fille… Le comte Charles-Tristan de Montholon-Sémonville1 fut de ceux qui accompagnèrent Napoléon dans son exil de Sainte-Hélène. Comte d'empire, chambellan de la Maison impériale, général de brigade pendant les Cent Jours, de Montholon s'installa à Longwood, à Sainte-Hélène, avec son épouse Albine2 (née de Vassal3) et il fit ainsi partie de la suite à partir du 14 avril 1816. Ses démêlés avec le gouverneur de l'ile, Sir Hudson Lowe4 sont bien connus, Albine s'opposant assez souvent à l'intransigeance du gardien de l'Empereur.

Signalons pour l'anecdote que l'épouse de Sir Hudson Lowe n'était autre que Susan de Lancey, la sœur de Sir William Howe de Lancey, l'aide-de-camp favori de Wellington, soufflé à ses côtés par un boulet de canon le 15 juin. Le hasard des destins…

Susan de Lancey avait d'abord épousé, en 1812, le colonel William Johnson (28th Foot Guards) et, veuve, elle se remarie, le 16 décembre 1815, donc après la bataille de Waterloo, avec Sir Hudson Lowe. Son premier mari, William Johnson, avait une sœur, Charlotte, qui épousera, en 1820, le comte Alexandre Antonovitch Ramsay Balmain (1779 - 1848), lequel était le haut commissaire délégué russe par le Tsar à la garde de Napoléon, à Sainte-Hélène. Albine de Montholon aurait eu une liaison avec l’empereur, lequel serait le père de sa seconde fille, Marie Caroline Julie Elisabeth Joséphine Napoléone Semonville. Il paraît que la ressemblance avec Napoléon était, paraît-il, hallucinante… Elle est née à Sainte-Hélène le 26 janvier 1818, ce que confirme la copie (datée de 1930) de l'extrait d’acte de décès conservée dans les archives du Service des inhumations de la Ville de Bruxelles5. Elle meurt à Bruxelles le 30 septembre 1819 âgée d'un an huit mois quatre jours…et non le 30 juillet 1819 comme certaines sources l'affirment parfois, ces huit mois faisant bien le bon compte de février à septembre. Elle sera enterrée au cimetière du Quartier-Léopold6.

Situé à proximité de l'actuelle place Dailly, entre la chaussée de Louvain et la rue du Noyer, ce cimetière, créé en 1794, a été désaffecté à partir de 1875, les deux principaux 1 1783 – 1853 2 Ils s’étaient mariés le 2 juillet 1812 alors qu’Albine venait de divorcer, le 26 mai 1812, du banquier suisse Daniel Roger dont elle était séparée depuis octobre 1808, le mariage religieux ayant été annulé en 1809. 3 Paris, 19 décembre 1779 – Montpellier, 25 mars 1848. 4 28 juillet 1769 – 10 janvier 1844. 5 Dossier de la concession 1410 6 Voir aussi L’énigme Napoléon résolue, René Maury et François de Candé-Montholon, Albin Michel, Paris, 2000. Le cimetière du Quartier-Léopold y est erronément mentionné comme étant situé à la place de la gare du Luxembourg.

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cimetières de Bruxelles (celui de Saint-Gilles étant le second) devenant trop petits dans une ville en pleine croissance. Il fut donc décidé d'en créer de nouveaux et c'est ainsi que le "nouveau" cimetière de Bruxelles (situé sur le territoire de la commune périphérique d’Evere) fut inauguré en août 1877. Les tombes importantes et, surtout, celles protégées par un acte de concession perpétuelle y furent transférées, ce qui fut le cas de la tombe de la petite fille. Albine de Montholon quitte Sainte-Hélène en juin 1819 avec ses deux filles7et son fils aîné, Tristan, d'abord pour la Hollande puis pour Bruxelles où elle s'installe le 18 septembre 1819. Changement de climat, séquelle des voyages ou les deux, la petite Marie est malade et meurt quelques jours plus tard, le 30 septembre8.

L'acte de décès de Marie de Montholon (copie du 27 mai 1930) L'an mille huit cent dix-neuf, le trente septembre, est décédée à Bruxelles: Marie Caroline Julie Elisabeth Joséphine Napoléone Sémonville, âgée d'un an huit mois, quatre jours, née à

7 La seconde étant Napoléone Marie Hélène Charlotte de Montholon-Sémonville (Longwood, Sainte-Hélène, 18 juin 1816 – Aix-en-Provence, 1907). Elle avait déjà eu un fils né hors mariage, Tristan Napoléon de Montholon-Sémonville (1809, reconnu le 10 août 1813 et décédé à Alger le 21 septembre 1831) et en aura encore un, Charles François Frédéric de Montholon-Sémonville (Paris, 27 novembre 1814 – 1886). 8 Voir aussi Masson, Paul, Joséphine de Montholon, fille de Napoléon?, Le Guide 1815, printemps 2000, n° 58, pages 18 à 20. Cet auteur signale que le dossier porte le numéro 1041 : c'est, en fait, le 1410.

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Longwood (ile de Ste-Hélène) demeurant rue Royale, 7, mon [maison] n° 1072, fille de Charles Tristan Comte de Montholon Sémonville et de Dame Albine Hélène Vassal, conjointe. Le 18 octobre 1888, la tombe est transférée du cimetière du Quartier-Léopold au cimetière de Bruxelles, selon les registres des inhumations de ce cimetière dans le dossier de la concession conservé au Service des inhumations de la Ville de Bruxelles. Le transfert est autorisé par le Collège communal le 12 octobre 1888 et l'inhumation a été faite dans la parcelle 364 et ce en pleine terre. Le monument est, en fait, d'après le compte rendu de l'exhumation, une pierre encastrée dans le mur de clôture, mesurant 1,45 m de haut et 0,70 de large.

Une exhumation/inhumation a encore eu lieu le 17 avril 1930 pour un changement de place (sic) non autrement justifié. C'est toutefois dans l'avis de ce transfert du cimetière de Bruxelles qu'elle est mentionnée comme filleule de Napoléon dans la rubrique "Etat-civil"…C'est la concession 1410 et elle se trouve dans la 12e avenue, le long du mur Nord, à proximité du columbarium. Le dossier de la Ville de Bruxelles contient encore d'autres documents. C'est ainsi qu'apparaissent tout d'un coup des courriers et un extrait d'acte de décès daté, lui, du 26 mai 1930 (dans lequel on apprend d'ailleurs l'adresse du domicile bruxellois d'Albine de Montholon, à savoir Place Royale, 7, section n° 1072) qui précise la date de décès au 30 septembre 1819 (soulignée), une note d'accompagnement demandant que cette information soit comparée avec "le registre du bureau principal" et de voir les actes de décès de l'année 1819. L'on apprend ainsi que la petite fille avait un an, 8 mois et 4 jours. En fait, c'est Louis Quievreux9 qui interroge, le 21 mai 1930, les services communaux quant à l'année exacte mentionnée sur la tombe : 1819 ou 1820 ? Il est un fait qu'elle était quasi illisible et sujette à interprétation. La réponse lui sera donnée, c'est bien 1819, et une copie de l'acte de décès qui lui a été transmise, datée du 27 mai 1930.

Une fiche de travail du service du cimetière datée du 10 décembre 1936 demande que soient effectuées le remplacement d'une partie de la semelle par une neuve et nettoyage et regravure de la partie sur laquelle sont gravées les armoiries, travail qui sera vérifié par un Vu sur place daté du 23 janvier 1937. Le 31 mars 1937, un certain Maurice De Ketelaere (il habite 35 rue d'Estouvelle, à Schaerbeek), apparemment bien renseigné sur l'histoire des Montholon, écrit au bourgmestre de Bruxelles pour lui signaler que Me trouvant avant-hier au cimetière de Bruxelles, j'ai constaté (aurais-je fait une erreur de lecture ?) que la date de l'année 1820 avait été substituée à celle de 1819. Les services de Ville de Bruxelles répondent le 8 avril 1937 que la tombe a été partiellement remise en état à l'intervention de M. Raoul Tack, Syndic de la Presse Belge (… ), qu'il est exact que le décès date de 1819 et non 1820 (…) et que ce dernier prenne les dispositions nécessaires pour rectifier l'erreur gravée sur le monument. Le 20 avril, 1989, Monsieur Richard Ch. délégué en Belgique de l'Association pour la conservation des monuments napoléoniens10, écrit pour se soucier de la pérennité de la tombe,

9 1902 - 1969. Journaliste et écrivain, c'est lui qui fonde, en 1920, le premier magazine sportif, La Quinzaine sportive. Il sera aussi célèbre pour son Dictionnaire du dialecte bruxellois (Libro, 1965) et sa défense du Vieux Marché, ce qui lui vaudra d'avoir une plaque en son honneur sur la façade de l'église Notre-Dame Immaculée, Place du Jeu de Balle, à Bruxelles. 10 Rue d'Albanie, 68, Bruxelles.

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demande de trouver "une solution" et propose même les services de son association pour le nettoyage de la tombe. Il reçoit une réponse le 8 mai, réponse qui précise que la loi du 20 juillet 1971 sur les funérailles et sépultures permettrait effectivement de désaffecter la tombe. Toutefois, à défaut de famille et compte tenu de votre intérêt pour cette sépulture, votre association pourrait se charger du renouvellement, proposition assortie de conditions visant à rejointoyer et nettoyer complètement le monument et faire graver et teinter le numéro d'ordre. La balle est prise au bond et c'est grâce à cette association que la concession est renouvelée le 20 juillet 1989 et ce pour une période de 50 ans (à dater de 1971) expirant le 31 décembre 2021. Les travaux ont été réalisés mais les inscriptions restent peu lisibles… 2021, c'est dans neuf ans. L'histoire des associations, asbl ou autres, fourmille d'exemples de leurs extinction faute de membres ou d'intérêt, avec comme conséquence la disparition de documents, de la mémoire individuelle ou collective et donc d'une certaine continuité dans le souvenir. Ce serait dommage que cette tombe disparaisse faute d'une simple démarche administrative en temps voulu. Malgré elle, cette petite fille est entrée dans l'histoire, elle qui a peut-être été bercée sur les genoux de Napoléon… Alors, qui mettra l'échéance de cette concession dans son agenda ?

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La pierre tombale de la "fille" de Napoléon11

La photo, au départ orientée horizontalement, a été orientée en manière telle que la lisibilité de l'inscription puisse être facilitée, démontrant ainsi combien elle est peu claire.

11 Photo de l'auteur, tout comme les autres photos de cette tombe – mars 2006. Prises de vue réalisées avec l'autorisation de la Ville de Bruxelles.

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Vue générale de la tombe de Montholon

Mais qui donc fleurit cette tombe, fut-ce de fleurs artificielles ?

Détail des armoiries Montholon

Ce sont les armes des Montholon : d'azur, à un mouton d'or, accompagné de trois quintefeuilles d'argent, rangées en chef. Devise : Subvenite oppresso (« Je soutiens l’opprimé »).

Claude Van Hoorebeeck