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Envoi de publication canadienne convention numéro 1537393 LE MAGAZINE D’INFORMATION DES LANGAGIERS Numéro 95 • printemps 2007 www.ottiaq.org LA TRADUCTION JURIDIQUE AU CANADA : TOUT UN CONTRAT

LA TRADUCTION JURIDIQUE AU CANADA : TOUT UN CONTRAT

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LE MAGAZINE D’INFORMATION DES LANGAGIERS Numéro 95 • printemps 2007

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L A TR A D U C TI O N J U R I D I Q U E AU CA N A DA : TO UT U N CO N TR AT

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P O U R C O M M E N C E R

P R I N T E M P S 2 0 0 7N O 9 5

Vers notre numéro 100 Dossier 5Le champ de la pratique de latraduction juridique est vaste,particulièrement au Canada,étant donné la coexistence dubilinguisme et du bijuridisme.Circuit a pensé qu’il était tempsde consacrer un dossier à cedomaine complexe.

Sur le vif 20

Curiosités 27L’influence de la languesur le sens de l’orientation.

Court-Circuit 31Calling Arabic translators.

Des techniques 29Transcheck-2, projet pilote derévision assistée par ordinateur.

Michel Buttiens, trad. a.

Pages d’histoire 28Francisco de Miranda,précurseur de l’indépendancehispano-américaine, journaliste,éditeur et traducteur.

Une nouvelle norme européennerégissant la prestation desservices de traduction ; lesBrèves ; Notes et contrenotes ;Échappées sur le futur.

Des revues 22L’aménagement jurilinguistiqueau Canada ; évaluer la qualitéd’une traduction ; traductionjuridique : l’approcheterminologique est-elle gagede qualité ?

Des livres 24La langue française face à lamondialisation et un guide àl’usage notamment de la presseparlée. Les Nouveautés.

D ans la vie d’un magazine, il y a de grandes étapes et la publication d’un

centième numéro compte certes parmi celles-ci. Les plus observateurs

d’entre vous auront noté qu’ils tiennent en mains le numéro 95. C’est donc

dire que, pour l’équipe de rédaction, le décompte a commencé : dans un peu

plus d’un an, au moment où Québec célébrera en grande pompe ses 400 ans, Circuit

fêtera — beaucoup plus modestement, malgré tout — son numéro 100. Vingt-cinq ans de

publication depuis le jour où les membres de la Société des traducteurs du Québec ont donné

à Pierre Marchand et à son équipe, les Robert Dubuc, Paul Morisset, Nada Kerpan, Johanne

Dufour, Paul Horguelin et consorts, le feu vert pour lancer une revue professionnelle sur la

langue et la communication. Les temps ont changé et Circuit se définit désormais comme le

magazine d’information des langagiers, mais on peut néanmoins affirmer que ces vingt-cinq

années auront été marquées par la constance.

Pour une fois, je vais déroger à un principe sacro-saint du comité de rédaction : éviter de

susciter des attentes qu’on n’est pas sûr de pouvoir combler. Comment ? En vous faisant part

de nos projets pour les prochains numéros, et ce, jusqu’au numéro 99. Selon les prévisions

les plus réalistes, nous devrions donc aborder les thèmes suivants dans la prochaine année :

l’évolution de la langue, la traduction en français aux États-Unis, les langues de spécialité et

les cabinets de traduction. À moins, bien sûr, que survienne dans notre univers langagier un

événement incontournable. À l’avenir, vous devriez retrouver régulièrement la liste des

thèmes à venir, ce qui vous permettra de nous faire part de votre intérêt à apporter votre

collaboration à un des dossiers en préparation.

Pour l’instant, place au dossier sur la traduction juridique au Canada que nous ont préparé

Eve Renaud et AnneMarie Taravella. Un dossier où l’on parle beaucoup de collaboration, d’en-

traide et du sentiment d’être au cœur de l’action. Un dossier qui saura plaire aux spécialistes

mais aussi aux langagiers qui tâchent d’éviter d’ordinaire un domaine où ils ne se sentent pas

particulièrement à l’aise. Merci à Eve et AnneMarie, ainsi qu’à leurs collaborateurs et colla-

boratrices de l’extérieur, de nous avoir rendu accessible ce champ d’activité de nombreux

collègues.

Enfin, nos chroniqueurs poursuivent leur travail. Dans Des revues, Brigitte Charest s’est

particulièrement inspirée du thème de notre dossier pour vous présenter ses recensions.

Dans Curiosités, Didier Lafond s’est arrangé pour nous faire perdre le nord. Et dans Pages

d’histoire, Pierre Cloutier a retenu un nouvel article sur une figure marquante de l’histoire

de la traduction en Amérique du Sud.

À tous et à toutes, bonne lecture et bon printemps.

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Vice-présidente, Communications — OTTIAQNunzia Iavarone

DirectionMichel Buttiens

Rédactrice en chefGloria Kearns

RédactionYolande Amzallag (Classe affaires), Brigitte Charest(Des revues, secrétaire du comité), Pierre Cloutier (Pagesd’histoire), Marie-Pierre Hétu (Des techniques), DidierLafond (Curiosités), Solange Lapierre (Des livres), ÉricPoirier, Eve Renaud (Sur le vif), AnneMarie Taravella (Descampus)

DossierEve Renaud et AnneMarie Taravella

Ont collaboré à ce numéroJames Archibald, Georges L. Bastin, Sabine Davies,Christian C. Després, Marie Désy-Field, Joan Durand,Geneviève Gagnon, Jean-Claude Gémar, MargaretJackson, André Labelle, François Lavallée, Aline Manson,Allan Parvu, Rénald Rémillard

Direction artistique, éditique, prépresse et impressionMardigrafe

PublicitéCatherine Guillemette-Bédard, OTTIAQTél. : 514 845-4411, poste 225 • Téléc. : 514 845-9903Avis aux auteurs : Veuillez envoyer votre article à l’atten-tion de Circuit, sous format RTF, sur disquette ou par cour-rier électronique.Droits de reproductionToutes les demandes de reproduction doivent être ache-minées à Copibec (reproduction papier)Tél. : 514 288-1664 • 1 800 [email protected] rédaction est responsable du choix des textes publiés, mais les opi-nions exprimées n’engagent que les auteurs. L’éditeur n’assume aucuneresponsabilité en ce qui concerne les annonces paraissant dans Circuit.

© OTTIAQDépôt légal - 2e trimestre 2007Bibliothèque et Archives nationales du QuébecBibliothèque et Archives CanadaISSN 0821-1876

Tarif d’abonnementMembres de l’OTTIAQ : abonnement gratuit

Non-membres : 1 an, 40,26 $ ; 2 ans, 74,77 $. Étudiants ins-crits à l’OTTIAQ : 28,76 $. À l’extérieur du Canada : 1 an,46,01 $ ; 2 ans, 86,27 $. Toutes les taxes sont comprises.Chèque ou mandat-poste à l’ordre de « Circuit OTTIAQ » (voiradresse ci-dessus). Cartes de crédit American Express, Mas-tercard, Visa : www.ottiaq.org/publications/circuit_fr.php

Deux fois lauréat du Prix de la meilleurepublication nationale en traduction de laFédération internationale des traducteurs.

Publié quatre fois l’an par l’Ordre des traducteurs, terminologues et interprètes agréés du Québec

2021, avenue Union, bureau 1108Montréal (Québec) H3A 2S9Tél. : 514 845-4411, Téléc. : 514 845-9903Courriel : [email protected] Web : http://www.ottiaq.org

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Écrivez-nouspour nous faire part

de vos commentaires.

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D O S S I E R L A T R A D U C T I O N J U R I D I Q U E A U C A N A D A : T O U T U N C O N T R A T

Eve Renaud, trad. a. (Canada)AnneMarie Taravella, trad. a.

L e bilinguisme juridique n’est pas l’apanage du Canada, mais la

coexistence, dans notre pays, du bilinguisme anglais-français et

du bijuridisme droit civil-common law distingue notre pays sur

la carte mondiale.

On peut penser que tous les efforts déployés depuis plus de trente ans

pour que la justice soit accessible et applicable dans les deux langues

confèrent à notre pays une expertise non négligeable. Dans le rapport mi-

nistériel sur le rendement établi pour le ministère de la Justice du Canada

pour l’année 2004-2005, le Secrétariat du Conseil du Trésor indique que

Justice Canada a consacré 2,9 milliards de dollars à la formation du per-

sonnel des tribunaux et des juges à la jurilinguistique, au perfectionne-

ment des compétences des procureurs bilingues et à divers autres projets,

dont la mise à disposition du public d’une version anglaise de compo-

santes du site Éducaloi.

Pourtant, les Canadiens, et même parmi eux, les traducteurs, connais-

sent-ils bien le chemin parcouru entre un projet de loi et l’application

ainsi que l’interprétation de la loi par les organismes responsables et les

tribunaux ?

Et que dire du champ de la pratique de la traduction juridique ?

Certes, il y a les lois, mais aussi les contrats entre particuliers, les assu-

rances, les jugements, les brevets, les prospectus, etc.

Voilà pourquoi nous avons pensé qu’il était temps de consacrer un numéro à ce vaste et complexe domaine.

Circuit a trouvé cette fois encore d’excellents collaborateurs, praticiens et enseignants, qui nous font cadeau de

leur connaissance et de leur expérience personnelle de ce vaste domaine. Nous les en remercions et vous

encourageons à lire leurs propos très éclairants.

Vous découvrirez dans ce dossier pourquoi et comment on traduit les lois au Québec. Vous serez peut-être

surpris d’apprendre qu’au fédéral, on ne traduit pas, mais on « corédige » les textes législatifs, et vous vous de-

manderez si, finalement, traduire et corédiger ne sont pas les deux mamelles de l’élaboration d’un texte norma-

tif dans un pays bilingue. Vous éprouverez naturellement le besoin de savoir ce qu’est la jurilinguistique et ce

qu’un jurilinguiste mange au petit-déjeuner. Vous aurez une réponse très complète à la première de ces deux

questions. Vous saurez aussi ce que mange au petit-déjeuner une traductrice juridique pratiquant dans un cabi-

net d’avocats, et connaîtrez les raisons pour lesquelles elle adore son métier. Vous frissonnerez en lisant les

écueils que doit éviter un traducteur juridique en pratique privée, membre à la fois de l’OTTIAQ et du Barreau du

Québec, et vous vous instruirez avec nos coups de projecteur sur les ressources du traducteur juridique. Si tout

cela vous a mis en appétit, et que vous n’avez de cesse de pénétrer ce monde polymorphe, lisez l’article sur

l’enseignement de la traduction juridique au deuxième cycle.

Vous entamez une visite surprenante. Suivez le guide, et bonne lecture !

Tout un contrat

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À l’instar du domaine de la traduction en général,le secteur de la traduction juridique est lui aussi

aux prises avec un problème de relève, susceptibled’être ressenti avec encore plus d’acuité lorsque bonnombre de praticiens très expérimentés quitteront laprofession au cours des cinq prochaines années. Ce-pendant, je dirais qu’à très court terme il s’agit moinsd’un problème d’absence totale de relève que d’unepénurie de traducteurs — et de réviseurs — adéqua-tement préparés à remplacer leurs prédécesseurs.

Faisant à nouveau office de chef de file dans l’en-seignement de la traduction juridique, l’Universitéd’Ottawa offre depuis septembre 2005 un élément desolution, soit une maîtrise en traduction juridique ré-servée aux diplômés en droit. Durant la session d’au-tomne 2006, j’ai eu l’occasion d’enseigner à desétudiantes qui terminaient la maîtrise ou la commen-çaient. À la lumière de cette expérience, j’aimeraisvous faire part de certaines observations sur l’ensei-gnement de la traduction juridique, au deuxième cycle,à des personnes qui possèdent un diplôme et même,dans certains cas, de nombreuses années d’expériencepratique dans le domaine de spécialité, en l’occurrencele droit.

Enseigner la traduction juridiqueà des juristes

Comme je l’ai signalé précédemment, la maîtriseest réservée aux diplômés en droit. En conséquence,il s’agit d’étudiants ayant déjà approfondi les connais-sances spécialisées auxquelles ils feront appel dansl’exercice de leur nouvelle profession. Cette spécialisa-tion préalable à l’apprentissage de la discipline étu-diée constitue indéniablement un atout considérable,mais elle peut en revanche obliger à quelques remisesen question, ce qui n’est pas sans présenter certainsdéfis lorsque les étudiants sont des gens rompus audébat et à l’argumentation.

Ayant été formés, dans leur profession antérieure,à rédiger divers textes — actes de procédure, contratsvariés, avis et plaidoiries — et à s’appuyer dans cettetâche sur des « clauses types » ou des « précédents »,voilà que les étudiants apprennent que certaines deleurs sources d’inspiration ont pu faire jurisprudencemais ne font pas d’office autorité sur le plan linguis-tique. Que la langue des initiés qu’ils employaient auprétoire ou dans leurs études ne convient pas danstous les contextes. En d’autres mots, les étudiants doi-vent non seulement assimiler les règles de l’art de la

traduction et se familiariser à nouveau avec les nom-breuses difficultés et subtilités de la langue juridiqueet générale, et ce, tant en anglais qu’en français, maiségalement « désapprendre » certains tics de langage.

De plus, il leur faut apprendre à bien distinguer leurancien rôle, soit celui de l’auteur cherchant à con-vaincre par ses mots et son style, de leur nouveau rôle,soit celui du traducteur s’efforçant de bien rendre lespropos de l’auteur (ou du locuteur) tout en respectantle ton et le style (ou le niveau de langue) de celui-ci. Eneffet, alors qu’on les invite à maîtriser et à appliquerles règles de l’art de la traduction, les étudiants peu-vent parfois trouver contradictoire qu’on leur reprochede l’avoir fait en leur disant qu’ils auraient dû — Oh !hérésie ! — traduire non pas l’idée mais les mots, demanière à respecter la simplicité, l’imprécision ou l’am-biguïté, voulue ou non, du texte original.

Une mise à niveau rapideCela dit, j’ai été à même de constater que les cours

de traduction de base que doivent suivre les étudiantsavant d’amorcer l’étude de la traduction juridiquecomme telle et l’abondance des ouvrages disponiblesaujourd’hui sur les difficultés du langage du droit et lajurilinguistique permettent d’effectuer une mise àniveau assez rapide et, jusqu’à un certain point, d’ac-célérer l’apprentissage de la profession, compte tenudes connaissances spécialisées déjà acquises. Enfin,

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Chr ist ian C . Després est avocat et t raducteur à la Cour suprême du Canada. I l est également professeur à la maî t r ise en t raduct ion jur id ique de l ’Univers i té d ’Ottawa.

L’enseignement de la traduction juridiqueau deuxième cycle

Par Chistian C. Després, trad. a.

D O S S I E R L A T R A D U C T I O N J U R I D I Q U E A U C A N A D A : T O U T U N C O N T R A T

Les étudiants doivent non

seulement assimiler les

règles de l’art de la

traduction et se familiariser

à nouveau avec les

nombreuses difficultés

et subtilités de la langue

juridique et générale,

et ce, tant en anglais qu’en

français, mais également

« désapprendre » certains

tics de langage.

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un autre facteur qu’il ne faut pas sous-estimer, maisbien au contraire encourager, est la très grande motiva-tion que manifestent généralement les étudiants d’unprogramme court et pratique comme la maîtrise.

En terminant, je laisse Marie Rodrigue, une des pre-mières finissantes de la maîtrise, nous offrir le point devue de l’étudiante sur l’apprentissage de la traductionjuridique au deuxième cycle.

« Avant de m’inscrire à la maîtrise en traduction ju-ridique, comme avocate et traductrice autodidacte, jen’avais d’autre choix que de puiser dans mes connais-sances préalables du français et du langage juridiquepour m’acquitter des tâches qui m’étaient confiées.Force est d’admettre que je travaillais d’instinct, sansappliquer une méthode systématique et raisonnée.J’effectuais souvent mes recherches à tâtons.

« Si le droit mène à tout, il ne permet pas de fairel’économie de l’apprentissage de la traduction pour quiveut la pratiquer. Ainsi, grâce à la maîtrise — et notam-ment aux cours de propédeutique offerts durant le pre-mier semestre d’étude — j’aborde maintenant un texteen appliquant une méthode systématique et efficace.Avec une connaissance très approfondie des sourcesutiles en traduction juridique et des spécificités de cha-cune d’entre elles, je suis désormais en mesure de fairedes recherches plus précises, mieux orientées et aussiexhaustives que possible. Je sais beaucoup mieuxreconnaître et éviter les pièges de la traduction de l’an-glais vers le français. Finalement, mes choix terminolo-giques et phraséologiques étant maintenant davantagefondés et éclairés, je me sens nettement mieux outilléepour les défendre et en discuter. »

Maîtrise en traduction juridique (Université d’Ottawa)

Renseignements généraux (www.traduction.uottawa.ca/sequence_juridique.html)

Ce programme professionnel intensif de deuxième cycle d’une durée de quatre sessions vise àformer des traducteurs ou des réviseurs principalement pour le marché canadien où cohabitentdeux systèmes de droit, la common law et le droit civil. Il s’adresse à des juristes qui désirent sespécialiser en traduction de l’anglais vers le français et en révision juridique. La Maîtrise en traduc-tion juridique donne accès à des postes de traducteur ou d’avocat-réviseur dans des services pu-blics de traduction juridique, des grandes entreprises ou des cabinets d’avocats, mais elle neconduit pas à la pratique du droit ni à l’admission aux Barreaux.

Conditions d’admission

1. Être titulaire d’un diplôme de premier cycle en droit, ou l’équivalent ;2. Réussir à l’examen d’admission de l’École de traduction et d’interprétation.

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B eing both a practising lawyer and a legal translatorat the same time is an exciting challenge that is

also fraught with danger. It has been said that alawyer’s best friend is a poor translator! In this shortarticle, I’ll try to describe some of the aspects of thiswork that are out of the ordinary.

MembershipsYes, I am both a member of OTTIAQ and the

Barreau du Québec. Obviously, that means two sets ofmembership fees and two professional liability insur-ance policies. As you can probably guess, the workcovered by one policy is excluded under the other.

Relationship between the two professions

Experience shows that concentrating on legal trans-lation does help in the practice of law. In fact, depend-ing on the documents to be translated, it may bepossible, or even necessary, to conduct detailedresearch on specific points, which may be useful laterin preparing a case. This is important when researchmust be done on the most recent and relevant legisla-tion or concerning authors who have written seminalwork on a legal issue. On the other hand, the practiceof law entails an obligation to perform research toproperly prepare a case. This research may also be ofuse when translating in the same or a related field.

However, there is one crucial distinction—theextent of the performance expected of a translator anda lawyer. Quebec civil law has a notion called the obli-gation of means and the obligation of result. Case lawhas interpreted such a notion on many occasions in thepast in cases in which the result of work performedwas challenged. For example, a doctor has the obliga-tion to use all modern and competent means to carefor his patient. However, he does not have the obliga-tion to heal that patient, which would be an obligationof result. On the other hand, an automobile mechanichas the obligation to repair an automobile on which heagrees to work. He cannot simply say: “I did my best”and then hand his client an invoice. Quite to the con-trary, case law has determined that a lawyer has theobligation to use all competent and up-to-date meansto properly represent his client. The lawyer does nothave an obligation to have his client acquitted on acriminal charge or to win his claim for damages. Afterall, everyone knows that half of all lawyers lose theircase!

How does this notion apply to translators? What isthe extent of our obligation? Is it simply to do our best,

or is it an obligation to deliver a competent transla-tion? There is no case law on the matter of translators,as far as I know. However, by applying the principle ofobligations as specified in the Civil Code, I think we areon safe ground in concluding that a translator has anobligation of result. Can you imagine delivering amore-or-less-complete translation to a client, saying “Idid my best” and handing him an invoice? The verynature of the contract for translation services implicitlyrequires the delivery of a precise translation. I do notthink that arguing the contrary would stand up verylong in court.

What is the importance of such a distinction for atranslator? It directly concerns professional liability. Incase of litigation in which it is alleged that an imprecisetranslation was relied on and entailed damage to theplaintiff, the translator will not be able to exoneratehimself by stating that he simply “did his best.” Oncethe damage is proven and the existence of a connec-tion between that damage and the faulty translation isestablished, it will be up to the translator to prove thathe actually did deliver a quality translation (based ongenerally accepted standards for the field in which hetranslates) and the damage was not caused by thetranslation relied on. For now this discussion is theo-retical as I know of no case in which these principleswere discussed in connection with translation. Let’shope this will always continue to be a theoretical issue!

Managing timelinesBoth the practice of law and translation require the

management of timelines. Legislation in civil matters isreplete with timelines which must be calculated, countedand computed in order to do or not do what is required

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A l lan Par vu i s a lawyer and legal t rans lator, as wel l as an inspector for OTT IAQ.

Legal translationand the practice of law

D O S S I E R L A T R A D U C T I O N J U R I D I Q U E A U C A N A D A : T O U T U N C O N T R A T

It has been said

that a lawyer’s

best friend is a

poor translator!

Not such strangebedfellows afterall.

By Allan Parvu, C. Tr.

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to protect a client’s rights. Running a translation prac-tice also involves timelines which keep coming at youtoo fast. The trick is to develop a system for managingtimelines for legal matters and for translation. Unfortu-nately, there is no sure-fire method for doing so. It alldepends on the work that is accepted, whether that’s acase or a translation assignment.

Conflicts of interestOne of the pitfalls in the practice of law is avoiding

conflicts of interest. Several years ago, in a seminaljudgment, the Supreme Court traced the rules applica-ble to conflicts of interest. Not only must a lawyeravoid ending up in a conflict of interest situation, hemust also avoid the appearance of a conflict of

interest. Although subject to the obligation ofconfidentiality under sections 26 to 30 of OTTIAQ’scode of ethics, no specific provisions seem to governconflict of interest situations as far as translators areconcerned. This subject is obviously beyond the scopeof a short article, but I think that a translator who hasclients who are commercial competitors, for example,and who has access to their commercial or tradesecrets may be in a difficult position if his relationshipwith these clients is disclosed and if either one com-plains about industrial spying. Such a translator couldbe an easy target, even if he has done nothing wrong.

This matter is interesting and deserves furtherdiscussion.

Mascul ine pronouns are used throughout the text for s im-pl ic i ty ; no gender b ias is intended.

Circuit s’entretientavec SabineDavies, int. a.,trad. a., quinous donne desprécisions surla professiond’interprètejudiciaire.

Propos recueillis par AnneMarie Taravella, trad. a.

Circuit : Madame Davies, dans quel contexte avez-vous exercé la profession d’interprète judiciaire ?

Sabine Davies : J’ai surtout exercé à la chambre cri-minelle de la Cour supérieure du Québec. La demandeest plus grande au criminel, en raison du droit qu’al’accusé d’entendre son procès dans sa propre langue.Ce droit est garanti par la Charte canadienne des droitset libertés afin d’assurer à quiconque est accusé d’uncrime une défense pleine et entière. Le tribunal a doncl’obligation de faire appel à un interprète dès que l’ac-cusé en a besoin, tandis qu’au civil, il n’y a pas d’obli-gation et la partie qui souhaite bénéficier des servicesd’un interprète doit en payer les frais.C. : Comment êtes-vous entrée dans le métier ?

S. D. : Pendant que j’effectuais mes études de maî-trise, de 1981 à 1983, j’ai fait de l’interprétation anglais-francais-espagnol pour les services d’immigration. Unecollègue m’a dit qu’on avait besoin d’interprètes auPalais de justice de Montréal. Je m’y suis présentée, eton m’a tout de suite affectée à un procès aux Assises.Disons que j’ai été dans le bain tout de suite ! Heureu-sement, j’avais les reins solides, une bonne présence etune voix exercée par quelques années d’apprentissagethéâtral. Ce sont des atouts précieux pour un interprètejudiciaire, surtout qu’à l’époque, on travaillait surtouten viva voce.

C. : Étiez-vous employée par le Palais de justice ?S. D. : Non. À l’époque où j’y travaillais régulière-

ment, les interprètes judiciaires étaient tous pigistes ;c’est d’ailleurs encore le cas. Nous sommes considéréscomme fournisseurs de services du gouvernement duQuébec.C. : Quel est selon vous le premier rôle de l’interprètejudiciaire ?

S. D. : Sans hésiter, il s’agit de permettre et d’assu-rer la communication. L’interprète est là pour faire ensorte que les débats puissent avoir lieu malgré les dif-férences de langues. Il m’est même arrivé d’intervenir

L’interprétationjudiciaire, une histoire de passion

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dans un contexte où le témoin s’exprimait en anglais,langue comprise par tous à l’audience, sauf par lejuge, qui écoutait l’interprétation simultanée. Il s’agis-sait d’une affaire d’importation de stupéfiants ; nousétions huit interprètes en quatre cabines. À une ques-tion du substitut du procureur, le témoin a réponduqu’il ne prenait pas de drogue, seulement quelques« tablets ». Le ministère public a réagi comme s’il avaitaffirmé consommer des tablettes entières de haschish !Je suis intervenue pour rétablir le sens du témoignage.Comme quoi, même dans un contexte censé être bi-lingue, la possibilité d’une communication ne va pastoujours de pair avec la qualité de la communication.C. : Qu’est-ce qui distingue l’interprétation judiciairede l’interprétation de conférence ?

S. D. : L’importance de rendre le discours sansl’améliorer, l’impact qu’ont les paroles qu’on prononce.Il faut conserver le registre de langue, faire en sorteque notre interprétation reflète véritablement la ma-nière de s’exprimer du témoin par exemple, avec seserreurs de langue parfois. Je me souviens d’une fois oùj’ai dû traduire que quelqu’un s’était servi « d’unciseau » au lieu de ciseaux. J’ai donc dit « chisel » aulieu de scissors, ce qui m’a valu des roulementsd’yeux. Il était important de faire entendre à l’assis-tance l’erreur du témoin, car la façon dont il s’expri-mait faisait partie de son témoignage et contribuait àsa crédibilité auprès des juges. Cela aurait été vraiaussi à l’inverse, s’il avait eu un langage particulière-ment châtié. En situation de conférence, au contraire, ilest d’usage — comme en traduction écrite générale-ment — d’améliorer la forme du discours autant quepossible.

Plus globalement, il y a une absence de routine dansl’interprétation judiciaire qui contribue à rendre le métierpassionnant. C’est ce que je retiens peut-être de plus po-sitif de mon expérience au Palais de justice : le sentimentd’être au cœur de l’action, l’occasion d’apprendre tousles jours, une curiosité toujours entretenue.C. : Y avait-il des aspects difficiles ?

S. D. : Certains procès étaient presque insoute-nables. Ceux qui avaient trait aux enfants maltraitésm’ont toujours particulièrement émue. La proximitéavec les accusés peut être difficile à gérer, mais ce sontdes difficultés qu’on surmonte au quotidien car nous

devons être, ou du moins donner l’apparence d’être,aussi impartiaux que les juges.C. : Aujourd’hui, vous êtes essentiellement interprètede conférence. Pourquoi avez-vous quitté le Palais dejustice ?

S. D. : Tout d’abord, il m’arrive encore régulière-ment de traduire des documents pour le Palais de jus-tice, dans le domaine de la criminalistique, parexemple. Durant toute la période où j’ai travaillécomme interprète au Palais, je me suis passionnéepour tout le côté scientifique d’un procès criminel, etj’en ai fait un de mes domaines de spécialité. Cela dit,le quotidien d’un interprète judiciaire, pour être pas-sionnant, n’est pas payant ! Et les conditions de travailsont très pénibles. Je travaille encore régulièrement aucivil mais plus au criminel. À un certain moment, lors-qu’on a acquis une certaine expérience, on a envie depasser à autre chose ; on aspire à un peu plus de stabi-lité et à de meilleures conditions de travail.

C. : Recommanderiez-vous tout de même le métier à de jeunes diplômés ?

S. D. : Absolument ! L’interprétation judiciaire estune activité particulièrement formatrice. C’est une ex-cellente école et un tremplin formidable en début decarrière qui met en valeur la curiosité, l’envie d’ap-prendre et la passion.

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Il faut conserver le registre

de langue, faire en sorte que

notre interprétation reflète

véritablement la manière de

s’exprimer du témoin par

exemple, avec ses erreurs

de langue parfois.

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Par Geneviève Gagnon

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L e Québec a l’obligation constitutionnelle d’adop-ter ses lois en français et en anglais et de les pu-

blier dans ces deux langues. Cette obligation découlede l’article 133 de la Loi constitutionnelle de 1867, envertu duquel les lois du Parlement du Canada et dela Législature de Québec doivent être imprimées etpubliées en français et en anglais.

L’article 133 a été adopté afin de permettre auxdeux communautés linguistiques du Québec d’avoiraccès à l’ensemble des lois dans leur langue, carde 1774 à 1866 le droit civil n’était rédigé qu’en fran-çais et de 1774 à 1841 le droit criminel n’était rédigéqu’en anglais.

En 1979, la Cour suprême du Canada a jugé dansl’arrêt Blaikie1 que cette obligation d’imprimer et de pu-blier les lois dans les deux langues impliquait leuradoption dans les deux langues. De plus, l’article 21 dela Loi constitutionnelle de 1982 maintient l’obligationdu Québec et du Manitoba en matière de bilinguismelégislatif et judiciaire. En vertu de l’article 7 de la Chartede la langue française, adopté en 1993, « les projets deloi sont imprimés, publiés, adoptés et sanctionnés enfrançais et en anglais, et les lois sont imprimées et pu-bliées dans ces deux langues ». L’article 7 de la Charteénonce aussi que les versions française et anglaise deslois et des règlements ont la même valeur juridique.

Direction de la traductionet de l’édition des lois

L’Assemblée nationale du Québec doit donc tra-duire les lois en anglais en vue de leur présentation etles publier en français et en anglais. C’est la Directionde la traduction et de l’édition des lois qui exécute cetravail. La Direction comprend deux services.

Le Service de la traduction est composé d’une di-rectrice et d’une équipe de huit traducteurs et révi-seurs. C’est le Secrétariat à la législation du ministèredu Conseil exécutif qui lui transmet la version françaisedes projets de loi publics du gouvernement. Le traduc-teur à qui la traduction d’un projet de loi est confiéefait les recherches terminologiques et juridiques ap-propriées et exécute la traduction des différentes ver-sions du projet de loi. Un réviseur effectue ensuite larévision de la traduction afin d’assurer le contrôle de laqualité. Après la présentation du projet de loi, le

traducteur doit traduire les amendements s’il y a lieu.Une fois que les projets de lois sont sanctionnés, leService de la traduction rédige les notes marginalesdes lois en français et en anglais.

Le Service de l’édition est composé d’un directeuret de quatre agents d’information qui effectuent la cor-rection des épreuves. Ces correcteurs d’épreuves lisentles projets de loi en français et en anglais avant leurprésentation et indiquent les corrections qui devraientêtre apportées. Ils font une lecture comparative àhaute voix en équipe selon une méthode élaborée parle Service de l’édition. Cette étape constitue la der-nière confrontation des deux versions des projets deloi avant leur présentation. Par la suite, le Service del’édition prépare les textes des projets de loi pour ladeuxième impression qui s’effectue après la sanctionune fois que les amendements sont incorporés auxtextes. De plus, le Service de l’édition publie le réper-toire législatif et les versions française et anglaise duRecueil annuel des lois.

Caractère unique du travailde traduction

Pour ce qui est du travail de traduction comme tel,il est important de souligner son caractère unique quitient à la nature du système juridique du Québec, quiest un système de droit mixte, c’est-à-dire un systèmede common law et de droit civil. La common law s’ap-plique en droit public et le droit civil en droit privé.Ainsi, en plus d’avoir deux langues de législation, leQuébec a deux systèmes juridiques. Il est à noter quele Québec est un des rares endroits où le droit civilest exprimé en anglais. Il n’en serait de même qu’enLouisiane et en Écosse. Avec le temps, il s’est déve-loppé au Québec une terminologie anglaise du droitcivil. Lorsqu’ils traduisent un projet de loi en droit publicou en droit privé, les traducteurs doivent non seulementtransposer le même message tout en respectant le géniede la langue anglaise, mais aussi s’assurer de bien res-pecter les modes d’énonciation, la terminologie et lesnotions de chaque système juridique. Il s’agit d’un tra-vail très pointu et d’autant plus important que les ver-sions française et anglaise des lois ont la même valeurjuridique. Les deux textes doivent donc avoir une corres-pondance juridique et linguistique parfaite.

Geneviève Gagnon est t raductr ice à la Di rect ion de la t raduct ion et de l ’édi t ion des lo is de l ’Assemblée nat ionale .

La traductionet l’édition des lois à l’Assembléenationale du Québec

Page 12: LA TRADUCTION JURIDIQUE AU CANADA : TOUT UN CONTRAT

Exécution du travailAutrefois, les traducteurs de l’Assemblée nationale

travaillaient avec le crayon et la machine à écrire. Au-jourd’hui, ils ont à leur disposition des outils de travailtrès modernes : ordinateurs, logiciels spécialisés,banques de données et Internet. Les traducteurs colla-borent étroitement entre eux et il arrive souvent qu’ilslisent les projets de loi traduits par des collègues avantqu’ils ne soient révisés afin d’améliorer le texte et defaire des commentaires constructifs. Il y a une bonnedynamique de collaboration entre les membres del’équipe de traduction. Un autre des aspects intéres-sants du travail est que les projets de loi portent surune très grande variété de sujets. Dans la dernièreannée, par exemple, les traducteurs ont dû se penchernotamment sur les ordres professionnels, les élec-tions, les impôts, les valeurs mobilières, les régimes deretraite, la protection du consommateur, les règles degouvernance, la santé et les services sociaux, la straté-gie énergétique, les forêts et l’environnement.

De plus, les traducteurs exécutent leur travail dansdes délais très serrés. Étant donné que les versionsfrançaise et anglaise des projets de loi sont adoptéesen même temps, les traducteurs effectuent la traduc-tion des différentes versions du texte français au fur età mesure qu’elles leur sont fournies dans le cadre duprocessus de rédaction en français, et ce, avant que leprojet de loi ne soit présenté à l’Assemblée nationale.Comme les textes français sont eux-mêmes très sou-vent rédigés dans des délais très serrés, les traduc-teurs doivent accomplir leur travail avec une granderapidité d’exécution. Les périodes de travail intensifcorrespondent aux périodes de travaux parlementairesqui s’échelonnent du deuxième mardi de mars jus-qu’au 23 juin et du troisième mardi d’octobre jusqu’au

21 décembre. Pendant ces périodes de travail intensif,l’équipe du Service de l’édition, qui est le derniermaillon de la chaîne de travail, fait également desséances-marathons de travail.

En outre, les traducteurs et les correcteursd’épreuves doivent respecter le caractère confidentieldes textes qu’ils traduisent ou lisent et ne pas divul-guer le sujet des textes sur lesquels ils travaillent. S’ilsdévoilaient quoi que ce soit, ils se trouveraient à révé-ler le programme législatif du gouvernement. D’unecertaine manière, ils sont dans le secret des dieux ettrès conscients du travail parlementaire qui s’accom-plit à l’Assemblée nationale.

Collaboration avec les légistesIl est à noter que la Direction de la traduction et de

l’édition des lois collabore étroitement avec les lé-gistes. Lorsque les traducteurs repèrent des problèmesdans le texte français des projets de loi, ils les signa-lent aux légistes et les ajustements nécessaires sontfaits afin que les deux versions correspondent. La ré-daction des lois et la traduction des lois ne s’effectuentpas en vase clos. Le Secrétariat à la législation du mi-nistère du Conseil exécutif est en contact constantavec la Direction de la traduction et de l’édition deslois.

La Direction de la traduction et de l’édition des loisexécute donc un travail essentiel, passionnant et trèsspécialisé, qui requiert de la part de son équipe pro-fessionnelle des compétences particulières et unegrande disponibilité. Traduire et éditer des lois à l’As-semblée nationale du Québec, c’est se trouver dans lefeu de l’action.

1. P.G. Québec c . Blaik ie , [ 1979] 2 R.C.S. 1016.

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Présence et nécessitéde la jurilinguistique

Par Jean-Claude Gémar

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S ituée à la croisée du droit et de la linguistique, lajurilinguistique est-elle utile en traduction,, alors

que l’activité traduisante ne représente qu’une partiede son champ d’intervention ?

Discipline récente, elle propose des éléments desolution pour produire des textes juridiques répondantmieux aux impératifs de la communication actuelle queles textes traditionnels, souvent jugés peu lisibles.Chaque peuple a façonné des manières de rédiger sestextes juridiques. Parfois, l’accent a été mis sur laclarté, la simplicité et la concision, mais le plus sou-vent, lourdeur, maladresse et verbiage se conjuguentau détriment du lecteur. Ce sont les fruits de la sponta-néité et d’un manque de regard critique. En droit, cen’est pas tant le lecteur que le citoyen qui en subit lesconséquences. On l’a récemment constaté lorsque lesFrançais rejetèrent, en mai 2005, le projet constitution-nel de l’Union européenne. Une des raisons le plussouvent invoquées était celle d’un texte incompréhen-sible pour le citoyen ordinaire.

Avant tout unilingue, comme dans la plupart desÉtats monolingues, le texte juridique peut aussi êtrebilingue, notamment au Canada, ou multilingue,comme en Suisse, à l’ONU ou dans l’Union euro-péenne. Il lui arrive d’être exposé à la traduction, cequi pose un tout autre problème que celui de la rédac-tion originale d’une loi ou d’un contrat, même si lesdeux activités se résument à un exercice d’écriture.Bien que traduire ne soit pas la fonction première dujurilinguiste (comme le démontrera, à qui en douterait,la bibliographie de jurilinguistique française établiepar le CTTJ de l’Université de Moncton), cette activitéest en progression constante, mondialisation oblige.

Compétence juridique et savoir-faire linguistique

Pourtant, dire que le texte juridique présente undéfi pour le traducteur est un truisme. Passons sur lesobstacles lexicaux, syntaxiques et même stylistiques,que tout traducteur doté d’un minimum d’expériencedoit pouvoir franchir. La difficulté principale de ce texteréside dans ses aspects notionnels et conceptuels,parce qu’ils relèvent du droit et, en traduction, du droitcomparé : deux systèmes se font face. Cela demandeune compétence de comparatiste dont le traducteur ju-ridique doit disposer dans son bagage pour opérer untransfert satisfaisant. C’est sur cette combinaison decompétence juridique et de savoir-faire linguistiqueque se fonde la jurilinguistique.

Au Canada, elle est tout à la fois généralement mo-nolingue (dans chaque langue et système, à l’échelle

provinciale), bilingue (au niveau fédéral et quelquefoisprovincial), et même multilingue si l’on compte l’espa-gnol que l’ALENA ajoute à l’anglais et au français. Cettesingularité, selon Cornu, élève notre pays au « pa-roxysme de la complexité », en droit comme en traduc-tion juridique. Cette complexité a sans doute contribuéà l’apparition d’une jurilinguistique canadienne, dontla corédaction des lois fédérales représente l’état leplus achevé. Or, à l’ère du « village global », le besoinde traduire est plus pressant que jamais. À preuvel’Union européenne, avec, successivement, ses 6, puis12, 15, 25 et, actuellement, 27 États membres et ses13 langues, dont le bulgare et le roumain, dernières endate. Elle est l’exemple limite de ce que la confronta-tion des langues et du droit peut produire de difficultésde toute sorte. À lui seul, l’« acquis communautaire »représente quelque 85 000 pages, que chacun despays candidats à l’entrée dans l’Union doit traduire.À preuve encore et pour relativiser la situation duCanada, pensons au cas bien particulier de l’Afrique duSud, avec ses onze langues officielles et son trisysté-misme juridique, dépassé par celui, extrême, de l’Inde…L’image classique — chère aux traductologues — dugué (le Styx ?) à traverser illustre bien les périls que doitaffronter le traducteur en chemin.

Des règles obligatoiresLa traduction juridique ne diffère guère toutefois

de la traduction en général. Le texte juridique type (loi,jugement, contrat), en revanche, se distingue desautres textes (médical, commercial, technique, etc.) aumoins par deux aspects : son langage et la ou les

Jean-Claude Gémar est professeur émér i te à l ’Univers i té de Montréal .

l’ère du « village

global », le besoin

de traduire est

plus pressant

que jamais.

Page 14: LA TRADUCTION JURIDIQUE AU CANADA : TOUT UN CONTRAT

règles obligatoires que porte le message. Contrai-gnante, la règle de droit lie le traducteur, quels quesoient les systèmes en jeu.

Une des difficultés que présente la pratique decette traduction, contrairement à l’activité traduisanteexercée dans les autres domaines, réside dans le degréde proximité (même famille juridique) ou d’éloigne-ment (familles différentes) des systèmes auxquels letraducteur est confronté (Gémar, 2003 : 231). Ces sys-tèmes s’expriment dans une langue donnée. Aussi ladifficulté est-elle double : terminologique et notion-nelle (ou conceptuelle), situation normale, sommetoute, en traduction, mais exacerbée par le bilinguismeet le bijuridisme canadiens.

Ensuite, le défi posé au traducteur est celui de lacompréhension du texte, qu’il soit littéraire, commer-cial ou technique, puis de sa « recréation » dans untexte d’arrivée. Ici s’interpose l’idée que l’on se fait dela traduction selon qu’elle sera perçue comme unetechnique de communication, un savoir-faire profes-sionnel ou… un art. Les manières de traduire peuventvarier d’une région, d’une langue et d’une culture àl’autre, selon les contraintes propres à chaque situa-tion, dans le temps et dans l’espace, qui sont davan-tage marquées dans le domaine juridique que dans laplupart des autres domaines. Cela en raison, notam-ment, des réalités et contingences politiques, adminis-tratives et sociales. Le cas du Québec, avec sa langue,son système juridique particulier et ses institutionspropres, en est l’illustration quasi caricaturale. Cetaspect, essentiel alors que la localisation fait désor-mais partie du cursus du traducteur, est à retenir lors-qu’il s’agira de former des traducteurs juridiques.L’adage locus regit actum (le lieu gouverne l’acte) vautaussi pour le traducteur…

On en déduira que l’exercice de la traduction juri-dique présente des contraintes requérant du traduc-teur un savoir-faire peu commun. C’est celui dujurilinguiste. Il se réalise pleinement lorsque ces deuxcompétences se combinent de façon à « amener l’au-teur au lecteur » (Ricoeur, 2004 : 9).

Or, exposés à différentes significations, souventporteurs de nuances multiples et subtiles, les signeslinguistiques font l’objet d’assauts incessants par lesinterprétations divergentes auxquelles ils peuventdonner lieu. La « tâche » du traducteur en est compli-quée qui doit saisir toutes les nuances de sens dutexte de départ afin de les reproduire dans un texted’arrivée jugé équivalent. Aussi traduire un texte est-ilpeut-être le meilleur moyen soit d’en révéler les limitessémantiques, soit d’en exprimer les potentialités. Et,pour le traducteur juridique, d’en « interpréter » laportée (Gémar, 2005).

Le mythe de la traduction totaleDe ces considérations il découle que la traduction

totale (ou complète) qui, selon certains traducto-logues, verrait la réalisation d’une équivalence parfaiteentre les deux textes (de départ et d’arrivée) n’estqu’un mythe. Au Canada, il est tenace du fait de larègle de « l’égale autorité » des deux versions des lois(cf. art. 18 (1) de la Loi constitutionnelle de 1982) quientretient cette fiction politique autant que juridique.La vérité, dérangeante comme toute vérité, est que leproduit d’une traduction est toujours différent de l’ori-ginal et, en tant que tel, contestable selon l’éclairage(historique, sociologique, linguistique, politique, etc.)que projettera sur lui le lecteur selon son degré deconnaissance du sujet. Cette vérité est celle de la tra-duction en général. Le texte juridique, lorsqu’il estsoumis à l’opération traduisante, n’y échappe pas.

Une fois le message juridique compris, il restera àl’exprimer dans le texte d’arrivée. C’est ici que la juri-linguistique se révélera utile au traducteur selon letype de texte en cause. Car on ne traduit pas de lamême façon une loi, un contrat et un jugement, qui dif-fèrent par leur forme, leur contenu et leur destination.Cela en vertu d’un principe cardinal : traduire ne serésume pas au transfert des mots d’un texte source versun texte cible, puisque ce ne sont pas des mots que l’ontraduit, mais un texte et le message — le sens — qu’ilcontient.

Aussi, pour exprimer en quelques mots le principedirecteur du traducteur (juridique), disons que satâche consiste à « formuler le texte », alors que ledevoir du juriste lui dicte de « dire le droit ». Maislorsque les deux fonctions sont réunies dans la mêmepersonne, qu’elle parvient à réaliser dans le texte d’ar-rivée la synthèse de la lettre (le droit) et de l’esprit dusystème (son langage), tout en exprimant fidèlement lemessage du texte de départ, la jurilinguistique justifiepleinement son utilité.

RéférencesG É M A R , Jean-Claude et Nicholas K A S I R E R (di r. ) , La jur i l in -guist ique : entre langues et droits . Jur i l inguist ics : BetweenLaw and Language, Montréal , Thémis, 2005.

GÉM A R, Jean-Claude, « Le traducteur juridique et l ’“asymétrieculturel le” », Langue, droit et culture, Actes du V I e Foruminternational sur la traduction cer t i f iée et l ’ interprétat ionjudiciaire (Unesco, 12-14 juin 2002), DE L A FU E N T E, Elena(dir. ) , Paris, F IT, 2003, p. 231-243.

R I CO E U R , Paul , Sur la t raduct ion, Par is , Bayard, 2004, p. 9 .

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L’exercice de la traduction

juridique présente des

contraintes requérant du

traducteur un savoir-faire

peu commun. C’est celui du

jurilinguiste.

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Légiférer dans un paysbilingue sans traduire?

Par André Labelle, trad. a.

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B on nombre de Canadiens pensent encore, à sup-poser qu’ils se posent la question, que les lois fé-

dérales sont rédigées en anglais, puis traduites enfrançais. Or, ce n’est plus le cas depuis environ trenteans. À la fin des années 1970, en effet, le Canadaadoptait, pour l’élaboration des lois fédérales, uneméthode inédite qui, encore aujourd’hui, fait l’enviede plusieurs pays et organisations aux prises avec lesdifficultés que pose l’élaboration de textes normatifsdans plus d’une langue.

Appelée « corédaction », cette méthode consistedans l’élaboration simultanée des deux versions dutexte par deux rédacteurs, un francophone et un anglo-phone, travaillant en équipe, ayant accès aux mêmesressources et disposant de la même information. Com-ment en est-on arrivé là ?

L’époque de la traductionRappelons d’abord que le bilinguisme des textes

législatifs fédéraux est une obligation constitution-nelle. Voici le texte de l’article 18 de la Loi constitution-nelle de 1982 :

18. (1) Les lois, les archives, les comptes renduset les procès-verbaux du Parlement sont impri-més et publiés en français et en anglais, lesdeux versions des lois ayant également force deloi et celles des autres documents ayant mêmevaleur.

Cette disposition reprend la substance de l’arti-cle 133 de la Loi constitutionnelle de 1867, qui, lui, n’apas de version française, pas plus d’ailleurs que lereste de cette loi. Ce détail fait partie du folklore, maisil en dit long sur les origines de l’élaboration des loisau Canada. Parce que chaque version est un texte nor-matif officiel, de valeur égale à l’autre et pouvant servirà son interprétation, on aurait pu s’attendre à ce quechacune soit établie suivant la même méthode et avecle même soin. Or, la réalité a longtemps été tout autre.

En effet, jusque dans les années 1970, les loisétaient rédigées en anglais, puis traduites en françaisdans les conditions les plus difficiles qu’on puisseimaginer. D’abord, la profession de traducteur et son en-seignement n’étaient pas organisés comme aujourd’hui,et avaient un caractère très artisanal. Les traducteurs del’époque n’avaient a priori aucune formation particulièreen droit ou dans le domaine faisant l’objet du texte. Ilsn’avaient aucun contact utile avec les rédacteurs et, enraison du secret entourant les délibérations du Cabinet,n’avaient pas accès aux éléments contextuels suscep-tibles de leur permettre de saisir les subtilités du texteanglais qui, une fois rédigé, était considéré comme défi-nitif et immuable. Ajoutez à cela les contraintes detemps imposées par l’activité parlementaire et vouspouvez facilement imaginer le résultat. Dans la trèsgrande majorité des cas, la version française des loisd’alors était une traduction extrêmement servile, trufféed’erreurs terminologiques et de calques syntaxiquesplus étranges les uns que les autres.

André Label le est jur i l inguiste en chef et consei l ler légis lat i f , Ser v ice de jur i l inguist ique, Di rect ion des ser v ices légis lat i fs , ministère de la Just ice du Canada.

Page 16: LA TRADUCTION JURIDIQUE AU CANADA : TOUT UN CONTRAT

L’élaboration d’un texte bilingueC’est une intervention très critique du commissaire

aux langues officielles qui allait porter le coup de grâceà la traduction en tant que mode d’expression bilinguede la volonté du législateur. L’heure était venue desonger à une solution de rechange. On reprochait prin-cipalement aux traductions leur manque d’authenticitéet leur manque de rigueur sur le plan de la terminolo-gie et de la formulation. Il était donc logique deconclure que le spécialiste du droit et du style législatifréussirait peut-être là où le spécialiste de la langueavait échoué. On allait ainsi assister à l’élaborationd’un texte de loi bilingue a priori, c’est-à-dire quel’État, tel Janus bifront, allait enfin exprimer sa volontédans chacune des deux langues officielles à la fois.

Pourtant, s’il était raisonnable de croire que les loisy gagneraient en substance et en authenticité, la nou-velle méthode n’offrait aucune garantie sur le plan dela qualité linguistique et rédactionnelle. On venait eneffet de remplacer le traducteur, professionnel de lalangue, par un légiste professionnel du droit. Les ré-dacteurs législatifs sont avant tout des juristes et, defaçon générale, la formation universitaire en droit lesprépare assez mal à un métier qui exige une solidemaîtrise de la langue. Le droit canadien est, pour laplus grande partie, d’inspiration anglo-saxonne et sonenseignement en français se fait souvent sur la basede traductions de qualité très inégale. Or, s’agissantdes lois du pays, on ne saurait se contenter du vagueou de l’approximation. Les lois s’adressent aux ci-toyens comme aux spécialistes du droit ou du domainevisé, et leur expression exige la plus grande rigueur. Ilfallait donc fournir aux légistes l’appui nécessaire pourassurer l’équivalence des deux versions, tout en res-pectant le génie linguistique, culturel et juridique dechacune, et en évitant la contamination de l’une parl’autre.

C’est ainsi qu’est née la profession de jurilinguisteau Canada. Le jurilinguiste est un spécialiste du lan-gage juridique qui a pour mission d’aider l’équipe derédacteurs à exprimer la règle de droit de la meilleure

façon possible dans les deux langues officielles, touten veillant à la concordance de sens et d’effet des deuxversions. La fonction publique canadienne étant cequ’elle est, c’est-à-dire majoritairement anglophone, lelégiste francophone est désavantagé d’entrée de jeuparce que, dans la majorité des cas, les instructions derédaction seront données en anglais et la version deson collègue fera l’objet d’un examen très minutieux,tandis que lui devra souvent supporter seul le poids dela version française. Par sa connaissance de la langueet du processus de transfert entre deux langues, le ju-rilinguiste est là pour conseiller le légiste et l’aider àproduire un texte authentiquement français. S’éton-nera-t-on d’apprendre que les jurilinguistes sont audépart des traducteurs chevronnés ?

L’émancipationdu français législatif

Le Canada est encore le seul pays à pratiquer la co-rédaction de manière systématique. La méthode estassez laborieuse et, tout compte fait, passablementcoûteuse. Or, même au Canada, les choses ont bienchangé depuis la première législation sur les languesofficielles. Le recours à la corédaction est-il toujoursjustifié ?

Il se trouve que la mise en œuvre des valeurs quisous-tendent la corédaction a permis à la langue fran-çaise de s’épanouir et d’acquérir beaucoup d’autono-mie dans le domaine législatif. Et l’émancipation dufrançais législatif a même eu des effets bénéfiques surla version anglaise des lois. Les vieux textes législatifsanglais se caractérisent souvent par un discours pro-lixe et ampoulé, et si le style législatif canadien anglaisévolue, c’est notamment à la faveur de ses contactsavec le français. Or, il est permis de douter qu’il enserait ainsi si le français était resté une simple languede traduction. Chose plus importante encore, malgrétous les progrès réalisés au chapitre des droits linguis-tiques, le français demeure une langue minoritaire auCanada, le maintien de l’acquis restant, même dans lecontexte de la rédaction législative, une lutte de tousles jours.

On peut se demander par ailleurs s’il est bien justed’opposer la corédaction à la méthode traditionnellede rédaction-traduction. En dernière analyse, l’élabora-tion d’un texte normatif bilingue fait appel à deuxtypes de compétences : compétences juridiques etcompétences linguistiques ou plus exactement rédac-tionnelles. Dans cette optique, l’association des rédac-teurs législatifs et du jurilinguiste travaillant ensembleà la réalisation du texte n’est peut-être en sommequ’un agencement différent des compétences en jeu.

Quoi qu’il en soit, et dans la mesure où elle permetà l’État de s’exprimer spontanément dans les deuxlangues officielles à la fois, la corédaction demeure lemeilleur gage de qualité globale des lois, et lameilleure garantie d’exécution de l’obligation constitu-tionnelle que représente le bilinguisme législatif auCanada.

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Le jurilinguiste est un

spécialiste du langage

juridique qui a pour mission

d’aider l’équipe de

rédacteurs à exprimer

la règle de droit de la

meilleure façon possible

dans les deux langues

officielles, tout en veillant

à la concordance de sens

et d’effet des deux versions.

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Trad.a. outraductrice amusée

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I l y a quelques semaines, ma fille m’a dit : « Quand jeserai grande, j’aurai un travail où on s’amuse,

comme toi. »Je suis traductrice juridique chez Blake, Cassels &

Graydon, grand cabinet d’avocats du centre-ville deMontréal. Ce samedi-là, ma réviseure m’avait télé-phoné pour que je vienne traduire une urgence. Pas letemps de trouver une gardienne. Plus de café. J’aisauté dans ma voiture avec ma fille, on a fait un arrêtpour acheter du café et des muffins, puis j’ai filé vers lecentre-ville.

Arrivée au bureau, je me suis vite installée devantl’ordinateur. D’autres traducteurs et réviseures s’affai-raient déjà. La semaine avait été très occupée et la fa-tigue se faisait sentir, mais les portes étaient grandesouvertes et on se parlait d’un bureau à l’autre, on bla-guait, on riait, ma fille jouait aux espions dans les cou-loirs du cabinet. Une de mes collègues a offert d’alleracheter des cafés au restaurant de l’immeuble, le pre-mier traducteur libre donnait un coup de main au correc-teur d’épreuves qui, lui, aidait à la frappe. Entre deuxrévisions, la réviseure traduisait. On est tous différentset ce n’est pas toujours parfait, personne d’entre nousn’aime particulièrement travailler le samedi, mais tout lemonde était là, de bonne humeur malgré tout, et on riaitbeaucoup. J’étais fière de participer à l’opération quiferait bientôt la une des journaux. Quelqu’un a emmenéma fille acheter des biscuits, à la condition qu’elleprenne aussi un verre de lait. Nous sommes plus qu’uneéquipe. Presque une famille. Et même si, de temps entemps, j’aurais bien envie de travailler un peu moins,j’aime beaucoup mon travail.

Soyons honnête, la profession de traductrice dans uncabinet d’avocats n’est pas de tout repos. Mon travailconsiste surtout à traduire de l’anglais au français desdocuments d’information sur les placements de valeursmobilières ou les offres publiques d’achat, préparés pardes avocats des provinces anglophones, à la demandede grandes sociétés clientes qui émettent leurs valeursmobilières dans le public. Ces documents s’adressentaux actionnaires ainsi qu’aux autorités de réglementa-tion canadiennes (au Québec, l’Autorité des marchés fi-nanciers). Ils doivent répondre à des normes rigoureuseset utiliser la terminologie des lois, des règlements et desnormes sur les valeurs mobilières. Ces documents sontsouvent volumineux, et nous devons les traduire dansdes délais souvent très courts fixés par la législation et laréglementation sur les valeurs mobilières ou, encore, im-posés par les clients pour des questions de confidentia-lité (la moindre fuite peut leur faire perdre des milliers,voire des millions de dollars). Ils sont modifiés à plu-sieurs reprises pendant le processus de traduction. Nousdevons donc mettre la traduction à jour et la réviserconstamment en cours de route pour qu’elle reflète

l’anglais. La tâche se complique encore lorsqu’on tra-vaille avec un imprimeur qui envoie des épreuves à relireà chaque série de modifications, souvent en soirée oumême, à l’occasion, la nuit. Nous traduisons aussid’autres documents juridiques pour nos sociétésclientes, et un grand nombre de documents internes, quivisent à informer nos clients de l’évolution du droit, parexemple des bulletins d’information et des conférences.Certains cabinets ont même des traducteurs affectés ex-clusivement à la traduction de documents internes.

Pour exercer ce genre de travail, il faut être dispo-nible, organisé et pouvoir travailler sous pression et enéquipe. Les conditions de travail des traducteurs juri-diques en cabinet se sont quand même beaucoupaméliorées au cours des dernières années. Grâce àInternet, nous n’avons plus à nous déplacer à chaquefois chez l’imprimeur pour relire les épreuves. La diffi-culté de recruter des traducteurs et des réviseurs juri-diques a également incité quelques cabinets à offrirdes postes à temps partiel, du télétravail et des quartsde soir ou de week-end, à instaurer des équipes derelève pour les urgences de fin de semaine ou de nuitet à accorder des congés à la suite de fins de semainede travail intensif. En outre, dans certains cabinets, leschefs de service font l’impossible pour que les traduc-teurs, plutôt que de passer la nuit à attendre les ver-sions modifiées au compte-gouttes, rentrent au travailtrès tôt le lendemain matin et mettent les bouchéesdoubles ; ils organisent aussi des « quarts de relève »pour permettre à ceux qui ont travaillé tard de se repo-ser le lendemain. Voilà qui aurait été impensable il y avingt ans, quand j’ai commencé ma carrière.

C’est vrai, les horaires de travail sont parfois épui-sants et nous manquons souvent de temps pour fignolernos traductions avant de les remettre au réviseur. Et biensûr, il y a ces soirées d’imprimeur où je préférerais être àla maison, dans mes pantoufles. Mon travail est exigeant,c’est certain. Mais les textes sont intéressants. Les loischangent constamment et nous devons nous tenir à jouret entreprendre de nombreuses recherches, ce qui est sti-mulant. Et puis il y a quelque chose de grisant dans cespoussées d’adrénaline qui nous font souvent réussir desmiracles, terminer une traduction trop longue dans undélai trop court, donner le meilleur de nous-même quandon pense avoir déjà tout donné. Et c’est peut-être pour çaqu’on rigole autant, qu’on se soutient, qu’on s’entraide.Dans le cabinet où je travaille, si une erreur se produit, onne perd pas de temps à chercher un coupable. C’estl’équipe qui a fait l’erreur, et c’est l’équipe qui apprendrade son erreur. Par contre, les miracles, c’est aussi l’équipequi les fait. Et des miracles, il y en a beaucoup.

Un travail où on s’amuse, celui de traductrice juri-dique dans un grand cabinet d’avocats du centre-ville ?Absolument.

La traductionjuridique dansun grand cabinetd’avocats est untravail exigeant,mais ô combiensatisfaisant !

Par Joan Durand, trad. a.

Page 18: LA TRADUCTION JURIDIQUE AU CANADA : TOUT UN CONTRAT

L a traduction, la révision et la rédaction juridiquesappartiennent à un domaine bien particulier et mal-

heureusement peu reconnu. Pourtant, environ 400 pro-fessionnels langagiers auraient au Canada fait le choixde jumeler le droit et les langues.

Issue de la volonté des juristes-traducteurs, ainsique des traducteurs et réviseurs juridiques, de romprel’isolement inhérent à l’exercice de leurs fonctions,l’Association canadienne des juristes-traducteurs(l’ACJT) a vu le jour en 1988 et remplit le vide que n’ar-rivent pas à combler les ordres professionnels d’avo-cats, de notaires ou de traducteurs.

Valoriser ces fonctions et permettre à ses membresd’échanger entre eux et de s’épauler professionnelle-ment, telle est la mission de l’ACJT. On peut résumerainsi ses objectifs :• promouvoir et faire avancer la traduction juridique

au Canada et contribuer à son excellence, notam-ment lors de l’élaboration de programmes universi-taires adaptés ;

• promouvoir le statut professionnel des juristes quiœuvrent dans le domaine de la traduction juridique;

• favoriser l’appui et l’entraide professionnels.L’ACJT n’est ni une corporation de services ni un

ordre professionnel, mais un organisme de promotionde l’activité langagière dans le domaine du droit. C’estsurtout un réseau de personnes ayant des affinitésprofessionnelles. En effet, l’exercice de la professionde juriste-traducteur se décline sous plusieurs formes :jurilinguiste, conseiller en rédaction législative, traduc-teur ou réviseur juridique.

Les membres de l’ACJT proviennent en grande ma-jorité du secteur privé (cabinets d’avocats, entrepre-neurs, etc.), ainsi que des secteurs public (Bureau dela traduction, ministère de la Justice [Canada], Autoritédes marchés financiers [Québec], Cour suprême duCanada) et parapublic (Centre de traduction et de do-cumentation juridiques de l’Université d’Ottawa,Centre de traduction et de terminologie juridiques del’Université de Moncton, etc.). Ils travaillent surtoutdans la région de Montréal et dans l’Outaouais, maisaussi ailleurs au Canada. La plupart d’entre eux tradui-sent de l’anglais vers le français, les autres font l’in-verse et certains traduisent même d’autres langues,comme l’espagnol ou l’allemand.

En 2006, l’ACJT comptait 123 membres, dont lamoitié était membre d’un ordre ou d’une associationprofessionnelle de traducteurs au Canada. Pour êtremembre, les personnes intéressées doivent démontrer

qu’elles détiennent un diplôme universitaire de pre-mier cycle en droit et qu’elles travaillent dans le do-maine de la traduction juridique ou qu’elles sonttitulaires d’un diplôme universitaire de premier cycleen traduction ou dans une discipline connexe (rédac-tion juridique par exemple) et qu’elles travaillent dansle domaine de la traduction juridique.

Que fait l’ACJT ?L’ACJT organise des activités à caractère social,

thématique ou professionnel à Montréal et dansl’Outaouais et appuie financièrement ses membres quireprésentent l’association à des colloques ou desconférences portant sur la langue juridique ou le droit.

L’ACJT publie trois fois l’an son journal, le Juriscribe,qui donne des nouvelles des membres, signale desactivités de formation intéressantes données par d’autresorganismes, souligne des publications pertinentes, pré-sente un portrait d’un membre dans l’exercice de sesfonctions et communique les rapports de conférenceécrits par les membres qui ont représenté l’association.

Le comité de terminologie de l’ACJT, composé demembres bénévoles, se penche sur certains termesproblématiques (surtout dans le domaine des valeursmobilières) et fait connaître les résultats de ses délibé-rations au moyen de bulletins qui sont versés sur lesite de l’association.

L’ACJT a également publié le Lexique pratique desvaleurs mobilières (cédérom version 2005), qui compte4 750 termes.

Que nous réserve l’avenir ?Dans cette spécialité comme dans bien d’autres,

les professionnels s’inquiètent du manque de relève.Qu’ils travaillent dans des cabinets, dans des servicesadministratifs ou en bureau privé, ils reçoivent de nom-breux mandats. En raison de son bijuridisme et de sonbilinguisme, le Canada a un besoin permanent de juri-linguistes, de rédacteurs et de traducteurs juridiquestant pour ses activités législatives et judiciaires quecommerciales ou financières, le secteur des affaires endrainant à lui seul une bonne partie pour la traductionet la révision de prospectus et de contrats, dont levolume ne cesse de croître. L’ACJT souhaite travaillerde concert avec les ordres professionnels, les universi-tés et les employeurs pour faire connaître et recon-naître les langagiers du domaine juridique.

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A l ine Manson est une jeune ret ra i tée act ive, membre de l ’OTT IAQ et de l ’ACJT.

Les juristes-traducteurs,un regroupementde spécialistesde la langue juridique

Par Aline Manson, trad. a.

D O S S I E R L A T R A D U C T I O N J U R I D I Q U E A U C A N A D A : T O U T U N C O N T R A T

L’ACJT en bref123 membres

Trois publications :

• Juriscribe• Bulletins de terminologie• Lexique pratique

des valeurs mobilières

Un site : www.acjt.ca

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Par Me Rénald Rémillard

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L ’Institut Joseph-Dubuc a été fondé en 1984 à titrede centre de ressources pour les juristes d’expres-

sion française dans l’Ouest et le Nord canadiens. L’Ins-titut constituait à cette époque une entité juridiqueindépendante qui occupait des locaux au Collège uni-versitaire de Saint-Boniface et qui exerçait la plupartde ses activités dans le cadre du Programme nationalde l’administration de la justice dans les deux languesofficielles.

L’Institut Joseph-Dubuc œuvrait principalementdans les domaines suivants : élaboration de modèlesd’actes juridiques et de documents de vulgarisation ju-ridique, enseignement du français juridique et organi-sation d’ateliers de formation permanente à l’intentiondes juristes d’expression française.

En 1989, l’Institut Joseph-Dubuc a été dissous à titrede personne morale autonome pour devenir un serviceau sein du Collège universitaire de Saint-Boniface. Il aalors commencé à offrir des services de traduction géné-rale, juridique et technique.

En 2003, tous les services de traduction del’Institut Joseph-Dubuc ont été supprimés. Depuisquelques années, celui-ci accentue ses efforts en ma-tière de formation en français juridique, y compris la

confection de matériaux pédagogiques pour assurercette formation.

D’ailleurs, l’Institut offre maintenant de la forma-tion en terminologie juridique à l’intention des em-ployés des tribunaux, des procureurs de la couronne etd’autres professionnels de la justice de plusieurs pro-vinces et territoires. Cette formation, qui n’est pas dis-ponible en Ontario ni au Québec, vise à accroître lacapacité des professionnels de la justice à travailler enfrançais, ce qui permettra un meilleur accès à la justicedans les deux langues officielles.

L’Institut continue par ailleurs à mettre au pointcertains outils de travail pour les juristes d’expressionfrançaise de l’Ouest et du Nord canadiens, comme desmodèles d’actes juridiques qui s’appliquent à diversdomaines du droit. En plus d’établir ses propres mo-dèles, l’Institut répond aux demandes ponctuelles despraticiens qui désirent obtenir des modèles provenantd’autres sources.

Enfin, l’Institut Joseph-Dubuc met à la dispositiondes juristes d’expression française une collection d’ou-vrages de common law et de droit rédigés en françaiset participe aux activités de normalisation de la termi-nologie en français de la common law.

M e Rénald Rémil lard est d i recteur de l ’ Inst i tut Joseph-Dubuc.

Les traducteurs juridiques ont accès à de nom-breuses ressources sur la Toile. Les auteurs du dos-sier en ont sélectionné quelques-unes parmi leursfavorites. La liste n’est bien sûr pas exhaustive.

www.umoncton.ca/cttj

Centre de traduction et de terminologie juridiquede l’Université de Moncton

On peut recevoir les Actualités jurilinguistiques parcourriel en écrivant à [email protected].

http://canada.justice.gc.ca/fr/dept/pub/jurilinguistique/index.html

Guide fédéral de jurilinguistique législative fran-çaise, édition revue et augmentée de l’ouvrage au-trefois connu sous le titre Guide canadien derédaction législative française

www.pajlo.org/fr/ressources/actualites_jurilinguistiques. htm

Centre de ressources de PAJLO (Promotion de l’ac-cès à la justice dans les deux langues officielles)

Ressources disponibles dans Internet

www.ltt.auf.org/rubrique.php3?id_rubrique=76

Section du site de l’Agence universitaire de la fran-cophonie consacrée à la jurilinguistique

www.onterm.gov.on.ca/searchtempl.asp

ONTERM, a bilingual knowledge-based Web sitewhere you can find Ontario government termino-logy and information

www.uottawa.ca/associations/ctdj/lexfed/calefed.htm

Legal Glossary of Federal Statutes (English-French /French-English) — Centre for legal translation anddocumentation, University of Ottawa

L’Institut Joseph-Dubuc

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C ’est le 5 août 2006 que lanouvelle norme européenne

EN 15038 est entrée en vigueur,après trois années réglementairesde travail et de concertation des dé-légués du Comité européen de nor-malisation (CEN). Représentant plusd’une vingtaine de pays européens,ces délégations définissent unchamp d’application et les normesde référence. L’objet de la normeest le « prestataire de service de tra-duction », terme qui recouvre diffé-rentes réalités : société ou agencede traduction, service de traductiond’une entreprise, traducteur salariéou indépendant.

Cette norme se veut un modèlede bonnes pratiques pour améliorerla visibilité du traducteur, la qualitéde ses prestations et de son serviceau client, voire le niveau de sa ré-munération. Elle se décline en sixchapitres : introduction, domained’application, termes et définitions,exigences de base (les ressources

humaines, les ressources tech-niques, le système de managementde la qualité et la gestion de projet),la relation client et prestataire deservices de traduction (PST), lesprocédures des services de traduc-tion et les services à valeur ajoutée,en plus des annexes informatives etde la bibliographie.

Autres points importants ànoter :• Elle n’est pas obligatoire.• Pour les traducteurs, les utilisa-

teurs des services de traductionet les autorités publiques, lanorme sera une référenceunique à l’échelle européenne.

• Elle pourrait offrir un atout com-mercial face à la concurrence.C’est ce dernier point qui a fait

germer l’idée de vous en parlerdans Circuit : l’atout commercial…mais pas nécessairement face àla concurrence. Je m’explique : lanorme exige la révision de toutetraduction par un traducteur tiers ;

la responsabilité revient toutefoisau prestataire de services de tra-duction (PST) et non aux traduc-teurs ou traductrices sous-traitants.En pratique, cela signifie que lesagences de traduction qui suivrontla norme devront faire appel à destraducteurs ou réviseurs québécois(French Canadian pour utiliser leterme des agences de traduction auRoyaume-Uni) pour relire les tra-ductions destinées au Canada fran-çais. Environ 90 % de mes clientssont des agences de traduction.Même si le PST peut déroger ponc-tuellement à cette exigence à la de-mande expresse écrite du donneurd’ouvrage, cet accord spécifique nepourra en aucun cas justifier uneminoration du tarif, la révision fai-sant partie du service de base. Si,au contraire, une agence de traduc-tion, qui est alors le PST, demandeau traducteur sous-traitant de fairerelire sa traduction par un pair et defournir la preuve qu’il l’a fait, une

augmentation du tarif du traduc-teur est alors justifiée. On peut ex-trapoler cette situation dans toutel’Europe, où de nombreux traduc-teurs québécois travaillent.

Nul ne peut prédire le succès decette nouvelle norme auprès desagences ou des traducteurs indé-pendants, mais je suis convaincuequ’un nouveau marché est sur lepoint de s’ouvrir en Europe pour lestraducteurs québécois. Recherchezdonc EN 15038 précédé du sigle dupays, soit NF pour la France, BSpour le Royaume-Uni, etc.

À suivre…

Pour de plus amples renseignementssur la norme, consultez le s i te de laS o c i é t é f ra n ç a i s e d e s t ra d u c t e u r s(SF T), au www.sft . f r. Vous pouvez vousprocurer un exemplaire de la normeen français à l ’Afnor (N F E N 15038) auprix de 45,35 € hors taxe, ou en anglaisau Brit ish Standard Inst i tute (BS I) —BS E N 15038 : 2006, Fax : + 44 (0) 208996 7001. Par ai l leurs, le l ivre suivantvient de paraître : The Translat ion Ser-vice Provider’s Guide to BS EN 15038 deChris Cox, ISBN 0 580 49074 2, BS I(order ref : B I P2116) au pr ix de 25 £.

BrèvesUne famille qui vautson pesant d’or17 Eldorado est le journal deLorenzo Létourneau.

Lorenzo Qui ?Létourneau. Comme dans « le

grand-oncle de François Gauthier,trad. a. », lequel a décidé de nousfaire revivre l’aventure du Klondikeavec le seul aventurier du sentier del’or qui ait relaté son aventure entiè-rement en français. L’ouvrage estriche d’un glossaire de 481 termeset de 53 photos. Et vous ? Seriez-vous riche grâce à un ancêtre mé-connu qui fut de l’aventure ? L’indexaux 1 211 entrées vous réserve peut-être une surprise…

Publié chez Linguatech et éditépar Qualigram. Bonne lecture !

Le mot dans tousses étatsLe mot a son festival. Depuis troisans, en fait. Cette année, il fête en

grand à La Charité-sur-Loire, enBourgogne, du 6 au 10 juin, avecnotamment Philippe Delerm,auteur, et Roland Lehoucq, astro-physicien. Sous la présidenced’honneur d’Alain Rey ; si, si, le ré-dacteur en chef des éditionsLe Robert. On y parlera des motsde sciences, des mots qui font rire,des mots politiques, des mots quise dérobent ou qui font trébucheret… des mots québécois du Théâtrejuré-craché. Pour en savoir plus etvoter pour le mot de l’année,rendez-vous au www.festivaldumot.fr/festival-du-mot-2006/Edition2006.html Et si vous choisissez d’yaller faire un tour, buvez une larmede Châteauneuf-du-Pape à la santédes mots !

Pluto, le motqui a du chienBien entendu, plusieurs organisa-tions élisent « leur » mot de l’an-née. C’est ainsi que l’AmericanDialect Society a voté pour le verbeto pluto, qui signifie « to demote ordevalue someone or something, ashappened to the former planetPluto when the General Assemblyof the International AstronomicalUnion decided Pluto no longer metits definition of a planet ». Pluto adevancé de peu climate canary, quia tout de même remporté le titred’invention lexicale la plus utile. Leterme signifie : « an organism orspecies whose poor health or decli-ning numbers hint at a larger envi-ronmental catastrophe on thehorizon ».

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Lancement d’une nouvelle norme européenne« Services de traduction : exigences requises pour la prestation du service »

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S U R L E V I F C H R O N I Q U E D I R I G É E P A R E V E R E N A U D

Par Marie Désy-Field, trad. a.

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O n peut difficilement ouvrir uneporte. Quel mot ! Qui se ter-

mine d’ailleurs par une syllabemuette de stupeur. La porte fran-çaise vous claque brutalement aunez. Au moins, la door anglaisesemble résonner d’un gong plusaccueillant. Quant à la Tür alle-mande, elle s’ouvre délicatement,sur la pointe de la langue.

Cette réflexion qui m’est venue ily a quelque vingt ans a subitementtrouvé écho dans le roman de DanielPennac intitulé Le dictateur et lehamac. Au début de ses rêveries,l’auteur éventuel écrit : « […] Il estvrai encore que […] quelques autreschez mes amis traducteurs doutentque “la fenêtre”, “la janela”, “dasFenster”, “the window” ou “la fines-tra” désignent exactement la mêmechose, puisque aucune n’ouvre surles mêmes bruits ni ne se refermesur les mêmes musiques. »

Tout comme la porte et sesprésumés équivalents, en fait, lafenêtre se distingue de ses homo-logues dès que vous en prononcezle nom, avant même d’écouter cesbruits et musiques particuliers. Lawindow anglaise se prononcecomme le vent qu’elle combat. Lafenêtre française est, en toute lo-gique cartésienne, couronnée d’unfronton circonflexe en plein centre.Mais la finestra italienne… Ah ! En-tendez-la vous donner tout letemps qu’il faut pour manier l’es-pagnolette, pousser et assujettirles volets, saluer les passants,humer le romarin et refermer lescroisées pour vous abriter de la tra-montana.

Généreux, l’italien laisse éclatertous ses i, ses o, ses a et ses rroulés dans une tarentelle sans fin.En principe, pas de lettres muettes.Il y a volontiers élision et télesco-page entre voyelles, mais c’est qu’ily a tant à dire.

J’ai même remarqué, sur les avisau public et les cartons explicatifsdes musées d’Italie, que l’originalitalien est souvent plus long que lesversions française et anglaise.

Mon impression s’est renforcéeà la lecture d’un ouvrage de LuigiBarzini, journaliste et auteur d’ori-gine italienne, qui a vécu aux États-Unis et y a publié en 1964 un livrecharmant sur ses compatriotes.Rentré en Italie, il y a fait publier sapropre traduction de l’ouvrage. Jelis les deux versions en parallèle etje constate de nombreux ajoutsdans la version italienne. Pourtant,l’auteur n’a pas à expliquer les Ita-liens aux Italiens… S’il évoque parexemple la fierté et l’enthousiasmede ses compatriotes envers leurtravail, il énumère trois corps demétier en anglais et six en italien. Ilajoute des adjectifs, des incises…Allez hop ! on redevient italien. Foind’hypothèses et de thèses, je meplais à croire que les Italiensaiment les mots, tout simplement.

Jamais de réponse laconique.L’Italie avec des si et des no toutsecs, ce serait comme un Québecsans neige… mais en plus froid !

En 1986, les Italiens ont inventél’arcigola qu’on pourrait traduirepar « archiappétit », pas au sens dequelqu’un qui se gave mais plutôtde quelqu’un qui prend le tempsqu’il faut pour profiter des plaisirsde la table, d’aliments sains et bienapprêtés. En fait, le mot venait del’acronyme ARCI, qui désigne uneassociation de promotion de la cul-ture et des loisirs à l’italienne, etdu titre d’une revue — La gola (lagourmandise) — sur les plaisirs dela table. C’était tellement conformeà leur caractère.

Malheureusement, pour com-battre le phénomène du fast foodsur son propre terrain linguistique,l’arcigola est disparue au profitde… slow food. Compréhensible,

mais paradoxal. Et c’est sanscompter il computer — avec unjoli r vibrant, tout de même —, lamouse et d’autres encore.

Dommage. La langue italienneest si moelleuse et longue enbouche, comme ces Barolo corsésqu’on y boit volontiers.

Mais moi je suis longue en pageet puisque vous m’avez malgré toutsuivie jusqu’ici, je vais tenter devous offrir un petit quelque chose(si vous ne le possédez pas déjà)que le Robert, lui, vous refuseraégoïstement. Voilà, sans façon, je

vous offre la caudalie, cette appel-lation française d’origine difficile-ment contrôlable, qui désignel’unité de mesure de la longueur enbouche d’un vin. Une seconde depersistance sur la langue et vouscomptez une caudalie.

Il devrait y avoir une mesure depersistance phonétique. L’italienbattrait, j’en suis sûre, des recordsde caudalies. D’ailleurs, ça se ditcomment, caudalie, en italien ? Çane se dit pas ! Quand on aime, onne compte pas.

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14-15 mai 2007, Université McGill, Canada — La langue et la localisa-tion : politiques, stratégies et pratiques, 3e colloque sur la localisa-tion. www.teknolang.net/fr/veille.htm

26 – 28 mai 2007, Université de la Saskatchewan, Canada —XXe congrès de l’Association canadienne de traductologie.www.uottawa.ca/associations/act-cats/Fra/congres/congres.htm

6 – 10 juin 2007, La Charité-sur-Loire (France) — 3e Festival du mot.www.festivaldumot.fr/festival-du-mot-2006/Edition2006.html

25 – 27 octobre 2007, Réseau des traducteurs et traductrices en édu-cation — Neuvième colloque. www.rte-nte.ca/colloques.fr.stm

31 octobre – 3 novembre 2007, San Francisco (Californie) — 48e Congrèsannuel de l’American Translators Association. www.atanet.org/conferencesandseminars/proposal.php

4 avril 2008, Musée national des beaux-arts, Parc des Champs-de-bataille, Québec — 3e Journée québécoise des dictionnaires. Pourinformation : [email protected]

1er – 7 août 2008, Shanghai — Traduction et diversité culturelle,XVIIIe Congrès de la FIT. www.fit2008.org

� É c h a p p é e s s u r l e f u t u r

Eve Renaud, trad. a. (Canada)

Notes et contrenotesLe goût des mots

Page 22: LA TRADUCTION JURIDIQUE AU CANADA : TOUT UN CONTRAT

U n retour au numéro de sep-tembre 2006 de L’Actualité

langagière nous gardera dans l’es-prit de la traduction juridique avec,en page 22, un article d’IlianaAuverana qui fait le point surl’aménagement jurilinguistique auCanada. L’auteure présente un brefhistorique de la jurilinguistique auCanada et montre le rôle primordialdes jurilinguistes à l’égard del’amélioration de l’accès à la justicedans la langue de leur choix pourles minorités de langue officielle.Nous y apprenons notammentcomment le Lexique du droit des fi-ducies (common law) a vu le jour,en mars 2005, et que le ministèrede la Justice finance la rédaction duJuridictionnaire : Recueil des diffi-cultés et des ressources du françaisjuridique, dont les éditions provi-soires continuent d’être publiéesdepuis 1991. Le ministère financeégalement les projets de recherchepour la mise à jour de JURITERM (labanque de terminologie de lacommon law). Mme Auverana sou-ligne qu’afin de mettre en valeurles travaux de jurilinguistique auCanada et de favoriser les échangesentre jurilinguistes et autres prati-ciens du langage du droit, le minis-tère de la Justice a créé l’Institutd’été de jurilinguistique, dont lapremière rencontre annuelle a eulieu le 5 août 2005 à la faculté dedroit de l’Université McGill.

Dans le vol. 3, no 4, Frances Pecknous présente « Usage Update »,partie 2, et nous donne quelquesexemples de ce que l’usage mo-derne anglais considère comme ac-ceptable, plus ou moins acceptableou inacceptable. L’article de CélineLabrosse s’inscrit aussi dans la mo-dernité puisque l’auteure examinel’évolution des dictionnaires enmatière de normes et d’expres-sions non sexistes. André Racicotnous invite dans le monde mysté-rieux de la traduction des noms decapitales — pourquoi Wachigne-

tonne ferait-il sourire les rigolos etsourciller les rigoristes alors queBakou et Tachkent passent inaper-çus ? Jacques Desrosiers répond àdes questions qui lui ont été adres-sées par courriel au fil des mois,par exemple « doit-on dire âgé de14 à 25 ans ou âgés entre 14 et 25ans ? » ou « quand doit-on répéterou ne pas répéter la conjonctionque ? » Nous espérons que la chro-nique bien garnie « À vous laparole », qui invite les lecteurs às’exprimer, deviendra une sourced’inspiration pour les lecteurs deCircuit.

Évaluer la qualitéd’une traduction

L’ATA Chronicle, vol. XXXV, no 10,s’intéresse aux normes de qualité del’industrie. Dans « Quality Assess-ment in Translation », Jiri Stejskaldécrit trois éléments à examinerpour évaluer la qualité d’une tra-duction, soit le fournisseur de ser-vice, le procédé de traduction et latraduction elle-même. Il expliquecomment les formes d’agrémentexistantes constituent une basepermettant d’évaluer un traducteuravant de lui confier un travail.Quant aux procédés de traduction,ils peuvent porter la marque deconformité d’un organisme interna-tional de normalisation — notam-ment UNI 10574, DIN 2345, EUATC,ÖNORM D1201 —, ce qui attesteque les travaux seront exécutésselon certaines exigences, mais quine fait pas foi des résultats. Bien

qu’il existe des méthodes d’évalua-tion des traductions, par exemple,déterminer le type et le nombre defautes, le client n’est pas toujoursdisposé à en payer le coût. L’auto-mobile et d’autres industries possè-dent leur propre barème de contrôlede la qualité des traductions ou uti-lisent ceux d’organismes spéciali-sés, telle la Localization IndustryStandards Association (LISA). L’au-teur conclut en disant que cesméthodes sont des moyens d’éva-luation qui se complètent.

Un autre article du mêmenuméro nous informe sur la possi-bilité qu’a le traducteur d’élargirses horizons en écrivant des ar-ticles et des livres, en participant àdes forums en ligne ou en ensei-gnant. Selon l’auteure, CorinneMcKay, de telles activités aidentcelui qui les pratique à devenirexpert en son domaine, quelqu’undont l’opinion compte et est

recherchée. Elle nous révèle com-ment son entreprise en a tiré profit.Mais selon elle, la première choseà faire est de surmonter le senti-ment de ne pas en savoir assez.À cet égard, Werner Heisenberg,prix Nobel de physique en 1932,aurait déclaré : « Un expert estquelqu’un qui connaît les pires er-reurs qui peuvent être faites dansson domaine et qui sait commentles éviter. » Si nous pensonsqu’écrire un livre est une entreprisedifficile, nous changerons peut-êtred’idée quand nous serons confron-tés à l’étape de la vente ! Corinne

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L’aménagementjurilinguistique au Canada

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D E S R E V U E S C H R O N I Q U E D I R I G É E P A R B R I G I T T E C H A R E S T

McKay ne nous laisse cependantpas seuls avec notre désespoirpuisqu’elle nous donne desadresses où nous trouverons del’aide et des suggestions : 1,001Ways to Market your Books( w w w . b o o k m a r k e t . c o m /1001 ways.html), Marketing Minutee-newsletter (gratuit) (www.yudkin.com/markmin.htm), Jump Startyour Book Sales et Guerilla Marke-ting for Writers : 100 Weaponsto Help you Sell your Work(www.amazon.com). Forums etautres : www.proz.com ; http://translatorscafe.com ; www.translationdirectory.com ; www.lightningsource.com ; www.lulucom ; www.internationalwriters.com.

L’article « Back and ParallelTranslations : Managing Client Ex-pectations », de Chris Lines, nousapprend comment composer avecles attentes des clients qui igno-rent tout des difficultés du proces-

sus de traduction et font retraduirela traduction qu’ils ont commandéepar une relation de travail ou unparent qui connaît la langue dedépart… (j’entends des grince-ments de dents). On devine lerésultat et la frustration qui s’en-suivent, tant pour le donneur d’ou-vrage que pour le traducteur. Ledonneur d’ouvrage demanderapeut-être une traduction parallèle.Dans un tel cas, le traducteur qui aobtenu le contrat engagera un col-lègue, spécialisé dans le domainedu texte à traduire. Afin d’éviter cegenre de situations compliquées,

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ou d’éviter qu’elles ne se reprodui-sent, l’auteur propose d’éduquer leclient et de considérer comme unbon investissement le temps passéà lui expliquer qu’on ne traduit pasà coup de dictionnaire, qu’il fauttenir compte des contextes, de dif-férences linguistiques majeures, deraisons qui font que le texte d’arri-vée est plus long que le texte dedépart, etc. Il suggère aussi d’illus-trer nos propos avec des exemplesde textes traduits par un autretraducteur. Pour terminer, il recom-mande une méthode de comparai-son et d’évaluation des traductions.Une meilleure compréhension estgarante de satisfaction.

Beth NaZar nous rappelle quel’ATA Annual Conference aura lieu àLa Nouvelle-Orléans du 1er au 4 no-vembre et nous parle de cette villeet des lieux à visiter.

Ceux qui aimeraient se lancerdans un projet d’envergure trouve-ront réponse à leurs questions dans

« Dealing with Large Projects », ar-ticle faisant partie de la chroniqueBusiness Smart.

Traduction juridique :l’approcheterminologique est-ellegage de qualité ?

« Des dangers d’une approcheterminologique en traduction juri-dique », article de Véronique-AnneSauron paru dans le no 210 deTraduire, nous montre toute lafausseté de la célèbre formule « latraduction juridique est une chosetrop sérieuse pour être confiée àdes traducteurs ». Est-il vrai que labonne traduction des termes juri-diques est gage de la bonne traduc-tion dans son ensemble ? Qu’enest-il lorsque les notions de droitexprimées dans la langue de départne correspondent pas du tout àcelles de la langue d’arrivée ? Com-ment savoir si le sens donné à

un certain terme est le bon parmitous ceux qu’indique la banquede terminologie que nous avonsconsultée ? À l’aide de nombreuxexemples, l’auteure explique com-ment voir les ambiguïtés et éviterles pièges d’une approche tropaxée sur la terminologie.

Dans le même numéro, Jean-Pierre Chavagne nous fait décou-vrir une approche très intéressanted’apprentissage des langues, l’in-tercompréhension des langues voi-sines. Il s’agit du fait pour deuxpersonnes de se comprendre aucours d’une conversion où chacuneemploie sa propre langue. Le projetGalanet, lancé en 2005 dans Inter-net (www.galanet.be), exploite cetteintercompréhension, qui est tout àfait possible entre langues voi-sines. Le projet vise à utiliser les si-militudes entre langues romanesafin de mettre au point des straté-gies d’intercompréhension et descompétences de compréhension

réelles entre le français, l’espagnol,l’italien et le portugais. Une for-mule qui pourrait constituer le pre-mier pas vers le plurilinguisme.

Une nouvelle revue en ligne, Lecomplexe du roi Fahd pour l’im-pression du Noble Coran (www.qurancomplex.org/default.asp?l=frn),publie 120 titres sur le Noble Coranavec 47 traductions d’interpréta-tions en plusieurs langues. Il com-porte un lien vers de magnifiquesexemplaires anciens du NobleCoran.

Brigitte Charest, trad. a.

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M O N T E N AY , Yv e s , L a l a n g u efrançaise face à la mondia l isa-t ion, Les Bel les Let t res , Par is ,2005, 321 pages.

L a langue française est en déclinsur le plan international, ce

n’est un secret pour personne.Pour autant, est-elle devenue, ouen passe de devenir, une languemineure ? Un certain défaitismepourrait nous inciter à le croire,mais avant de sauter aux conclu-sions, un état des lieux ne seraitcertes pas inutile.

Yves Montenay, docteur en géo-graphie humaine, qui a enseigné ettravaillé en anglais et en françaissur les cinq continents, est certai-nement bien placé pour le faire, etc’est ce à quoi il s’emploie ici.Après un rappel sur le sujet tou-jours fascinant de l’histoire de lalangue française, l’auteur procèdeà un inventaire détaillé des pays oùle français occupe une place nonnégligeable, et on constatera

— non sans étonnement ? — que lebilan est loin d’être décevant.(Et d’ailleurs, la description qu’ilfait de la situation canadienne entant qu’étranger nous permet dejuger de la justesse de ses connais-sances.) La francophonie existe, etbien qu’elle ne puisse prétendre àl’hégémonie, elle dispose encored’une base multiple et solide(en Afrique et en Amérique duNord, mais aussi en Europe del’Est, au Moyen-Orient et ailleurs)qui ne demande qu’à se dévelop-per, pour peu que les premiers in-téressés y croient encore. Or, on lesait, le pays qui semble le moins ycroire est probablement la Franceelle-même, dont certaines entre-prises ont été jusqu’à prendre la dé-cision burlesque d’adopter l’anglaiscomme langue de communicationinterne. Devant pareille absurdité,Yves Montenay ne déchire pas sachemise comme trop d’auteurs surcette question, mais il ne manquepas de faire valoir le caractère toutbêtement irrationnel de la situa-

tion : il est manifeste que, même sicertains cadres supérieurs maîtri-sent l’anglais en France, l’ensembled’une entreprise française ne sau-rait communiquer aussi efficace-ment dans une langue étrangèreque dans sa langue maternelle.

Même sur le plan international,l’auteur montre que la France saboteelle-même des occasions de valori-ser le français devant des interlocu-teurs étrangers qui croient souventencore plus qu’elle à la validité decette langue pour les échanges inter-nationaux. Il étaye ce point de vued’anecdotes personnelles.

Après ce tour d’horizon de lafrancophonie mondiale (laquellen’est pas issue uniquement, tants’en faut, d’un passé colonialiste,mais s’explique pour une large partpar le simple prestige, historique etcontemporain, de la langue) et dela situation en France, l’auteur s’at-tarde aux moyens qu’on pourraitprendre pour favoriser le rayonne-ment de notre culture et n’hésited’ailleurs pas à donner en exemple

la mentalité états-unienne, axéesur l’initiative et le pragmatisme,par opposition aux approches fran-çaises, qui privilégient plutôt labureaucratie et les structures vapo-reuses. Dans la foulée, il se dis-tance des trop nombreux défenseursde notre langue qui transformentvainement leur démarche en croi-sade contre la mondialisation oules États-Unis. Pour favoriser ledéveloppement de la langue fran-çaise, point n’est besoin de truci-der tout le monde sur son passage.On pourrait commencer, tout sim-plement, par répondre à la de-mande là où elle existe. Pourquoine pas fournir aux lycées françaisinternationaux des ressources quileur permettraient de cesser de…refuser des candidats ?

En résumé, un livre de réfé-rence pratique pour faire le pointsur l’état de la francophonie dansle monde et éclairer une réflexionapprofondie et pragmatique.

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Français : y a-t-il lieu d’être défaitiste?

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D E S L I V R E S C H R O N I Q U E D I R I G É E P A R S O L A N G E L A P I E R R E

s o l a n g e . l a p i e r r e @ s y m p a t i c o . c a

par François Lavallée, trad. a.

R E N A U D , A l ix , Mots ét rangers ,mots français, Guide à l’usage dela presse parlée et des communi-cateurs en généra l , Montréa l ,Varia, 2006, 152 pages.

M on beau-père aimait à racon-ter que, quand il voyageait

en Allemagne, il couchait dans desZimmer, mot qu’il prononçant clai-rement à l’anglaise. Qu’il ne con-naisse pas l’allemand, on le luipardonnera sans difficulté, maispourquoi diantre utiliser la pronon-ciation anglaise, et non française,par défaut ?

C’est un des nombreux pro-blèmes auxquels voulait remédierAlix Renaud, ex-terminologue duSecrétariat d’État, en rédigeant cevade-mecum à l’intention de tousles communicateurs, et que les in-terprètes apprécieront sans doutetout particulièrement. Il y a un tasde mots qu’on prononce mal : cer-tains sans le savoir, et d’autresparce qu’on ne les a jamais enten-dus. Ainsi, qui aura pensé à vérifiersi mentor et consensus ne pour-raient pas, par hasard, se prononcermintor et consinsus ? Or, c’est lecas ! Par ailleurs, est-ce que lespatronymes des auteurs FrédéricBeigbeder et Claire Brétecher riment

entre eux ? (Je vous donne seule-ment la moitié de la réponse : non !)

Ajoutons à cela tous les motsétrangers, ainsi que les problèmesliés à l’usage. Ainsi, l’auteur rappelleque le nom de l’ex-ministre Gaglianodoit se prononcer Galliano mais re-connaît que l’usage a consacré la pro-nonciation Pagliaro (et non Palliaro)pour le chanteur populaire. De même,« on ne prononcera pas Weiss demanière identique selon qu’il s’agitdu physicien français Pierre Weiss […]ou de l’écrivain suédois d’origine alle-mande Peter Weiss ».

Les noms de lieux ont aussi lapart belle (Anvers, Rouen, Reims,Agen, Saint-Ouen, Pont-Aven, Saint-

Cloud…) ainsi que les noms com-muns français (achylie, achillée,chienlit) ou d’origine étrangère(blinis, feng shui, ilang ilang…). Lesmots d’actualité n’ont pas non plusété négligés (Abou Ghreib, Eltsine).

Le guide suit un plan trèspratique : d’abord une liste alpha-bétique des termes avec leur pro-nonciation (notée en alphabetphonétique international, lequel estaussi bien expliqué), ensuite une re-cension commentée phonème parphonème, d’abord pour le françaispuis pour quelques langues étran-gères, et enfin des tableaux récapi-tulatifs pour l’allemand, l’espagnol,l’italien et le polonais.

Si on dit Alfonso Galiano, dira-t-on Michel Paliaro ?

par François Lavallée, trad. a.

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Canada-Québec

BASTIN, Georges L. and Paul F.BANDIA (eds.), Charting the Futureof Translation History, Ottawa,University of Ottawa Press, 2006,351 p., ISBN 0776606247.

Over the last 30 years there hasbeen a substantial increase in acti-vities relating to the history oftranslation. Progress has beenmade, and the history of transla-tion has become a viable indepen-dent research area. Contributors tothis volume deal variously with thediscourses on methodology andhistory, recast the discipline oftranslation history in a new light,and pave the way to the future ofresearch and teaching in the field.

PARMENTIER, Michel, Diction-naire des expressions et tournurescalquées sur l’anglais, Québec,Presses de l’Université Laval,2006, 203 p., ISBN 1-7637-8472-0.

Le bilinguisme est un terrainpropice à la croissance d’espèceshybrides, parfois douées d’uncharme captieux, mais toujourstenaces et envahissantes : lescalques. Tous ceux qui ont à cœurde sarcler leur jardin langagiertrouveront ici un florilège de cestraductions abusives de l’anglaisqui s’insinuent et prennent leursaises dans le français de tous lesjours. Ce petit ouvrage serviraaussi d’aide-mémoire puisqu’il pro-pose pour chaque calque (accom-pagné de l’expression anglaisecorrespondante) un ou plusieurssubstituts « indigènes » ainsi quedes contextes d’emploi où ces der-niers refleuriront avec bonheur.

Langue française

JASKARZEC, Pierre, Le mot juste.Pièges, difficultés et nuances duvocabulaire, Paris, Librio, coll.« Mémos », 2006, ISBN 2-290-35401-5.

Se perd-on en conjectures ouen conjonctures ? Dit-on sabler lechampagne ou sabrer le cham-pagne ? Des jardins sont-ils luxu-riants ou luxurieux ? Trouver le motjuste n’est pas toujours simple. Cetouvrage comporte des articlesclairs et précis, illustrés de nom-breux exemples, qui permettentd’éviter bien des erreurs et desconfusions. Il est aussi destiné auxamoureux de la langue française,aux curieux de l’étymologie, del’histoire des mots, des usages lin-guistiques. Il séduira tous ceux quine se résignent pas aux motscreux, aux approximations et auxtics de langage.

POUGET, Anne, Le pourquoi deschoses 2 — origine des mots, ex-pressions et usages curieux, Paris,Le Cherche-midi, coll. « Curiosi-tés », 2007, 128 p., ISBN 978 27491 0927 5.

Question : Pourquoi dit-on que« c’est OK » ? Réponse : Ce termeapparaît durant la guerre de Séces-sion. Chaque soir, le rapport men-tionnait le nombre de tués. Lesbons jours, lorsqu’il n’y avait euaucun tué, on écrivait « OK » (pour0 killed). Donc, et c’est bien connu,quand tout est « OK », c’est quetout va bien.

À noter qu’en sciences, le 0 K(zéro Kelvin, ou 0 °K) est la tempé-rature du froid absolu, soit– 273,15 °C !

Regroupées en chapitres thé-matiques (religion, Paris, vête-ments, métiers, histoire, etc.), cesquestions, avec leurs réponses cir-constanciées, sont un très divertis-sant et très instructif florilège deformules que nous employonstous, le plus souvent sans enconnaître l’origine.

À noter : il s’agit du deuxièmevolume consacré au sujet par lemême auteur. Le premier, Le pour-quoi des choses, est paru en 2006(ISBN n° 2 74910 605 2).

Langues étrangères

THIRY, Bernard, Diccionariojurídico : terminología de la Res-ponsabilidad civil (español-francés y francés-español), Gre-nade, Edit. Comares, Col. Interlin-gua, 2005, 424 p., 849836-007-2.

Ce dictionnaire sur la responsa-bilité civile couvre une des ma-tières juridiques de grande portéesociale et culturelle, comme onpeut le lire sur le site de l’Univer-sité de Liège, où l’auteur estchargé de cours en langue (espa-gnol des affaires). Dans chacun dessens, français-espagnol et espa-gnol-français, l’information est pré-sentée selon la structure du droitde la langue source, et l’ouvragecontient des propositions de termespour les notions qui n’appartien-nent pas au droit de la languecible. Les entrées sont organiséespar concepts et non selon l’ordrealphabétique des termes. « Le dic-tionnaire contient des données uni-lingues de fond (dans chaquelangue et chaque système juri-dique) et des données bilingues(équivalences et leur pondération).Il permet ainsi, à la fois, la com-préhension d’énoncés en langue etsystème juridique source (déco-dage) et la production d’énoncésen langue et système juridiquecible (encodage). » [Source : Uni-versité de Liège : www.ulg.ac.be/le15jour/151/sortie.shtml]

Médecine

DADOUNE, Jean-Pierre, Biologiede la reproduction humaine, Paris,Ellipses, coll. « PCEM », 2006,160 p., ISBN 978-2-7298-2902-5.

Cet ouvrage concerne essentiel-lement la reproduction dans l’es-pèce humaine. Au cours des dixpremiers chapitres, il en présenteles différentes étapes : détermi-nisme génétique du sexe, déve-loppement de l’appareil génital,structure et fonctions des gonadeset des voies génitales, fécondationet implantation du blastocyste,échanges fœto-maternels, parturi-tion et lactation. Les deux dernierschapitres sont consacrés à l’assis-tance médicale à la procréation, uneapplication majeure de la biologiede la reproduction, et à l’épidémio-logie de la fertilité, un facteur déter-minant de la démographie. Présentésous la forme d’un cours illustré deschémas, ce livre est destiné auxétudiants du premier cycle des fa-cultés de médecine et de pharmacie

AnneMarie Taravella

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� N o u v e a u t é s l i v r e s

Remarque : De nombreux renseignements présentés dans cet te rubr ique sont t i rés de Livres Hebdo et des s i tes Web des maisons d ’édi t ion.

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et plus généralement aux étudiantsen biologie (Sciences, Écoles Vétéri-naires). Cependant, la prise encompte des données les plus ac-tuelles dans la rédaction des diffé-rents chapitres peut en faire unesource d’information utile pour lesmédecins, les pharmaciens et lesbiologistes.

DELMAS, Vincent (dir.), Dic-tionnaire d’anatomie, Issy-les-Moulineaux, Masson, 2006, coll.« Hors collection », 416 p., ISBN978-2-294-01423-9.

Cet ouvrage propose quelque800 entrées, classées par ordre al-phabétique, couvrant l’ensemblede la terminologie des régionsanatomiques que doit acquérirl’étudiant en PCEM en anatomiegénérale. Chaque terme est pré-senté en nomenclature internatio-nale francisée accompagnée de seséquivalents anglais et latin et pro-pose une définition claire et syn-thétique. Au sein des définitions,les termes faisant l’objet d’entréesdans le dictionnaire sont claire-ment identifiés en rouge. L’ouvragecomporte également une table decorrespondance entre les termes dela nouvelle nomenclature, d’unepart, et ceux de l’ancienne nomen-clature et les éponymes incontour-nables, d’autre part. Il est complétépar un index de termes non définismais pouvant être retrouvés ausein d’une définition et par uncahier hors texte en couleur deseize planches anatomiques incon-tournables. Également proposé enversion e-livre.

Sciences sociales

GHORRA-GOBIN, Cynthia (dir.),Dictionnaire des mondialisations,Paris, Armand Colin, 2006, 432 p.,ISBN 2-200-26479-8.

Thèmes généraux (agriculture,pauvreté) ou réalités spécifiques(bourse, libre circulation des per-sonnes, médias), vocabulaire dédié(global, fracture numérique, métro-polisation) ou réflexif (temps dumonde, universalisme), on estconvié à un vaste parcours où lesens se construit à la lecture desentrées et dans le jeu des renvois.De courts essais affrontent ledébat et développent des points devue plus personnels : « Développe-ment durable, slogan ou voied’avenir ? », « France, de l’avant-poste à l’arrière-garde ? », « Unegouvernance mondiale est-elleconcevable ? », etc. Au total, unesource d’information et un outil deréflexion incomparables sur lesgrands thèmes contemporains : dy-namique des réseaux transnatio-naux, liens virtuel-réel, remodelagede la souveraineté étatique, clashdes civilisations, responsabilité del’Occident, gouvernance à l’échellemondiale, péril écologique, etc.

Sciences et techniques

KOLLER, Emilian, Dictionnaire en-cyclopédique du génie des procédés,Paris, Dunod / L’Usine nouvelle,coll. « Technique et ingénierie »,2006, 520 pages, ISBN 2100488007.

Avec plus de 900 entrées illus-trées de nombreux schémas explica-tifs, ce dictionnaire encyclopédique

rassemble toute l’information utilesur les concepts et les techniquesdu génie des procédés. Pratique etfacile à consulter, il propose les défi-nitions des termes et leur traductionen anglais, avec un système d’in-dexation renvoyant à des articlescomplémentaires. L’ouvrage com-porte près d’un millier de termessur tous les aspects du génie desprocédés : bases scientifiques,procédés, technologies, méthodesd’analyse, etc. Principaux domaines :agroalimentaire, biotechnologies,chimie industrielle, génie climatiqueet génie environnemental, minéra-lurgie, plasturgie, thermique.

Traductologie

IBEKWE-SANJUAN, Fidelia, CONDA-MINES, Anne and M. Teresa CABRÉ

CASTELLVÍ (eds.), Application-Driven Terminology Engineering,Amsterdam, John Benjamins,“Benjamins Current Topics”, 2007,202 p., ISBN ISBN 978 90 2722232 9.

A common framework underwhich the various studies on termi-nology processing can be viewed isto consider not only the texts fromwhich the terminological resourcesare built but particularly the appli-cations targeted. The current book,first published as a Special Issue ofTerminology (11:1, 2005), analyzesthe influence of applications onterm definition and processing. Twotypes of applications are identified:intermediary and terminal applica-tions (involving end users). Inter-mediary applications concern thebuilding of terminological know-ledge resources such as domain-specific dictionaries, ontologies,thesauri or taxonomies. Theseknowledge resources then form theinputs to terminal applicationssuch as information extraction,information retrieval, science andtechnology watch or automatedbook index building. Most of theapplications dealt with in the bookfall into the first category. Thisbook represents the first attempt,from a pluridisciplinary viewpoint,to take into account the role ofapplications in the processing ofterminology.

Sites Web

Inventerm — www.inventerm.com (collaboration Rifal-OQLF)

Véritable complément desbanques de terminologie, cet in-ventaire des terminologies dispo-nibles dans Internet indexait aumoment d’écrire ces lignes près de2 000 sites et 600 000 termes. DansInventerm, vous pouvez interrogerpar un terme ou un mot-clé en co-chant les options Terme ou Glo-bale. L’option Terme permet delancer la recherche d’un terme fran-çais considéré comme vedettedans l’un des sites répertoriés.L’option Globale permet de trouverle terme ou le mot-clé recherchédans tous les articles des sitesdans lesquels il apparaît, que cesoit en sous-entrée (synonyme,abréviation, etc.), en définition ouen contexte. C’est aussi grâce àcette option que l’on pourra recher-cher un terme ou un mot-clé dansune autre langue. Il est égalementpossible de restreindre la re-cherche à un domaine.

Diccionario de Términos deComercio Electrónico (portugais-anglais) www.ait.pt/index2.htm,www.ait.pt/termviewer.php?term=dtce

Dictionnaire de termes du com-merce électronique présenté parl’AIT (Associação de InformaçãoTerminológica), contenant plus de400 termes, avec des définitions enportugais et des équivalents en an-glais.

Glossário Internacional deCortes de Carne Bovinaé www.abiec.com. br/cortes.asp

Présenté par l’ABIEC (Associa-ção Brasileira das Indústrias Expor-tadoras da Carne). Termes désignantles découpes de viande de boeuf,avec des illustrations ; recherche etdéfinitions en portugais, équiva-lences en arabe, allemand, espa-gnol, français, anglais, italien etrusse.

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V ous pensiez que la droite,c’est là où le pouce est à

gauche ? En Australie, la droite està l’est… ou à l’ouest selon vers oùl’on regarde. À l’extrême Nord del’Australie, non loin de la côte, TuloGordon, un aborigène, et StephenLevinson, linguiste et anthropo-logue, s’entretiennent sous unsoleil de plomb. Tout à coup, TuloGordon dit à son interlocuteur :« Fais attention, une colonne defourmis passe sur ton pied sud ».Le chercheur des îles britanniquesreste perplexe ; il porte son regardau sol et voit une horde de fourmisqui recouvre son pied droit. Le sud,ce doit donc être la direction qu’in-dique mon pied droit, se dit-il. Lalangue maternelle de Tulo, leGuugu Yimithirr, qui nous a léguéle mot « kangourou », ignore lagauche et la droite. Pour s’orienter,elle n’utilise que les points cardi-naux. Sur le continent aux anti-podes de Londres, vous pouvezentendre un autochtone dire à sonvoisin : « J’ai oublié ma casquettesur le bord sud de la table ouestchez toi », ou « Pousse-toi un peuvers l’est ».

Gauche, droiteou nord, sud ?

Le soleil se lève derrière le bordexterne de la crête des montagnesface au lac. Sous la direction deStephen Levinson, un groupe de re-cherche de 50 scientifiques del’Institut Max Plank de psycholin-guistique de Nimègue, aux Pays-Bas, a étudié aux cours des dixdernières années une vingtaine delangues dans quinze pays pour éta-blir le lien entre le sens de l’orienta-tion et le vocabulaire utilisé pourdonner des indications spatiales.

Les chercheurs ont établi qu’ilexistait trois systèmes de référence :a) la différentiation subjective telleque nous la connaissons, entre lagauche et la droite par rapport ànotre corps, le système utilisé parla plupart des peuples ; b) la réfé-rence aux points cardinaux, sys-tème que partagent 30 % deslangues du globe, le plus souvent

dans des petites communautésvivant à la hauteur de l’équateur ;c) un mode de référence centré surla position des objets les uns parrapport aux autres. Par exemple,les Mopan, un peuple maya, neconnaissent ni droite, ni gauche, ninord ni sud, et s’expriment en delongues périphrases.

Levinson voulait vérifier si lespeuples utilisant les points car-dinaux avaient un sens de l’orien-tation infaillible, une sorte deboussole intérieure. Il a mené uneexpérience avec un couple d’unpeuple maya, les Tzeltal, qui viventdans les montagnes et se serventdes points cardinaux pour s’orien-ter. Le couple n’avait jamais quittéson village natal, ni vu de ville mo-derne ou d’hôtel. En pleine nuit,après un trajet sur des routes enserpentins menant dans la vallée,le couple fut installé dans unechambre d’hôtel. La femme ditalors à son mari : « l’eau chaudecoule du robinet ouest ».

Un peu plus à l’ouest — le pro-fesseur Tournesol faisait-il del’ethnolinguistique sans le savoir ?La plupart des psychologues, lin-guistes et spécialistes en sciencescognitives considèrent que le codede référence droite-gauche est uni-versel et naturel. Déjà au Ve siècleavant notre ère, Protagoras disaitque l’homme est la mesure detoutes choses. Cependant, toutcela n’est que relatif : lorsque nousdisons que « la table se trouve ànotre droite », cet énoncé n’est vraique tant que nous ne bougeonspas. Si nous effectuons une rota-tion de 180 degrés, elle se trouvealors à notre gauche. StephenLevinson et son équipe voulaientcependant s’assurer que les peuplesqui s’appuient sur les points cardi-naux pour situer les objets dansl’espace ne le faisaient pas parpure convention verbale et que leurpensée ne prenait pas inconsciem-ment comme référence le corpshumain. Ils constituèrent alors deuxgroupes d’étude, un composé delocuteurs de la langue Tzeltal, et unautre, de ressortissants hollandais.On plaça les sujets de l’expérience

devant une carte sur laquelle étaitreprésenté un point situé devantun cercle. Ensuite, on leur fit effec-tuer une rotation de 180 degrés eton leur montra plusieurs cartes,parmi lesquelles ils devaient sélec-tionner celle qui correspondait àcelle qui leur avait été présentéeinitialement. Pratiquement tous lesHollandais choisirent la carte surlaquelle le point se trouvait devantle cercle. Les Indiens Tzeltal dési-gnèrent la carte sur laquelle lepoint se trouvait derrière le cercle.Le fait qu’ils aient effectué une ro-tation de 180 degrés ne comptaitpas pour eux. Le point, disons, setrouvait — pour eux — toujours àl’ouest, et le cercle à l’est.

Langue et sensde l’orientation

Se rendant à pied dans une ca-verne connue pour ses peinturesrupestres, dans le bush australien,accompagné de ses amis du peupleGuugu Yimithirr, Levinson leurdemanda de lui indiquer où se trou-vait la voiture et la vallée Hopevale,d’où ils venaient. Sans la moindrehésitation, ils lui indiquèrent labonne direction, ce qui fut confirmépar une lecture à la boussole. Sepromenant avec des amis hollan-dais dans les environs de Nimègue,il leur demanda de lui dire où setrouvait Amsterdam. Les Hollandaiscommettaient des erreurs d’unécart supérieur à 25 degrés.

Depuis des décennies, le fait quela langue influence la conscience estau cœur des débats scientifiques.Selon Lila Gleitman, de l’Universitéde Pennsylvanie, l’environnementexerce une influence sur la percep-tion spatiale — à preuve le fait queles paysans se réfèrent aux pointscardinaux et que les citadins fontappel au code droite-gauche. Ce-pendant, Levinson est d’avis queles systèmes linguistiques parta-geant un même espace peuventprésenter des divergences.

Si l’environnement définit laperception spatiale, alors tous leshumains vivant dans un mêmecadre devraient prendre pour réfé-

rence les mêmes objets. Il n’en estrien. Les Mopan, les Tzeltal et lesYukatek sont, tous les trois, despeuples mayas d’Amérique cen-trale qui partagent le même cadrede vie rural. Or, le système de réfé-rence des premiers se rapporte auxobjets, celui des seconds, auxpoints cardinaux et les Yutatek uti-lisent le code de référence droite-gauche comme les Occidentaux.Dans l’expérience portant sur lepoint et le cercle, les sujets destrois groupes ont réagi conformé-ment à leur système linguistiquerespectif. Les Yukatek se compor-taient comme les Hollandais, indicequi tend à démontrer l’influence dela langue dans la perception spa-tiale. Un argument qui est étayé parun autre moyen de communica-tion : la gestuelle. Levinson a filméJack Bambi, un aborigène de langueGuugu Yimithirr, alors qu’il racon-tait son naufrage au milieu de re-quins et devait rejoindre la côte àla nage. Deux ans auparavant, uncollègue de Levinson avait filmé cemême pêcheur racontant la mêmehistoire. Dans une version, il dirigeson regard vers l’ouest, dansl’autre, vers le nord ; cependant auxmêmes moments cruciaux, il dirigeson regard vers le même point car-dinal, ce qui amène Levinson à dé-clarer que la gestuelle de JackBambi était en parfait accord avecla structure de la langue GuuguYimithir. À une autre occasion,Bambi avait dit à Levinson : « Monami habite tout près d’ici. » Il avaitalors pointé son doigt vers lui-même, comme si son corps était in-visible, comportement logiquedans un système linguistique quifait abstraction de la référence àl’individu.

Cette étude n’interpelle-t-ellepas les Occidentaux à regarder au-delà du bout de leur nez, au sud dela monture autour de leurs lunettesethnocentriques ?

Didier Lafond

RéférenceK R A M E R , Kathar ina « r inks, lechts »,Die Ze i t , 31 décembre 2004

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Les antipodes de la boussole

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S ebastián Francisco de Miranday Rodríguez (Caracas, 1750 –

Cadix, 1816) figure dans les annaleshispano-américaines comme le« Précurseur de l’Indépendance »,« le criollo le plus culte de sontemps » (sa bibliothèque renfer-mait plus de 5 000 ouvrages), « lepremier criollo universel » du faitde sa vaste entreprise émancipa-trice. Le Libérateur Simón Bolívarl’a appelé « le plus illustre desColombiens ». Son nom est gravésur l’Arc de Triomphe à Paris. Il aparticipé à trois des grands évène-ments de l’époque : l’Indépen-dance des États-Unis, la Révolutionfrançaise et la lutte pour la libertéde l’Amérique hispanique. Mirandaa ainsi établi des relations, parfoistrès étroites, avec des personnagescomme le général Washington, lemarquis de La Fayette, le composi-teur Haydn, l’Impératrice Catherine IIde Russie, le premier ministre an-glais William Pitt, l’ardent défen-seur de la Constitution américaineAlexander Hamilton et Napoléon,qui a dit de lui : « Ce Don Qui-chotte, qui n’est pas fou, a du feusacré dans l’âme. »

Miranda est donc avant tout unmilitaire, un révolutionnaire, un poli-ticien visionnaire qui donne à sa vieun sens unique : l’indépendance etla liberté du continent « colombien »comme il l’appelait. C’est à lui quel’on doit le concept d’Amériquecomme unité ; il est le premier à endonner une vision juste et intégrale.Armé d’un tel projet, Miranda dé-ploie une énorme énergie à préparer,publier et diffuser des documents detoute sorte : lettres, plans, projets,articles, essais et proclamations.Une bonne part de ce matériel impli-quait un engagement intellectuelconsidérable et concernait un trans-

fert culturel, idéologique et politiquepar le biais de la traduction.

Son activité intellectuelle em-brassait, outre les questions poli-tiques, philosophiques et militaires,la musique, la peinture, la sculptureet le théâtre, entre autres. Bienqu’avant tout homme d’action,Miranda possédait deux grandespassions : la lecture et l’écriture. Illisait depuis les classiques grecs etlatins jusqu’à la Bible, en passantpar les philosophes, les ouvragesmilitaires et la littérature univer-selle. Quant à l’écriture, elle aconstitué une tâche quotidiennejusqu’à sa mort. Ses archives per-sonnelles, reliées par lui et intitu-lées Colombeia, sont composéesd’un imposant journal de voyages,d’une abondante correspondance etde divers textes qui en font un té-moignage unique en son genre del’époque.

Outre le latin et le grec, Fran-cisco de Miranda maîtrisait plu-sieurs langues vivantes : l’espagnol,le français, l’anglais, l’allemand, lerusse et l’italien, et avait desconnaissances d’arabe. Toutes ap-prises au fil de ses lectures et deses voyages. C’est d’ailleurs danssa résidence de Londres qu’il prendconnaissance de la Lettre aux Espa-gnols américains écrite en françaispar l’abbé Juan Pablo Viscardo y

Guzmán (jésuite expulsé du Pérouen 1767 et réfugié en Italie). Unelettre d’une trentaine de pagesdénonçant les atrocités de la colo-nie espagnole et revendiquantpour l’Amérique liberté et bonheur.Miranda fait imprimer la lettre àLondres en 1799 (avec un faux lieud’édition — Philadelphie) en yajoutant un Avertissement de l’édi-teur et plusieurs notes de bas depage. Il la traduit ensuite en espa-gnol et publie sa version dans lemême atelier de Londres en 1801.Plus tard, en 1808, il la fera traduireen anglais par son ami WilliamBurke et en fera une recensiondans The Edinburgh Review en1809. Convaincu de la force de cetexte, il l’inclut dans la proclama-tion qu’il prépare pour l’expéditionau Venezuela en 1806 dans le butde reconquérir le pays. Cette lettre,traduite assez littéralement, auraen Amérique une influence énorme ;elle sera partiellement reprise auChili et en Colombie ; elle inspirerala première Constitution vénézué-lienne et vraisemblablement la cé-lèbre Carta de Jamaica de SimónBolívar. Les historiens la connais-sent comme « la première déclara-tion d’indépendance de l’Amériquehispanique ».

Non content de cette traduction« historique », Francisco de Mirandava transformer sa maison deGrafton Street à Londres en unfoyer de réflexion émancipatrice,en une école de diplomatie et enun centre de promotion éditoriale.Il accueille d’abord, en 1810, lapremière mission diplomatique dunouveau gouvernement indépen-dant du Venezuela. Mirandaorganise avec ses membres unecampagne de presse qui leur per-mettra de faire publier des

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P A G E S D ’ H I S T O I R E

Par Georges L. BastinUniversité de Montréal

Francisco de Miranda,précurseur de traductions

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nouvelles dans au moins cinqjournaux londoniens qui font échodu nouveau gouvernement de Ca-racas et qui reproduisent en an-glais des articles de la Gaceta deCaracas. C’est ainsi que, guidé parMiranda, Simón Bolívar publie sonpremier article dans le MorningChronicle (5 septembre 1810).Miranda recevra chez lui, dans sa bi-bliothèque, d’autres acteurs illustresde l’indépendance sud-américainecomme le Chilien BernardoO’Higgins, le Vénézuélien AndrésBello, l’Équatorien Vicente Roca-fuerte, le Mexicain Fray Servandode Mier et le Colombien José MaríaVergara entre autres. Il les induira àpublier, à traduire et à diffuser lestextes relatifs à la situation poli-tique américaine. Plusieurs ou-vrages voient le jour à Londressous l’impulsion de Miranda, écritsou traduits par ses « élèves », tantpour faire connaître la situationaméricaine en Europe que pouréclairer leurs compatriotes d’Amé-rique par des essais politiques ouautres. Mentionnons seulement lapublication à Londres en 1819 de laversion espagnole de Dissertationson Government de Thomas Paine(1976) par Vergara.

Une campagnede propagande

Durant une dizaine d’années,Miranda mènera une campagne depropagande qui lui survivra long-temps. Il s’associe tout d’abordavec l’écrivain irlandais WilliamBurke. Ensemble, ils publierontSouth American Independence : or,the Emancipation of South Ame-rica, the Glory and Interest ofEngland, à Londres en 1807. Puis,en 1808, Miranda et Burke publient

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Additional Reasons for our imme-diately emancipating Spanish Ame-rica… qui contient la traductionanglaise de la Lettre aux EspagnolsAméricains de Viscardo y Guzmánpar Burke. Ils écriront pour diversjournaux anglais et Burke finira parcollaborer avec la Gaceta de Cara-cas, organe du nouveau gouverne-ment indépendant. Miranda s’allieensuite avec l’Équatorien JoséMaría de Antepara pour écrire sabiographie en 1810. Écrite en espa-gnol, elle sera traduite et publiéeen anglais.

Miranda va se lancer dans plu-sieurs autres entreprises éditorialesdans le but d’élever la culture et laconscience politique des habitantsde l’Amérique hispanique. Il créeraet éditera notamment le premier pé-riodique hispano-américain en An-gleterre, El Colombiano (1810). Cinqnuméros paraissent, sous la direc-tion de José María de Antepara,mais le rédacteur n’est autre queMiranda qui l’envoie à ses amis enAmérique ; ceux-ci en reproduisentdes extraits notamment dans laGaceta de Caracas et la Gaceta deBuenos Aires. Plusieurs traductionsont paru dans El Colombiano. Legouvernement anglais mettra fin àce « périodique incendiaire, subver-sif et contraire au bon ordre, à latranquillité et à l’union qui doiventrégner dans les Amériques ».(Robertson 1982 : 299)

Miranda participe également àl’édition de la traduction anglaise duDiccionario geográfico-histórico delas Indias Occidentales o América deAntonio de Alcedo. Il choisit commetraducteur le fils de son ami WilliamThompson. La traduction des cinqtomes a vu le jour entre 1812 et 1815.L’ouvrage a suscité un intérêt telque la première édition a été rapide-

ment épuisée. Il n’a toutefois plusété réédité. C’est aussi sous l’in-fluence de Miranda qu’est née LaBiblioteca Americana (1823), unerevue publiée à Londres dont lesprincipaux rédacteurs étaientAndrés Bello et Juan García del Río.La revue affichait trois objectifschers à Miranda : diffuser en Amé-rique tout ce qui pouvait être utileà son progrès, aider l’Amérique àtrouver ses racines et son idiosyn-crasie et tenter l’universalisationdu Nouveau Monde. Qu’il s’agissede questions idéologiques ouscientifiques, les articles s’inspi-raient de sources étrangères ouétaient des traductions.

López Méndez, l’un des premiersdiplomates hispano-américains,disait de Miranda : « Pas même sesennemis n’osaient lui nier une supé-riorité extraordinaire d’esprit, d’ex-périence et de talent. » L’activitéjournalistique, éditoriale et traduc-trice du « Généralissime » Franciscode Miranda en témoigne amplement.Agent de transfert culturel, Mirandafait figure, en Amérique hispanique,de « Précurseur de traductions ».

RéférencesB A S T I N , Georges L . (2006) . « Miranda,precursor de t raducc iones ». Bolet índe la Academia Nacional de Histor ia deVenezuela , 354, 167-197.

B A S T I N , Georges L . y E lv ia R . Castr i l lón(2004) . « La car ta d i r ig ida a los Es-pañoles Amer icanos : Una car ta querecorr ió muchos caminos. » Hermeneus6 : 273-90.

BE R R U E Z O León, Mar ía Teresa (1989). Lalucha de Hispanoamér ica por su inde-pencencia en Inglaterra 1800-1830. Ma-dr id , Edic iones de Cul tura Hispánica.

R O B E RT S O N , Wi l l iam Spence (1982) . Lavida de Miranda. Traducc ión del or ig i -nal de Ju l io E . Payró. 2da ed. Revisaday compulsada por Pedro Grases. Cara-cas, Banco Industr ia l de Venezuela .

D E S T E C H N I Q U E S

m a r i e - p i e r r e . h e t u @ v i d e o t r o n . c a

C H R O N I Q U E D I R I G É E P A R M A R I E - P I E R R E H É T U

TRANSCHECK-2

Un projet de recherche prometteurrefait surface

Par Marie-Pierre Hétu, term. a.

Q ue diriez-vous de disposerd’un système capable de vé-

rifier automatiquement la qualitédes textes traduits, du moins enpartie ? Aimeriez-vous réduire letemps que vous consacrez à la révi-sion de vos traductions ? Qu’en di-raient les entreprises si on leurproposait d’alléger le fardeau deleurs réviseurs et de réduire ainsile coût du contrôle de la qualité ?Cela pourrait bien un jour être pos-sible grâce à TransCheck-2, unprojet de recherche prometteur quivise à automatiser une partie de larévision des traductions.

TransCheck-2, c’est la nouvelleincarnation du projet de rechercheTransCheck que le Laboratoire derecherche appliquée en linguis-tique informatique (RALI) de l’Uni-versité de Montréal a remis sur lesplanches après avoir été contraintde le mettre de côté pendant plu-sieurs années. Entrepris en parte-nariat avec le Centre de rechercheen technologies langagières(CRTL), ce nouveau projet de re-cherche s’avère des plus promet-teurs pour le milieu de latraduction.

Comment fonctionnele prototype ?

Le prototype TransCheck-2 fonc-tionne un peu comme un vérifica-teur orthographique, qui détecteles erreurs potentielles d’un texterédigé dans une langue donnée.Toutefois, contrairement à un vé-rificateur orthographique, le pro-totype détecte les erreurs decorrespondance entre un texte

source et sa traduction dans uneautre langue. Il n’existe à l’heureactuelle aucun système capable devérifier ainsi les traductions sur lemarché.

TransCheck-2 vérifie les corres-pondances entre un texte sourceet sa traduction dans une autrelangue afin de s’assurer que letexte cible rend fidèlement tous leséléments du texte de départ. Pource faire, le prototype doit d’abordaligner les phrases du texte sourceet du texte cible pour en faire un bi-texte pouvant être exploité dans larévision de la traduction. La tech-nologie utilisée pour l’alignementest la même que celle qui a fait lapopularité du désormais célèbresystème TransSearch. Le prototypeexamine ensuite chaque paire dephrases ainsi appariée afin de dé-tecter les erreurs potentielles detraduction.

Quelles sont leserreurs détectées ?

Le prototype TransCheck-2 estcapable de détecter les ajouts ma-jeurs et les omissions graves, deserreurs de traduction plus fré-quentes qu’on pourrait le penser.En effet, il arrive souvent qu’un tra-ducteur omette par accident unephrase, voire un paragraphe entier,ou ajoute des éléments absents dutexte de départ. Les expressionsnumériques sont également scru-tées à la loupe, pour détecter touteretranscription incorrecte des ca-ractères alphanumériques, datesou sommes d’argent, notamment,pour lesquels l’anglais et le

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français emploient souvent unesyntaxe différente. Cette fonction àelle seule pourrait bien en valoir ledétour, car la révision des textescomportant de nombreux chiffres estune tâche souvent très fastidieuse.

TransCheck-2 vérifie aussi lesinterférences potentielles prove-nant de la langue source, grâce àun antidictionnaire de correspon-dances interdites lui permettant dedéceler les faux-amis, les calqueset les emprunts non autorisés1. Les

termes techniques sont égalementvérifiés, d’après la liste de termesque lui soumet l’utilisateur, uneautre caractéristique qui pourraitbien en valoir le détour. Dans lestextes volumineux qu’il faut répar-tir entre plusieurs traducteurs,notamment, la cohérence termino-logique se révèle souvent problé-

matique, et cette fonction pourraitbien à elle seule justifier l’achatd’un tel système.

TransCheck-2à l’œuvre2

Dans la capture d’écran ci-dessous, le prototype TransCheck-2détecte une erreur potentielle dansla retranscription d’un chiffre, quis’avère en fait être une faute defrappe.

Il ne faut toutefois pas s’imaginerque TransCheck-2 pourra décelertoutes les erreurs de traduction, caril est fondé sur des techniques for-melles simples et il n’a pas une com-préhension approfondie des textesqu’il traite. De plus, la révision destextes traduits est une tâche souventencore plus difficile que la traduction

elle-même, et ce sont des langagierschevronnés qui en assument la plu-part du temps la responsabilité,compte tenu des connaissances ap-profondies et de l’expérience re-quises. Cependant, à mesure que leprojet de recherche progressera etque la compréhension des relationstraductionnelles avancera, de nou-veaux types de vérifications pourrontêtre intégrés à TransCheck-2, parexemple les anglicismes partiels etles glissements de sens subtils.

À quand une versioncommerciale ?

Dans le cadre du nouveauprojet de recherche, le prototypeoriginal a été entièrement réécriten Java, ce qui en facilitera leport entre différents systèmes. Lenouveau prototype TransCheck-2

détecte les mêmes types d’erreursque le prototype précédent, mais iloffre une nouvelle plateforme etune interface améliorée qui per-mettront d’approfondir les connais-sances actuelles et de mener denouvelles recherches. Une plusgrande couverture d’erreurs pour-rait ainsi être offerte dans uneéventuelle version commerciale. Lesystème est encore loin d’un pro-duit commercial, au dire des res-ponsables du RALI, mais desprojets de commercialisation pour-raient tout de même être mis enbranle sous peu, lorsque les pro-blèmes de bruit engendrés par leprototype, entre autres, auront étéréglés. Le système traite à l’heureactuelle les traductions de l’anglaisau français et vice versa, mais lacouverture d’autres langues estégalement envisagée.

Pour connaî t re l ’état d ’avancement dup r o j e t d e r e c h e r c h e Tr a n s C h e c k - 2 ,consul ter la sect ion « Traduct ion » dusi te ht tp://ra l i . i ro.umontreal .ca .

1 . C e t a n t i d i c t i o n n a i re re n f e r m e l e si n t e r d i c t i o n s a b s o l u e s p r ov e n a n td’ouvrages de référence reconnus,te ls que le Dict ionnai re des angl i -c ismes (Colpron, 1982) , le Dict ion-nai re des d i f f i cu l tés de la languef r a n ç a i s e a u C a n a d a ( D a g e n a i s ,1984) et le Mult id ic t ionnai re desdi f f i cu l tés de la langue f rançaise(De Vi l lers , 1988) .

2 . Nous tenons à remerc ier M. E l l iot tMacklov i tch, du Laboratoi re RA LI ,pour sa démonst rat ion du proto-type.

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Correction : L’auteur de l’article« Antidote RX, superdote, onradote ? », publié dans le nu-méro 94, est Carlos del Burgo,trad. a., term. a.

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W here were you on 9/11? Doyou know anyone who

cannot answer that question? Theyare few and far between. I for onehave vivid memories of that day ascolleagues from all over the worldassembled at the Monterey Instituteof International Studies (MIIS) todiscuss various governments’approaches to language policy. Theopening plenary was interrupted aswe all gathered around the televi-sion monitors to witness the inces-sant replays of two planes strikingtheir targets in Lower Manhattan.The collective angst was palpable.Everyone had a reason to be con-cerned. Each of us had a connec-tion to New York. My son worked ina building only a few blocks awayfrom the World Trade Center. Someattendees had worked at their con-sulates in the city or had col-leagues and relatives who had.Although the emerging story wasgeopolitical, its immediate reso-nance was very personal. Withinminutes, the conference organiz-ers, professors at MIIS’s Center forNonproliferation Studies andSchool of Translation, startedreceiving telephone calls fromWashington. “Are there any Arabictranslators out there?” Governmentofficials quickly came to the real-ization that there was a dearth ofAmerican translators capable ofmaking sense of intercepted con-versations, chatter on the WEB andsensitive texts circulating in closednetworks, all of which might havehelped explain this watershedevent if only the language of thosevarious messages could have beenunderstood.

How vulnerable we are in the faceof globalized conflict, thought some,while many wondered what otherswould think of their home countries,their culture, their way of life.

This event has since sparked arenewal of interest in translation,

interpretation and cultural media-tion as governments and institu-tions seek to come to grips withthe unfathomable. The interna-tional research community has alsorefocused its energies on efforts tomake some sense of this disruptionof the old world order. Researchersand snoops now monitor and ana-lyze multilingual materials, includ-ing blogs, web pages, secret tractsand radio transmissions. None ofthis could be done without usingthe sophisticated tools of the infor-mation age, coupled with the clas-sic skills of intelligence-gatheringand analysis. Yet, notwithstandingadvances in technology, there is agrowing gulf of misunderstandingbetween the West and the Muslimworld.

The struggle to bridge this gapseems to be the common groundwhere actors from both worlds maystart to work together to buildunderstanding. Research teamshave brought together specialistsfrom a wide variety of contributorydisciplines: cognitive sciences,communication, computer science,cultural studies, lexicography, thephilosophy of language, translationstudies.

The Organization of the IslamicConference (OIC) has called oninter-governmental agencies, NGOs,civil society, the media and institu-tions to play a role in bridging thegap of ignorance. Meanwhile, theEuropean Commission has listedsecurity as a “priority researchtheme” in recognition of the needto increase levels of security for allEuropean citizens.

Consequently, the classic ap-proach of understanding sourcetexts, deverbalizing them andrestating their content in under-standable terms to target audi-ences in their language parallelsthe classic security process used inmanaging information-gathering

and the transmission of under-standable results to decision-makers. The role that can be playedby translators, interpreters and cul-tural mediators is patently obvious.

The German philosopher, JürgenHabermas, was at his home on 9/11and thanks to modern technologywitnessed the same events that mycolleagues and I saw in Monterey.Once the travel ban was lifted, weleft Monterey, and Prof. Habermasleft Germany for New York, wherehe stayed with a friend and col-league on the Upper West Side,from where his friend had wit-nessed the events first-hand. Prof.Habermas’s interest in languageand communication prompted himto formulate some research ques-tions of his own. If the two worldsin seeming opposition are tounderstand each other, how doesone build some form of intercul-tural understanding between radicalalterities? The answer is deceptivelysimple: communicate based on acommitment to understanding thetruth.

But whose truth? There hasbeen a marked tendency since 9/11to produce “foreignized” transla-tions of letters and tracts fromextremist groups. These resistivetranslations have enriched thevocabularies of Western languageswith words such as shari’a, fatwaand jihad, for example. In today’sgeopolitical context, these bor-rowed words have lost their pris-tine meanings and have becomenearly unidimensional negativeterms. In the lexicon of the “West-ern mind,” they suggest threats topersonal and collective securityand the potential destabilization ofWestern society. To paraphraseBernard-Henri Lévy, these wordsare now part of the Western lexiquede la peur [lexicon of fear]. Yet, intruth, these terms belong to an-other social order and denote,

respectively, a divinely inspiredlegal framework to ensure thesmooth functioning of society; alegal decision within that frame-work which contributes to thebuilding of a body of jurisprudencewhich in turn facilitates the inter-pretation of later decisions and theformulation of social regulations;and a personal and collectivestruggle to establish a societyrespectful of the values of theIslamic religious, social and legalsystem. All too often, it seems thatsuch terms are purposefully misun-derstood in order to justify politicaland military action. The pejorationof such terms in Western lan-guages does not contribute toenhanced communication betweencultures and indeed reinforces prej-udices and stereotypes, therebyallowing governments and organi-zations to use these terms as facili-tators of disinformation.1

By analyzing our failures to com-municate, Prof. Habermas posits, wediscover the “ills of society.”An ethi-cal translation process seeks out thetrue meaning of texts, does notmanipulate them for ulterior motivesand does not misrepresent the con-tent by fostering stereotypes, misin-formation or disinformation.

Having recovered from the ini-tial angst, language professionalsmust rise to the challenge of bridg-ing the divide that separates theWestern and Muslim worlds. Theircommitment to a reasoned commu-nication process will serve toestablish an environment in whichthe fundamental human right tolive in security may be guaranteedfor all.

1 . For the d iscuss ion on Arabic termi-nology, I drew my inspi rat ion f romthe analys is done by Ol iv ier Roy inGlobal ized Is lam (London: Hurst &Co. , 2004) , the Engl ish vers ion ofL’ I s l a m m o n d i a l i s é , n e w e d i t i o n(Par is : Seui l , 2004) .

Calling Arabic translators

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C O U R T - C I R C U I T C H R O N I Q U E D I R I G É E P A R M I C H E L B U T T I E N S

By James Archibald

James Archibald i s D i rector, Depar tment of Translat ion Studies , McGi l l Univers i ty.

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