LA TRAGÉDIE DES ANNÉES 1970.pdf

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    LA TRAGDIE DES ANNES 1970 :DE LA RECHERCHE SUR LECANCER LINVENTION DU VIH

    Namur - Le 12 octobre 2002.Etienne de Harven

    Lorsquil y a plusieurs mois dj, le Dr. Deru et moi faisionslavant-projet du programme du colloque daujourdhui,lide tait de commencer par une introduction " historique"

    Cette ide fut maintenue, mais le titre de maprsentation de ce matin est devenu beaucoup plus prcis. Un titre qui voque une " tragdie "! La tragdie des annes 1970s, cest celle dune rorientation acrobatique de la recherche surle cancer qui avait, durant les annes 1970, t domine par lide dun hypothtique lien decausalit qui existerait entre certains rtrovirus et le cancer chez lhomme. Cette hypothsena jamais reu lombre dune confirmation.

    Fort malheureusement, et principalement aux Etats-Unis, des investissementscolossaux avaient t faits dans cette direction durant toute la dcennie 1970. Devantlabsence de tout rsultat, il fallait sauver la face, viter lhumiliation ! Loccasion de sauverla face fut offerte par une publication de Michael Gottlieb, parue dans les rapports des CDCsdAtlanta, en juin 1981, occasion qui fut saisie par les plus hautes sphres de la science

    mdicale amricaine avec une prcipitation consternante ! La publication de Gottlieb serapportait 5 cas de pneumonie Pneumocystis carinii, observs chez 5 homosexuels de largion de Los Angeles, en fait les 5 premiers cas de SIDA prsents dans la littraturemdicale mondiale.

    Mon propos, ce matin, est de vous dmontrer que lhistoire du SIDA est indissociable de cellede la recherche sur le cancer dans les annes 1970. Si on ne stait pas acharn dmontrer lerle tout fait hypothtique des rtrovirus dans le cancer chez lhomme, larticle de Gottliebnaurait probablement pas suscit les ractions universelles que nous avons connues, et (quisait ?) peut-tre aurait-on pu viter lobligation dinventer le VIH avec, comme dramatiqueconsquence, ce que David Rasnick a trs proprement appel " La bourde du SIDA ".

    Ai-je la moindre autorit pour vous parler de la sorte ?

    Jai pass presque toute ma carrire professionnelle New York, lInstitut Sloan Kettering(probablement le principal institut de recherche sur le cancer aux Etats-Unis), o je suis arriven 1956 Lobjet principal de mes recherches, pendant les 25 annes qui ont suivi, taitltude, au microscope lectronique, des rtrovirus associs certaines formes de leucmieschez la souris. Jtais donc aux premires loges pour observer et valuer les efforts dployspour tenter didentifier des rtrovirus dans diffrentes formes de leucmies et de cancers chezlhomme.

    Ces efforts se sont solds par un chec total, et la microscopie lectronique na jamaispermis de dmontrer la moindre particule de rtrovirus significativement associe un

    cancer chez lhomme.

    Etienne de Harven, MD is a Belgian-born pathologist and electron microscopist. Bornin Brussels, he did most of his work in New YorkCity, Paris and Toronto.

    [2]He did pioneering

    research on viruses, mostly relatedto murineleukemia.

    [3]He is former President of the

    Electron Microscopy Society of America(now Microscopy Society of America).

    [4][5]

    http://en.wikipedia.org/wiki/Etienne_de_Harven

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    Rcapitulons brivement lvolution de la recherche cancrologique entre 1970 et 1981.

    Deux articles importants parurent dans " Nature " en 1970, signs par Temin et par

    Baltimore. Ils annonaient la dcouverte dune activit enzymatique jusqualors inconnue, latranscriptase inverse, dans des chantillons soi-disant purifis de rtrovirus isols partirdanimaux de laboratoire.

    Cette enzyme fut trs rapidement considre comme un " marqueur " spcifique,indiquant la prsence de rtrovirus. On nallait donc plus rechercher les particules dertrovirus, leffort se portant dsormais sur lidentification de marqueurs molculaires.

    Cette nouvelle approche tait accueillie avec enthousiasme en 1970, poque laquellela biologie molculaire prenait une position tout fait dominante en sciences mdicales. Nousreviendrons cette aprs-midi sur ce quil faut penser de la spcificit de ce marqueurenzymatique. Pour linstant, tout ce que je voudrais vous mettre lesprit cest que ladcouverte de cette enzyme avait vigoureusement remis en selle les rtrovirus en recherche

    cancrologique, et ce partir de 1970.

    Les observations de Temin et de Baltimore sur la transcriptase inverse arrivaient unepoque o le climat de la recherche aux Etats-Unis donnait des signes inquitants pourdiverses raisons. Raisons relatives aux mthodes et aux hommes trop presss qui lesappliquent, relatives aussi un nouveau profil des carrires acadmiques de recherches,relatives enfin aux problmes de financement et aux pressions grandissantes exerces tant parles instances gouvernementales que par lindustrie pharmaceutique.

    Lvolution des mthodes tait spectaculaire : la biologie et la gntique molculaireprenaient une part de plus en plus dominante de tous les programmes de recherche. Lesmthodes molculaires auraient pu contribuer mieux quelles ne lont fait si leurs applicationsne staient pas faite de manire trs exclusive, souvent prcipite, ou en omettant lesexpriences de contrle essentielles !

    Un exemple historique est donn par les publications de Temin et de Baltimore: si cesauteurs avaient pris le temps quil fallait pour vrifier le degr de purification des virus quilsutilisaient, ils nauraient jamais interprt leurs rsultats comme ils lont fait, cest--dire enprtendant que lenzyme transcriptase inverse tait dorigine virale.

    Nous savons aujourdhui que des dbris cellulaires taient trs probablement prsentsdans leurs prparations soi-disant" purifies ", et que cette contamination par des dbriscellulaires expliquait, elle seule, la prsence de lactivit enzymatique. Mais il fallait aller

    trs vite ! Baltimore a mme racont quil avait fait les expriences lui-mme en deux jours(!), tant il voulait que ses rsultats soient publis dans Nature, dans le mme fascicule queceux de Temin

    Cetteprcipitation tait apparemment contagieuse car elle a gagn le comit Nobel Stockholm, attribuant le prix Nobel Temin et Baltimore ds 1975 !

    Les nouvelles mthodes taient de plus en plus coteuses, et le nombre de chercheurs de plusen plus grand. Mais les budgets fdraux naugmentaient certainement pas dans la mmeproportion ! Do une anxit croissante qui se dveloppait chez la plupart des chercheurs.

    Les raisons danxittaient multiples :

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    a) il y avait dabord le fait que la plupart des chercheurs travaillaient temps plein, cest--dire que leur carrire avaient le plus souvent perdu ce relatif facteur de stabilit qui drivait,pour la gnration prcdente, des fonctions denseignement acadmique;b) il y avait aussi lpret croissante de la lutte pour obtenir des crdits de recherche dugouvernement fdral.

    Cette lutte constante avait pour effet que de nombreux chercheurs, menacs de perdreleurs jobs, passaient 1/3 ou 1/2 de leur temps rdiger des demandes de crdits dont ungrande nombre revenaient " approved but not funded " !

    Dans un climat aussi comptitifet gnrateur de tant danxit, les drapagesdevenaient invitables. Plusieurs cas graves de fraude scientifique clatrent durant les annes1970, concernant des personnalits fort en vue, travaillant dans des institutionsprestigieuses Leffet trs dmoralisant de ces accidents tait amplifi par un mitraillagemdiatique impitoyable !

    Une autre manire dchapper la panique des crdits de recherche consistait

    prendre un virage trs dangereux en vendant son me au diable, le diable tant enloccurrence lindustrie pharmaceutique ! Il faut lire " La Constance du Jardinier " de John LeCarr pour comprendre Je vous assure que nous tions stupfaits dapprendre dans cesannes-l que tel ou tel grand patron venait de signer un contrat monumental, chiffrant ennombreux millions de dollars, nous apparaissant dsormais comme " Monsieur Pfizer " ou "Monsieur Glaxo Welcomme ". Quallait-il rester de la libre-pense et de lintgrit de lacration scientifique dans tous cela ? ?

    Le spectacle tait navrant : dun ct des collgues qui drapent dans la fraude, de lautre desgrands patrons qui se laissent embarquer par Big Pharma

    Il faut reconnatre quil y avait de quoi avoir le moral mare basse

    Et cest dans ce climat-l quun vnement capital est intervenu, cest--dire, en 1972,la campagne pour la rlection prsidentielle deRichard Nixon, avec, son programme, laprsentation dunprojet de loi qui fut appel "La Guerre contre le cancer", prioritairementcibl sur la dmonstration du rle des rtrovirus dans ltiologie du cancer chez lhomme. "La guerre contre le cancer " devint un drapeau politique agit pendant toute la campagne, etvot par le congrs amricain peu aprs la rlection de Nixon.

    Vous pourriez penser : bravo, enfin de gnreux crdits fdraux pour la recherche sur

    le cancer ! Grave erreur ! Car ces crdits ntaient pas attribus pour une recherche ouverte etlibre. Ils taient attribuspour prouver que des rtrovirus taient impliqus dans la gense ducancer! Ctait le libre examen pris rebours: on avait slectionn en haut lieu lhypothsertrovirale (qui na jamais reu la moindre confirmation !) et lon accordait des budgetsfabuleux trs prfrentiellement tous les projets de recherche qui taient bass sur cettehypothse !Le principal bnficiaire de ces nouveaux crdits ne fut autre queRobert Gallo,dont le laboratoire de Bethesda prit des proportions monumentales

    Ce dveloppement aux consquences trs profondes naurait, je crois, jamais prisplace sans ltincelle de la transcriptase inverse, malicieusement allume par Temin etBaltimore en 1970

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    Malheureusement, dix ans plus tard, la " guerre contre le cancer " navait abouti aucun rsultat Pas un seul rtrovirus navait t identifi qui puisse tre la cause dun seulcancer, ou dune seule leucmie chez lhomme. Ce qui avait donn tant despoir dans larecherche sur les leucmies de souris 20 ans auparavant ne trouvait manifestement pas sonquivalent en pathologie humaine. " Des souris et des hommes "

    Jusquen 1981, la pression et les critiques ne faisaient que monter lencontre destemples fdraux de la rtrovirologie, et la grande presse se faisait lcho dune impression deplus en plus dominante, savoir que " La Guerre contre le cancer ", lance par R. Nixon en1972, tait en fait un chec complet et extrmement embarrassant. Sans surprise, le moraltombait fort bas dans les laboratoires du NIH qui pouvaient difficilement justifier les crditsconsidrables qui leur avaient t allous en 1972.

    Et le moral ntait pas meilleur aux CDCs dAtlanta o lon navait pas eu une seulepidmie srieuse se mettre sous la dentdepuis la polio dans les annes 50

    Mais tout cela va soudainement changer en 1981 !

    En juin 1981, Michael Gottlieb dcrit, dans les rapports du CDC, les 5 premiers cas dece quon appellera Sida un peu plus tard. Linterprtation de ses observations tait dunetotale partialit ! Les 5 cas stant prsents dans la rgion de Los Angeles, il sagissait doncdun " cluster ", donc probablement dune maladie contagieuse. Et comme les 5 maladestaient tous des homosexuels trs actifs, la maladie tait probablement transmise par contactssexuels !

    En fait ces 5 malades ne staient jamais rencontr, excluant donc tout caractrecontagieux dans leur cas du moins. Et le fait quils taient tous les 5 nettementimmunodprims pouvaient sexpliquer facilement sous langle toxicologique, car ils taienttous les 5 hronomanes et faisaient tous les 5 usages intensifs du nitrite damyle (" poppers"). Il ny avait donc aucune logique pour une interprtation infectieuse de leur dpressionimmunitaire. Mais les CDCs Atlanta suivaient avec la plus grande attention cette pidmiequi semblait poindre lhorizon

    Mieux encore, en 1983, UN RTROVIRUS est en principe " isol" partir dunganglion lymphatique dun malade qui courrait le risque dattraper le sida ! Tout va doncenfin se mettre en place : non seulement une nouvelle pidmie, mais, mieux encore, unepidmie due un rtrovirus !

    Excusez, je vous prie, le ton sarcastique de ces remarques, mais soyez persuads que cest une

    vritable tragdie qui tait en train de se nouer, tragdie dont lampleur fera de tout ceci lapage la plus noire de lhistoire de la mdecine !

    Il fallait trouver un rtrovirus pour justifier tous les crdits des dix dernires annes.Bien sr, le sida ntait pas une forme de cancer, mais le sarcome de Kaposi tait dans letableau clinique, permettant de rapprocher le sida du cancer

    Il fallait trouver un rtrovirus, mme sil fallait linventer ! Et on linventa ! Souvenez-vousdu titre du livre de Peter Duesberg paru en 1996 : " Inventing the AIDS Virus "

    Et tout naturellement, en moins de temps quil ne fallait pour le dire, tous les

    distingus chercheurs du virus du cancersont immdiatement devenus des chercheurs duvirus du sida(L. Montagnier, JC Chermann, Robert Gallo, etc)

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