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LA TRAVERSÉE DU MOZAMBIQUE PAR TEMPS CALME Extrait de la publication

LA TRAVERSÉE DU MOZAMBIQUE PAR TEMPS CALME…de tribu, mais rien n’y fait: humbles et professionnels, ils déclinent ces avances, prétextant l’ascèse comme seul moyen de continuer

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Du même auteur

Décidément rienpoèmes

Librairie-Galerie Racine, 2001

Les Béquillesroman

Maurice Nadeau, 2004

Un vigileroman

Maurice Nadeau, 2005

Blancheroman

Seuil, 2006

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F i c t i o n & C i e

Patr ice Pluyette

LA TRAVERSÉEDU MOZAMBIQUEPAR TEMPS CALME

roman

Seuil27, rue Jacob, Paris VIe

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c o l l e c t i o n

« F i c t i o n & C i e »f o n d é e p a r D e n i s R o c h e

d i r i g é e p a r B e r n a r d C o m m e n t

L’auteur remercie le Centre national du Livrepour la bourse qui lui a été accordée.

ISBN 978-2-02-094576-9

© Éditions du Seuil, août 2008

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelqueprocédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue unecontrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

www.seuil.com

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à Blandine

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prologue

Où nous découvrons les personnageset l’existence de Païtiti

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1. Le commencement

Le maire a terminé son discours et transpire dufront ; midi approche. Un vent frais souffle de l’ouestmais compte tenu des précipitations récentes qui ontrincé la région on s’estime heureux, la mer est calme et la foule se presse autour de l’embarcation. Dansl’embarcation Hug-Gluq est blond, il paraît grand etse tient à l’arrière du bateau, la main gauche sur lataille, l’autre contre un objet proche, successivementle mât et la malle ; on dirait qu’il va poser pour unmagazine de voile ou donner un ordre tant son regardest vivant, en réalité il attend de savoir ce qu’il doitfaire en regardant son capitaine, lequel salue la foule.Negook, le frère de Hug-Gluq, est parti voir si parhasard il ne trouverait pas dans le bazar une guitare devoyage bon marché et le capitaine commence à serendre compte qu’il a engagé deux nigauds.

C’est étonnant l’histoire de ces deux types. Origi-

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naires d’une tribu indienne du nord de l’Alaska, ilspassent leur enfance à suivre les histoires des ancêtreschasseurs d’ours sous la tente du grand-père quand,un fin duvet ombrageant le renfoncement de la lèvresupérieure (ils ont à peine douze ans), ils partent à leurtour chasser l’ours. Les battues durent des semaines,des mois, et toujours ils reviennent saufs ; on leurreconnaît l’indéniable qualité du chasseur d’ours :l’honnête bravoure. À force de manier la lance ilsdeviennent beaux, s’épaississent, forcissent ; lors desveillées autour du feu l’éclat rougeâtre des flammeslèche le galbe de leurs muscles, les pucelles pâlissent. Ilssont taillés comme des Grecs. On leur promet les plusbelles femmes, les plus belles ouvertures pour finir chefde tribu, mais rien n’y fait : humbles et professionnels,ils déclinent ces avances, prétextant l’ascèse commeseul moyen de continuer à chasser l’ours honorable-ment. Un jour, la quiétude du camp est troublée parl’arrivée intempestive d’une bande de jeunes hippiesvenant de l’Iowa. Ils initient les deux chasseurs auxrudiments fumeux de la liberté individuelle ; la tribuvoit ça d’un mauvais œil et elle a raison, désormais lesdeux chasseurs ne reviendront plus, fini, ras le bol detoute cette vie, on veut connaître le monde. Épauléspar la bande aux cheveux sur l’épaule, les deux chas-seurs, dont les cheveux ne sont pas plus courts,apprennent que la terre est ronde, peuplée de gens dif-

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férents – le grand-père a raconté n’importe quoi. Onfait le tour des bars. Des squats. On connaît des filles.En calèche on roule sur des routes interminables bor-dées de fleurs. On chante. On aime les couleurs vives.Le rouge, le jaune, le vert très clair. Un jour une des filles disparaît. On accuse Untel d’avoir abuséd’elle. Il vaut mieux se quitter. À New York on se ditau revoir, peut-être à un de ces jours, nos deux typesembarquent clandestinement à bord d’un cargo pourl’Europe, couchés sur le flanc dans une cage de la der-nière soute, déguisés en barzoïs. Ils échouent en Alle-magne presque morts, sans avoir ni mangé, ni bougé,ni ri depuis douze jours. L’un des gars de la bande leura filé l’adresse de son ancien correspondant de pre-mière langue en classe supérieure de collège, ça se peutqu’il n’habite plus là, essayez voir quand même. Ilsessayent. Helmut n’habite plus chez nous, dit effecti-vement la mère, il voyage à bord d’une roulotte avecdes amis et s’est mis en tête de monter un cirque. Helmut est jongleur. On le trouve sur une place de village avec ses amis en train de jongler. Ils sontembauchés comme monteurs et démonteurs de cha-piteau, logés nourris blanchis pendant deux ans. Onleur apprend à lire et à compter sur les tickets d’en-trée. Puis le cirque fait faillite. Lors d’une représenta-tion, en maniant quatre torches enflammées, Helmutse brûle le visage au troisième degré. Cela fiche un

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sacré coup de bourdon à la compagnie, il y a desdémissions. Tout s’écroule. Même le chapiteau, à uneautre représentation. Nos Indiens partent pour Lon-dres, ils y dorment sur le pavé, vue sur la Tamise, c’estl’automne. Vent, pluie. On s’abrite sous des journaux.À la fin d’un supplément week-end du journal qui sertaccessoirement de capuche à l’un d’eux, une annonceleur saute aux yeux : « Cherche homme(s) de bras etd’esprit pour un voyage au long cours, aucune qualifi-cation requise, peureux s’abstenir. » Ils se rendent surplace. C’est tout à fait ce qu’il leur faut. Ils attendaientune grande aventure.

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2. Le commencement, un peu plus

Tout en saluant la foule du plat de la main, paumedroite face au public et coude relevé à hauteur d’épaule,cependant que l’épaule ne bouge même pas (l’avant-bras, effectuant de droite à gauche de l’espace un quartde cercle net, entretient l’illusion, pour qui veut bien setenir de profil à la scène, que le corps astique unevitre), le capitaine cherche Negook des yeux. Avec cemonde, il n’est pas près de revenir.

Les gens se serrent pour avancer, il y a des mouve-ments de foule, une femme à barbe, deux magiciensturcs, des nains jongleurs, un caniche sachant compterjusqu’à cent ; emporté par ces vagues vous vous retrou -vez parfois à l’opposé de là où vous vouliez aller, puis lavague vous ramène au point de départ, vous n’avancezpas, vous absorbez l’odeur des gens sur votre peau,dans vos cheveux, les enfants ont encore plus de mal àtraverser que vous, ils se font piétiner, certains portent

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à la main des gobelets en carton remplis à ras bord oudes sandwiches et c’est encore plus compliqué, pluslong.

Negook se repère au son de la fanfare même si, avecle vent, le son de la fanfare tourne. Il paraît qu’un cra-cheur de feu donne un spectacle quelque part, maisNegook n’a plus le temps de vérifier si c’est Helmut, il a trouvé ce qu’il voulait et maintenant il doit ren-trer, le départ est imminent, son cœur se serre à l’idéedu voyage qui l’attend ; il aimerait le retarder encoreune fois, trouver un prétexte pour ne pas partir, niaujourd’hui ni demain car la mer le tétanise, mais der-rière le capitaine il aperçoit son frère sur le pont, droit,et rien que pour lui il se presse.

Le capitaine se nomme Belalcazar et porte une cape.La cape ne bouge pas. Le regard de l’homme non plusmais nous verrons que si. Ses yeux sont verts, d’un vertromantique, changeant suivant le temps – les femmesen raffolent ; ils se perdent au loin et le reflet des nuagessur fond gris-blanc imprime un négatif dans la pupillenoire, donnant à l’œil un éclat de vie bienvenu quandon sait l’immobilité du visage. Le reflet venant à s’éten -dre au reste du globe, débordant vers la sclérotique en y faisant poindre à la surface le passage d’ombresinformes et mouvantes, une interrogation s’im posequant à la réelle intention et la nature du personnage,

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rendu moins innocent par le phénomène optique susdit,plus louche, à moins d’y voir un phénomène ophtal-mologique isolé, très répandu certes, inoffensif bienque gênant, d’importance variable suivant le patient,appelé corps flottant.

Il aime tout un tas de choses : dormir sur le ventre,chiner, lire des vieux livres, employer le mot bouquinau lieu du mot livre parce que ça fait plus cool, s’ha-biller chic, rester au lit quand il pleut, sortir marcherquand il fait beau, l’odeur du jasmin, avoir une tablede nuit sans rien dessus, ouvrir la fenêtre en hiver, fairevolte-face en tournant vers la droite, manger chaud ensemaine, les progrès liés indirectement à la révolutionindustrielle, son canif en bois de noyer, tordre le couaux préjugés, les chevaux qui reculent, le pain français,réserver une chambre d’hôtel, être libre.

En fait, il fait passer son regard alternativementd’un grand champ de profondeur (les nuages) à undétail plus près de lui, la robe d’une dame, ses genoux,plus haut la girouette d’un toit, l’inclinaison de cettegirouette, plus bas l’ajustement en couvre-joint destuiles de ce toit, plus bas encore Negook. Sa pupilles’agite comme la cellule lumineuse d’un appareil dephotographie qui ne saurait sur quoi faire la netteté.

Vu sous un plan plus large, il continue d’astiquer lafoule par intermittence et la foule en redemande, fré-tille comme le cul d’un boxer sous les caresses de son

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maître ; quand elle ne salue pas, la main se tient auplat-bord du bateau, entre le treuil de manutention etle premier panneau de soute sur le pont tout de suite à droite quand on monte, ou plonge dans la pochegauche avant de ressortir, vide, pour se remettre àgigoter dans l’air en direction des têtes, avec et sanschapeau, en contrebas, le long de la promenade, sur la place et l’esplanade du port, jusqu’au centre de laville, de sorte que l’on se demande ce qu’il y a danscette poche, ou pourquoi la main vient s’y loger, et quevient faire toute cette foule.

Les doigts fins et longs de la main empruntent leurélégance à ceux des dames du monde ou des enfants dela haute ; nul artifice requis, ni bague ni vernis, seul lenœud formé par la rencontre des os à la deuxième pha-lange suffit à donner de la grâce et du port à la maintout entière qui ne saurait bricoler sans se casser unongle tant la sensibilité l’habite, le goût de la musique,du piano par exemple, qu’elle n’a jamais su jouer, tropdifficile, qu’elle apprécie volontiers en tressaillant àchaque subtilité, suivant mouvement par mouvementla construction élaborée du morceau, pointant d’unindex nonchalant la note qui lui semble intéressante.Le poignet est à l’image des doigts, étroit, sec ; l’en-semble des membres allongé.

L’homme, extraordinairement athlétique, enlevé,conserve pour son âge une souplesse et une élasticité

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motrice fascinantes bien que dans l’instant il ne sedéplace pas ; plutôt grand, bien proportionné, mince – de la minceur de ceux qui passent leur existence augrand air à éprouver leurs corps dans toutes sortesd’exercices professionnels qui les passionnent –, il n’apas perdu ses cheveux, ou quelques-uns mais sur lescôtés seulement et c’est normal, il faut bien vieillir unpeu, coiffés dans un sens puis dans l’autre par lescaprices du vent, mi-longs, et ce petit monde va tran-quillement sur ses soixante-dix ans, presque.

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3. Bref rappel des titres

Évidemment les cheveux sont blancs, évidemmentles rides sont plus creusées qu’à trente ans et la vigueurdes muscles moins impressionnante, cependant l’œilest resté aussi vif qu’un épagneul, et le poil luisant.C’est bien simple, on lui donnerait vingt ans de moins.Ça dort bien, ça mange bien, ça fait l’amour de tempsen temps, du sport, de l’exercice, ça s’intéresse à tout,ça ouvre son esprit aux autres, c’est toujours au cou-rant de n’importe quoi, ça sait mieux que personne,bref c’est plutôt en bonne santé, ça tient l’alcoolcomme un sénateur, ça récupère facilement, la mémo-risation est impeccable, la vue aussi, ça respire par lenez, ça possède toutes ses dents, c’est perspicace,décidé, rapide à se retourner, à se remettre en ques-tion, ça sait dire non, s’imposer, s’opposer, partager,dialoguer, la tension est normale, la digestion s’adapteaux pires mayonnaises, le cœur bat ce qu’il doit battre,

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pas de cholestérol en trop, jamais malade, tout au plusça se plaint d’une migraine par-ci par-là, d’une douleurdans les articulations, au cou, et voici que ça part pourla quatrième fois en trente ans vers une destinationinca nommée Païtiti, cité située quelque part au cœurde la jungle amazonienne du Pérou, merci pour lesprécisions, maintenant débrouillez-vous : en plusieurssiècles de recherche, aucun explorateur n’a réussi àmettre la main dessus, ils ont tous abandonné sauf un :Belalcazar.

D’après la légende, la ville dissimulerait une quan-tité d’or impressionnante, l’équivalent de toutes lesrichesses incas réunies. La ville elle-même serait gigan-tesque, plus grande encore que Cuzco, Lima ; on nesait pas grand-chose sur cette cité fabuleuse, alors onl’imagine la plus belle du monde, la plus riche, la plusinaccessible. Existe-t-elle vraiment ? À l’aube du vingtet unième siècle, le mystère de Païtiti reste entier.Belalcazar entend bien le lever.

Lui vous dira que l’or n’est pas sa motivation, non,pensez plutôt : quel choc de se rendre compte quel’histoire des peuples andins est à repenser totalementsous la révélation d’une telle découverte ; les recoupe-ments à faire avec ce que nous connaissons déjà serontpassionnants, les fouilles mettront au jour un trésorculturel plus précieux que l’or lui-même. Païtiti estselon lui la cité du Savoir, le centre d’où partent toutes

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les connaissances. Inutile de chercher ailleurs un voileà lever sur les mystères incas. Ce lieu constitue la clé duplus grand secret de tous les temps, il le sait, il en estpersuadé. C’est pour cette raison qu’il repart. Chaqueexpédition l’a rapproché un peu plus de sa quête et ilentend bien que celle-ci soit la bonne. Mais l’or y estquand même pour quelque chose.

L’obsession s’est logée insidieusement, année aprèsannée, d’abord inoffensive, portée sur ce qui brille,attire l’œil, somme toute rien d’inquiétant pour quiéprouve un semblant de goût pour la décoration inté-rieure ; les objets venant à s’entasser dans les lieux qu’ilhabitait, la nécessité de se pencher sur ce qui consti-tuait leur valeur réelle l’amena peu à peu à écarter lesmoins bons et à ne garder que les plus précieux, pourainsi se familiariser avec l’or, car les plus estimables ensont gorgés. Très vite, donc, Belalcazar s’habitue à lavue de l’or, en apprécie les délicatesses, ne souffrantplus la vue de ce qui n’en a pas, même si c’est brillant.Le métal jaune devient la matérialisation d’une hauteidée du beau, du rare et de l’inestimable. Une sem-blable histoire d’amour, Belalcazar n’en avait plusconnu depuis sa femme, étouffée après avoir avalé detravers un morceau de pain sur une plage de Bornéoau cours de leur voyage de noces. Se jurant de ne plusregarder aucune femme, il s’était lancé dans toutes

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33. Du plaisir de la marche en forêt . . . . . . . . . . . 18334. Dernier inventaire avant départ . . . . . . . . . . . 18835. Première étape . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19236. Merci Sophie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19837. Jean-Philippe ou Comment s’en débarrasser . 20238. Des nouvelles de Negook . . . . . . . . . . . . . . . . 20439. Cinq jours plus tard . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21040. Fontaine a de l’espoir . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21441. Où la situation empire, tout en s’améliorant . 21742. Surpris par la nuit . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22143. Surpris par la nuit, deuxième . . . . . . . . . . . . . 22544. L’évasion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23045. Pas vus, pas pris . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23546. Le piège . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24047. Jean-Philippe ressuscite . . . . . . . . . . . . . . . . . 24448. Torturés vivants . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24949. De l’inconsistance de la base et du sommet . . 255

PARTIE IVPAÏTITI

50. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26351. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26752. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27553. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28254. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28755. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29956. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31257. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 315

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