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Cahiers de la recherche sur l’éducation et les savoirs, n°2, 2003, pp. 225/255. DE L’ÉDUCATION PERMANENTE À LA CERTIFICATION PERMANENTE La validation des acquis de l’expérience, levier de transformation de l’enseignement supérieur Frédéric NEYRAT* La loi française sur la validation des acquis de l’expérience (VAE), présentée dès l’origine comme une “petite révolution”, et finalement votée en décembre 2001, a fait paradoxalement l’objet d’un relatif consensus. Si d’autres dispositions de la loi dite de “modernisation sociale” ont donné lieu à des joutes politiques, ce ne fut pas le cas pour les articles consacrés à ce nouveau droit 1 . À l’extérieur des assemblées parlementaires, les nouvelles dispositions n’ont pas été davantage contestées : les différentes confédérations ouvrières et le MEDEF ont fait connaître leur soutien au projet, considéré, de part et d’autre, comme une substantielle avancée, pour l’entreprise comme pour les salariés, sur le mode “win/win” 2 , pour * Maître de Conférences en Sociologie, GRESOC, Université de Limoges. 1 Le projet de loi de modernisation sociale, présenté en urgence déclarée, n’a été adopté que vingt mois après avoir été déposé (la promulgation intervenant, elle, le 17 janvier 2002), certains chapitres de ce texte omnibus, et notamment le droit du licenciement, donnant lieu à des affrontements sévères entre majorité et opposition mais également au sein de la majorité plurielle. 2 Apparue au début des années quatre-vingt-dix pour résumer l’esprit de la “nouvelle vente”, pacifiée parce que fondée sur la conciliation des intérêts des vendeurs et de leurs clients, l’expression s’est depuis lors très largement diffusée, d’abord dans le vocabulaire de la gestion (la gestion des ressources humaines

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Cahiers de la recherche sur l’éducation et les savoirs, n°2 , 2003, pp. 225/255.

DE L’ÉDUCATION PERMANENTEÀ LA CERTIFICATION PERMANENTE

La validation des acquis de l’expérience,levier de transformation de l’enseignement supérieur

Frédéric NEYRAT*

La loi française sur la validation des acquis de l’expérience (VAE),présentée dès l’origine comme une “petite révolution”, et finalement votéeen décembre 2001, a fait paradoxalement l’objet d’un relatif consensus. Sid’autres dispositions de la loi dite de “modernisation sociale” ont donnélieu à des joutes politiques, ce ne fut pas le cas pour les articles consacrésà ce nouveau droit1. À l’extérieur des assemblées parlementaires, lesnouvelles dispositions n’ont pas été davantage contestées : les différentesconfédérations ouvrières et le MEDEF ont fait connaître leur soutien auprojet, considéré, de part et d’autre, comme une substantielle avancée,pour l’entreprise comme pour les salariés, sur le mode “win/win”2, pour

* Maître de Conférences en Sociologie, GRESOC, Université de Limoges.1 Le projet de loi de modernisation sociale, présenté en urgence déclarée, n’aété adopté que vingt mois après avoir été déposé (la promulgation intervenant,elle, le 17 janvier 2002), certains chapitres de ce texte omnibus, et notamment ledroit du licenciement, donnant lieu à des affrontements sévères entre majorité etopposition mais également au sein de la majorité plurielle.2 Apparue au début des années quatre-vingt-dix pour résumer l’esprit de la“nouvelle vente”, pacifiée parce que fondée sur la conciliation des intérêts desvendeurs et de leurs clients, l’expression s’est depuis lors très largement diffusée,d’abord dans le vocabulaire de la gestion (la gestion des ressources humaines

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reprendre cette expression du management moderne. Dans le même regis-tre d’ailleurs, le député socialiste Gérard Lindeperg affirmait, lors de ladiscussion parlementaire : « Il s’agit bien en réalité d’un grand texte, grâceauquel tous les acteurs sociaux seront gagnants : le salarié en général, etles femmes en particulier, l’entreprise et finalement l’ensemble de lasociété (…) »3. Même les syndicats enseignants ne se sont pas opposés àun texte qui, dans ses attendus pourtant, critiquait vertement le rôle de leursmandants, évoquant la « révolution culturelle »4 qu’ils devraient entre-prendre pour devenir, dans le nouveau dispositif, des certificateurs.

La validation des acquis de l’expérience, inlassablement présentéepar Nicole Péry, Secrétaire d’État aux droits des femmes et à la formationprofessionnelle, comme une petite révolution, pour connoter l’ambitiondu texte et la noblesse de ses intentions, est bien en ce sens une « révolu-tion de velours ». Les justifications avancées, en termes de « réalisation dela parité » ou de « lutte contre l’exclusion », emportent facilement l’adhé-sion. Le lien entre les objectifs visés et les mesures prises ne va pourtantpas de soi : en sanctifiant l’expérience au singulier, en postulant l’équiva-lence entre les acquis qu’elle permettrait de consolider et les savoirsréputés “académiques”, la loi sur la validation des acquis construit unereprésentation pacifiée de la « vraie vie »5, naturalisant les inégalités qui

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“par les compétences” sera ainsi présentée comme source de gains supplémen-taires pour les employeurs comme pour leurs salariés) puis plus largement danstous les espaces d’interaction, et donc de négociation.3 Assemblée Nationale, 3ème séance du 11 janvier 2001 (307). Compte renduintégral. Gérard Lindeperg est un spécialiste de la formation professionnelle,auteur en 1999 d’un rapport au Premier ministre sur : Les acteurs de la formationprofessionnelle. Pour une nouvelle donne.4 Cette qualification est, au vrai, assez équivoque, en ce qu’elle peut aussirappeler la “révolution culturelle” chinoise, la fermeture de beaucoup d’établis-sements d’enseignement qu’elle signifia, la mise en accusation des enseignants,envoyés aux champs ou en usine (Leys, 1998). « Petite révolution », « révolutionculturelle », voire « révolution copernicienne » : c’est en ces termes successifs,empruntés au même champ sémantique, que G. Lindeperg présentera le projet(cf. Assemblée Nationale, 3ème séance du 9 janvier 2001, p. 95).5 Jean-Luc Mélenchon justifiait ainsi la loi sur la VAE : « Il s’agit de recon-naître les enseignement de l’école de la vie ». Sénat, Séance du 2 mai 2001,compte rendu intégral.

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s’y manifestent, déplaçant les regards vers ce qui serait le seul lieu deconstitution d’inégalités, le système scolaire. Les inégalités scolairescessent alors d’être des inégalités sociales ; et, derrière la contestationd’un système scolaire producteur de ces nouvelles inégalités (et seulesinégalités subsistantes désormais), la validation des acquis de l’expérienceapparaît comme un vecteur d’une transformation majeure des systèmeséducatifs, et spécialement de l’enseignement supérieur. Elle est, en effet,une condition essentielle de mise en œuvre de“l’éducation et de la forma-tion tout au long de la vie”, nouveau credo des États Européens, maisvieille idée de l’OCDE et des économistes libéraux qui l’inspirent.

Plusieurs ouvrages récents, pour partie fruits des travaux de l’Institutde Recherche de la FSU (Fédération syndicale unitaire, qui regroupe dessyndicats de l’éducation, avec notamment au premier rang, numériquements’entend, le SNES), analysent, au travers des politiques d’éducation tout aulong de la vie, la diffusion d’une conception néo-libérale, à la fois utilita-riste et marchande, de l’enseignement (FSU, 2002 ; Laval, 2003)6. Mais cestravaux n’accordent pas de place aux procédures de validation des acquisde l’expérience qui sont pourtant le levier de mise en œuvre de “l’éduca-tion tout au long de la vie” ; et, lorsque la VAE est évoquée, syndicalement,c’est en des termes, là encore, plutôt positifs, dans le cadre d’une lectureindividualiste du dispositif (en termes de “reconnaissance”), sans voir qu’ilparticipe aussi de la marchandisation de l’éducation.

Encadré 1

L’extension des mesures de validation dans l’enseignement supérieur

La loi sur la validation des acquis de l’expérience n’institue pas exnihilo la reconnaissance, dans et par l’école, d’acquis “extérieurs”,consolidés notamment dans la sphère professionnelle. Face auxquelques rares critiques sur ce dispositif, ses promoteurs, « révolu-tionnaires » à leurs heures (la « petite révolution » de la VAE), nemanquent pas de se replier immédiatement sur le terrain de la« réforme », soulignant alors l’ancienneté relative des pratiques7, et

6 Voir dans ce numéro les notes de lecture de Bernard Schlemmer consacréesà ces deux ouvrages.7 En invoquant notamment l’existence, depuis 1934, d’une procédure permettant

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présentant leur texte comme une mesure technique, un toilettage de laréglementation existante. Dans ce registre, il est vrai, on peut consi-dérer que les nouvelles dispositions étendent, plus qu’elles ne créent,une procédure de validation des acquis consacrée dans l’enseignementsupérieur dès le début des années quatre-vingt 8. Ces textes permet-taient déjà aux individus, sur la base d’acquis professionnels etpersonnels, d’accéder aux différents niveaux de l’enseignement supé-rieur, sans les titres normalement requis (par exemple l’entrée enpremière année sans le baccalauréat, en maîtrise sans la licence…),voire d’obtenir, à titre dérogatoire, des dispenses d’enseignement. Laloi de 1992 9 avait ensuite élargi à d’autres ordres d’enseignement, eten particulier à l’enseignement secondaire professionnel, les disposi-tions expérimentées à l’Université.

Il reste que les dispositions de 2002 sur la VAE étendent bien au-delà le champ des validations, notamment pour l’enseignement supé-rieur. Tous les titres délivrés par les Universités au nom de l’État sontconcernés, qu’ils soient ou non habituellement réputés professionnels(les DESS et les licences professionnelles par exemple, mais égale-ment les maîtrises “classiques”), quelle que soit leur spécialité (de laphilosophie à la gestion des ressources humaines) et quel que soit leniveau (du DUT au doctorat)10. L’extension porte également sur lesexpériences validables. La loi de 1992 ne considérait que les seulsacquis des expériences professionnelles ; celle du 17 janvier 2002prend en compte le fruit de l’« activité professionnelle, salariée, nonsalariée ou bénévole »11, à partir du moment où elle est en rapport

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à des techniciens, disposant d’au moins cinq ans d’expérience, d’accéder au titred’ingénieur diplômé d’État. L’argument tire sa force de la reconnaissance sym-bolique attachée à ce titre car, pour le reste, cette mesure étant restée isolée, ilsemble difficile de considérer que les pratiques de validation des acquis débutentdans les années trente.8 Loi n° 84-52 du 26 janvier 1984 (dite loi d’orientation sur l’enseignementsupérieur) et décret n°85-906 du 23 août 1985.9 Loi n° 92-678 du 20 juillet 1992.10 Le législateur a considéré que tous les titres de l’enseignement supérieurétaient, de par leur finalité, des diplômes professionnels puisque précédant l’in-sertion professionnelle.11 La formulation est équivoque, du fait des virgules séparatrices systématiques.

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avec le titre demandé. En d’autres termes, toutes les catégories d’ex-périences, jusqu’aux expériences “domestiques”, peuvent donner lieuà validation ; et trois années cumulées d’activité suffisent désormaispour demander le bénéfice des nouvelles dispositions.

Enfin, et c’est sans doute ce qui justifie la mobilisation du lexique“révolutionnaire”, la reconnaissance peut désormais être intégrale. Sila loi de 1984 instituait la dispense du titre normalement requis pourl’entrée dans les différents niveaux de l’enseignement supérieur, et sile texte de 1992 généralisait le principe des dispenses de modules, lecandidat étant cependant obligé de suivre une partie de la formation,la VAE constitue une vraie rupture en ce qu’elle permet d’obtenir latotalité d’un diplôme par validation des “compétences” 12 acquises endehors du système éducatif. Le lien entre formation et certification setrouvant alors totalement dissocié, l’Université pouvant être appelée àseulement certifier, sans former ceux qu’elle certifie.

De la lutte contre l’exclusion à la promotion des compétences…

C’est la thématique de l’exclusion qui avait été mobilisée dans ledébat parlementaire pour justifier la nouvelle loi : l’absence de titresempêche une partie de la population de s’insérer correctement sur le

Doit-on comprendre qu’il s’agit-là de l’énumération de quatre types d’activitésdifférentes : mais qu’est-ce alors qu’une activité salariée ou non salariée qui n’estpas en même temps « professionnelle » ? Mais l’autre lecture possible, dictée parcette virgule répétée, n’est pas plus éclairante : si les premiers termes, activitéprofessionnelle, sont précisés par les suivants, l’ambiguïté demeure, simplementdéplacée : que sont ces activités professionnelles exercées à titre bénévole ? Dansl’esprit des rédacteurs de la loi, il y avait sans doute l’idée que l’activité bénévoleforge des compétences professionnelles. Dans les décrets d’application, cette dif-ficulté a été levée puisque l’on n’y parle plus que d’« activités salariées, nonsalariées ou bénévoles » (article 3 du décret n° 2002-590 du 24 avril 2002), laréférence à la « professionnalité » disparaissant.12 Même si le terme n’est pas explicitement dans la loi, il y est fait inlassable-ment référence dans les débats et ce qui est validé au final, sous l’expression d’ac-quis de l’expérience, ce sont bien ces “compétences”, concept flou au-delà de latrilogie de ses déclinaisons (savoirs, savoir-faire et savoir être plus encore), surlequel on se propose de refonder l’entreprise comme l’école.

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marché du travail, et l’exclusion sociale apparaît donc en grande partieconsécutive à une exclusion scolaire initiale.

Il faudrait d’ailleurs pouvoir revenir sur les conditions dans lesquel-les cette catégorie s’est imposée avec une telle rapidité dans les annéesquatre-vingt (Paugam, 1996). Proposant initialement d’expliquer ce dontl’explication en termes d’inégalités, et notamment d’inégalités de classes,ne pouvait rendre compte, la « problématique de l’exclusion » est devenueprogressivement substitutive, une explication globale des inégalités danslaquelle précisément la dimension de classe est occultée. On comprendalors mieux qu’elle puisse être si largement reprise, en particulier par tousceux qui s’opposaient jusque-là à une vision conflictuelle des sociétés.C’est dans la critique de l’intervention étatique que cette thématique del’exclusion a été la plus abondamment mobilisée ; c’est aussi dans cettecontestation de l’État-Providence que l’on voit se constituer cette“nouvelle alliance” argumentative entre des libéraux critiquant naturelle-ment l’empiètement de l’État sur des mécanismes de marché censéspréserver des risques de l’exclusion et les « modernisateurs sociaux », quien appellent à la réforme permanente pour venir à bout de la perte d’effi-cacité d’un système qui s’illustre, précisément, dans son incapacité à venirà bout de l’exclusion. Dans ces deux cas, on observera aussi que la théma-tique de l’exclusion est une forme de psychologisation des inégalitéssociales, et donc de négation de leur origine sociale.

Cette invocation répétée de l’exclusion par l’école tend ainsi àsuggérer que le système scolaire, et plus encore universitaire, exclut nonpas parce qu’il sélectionne socialement mais parce qu’il ne prend pas encompte l’individu dans sa singularité, parce qu’il ne place pas au centreles apprenants, parce qu’il ne respecte pas leur personnalité. Un discoursdépolitisé, parce que psychologisant – relayé parfois par certains sociolo-gues (Lapeyronnie & Marie, 1992 ; Dubet & Martucelli, 1996) –, occul-tant les phénomènes de domination, réduisant l’exclusion au produit d’undysfonctionnement des institutions et, plus avant, à la perte d’efficacité del’intervention publique, ici dans le domaine de l’éducation. La validationdes acquis de l’expérience est présentée alors comme compensatrice, surle mode de la deuxième chance, permettant à ceux qui ont été exclus dusystème scolaire d’en acquérir cependant les titres de noblesse, sur la basede leurs acquis professionnels et personnels.

Dans les justifications des nouvelles dispositions, la thématique dela lutte contre l’exclusion est presque toujours redoublée par celle de la

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parité : « De nombreux adultes, y compris ceux qui ne disposent que d’unfaible niveau de formation initiale, ont acquis, à travers leur expérienceprofessionnelle proprement dite, des savoir-faire appréciés. D’autrespersonnes peuvent avoir aussi acquis dans le cadre d’activités, socialesou associatives, des compétences utiles dans la vie professionnelle. Dansl’un et l’autre cas, les femmes sont en majorité. Ce nouveau droit à la vali-dation des acquis constituera un outil majeur pour construire l’égalitéprofessionnelle » 13. Ces deux arguments paraissent pourtant quelque peudécalés pour justifier l’extension des procédures de validation des acquisde l’expérience. On imagine mal, d’une part, que des adultes sans forma-tion initiale puissent postuler aux titres de l’enseignement supérieur, et enparticulier aux titres les plus élevés, sur la base de leurs seules expérien-ces. Parallèlement, l’affirmation selon laquelle les femmes seraient lesprincipales bénéficiaires de la VAE est fort discutable : ce n’est pas lemanque de titres qui rend plus difficile et plus précaire l’insertion profes-sionnelle des femmes ; elles ne sont pas discriminées par le systèmescolaire – elles y réussissent mieux que les hommes (Neyrat : 2003a) –mais bien par le marché du travail 14.

Mais, parallèlement, la loi sur la validation des acquis de l’expé-rience se veut aussi une reconnaissance des compétences ; reconnaissancepour les entreprises, et leur gestion par les compétences plutôt que par lesqualifications, comme reconnaissance pour les individus, par création desconditions de transférabilité de leurs compétences, dans un univers profes-sionnel incertain : « La vie professionnelle est de plus en plus marquée parla mobilité, les ruptures, l’évolution rapide des connaissances nécessaireset des compétences en fonction des découvertes technologiques, de lacompétition et des effets de la mondialisation » (Mignon, 2001 : 65). Lavalidation des acquis de l’expérience peut permettre, en convertissant lescompétences en diplômes, d’apporter cette garantie, notamment en cas de

13 Exposé des motifs. Projet de loi de modernisation sociale n° 2415 rectifié,enregistré à la Présidence de l’Assemblée Nationale le 24 mai 2000.14 Les femmes sont davantage victimes du déclassement que les hommes,même lorsqu’elles détiennent des diplômes de l’enseignement supérieur long.Voir les données de l’enquête « Jeunes et Carrières » réalisée par l’INSEE en1997 sur l’insertion des jeunes à la fin des années quatre-vingt, évaluée à partirdes positions professionnelles qu’ils occupent sept ans après leur sortie du systèmeéducatif. Cf., pour une synthèse, M.-A. Estrade & C. Thiesset (1998).

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licenciement. Il y a là cependant une ambiguïté : le discours sur lescompétences est fondé sur une critique du système des qualifications etdes diplômes, largement portée par le MEDEF et les organisations patro-nales. Une critique d’ailleurs en partie reprise par ceux qui promeuvent laloi sur la validation des acquis. Hélène Mignon, rédactrice, au nom de ladélégation aux droits des femmes, d’un rapport sur le projet de loi, rappe-lait ainsi : « La formation initiale, sanctionnée par un titre ou un diplôme,auquel notre culture et notre tradition continuent d’attacher une fortevaleur, n’est plus suffisante : le diplôme n’est plus une garantie d’em-ployabilité, mais un instrument permettant aux compétences de chacund’être mises en œuvre dans des situations concrètes différentes » (Ibid.).Loin que la reconnaissance des compétences par des titres ou des diplô-mes puisse offrir aux salariés une quelconque garantie sur le marché dutravail, où les employeurs disent vouloir recruter sur la base des compé-tences plus que sur des titres, la loi sur la validation des acquis constitueune officialisation, par l’État, de la logique des compétences. Ce projet demise en équivalence des acquis de l’expérience et des savoirs dispensésdans le système scolaire repose ainsi paradoxalement sur des oppositionsconstamment réactivées entre « savoirs de l’expérience » et « savoirsacadémiques », entre « l’expérience concrète » et « l’intelligenceabstraite » (« surévaluée par le système de formation »), entre « l’expé-rience pratique » et « les démarches théoriques »15.

L’expérience naturalisée

La loi sur la VAE étend considérablement le champ de la validationmais sanctifie aussi l’expérience, au singulier. Chaque trajectoire estconsidérée comme particulière puisque constituée par des activités profes-sionnelles diversifiées, elles-mêmes combinées avec d’autres occupa-tions, aussi bien sociales (engagements associatifs, syndicaux, politiques)que domestiques. Cette insistance sur la singularité des itinéraires, irré-ductible à la mise en lumière de leurs récurrences sociales, est aussi sansdoute le produit de l’usage, par les théoriciens comme les techniciens

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15 G. Lindeperg, Assemblée Nationale, 3ème séance du 9 janvier 2001, compterendu intégral (op. cit. : 95). H. Mignon indique quant à elle que « notre systèmedéfavorise les expérimentaux au profit des intellectuels » (2ème séance du 9 jan-vier 2001, compte rendu intégral, op. cit. : 65).

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(ceux qui accompagnent les candidats à la validation) de la VAE, de la“technique” des “histoires de vie”, négation de l’histoire dans l’attentionexclusive qu’elle accorde aux expériences singulières (Bourdieu, 1986).

Cette exaltation de la singularité de l’expérience, jusque dans l’in-titulé de la loi (validation des acquis de l’expérience) est lourde d’impli-cations. L’expérience, en tant que moment et lieu, est commune auxindividus qui ne sont plus définis par des appartenances sociales.L’expérience est individuelle et le collectif n’est que la somme de cesexpériences individuelles. Le fait que les acquis soient au pluriel quandl’expérience est au singulier participe un peu plus à ce mouvement denaturalisation des inégalités sociales selon un principe d’explicationpsychologique : les individus sont censés consolider, en fonction de leurpersonnalité, les acquis des apprentissages communs. L’insuffisanced’acquis sera dès lors imputable non au type d’expériences, mais à l’in-capacité des individus à les consolider.

Il faut ainsi rappeler le paradoxe d’une procédure qui, pour corrigerles inégalités scolaires, valide différentiellement des expériences sociale-ment discriminées. La « vraie vie », régulièrement invoquée sur le modede la deuxième chance donnée aux exclus du système scolaire, ne sembleen effet pas plus égalitaire que la « vie académique », structurée autour del’inégale dotation en capital culturel. Les inégalités d’expérience, totale-ment occultées dans le discours de légitimation de la validation des acquisde l’expérience, se déclinent pourtant dans tous les registres de l’expé-rience. C’est le cas pour l’expérience professionnelle : la “richesse” dutravail dépend largement de la position hiérarchique de l’emploi considéré.Hier, le salarié des trente glorieuses, comme aujourd’hui celui de la préca-rité, reste condamné, lorsqu’il est en bas de la hiérarchie, à exercer destâches déqualifiées, répétitives et finalement peu validables. Or, comme del’étendue des responsabilités et de la diversité des tâches dépendent leniveau et l’étendue de la validation, on voit mal comment l’expérienceprofessionnelle pourrait corriger les inégalités scolaires, en particulier dansl’enseignement supérieur. La logique de la validation, en cette matière,bute sur une impossibilité circulaire : l’accès à l’emploi et le type d’emploiauquel on a accès dépendent largement du titre initialement produit. Seulsles « héritiers » peuvent être recrutés à un niveau hiérarchique nettementsupérieur à ce à quoi leur absence de titre leur aurait permis de prétendre.La validation des acquis de l’expérience leur permettra alors d’obtenir letitre de légitimité à l’appui d’une position professionnelle acquise d’abordsur la base du capital social détenu. Sous ce rapport, elle remplira la même

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fonction que ces petites écoles de commerce qui délivrent, aux enfantssocialement bien nés, mais scolairement moins doués, des “peaux d’âne”,puisque des titres souvent non homologués, dont seul leur capital socialgarantit la valeur, non sur le marché du travail mais sur ce marché plusétroit constitué par leur réseau d’interconnaissance.

La validation des acquis de l’expérience professionnelle est égale-ment fondée sur l’idée que les personnes, scolairement exclues, ont pu voirensuite reconnaître leurs qualités dans la vie professionnelle et s’élever dansla hiérarchie. Les mécanismes de promotion interne du monde du travaildonneraient fréquemment une “seconde chance” aux “exclus scolaires”.Ces itinéraires promotionnels apparaissent en réalité limités. Certes, lamobilité ascendante a progressé depuis vingt ans, et peut sembler impor-tante si l’on se place sur le long terme : considérant les actifs ayant entre20 et 29 ans d’ancienneté professionnelle lors de l’enquête FQP (FormationQualification Professionnelle), Simone Chapoulie établit ainsi que « 65% deshommes et 43% des femmes n’appartiennent plus à la même catégoriesocioprofessionnelle qu’en début de vie active » (Chapoulie, 2000 : 44).Mais cette mobilité, nettement plus marquée pour les hommes que pour lesfemmes, semble davantage liée à la transformation de la structure desemplois qu’à des promotions individuelles ; et, surtout, les trajets d’unecatégorie sociale à l’autre sont, de façon prédominante, courts : « Ainsi, lamobilité est maximale pour les hommes ayant débuté comme ouvrier nonqualifiés : 18% d’entre eux seulement sont encore ouvriers non qualifiés en1993, 43% étant devenus ouvriers qualifiés. Mais seule une part relative-ment faible a abouti à des positions sociales éloignées : 2,8% se retrouventcadres, 14% professions intermédiaires, tandis que 11% d’entre eux se sontmis à leur compte » (Ibid. : 42). A fortiori, et c’est là une nouvelle contra-diction de la procédure de validation des acquis, « la possession d’undiplôme accroît toujours les chances de promotion », également corréléesà l’origine sociale, puisque « la probabilité de passer d’une professionintermédiaire (en 1988) à un poste de cadre (en 1993) pour un homme âgéde 25 à 39 ans varie de 9,1% pour un fils d’ouvrier à 18,5% pour un filsde cadre tandis que la probabilité de passer d’ouvrier à profession inter-médiaire s’établit aux mêmes âges, à 5,5% pour un fils d’ouvrier et à20,7% pour un fils de cadre (Galland et Rouault, 1998) »16.

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16 S. Chapoulie (op. cit. : 37). L’auteur fait ici référence aux données présentéesdans l’article de O. Galland & D. Rouault (1998).

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La discrimination sociale n’affecte pas seulement les expériencesprofessionnelles : les expériences associatives, syndicales ou politiquessont aussi distribuées selon l’origine sociale. Dès lors, les dominés aurontdes expériences, socialement reconnues et désormais scolairement valida-bles, forcément moins larges, du fait même de leur situation de domina-tion : ils participent moins – 33,4% des ouvriers, 28,1% des non diplômésadhèrent à au moins une association contre 60,6% des cadres ou 59,3%des diplômés du supérieur 17 – et moins souvent encore exercent desresponsabilités dans les associations ou syndicats 18.

Il en va de la domination de genre comme de la domination de classe.Invoquer les vertus correctrices de l’expérience, c’est occulter les condi-tions réelles de la domination qui pèse sur les femmes19, en naturalisant lesinégalités sexuelles d’expérience. Les propos d’Hélène Mignon, députéesocialiste, intervenant au nom de la délégation aux droits des femmes pourjustifier l’avancée pour les femmes que consacrerait la nouvelle loi s’ins-crivent dans cette logique, en invoquant les compétences « spécifiques »qu’elles manifesteraient : « La prise en compte des activités bénévoles, descompétences et des savoir-faire acquis dans le cadre d’activités sociales –associatives – est importante. Les femmes y sont souvent présentes et s’yinvestissent souvent beaucoup. Ce n’est pas forcément une présidence d’as-sociation qui leur est accordée, mais le sens de l’organisation et de lagestion leur est reconnue. On s’est rendu compte que, bien souvent, alorsque l’homme utilise le temps partiel libéré pour entreprendre une forma-tion, les femmes consacrent ce temps aux tâches domestiques et à l’accom-pagnement des enfants dans les associations, en particulier les associationsde parents d’élèves et les associations sportives. Elles savent mieux que leshommes gérer leur temps » (Mignon, 2001 : 66). Mais les données sur

17 Source CREDOC, Enquête Conditions de vie et aspirations des français,1996. Données citées dans G. Hatchuel et J.-P. Loisel (1999). Le champ de l’en-quête porte sur l’adhésion à une association sportive, culturelle, de loisirs, confes-sionnelle, de parents, syndicale.18 C’est aux mêmes conclusions que parviennent L. Prouteau et F.-C. Wolff(2002) à partir de l’enquête « emploi du temps » de l’INSEE (1998) : la parti-cipation comme la prise de responsabilités sont socialement discriminées !(L. Prouteau & F.-C. Wolff, 2002).19 Au-delà, on l’a dit, de ce qu’elles n’ont pas besoin de compenser un manquede titres puisqu’elles réussissent mieux scolairement que les hommes.

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l’engagement associatif respectif des hommes et des femmes contredisentcette présentation. Comme le remarquent L. Prouteau et F.-C. Wolff « leshommes ont non seulement une probabilité d’adhérer supérieure à celle desfemmes, mais ils présentent également une propension plus élevée à fairepartie de plusieurs associations » (Prouteau & Wolff, 2002) ; participantdavantage, ils exercent aussi plus souvent des responsabilités.

Encadré 2Expérience domestique et capital social

« Depuis l’adolescence, l’art fait partie de ma vie. J’ai rencontrémon mari à l’âge de 14 ans et c’est lui qui m’a communiqué sa pas-sion. Déjà très attiré par la sculpture, il a décidé à 18 ans d’en faireson métier et depuis vingt ans maintenant, j’accompagne sa carrière.Au cours des années, j’ai acquis, au travers des visites d’expositionset de musées, de la littérature et de la presse artistique, une certaineconnaissance de l’art contemporain. Cette connaissance s’est beau-coup enrichie aussi par les hommes avec la rencontre d’artistes, degaleristes, de critiques et de collectionneurs (…). Je souhaite aujour-d’hui réorienter ma vie professionnelle et consacrer mon temps aumanagement culturel » (extrait du dossier de validation des acquisprofessionnels – ancienne procédure, régie par le décret de 1993 –,déposé par Mme X., 40 ans, niveau baccalauréat, pour demander lebénéfice, sur la base de ses expériences, de la première année d’uneformation universitaire).

Au-delà des inégalités d’expérience, la procédure favorise encoreles détenteurs de capital culturel et de capital social, plus à même devaloriser les acquis dont ils demandent la validation, capables demobiliser toutes les expériences vécues, en considérant qu’elles ontdu sens en elles-mêmes. C’est encore l’illusion de l’“histoire de vie”de croire que tous les individus, indépendamment de leur originesociale, puissent se raconter, ce qui suppose, au-delà des compétenceslangagières, un travail préalable d’unification de la trajectoire, demise en forme des expériences. Et, si les candidats à la validation peu-vent être accompagnés dans cette démarche 20, c’est aussi en amont

Frédéric NEYRAT

20 Un accompagnement cependant facturé par les services universitaires quien sont chargés, au nom du « réalisme des coûts » ; les tarifs variant selon les

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que l’inégalité se constitue : ceux qui sont les moins dotés en capitalsocial et culturel seront probablement moins enclins à demander lebénéfice de ces dispositions, n’estimant pas avoir une vie et des expé-riences qui puissent être reconnues socialement, et, moins encore,scolairement. Autre compétence sociale implicite, liée à la procédurede validation : la capacité à réunir les preuves de la richesse de sesexpériences. Une grande partie du dossier à constituer s’inscrit dansune logique déclarative, et même affirmative (affirmation d’un moisingulier), qui exige des candidats une capacité à se raconter, en valo-risant leur itinéraire, à tirer parti de toutes les situations, mêmes lesmoins valorisantes, en les présentant sur le mode d’une épreuve dontils sont parvenus à extraire les enseignements. On sait trop, de façonà peine analogique, comment les futurs ingénieurs, et notamment lors-qu’ils sont enfants de cadres, vont célébrer l’expérience de courtedurée désignée sous l’expression de “stage ouvrier”. Même lorsqu’ilsaccomplissent les mêmes tâches que les ouvriers qu’ils côtoient, c’estleur compétence sociale qui leur donne les moyens de valoriser cemoment, indépendamment du fait qu’ils savent que l’expérience serabrève et constitue en quelque sorte un rite d’initiation.

Validation des acquis de l’expérience et de la formationtout au long de la vie

Tout invite à une lecture individualiste du nouveau dispositif etnotamment cette rhétorique de la reconnaissance et de l’identité continû-ment mobilisée. Au-delà pourtant, la VAE apparaît comme une conditionde possibilité des politiques d’éducation et de “formation tout au long dela vie” (ou d’“apprentissage à vie”, pour reprendre la traduction littéraledu “concept” anglo-saxon) que l’Europe promeut désormais et que lesÉtats commencent à mettre en œuvre, en particulier dans l’enseignementsupérieur.

établissements de 30 euros à 1 500 euros avec une valeur modale vraisemblable-ment située autour de 600 euros.

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Hors thème

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Encadré 3

Initiative hexagonale et tropisme libéral

On pourrait parfois avoir le sentiment que l’éducation tout au longde la vie est une nouvelle création du génie français. Lionel Jospinavait inscrit « un droit à la formation tout au long de la vie » au deuxiè-me rang de ses « dix engagements » lors de la campagne présidentiellede mai 2002 (Jospin, 2002) ; et son ministre délégué à l’enseignementprofessionnel, Jean-Luc Mélenchon, avait rappelé, lors des débats par-lementaires autour de la Validation des acquis de l’expérience, le rôlepionnier de la France : « Nous serons, grâce au vote auquel vous allezprocéder, si du moins vous y consentez, le premier système éducatifglobal d’Europe ! Les premiers qui auront su donner un contenuconcret, complet, à ce que signifie l’éducation tout au long de la vie,parce que, après la formation initiale, après la formation continue,nous puisons maintenant dans la ressource même de la vie concrètepour faire apparaître de nouvelles qualifications » 21.

Le génie français doit cependant être relativisé. Les politiquesd’éducation et de formation tout au long de la vie ont été conçueshors de l’hexagone, dès le début des années quatre-vingt-dix. Si laCommission européenne décréta symboliquement l’année 1996 annéede l’éducation et de la formation tout au long de la vie, sa réflexion enla matière était déjà largement amorcée 22 ; parallèlement, d’autres insti-tutions internationales vulgarisaient la même problématique. Le rap-port à l’UNESCO de la Commission internationale sur l’éducationpour le vingt et unième siècle, présidée par Jacques Delors, est ainsiemblématique. Rédigé en 1996, L’éducation. Un trésor est cachédedans (éditions Odile Jacob), prône « l’éducation tout au long de lavie » et associe toutes les notions qui en constituent désormais le champsémantique. Le document pose aussi le problème du financement decette priorité, indiquant certes que « l’éducation est un bien collectif »

Frédéric NEYRAT

21 Assemblée Nationale, Compte Rendu intégral des débats, 3ème séance du11 janvier 2001 (op. cit. : 307).22 Deux livres blancs de la Commission Européenne préparaient à l’adoptiond’une telle priorité : Croissance, compétitivité et emploi, Livre Blanc de laCommission Européenne, 1993 et Enseigner et apprendre. Vers une société cogni-tive, Livre Blanc de la Commission Européenne, 1995.

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pour ajouter immédiatement que « ce principe étant admis, il estpossible de combiner argent public et argent privé selon différentesformules qui tiennent compte des traditions de chaque pays, de leurstade de développement, des modes de vie, de la répartition desrevenus » (p. 28). Et Jacques Delors de proposer à cette occasion,pour financer l’éducation tout au long de la vie, « une solution plusradicale », la mise en place d’un « crédit-temps » ; une solution plusradicale, parce que plus libérale, tant elle rappelle les « bons d’en-seignement » (“vouchers education”) imaginés par Milton Friedmandès les années cinquante pour, à la fois, garantir l’égalité des chan-ces et l’amélioration des performances de systèmes éducatifs ainsimis en concurrence (Friedman, 1971).

Si la recherche de paternité s’avère d’autant plus difficile qu’il y ades échanges réguliers entre ces différentes organisations internatio-nales, l’OCDE semble cependant avoir eu en la matière une influenceprépondérante jouant le rôle de « boîte à idées du nouvel ordre éduca-tif mondial »23. Encore doit-on préciser l’image : ce ne sont pas desidées originales qui sont sorties de ladite boîte ; en d’autres termes, sil’on file la métaphore, l’OCDE a surtout réalisé un travail de packa-ging, présentant, sous un nouvel emballage, les théories du capitalhumain, développées dès le début des années soixante (Laval, 2003).

L’éducation tout au long de la vie n’est pas seulement une éducationcontinuée, permanente, c’est aussi une éducation élargie, l’apprentissagepouvant se réaliser, et devant se réaliser selon les vœux de l’institutioneuropéenne, non seulement dans le système formel, mais de façon crois-sante dans le cadre de l’éducation non formelle et, plus encore sans doute,dans celui de l’éducation informelle. Ces trois modes d’apprentissage sontlargement explicités dans le Mémorandum Européen sur l’Éducation et laformation tout au long de la vie :

23 Pour reprendre la formule des rédacteurs de Le nouvel ordre éducatif mondial(FSU, 2002). L’ouvrage présente pour chacune de ces organisations internationales(on peut regretter cependant l’absence de l’UNESCO) le rôle joué dans la constitu-tion de ce nouvel ordre éducatif à la fois mondial et libéral, ce qui amène aussi lesauteurs à considérer l’action d’un certain nombre de groupes de pression, commel’ERT au niveau européen. Voir aussi, Hirtt (2000).

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« – L’éducation formelle se déroule dans des établissementsd’enseignement et de formation et débouche sur l’obtention dediplômes et de qualifications reconnus ;

– L’éducation non formelle intervient en dehors des princi-pales structures d’enseignement et de formation et, habituellement,n’aboutit pas à l’obtention de certificats officiels. L’éducation nonformelle peut s’acquérir sur le lieu de travail ou dans le cadre desactivités d’organisations ou de groupes de la société civile (asso-ciation de jeunes, syndicats ou partis politiques). Il peut aussi êtrefourni par des organisations ou services établis en complément dessystèmes formels (classes d’enseignement artistique, musical ousportif ou cours privés pour préparer des examens).

– L’éducation informelle est le corollaire naturel de la viequotidienne. Contrairement à l’éducation formelle et non formelle,elle n’est pas forcément intentionnelle et peut donc ne pas êtrereconnue, même par les individus eux-mêmes, comme un apport àleurs connaissances et leurs compétences » (Commission desCommunautés Européennes, 2000 : 9) 24.

L’éducation informelle serait, selon les rédacteurs du Mémorandum,la plus difficile à saisir, ce qui expliquerait, « bien qu’elle constitue laforme la plus ancienne d’apprentissage », qu’elle ait été si souventoubliée. Éducation première, puisque de toute antiquité, elle accèderaitaujourd’hui à la visibilité en utilisant un véhicule moderne, l’informatique ;

Frédéric NEYRAT

24 Dans son ouvrage récent qui tente de reconstituer la genèse de l’apprentis-sage tout au long de la vie, C. Laval (2003) reprend cette “trilogie” des modesd’éducation développée dans le Mémorandum, mais la définition synthétique qu’ilen donne s’éloigne très sensiblement du texte dont il veut rendre compte et réduitpar-là même les conséquences de la mise en équivalence. L’éducation non for-melle serait définie par la Commission Européenne, selon cet auteur, commel’« expérience professionnelle », l’éducation informelle comme l’« expériencesociale » (Laval, 2003 : 68-69). L’éducation non formelle est pourtant loin de seréduire, on l’a vu, à l’expérience professionnelle ; elle se développe dans le cadred’expériences sociales, à travers les engagements associatifs par exemple ; quant àl’éducation informelle, appelée à être largement mise en équivalence avec l’éduca-tion formelle, via notamment l’informatique, elle est plus domestique que sociale(même si les expériences privées sont socialement discriminées).

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pour illustrer ce qu’est cette insondable éducation informelle, qui échappemême à la conscience de ceux qui en bénéficient, la CommissionEuropéenne explique ainsi que « Le fait que le PC soit entré dans lesfoyers avant d’être introduit à l’école en dit long sur l’importance del’éducation informelle » (op. cit. : 9).

Les politiques d’éducation et de formation tout au long de la vie neconsistent donc pas simplement en la reconnaissance de l’existence d’au-tres modes d’apprentissage, elles affirment l’équivalence fonctionnelledes éducations formelle, non formelle et informelle. Les glissementssuccessifs dans le texte du Mémorandum sont significatifs : après avoirprésenté ces trois « modes d’apprentissage pertinent », sous-entenduégalement pertinents, c’est leur « complémentarité » qui est rappelée puis,crescendo, leur « interchangeabilité » voire, de façon à peine implicite, lasupériorité des éducations non formelle et informelle, aussi efficaces entermes d’apprentissage et tellement plus plaisantes : « l’on peut apprendre –et [que] l’on apprend – des choses utiles de manière agréable dans lecadre de la famille, des loisirs, au sein de la collectivité locale et durantl’activité professionnelle quotidienne » (op. cit. : 10)25.

L’affirmation de l’équivalence fonctionnelle des éducationsformelle, non formelle et informelle, justifie alors l’injonction à mettre enplace des systèmes de validation des acquis de l’expérience, adressée auxÉtats par la Commission Européenne 26. Car la conversion des « acquis del’expérience » en « savoirs académiques », qu’organise la VAE, est bienla mise en équivalence de ces trois modes d’apprentissage ou plutôt lareconnaissance, par le système formel, des éducations non formelle etinformelle. La nouvelle loi, en prévoyant que les acquis de l’expériencepuissent donner la possibilité d’obtenir l’intégralité d’un titre ou diplôme

25 On notera que « l’activité professionnelle quotidienne » est présentée ici àla fois comme formatrice et agréable, comme si l’épanouissement dans et par letravail était la règle. L’enquête menée récemment sous la direction de C. Baudelotet M. Gollac (2003) montre que, si le travail est une valeur essentielle, l’activitéprofessionnelle est loin d’apporter toujours la satisfaction.26 « Il est absolument essentiel d’élaborer des systèmes de “validation desacquis de l’expérience” (VAE) de qualité et de promouvoir leur application dansdivers contextes », in Mémorandum sur l’éducation et la formation tout au longde la vie (op. cit. : 18).

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du système formel, s’inscrit pleinement dans cette logique. Plus large-ment, l’évolution de la réglementation française en matière de validationd’acquis, entre 1984 et 2002, est manifeste, marquant le passage d’unelogique de complémentarité des éducations formelle, non formelle etinformelle (lorsque les acquis professionnels et personnels peuventpermettre un retour dans le système formel, sans avoir le titre normale-ment requis pour y entrer, ou donner lieu à des dispenses partielles) à unelogique de subsidiarité de ces modes d’apprentissage (à partir du momentoù les acquis de l’expérience pourront donner lieu à certification, sansformation “formelle” préalable). Et c’est en cela que la validation desacquis de l’expérience, vecteur de l’éducation et de la formation tout aulong de la vie, apparaît, au-delà de ses justifications habituelles, en termesde reconnaissance des individus et de leurs compétences, comme unepolitique de réduction de la dépense publique d’éducation, légitimant,sans heurt, le désengagement de l’État du secteur éducatif. À partir dumoment où l’éducation informelle remplit la même fonction que l’éduca-tion formelle, l’État, financeur du système formel, peut en appeler à laresponsabilité individuelle, à la prise en charge par les individus d’unepart du financement de leur éducation, l’éducation informelle.

L’enseignement supérieur :terrain privilégié d’application de la formation tout au long de la vie

L’attention portée à l’enseignement supérieur dans les discours surl’éducation et la formation tout au long de la vie, comme dans les justifica-tions de la validation des acquis, peut sembler justifiée par le constat del’entrée dans une société de la connaissance, dans laquelle les emploisqualifiés prédomineront : l’élévation du niveau d’éducation de la popula-tion, alors, s’impose. La thématique est récurrente : on se souvient parexemple du succès de la prospective du BIPE de 1987 annonçant une spec-taculaire et rapide déformation de la structure des emplois industriels.L’industrie française allait ainsi passer du « triangle » en 1982 (45% d’ou-vriers non qualifiés, 38% d’ouvriers qualifiés et de contremaîtres, 17% d’in-génieurs, cadres techniques et techniciens) à l’« hexagone » en 2000 (avecdes proportions de 25% d’ouvriers non qualifiés, de 45% d’ouvriers quali-fiés et de contremaîtres, et de 30% d’ingénieurs et techniciens) 27. La réalité

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27 Étude BIPE (Bureau d’Information et de Prévision Économique)/HCEE

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est pourtant plus contrastée : « Le nombre d’actifs ayant un emploi nonqualifié a régulièrement diminué dans les années quatre-vingt et jusqu’en1994. Depuis il n’a cessé d’augmenter pour retrouver son niveau d’il y avingt ans » (Chardon, 2001). Certes, l’emploi non qualifié se développeparticulièrement dans le commerce et les services, mais la part desemplois d’ingénieurs et cadres dans l’industrie est loin d’avoir atteint leniveau conjecturé.

Au-delà des exigences, en termes d’emplois, des « économies de laconnaissance » – ce modèle vers lequel évolueraient les pays industriali-sés –, ce sont également des raisons budgétaires qui expliquent la place del’enseignement supérieur dans les politiques d’éducation tout au long dela vie. L’objectif n’est pas tant de démocratiser ce système formel d’édu-cation que d’en réformer le financement, jusque-là presque exclusivementassuré par la dépense publique. L’argument vaut spécialement pour l’en-seignement supérieur, le financement public restant en revanche centraldans l’enseignement élémentaire et secondaire général 28, conformémentd’ailleurs au credo libéral.

Opposés par principe à l’intervention étatique hors du domainerégalien, les théoriciens libéraux ont toujours dérogé en ce qui concernel’éducation, admettant le caractère de bien public d’une éducation mini-male et sa prise en charge par l’État, au moins pour son financement, les« ultralibéraux » des années soixante contestant le principe de la produc-tion par l’État de ses prestations (Friedman, 1971). Ainsi pour J.-B. Say :« Mais la position du simple manouvrier dans la machine productive dela société réduit ses profits presque au niveau de ce qu’exige sa subsis-tance. À peine peut-il élever ses enfants, et leur apprendre un métier ;comment leur donnerait-il ce degré d’instruction que nous supposonsnécessaire au bien-être de l’ordre social ? Si la société veut jouir del’avantage attaché à ce degré d’instruction dans cette classe, elle doitdonc le donner à ses frais. On atteint ce but par des écoles où l’on ensei-gne gratuitement à lire, à écrire et à compter. Ces connaissances sont le

(Haut Comité Éducation Économie), Éducation-Économie : une autre approchede l’avenir, Rapport n° 2, octobre 1987 (op. cit. : 29). La synthèse graphique (lepassage du triangle à l’hexagone) participa à la popularisation de la prospective quia été souvent, par la suite, généralisée à l’ensemble des emplois.28 Il en va différemment pour l’enseignement secondaire professionnel.

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fondement de toutes les autres, et suffisent pour civiliser le manouvrier leplus simple. À vrai dire, une nation n’est pas civilisée, et ne jouit pas parconséquent des avantages attachés à la civilisation, quand tout le monden’y sait pas lire, écrire et compter. Sans cela elle n’est pas encore complè-tement tirée de l’état de barbarie » (Say, 1972 : 499-500). Une éducationminimale dont la puissance publique cherchera à réduire le coût : J -B. Sayproposait « un procédé maintenant éprouvé » et « économique » : « ensei-gnement mutuel, d’abord mis en pratique par Lancastre 29 et perfectionnépar d’autres » (op. cit. : 500).

On retrouve aujourd’hui ce même plaidoyer pour une éducationpublique minimale dans les travaux de l’OCDE destinés à définir les« compétences de base » 30. La question du financement de l’apprentissageà vie, du « berceau au tombeau » 31, y est posée de façon la plus crue : ony dissocie en effet l’enseignement primaire et secondaire, relevant de lapuissance publique, et l’enseignement tertiaire, au financement duquel sesusagers devront participer, au nom d’arguments empruntés, là encore, à lathéorie du capital humain : « Les participants étaient généralement d’ac-cord sur le fait qu’un financement public était justifié. L’enseignement

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29 Joseph Lancaster (1778-1838) vulgarisera et appliquera les idées d’AndreasBell en matière d’éducation par les pairs. Un mode d’éducation qui réapparaît,certes de façon marginale, et cette fois-ci dans l’enseignement supérieur, sous laforme du tutorat.30 Les experts de l’OCDE réfléchissent aux moyens d’en réduire les coûts ;une réflexion économique mais aussi politique, en termes là encore de “faisabilité”.Dans un développement titré Pour une utilisation plus efficiente des ressourcesdisponibles, l’OCDE envisage ainsi « la solution consistant à réaliser des éco-nomies grâce à l’introduction de classes plus nombreuses » mais, pour y renoncerun peu plus loin car « celles-ci ne sont pas populaires auprès des parents. Il s’en-suit qu’il serait politiquement difficile d’utiliser cette mesure comme sourcemajeure d’économies sur les dépenses dans l’enseignement formel » (OCDE,2001 : 127-128).31 Cette formule qui figure dans le rapport de l’OCDE précité sur les aspectséconomiques et financiers de l’apprentissage à vie avait été utilisée au début desannées quatre-vingt par Milton et Rose Friedman, pour dénoncer l’extension duchamp des compétences des États-Providence : c’est le titre du chapitre IV de leurouvrage (Friedman & Friedman, 1980).

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préscolaire, élémentaire et secondaire, ainsi que la formation deschômeurs et des personnes à risque ont un rendement social suffisantpour justifier une contribution de l’État. Au-delà, au niveau de l’ensei-gnement tertiaire, de la formation continue et de la formation des sala-riés, le fait d’apprendre implique un rendement privé qui justifie que lesacteurs prennent en charge une plus grande part des coûts » (OCDE,2001 : 127-128).

Cet investissement, que les États sont appelés à faciliter en mettanten place des comptes épargne formation, et diverses incitations fiscalescomplémentaires, est également justifié au nom de l’égalité des chances.Le système formel d’enseignement supérieur étant structurellement inéga-litaire, ceux qui en sont exclus le financent sans en bénéficier ; dès lors,en faisant porter la charge sur les usagers, et parallèlement en mettant enplace un système de bourses et de prêts, on réduirait cette injustice qui voitles “exclus” participer au financement des études supérieures des “privi-légiés”, tout en favorisant l’accès et la réussite d’étudiants de conditionmodeste. L’argumentation, originellement libérale, s’est depuis très large-ment diffusée. Elle fait pourtant peu de cas des mécanismes sociaux consti-tutifs des inégalités scolaires : un financement de l’enseignement supérieurpar l’usager (« co-investissement » ou financement intégral) hypothèqueraitun peu plus les chances de ceux qui appartiennent aux classes dominéesd’y accéder dans la mesure où la logique de l’investissement leur estlargement étrangère. Une faible dotation initiale en capitaux de toutesespèces (économique, social, culturel) empêche le “calcul”, l’anticipationde profits liés à l’investissement éducatif, la prise de ce risque supplémen-taire qu’est l’endettement à des fins d’étude. Les déterminants de l’investis-sement dans le « capital humain » ne sont pas essentiellement économiques.Il faut, pour se projeter dans l’avenir – ici en investissant dans ses étudessupérieures –, la même assurance, foncièrement sociale, que pour recons-truire son passé, en établissant par exemple, dans le cadre d’une procédurede validation d’acquis, son “histoire de vie”.

La certification étatique, condition de développement du marché

Désengagement de l’État, justifié au nom de l’existence d’autresmodes d’apprentissage, plus économiques pour les dépenses publiquesque le mode formel ; développement parallèle du marché, pour satisfairela demande d’éducation informelle : telles sont les implications des poli-tiques d’éducation et de formation tout au long de la vie. Il reste que cet

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effacement relatif de l’éducation formelle au profit de l’éducation infor-melle, comme la transformation des apprenants, usagers d’un servicepublic, en consommateurs de prestations éducatives marchandes, ne peutse réaliser que progressivement et exige ce préalable qu’est la mise enplace et l’élargissement des dispositifs de validation des acquis. Carl’équivalence des modes d’apprentissage ne peut être vraiment acceptée,notamment dans un pays, comme la France, de forte tradition étatique enmatière éducative, où l’attachement aux diplômes reste très fort, que sil’État est encore présent pour garantir les modalités et le taux de laconversion des acquis de l’éducation informelle. C’est aussi dans cettelogique que l’on peut analyser la mise en place du Répertoire National desCertifications, destiné à recenser l’ensemble des titres accessibles par laVAE. Un répertoire qui intègre les diplômes délivrés par les établisse-ments publics d’enseignement mais aussi tous les autres titres, à partir dumoment où ils auront été agréés ; le fait d’inscrire côte à côte les diplômes,délivrés par l’État, et les autres titres, est une façon de donner, à terme, àces derniers les mêmes qualités qu’aux premiers. Les nouveaux produc-teurs de prestations éducatives ont encore besoin de ce label étatique pourassurer la vente de leurs prestations, même si le maintien du monopolepublic de la certification est sans doute conçu par les partisans du marchécomme une étape intermédiaire.

Les réformes récentes de l’enseignement supérieur français :la mise en application des politiques de formation et d’éducationtout au long de la vie

La tonalité, souvent prospective, voire futurible, des documents dela Commission Européenne, ne doit pas laisser penser que l’éducation etla formation tout au long de la vie n’est qu’une politique virtuelle. LaCommission, avec l’aval des États, ne se limite pas à émettre des recom-mandations ; elle intervient aussi par le biais d’un certain nombre deprogrammes européens (par exemple, avec Erasmus, ou encore via le FondsSocial Européen) et énonce, en la matière, les “bonnes pratiques”(Commission des Communautés Européennes, 2000, annexe 1). On peutvoir dans les politiques d’enseignement supérieur menées en Francedepuis le milieu des années quatre-vingt-dix la mise en application d’uncertain nombre de ces prescriptions. Il y a d’ailleurs une grande continuitédans ces réformes, indépendamment des gouvernements qui les mènent.Les justifications avancées comme les objectifs affichés de la réforme de

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l’enseignement supérieur sont pratiquement restés les mêmes, de FrançoisBayrou à Luc Ferry en passant par Claude Allègre et Jack Lang. Il s’agit,pêle-mêle, de lutter contre l’échec universitaire en replaçant l’étudiant aucentre du système, de prévenir l’exclusion sociale en donnant la possibilitéà ceux qui ont été exclus d’y revenir, d’ouvrir plus largement l’Universitésur l’extérieur, tour à tour l’entreprise, l’Europe, le Monde. On en appelle àun assouplissement des structures afin de faire place à l’individu, enpassant notamment d’une logique de « cursus » à une logique de« parcours individualisés ». Mais des contradictions apparaissent dans leregistre des justifications. D’un côté, l’Université est invitée à la mue afind’accueillir un public diversifié, qui n’est plus celui des « héritiers », etcomporte à côté d’étudiants classiques des adultes venant dans le cadre dela formation continue, avec des besoins spécifiques et, souvent, une expé-rience antérieure de l’échec. En parallèle, c’est sur une toute autre repré-sentation du public que sont fondés les projets de réforme. L’Universiténouvelle semble pensée pour des étudiants rationnels, nouveaux consom-mateurs, plus qu’usagers classiques d’un service public, choisissant, dansl’offre de formation qui leur est proposée, les « briques » 32 nécessaires àla construction de leur « parcours individualisé », et sont d’ailleursincités, pour ce faire, à se déplacer d’un pays européen à un autre (ils neconnaissent pas, puisqu’elles ne sont jamais évoquées, de difficultésfinancières de nature à limiter cette mobilité, les seules entraves, admi-nistratives, étant celles que les réformes, précisément, se proposent delever). Cette figure d’un étudiant consommateur et investisseur à la fois,capable de choix rationnels, est le décalque presque parfait du modèlenéo-classique, que les économistes de l’école de Chicago, notammentGary Becker et Milton Friedman, ont appliqué dès les années soixante àl’analyse des services non marchands, indûment qualifiés selon eux debiens publics (Friedman, 1971).

C’est la réforme Bayrou, adoptée en 1997, qui marque le début de lamise en application de la politique d’éducation et de formation tout au longde la vie. La semestrialisation des enseignements universitaires et leurmodularisation allaient dans le sens d’une ouverture du système formel ;les programmes furent ainsi décomposés pour faciliter l’individualisation

32 Le terme est régulièrement utilisé par les gestionnaires de l’enseignementsupérieur (voir notamment dans le cadre de l’A.M.U.E., l’Agence de Modernisationdes Universités et des Établissements).

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des parcours. Mais le Ministre affirmait aussi sa volonté de « Garantir undroit au retour dans l’enseignement supérieur » dans une perspectived’éducation tout au long de la vie : « La formation continue sera un élémentessentiel du rôle de l’enseignement supérieur dans la société française duXXIe siècle. La reconnaissance de ce droit à un temps de formation encours de vie, pour ceux qui n’auraient pas eu la chance de bénéficierd’une formation initiale universitaire, comme pour ceux qui ressentiraientle besoin d’un complément de formation, selon le principe du chèque-éducation, changera profondément l’image et la réalité de l’université.L’outil principal de cette formation continue est le principe de validationdes acquis » 33. La validation des acquis est bien conçue comme le moyende cette politique d’éducation tout au long de la vie et le levier de trans-formation de l’Université ; on notera aussi la référence au « chèque éduca-tion », proposition initialement friedmanienne, qui s’est très largementbanalisée dans les années quatre-vingt-dix.

Claude Allègre poursuivra dans la voie du développement de laformation continue universitaire. Il y a là, pour un secteur souvent dépréciédans l’enseignement supérieur, une forme de reconnaissance. Mais cettereconnaissance peut aussi signifier l’adoption, par l’Université, des modesde financement ayant cours en formation continue. Sur fond de rappro-chement de la formation initiale et de la formation continue, se diffusaalors l’expression d’« offre de formation » pour désigner l’ensemble desprestations, pour partie “offertes”, mais aussi, et pour une part croissante,vendues au niveau national, dans le cadre de la formation continue, ou àl’international, par le biais d’Edufrance (agence publique chargée, depuissa création en 1998, de vendre à l’étranger, à des étudiants très solvables,résidant dans des pays où les systèmes formels sont moins développés 34,les prestations des différentes universités françaises). Cette nouvelleterminologie est révélatrice d’un glissement dans la conception officiellede l’enseignement supérieur : s’il y a offre de formation, c’est qu’il y a unmarché sur lequel intervient l’Université, en concurrence avec d’autresopérateurs.

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33 Présentation à la presse du Rapport d’Étape de la réforme de l’Université,4 février 1997.34 De façon moins euphémisée, la cible de clientèle visée par l’agence Edufranceest celle des élites des pays en voie de développement, et notamment des nouveauxpays industrialisés, jusqu’à présent attirées par les Universités américaines.

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Mais Claude Allègre va également accélérer le processus d’harmo-nisation européenne en matière éducative. C’est à l’occasion du 800ème

anniversaire de l’Université de Paris qu’est lancé, par les quatre ministresde l’enseignement supérieur allemand, français, italien et anglais, l’appelde la Sorbonne, visant à réaliser un « espace européen ouvert de l’ensei-gnement supérieur », conçu comme un pendant à l’Europe économique etmonétaire : « l’Europe que nous bâtissons n’est pas seulement celle del’Euro, des banques et de l’économie ; elle doit être aussi une Europe dusavoir »35. L’année suivante, vingt-cinq autres pays européens – pasuniquement, donc, de l’Union Européenne – s’associeront à cette démar-che en signant une nouvelle déclaration, celle de Bologne 36.

La France estime avoir été à l’origine de cette démarche de cons-truction de l’espace européen de l’enseignement supérieur, dont les princi-pes sont en partie inspirés par les conclusions du rapport Attali. Et cetteinitiative est présentée comme « totalement originale », « voulue et assuméehors de l’Union Européenne » 37. Si les déclarations de la Sorbonne et deBologne précèdent le Mémorandum sur l’éducation et la formation tout aulong de la vie établi par la Commission, si le cadre de réflexion dépassecelui de l’Union Européenne, il reste que l’Espace européen de l’ensei-gnement supérieur apparaît bien enchâssé dans l’Espace européen del’éducation et de la formation tout au long de la vie 38 et les mesures prises,au niveau universitaire français, dans le cadre de l’harmonisation euro-péenne, apparaissent congruentes aux recommandations de la Commission,mais aussi à celles de l’OCDE. Pour faciliter la mobilité des étudiants au

35 Harmoniser l’architecture du système européen d’enseignement supérieur,Déclaration « en Sorbonne », 25 mai 1998.36 Déclaration commune des ministres européens de l’éducation, 19 juin 1999,Bologne.37 Déclarations de Sylvain Kahn, « directeur des affaires européennes àSciences Po, ancien des cabinets Allègre et Lang », (Libération, 31 janvier 2003).38 C’est aussi l’analyse de l’Association Européenne de l’Université (EUA)« composée d’organismes nationaux représentant l’enseignement supérieur(conférence des recteurs) et d’universités individuelles » qui lie le « processus deBologne » et le « Mémorandum ». Mary O’Mahony, pour l’EUA, Mémorandumsur l’éducation et la formation tout au long de la vie. Résultats de la consultationmenée par l’Association Européenne de l’université, août 2001.

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niveau européen, il s’agit donc d’assouplir le système, de le rendre plustransparent, plus ouvert sur l’extérieur : « Une grand part de l’originalitéet de la souplesse d’un tel système passeront, dans une large mesure, parl’utilisation de “crédits” (comme dans le schéma ECTS) 39 et de semestres.Cela permettra la validation des crédits acquis par ceux qui choisiraientde conduire leur éducation, initiale ou continue, dans différentes universi-tés européennes et souhaiteraient acquérir leurs diplômes à leur rythme,tout au long de leur vie. En fait, les étudiants devraient pouvoir avoir accèsau monde universitaire à n’importe quel moment de leur vie profession-nelle, en venant des milieux les plus divers »40.

L’ouverture attendue n’est pas seulement celle de l’Université fran-çaise aux étudiants venant d’autres établissements européens, avec la réfé-rence incantatoire au modèle de l’Université médiévale et à ses étudiantspérégrins, c’est aussi l’ouverture de l’Université en tant que système formel,grâce à la validation des acquis. La redéfinition des diplômes universitairesen crédits, amorcée par Claude Allègre et confirmée par Jack Lang, outrequ’elle témoigne de ce que l’originalité de la démarche française de cons-truction de l’espace européen de l’enseignement supérieur est limitée – lesECTS ont été inventés par la Commission Européenne pour les besoins duprogramme Erasmus en 1988 –, n’est pas une simple mesure technique,visant à rendre plus lisibles les formations. En définissant désormais lesunités de cours en termes de « volume de travail que l’étudiant est supposéfournir pour chacune d’elles » (Commission des CommunautésEuropéennes, 1998 : 4) 41, et non plus en termes d’heures d’enseignement,on prépare le resserrement du système formel. Il devient en effet possible deréduire le nombre d’heures de cours sans affecter le nombre de crédits (etsans remettre en cause les contenus apparents des diplômes tels qu’ils sonténoncés par exemple au moment des campagnes d’habilitation), en prenanten considération, au moment de la certification, les fruits du travail person-nel de l’étudiant et de son apprentissage informel. L’adaptation du systèmefrançais d’enseignement supérieur au nouveau cadre européen va être pour-suivie par Jack Lang, puis par Luc Ferry. L’architecture des diplômes est

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39 European Credit Transfer System ou Système Européen de transfert de « crédits ».40 Déclaration « en Sorbonne », 25 mai 1998 (op. cit.).41 Commission des communautés européennes, Système Européen de transfertde « crédits ». ECTS. Guide de l’Utilisateur, 31 mars 1998 (op. cit. : 4).

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modifiée : la proposition du « 3-5-8 » 42, avancée en 1998 par la commissionAttali, et à l’époque assez vivement contestée, est finalement mise enœuvre, sans susciter les mêmes oppositions, sous l’appellation de« L.M.D. » 43. La modularisation est encore accrue et, désormais, la valida-tion des acquis de l’expérience permet d’obtenir l’ensemble des titresuniversitaires, sans forcément passer par le préalable de la formation dansle système formel. Cette transformation de l’Université, plus certificatrice,moins formatrice, implique une évolution parallèle du rôle des enseignants.Le rapport, commandé par Jack Lang au Président de l’Université dePoitiers, Eric Espéret, proposera, en septembre 2001, une « Nouvelle défi-nition des tâches des enseignants et des enseignants chercheurs dans l’en-seignement supérieur français », sur la base de 1 600 heures annuelles,incluant beaucoup de nouvelles tâches à côté de l’enseignement et de larecherche, et pouvant à terme s’y substituer ; en particulier, était évoqué letravail de certification pure (puisque dissociée de la formation), lié à la vali-dation des acquis de l’expérience. Un temps suspendu, ce projet de réformedu statut des enseignants-chercheurs – appelés à se transformer en ensei-gnants-administrateurs ou en enseignants-certificateurs – vient d’êtrerelancé par Luc Ferry 44.

Au final, la validation des acquis de l’expérience n’est pas qu’une« petite révolution » sans lendemain : elle traduit la mise en application despolitiques d’éducation et de formation tout au long de la vie. Des politiquesqui, au-delà de leurs adaptations locales, sont largement définies au niveau

42 Pour désigner les trois niveaux de sortie de référence du système universi-taire, à bac plus 3, bac plus 5 et bac plus 8.43 Licence, Master, Doctorat, soit les mêmes niveaux de sortie que dans leschéma 3/5/8. Sur le LMD et ces réformes européennes, on pourra se reporter ànotre article (Neyrat, 2003b).44 « Les contraintes budgétaires ne doivent cependant pas nous empêcher defaire évoluer le statut des enseignants-chercheurs. J’ai donc demandé à l’un devos collègues, le Président BELLOC, ainsi chargé d’une mission capitale que jele remercie d’avoir accepté, de prendre les contacts nécessaires pour me présen-ter, dans les six mois, des propositions concrètes nous permettant de modifier ledécret de 1984, et qui devront bien sûr tenir compte des conclusions du rapportEspéret », allocution de clôture de Luc Ferry au Colloque annuel de la CPU àPoitiers, 21 mars 2003, reproduite sur le site internet du Ministère de l’Éducationnationale (www.education.gouv.fr) le 27 mars 2003.

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international. Il y a sous ce rapport beaucoup de proximités, au-delà dequelques nuances, entre les recommandations de l’Union Européenne –pas seulement la Commission, mais aussi les États qui ont donné leur avalà ce programme –, du Conseil de l’Europe45, de l’OCDE. Toutes ces insti-tutions s’accordent sur la nécessité d’« investir dans les compétences pourtous »46, pour élever le niveau de la qualification de la population ; mais leconsensus s’est aussi établi sur le fait que, pour l’enseignement supérieur(ou tertiaire, selon l’appellation anglo-saxonne), la dépense publique nepeut, seule, satisfaire la demande – les nuances entre les institutions inter-nationales intervenant à ce niveau-là du degré d’engagement de l’État. Dèslors, l’enseignement supérieur, en tant que système formel, par le biaisnotamment de la validation des acquis, est invité à s’ouvrir aux systèmesnon formel et surtout informel. Un système informel qui se formalise cepen-dant très rapidement sous la forme d’un marché des prestations éducativeséconomiquement très prometteur et dont l’OMC demande la libéralisation,spécialement pour l’enseignement supérieur 47.

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45 Voir, par exemple, le rapport sur l’éducation non formelle, établi par laCommission de la culture et de l’éducation du Conseil de l’Europe, document8595, 15 décembre 1999.46 Investir dans les compétences pour tous. Communiqué, Réunion desMinistres de l’Éducation des Pays de l’OCDE, Paris, 3 et 4 avril 2001.47 World Trade Organization, Council for Trade in Services, Education Services,Background Note by the Secretariat, S/C/W 49 (98-3691), 23 septembre 1998,notamment les pages 4 et 5.

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