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La Vallée de Sainte-Marie-aux-Mines

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La Vallée de Sainte-Marie-aux-Mines L'étrange et le merveilleux

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© Editions Oberlin, Strasbourg, 1990 - ISBN 2 85369 108 X

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Jean-Paul Patris

La Vallée de Sainte-Marie-aux-Mines L'étrange et le merveilleux

Editions Oberlin 1990

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A Paulette

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Préface

Tout paysage habité par une société humaine est double: il y a celui qui est immédiatement percepti- ble par les sens, le paysage naturel, résultat de la géologie, de l'action des forces physiques et de l'intervention humaine; et puis il y a le paysage culturel, presqu'invisible, plus difficile à déceler, mystérieux et fragile car lié aux forces agissantes de l'imagination humaine, de l'histoire et des croyances tissant un réseau de sens et de significations sur le paysage naturel.

Ce paysage «imaginé», vu et lu par la mémoire humaine, par la tradition est aussi un paysage raconté, lié à la parole humaine; il acquiert un autre relief, celui de l'âme et de la pensée humaine. Et pour écouter et entendre ce paysage-là, celui des

légendes, des anecdotes, des histoires transmises au coin du feu les soirs d'hiver ou dans la confidence de celui qui «sait» à celui qui «comprend», il faut s'armer d'une longue patience, d'une capacité d'émerveillement à chaque instant renouvelée et d'un cœur sachant s'ouvrir aux paroles des rochers, des arbres et de tous lieux habités par l'imagination et l'expérience des hommes.

Car, comme le disait l'un des pionniers de l'explo- ration du légendaire alsacien, l'abbé Charles Braun, auteur des «Légendes du Florival» publiées en 1866, «la légende est l'âme d'un paysage».

Jean-Paul Patris est un de ces hommes précieux qui savent lire et faire parler les paysages de leur «Heimet», à force de curiosité, de persévérance et

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de passion. Parti à la quête des récits et des légendes de sa vallée natale, «'s markericher Tal», la vallée de Sainte-Marie-aux-Mines, Jean-Paul Patris en a constitué une ample moisson qu'il veut à son tour transmettre au lecteur intéressé, rêveur de paysages et de mondes.

Né le 22 juin 1930 à Sainte-Marie-aux-Mines et très tôt passionné d'Histoire, Jean-Paul Patris ter- mine ses études à l'Ecole Normale en présentant un mémoire intitulé «Signification historique et humaine d'une frontière linguistique locale».

En 1951, il est nommé pour son premier poste à Lièpvre. Et c'est là, qu'il fait une rencontre qui va le marquer: une de ses collègues possède les cahiers manuscrits d'un grand collectionneur de légendes locales, Victor Kuentzmann qui a passé la majeure partie de sa vie à noter les légendes du village où il exerçait lui-même la profession d'instituteur, puis de directeur d'école. Jean-Paul Patris recopie tous ces récits, fait reproduire les dessins de Victor Kuentz- mann.

Puis Jean-Paul élargit son champ d'investigation et continue ses recherches sur les traditions et l'His- toire de son pays natal, bien décidé à en connaître l'être profond. En 1981, l'Université Populaire de Sainte-Marie-aux-Mines organise une grande exposi- tion sur le passé de la commune, Jean-Paul et son épouse Paulette s'occupent des traditions et des modes de vie locaux. Il anime également des «Stammtisch» réunissant autour d'un thème diffé- rentes personnes pour s'exprimer en dialecte aléma- nique ou en patois vosgien.

Ces nombreuses activités l'amènent à devenir pré- sident de 1984 à 1989 de l'association «Des Paysa-

ges, des Hommes, des Traditions» de la vallée de Sainte-Marie-aux-Mines dont le but est de fixer et de conserver le patrimoine local.

Il publie une étude après l'autre, touchant aux domaines les plus divers: de «L'école à travers les âges» (1985) à l'industrie textile: «L'article de Sainte-Marie, son élaboration dans le temps» (1986), sans oublier deux brochures sur l'histoire et l'urba- nisme de sa ville natale «Sainte-Marie-aux-Mines, hier... et aujourd'hui» (1986) et «Sainte-Marie-aux- Mines aux multiples facettes» (1989). Mais la vie religieuse des habitants l'intéresse également. Jean- Paul évoque la chapelle de Fertrupt (1986), la cha- pelle Saint-Nicolas sur le pré Mathieu (1987), suit les traces de saint Nicolas dans la vallée (1987), étu- die le pélerinage de saint Antoine au Petit-Rombach (1990). Enfin, une étude minutieuse et parfaitement documentée vient témoigner des mœurs profanes de ses contemporains: «Carnaval chez nous», (1988) remarquable fresque des coutumes carnavalesques dans une vallée vosgienne.

A partir de 1984, sentant qu'il commence à avoir une vue d'ensemble des us et coutumes de son pays, Jean-Paul se replonge dans le patrimoine légendaire, complétant sa première collection, y ajoutant de nombreuses traditions orales recueillies chez l'habi- tant, traduisant divers textes rédigés et publiés en langue allemande.

Et le résultat est là, plus de cent-cinquante récits remarquablement mis en valeur par le dessin fin et sensible de ce grand rêveur de mondes qu'est Ray- mond Piela qui sait rendre par des traits et des formes le monde merveilleux et angoissant du légendaire alsacien.

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Jean-Paul Patris vient ainsi enrichir et approfondir, de par son travail incessant, sa curiosité jamais épui- sée et sa parfaite connaissance de son pays natal, le corpus des récits légendaires d'Alsace; s'inscrivant ainsi dans la lignée des grands découvreurs et explo- rateurs du merveilleux alsacien que sont Auguste Stoeber, Charles Braun, Jean Variot, Paul Stinzi et bien d'autres encore. Gabriel Gravier, Franc-comtois épris d'Alsace a clos récemment la synthèse de leurs œuvres, recensant quelques 1480 légendes alsacien-

nes inventoriées et publiées à Belfort aux Editions du Mouton Bleu 1986-1989 et intitulées «Légendes d'Alsace, tomes 1 à IV».

Jean-Paul Patris, en nous livrant les légendes de sa vallée natale, résultat d'une longue quête, nous permet d'aller plus avant dans la connaissance de la «psyché» d'une vallée vosgienne attachante et, par- tant, de l'âme et du patrimoine alsacien.

Qu'il en soit vivement remercié !

Gérard Leser Animateur régional à la

Fédération des Universités Populaires d'Alsace, Président de la Société d'Histoire du Val et de la Ville de Munster

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Avant-propos

Si l'inverse est vrai, on peut dire également que les légendes nous révèlent ce que l'Histoire nous cache.

A défaut de valeur scientifique, elles nous font connaître les éléments affectifs d'une population donnée que l'historien traditionnel aurait tendance à rejeter. Sous une apparence souvent fantasmagorique se cache l'âme primitive d'un groupement humain.

Or, l'histoire de la vallée de Sainte-Marie-aux- Mines nous décrit l'existence d'un certain nombre de communautés politiquement, religieusement et ethni- quement différentes.

Alors que l'élément paysan peut être considéré comme stabilisé depuis la fin du 17 siècle, à la suite du repeuplement destiné à combler les vides occa- sionnés par la guerre de Trente Ans, un va-et-vient incessant de mineurs, d'ouvriers textiles, de soldats et de marchands a donné à notre région un caractère quasi cosmopolite.

Chaque nouvel arrivant apporte son identité et sa spécificité culturelle dont font partie les histoires et

les légendes qu'il a entendues dans son enfance et conservées précieusement.

Vont s'y rattacher des éléments plus particulière- ment locaux comme le prestige du minerai d'argent à la fin du Moyen Age, en sorte que nous pouvons nous enorgueillir de posséder un patrimoine extrême- ment riche et varié dans le domaine des récits tradi- tionnels.

On s'en rend compte en regardant la carte des légendes d'Alsace établie par R. Specklin d'après la collection de P. Stinzi. La vallée de Sainte-Marie- aux-Mines possède en effet la plus forte densité de thèmes légendaires de notre province. L'auteur de la carte en dénombre quatorze alors qu'ailleurs dans le meilleur des cas on n'arrive pas à en rassembler plus de neuf.

Les récits légendaires qui passaient d'une généra- tion à l'autre depuis leur élaboration ont disparu de la conversation courante après la première guerre mondiale, en même temps que les veillées qui ser- vaient de cadre à leur transmission.

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Heureusement pour les générations futures, quel- ques personnes ont compris à temps l'importance de cette partie de notre patrimoine. Elles ont consigné par écrit tout ce qu'elles ont pu recueillir auprès de celles et de ceux qui détenaient encore les histoires merveilleuses et les légendes relatives à notre sol natal.

Suivant la trace des frères Grimm, des folkloristes alsaciens et lorrains que nous citerons en bibliogra- phie ont ouvert la voie aux deux grands rassembleurs de légendes du Val de Lièpvre:

Eugène Diebold nous a fait connaître un certain nombre de récits légendaires dans son livre: «Sinau- blätter vom Grenzstein» (Alchémilles de la borne- frontière), mais la plupart d'entre-eux ont été recueil- lis par l'infatigable directeur d'école de Lièpvre, Victor Kuentzmann qui a passé tous ses loisirs à étudier l'histoire et les traditions locales, déjà avant 1914, puis dans la période séparant les deux guerres mondiales.

Les matériaux étant disponibles, il nous a semblé utile de classer les écrits français, de traduire les textes allemands encore inédits et d'apporter un cer- tain nombre d'annotations pour une meilleure com- préhension des récits, devant permettre ainsi une plus large diffusion.

La liste des histoires et légendes n'est pas arrêtée, il s'en faut. Des variantes existent. Elles pourront éventuellement compléter la présente édition.

Certains récits ont pu être conservés tels que la tradition orale les rapportait. Nous avons tenu à les reproduire, parfois même au détriment de la rigueur grammaticale, afin de leur laisser leur caractère origi- nal et authentique.

Bien que débordant légèrement le cadre géogra- phique de la vallée, quelques textes se rattachent à notre tradition légendaire par l'Histoire ou par l'ap- partenance à un thème local. Nous les proposons donc également aux lecteurs.

Que tous ceux qui ont contribué d'une façon ou d'une autre à la réalisation du présent ouvrage soient vivement remerciés: les personnes qui ont mis des documents à notre disposition, celles qui en ont dac- tylographiés.

Nous sommes très reconnaissant à Gérard Leser d'avoir bien voulu présenter notre travail et à Ray- mond Piela de l'avoir si bien illustré.

Les noms ou les abréviations figurant au bas de chaque récit désignent la personne qui l'a recueilli, transcrit, rédigé, traduit:

E.D. (Eugène Diebold) V.K. (Victor Kuentzmann) T. (Traduction de l'auteur) T.O. (Texte retransmis, tel que recueilli).

Une postface élargit le cadre étroit de la vallée, servant de conclusion au présent avant-propos en apportant au lecteur quelques récits recueillis ailleurs et dont les thèmes sont analogues à ceux des légen- des locales. Des textes figurant en Annexe et des Notes complètent le travail. Une carte permet de situer la plupart des lieux-dits où s'est déroulée l'action d'une ou de plusieurs légendes. Les endroits mentionnés dans les notes ont les mêmes numéros qu'elles. Les autres sont représentés par des lettres.

A Sainte-Marie-aux-Mines, le 30 septembre 1990 Jean-Paul Patris

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Les thèmes

Les acteurs principaux des récits que vous allez lire se retrouvent parfois sous un autre aspect dans d'autres provinces ou d'autres pays.

Il s'agit alors de la version locale d'un thème uni- versellement répandu. Les phénomènes de la nature (lumière, ténèbre, éclipses, comètes, ...), les grands événements historiques (guerres, épidémies, ...), des éléments théologiques ou philosophiques (spécula- tions concernant la mort et l'au-delà), un substrat culturel laissé par des envahisseurs successifs (Cel- tes, Romains, Germains, Arabes,...) l'action de l'Eglise de Rome visant:

- l'élimination des anciennes croyances et - la diffusion de la doctrine de Jésus Christ,

bref, tout ce qui a marqué l'homme au cours des millénaires de civilisations différentes se retrouve dans les légendes, lorsqu'elles ne sont pas tout sim- plement l'occasion de faire passer un message.

Dans ce cas, nous ne devons pas être étonnés de l'incohérence fréquente des récits qui n'est qu'appa- rente. Une analyse plus poussée permet habituelle- ment d'en dégager le sens.

La présence d'une frontière linguistique locale explique souvent l'amalgame des thèmes issus des ères culturelles romane et germanique.

Aussi nous a-t-il semblé plus aisé de regrouper les quatorze thèmes de l'avant-propos auxquels s'ajoute celui des géants. De ce fait, l'ouvrage se divise en quatre grandes familles de récits:

Le monde mythique souterrain Le monde des revenants Satan et sorcières Histoire et légendes Les deux premières familles appartiennent au

monde souterrain, dit chtonien, la troisième concerne le monde des humains, bien que derrière lui se profile très souvent le précédent. La dernière famille nous fournit l'occasion de retracer l'histoire du Val de Lièpvre depuis les temps les plus reculés jusqu'au début de notre passé récent.

Passé légendaire et passé historique se confondent ici pour traverser les ondes de notre mémoire collec- tive.

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Première partie

Le monde mythique souterrain

Les peuples primitifs avaient et ont toujours une vénération profonde pour la terre. Ceux des régions méditerranéennes l'appelaient la «Déesse Mère» parce qu'elle était pour eux une entité vivante et génératrice. Aussi leurs mythes faisaient-ils naître les premiers hommes dans ses parties les plus profondes, dans son «ventre». La terre enfantait en son sein avant de le faire hors de son sein.

C'est le sens originel des premières statues repré- sentant la terre en tant que femme-déesse de la fécon- dité. Elles étaient souvent noires comme elle. Cet art statuaire sera transmis au monde celtique, puis chré- tien à travers les «Vierges noires».

Dans la mythologie crétoise, puis grecque les

«entrailles» de la terre abritaient le monde dit «chto- nien» (du grec khtôn = terre) où résidaient des êtres divers produits par elle (divinités, démons, monstres, génies, esprits...)2 qui peuvent apparaître ou non dans le monde des humains. Ils sont souvent redou- tables et menaçants.

Le monde mythique est donc essentiellement celui des cavités (galeries et puits de mines, grottes, caver- nes...). Les légendes locales qui entrent dans son cadre peuvent être réparties en quatre chapitres:

I. Les Génies II. Les Géants III. Les Animaux Mythiques IV. Les Plantes Mystérieuses.

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Achevé d'imprimer sur les presses de l'Imprimerie Icam à Strasbourg Novembre 1990 - Dépôt légal 4 trimestre 1990 - n° 14065

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