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Les numéros de Recueils & documents sont téléchargeables sur www.fnars.org ou Intranet-adhérents à la rubrique Publications, à l'exception du numéro 17, à vendre 8 € Vous pouvez commander une version papier d'un Recueils & documents : frais d'impression et d'expédition : 4 € R ecueils & documents n°28– septembre 2004 réf. : RD 28 Fnars - Fédération nationale des associations d'accueil et de réinsertion sociale 76 rue du faubourg Saint Denis – 75010 Paris - [email protected] - http://www.fnars.org / tél. : 01 48 01 82 00 / fax 01 47 70 27 02. Urgence et veille sociales La veille sociale et ses enjeux Réalisé par Pierre-A. Vidal-Naquet Sociologue, Cerpe, Centre d'étude et de recherche sur les pratiques de l'espace, Lyon Janvier 2004 Avec le soutien de Direction générale de l'action sociale document général - études et recherche – réglementation – recueil d'interventions conducteur pour agir et innover

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Recueils & documents n°28– septembre 2004

réf. : RD 28

F n a r s - F é d é r a t i o n n a t i o n a l e d e s a s s o c i a t i o n s d ' a c c u e i l e t d e r é i n s e r t i o n s o c i a l e 76 rue du faubourg Saint Denis – 75010 Paris - [email protected] - http://www.fnars.org / tél. : 01 48 01 82 00 / fax 01 47 70 27 02.

Urgence et veille sociales

La veille sociale et ses enjeux

Réalisé par Pierre-A. Vidal-Naquet Sociologue, Cerpe, Centre d'étude et de recherche sur les pratiques de l'espace, Lyon Janvier 2004 Avec le soutien de Direction générale de l'action sociale

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Sommaire

Edito................................................................................................ 1

Introduction ................................................................................... 2

La veille sociale dans les textes ..................................................... 4

L'épreuve de la réalité .................................................................... 8

Quelle veille sociale ? ...................................................................10 Les réseaux arborescents ....................................................................................... 10 Les réseaux ouverts ............................................................................................... 11 La veille sociale : un instrument de "gouvernance"...................................................12

Conclusion ....................................................................................14

Sigles .................................................................................................................... 14

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E d i t o

L'intervention sociale, dans le cadre contraint de l'urgence sociale, se meut dans un univers atomisé où la multiplicité des acteurs, des situations et des produits sociaux n'est pas vecteur, loin s'en faut, de cohérence et de visibilité.

Dans cette fragmentation d'opérateurs et d'actions, la veille sociale se devrait d'être le point de jonction où, entre institutions publiques et structures associatives, s'activerait le "mettre en ordre et ensemble".

C'est autour de cette "mission possible" que s'organise la réflexion de Pierre Vidal-Naquet sur une flèche du temps partant des années 1980 avec un Etat-providence jouant encore à plein son rôle de régulation sociale.

Or, les années qui suivent, sous les pressions conjuguées du chômage, de la dégradation des conditions de travail et des mutations familiales dans un paysage institutionnel en pleine recomposition (Etat, région, département, commune), modifient profondément nos politiques sociales jusqu'à l'émergence, dans les années 1990, d'acteurs et d'actions réunis sous le vocable d'urgence sociale.

Pierre-A. Vidal-Naquet analyse, questionne, à partir des lois et circulaires sensées effectuer un cadrage de ce dispositif, le discours qui se fabrique autour de la notion de veille sociale et sa construction dans le réel en terme de mise en œuvre et au travail via des acteurs et outils comme le 115, les SAO, les CAO, les Samu sociaux, les haltes de jour, de nuit, les hébergements d'urgence, les CHRS dont la culture partenariale devrait tirer bénéfice de ce dispositif de coordination.

Ce regard qui nous est proposé convoque les politiques et les pratiques sociales au rappel des devoirs d'une collectivité qui se dit libre, égale et fraternelle à l'endroit de ceux dont le trop de malheurs les a précipités dans l'exclusion.

Michel Blanchard Président de la commission nationale Urgence et veille sociales

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introduction

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I n t r o d u c t i o n

Les années quatre-vingt marquent un tournant important dans les politiques de lutte contre la pauvreté. Jusque-là, ce n’est qu’à la marge et surtout de façon indirecte que celle-ci est un objet de politique publique. Ni le courant libéral, ni le courant social n’est alors vraiment favorable à un traitement direct du phénomène. Pour les uns en effet, la pauvreté étant imputable à la personne, sa prise en charge ne peut être sociale sauf à risquer d’entraver le marché du travail. Pour les autres, les programmes de lutte contre la pauvreté ne peuvent que dévier de réformes qui, avant tout, doivent être structurelles. Depuis l’après-guerre jusqu’aux années quatre-vingt, le principal enjeu est donc de garantir aux travailleurs un revenu minimum, de les protéger contre les risques de l’existence et de réduire les inégalités sociales. Dans cette perspective, les politiques sociales sont alors surtout catégorielles. Les ressources mobilisées sont par ailleurs issues des cotisations sociales et non de l’impôt. Elles sont directement issues du système salarial.

La brutale montée du chômage oblige à l’époque d’engager de profondes révisions en matière de politiques sociales. L’exclusion tend à être considérée comme un phénomène multidimensionnel, résultant aussi bien de la tension du marché de l’emploi, que de la dégradation des conditions de travail, de la mutation de la famille, de l’augmentation de l’endettement des ménages, de la relégation urbaine, de la fragilisation de l’état de santé des individus, des difficultés d’accès aux logements, etc. Dans ces conditions, l’intervention purement catégorielle montre ses limites. L’accent est mis sur la personnalisation de l’action sociale. L’individu tend à être pris en charge, non point parce qu’il appartient à telle ou telle catégorie d’ayant droit, ou parce qu’il est encore inscrit dans la société salariale, mais parce qu’il est en difficulté et que ses moyens de subsistance le placent – quelle qu’en soit la raison – en dessous du minimum vital. La pauvreté fait ainsi l’objet d’un traitement frontal fondé sur la solidarité et non sur l’assurance. Cela signifie que l’aide qui est apportée n’est plus conçue comme la contrepartie automatique d’une cotisation, mais comme un secours social alimenté par l’impôt. Un tel secours est alors individuel et non plus catégoriel. Il est attribué en fonction de la situation matérielle de l’individu à un moment donné, indépendamment de l’effort contributif de celui-ci dans le passé. La "population cible" de cette politique est très large, puisqu’elle rassemble tous ceux qui se situent en deçà d’un seuil de pauvreté. Mais afin de ne pas basculer dans l’assistance, toutes les aides (revenus, aides sociales à l’hébergement, etc.) seront considérées comme des aides permettant d’accompagner les bénéficiaires vers l’insertion. Des intermédiaires aussi bien publics que privés chargés de cet accompagnement vont apparaître et se développer dans tous les domaines, aussi bien dans celui du logement (accompagnement social lié au logement), que dans l’emploi, la santé, etc. Ils seront d’autant plus nombreux que l’action sociale sera de plus en plus centrée sur la personne à insérer. Mais une question permanente - jamais résolue - va se poser : comment, dans un contexte de pénurie relative de moyens (l’impôt n’est pas infiniment extensible, les places d’accueil, les prise en charge vers l’insertion non plus), hiérarchiser les priorités (certains sont en effet peut-être plus nécessiteux que d’autres), sans pour autant laisser des pauvres dans le besoin ? On sait que le législateur a voulu conditionner l’aide à apporter par l’effort d’insertion de la personne. L’effet pervers de cette mesure, c’est évidemment d’écarter de la solidarité ceux qui sont peut-être les plus démunis (car contrairement à ce que certains peuvent penser, renoncer à l’effort d’insertion ne signifie pas forcément que l’on cherche à abuser du système d’assistance, loin de là). D’où, pour contrer cet effet pervers, une démultiplication de dispositifs qui vont chercher, chacun, à prendre en charge les laissés pour compte des dispositifs existants.

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introduction

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C’est dans ce contexte, que, dans les années quatre-vingt-dix, vont émerger les acteurs de l’urgence sociale dont la mission sera de porter assistance aux plus démunis des démunis. Plus que les autres encore, ces acteurs vont s’inscrire dans la logique de l’inconditionnalité. Mais, avec une assez faible légitimité, ils vont être pris par la difficile question des priorités et s’interroger en permanence sur "la définition des publics" qui relèvent de l’urgence sociale. Ils vont se demander constamment ce qu’est au juste la détresse sociale qu’ils se donnent pour mission d’apaiser. La clarification de cette notion est pour eux importante, car il s’agit de ne pas manquer certaines formes de détresse peu visible. Mais il s’agit tout autant de ne pas saturer les dispositifs par des prises en charge qui pourraient s’avérer inappropriées (et par conséquent écarter de l’aide ceux qui sont dans une plus grande détresse). D’où l’oscillation permanente entre une définition extensive de la détresse sociale (celle qui est subjective, exprimée par le sujet), et une définition restrictive (celle qui est objective, constatée par l’opérateur). Les publics concernés par ces deux définitions sont évidemment très différents. Très vastes dans le premier cas, très réduits dans le second.

Compte tenu de la démultiplication des dispositifs d’assistance, il n’y aura pas de définition commune de la détresse sociale à prendre en compte. Telle structure sera spécialisée dans l’accueil des femmes victimes de violence conjugale, quand telle autre sera ouverte à tout public. Difficile, dans cette situation atomistique, de savoir quels sont les publics de l’urgence sociale.

Mais il est alors tout aussi difficile de savoir quels sont les acteurs de l’urgence sociale. Car, généralement, les acteurs s’efforcent de s’écarter de la problématique purement assistancielle du secours ponctuel et immédiat. Ils cherchent aussi à réinsérer les personnes qu’ils prennent en charge. Soit en amorçant les mesures d’accompagnement, soit en essayant de passer le relais à d’autres structures existantes. D’autres cherchent aussi à s’inscrire dans une logique préventive, en intervenant dès que se profilent des situations de crise et de rupture. Ainsi, les acteurs de l’urgence peuvent être présents dans toutes les situations qui appellent des interventions ne peuvent être différées : non seulement, dans les situations les plus critiques, celles où l’individu est exposés à des risques graves, mais aussi dans les situations de vulnérabilité, et enfin dans les situations de sorties de crise qui en principe doivent déboucher sur l’insertion.

La lutte contre la grande pauvreté, telle qu’elle s’est construite depuis une vingtaine d’année, est donc confrontée, d’une part, au problème de l’indéfinition de la population cible, et, d’autre part, à celui de l’identification des acteurs concernés par ce programme. D’où le sentiment d’un certain désordre dont les "usagers" sont évidemment les premières victimes. Difficile en effet pour eux, dans une ville ou dans un département, d’identifier finalement quels sont exactement leurs droits en matière d’aide sociale. Certes, cette opacité ne se retournent pas toujours contre eux. Certains savent en effet exploiter l’organisation labyrinthique de l’urgence sociale pour tenter d’utiliser au mieux les différents réseaux de survie. Mais outre le fait qu’elles sont toujours précaires et épuisantes pour ceux qui en usent, ces "solutions" exigent des compétences qui ne sont pas également partagées. Ceux qui n’en sont point dotés sont irrémédiablement marginalisés…

Régulièrement, des mesures tentent d’organiser ce système de l’urgence sociale et d’introduire un peu de cohérence dans les logiques qui animent les différents intervenants. La loi contre les exclusions (1998) prévoit notamment dans tous les départements, une mise en réseau des acteurs de l’urgence sociale dans un système dit de Veille sociale. Cette loi pose les principes généraux d’une telle organisation. Des circulaires ultérieures tentent de les préciser. Mais on verra que, pour les raisons que nous venons de décrire, ces textes oscillent au fil des années entre plusieurs définitions du champ de l’urgence sociale. Or, il nous semble que le type de réseau que l’on cherche à construire au travers de la Veille sociale dépend largement de la conception que l’on peut avoir de ce champ.

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la Veille sociale dans les textes

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la Veille sociale dans les textes _____________________

Les grands principes généraux qui orientent la constitution des Veilles sociales dans les départements sont à la fois contenus dans l’alinéa III de l’article 157 de la loi, que dans l’ensemble de la loi elle-même.

Retenons d’abord que la loi d’orientation est relative à la lutte contre "les" exclusions. Ce pluriel est important car, d’emblée, il élargit considérablement la cible des populations visées. Il ne s’agit pas en effet de se focaliser sur "les plus exclus", ou bien sur une partie d’entre eux seulement. L’enjeu de la loi est bien la lutte contre l’exclusion sous toutes ses formes, ou, plus précisément, contre toutes les exclusions.

Le champ de cette lutte est lui aussi très large puisque celle-ci doit s’organiser autour de trois pôles étroitement articulés : le pôle de la connaissance (la loi crée d’ailleurs un observatoire, mais évoque aussi plusieurs dispositifs visant à mieux connaître les situations d’exclusion et les besoins des individus). Le pôle de la prévention et enfin le pôle de l’éradication de l’exclusion. La loi est encore plus ambitieuse puisqu’elle ne visent pas seulement les situations d’exclusion, mais aussi les situations pouvant "engendrer des exclusions".

Ainsi, l’article premier stipule que l’Etat et ses partenaires "poursuivent une politique destinée à connaître, à prévenir et à supprimer toutes les situations pouvant engendrer des exclusions".

Le champ d’application de la loi est donc extrêmement vaste. Les publics concernés par cette loi peuvent se trouver partout et connaître toutes les situations. Toutefois, la loi ne prévoit pas pour autant un traitement collectif ou catégoriel de la question des exclusions. Ce n’est pas parce que l’exclusion est un phénomène massif que sa suppression doit faire le deuil d’un mode d’action qui n’a cessé de s’affirmer depuis deux décennies, à savoir un mode d’action centré sur la personne. En effet, la loi appelle les opérateurs à des formes d’intervention qui relèvent de "l’appui individualisé" dans les parcours d’insertion, à des démarches centrées sur "l’accompagnement personnalisé et renforcé", à des actions visant à informer chacun de ses possibilités d’accès aux droits. Il s’agit en effet, "de prendre les dispositions nécessaires pour informer chacun de la nature et de l’étendue de ses droits et pour l’aider éventuellement par un accompagnement personnalisé, à accomplir les démarches administratives ou sociales nécessaires à leur mise en œuvre dans les délais les plus rapides".

On peut comprendre dans ce contexte, que la loi attache une grande importance à la coordination des acteurs engagés dans la lutte contre les exclusions. Puisque l’étendue du programme ne dispense pas d’un mode d’intervention personnalisé, sa cohérence ne peut résulter que d’une coordination soutenue des acteurs concernés. Cette insistance sur la coopération n’est d’ailleurs pas nouvelle. Tous les programmes initiés depuis le début des années quatre-vingt repose sur un appel au renforcement du partenariat. La loi contre les exclusions se situe bien dans cette perspective. Ainsi, des comités de liaison sont prévus pour mieux informer les demandeurs d’emploi. Dans chaque département, sont mises en place des commissions d’action sociale d’urgence chargées d’assurer la coordination des dispositifs susceptibles d’allouer des aides, notamment financières, aux personnes et aux familles rencontrant de graves difficultés". Il est aussi créé "un comité départemental de coordination des politiques de prévention et de lutte contre les exclusions". Le partenariat est par ailleurs consolidé par des conventions entre les collectivités territoriales et les organismes dont ils relèvent. Ces conventions "portent sur la recherche de cohérence de l’accompagnement personnalisé, par la mise en réseau des différents intervenants permettant une orientation de la personne vers l’organisme le plus à même de traiter sa demande".

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la Veille sociale dans les textes

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C’est donc dans ce cadre, que la loi du 29 juillet 1998 dresse les contours des réseaux de Veille sociale dans les départements. Toutefois, le texte de loi n’est pas très précis sur l’objet de la Veille sociale. Notamment, il ne précise pas quel est le public auquel s’adresse les acteurs de l’urgence sociale. Il reste aussi assez flou sur le type de réponses que ceux-ci doivent apporter. Par contre, il est plus explicite sur la nature de ces réponses.

Tel qu’il est formulé, l’article de loi laisse planer un doute sur le public concerné par l’urgence sociale. La loi ne parle pas des personnes sans abri ou de SDF, mais "de la personne ou de la famille en difficulté". Le dispositif de Veille sociale est en effet "chargé d’informer et d’orienter les personnes en difficulté", sans donner plus d’indication sur le genre de difficultés qui sont ciblées, ni sur les réponses qui doivent être proposée. De ce point de vue, le texte se situe bien dans la perspective de lutte contre "les" exclusions. Toutefois, on croit comprendre par la suite – mais ce n’est pas très clair – que les personnes concernées sont celles qui sont dans l’attente d'un hébergement ou d’un logement. Le dispositif doit en effet "tenir à jour l’état des différentes disponibilités d’accueil dans le département". Par ailleurs, les structures d’hébergement sont tenues "de déclarer périodiquement leurs places vacantes au responsable du dispositif". Autant d’indications qui laissent entendre que le public en difficulté est en fait celui des populations sans abri. D’ailleurs, il n’y a pas d’ambiguïté sur la nature de la réponse qui doit être accordée : c’est une réponse immédiate que réclament en général ceux qui se retrouvent à la rue.

En fait, les deux circulaires qui suivent la promulgation de la loi confirment que la Veille sociale rassemble bien les acteurs sensés accueillir les SDF. Ces deux circulaires qui paraissent juste avant la période hivernale concernent "l’accueil et l’hébergement d’urgence des personnes sans domicile fixe". L’accueil doit être inconditionnel et anonyme, avec comme outil privilégié, le 115. Mis en place depuis 1997, en remplacement du numéro vert "Accueil sans-abri", ce numéro à trois chiffre s’adresse initialement aux "sans-abri". Il est défini dans la circulaire du 30 mai 1997, comme "un premier maillon dans la chaîne qui va de l’accueil à la réinsertion sociale". Il est aussi un élément de "coordination de l’aide au sans-abri". (circulaire du 30 mai 1997).

La première circulaire, celle de novembre 1998, assimile la Veille sociale et le 115. Elle rappelle en effet le texte de loi concernant la Vielle sociale pour rajouter que "dans tous les départements fonctionne d’ores et déjà le service téléphonique "Accueil sans abri 115". En d’autres termes, dans ces départements, la Veille sociale existe déjà sous couvert du 115. La circulaire relève néanmoins l’insuffisance de coordination du dispositif dans de nombreux endroits. Dans ces départements, la Veille sociale est donc conçue comme un dispositif de renforcement d’une coordination encore balbutiante d’acteurs qui sont plus ou moins impliqués dans le 115. Ce n’est donc pas "la création d’un service nouveau qui (est) recherchée mais la mutualisation de l’ensemble des moyens existants".

La circulaire de l’année suivante est légèrement différente. Elle souligne le caractère humanitaire de l’accueil d’urgence qui "doit constituer le premier jalon d’un processus de réinsertion". Elle confirme aussi que la Veille sociale s’adresse bien aux acteurs travaillant en direction des sans-abri, et notamment à ceux qui gravitent autour du 115. Mais, ce qui la distingue de la circulaire précédente, c’est qu’elle rappelle que les services d’accueil et d’orientation doivent jouer aussi une place dans le dispositif de Veille sociale, même si elle indique que ces services "ne doivent pas pour autant devenir le point d’entrée exclusif dans le dispositif". Simplement, le SAO doit pouvoir informer et orienter en temps réel. Il dispose pour cela du 115.

La circulaire du 17 octobre 2000, marque un infléchissement important car elle élargit considérablement le champ d’action de la Veille sociale. La circulaire reprend à peu de chose près le texte précédent concernant le SAO et son articulation au 115. Mais le renforcement de la coordination ne concerne plus seulement les seuls acteurs de l’urgence sociale. Elle s’étend aussi aux acteurs de l’insertion. Ainsi, à un premier niveau, la "coordination rassemble l’ensemble des intervenants dans un souci d’opérationnalité

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la Veille sociale dans les textes

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immédiate et d’adaptation au jour le jour du dispositif". Mais, cela nous paraît essentiel, la circulaire rajoute qu’au-delà, la coordination "vise des objectifs plus larges de mutualisation et d’articulation des moyens allant de l’accueil à l’insertion". Cette fois-ci, l’outil privilégié de la coordination n’est plus le 115, mais l’élaboration du "schéma départemental de l’accueil de l’hébergement et de l’insertion". Cet infléchissement est d’ailleurs souligné par la Fnars dans son commentaire annuel de la circulaire hivernale.

Bien que beaucoup plus brève que les précédentes, la circulaire de la ministre, Elizabeth Guigou, du 30 novembre 2001, revient de façon très explicite sur cette articulation entre les acteurs de l’urgence sociale et ceux de l’insertion, dans le cadre de la Veille sociale. La circulaire stipule en effet, que "l’obligation nouvelle de "Veille sociale", implique une mise en cohérence (…) de l’ensemble des moyens allant de l’accueil à l’insertion. Il s’agit d’anticiper les évolutions nécessaires dans le cadre d’une démarche de programmation".

On doit noter par ailleurs que, de façon très indirecte et dans un domaine très particulier qui est celui des demandeurs d’asile et plus largement des étrangers, la circulaire Guigou enlève de fait au dispositif de Veille sociale l’une de ses attributions initiales qui était de vérifier l’adéquation entre les besoins des publics et les capacités d’accueil. La circulaire constate en effet que le dispositif d’accueil est soumis à une forte pression, surtout dans les grandes villes et les régions frontalières. Elle dégage des crédits supplémentaires pour une "ventilation volontariste" des capacités nouvelles d’accueils, "de telle sorte que tous les départements de chaque région participent équitablement au désengorgement des villes centres, trop fréquemment sollicitées pour héberger les populations en difficulté". C’est au niveau régional cette fois-ci, qu’est mis en place un groupe de pilotage "pour adapter les capacités d’accueil aux besoins nouveaux dans le sens d’une plus grande coopération locale". Les travaux de ces instances doivent être suivis par la DGAS et la direction des populations et des migrations. Aucune indication n’est donnée sur l’articulation de ce comité de pilotage et les Veilles sociales départementales, qui pourtant, ont, entre autres, pour objectif d’évaluer le degré de correspondance entre les capacités d’accueil et les besoins….

Alors que depuis la loi sur les exclusions les circulaires n’ont eu de cesse d’élargir le champ d’action de la Veille sociale en proposant une articulation des acteurs de l’urgence et ceux de l’insertion pour répondre aux besoins des personnes en difficulté, la circulaire de Dominique Versini, du 13 septembre, opère un certain recentrage sur les objectifs initiaux, tels qu’ils étaient suggérés dans la loi de 1998 : Les publics ciblés par les acteurs de l’urgence sociale sont les personnes à la rue. La Veille sociale est de nouveau fermement arrimée au 115.

Rappelant que la lutte contre la précarité et l’exclusion est une priorité du nouveau gouvernement, Dominique Versini constate que malgré les moyens croissants engagés, "notre société laisse encore à l’écart, dans la rue, dans l’errance ou dans la grande solitude un trop grand nombre de membres". L’urgence sociale devient donc une mission d’intérêt général et d’utilité sociale. Elle a pour objectif "de ne laisser personne sans abri". Si la circulaire rappelle le principe de l’inconditionnalité, sous les termes de "l’obligation d’accueil", elle introduit en même temps la notion de priorité qui est, notons le, contradictoire avec l’obligation d’accueil. En effet, "les réponses proposées par le dispositif se fondent sur une obligation d’accueil qui doit tenir compte, en priorité, de la situation des personnes les plus vulnérables" (souligné dans la circulaire). Le texte appelle aussi au renforcement de la maraude en direction des personnes les plus désocialisées qui occupent l’espace public. Enfin, l’action sanitaire doit être très présente dans les interventions car, selon la circulaire, les populations les plus désocialisées sont très souvent affectées de troubles psychiques. D’où l’importance des relations que les urgentistes doivent tisser avec le secteur psychiatrique. En d’autres termes, le public ciblé est principalement constitué des personnes les plus désaffiliées et en grande détresse dans le but de les mettre à l’abri. Dans un autre texte en préparation, un groupe de travail sur l’urgence sociale (rapport du groupe de travail sur l’urgence sociale - projet - Le secrétariat d’Etat à la Lutte contre la précarité et les exclusions, 22 octobre 2002) considère aussi qu’il faut redéfinir "le concept de l’urgence

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la Veille sociale dans les textes

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sociale, de ses missions, de son périmètre, de ses modalités de fonctionnement, (…) sauf à devoir accepter que le dispositif est chargé de répondre à toutes demandes… Ainsi, par analogie à l’urgence sanitaire, qui doit répondre en quelques minutes à quelques heures, l’urgence sociale doit rechercher la mise à l’abri pour des durées de quelques heures à quelques jours". L’urgence sociale est donc bien focalisée sur ceux dont la vie est en danger dans la rue. C’est pourquoi d’ailleurs les interventions doivent être non seulement sociales mais aussi sanitaires. Ainsi le travail propose une articulation du 115 et du 15.

Enfin, la dernière circulaire, celle du 7 octobre 2003, est beaucoup plus étoffée que les précédentes. Depuis sont arrivée au gouvernement, la secrétaire d’Etat a engagé une mise à plat du dispositifs d’urgence sociale. Les mesures qu’elle propose ont pour objectif de consolider le système existant, et de pallier certaines insuffisances, au premier rang desquels "la mise en cohérence du dispositif d’urgence et d’insertion sociale".

Paradoxalement, la circulaire insiste sur la performativité, l’étayage et la mise en cohérence des dispositifs spécialisés. Mais, d’un autre côté, elle reste très laconique sur la notion de Veille sociale qui n’occupe que quelques lignes dans la circulaire.

Prenant acte de l’hétérogénéité grandissante des publics (augmentation du nombre de jeunes, de femmes victimes de violence et de familles sans enfants, de demandeurs d’asile), Dominique Versini entend moderniser les services en mettant en place un "paramétrage" et une labellisation des différents niveaux du dispositif d’urgence sociale. Ainsi, à chaque sous-public, doit en principe correspondre des "offres de services" bien définies. On peut comprendre l’enjeu de la mise en cohérence des services, dans ce contexte de segmentation labellisée des prestations. Effectivement, la circulaire insiste sur la coordination et le pilotage qui sont "les conditions d’une action efficace sur le terrain". Mais, ce comité de pilotage départemental qui doit être mis en place en l’espace de deux mois ne porte pas le nom de Veille sociale. Cette appellation est plutôt réservée, semble-t-il, au 115, qui constitue le "cœur" d’une veille sociale très opérationnelle et très centrée sur la mise à l’abri.

Certes, le thème de l’insertion est pratiquement toujours adossé à celui de l’urgence. Ainsi parle-t-on des acteurs ou du dispositif "d’urgence et d’insertion". Mais, sur le fond, l’ensemble du texte fait surtout référence au secteur de l’urgence stricto-sensu.

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l'épreuve de la réalité

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l’épreuve de la réalité _____________________

Reste à savoir maintenant comme cette dernière circulaire va s’actualiser sur le terrain. Car l’oscillation que nous avons pu relever dans les différents textes depuis 1998 ne résulte pas d’un déficit conceptuel ou d’une mauvaise analyse de la situation. Elle enregistre en fait une certaine tension entre, d’une part, une réalité sociale et, d’autre part, une pratique d’accueil qui ne peut faire l’économie de la hiérarchisation des objectifs.

On peut effectivement décréter que les SDF symbolisent l’exclusion sociale, et que ce sont eux qui doivent être au centre des politiques de lutte contre les exclusions. Toutefois, dès que l’on cherche à cerner qui est "le public sans domicile fixe", on ne peut que constater que la mission devient totalement impossible, et qu’il n’y a aucune frontière étanche entre ceux qui sont SDF à proprement parler et ceux qui ne le seraient que par abus de langage. Sont-ils "à l’abri" ceux qui font quotidiennement la manche le jour et partagent un squat la nuit ou bien sont locataires à plusieurs d’un taudis. ? Sont-ils "à l’abri" ceux qui sont hébergés par des amis, qui dorment à même le sol et sont peut-être contraints de passer toute la journée dehors ? Sont-ils "à l’abri" ceux qu’on appelle les "surnuméraires" dans les foyers qui accueillent des populations migrantes et qui dorment où ils peuvent dans des chambres surpeuplées, dans les couloirs ou dans les cuisines ? Sont-elles "à l’abri" ces femmes qui sont exposées à des violences conjugales, qui sont parfois cloîtrées chez elles, sans même pouvoir exposer leur malheur sur la place publique (Cf, Pierre-A. Vidal-Naquet, L’errance au féminin, Puca, 2003) ? Sont-elles "à l’abri" ces jeunes filles maghrébines qui cherchent à échapper à un mariage forcé ? Sont-elles "à l’abri" ces familles très pauvres qui vivent en HLM, et que l’on retrouve aux Restaurants du cœur dès que ceux-ci ouvrent leur porte ?

Toutes les recherches le confirment. "Les personnes qui se trouvent sans domicile à un moment donné de leur vie ne constituent pas une population à part. (…) Les sans-domicile sont des propriétés sociales très proches de celle des ménages pauvres mais disposant d’un logement, dont ils ne se distinguent guère que par leur situation immédiate. De plus un continuum existe entre cette situation immédiate et celle des personnes logées" (Maryse Marpsat, Un avantage sous contrainte. Le risque moindre pour les femmes de se trouver sans abri, in Population n° 6, 1999).

D’ailleurs, le 115, service initialement destiné aux sans-abri, révèle l’existence de ce continuum de difficultés auxquelles sont confrontées les populations qui appellent. Contrairement à ce que l’on pouvait attendre, ce ne sont pas les SDF "stricto sensu" - traduisons : des individus qui s’apprêtent à coucher dehors – qui utilisent le service, mais toutes sortes de personnes en difficulté. Dans son étude sur l’urgence sociale (Daniel Rose, L’urgence sociale, nouveau paradigme de l’action sociale ? Légitimation et occultation du traitement de la question sociale. Mémoire de DSTS, Tours, 2003), Daniel Rose montre que ceux qui se tournent vers le 115 relèvent rarement d’une "trajectoire lourde". Plus de la moitié des appels provient de personnes qui ont un domicile, et un tiers d’entre eux concerne des séparations de couples.

Certes on peut inciter les écoutants à opérer des choix et à prendre surtout en compte "les plus désocialisés". Mais que répondre alors à ceux qui sont en situation de détresse sans pour autant être "désocialisés". Dans son étude, Daniel Rose montre que les écoutants ont tendance à répondre à toutes les demandes, car en général, celles-ci sont légitimes du point de vue de la détresse qui est exprimée par la personne. Comment imaginer que le 115 puisse se mettre à refuser 50 % des appels parce que ceux-ci ne proviennent pas des sans abri ?

Cette réalité sociale est incontournable. Comme le stipule la loi de 1998, l’exclusion est bien polymorphe, d’où l’usage du pluriel. Ce qui remonte du 115, c’est bien l’existence de publics en difficulté, et non pas uniquement d’un public sans abri.

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l'épreuve de la réalité

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La veille sociale : face à l'urgenceco-édité par la Fnars et ESF Editeur

auteur : Claire Beauville180 pages, 21,19 euros

A la fois réflexif et documentaire, cet ouvrage dresse un véritable "état deslieux" de la veille sociale aujourd'hui en France à partir d'évaluations et detémoignages des acteurs de terrain, d'études qualitatives et quantitatives, detextes juridiques et de constats de pratiques. Il permet de mieux évaluer lesenjeux actuels de la veille sociale, outil privilégié d'une politique volontaristed'éradication de la grande exclusion.

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Cela dit, la hiérarchisation des urgences est tout aussi incontournable. Faute de définition des priorités les dispositifs d’urgence peuvent alors avoir tendance à répondre, non point à ceux qui en ont le plus besoin, mais aux plus habiles, à ceux qui savent le mieux utiliser les réseaux de survie. Le principe de l’inconditionnalité, plusieurs fois réaffirmé dans les circulaires, peut ainsi avoir pour effet pervers… l’exclusion de fait des plus désocialisés.

La saturation des dispositifs est un autre effet pervers de l’inconditionnalité et de la non-priorisation des objectifs. En effet, les structures d’urgence doivent se soumettre au principe de fluidité, faute de quoi elles risquent de se transformer en quasi-pension de famille. Elles ont alors tendance à sélectionner de fait les personnes les moins susceptibles de s’installer durablement dans l’urgence. Les demandeurs d’asiles, d’une part, les personnes en souffrance psychique, d’autre part, sont ainsi accueillis avec une grande prudence (citons par exemple telle structure d’une capacité de 21 lits dont le responsable affirme que le "seuil de tolérance" concernant la présence des demandeurs d’asile est de 8/21. Avec 5 demandeurs d’asile territorial et 4 demandeurs d’asile conventionnel, le responsable estime que le seuil de tolérance est dépassé). Nombre de responsables ne manquent pas d’ailleurs d’évoquer "l’embolisation des dispositifs par les demandeurs d’asile qui prennent la place de "nos" publics". Ainsi malgré l’affichage du principe d’inconditionnalité, une sélection "rampante" est à l’œuvre dans les structures d’urgence. Notons d’ailleurs, que cette sélection ne procède pas uniquement de la défense du principe de fluidité. Dans les centres d’hébergement, les responsables ne gèrent pas seulement un stock de places d’accueil. Ils ont aussi à prendre en compte des rapports sociaux, des rapports de cohabitation. Or la gestion de tels rapports oblige parfois de passer par une certaine sélection des publics. Certains chercheront par exemple à préserver un certain "équilibre ethnique", d’autres un certain "équilibre social" afin d’éviter les conflits, ou bien même d’éviter l’exclusion de ceux qui n’acceptent pas certaines cohabitations. Mais, ce qui est général, c’est que cette "sélection" de fait s’effectue "à bas bruit". Elle ne fait pas l’objet d’une quelconque énonciation.

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quelle veille sociale ? On l’aura compris : l’organisation d’un réseau départemental des acteurs de l’urgence sociale ne va pas de soi. Elle dépend bien évidemment de l’objectif commun qui est poursuivi par les membres de ce réseau. Cet objectif commun circonscrit par ailleurs les acteurs susceptibles d’être impliqués dans un tel réseau.

Selon les circulaires qui se sont succédées depuis 1998, la Veille sociale peut être envisagée soit comme un réseau très large soit au contraire comme un réseau relativement restreint d’acteurs. Dans le premier cas, la Veille sociale rassemble non seulement tous les acteurs qui assurent l’accueil d’urgence, mais aussi ceux qui se situent hors de l’urgence et qui travaillent dans le secteur de l’insertion. Dans le second cas, la Veille sociale peut être considérée comme un outil de rationalisation et de coordination des acteurs directement impliqués dans le 115. Or le type d’organisation de ces réseaux ainsi que leur finalité ne sont pas les mêmes dans chacun de ces cas de figures.

Sans entrer dans trop de détails, on peut distinguer deux grands types de réseaux dont les fonctionnements sont sensiblement différents : les réseaux fermés d’un côté, et les réseaux ouverts de l’autre.

Les réseaux arborescents

Les réseaux fermés ou arborescents sont des réseaux qui sont centralisés et hiérarchisés. La finalité de ces réseaux est homogène, c’est-à-dire que l’ensemble des acteurs partage le même objectif. Dans ces conditions, il existe une grande cohérence et une grande complémentarité entre les diverses informations qui circulent dans de tels réseaux. Cela ne signifie pas que chaque acteur a forcément connaissance de l’ensemble des informations qui passent dans le réseau. Cela signifie simplement que les informations peuvent se cumuler en sorte que le centre du réseau puisse avoir une vision générale de la situation, tandis que les composants n’en ont qu’une vision partielle. Dans ces structures, le sens de la circulation des informations est vertical. Le centre reçoit et capitalise les informations qui sont envoyées par la base. Le centre peut aussi transmettre des messages aux échelons inférieurs.

C’est ce type de réseau qui est mobilisé dans le cadre des 115 et que les Veilles sociales qui ne rassemblent que les acteurs de l’urgence peuvent consolider. En effet, pour fonctionner efficacement, le 115 doit pouvoir connaître, en temps réel, le nombre de places d’accueil disponibles sur un département. Dans ces conditions le 115 centralise au jour le jour les informations qui lui sont transmises par les acteurs de l’urgence concernant les places disponibles dans les structures dont ils ont la charge. C’est grâce à de telles informations, que l’opérateur central peut orienter les personnes en difficulté vers les structures concernées. Lorsqu’elle est étroitement adossée au 115, la Veille sociale peut améliorer le fonctionnement d’un tel système. D’abord, en travaillant sur l’homogénéité des informations qui sont transmises. Il est en effet important que l’opérateur central puisse savoir avec précision ce que signifie "une place disponible". L’environnement de la "place", (le type d’accueil, les services associés, les publics reçus, etc.) qualifie et spécifie socialement cette place. (Ce qui se traduit concrètement pas le fait que les usagers acceptent ou n’acceptent pas les orientations qui leur sont proposées). Ensuite en tant qu’animatrice du réseau d’urgence, la Veille sociale peut repérer les éventuels dysfonctionnements aussi bien internes qu’externes au réseau, et proposer les corrections nécessaires. Enfin, grâce aux informations qui lui sont transmises au jour le jour, la Veille sociale peut connaître à la fois l’offre et la demande d’urgence sur un département, faire apparaître les éventuels déficits de places d’accueil et en informer l’administration centrale.

Telle qu’elle est organisée dans tel département urbain du sud de la France, la Veille sociale semble s’inspirer assez fortement d’un tel type de réseau. La Veille sociale est pilotée par la Ddass qui rassemble tous les mois les acteurs de l’urgence sociale. Lors de ces réunions,

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les acteurs font l’inventaire de l’offre d’accueil sur le département ; ils donnent un aperçu des publics qui sollicitent le dispositif d’urgence (information remontante). La Ddass fait le point sur l’évolution de la législation et sur les projets en cours, sur l’évolution du schéma de l’accueil, de l’hébergement et de l’insertion (information descendante). Les activités des différents dispositifs sont aussi examinées, ce qui donne l’occasion à la Veille sociale de repérer les éventuels dysfonctionnements existants. A partir de là, l’état de la situation et les avis des acteurs présents sur les projets réglementaires ou sur les projets de circulaires, sont transmis à l’administration centrale (information remontante). Par ailleurs, la Ddass oriente les projets au travers d’une commande publique qui est adressée aux acteurs de l’urgence (information descendante puis remontante).

La Veille sociale joue ici à la fois une fonction de mobilisation des acteurs de l’urgence sociale ainsi qu’une fonction observatoire puisque le paysage de l’urgence sociale est actualisé chaque mois. S’il rend visible la politique départementale de l’urgence sociale, un tel système pyramidal présente cependant certaines rigidités qui altèrent un peu son fonctionnement. En effet, la vision de l’existant dépend très étroitement de la collaboration de l’ensemble des acteurs de l’urgence œuvrant sur le terrain. Leur éventuelle défection fragilise considérablement le dispositif puisqu’elle a pour conséquence d’altérer la fiabilité des informations qui transitent dans le réseau. Or, les désistements ne sont pas rares. La Ddass constate en effet "le désengagement de certains partenaires institutionnels lors de divergences d’analyse sur les constats et les solutions à apporter". De même, elle reconnaît la difficulté "à maintenir la mobilisation des acteurs lorsque les moyens sollicités pour répondre à des besoins considérés comme prioritaires ne sont pas obtenus ou reconduits" (A Paris la Veille sociale et un peu confrontée au même problème. En effet, le 115 est réservataire d’une partie seulement des hébergements d’urgence. La majeure partie des places sont accessibles directement par les structures. Du coup, il n’y a pas une visibilité permanente des places disponible sur la ville de Paris. Tout l’enjeu de la Veille sociale est de rassembler à la fois les informations du 115 et celles des structures d’hébergement. Mais, en temps réel, le rassemblement de toutes ces informations ne va pas de soi). Les réseaux arborescents et centralisés peuvent être très efficaces. Ils demeurent cependant très fragiles, la neutralisation de quelques intermédiaires suffisant à paralyser l’ensemble système.

Les réseaux ouverts

Les réseaux ouverts fonctionnent très différemment. Ils n’ont pas la même utilité. En effet, ce sont des réseaux a-centrés, non hiérarchisés. Ils sont maillés à partir d’échanges réciproques entre plusieurs partenaires. Par définition, les frontières de ces réseaux ne sont pas tracées. Elles varient même avec le temps. Ces réseaux sont par ailleurs pluri-fonctionnels, les acteurs en présence ne poursuivant pas tous forcément le même objectif. Le sens de l’information est ici horizontal puisque les réseaux ouverts ne sont pas hiérarchisés. Par définition les réseaux ouverts ne sont pas rigides : ils peuvent s’élargir sans cesse à de nouveaux acteurs ; en même temps le retrait d’un ou plusieurs acteurs n’a pas nécessairement une forte incidence sur le fonctionnement du réseau. Aucun d’entre eux n’étant le passage obligé de l’information, leur désistement n’interrompt pas pour autant les échanges.

Dans le secteur de l’urgence, de tels réseaux ne permettent pas de faire le comptage régulier des places d’accueil sur un département. Ils n’ont pas de pertinence dans le cadre de l’organisation des 115. Ils ne jouent pas la fonction d’observatoire comme les réseaux arborescents. En revanche, ce sont des réseaux qui permettent le rassemblement d’acteurs à l’intérieur d’une même filière ou bien entre plusieurs filières. Moins opérationnels que réflexifs, ces réseaux peuvent associer les acteurs de l’urgence à d’autres acteurs qui relèvent d’une autre dynamique, notamment celle de l’insertion. Il s’agit alors de tisser des liens soit pour résoudre des problèmes au cas par cas, soit pour prendre des positions communes, pour échanger sur des pratiques, éventuellement pour mettre en commun

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certaines ressources ou certaines observations, enfin pour mutualiser certaines analyses de la réalité.

De tels réseaux sont très courants et relativement peu institutionnalisés. Ils peuvent se former spontanément et cesser d’exister dès lors qu’ils deviennent obsolètes. Ainsi, des centres maternels peuvent décider de se réunir périodiquement dans une grande ville pour examiner, au cas par cas, le sort qui est réservé aux familles qui sont rejetées de toutes les structures et pour chercher des solutions d’hébergement. Dans cette perspective, le réseau est très opérationnel, mais il n’a pas comme prétention de monter en généralité (avoir par exemple un aperçu global du sans-abrisme féminin sur une ville ou un département), même si les rencontres régulières permettent aux partenaires de s’extraire des cas particuliers.

D’autres réseaux peuvent aussi se former dans une perspective qui est moins directement opérationnelle. Il s’agira alors de lier des opérateurs qui n’ont pas les mêmes pratiques dans un but d’identifier quels sont les processus d’exclusion (ou d’insertion) à l’œuvre dans un territoire donné. La mise à plat des modes de fonctionnement précis des différents partenaires permettant d’identifier les différences de conceptions ; les éventuels points de blocage, les incohérences, mais aussi de faciliter les rapprochements des points de vue et de pratiques. Par les échanges qu’ils provoquent, ces réseaux, plus ou moins formels, élargissent les modalités d’appréhension de la réalité sociale, et favorisent la contextualisation des situations. Ces réseaux peuvent réunir les acteurs de l’urgence sociale seulement. Mais ils gagnent à s’élargir à d’autres types d’acteurs sociaux. (Par exemple, mission locale, entreprises d’insertion, police, justice, Cotorep, secteur psychiatrique, sécurité sociale, etc.)

La veille sociale : un instrument de "gouvernance" Nous avons noté que les circulaires successives renvoyaient à des conceptions assez différentes de la Veille sociale. Tantôt à une conception plutôt restrictive (Veille sociale outil de rationalisation du 115), tantôt à une conception plus large (Veille sociale réunissant les acteurs de l’urgence et de l’insertion). Autrement dit les circulaires successives se réfèrent soit à des réseaux arborescents soit à des réseaux ouverts.

S’il en est ainsi, c’est que dans un territoire donné, les objectifs poursuivis par ces deux types de réseaux paraissent également légitimes. Il est en effet important de pouvoir répondre en temps réel aux demandes d’hébergement des personnes sans-abri, et par conséquent de pouvoir disposer des informations fiables afin que ces personnes puissent être orientées convenablement. Mais il est tout aussi important de dépasser le simple enregistrement des demandes d’urgence, pour s’interroger – dans une ville ou un département – à la fois sur les situations de pauvreté (dont on a vu qu’elles ne se réduisaient pas au sans-abrisme), sur les dysfonctionnements institutionnels (pas seulement ceux des acteurs de l’urgence), sur les différents processus d’exclusion, etc. Dans cette perspective, les réseaux ouverts ont donc aussi leur utilité.

Aussi, sur un département, peut-on définir la Veille sociale non point comme un réseau (ouvert ou bien fermé), mais comme un instrument de "gouvernance" incluant et articulant plusieurs types de réseaux. La Veille sociale aurait alors pour mission, non seulement la rationalisation et la coordination des acteurs de l’urgence sociale, mais aussi l’animation de réseaux plus ouverts, portant sur des thématiques diverses et variées, et enfin la définition et la négociation (entre acteurs publics et privés) des politiques locales de lutte contre la grande pauvreté.

Un tel système n’est pas une vue de l’esprit. Même si la notion de "gouvernance" n’est pas reprise, la Veille sociale "arborescente", dont nous avons parlé précédemment, fonctionne aussi comme instrument de gouvernance. En effet, cette Veille sociale ne se borne pas à repérer les places d’accueil vacantes. Des groupes de travail sont aussi constitués qui sont chargés de la mise en œuvre d’actions du schéma de l’accueil, de l’hébergement et de l’insertion.

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On peut très bien imaginer que des Veilles sociales puissent aussi animer, sous la forme de "sous-réseaux" des groupes de réflexions et d’actions thématiques. Citons par exemple, tel sous-réseau rassemblant les CHRS et les hôpitaux psychiatriques, mettant en place des procédures facilitant la circulation des usagers entre ces deux types de structures.

Bien évidemment, l’organisation d’un système de Veille sociale doit tenir compte des impératifs liés aux différentes sortes de réseau. Le territoire du réseau fermé est l’ensemble du département, avec des possibilités de sous-réseaux couvrant telle partie de territoire (une ville ou un arrondissement), les relations entre les sous-réseaux et la tête de réseau étant définies avec précision. (Faute de quoi l’information perdrait sa validité). Les territoires des réseaux ouverts peuvent être très variables (départemental, infra-départemental ou inter-départemental). Mais surtout les relations entre réseaux ne font pas obligatoirement l’objet d’un protocole particulier, puisqu’elles n’ont pas - sauf exception - de portée directement opératoire.

Dans une Veille sociale, le pilotage des réseaux peut aussi varier selon qu’il s’agit des réseaux arborescents ou bien des réseaux ouverts. Dans le premier cas, il semble que la Ddass soit la mieux à même d’assurer la fonction de pilotage. Dans le second cas, le pilotage des réseaux ouverts peut être assuré par d’autres structures, la Ddass n’ayant alors qu’un rôle de soutien.

On l’aura compris, l’implication des acteurs dans le système de Veille sociale est de nature différente selon les réseaux auxquels ils appartiennent. L’implication doit être forte et continue dans les réseaux fermés, les acteurs n’y étant associés qu’en fonction des informations qu’ils peuvent y apporter. Dans les réseaux ouverts, l’implication peut-être beaucoup plus faible, et surtout discontinue, les acteurs n’y étant associés qu’en fonction de leurs centres d’intérêts.

La nature des relations est aussi différente selon les réseaux. Dans les réseaux fermés, elles sont de nature conventionnelle. En effet, les informations transmises par les acteurs doivent pouvoir être le plus fiable possible. En revanche, c’est plutôt sur le registre de la "charte" que les relations inter-acteurs se structurent dans les réseaux ouverts. La "charte" n’a pas le même effet contraignant que la convention.

Enfin, l’articulation de plusieurs réseaux à l’intérieur du système, conduit à une production diversifiée de la Veille sociale. D’un côté une production continue en matière d’observatoire de l’accueil (réseau fermé), de l’autre une production plus analytique (et plus espacée dans le temps) concernant tel ou tel thème retenu dans le cadre de la Veille sociale (réseau ouvert). De la sorte, les Veilles sociales sont aussi des lieux où s’élaborent et se négocient localement les politiques de lutte contre la grande pauvreté.

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conclusion

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Conclusion ______________________________

La Veille sociale est très certainement un outil de coordination des acteurs de l’urgence sociale à l’échelon départemental. Mais elle n’est pas que cela. Tout simplement parce qu’elle est sans cesse "débordée" par la réalité sociale dont l’hétérogénéité n’échappe à personne. Le public de la Veille sociale n’est pas uniquement le public – déjà mal défini – des sans-abri. Le 115, les centres d’hébergements, les lieux d’accueils, les restaurants sociaux, etc., accueillent aussi tous ceux qui, à un moment donné de leur histoire, rencontrent de graves difficultés, quelle qu’en soit l’origine et la nature. Or c’est de l’ensemble de ces difficultés que les acteurs de l’urgence - rassemblés dans la Veille sociale - ont pour mission de rendre compte et de traiter. Faute de quoi, la Veille sociale, pourtant espace privilégié d’observation et de traitement de la pauvreté à un niveau local, risquerait de manquer une grande partie de cette pauvreté, et de se focaliser uniquement sur sa partie la plus visible, celle qui s’exprime sur l’espace public. C’est pour pouvoir enregistrer et prendre en charge les différentes formes de pauvreté que les Veilles sociales doivent être des organisations complexes, comportant à la fois un noyau dur (les réseaux fermés), et des structures flexibles (les réseaux ouverts).

Sigles

115 : Numéro d'urgence "Accuei l sans-abri" CAO : Centre d'accuei l et d'orientat ion CHRS : Centre hébergement et de réinsert ion sociale Cotorep : Commission technique d'or ientation et de reclassement professionnel Ddass : Direction départementale des affaires sanitaires et sociales DGAS : Direction générale de l 'act ion sociale SAO : Service d'accueil et d'orientation

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U n r é s e a u n a t i o n a l : 750 associations ou organismes, 2 200 centres et services dont 700 ont l’habilitation Aide sociale CHRS, 12 000 salariés socio-éducatifs ou non, des milliers d'administrateurs et bénévoles, 600 000 personnes en difficulté accueillies par an : 45 000 places d'hébergement et de logement temporaire, 12 000 postes de travail en insertion.

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