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La vie et les travaux d’André Louis Cholesky Claude Brezinski Université des Sciences et Technologies de Lille France Vie Travaux scientifiques La méthode de Cholesky Le manuscrit Analyse Contexte historique 1

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La vie et les travaux d’André LouisCholesky

Claude Brezinski

Université des Sciences et Technologies de LilleFrance

➜ Vie➜ Travaux scientifiques➜ La méthode de Cholesky

➀ Le manuscrit➁ Analyse➂ Contexte historique

1

Soit A une matrice symétrique définie positive.

On peut la décomposer en un produit A = LLT où la matriceL est triangulaire inférieur à éléments diagonaux positifs.

Alors, le système Ax = b s’écrit LLTx = b.

Posons y = LTx. Le système devient Ly = b.

En résolvant ce système triangulaire inférieur on obtient levecteur y.

On trouve ensuite x comme solution du système triangulairesupérieur LTx = y.

C’est la méthode de Cholesky.

2

LA FIN DE L’HISTOIRE

Cholesky fut tué en 1918.

Sa méthode ne fut publiée qu’en 1924 par l’un de sescollègues du Service Géographique de l’Armée, leCommandant Benoît.

En 1995, les archives de Cholesky furent ouvertes au public etje publiais alors sa biographie complète.

Il y a un an et demi, je fut contacté (grâce à l’intermédiaired’Yves Dumont) par le petit-fils de Cholesky. Il venait dedonner à l’École Polytechnique, où Cholesky avait été élève,tous les papiers en sa possession et me demandait de l’aiderà les classer.

C’EST LORS DE CE TRAVAIL QUE ...

LA FIN DE L’HISTOIRE 3

... nous trouvâmes le manuscrit original où Cholesky

décrivait sa méthode.

LA FIN DE L’HISTOIRE 4

LA VIE DE CHOLESKY

André Louis Cholesky naquît le 15 octobre 1875 àMontguyon, 35km environ au nord-est de Bordeaux.

Il était de fils d’André Cholesky, maître d’hôtel, et de MarieGarnier.

LA VIE DE CHOLESKY 5

LA VIE DE CHOLESKY 6

Figure 1: Certificat de naissance de Cholesky

LA VIE DE CHOLESKY 6-1

Il alla au lycée à Saint-Jean-D’Angély.

Il obtînt son baccalauréat à Bordeaux en 1893 avec lamention assez bien.

Le 15 octobre 1895, il entre à l’École Polytechnique, 87èmesur 223.

Ses professeurs furent Camille Jordan et Georges Humbertpour l’analyse, Émile Haag pour la géométrie, OctaveCallandreau pour l’astronomie et la géodésie et HenriBecquerel pour la physique.

Il sort de l’École en 1897, 38ème sur 222 et est admis à l’Écoled’Application de l’Artillerie et du Génie de Fontainebleau,4ème sur 92. Il en sort en 1899, 5ème sur 86.

LA VIE DE CHOLESKY 7

LA VIE DE CHOLESKY 8

Le 1er octobre 1899, il est nommé Lieutenant au 22èmeRégiment d’Artillerie.

De janvier à juin 1902, puis de novembre 1902 à mai 1903, ilest envoyé en Tunisie puis en Algérie jusqu’à juin 1904.

En juin 1905, il est affecté au Service Géographique de l’ÉtatMajor de l’Armée.

Il s’y fait remarquer par une vive intelligence, une grandefacilité pour les travaux mathématiques, des idées originaleset même paradoxales, mais toujours empreintes d’unegrande élévation de sentiments et qu’il soutenait avecbeaucoup de chaleur.

LA VIE DE CHOLESKY 9

À cette époque, une révision cadastrale de la France venaitd’être décidée et la révision de la méridienne de Lyon avaitété entreprise.

Cholesky prit part à ces travaux dans la vallée du Rhône, leDauphiné, l’Isère et les Cévennes.

Le Capitaine Benoît participait également à ces campagneset c’est alors que les deux hommes durent faireconnaissance.

LA VIE DE CHOLESKY 10

Figure 2: Page d’un carnet de Cholesky sur la triangulation dela méridienne de Lyon

LA VIE DE CHOLESKY 11

Figure 3: Autre page d’un carnet de Cholesky

LA VIE DE CHOLESKY 12

Le 10 mai 1907, il épouse sa cousine Anne Henriette Brunet,née le 27 juin 1882. Ils auront 4 enfants.

Puis Cholesky fut envoyé en Crète, alors occupée par lestroupes internationales. Il y resta de novembre 1907 à juin1908. Il est chargé de cartographier les zones britanniques etfrançaises de l’île.

Le 25 mars 1909, il est promu Capitaine.

À partir du 28 août 1909, il dut effectuer son temps légal de 2ans comme commandant de batterie.

C’est durant cette période qu’il rédigea sa méthode derésolution des systèmes linéaires.

LA VIE DE CHOLESKY 13

En octobre 1911, il fut de nouveau affecté au ServiceGéographique de l’Armée. La direction du nivellement enAlgérie et en Tunisie lui est confiée. Des routes et des voiesferrées étaient à construire.

En mai 1913, il est nommé chef du service topographique dela Régence de Tunis.

Il reste en Afrique du Nord jusqu’au 2 août 1914, jour de lamobilisation et s’embarque à Bizerte pour rejoindre sonRégiment d’Artillerie basé à Issoire.

LA VIE DE CHOLESKY 14

Après 3 mois comme commandant de batterie, il est affectéau Service Géographique pour travailler sur les canevas detir. Il fut l’un des officiers qui comprit le mieux et développa leplus le rôle de la géodésie et de la topographie dansl’organisation des tirs d’artillerie.

De septembre 1916 à février 1918, il est envoyé en Roumanie,entrée en guerre à côté des alliés, afin d’y réorganisercomplètement et de diriger le Service Géographique.

Le 7 juillet 1917, il est promu Commandant.

En juin 1918, il rejoint le 202ème Régiment d’Artillerie del’armée du Général Mangin. Cette armée était engagéedans la bataille de Picardie entre l’Aisne et Saint-Gobain.

LA VIE DE CHOLESKY 15

Le 31 août 1918, Cholesky décède de ses blessures à 5h dumatin dans une carrière au nord de Bagneux, un village situéenviron 10km au nord de Soissons.

Il fut d’abord enterré au cimetière de Chevillecourt prèsAutrèches, 15km à l’est de Soissons.

Le 24 octobre 1921, sa tombe fut transférée au cimetière deCuts, 10km au sud-est de Noyon.

LA VIE DE CHOLESKY 16

Figure 4: Bagneux, Autrèches et Cuts

LA VIE DE CHOLESKY 17

LA VIE DE CHOLESKY 18

LA VIE DE CHOLESKY 19

LES TRAVAUX SCIENTIFIQUES DE CHOLESKY

La carrière de Cholesky se déroula comme topographe duService Géographique de l’Armée.

Son travail consistait essentiellement en des relevés sur leterrain afin d’établir des cartes.

En temps que chef de service, il eut aussi à s’occuper del’organisation du travail des personnes sous sa responsabilité.

Pendant la guerre, il fut l’un des pionniers de la création desgroupes de canevas de tir et mit ses connaissancescientifiques au service de son pays.

LES TRAVAUX SCIENTIFIQUES DE CHOLESKY 20

De Décembre 1909 et, au moins, jusqu’à janvier 1914 il futProfesseur à l’École Spéciale des Travaux Publics, duBâtiment et de l’Industrie fondée en 1891 par Léon Eyrolles.Les études se déroulaient uniquement par correspondanceet Cholesky dut rédiger des notes pour les étudiants.

Dans les archives, se trouvent de nombreuses pagesmanuscrites qui furent, en fait, incorporées dans un livre qu’ilpublia vers cette époque. Il contient 442 pages, 100 figureset 18 photos d’instruments.

Ce livre eut du succès puisqu’il eut au moins 6 éditions et setrouvait encore inscrit au catalogue de l’éditeur 30 ans aprèsla mort de Cholesky.

LES TRAVAUX SCIENTIFIQUES DE CHOLESKY 21

LES TRAVAUX SCIENTIFIQUES DE CHOLESKY 22

Les archives contiennent aussi un autre livreCours de Calcul Graphique

ainsi que divers manuscrits décrivant l’utilisation de diversinstruments de topographie, ainsi que des documentsmilitaires sur l’organisation du travail des officiers géographes,sur le tir, etc.

Dans l’un de ses cours, Cholesky écrit

LES TRAVAUX SCIENTIFIQUES DE CHOLESKY 23

Recommandation très importante. L’élève setromperait beaucoup s’il croyait trouver dans lescours qu’il a entre les mains les solutions complètesdes exercices qui lui sont proposés. Ces exercicesont pour but principal de le forcer à réfléchir, del’empêcher d’apprendre ses cours trop strictement...Aussi l’élève aura-t-il souvent avantage, lorsqu’il seraarrêté par un exercice à abandonner l’étude ducours et à chercher simplement si le bon sens ne luiindiquera pas la solution. Les exercices corrigésconstitueront un complément indispensable du cours,et non pas une répétition; aussi l’élève ne devra-t-ilpas se décourager s’il rencontre des difficultéssérieuses dans les exercices qui lui sont proposés.Qu’il montre qu’il sait réfléchir, on ne lui endemandera pas davantage.

LES TRAVAUX SCIENTIFIQUES DE CHOLESKY 24

LES TRAVAUX SCIENTIFIQUES DE CHOLESKY 25

LE MANUSCRIT DE CHOLESKY

LE MANUSCRIT DE CHOLESKY 26

LE MANUSCRIT DE CHOLESKY 27

LE MANUSCRIT DE CHOLESKY 28

LE MANUSCRIT DE CHOLESKY 29

LE MANUSCRIT DE CHOLESKY 30

LE MANUSCRIT DE CHOLESKY 31

LE MANUSCRIT DE CHOLESKY 32

LE MANUSCRIT DE CHOLESKY 33

LE MANUSCRIT DE CHOLESKY 34

TRANSCRIPTION DU MANUSCRIT

TRANSCRIPTION DU MANUSCRIT 35

Sur la résolution numérique des systèmes d’équationslinéairesA. Cholesky

La solution des problèmes dépendant de donnéesexpérimentales, qui peuvent dans certains cas être soumisesà des conditions, et auxquelles on applique la méthode desmoindres carrés, est toujours subordonnée au calculnumérique des racines d’un système d’équations linéaires.C’est le cas de la recherche des lois physiques; c’est aussi lecas de la compensation des réseaux géodésiques. Il estdonc intéressant de rechercher un moyen sûr et aussi simpleque possible d’effectuer la résolution numérique d’unsystème d’équations linéaires.

Le procédé que nous allons indiquer s’applique aux systèmesd’équations symétriques auxquels conduit la méthode des

TRANSCRIPTION DU MANUSCRIT 36

moindres carrés; mais nous remarquerons tout d’abord quela résolution d’un système de n équations linéaires à n

inconnues peut très facilement se ramener à la résolutiond’un système de n équations linéaires symétriques à n

inconnues.

Considérons en effet le système suivant:

I

α11γ1 + α1

2γ2 + α13γ3+ · · · +α1

nγn + C1 = 0

α21γ1 + α2

2γ2 + α23γ3+ · · · +α2

nγn + C2 = 0

· · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · ·αn

1γ1 + αn2γ2+ · · · +αn

nγn + Cn = 0.

Effectuons la transformation linéaire représentée par le

TRANSCRIPTION DU MANUSCRIT 37

système:

II

γ1 = α11λ1 + α2

1λ2 + · · ·+ αn1λn

γ2 = α12λ1 + α2

2λ2 + · · ·+ αn2λn

· · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · ·γn = α1

nλ1 + α2nλ2 + · · ·+ αn

nλn.

Le système d’équations I donnant les n inconnues γ se trouveremplacé par le système III donnant les n inconnues λ

permettant, à l’aide de II, de calculer les valeurs des γ.

III

A11λ1 + A1

2λ2 + · · ·+ A1nλn + C1 = 0

A21λ1 + A2

2λ2 + · · ·+ A2nλn + C2 = 0

· · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · ·An

1λ1 + An2λ2 + · · ·+ An

nλn + Cn = 0.

TRANSCRIPTION DU MANUSCRIT 38

On a d’une façon générale

IV)

App =

k=n∑

k=1

(αpk)2

Aqp =

k=n∑

k=1

αpkαq

k.

Le coefficient Aqp est obtenu en faisant le produit des

coefficients des lignes p et q du système I qui se trouvent dansla même colonne et en faisant la somme des produits ainsiobtenus dans les n colonnes, ce qu’on peut exprimersymboliquement en disant que Aq

p est le produit de la ligne p

par la ligne q.

L’ordre des facteurs pouvant être inversé dans chaque

TRANSCRIPTION DU MANUSCRIT 39

produit, on voit immédiatement que

Aqp = Ap

q

dans le déterminant du système III les termes symétriques parrapport à la diagonale sont égaux, autrement dit le systèmed’équations aux λ est symétrique.

Proposons-nous donc de résoudre un système d’équationsde la forme III.

Remarquons d’après ce qui précède que le systèmed’équations II si l’on y supposait les γ connus serait unsystème d’équations aux λ équivalent au système III. Onaurait donc un moyen de résoudre le système III si l’on

TRANSCRIPTION DU MANUSCRIT 40

pouvait trouver un système I permettant de calculerfacilement les γ.

C’est ce qui arrive si dans le système I

la première équation contient seulement γ1

la 2ème γ1 et γ2

la 3ème γ1, γ2 et γ3

ainsi de suite. On peut en effet calculer ainsi tous les γ

successivement à partir de γ1.

TRANSCRIPTION DU MANUSCRIT 41

Le problème est donc ramené à la recherche du système

V)

α11γ1 +C1 = 0

α21γ1 + α2

2γ2 +C2 = 0

α31γ1 + α3

2γ2 + α33γ3 +C3 = 0

· · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · ·αn

1γ1 + αn2γ2 + αn

3γ3 + · · ·+ αnnγn +Cn = 0.

Ce système étant en effet trouvé le problème devient trèsfacile, puisque le système II est remplacé par le système VIqui permet de calculer les λ de proche en proche à partir deλn.

TRANSCRIPTION DU MANUSCRIT 42

VI)

α11λ1+ α2

1λ2+ · · · · · · +αn1λn − γ1 = 0

α22λ2+ α3

2λ3 · · · +αn2λn − γ2 = 0

α33λ3 · · · +αn

3λn − γ3 = 0

· · · · · · · · · · · · · · · · · · · · ·αn

nλn − γn = 0.

Nous calculerons facilement les coefficients α en partant descoefficients A du système III, en appliquant les relationsgénérales IV) au système V. On voit ainsi qu’on peut calculerligne par ligne tous les coefficients du système VI

TRANSCRIPTION DU MANUSCRIT 43

1ère ligne

A11 = (α1

1)2 d’où α1

1 =√

A11

A12 = α1

1α21 α2

1 =A1

2

α11

· · · · · · · · · · · ·A1

p = α11α

p1 αp

1 =A1

p

α11

A1n = α1

1αn1 αn

1 =A1

n

α11

TRANSCRIPTION DU MANUSCRIT 44

2ème ligne

les α1 sont déjà

connus par le calcul

de la 1ère ligne

A11 = (α2

1)2 + (α2

2)2 α2

2 =√

A22 − (α2

1)2

A23 = α2

1α31 + α2

2α32 α3

2 =A2

3 − α21α

31

α22

A2p = α2

1αp1 + α2

2αp2 αp

2 =A2

p − α21α

p1

α22

TRANSCRIPTION DU MANUSCRIT 45

pème ligne

Tous les α

dont l’indice

inférieur est

plus petit

que p

sont connus par

le calcul des lignes

précédentes.

App = (αp

1)2 + (αp

2)2 + (αp

3)2 + · · ·+ (αp

p−1)2 + (αp

p)2

αpp =

√Ap

p − (αp1)2 − (αp

2)2 − (αp3)2 − · · · − (αp

p−1)2

Aqp = αp

1αq1 + αp

2αq2 + αp

3αq3 + · · ·+ αp

p−1αqp−1 + αp

pαqp

αqp =

Aqp − αp

1αq1 − αp

2αq2 − · · · − αp

p−1αqq−1

αpp

q > p

Quant au calcul des γ il s’effectue facilement à l’aide des

TRANSCRIPTION DU MANUSCRIT 46

équations V. On obtient

(−γ1) =C1

α11

(−γ2) =C2 − α2

1(−γ1)α2

2

· · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · ·(−γp) =

Cp − αp1(−γ1)− αp

2(−γ2)− · · ·αp

p

ce qui montre que les coefficients (−γ) qui figurent dans letableau des équations VI) se calculent par rapport auxtermes constants C du tableau III exactement de la mêmefaçon que les coefficients α par rapport aux A.

TRANSCRIPTION DU MANUSCRIT 47

Les calculs peuvent être disposés d’une façon commode enun seul tableau. Les équations données étant symétriques, ilsuffit d’écrire dans le tableau les coefficients d’un seul côtéde la diagonale, en-dessus par exemple.

Les équations transformées du système VI peuvent alors êtredisposées en dessous de la diagonale symétriquementplacées par rapport aux équations données, chaquenouvelle équation occupant une colonne en dessous de ladiagonale.

Les écritures se bornent à la transcription des coefficients α;en effet le calcul d’un coefficient α de la forme

∑mn

K esteffectué sur la machine à calculer à l’aide d’une série demultiplications qui s’ajoutent automatiquement etalgébriquement sur la machine, la somme algébrique étantimmédiatement divisée par K. On utilise ainsi l’opération laplus compliquée que puisse faire la machine à calculer, par

TRANSCRIPTION DU MANUSCRIT 48

suite on obtient le rendement maximum de cette machine,tout en se mettant autant que possible à l’abri des erreurs[rayé et remplacé par “fautes”] fréquentes dans lestranscriptions de chiffres lus.

On trouve, tant dans la disposition des calculs, que dansl’emploi de la machine à calculer, des simplifications pourl’application des formules ou des indications précieuses.Donnons un seul exemple: les machines à calculer du genre“Dactyle” enrégistrent le quotient en chiffres blancs ourouges suivant que la division est faite en tournant dans lesens de l’addition ou de la soustraction, il s’ensuit que toutcoefficient α étant le résultat d’une division sur la machine,son signe est indiqué par la couleur des chiffres qui lecomposent; les erreurs de signe sont ainsi facilement évitées.

Il paraît inutile d’insister sur le reste de la résolution, c’est àdire sur le calcul des λ à l’aide du système VI). On voit en

TRANSCRIPTION DU MANUSCRIT 49

effet immédiatement comment on peut remontersuccessivement de λn à λn−1, puis à λn−2 et ainsi de suitejusqu’à λ1.

On peut mettre en évidence les avantages de cetteméthode de résolution des systèmes linéaires, au point devue de l’approximation avec laquelle les résultats sontobtenus.

Toute méthode de résolution doit nécessairement conduire àun système d’équations du genre du système VI permettantd’obtenir directement une des inconnues et de déterminersuccessivement toutes les autres. Supposons qu’on ait été

TRANSCRIPTION DU MANUSCRIT 50

conduit au système:

VII

δ11λ1+ δ2

1λ2+ · · · +δn1 λn − ε1 = 0

δ22λ2+ · · · +δn

2 λn − ε2 = 0

· · · · · · · · · · · · · · · · · ·δnnλn − εn = 0

on peut faire correspondre à ce système un second systèmefournissant les valeurs des ε, soit:

VIII

β11ε1 +C1 = 0

β21ε1 + β2

2ε2 +C2 = 0

· · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · ·βn

1 ε1 + βn2 ε2 + · · ·+ βn

nεn +Cn = 0.

TRANSCRIPTION DU MANUSCRIT 51

Les formules IV sont alors remplacées par les suivantes:

App =

k=p∑

k=1

(βpkδp

k)

Aqp =

k=p∑

k=1

(βpkδq

k).

D’où l’on peut conclure que le système unique descoefficients α que l’on a employé précédemment estremplacé dans tous les autres modes de résolution par undouble système de coefficients β et δ tels que l’on a toujoursβq

pδqp = (αq

p)2.

Or les calculs s’effectuent nécessairement avec uneprécision limitée et on est amené pour éviter des erreurs[rayé et remplacé par “fautes”] et rendre le calcul aussisimple que possible, à calculer tous les nombres employés

TRANSCRIPTION DU MANUSCRIT 52

avec un nombre de décimales fixe. Il en résulte que lesnombres α, β, δ sont affectés d’une erreur η dépendant desdécimales négligées et indépendante de la grandeur dunombre calculé.

L’emploi de la quantité (αqp)2 dans les calculs correspond à

l’introduction d’une erreur 2αqpη.

L’emploi de la quantité égale (βqpδq

p) correspond àl’introduction de l’erreur (βq

p + δqp)η.

On sait que le produit βqpδq

p étant constant la somme de sesdeux facteurs atteint son minimum lorsqu’ils sont égaux.L’erreur la plus faible que l’on puisse introduire est donc

2αqpη.

Il en résulte que le mode de résolution des systèmes linéairesqui vient d’être exposé apparaît comme celui qui fournit la

TRANSCRIPTION DU MANUSCRIT 53

meilleure approximation des calculs.

Cette propriété qui permet de réduire au strict minimum lenombre de décimales à employer dans les calculs,compense largement le petit inconvénient d’employer laracine carrée dans la résolution d’équations linéaires.

D’autant plus que la racine carrée peut être obtenuefacilement et rapidement à l’aide de la machine à calculerpar le procédé suivant complètement différent desprocédés généralement indiqués par les fabriquants demachines à calculer.

Soit à extraire la racine carrée d’un nombre N .

Supposons qu’on connaisse un nombre n voisin de la racine r

cherchée.

TRANSCRIPTION DU MANUSCRIT 54

Soit pour fixer les idées

r = n + ε

N = r2 = (n + ε)2 = n2 + 2nε + ε2.

Si ε2 est d’un ordre inférieur à la dernière décimale que l’onveut calculer, on a le droit d’écrire

N = n2 + 2nε = n(n + 2ε)

c’est à dire qu’en divisant N par n on a pour quotient

n + 2ε.

2ε représente l’excès de ce quotient sur le diviseur n et l’onobtient r en ajoutant à n la moitié de cet excès.

Pratiquement, il est avantageux d’avoir à sa disposition une

TRANSCRIPTION DU MANUSCRIT 55

table de carrés qui donne à première vue la racine carréed’un nombre quelconque avec 3 chiffres significatifs exacts.

ε

nest alors inférieur à

1102

ε2

n2

1104

.

La première division donne la racine carrée avec 5 chiffressignificatifs.

ε4

n4est inférieur à

1108

donc la 2ème division faite avec la racine à 5 chiffres exactsdonnerait 9 chiffres significatifs exacts et ainsi de suite.

On peut énoncer une règle simple en supposant que lenombre comporte une virgule placée à la droite du premierchiffre de gauche. Dans ces conditions chaque divisiondouble le nombre de décimales de la racine.

TRANSCRIPTION DU MANUSCRIT 56

À l’aide de ce procédé, un opérateur exercé obtient enquelques secondes la racine carrée d’un nombre de 5chiffres avec le même nombre de chiffres exacts.

La méthode de résolution des systèmes linéaires qui vientd’être exposée a été complétée par l’adaptation dusystème de vérification indiqué par Gauss sous le nom depreuve par sommes.

La vérification est obtenue de la façon suivante: Onjuxtapose au terme constant Cp de l’équation de rang p unterme Vp donné par la relation −Vp = Ap

1 + Ap2 + · · ·+ Ap

n + Cp.Dans ces conditions la somme des nombres inscrits dans laligne p du système des équations est nulle. Si l’on traite Vp

TRANSCRIPTION DU MANUSCRIT 57

dans la résolution de la même façon que Cp, cette relationlinéaire se maintiendra et sera encore vraie pour lescoefficients α.

De plus il sera encore possible de vérifier le calcul des λ àpartir du système des équations VI), car si l’on remplacedans les équations III les termes constants C par les termes devérification V , l’opération équivaut à changer λ en (1− λ); lecalcul des inconnues fait avec les V donne donc des valeursλ′ telles que λp + λ′p = 1.

On peut en opérant comme il vient d’être dit réussir à coupsûr et en peu de temps la résolution de systèmes d’équationstrès complexes.

TRANSCRIPTION DU MANUSCRIT 58

La résolution d’un système de 10 équations à 10 inconnuespeut être faite avec 5 chiffres exacts, en 4 à 5 heures, ycompris la vérification des équations et le calcul des résidus.

On a résolu par cette méthode plusieurs systèmes dépassant30 équations, et en particulier un système de 56 équations.Ce dernier cas fait partie d’un calcul de compensation desaltitudes des chaînes primordiales de la triangulation del’Algérie. En raison de l’importance des calculs et pour éviterl’encombrement, on a dû adopter une disposition spéciale,mais les calculs ont été conduits exactement comme il vientd’être dit.

Vincennes le 2 Décembre 1910

Signature

TRANSCRIPTION DU MANUSCRIT 59

ANALYSE

ANALYSE 60

Machine Dactyle

ANALYSE 61

CONTEXTE HISTORIQUE

La méthode des moindres carrés fut publiée pour la premièrefois par Adrien Marie Legendre (Paris, 18 septembre 1752 -Paris, 5 janvier 1833) en 1805.

CONTEXTE HISTORIQUE 62

A.M. Legendre

CONTEXTE HISTORIQUE 63

Sa justification comme procédure statistique est due à CarlFriedrich Gauss (Braunschweig, 23 avril 1777 - Göttingen, 22février 1855) en 1809.

Selon lui la méthode des moindres carrés conduit à lameilleure combinaison possible des observations quelque soitla loi de probabilité des erreurs.

Elle fut immédiatement reconnue comme une contributionmajeure. Gauss affirma l’avoir en fait déjà utilisée dès 1795.Ce qui est certain est qu’il s’en servit en 1801 pourdéterminer l’orbite de la comète Cérès.

CONTEXTE HISTORIQUE 64

C.F. Gauss

CONTEXTE HISTORIQUE 65

Le mathématicien américain d’origine irlandaise RobertAdrain (Carrickfergus, Irlande, 30 septembre 1775 - NewBrunswick, NJ, USA, 10 août 1843) avait, à l’occasion qu’unequestion de topographie, publié un article en 1808 (paru en1809) dans lequel il exposait également la méthode desmoindres carrés.

Ce travail passa totalement inaperçu en Europe.

En 1818, Adrain appliqua encore cette méthode à ladétermination de l’aplatissement de la Terre à partir demesures du méridien et en tira une estimation des axes del’ellipsoïde terrestre.

CONTEXTE HISTORIQUE 66

R. Adrain

CONTEXTE HISTORIQUE 67

Dans un système d’équations linéaires, lorsqu’il y a plusd’inconnues que d’équations, il y a une infinité de solutions.

Parmi toutes les solutions possibles, on recherche celle quiminimise la somme des carrées des inconnues.

C’est ce cas que l’on rencontre dans la compensation desréseaux géodésiques dont Cholesky eut à s’occuper.

Toutes les fois que l’on fait une triangulation calculée,il y a avantage à faire également unecompensation par le calcul. On est alors amené àécrire un certain nombre d’équations représentant lesrelations géométriques entre les divers éléments desfigures de la triangulation et comme il y agénéralement plus d’inconnues que d’équations, onlève l’indétermination en écrivant que la somme descarrés des corrections est minima.

CONTEXTE HISTORIQUE 68

Figure 5: A. Cholesky, Cours de Topographie, p. 254

CONTEXTE HISTORIQUE 69

Il est bien connu que certains résultats sont redécouvertsindépendamment par plusieurs scientifiques et cela, parfois,à plusieurs années et des milliers de kilomètres de distance.C’est le cas des méthodes de résolution des systèmesd’équations linéaires.

La méthode de Gauss revient à décomposer la matrice A enun produit A = LU où L est une matrice triangulaireinférieure à diagonale unité et U une matrice triangulairesupérieure.

Le système Ax = b s’écrit alors LUx = b, c’est-à-dire Ly = b sil’on pose y = Ux. La résolution du système Ly = b fournit levecteur y qui sert ensuite de second membre au systèmeUx = y et l’on obtient la solution cherchée x.

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Le 9 novembre 1878, Myrick H. Doolittle (Addison, Vermont,USA, 17 mars 1830 - 27 juin 1913), un mathématicien de laComputing Division de l’U.S. Coast and Geodetic Survey deWashington, présente une méthode de résolution deséquations provenant de problèmes de triangulation.

Sa méthode consiste à annuler pas à pas les éléments de lamatrice pour la transformer en une matrice triangulairesupérieure.

Elle revient à décomposer A en un produit A = LU à l’aided’une succession d’étapes intermédiaires pour obtenir cesmatrices sous la forme L = L1 + · · ·+ Ln et U = U1 + · · ·+ Un.

L est triangulaire inférieure et U est triangulaire supérieuremais c’est elle qui, contrairement à la méthode de Gauss,est à diagonale unité.

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Doolittle n’avait pas de machine à calculer à sa dispositionet il utilisait simplement des tables de multiplication.

Il dit avoir résolu un système de 41 équations en cinq jours etdemi, c’est-à-dire en 36 heures de travail.

Pendant de nombreuses années, sa méthode eut la faveurdes géodésiens.

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Lorsque la matrice A est symétrique, la méthode de Gaussne bénéficie pas de cette propriété et effectue tropd’opérations.

En 1907, Otto Toeplitz (Breslau, Allemagne, 1er août 1881 -Jérusalem, 19 février 1940) démontre qu’une matricehermitienne peut être factorisée en un produit LL∗ avec Ltriangulaire inférieure, mais il ne donne aucun procédé pourobtenir cette matrice L.

C’est ce que fera Cholesky en 1910.

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O. Toeplitz

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APRÈS CHOLESKY

La méthode de Cholesky restera longtemps ignorée endehors de son cercle.

D’autres scientifiques continuèrent à proposer des variantesdes méthodes de Gauss et Doolittle, afin de faciliter lescalculs par des personnes sans beaucoup de culturemathématique.

En 1938, l’astronome polonais Tadeusz Banachiewicz(Varsovie, 13 février 1882 - 17 novembre 1954) proposa uneméthode de la racine carrée tout à fait similaire à celle deCholesky.

Le langage utilisé était celui des cracoviens, des objets qu’ilavait inventés et étaient similaires aux matrices mais avecune loi de multiplication différente.

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C’est Banachiewicz qui, le premier, formula le fait que lesméthodes d’élimination correspondent, en fait, à lafactorisation de la matrice A en un produit de deux matrices.

Mais il avait été précédé par Cholesky dans cetteinterprétation.

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T. Banaciewicz

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En 1941, Paul Summer Dwyer (né en 1901) fournit une versionabrégée de la méthode de Doolittle et la relia aux autresméthodes de résolution.

En 1944, il donna l’interprétation matricielle de la méthodede Doolittle.

Il montra aussi que L = DUT où D est une matrice diagonaleet fait la remarque qu’il serait plus intéressant que lesmatrices L et UT soient les mêmes afin d’effectuer deux foismoins de calculs.

Pour cela, il suffirait de prendre les racines carrées des termesdiagonaux, c’est-à-dire de la matrice D, et il nota que laméthode ainsi obtenue s’apparenterait à celle deBanachiewicz.

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La méthode de Cholesky fut exposée pour la première foisdans une note de 1924 due au Commandant Benoît del’Artillerie Coloniale, ancien officier géodésien au ServiceGéographique de l’Armée et au Service Géographique del’Indochine, Membre du Comité National Français deGéodésie et de Géophysique (il n’a pas été possible detrouver des renseignements biographiques plus précis sur lui).

La méthode de Cholesky fut sortie de l’oubli par John Todd(né le 16 mai 1911) qui l’exposa dans son cours d’analysenumérique au King’s College à Londres dès 1946 et la fit ainsiconnaître.

Il raconte

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En 1946 l’un de nous [John Todd] donna un cours auKing’s College de Londres (KCL) sur lesMathématiques Numériques. Bien que nous ayonsquelque expérience du temps de guerre enmathématiques numériques, incluant les valeurspropres de matrices, nous n’avions eu que peu affaireavec la résolution des systèmes d’équations linéaires.Afin de voir comment ce sujet pouvait être présenté,nous fîmes un examen de Math. Rev. (facile à cetteépoque!) et trouvâmes une analyse (MR 7 (1944),488), d’un article de Henry Jensen [?], écrit par E.Bodewig. Jensen déclarait la méthode de Choleskysemble posséder tous les avantages. Ainsi il futdécidé de suivre Cholesky et, puisque la méthodeétait clairement exposée, nous n’essayâmes pas detrouver l’article original.

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Et John Todd continue

Leslie Fox, alors dans la Division de Mathématiquesnouvellement créée du (British) National PhysicalLaboratory (NPL), suivit le cours et apparemmenttrouva la méthode de Cholesky attractive puisqu’il larapporta au NPL, où il l’étudia en profondeur avec sescollègues. À partir de ces articles la méthode deCholesky (ou parfois Choleski) fît son chemin dans lesboites à outils des algébristes numériques linéairesvia les manuels des années 1950.

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John Todd

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