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La Provence Verte appartient au réseau national des Villes et Pays d’art et d’histoire Le ministère de la Culture et de la Communication, direction de l’Architecture et du Patrimoine, attribue l’appellation Ville et Pays d’art et d’histoire aux collectivités territoriales qui valorisent leur patrimoine. Il garantit la compétence de l’animateur de l’architecture et du patrimoine et des guides conférenciers, et la qualité de leurs actions. Des vestiges antiques à l’architecture du XXI e siècle, les villes et pays mettent en scène le patrimoine dans sa diversité. Aujourd’hui, un réseau de 124 villes et pays vous offre son savoir-faire sur toute la France. Le service animation du patrimoine Il propose toute l’année des animations pour les habitants, visiteurs et scolaires. À proximité Fréjus, Grasse, Menton, Briançon, Arles et le Pays du Comtat Venaissin bénéficient de l’appellation Villes ou Pays d’art et d’histoire. Renseignements Maison du Tourisme de la Provence Verte Carrefour de l’Europe – 83170 Brignoles Tél. : 04 94 72 04 21 Site internet: www.provenceverte.fr Communauté de communes Provence d’Argens en Verdon Située dans le département du Var, la communauté de communes Provence d’Argens en Verdon est formée depuis le 27 décembre 2001. Elle compte 11 000 habitants sur neuf communes : Barjols, Bras, Brue-Auriac, Esparron-de-Pallières, Pontevès, Saint-Martin-de- Pallières, Seillons Source d’Argens, Tavernes et Varages. 58 avenue de Tavernes – 83670 Barjols Tél. : 04 94 77 18 53 Site internet: www.cc-pav.fr Villes et Pays d’art et d’histoire Le pays de la Provence Verte Gratuit. Cette brochure ne peut être vendue. Photos de couverture : vue aérienne de Pontevès et fontaine du Réal à Barjols. Ci-contre : pigeonnier de Brue-Auriac. Ce projet est cofinancé par la Communauté européenne dans le cadre du programme LEADER +. laissez-vous conter la communauté de communes Provence d’Argens en Verdon

La Villes et Pays d’art et d’histoire Le pays de la

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Page 1: La Villes et Pays d’art et d’histoire Le pays de la

La Provence Verte appartient au réseau national

des Villes et Pays d’art et d’histoire

Le ministère de la Culture et de la Communication, direction

de l’Architecture et du Patrimoine, attribue l’appellation Ville

et Pays d’art et d’histoire aux collectivités territoriales qui valorisent

leur patrimoine. Il garantit la compétence de l’animateur

de l’architecture et du patrimoine et des guides conférenciers,

et la qualité de leurs actions.

Des vestiges antiques à l’architecture du XXIe siècle, les villes et

pays mettent en scène le patrimoine dans sa diversité. Aujourd’hui,

un réseau de 124 villes et pays vous offre son savoir-faire sur toute

la France.

Le service animation du patrimoine

Il propose toute l’année des animations pour les habitants, visiteurs

et scolaires.

À proximité

Fréjus, Grasse, Menton, Briançon, Arles et le Pays du Comtat

Venaissin bénéficient de l’appellation Villes ou Pays d’art et d’histoire.

Renseignements

Maison du Tourisme de la Provence VerteCarrefour de l’Europe – 83170 Brignoles

Tél. : 04 94 72 04 21

Site internet : www.provenceverte.fr

Communauté de communes Provence d’Argens en VerdonSituée dans le département du Var, la communauté de communes

Provence d’Argens en Verdon est formée depuis le 27 décembre 2001.

Elle compte 11 000 habitants sur neuf communes : Barjols, Bras,

Brue-Auriac, Esparron-de-Pallières, Pontevès, Saint-Martin-de-

Pallières, Seillons Source d’Argens, Tavernes et Varages.

58 avenue de Tavernes – 83670 Barjols

Tél. : 04 94 77 18 53

Site internet : www.cc-pav.fr

Villes et Pays d’art et d’histoireLe pays de la Provence Verte

Gratuit. Cette brochure ne peut être vendue.

Photos de couverture : vue aérienne de Pontevès et fontaine du Réal à Barjols.

Ci-contre : pigeonnier de Brue-Auriac.

Ce projet est cofinancé

par la Communauté

européenne dans le cadre

du programme LEADER +.

laissez-vous conterla communauté de communes

Provence d’Argensen Verdon

Page 2: La Villes et Pays d’art et d’histoire Le pays de la

C’est l’histoire d’un pays dessiné, au septentrion, par le tumultueuxVerdon nourri des neiges des cimes alpines et qui, au sud, offre au département du Var les premières eaux de son unique et trèsméditerranéen fleuve Argens. Et, ici, on tient à ce lien, à ce traitd’union entre un Haut-Pays rude et réservé, et ce terroir varois,bassin de brassage, de fertilité et pourvoyeur d’activités.

D’emblée, le végétal vous submerge. On est emporté par la maréede ces vastes plateaux de Haute-Provence et puis, plus bas, bercépar la houle des collines arrondies. Les forêts de bronze faitesd’yeuses, de chênes pubescents et de genévriers laissent seulements’étendre quelques rares plaines. Émergent aussi ces villagesperchés sur leur piton rocheux ou d’autres, accrochés au bord des champs de vigne, de blé et des vergers d’oliviers.

Ces villages minéraux, sincères, loin du clinquant et de l’esbroufe,sont faits de pierres chargées d’histoire et d’édifices qui détiennentla mémoire des générations qui les ont façonnés.Ici, les routes ne traversent pas le paysage ; elles l’épousent, tracéespar les champs cultivés et le fil capricieux des cours d’eau.Ici, pas de golfs aux gazons verdoyants mais le cours ombragé qui résonne de parties de boules acharnées ; pas de « fast food» ou d’hôtel franchisé mais des bistrots de village et des maisons

d’hôtes accueillantes ; pas de centre commercial ou de zoneaménagée mais des boutiques de commerçants, des ateliersd’artisans et des remises de paysans qui animent et perpétuent la vie du village.

Ce pays d’Argens en Verdon est l’œuvre collective à travers les siècles, d’hommes et de femmes aussi divers que multiples, à l’image de ce qui a fait la longue histoire de la Provence. Ce sont ces paysans acharnés et créateurs de paysage, ces antiquespâtres ligures et ces puissants seigneurs protecteurs, ces bûcherons,tanneurs ou faïenciers, ces citoyens luttant pour la justice et la liberté, ces étrangers venus repeupler nos villages décimés par l’exil ou les épidémies, ces entrepreneurs marchands ouaristocrates aux projets audacieux et utopiques, et enfinaujourd’hui, tous ceux et celles qui trouvent là une harmonie, un art de vivre et un épanouissement parfois disparus ailleurs.

On dit ce pays à l’écart et retiré ; il ne l’est pas. En revanche, il veut se préserver de perdre son âme, d’être pris pour ce qu’il ne veut pas être. C’est le but de la démarche de cet ouvrage : être mieux connu, dans l’espoir secret d’être plus aimé!

Bernard de Boisgelin

Un pays à découvrir

Les Bessillons.

Page 3: La Villes et Pays d’art et d’histoire Le pays de la

Le plateau des Selves, dit « Les Pallières »Le plateau des Selves, essentiellementforestier, est le prolongement, vers l’est,du grand ensemble de la MontagneSainte-Victoire. Il est formé par unepuissante carapace de roches calcairessecondaires très perméables du Jurassiquesupérieur qui s’étale, en ondulationsatténuées, en bombements isolés et en «colles», collines allongées, vers550m d’altitude, laissant place ici et là à de longues vallées sèches et à desvallonnements à fond plat. Aucunruisseau ou rivière ne coule ici. Seuls les violents orages d’automne peuventamener de brutaux écoulementstemporaires, mais le plateau des Selvesconstitue un château d’eau souterraindont les eaux ressortent en sources etrésurgences dont la plus célèbre est la source de l’Argens. Seuls quelques

Sommaire

Les paysages d’une Provence secrète

Un carrefour géologique et topographique ...................................... p. 3La forêt du Haut-Argens............................................................................ p. 6Des paysages agricoles construits .......................................................... p. 8Vers des paysages urbanisés...................................................................... p. 9

La longue histoire des hommesDe la Protohistoire à la Romanité......................................................... p. 10Le Moyen Âge.................................................................................................. p. 12Des guerres de Religion à la Révolution ............................................ p. 14Le Var moderne et contemporain .......................................................... p. 17

Mémoire des pierres : un patrimoine discretLe patrimoine religieux............................................................................... p. 22L’architecture militaire et civile............................................................... p. 24L’architecture vernaculaire ........................................................................ p. 26

L’eau domestiquéeL’eau des villes et l’eau des champs ...................................................... p. 28L’eau au moulin............................................................................................... p. 30Les « industries» nées de l’eau ................................................................ p. 31L’eau de la terre : l’arrosage des champs et des parcs .................. p. 32

Entre tradition et modernitéLe légendaire religieux................................................................................. p. 33Les produits «du terroir».......................................................................... p. 34De nouveaux lieux de mémoire .............................................................. p. 35La colline ............................................................................................................ p. 35 U

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Les paysages d’une Provence secrèteCes pays du Haut-Argens, territoire original de rencontre de quatre grandes unités naturelles, ont donné naissance à des paysages secrets façonnés par l’homme au cours de six millénaires d’occupation agro-sylvo-pastorale.

plans et vallonnements isolés ontpermis, autrefois, l’installation debastides «en forêt», isolées, avec leursclairières cultivées, et de jas-bergeriesdispersés, pour les rares pasteurs quiont toujours été là, avec, antan, des charbonniers et des brigands…C’est ici maintenant l’espace de la chasseet des chasseurs qui fréquentent cemonde des forêts sèches – les Selves – etdu «saltus» fait de garrigues hautes oubasses ainsi que de maigres «steppes»herbacées ; c’est aussi le plateaud’Esparron, Saint-Martin, Varages,Barjols, Brue-Auriac et Seillons.Il y a là d’admirables et aventureusesrandonnées à faire, sur les cheminsincertains des chasseurs et des forestiers,ou, plus sûrement, par les GR* (GR99de Brue à Saint-Martin et Esparron) oupar les PR*, celui de la forêt communalede Seillons, par exemple.

La « gouttière » d’Esparron –Saint-Martin-de-PallièresLa «gouttière» de Rians-Esparron-Saint-Martin est encadrée au nord et au sud par deux longs reliefs, qui ladominent, pour ceux de la partie méri -dionale, plus élevée, de 150 à 250m(253m pour l’Éouvière qui culmine à641m) et de quelque 40 à 50m pour les collines nord, Bois du Mont Major – Le Grand Clot. Cette gouttièrerectiligne, humide, vers 400m d’altitude,est une cuvette synclinale tertiaire*allongée, large d’environ 1,5km oùs’étendent des cultures évolutives dontune partie est irriguée par le canal deProvence. Sur les hautes avancées,mieux ensoleillées, les villages d’Esparronet de Saint-Martin se sont perchés en belvédère, le château dominant, en haut, les quartiers anciens adossésaux hautes pentes, avec, en bas, la coopérative viticole et les nouvellesmaisons. Au nord, au contraire, des bastides peu nombreuses se sontinstallées sur le bord de la «gouttière»,aux pieds des basses pentes d’adret.

Le plateau des Selves,

dit « les Pallières ».

Plaine du Grand Vallat.

* GR

sentier de grande randonnée

PR

sentier de petite randonnée

cuvette synclinale tertiaire

un synclinal (opposé : anticlinal)

est un pli dont le centre est occupé

par les couches géologiques les plus

jeunes

Page 4: La Villes et Pays d’art et d’histoire Le pays de la

Tufs et travertins : la « pierre de l’eau »Les eaux, sorties des massifs encadrantl’Arc de Barjols en sources abondanteset nombreuses, sont chargées encarbonates de calcium dissous qui se précipite en forant des tufs. Ils constituent des barrages-cascadesspectaculaires comme celui duTombereau au nord de Bras.Les hommes ont beaucoup profité deces tufs poreux, faciles à tailler et assezrésistants, surtout lorsqu’il s’agit de tufsanciens « indurés» qui portent alors le nom de travertins et qu’on rencontreun peu partout. Le vieux Barjols estadossé à des falaises de tufs où sedéversent les eaux des écoulements et des sources situées à leur sommet. La ville a beaucoup utilisé les travertinsde ses environs pour la construction desmaisons anciennes et des murailles dontune partie est encore visible. La fontainemajeure du chef-lieu, celle de la mairie,doit être retaillée régulièrement pour luiredonner forme, tant les tufs se déposentrapidement…Le village de Varages est perché sur une«grosse accumulation de tufs calcairesédifiés par les eaux carbonatées (de lasource) de la Foux» (J. Nicod), sortantau bas des dernières pentes du massifjurassique dominant le village, au contactavec le trias argileux imperméable. Une grotte-refuge souterraine est mêmecreusée dans ces tufs. Quant à SeillonsSource d’Argens, le vieux villagehistorique et son château sont juchéssur un plateau isolé de travertins,caractéristique, en éperon.

L’« Arc de Barjols »,le pays de l’eauAu centre du Pays du Haut-Argens, le secteur très original de Varages-Barjols à Bras et Brue-Auriac constitue ce que les géologues appellent l’«Arc de Barjols». Il s’agit d’une vaste zoneenserrée entre les reliefs plissés dans les roches jurassiques, de l’est (Bessillons,pli du Val) et de l’ouest (Plateau desSelves). Tout l’espace de cet «Arc deBarjols» est constitué par les terrains les plus anciens de l’ère secondaire :ceux du Trias (-250 à -200 millionsd’années) de nature très diverse :marnes, bancs de calcaires dolomitiquesconsolidés en durs cargneules, et mêmeen profondeur, du sel gemme qui donneranaissance à des sources salées et à la rivière l’Eau salée, à l’ouest et au sudde Barjols. La structure de ces terrains,dévoilés par l’érosion, a créé un espaceoù les reliefs en creux dominent, entrede petits plis compliqués, très fouillés et resserrés, voire «pincés», souventredressés presque à la verticale.L’imperméabilité fréquente de ces terrains,leur complexité, les nombreux vallonsétroits et coudés, les petites cuvettesmultiples, sont autant d’éléments quiont favorisé le foisonnement de coursd’eaux: Argens, ruisseau desÉcrevisses, etc.Les hommes ont su aménager et tirerparti de ces eaux depuis des siècles :nombreux canaux de moulins (celui de La Bouisse en particulier) parfoiscreusés dans la roche vive, canalisationde l’Argens, canaux de drainage etd’irrigation, eaux industrielles et urbaines.

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Les plans et bassinsDe Seillons au nord de Brue-Auriac, une longue zone plane, vers 260-280 md’altitude, s’allonge sur plus de 8 km de long et près d’un kilomètre de large,en une sorte de corridor de contact,tertiaire, très souvent occupé, le long de la D560, par de vastes propriétés de bastides (Saint-Estève, La Bourgui -gnonne, Séguirane). À l’opposé, aux pieds des Bessillons, les plans de Pontevès s’étalent au bas du villageperché, drainés par le ruisseau dePontevès qui participa, dans un passégéologique récent, à la formation

des travertins de Barjols.Il y a, enfin, le très beau bassinsurbaissé de Tavernes qui s’élargit aunord en ample amphithéâtre d’adretfavorable. Il forme tout un espacecourbe de 3 à 4 km de large oùs’échelonnent, en terrasses surbaissées,la vigne, l’olivier et des parcelles defriches «sociales» – pâtures inter -calcaires utilisées par un ou plusieurséleveurs ovins du secteur, signe de la constante capacité d’adaptation du berger à travers les âges – et avec, à l’horizon sud, les silhouettes tutélairesdes Bessillons.

Le village de Varages

et sa falaise. Cascade des Carmes à Barjols.

La plaine de Saint-Estève,

entre Brue-Auriac et Seillons Source d’Argens.

Page 5: La Villes et Pays d’art et d’histoire Le pays de la

La pinèdeLa troisième forêt «sèche» est la pinèdede pin d’Alep envahissante, odorante et esthétique. Proie facile des incendies,elle est pourtant apte à coloniser les terrains les plus difficiles et peupourvus en sols. Omniprésente, elle coiffe les «colles» de Varages, de Barjols, de Bras ou de Seillons Sourced’Argens, se mélange aux chênaies et les dégrade. Ses sous-bois tapissésd’aiguilles stérilisantes donnent des solspeu accueillants pour les plantesherbacées au contraire des « litières»enrichissantes des feuilles de chêneblanc, autrefois «raclées» et utiliséescomme composts par les paysans.

La forêt humideLa forêt humide est une originalité du secteur des reliefs en creux de l’Arcde Barjols, des vallées et vallons del’Argens et de ses affluents : forêt plusou moins linéaire, ripisylves* de bordsde rivières et ruisseaux, plages boisées et allongées de fonds de vallonnements.Des feuillus d’une riche diversité lacomposent, en ensembles arboréssouvent de haute taille : peupliers etsaules divers, érables, frênes, aulnes.Leur verdeur dense et leurs couleurs

intenses d’automne en font, entre Bras,Brue-Auriac et Barjols surtout, un extraordinaire ensemble paysager en contraste absolu avec les austères«blaques» ou les pinèdes sombres de la forêt sèche.De façon générale toutes les forêtsprogressent inexorablement etcolonisent les friches et terrainsabandonnés par l’agriculture : la « fermeture» des paysages par desforêts de médiocre venue est un faitpréoccupant en Haut-Argens.Une forêt omniprésente

La forêt, la silva des Romains – les selvesici –, est omniprésente. Vues de l’air, les parties défrichées, cultivées, habitées,construites, et leurs villages y apparaissentcomme des clairières. Certainescommunes comme Esparron-de-Pallières,Saint-Martin-de-Pallières, Seillons, ou même Pontevès, Bras ou Varagescomportent 60 à 80 % et plus de leurterritoire en espaces forestiers et garrigues.Deux grands types de forêts occupent le pays du Haut-Argens: la forêt «sèche»,surtout, et la forêt humide, dans les fondsde l’«Arc de Barjols». La forêt sèches’étend sur les collines, et les plateauxondulés, où la roche affleure souvent,où l’arbre pousse lentement et difficile -ment et où la forêt comporte des lacunesde garrigue haute, de « landes» à genêtcendré (Tavernes, Bessillons) et de pelouses sèches «à formationssteppiques», avec des graminées plus oumoins ligneuses (brachypodes, stipes…),des thymaies, des zones à lavande aspic.La forêt proprement dite est dominée partrois essences, deux autochtones, le chênevert et le chêne blanc «pubescent» etune plus tardive, le pin d’Alep.L

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Une « blaque » dominanteLe chêne vert, aux feuilles persistantes,s’étend au sud et aux adrets*, avec sonsous-bois et ses pans de garrigue à chêne Kermès, à romarins, à térébinthes, avec leurs aspergessauvages, leurs garances voyageuses…Le chêne blanc constitue la forêt«secondaire» de taillis, pour l’essentiel(avec ses feuilles sèches d’un beigecaractéristique qui durent, à partir de la fin de l’automne, tout l’hiver pour netomber que tardivement, quand poussentles bourgeons rosés de ses feuillesnouvelles, au milieu du printemps). Il couvre 60 à 70 % du territoireforestier, avec des sous-bois plus richeset des formations intercalcairesarbustives de garrigues hautes, densesou ouvertes, avec le genévrier, le genêtcendré, le cornouiller sanguin auxfeuilles d’un rouge sombre profond, le cerisier, le pommier et le poiriersauvage – le perussié – aussi avec leursfruits très âpres mais comestibles. Toutun cortège d’orchis, de petits narcisses,d’euphorbes, de graminées, entre desrosiers sauvages et des prunelliers,pousse çà et là.La forêt de chêne blanc ou «blaque»préfère les ubacs et les fonds plus fraiset plus humides où elle voisine parfoisavec le buis ; elle s’étend surtout sur leszones au-dessus de 400-500 md’altitude, dans le plateau des Selves etdans les secteurs montueux : Bessillons – Varages – hauts de Barjols.

6 7

Forêt de chênes verts et blancs. Forêt humide au bord de l’Argens.

Saint-Martin-de-Pallières encerclé par la forêt.

* ripisylves

formations végétales qui se développent

sur les bords des cours d'eau ou des plans

d'eau situés dans la zone frontière entre

l'eau et la terre

* adret

un adret (opposé : ubac),

versant exposé au soleil

Page 6: La Villes et Pays d’art et d’histoire Le pays de la

Les oliviersL’olivier a une histoire récente inversede celle de la vigne. L’arbre, symbole luiaussi de la région, quelque peu délaissédepuis le début du XXe s., fut terriblementatteint par le grand gel de l’hiver 1956.Il fallut recéper de très nombreuxarbres, c’est-à-dire couper les troncs et branches mortes presque au ras de la souche d’où repartent les rejets-troncs.De là l’aspect hétérogène de beaucoupd’olivaies du pays du Haut-Argens,mêlées de quelques vieux oliviers ayantrésisté et d’arbres de plantation plusrécente, en particulier à Tavernes. Dans le pays du Haut-Argens, lesoliviers sont souvent en zones deparcelles intercalées dans les vignoblesou sur des terrasses un peu plus hautesque celles des vignes. On en trouveparfois dans des endroits tout à faitimprévus, dans les petits adrets isolésdans les collines de Bras, de Barjols, dePontevès, de Varages… Les coopérativesoléicoles, moulins souvent accouplés àleur création aux coopératives viticoles(La Varageoise, La Tavernaise), sont desclefs de la vie oléicole actuelle. V

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L’aménagement des paysagesPartout, les espaces défrichés et cultivésl’ont été depuis plus de trois mille ansgrâce aux efforts de «construction» del’espace agricole par l’homme du Haut-Argens : «ribes»* consolidées, talusd’épierrage et contre-pentes surbaissées,basses ou hautes terrasses aux murettesbien appareillées en base de parcelle, ou barrant les vallonnements à fondsrelativement plats… Rares sont les parcelles de labours et àplus forte raison de vignes et d’oliviersqui ne soient soutenues et encadrées par une armature de pierre sèche enéchelons ou «restanque». Un regardattentif mesurera l’ingéniosité de cetaménagement, souvent en tramesrayonnantes autour des villages, comme dans les terroirs entourantTavernes ou Seillons. La raison en estsimple : sans ces aménagements, dans un espace au climat méditerranéen avecde violentes pluies d’automne succédantà de longues sécheresses et chaleurs,l’érosion des terres, presque partoutpentues, serait destructrice.D

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La vigneDans les paysages cultivés, la vigne estreine ; elle reste la culture omniprésenteet emblématique avec l’olivier quil’accompagne, plus modestement, danspresque toutes les communes. Premièrevenue, la vigne fut proliférante,envahissant tous les terroirs, après la crise du phylloxera : pentes et plansde Seillons, de Brue-Auriac, de Pontevès,cuvette de Tavernes, penchants et plansde Barjols et de Varages, fonds de la«gouttière» de Saint-Martin-Esparronet même fonds de vallons et pentes des «colles» de Bras. Elle occupaitrécemment 1275 ha au total dans

les neuf communes soit plus du tiers dessurfaces agricoles travaillées. Mais degrandes différences paysagères et socio-économiques existent entre les communes.Certaines restent fondamentalementviticoles : Seillons, avec 63 % de terrescommunales utilisées en vigne, Bras,58 %, Brue-Auriac, 52 %. Mais, dansles communes septentrionales, un grandrecul a eu lieu. La vigne a perdu près de50 % de sa surface en 30 ans. Cecis’explique par plusieurs raisons : le climat, la structure foncière (exiguïtédes propriétés de nombreux petitsexploitants constituant la modestedémocratie viticole des coopérateurs),des encépagements améliorateurs insuf -fisants, des caves coopératives trop petitesmatériellement et technologiquement,

Profonde mutation des paysagesDans le monde contemporain du Haut-Argens une mutation socio-démogra -phique importante est en train de changerprofondément les rapports des hommesau paysage et aux communautés. Les agriculteurs, base de la société locale,constructeurs et « jardiniers» de l’espacesont de moins en moins nombreux : 334au total dans les neuf communes, dontseule ment 92 «agriculteurs profession -nels», pour une population totale quiavoisine 12000 habitants. Les vieuxvillages du Moyen Âge et des XVIIe etXIXe s. s’étoffent de villas et de petitslotissements pavillonnaires, du pourtourde Seillons aux basses pentes dominantTavernes et de Bras à Brue-Auriac. Dans ces nouvelles résidences s’estinstallée aussi une nouvelle population,en grande partie «pendulaire», allanttravailler quotidiennement vers lescentres d’activités fixés sur la N 7 etl’autoroute, mais aussi vers Marseille et sa région.

8 9

Paysage de restanque à Bras.

Culture d’oliviers en restanques.

* ribe

bord d’un champ.

une baisse de la consommation de vinen France et une concurrence des vinsétrangers. Le fait est que plusieurs cavescoopéra tives, construction collectiveembléma tique de la vie économique dela commune depuis les années 1910-1920, ont fermé ces dernières années. Le maintien de la vigne, dans lespaysages et l’économie, s’explique parun réencépagement de qualité et unemodernisation – concentration descaves restantes et développement desgrands domaines aux caves privéesdynamiques.Dans les paysages viticoles, on apprécierafacilement les profondes différencestechnico-économiques entre viticulteursen observant la juxta position entre les petites vignes encore plantées en«gobelets» traditionnels et les parcellesviticoles aux vignes linéaires modernes,aux sarments tirés en cordons sur fils defer, prêtes à la vendange mécanique. Le classement en appellation «Coteauxvarois en Provence» (72 % de la super -ficie viticole) a beaucoup contribué àaméliorer la qualité, à revivifier uneculture menacée.

Page 7: La Villes et Pays d’art et d’histoire Le pays de la

L’Antiquité romaineC’est à partir du milieu du IIe s. av. J.-C.que les Romains entreprirent de s’établirprogressivement en Gaule méridionale,plus précisément en se rendant maîtresen 125 des territoires occupés par lesLigures et les Salyens, précédemmenthellénisés par l’inter médiaire des coloniesmassaliotes du littoral (Marseille, Olbia,Antibes et Nice). Quelques années plustard, tout le midi et le sud-est de la Gauleformaient la Provincia, la provinceromaine par excellence, qui fut dès lorsprogressivement mais intensémentromanisée. En 22 av. J.-C., cette province,dont Narbonne était la métropole, pritle titre de Narbonnaise et c’est en faitavec l’époque d’Auguste (27 av. J.-C.-14apr. J.-C.) que les changements apportéspar la romanisation se firent réellementsentir dans l’ensemble du pays.Le territoire Provence d’Argens enVerdon, à l’écart des grandes voies decommuni cation et alors partagé entreles cités romaines d’Aix à l’ouest et de

Les plus anciennes tracesL’arrière-pays varois, entre la hautevallée de l’Argens et le Verdon, n’ajamais cessé d’être occupé par l’homme,mais, pour les périodes anciennes, lesrecherches y sont inégalement avancées.Ce n’est qu’à partir de l’âge du Fer (du VIIIe au Ier s. av. J.-C.) que lessources écrites grecques et latines et les découvertes archéologiques – qui ne cessent de s’accumuler au gré desprospections et des fouilles – autorisentune meilleure connaissance del’occupation de ces terroirs.

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Pour le deuxième âge du Fer (Ve-IIe s. av.J.-C.), Strabon et Pline nous apprennentque les populations de ce pays sont desCelto-Ligures, issus d’un vieux fondsindigène – les Ligures –, enrichis à partirdu Ve s. des apports celtes. La vallée del’Argens est alors intégrée dans le vasteterritoire de la confédération des Salyens,qui s’étend du Rhône au Loup et de la Méditerranée à la chaîne du Luberonet aux Gorges du Verdon. L’habitat estalors essentiellement un habitat groupéde hauteur, formant un réseau de villagesfortifiés, des oppidums : c’est le cas duGros Bessillon à Pontevès, du Castellasà Barjols, du Signal à Bras, du Collet duBiaou à Saint-Martin-de-Pallières, deMontmayon et de Bousque Boulène àVarages. Certains habitats se sont aussidéveloppés ponctuellement dans les plaines et les vallées. L’économietourne alors autour de l’agriculture, del’élevage, de l’artisanat et de la chasse.

Les noms de lieuxDe la période protohistorique datent aussiplusieurs toponymes que les linguistesont expliqués comme «pré-indo-européens». Ce terme conventionnelrecouvre des langues hypothétiques anté -rieures aux langues du bloc continentaleurasiatique. C’est à cette origine qu’onpeut sans doute rattacher des noms liésà l’eau comme celui du Var, de Varages,à partir d’un radical hydronymique*VaR- ou celui de Bras, dont le thème*br-asc- désignait la boue, la terreimbibée d’eau, ce qui était le cas avantque les Romains ne drainent le grandmarécage de cette plaine. Quant au nomde Barjols, il remonterait à un radical*BaR-G désignant un rocher ou unehauteur ; et Brue-Auriac viendrait duceltique *brucus, la bruyère.

Fréjus à l’est, est dès lors intensémentmis en valeur, ce dont témoignel’accumulation des données livrées parl’archéologie. On y trouve,essentiellement dans les vallées fertiles,un habitat rural dispersé relativement dense– 70 sites d’habitat ont été à ce jourlocalisés dans les neuf communes dontune douzaine de grandes exploitationsrurales (villae), comportant chacune unepartie agricole (pars fructuaria) et unepartie résidentielle (pars urbana),quelquefois alimentées par de petitsaqueducs (Bras, Seillons). Aucuned’entre elles n’a été à ce joursystématiquement explorée, mais toutesont livré, par prospections oudécouvertes fortuites, des vestiges de bâtiments et de matériaux deconstruction, des sols mosaïqués oubétonnés et, en quantité, des vestiges de mobilier (vaisselle en céramique ouen verre, objets métalliques de toutessortes, outils agricoles, pressoirs, grandesjarres pour le vin ou l’huile – dolia*)…C’est le cas à Gigery, à Saint-Étienne età Saint-Jaume à Barjols ; aux Esclaveauxà Pontevès ; à la Ségueiranne et à Cantarelle à Brue-Auriac ; à Fontcouverte-Le Carteret à Bras ; à la Rouvière à Seillons ; à Notre-Damedu Revest à Esparron etc. Des sites decimetières ont été également repérés à Brue-Auriac (les Gravières, IIIe s.), à Seillons, à Saint-Martin (la ferme duLogis), et des inscriptions funéraires àBras (la Plaine Saint-Jean) et à Esparron(N.-D. du Revest, où elles sont déposéesdans la chapelle). À en juger par le mobilier mis au jour, tous ces sitessemblent avoir été occupés continûmentdu Ier au Ve s. de notre ère. Ont égalementété repérés dans le même secteur desfours de métallurgistes (les Ferrièresà Pontevès) et des fours à tuiles (laTuilière à Bras).

La villa du RevestParmi tous ces sites gallo-romains, l’un des plus riches est sans doute la grande villa du Revest à Esparron.Outre le mobilier important de la parsurbana, de nombreux fragments dedolia, des éléments de cuves, de sols enbéton de tuileau, de pressoirs encore enplace et d’un silo laissent penser qu’il yavait là une villa viticole importante quia pu perdurer pendant six siècles. C’esten outre sur ce site que fut édifiée auXIIe s. la chapelle Notre-Dame duRevest, relevant de l’abbaye Saint-Victor de Marseille. À bien des égards,ce lieu attachant et riche d’histoireméritait son classement au titre desMonuments historiques et des Sites.

Toponymie latineEnfin, c’est du temps des Romains quenous viennent aussi un certain nombrede noms de lieux-dits et d’agglomé -rations : Tavernes (du latin tabernae)nous rappelle que des auberges-relaisexistaient sur la voie qui allait de Saint-Maximin à Riez ; Auriac est un de cesnoms de domaines en -acu formés surun gentilice* gaulois, Aurius, ce quidonna Auriacum; et le nom du fleuveArgens a été formé sur l’adjectifargenteus. Enfin, si le nom d’Esparronvient bien du provençal esparroun,ce n’est qu’en raison de l’héritage dubas latin sparro (barreau, barre, pourévoquer sans doute la barre rocheuse).

10 11

Oppidum de

Montmayon

(Varages).

Inscription provenant de l’ancienne villa

du Revest à Esparron-de-Pallières.

Statuette romaine.

Biface préhistorique.

La longue histoire des hommesDans ce pays calcaire, riche en forêts, en rivières et en sourcesabondantes, l’homme a trouvé à toutes les époques une terreutile à sa subsistance, favorable à son activité et propice àses refuges comme à ses résistances.

Pièce de monnaie

à l’effigie d’Auguste.

* dolia

grosse jarre en terre cuite

gentilice

nom porté par tous les membres

d’une même gens (famille, clan)

chez les Romains

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L’apogée médiévalL’essor démographique et le dévelop -pement des campagnes atteignent unsommet au début du XIVe s. Quinzecommunautés d’habitants existent alorssur le territoire. Tous les villages pourvusd’une enceinte débordent des remparts.Bourgs neufs et bourgades fleurissent.Les maisons construites à la chauxdominent, mais 20 % des bâtiments sontencore en matériaux non liés (casaux).À Barjols, la collégiale est rénovée(chœur et première travée) ; un couventd’Augustins prend le relais des Frères du Sac qui étaient présents dès 1251 ; le comte de Provence, devenu en 1278propriétaire du château, crée en 1322une nouvelle circonscriptionadministrative ayant pour chef-lieuBarjols et y installe une cour de justice.Les châteaux seigneuriaux setransforment (Pontevès, Saint-Martin).La hiérarchie des villages est biendifférente de l’actuelle.

Le temps des crises : 1350-1480L’absence d’innovation ainsi qu’unesuccession d’épisodes frais et d’étéspourris, à partir de 1303, rendent fragilel’équilibre entre la production agricoleet la population. C’est donc dans uncontexte de famines que survient la Grande Peste de 1348. À cetteterrible épidémie et ses retours fréquentss’associent des troubles militaires liés à des problèmes dynastiques.L’impact de ces malheurs estconsidérable et durable. Barjols perd50 % de ses habitants entre 1346 et1365, 71 % entre 1346 et 1437. Auxmortalités s’ajoutent les destructions des gens de guerre. Les communautésd’habitants les plus fragiles sontdésertées en premier (Auriac, La Bastidedu Prévôt, Bezaudun, La Bastide dePontevès, La Bastide d’Esparron), puis dans le premier tiers du XVe s.,Brue, Saint-Estève et Pontevès sontabandonnés. Leurs habitants vont se

réfugier derrière les remparts (Barjols,Esparron).Au XVe s., avec la dépopulation, lesseigneurs ont développé considérablementl’élevage, ovin en particulier, profitantdes terres abandonnées. Ce secteur estun des lieux de rassemblement etd’hivernage d’importants troupeaux. En 1425, 7000 bêtes sont regroupées à Esparron.L’enquête de 1471 montre que le nombrede feux* a diminué de 71 % depuis ledébut du XIVe s. Sept sites d’habitat sur15 sont définitivement désertés.Esparron compte 14 feux, Bras 12,Seillons 8 et Saint-Martin 3. Seuls,Barjols avec 121 feux, Varages avec 57et Tavernes avec 42 demeurent desvillages conséquents.

Le Haut Moyen ÂgeCette période est très mal documentée.Les textes sont quasi inexistants et les données archéologiques rares. Aux troubles dynastiques s’ajoutent, à la fin du IXe s. et durant le Xe s., une succession de raids sarrasins. La Provence intérieure est d’aborddésertée, puis après la prise du Freinet(972), commence, sous l’autorité desgrandes familles, la reconquête desespaces délaissés.Le prieuré d’Esparron qui avait succédéà une villa gallo-romaine à l’époquecarolingienne est «détruit par les païens»,vers 920. Le Petit Bessillon à Pontevèsporte des vestiges d’habitat du HautMoyen Âge. Entre Saint-Martin etVarages existe une «église fondée enl’honneur de sainte Marie aux tempsantiques, sur le mont appelé Valanzola»comme le rappelle une donation de la findu XIe s. De nombreux lieux de cultes quisont donnés ou rendus à l’Église durantle XIe s., datent du Haut Moyen Âge.D’autres signes indiquent l’abandon etla déstructuration des terroirs. Les textesfont référence à des termes globalisantspour désigner les lieux: territorium, locum,val. Encore vers 1050, ils mentionnentdes maisons (casae) en ruine.L

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De l’An Mil à la fin du XIIIee siècleLa mise en place du réseau castral (XIe-XIIe s.)À partir d’un habitat dispersé dontl’existence est attestée à Tavernes et àBrue, la population se regroupe peu àpeu autour de points forts (Pontevès,Esparron, Saint-Martin, Seillons, Brue,Auriac, Varages, Saint-Estève, Bezaudun,Bras) ou d’églises (Barjols, Tavernes,Varages). Ce mouvement de concen -tration de l’habitat s’opère aux XIe etXIIe s. alors que la population croît. La nécessité de nourrir des habitantstoujours plus nombreux pousse àconquérir de nouvelles terres à la péri -phérie des terroirs. Ainsi naissent, à partir des années 1175, de nouvellescommunautés d’habitants : les Bastides(d’Esparron, du Prévôt, de Pontevès).

Un carrefour d’influencesCe territoire est au point de jonction de trois évêchés (Aix, Fréjus, Riez). Dès le XIe s., l’implantation monastiquey est forte. L’abbaye Saint-Victor deMarseille a en charge la plupart desprieurés (à Bras : Saint-Eucher ; à Esparron : Saint-Jacques et N.-D. ; àSeillons Source d’Argens : Saint-Pierre ; à Pontevès : Notre Dame; à Barjols :Notre Dame; à Brue : Notre Dame; à Auriac : Saint-Syméon). Alors queMontmajour, directement ou par l’inter -médiaire de Correns, reçoit Varages,Bezaudun et Saint-Martin. La géographieecclésiastique se modifie au cours duXIIe s. avec l’émergence des paroisses etle développement de nouvelles entitésreligieuses (collégiale de Barjols,Templiers à Bras, monastère demoniales de La Celle).

L’influence des grandes familles sur le territoire, partagé au XIe s. entre lesPontevès, les Baux-Rians et les vicomtesde Marseille, se dilue au fur et à mesurede la fragmentation de l’espace, de ladissolution des patrimoines seigneuriauxet de la progression du pouvoir comtal.Deux principaux axes de passageirriguent ce territoire. Une voie ouest-estparallèle à la voie Aurélienne, reliantAix à Draguignan, passant aux abordsd’Esparron, Saint-Martin, Varages etTavernes. Des routes nord-sud, desplateaux céréaliers de Haute-Provencevers la côte. La route du sel, arrivantd’Hyères et de Toulon, passe notammentpar Brignoles, le pont de Châteauvert,Barjols et file vers Riez par Tavernes etle pont de Quinson. Une autre branchecroise la voie Aurélienne à Saint-Maximinet remonte par Seillons, Brue et Varages.L’activité tourne autour des produitsagricoles et de leur transformation. Les établissements religieux semblents’intéresser précocement à l’élevage,pratiquant dès le XIIe s. la transhumance.Partout où l’eau peut être canalisée,l’énergie hydraulique anime des moulins.Un artisanat naît alors autour du traite -ment de la laine et des peaux, spéciale -ment à Barjols et à Varages où s’allientl’abondance de l’eau et la déclivité.

12 13

Chapelle templière de Bras.

Ancien castrum Saint-Pothin à Varages.

Porte des Externes à Barjols.

* feux

unité de compte fiscal du Moyen Âge

correspondant à un foyer

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Grasse en 1589. Son neveu Gaspard dePontevès-Carcès poursuit la lutte avecses parents, H.-L. de Castellane-Bezaudun, B. de Castellane-Ampus etJ. de Castellane-la Verdière. Contrel’héritier du trône, le protestant Henride Bourbon (futur Henri IV), la belle-sœur de Vins, la comtesse de Sault, fait appel à Charles-Emmanuel, duc de Savoie et neveu d’Henri II, dont les troupes passent en 1590 le Var et avancent jusqu’à Signes, occupant la plupart des petites villes fortifiées,dont Barjols. À Esparron-de-Pallières,elles se heurtent à la résistance duseigneur retranché dans son château,Charles d’Arcussia, fidèle à l’héritierlégitime. Le duc parvient en novembrejusqu’à Aix mais le Parlement refuse de le proclamer comte de Provence. Il est battu le 15 décembre 1591 parl’armée royaliste à Vinon. Les Savoyardsrepassent le Var en mars 1592.

La conjoncture économique des XVIIe-XVIIIe sièclesL’économie agricole de cette partie de la Provence connaît aux XVIIe et XVIIIe s.trois phases. Dans la décennie 1590commence un long siècle de croissancequi s’achève vers 1690. Cette croissance,atypique pour la seconde moitié du siècledans le contexte français et européen,serait suscitée par la poussée de lademande alimentaire, due à l’augmen -tation de la population. Elle a pu êtrerendue possible par des défrichements,la remise en culture de terres et laconquête, parfois imprudente, des frichespentues. Il semble qu’une phase demarasme s’installe ensuite vers 1690 etdure plusieurs décennies. Puis de 1730 à 1785, revient un temps de croissancemodérée, qui ne retrouve pas l’élan decelle du XVIIe s.

La démographieS’il est difficile d’estimer la populationdes XVIe et XVIIe s., l’on dispose de deuxdénombrements pour le XVIIIe s., celuiattribué à l’intendant Lebret en 1716 etcelui de 1765, dit d’Expilly, du nom deson éditeur, organisé par l’administrationdu Pays de Provence. La hiérarchie desagglomérations qui s’en dégage met aupremier rang la petite ville de Barjols,560 familles et 2988 habitants en 1716,2454 en 1765. Viennent ensuite desbourgs ou «villages urbanisés»,agglomé rations d’environ un millierd’habitants qui présentent des aspectsurbains en réduction : Tavernes, 1530 habitants en 1716, 1260 en 1765,Varages, 995 en 1716 et 1124 en 1765,Bras, 965 habitants en 1716 et 1004 en1765. Brue tendra à rejoindre ce petitgroupe à la fin de l’Ancien Régime.Des villages se situent autour de 500 habitants dans les deux dénom -brements : Esparron-de-Pallières (493 et 568), Pontevès (680 et 521), Saint-Martin-de-Pallières (290 et 451). Parmi les très petites localités, Seillonspasserait de 238 habitants en 1716 à164 en 1765. Bezaudun et Auriac-Saint-Estève ont 48 et 41 habitants en 1716 ettoutes deux 93 en 1765. La Bastide duPrévôt (la Bastidonne) a 58 habitants en1716, 50 en 1765. Devenues communes en1790, elles seront toutes trois rattachéesà une commune voisine en 1840.

Réforme catholique et art baroqueAu cours du XVIIe s. la Réformecatholique issue du Concile de Trente(1545-1563) entre progressivement enapplication à travers la Provence. Ellesuscite un regain de ferveur qui se traduitpar la reconstruction, l’agrandissementou la création d’églises et chapelles(ainsi Notre-Dame-de-Bellevue àTavernes) et surtout le renouvellementdu mobilier des églises (retablesbaroques sculptés, orgue de Barjols). De nombreuses confréries pieuses delaïcs se créent : du Rosaire, des Pénitents.Ces derniers revêtent pour les processionset enterrements un «sac» à cagoule quileur assure l’anonymat; ils ont leur proprechapelle (Bras en eut deux). Barjols avaitdéjà un couvent de religieux Augustins,qui fut reconstruit au XVIIe s. Les religieuxde l’ordre du Carmel s’y installent etcréent une étonnante église troglodytique.S’y établissent aussi les Ursulines,religieuses qui tiennent un pensionnatde jeunes filles.

Vers la Renaissance : 1480-1560 Certains signes ne trompent pas quiannoncent la fin des calamités. Les seigneurs facilitent l’installationd’habitants étrangers à la région.Pontevès, inhabité vers 1430, est repeuplépar une trentaine de familles ligures en1477. Même sur les terroirs désertés, les terres sont remises en culture. Les habitants des villages voisins yconstruisent des «bastides», occupéesseulement au moment des gros travaux.Brue en compte 29 en 1540. Paysage debastides isolées qui persiste de nos jours.Certains seigneurs récupèrent à leur profitles terres délaissées, créant de grandesentités foncières encore repérables(Saint-Estève, la partie est de Pontevès).Les villages se transforment. Certains Des

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secteurs sont délaissés, comme la collineSaint-Pierre à Bras. De nouvelles placessont créées à l’extérieur des enceintes.Les maisons de notables portent la marque de ce renouveau. À Barjols,les Pontevès marquent leur rang par le portail en façon d’arc de triomphe. À Bras, la maison dite « la Solaire »s’habille de fenêtres à meneaux. Le désir de restaurer et d’agrandir les églises s’exprime également, commeà Barjols. En 1518, la population apresque triplé depuis 1471, et mêmepresque décuplé à Bras. C’est direl’impression de renaissance qu’ont dû ressentir les contemporains. Mais sa répartition et la hiérarchie des villages n’ont plus rien à voir avecce qu’elles étaient en 1300.

Sous l’Ancien Régime, Bras, Seillons,Esparron et Saint-Martin-de-Pallièresforment la partie orientale de la viguerie(circonscription fiscale et judiciaire) deSaint-Maximin ; les autres communesconstituent le cœur de celle de Barjols.L’ensemble dépend de la sénéchausséede Brignoles, siège d’un tribunal plusimportant.

Un bastion des guerres de ReligionLes grands lignages de la noblesse localejouent un rôle de premier plan pendantles guerres de Religion. Dès 1561,Durand de Pontevès, seigneur deFlassans, et son aîné, Jean de Pontevès,comte de Carcès, sont les chefs du Particatholique. Lorsqu’en 1562, le roi meten vigueur le premier édit qui autorise le culte réformé, Pontevès-Flassansmassacre les protestants de Tourves et s’enferme dans Barjols. Le comte de Tende, gouverneur de Provence, et le chef du parti protestant, Richieu de Mauvans, prennent d’assaut Barjols ;600 catholiques auraient été massacréset les reliques de saint Marcel brûlées.Après la mort de Pontevès-Carcès en 1582, son neveu Hubert de Vinsorganise la Ligue catholique avec les «Carcistes», mais il est tué devant

14 15

Charles d’Arcussia.

Porte de l’hôtel des Pontevès à Barjols (1532).

Groupe statuaire de l’Assomption,

église de Saint-Martin-de-Pallières.

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Au lendemain de la RévolutionEn 1790, la Provence est administra tive -ment partagée en quatre départements,dont le Var qui devient un départementfrontalier – le fleuve du même nommarquant la limite avec la Savoie. De ce fait, le Var est en première ligneavec les guerres de la Révolution. Les Varois ont d’abord largement adhéréaux idées nouvelles comme le prouve la vitalité des sociétés populaires,comme celle de Barjols. Mais ils sedivisent entre royalistes et républicains,entre jacobins et fédéralistes. De nombreuses violences ont lieupendant une dizaine d’années. Les forêtsdu nord-ouest du Var et le Bessillondeviennent des zones refuges et debrigandage pour les bandes composéesde royalistes et de déserteurs. À Varageset Tavernes, on note les méfaits de bandesbien organisées – parmi lesquellesquelques femmes ! – capables, nonseulement de s’attaquer aux voyageursisolés, mais aussi d’opérer des descentesdans les villages.Les clivages nés de la Révolutionmarquent profondément la région etsont à l’origine de la coupure entreBlancs, cléricaux, royalistes, quidominent sous la Restauration et mêmeaprès, et les Rouges, républicains,anticléricaux. Les uns et les autress’organisent en cercles et chambrées.Mais de ces années d’insécurité émerge,chez les autorités, l’image d’un paysdifficile, indiscipliné et qu’il faut tenirfermement. L’opposition à cettepolitique autoritaire a joué un rôle dans la maturation d’un désir collectifde résistance et de liberté.L

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L’économieL’arrière-pays varois, avec le XIXe s., ne change pas fondamentalement dephysionomie. Il demeure majoritairementagricole, avec la perdurance de manu -factures locales : faïenceries, tanneries,papeteries, tuileries. Les piliers del’économie restent l’olivier, la vigne, le blé et l’élevage du petit bétail(moutons, chèvres, cochons). Et cela nechangera guère jusqu’aux années 1950.Les cultures sont souvent associées surles mêmes terres, selon le système desoulièro ou des fiélagno, termes locaux – qui ont perduré jusqu’à nos jours –pour désigner l’alternance de rangées deceps et de bandes de blé ou de légumes.L’espace cultivable est récupéré sur les pentes par les terrasses de culturesou restanco, plantées en vigne. L’huiled’olive, récoltée partout, est à la foisune culture utile (pour la nourriture,l’éclairage au calen ou la savonnerie) et une culture «sociale» à la portée debeaucoup par la facilité d’acquisitiondes vergers et le travail que la cueillette,

les olivades, puis le moulinage fournitau début de l’hiver. Cette ressourceessentielle va être durement touchée par le gel de l’hiver 1820 qui décime les arbres par milliers.L’élevage fonctionne en partie de façonsolidaire avec l’agriculture par la pratiquedes vastièro, garde des troupeaux depassage dans les vergers pour les fumer.Le berger sans propriété foncière,l’herbacié, «achète des herbes» c’est-à-dire le droit de faire pâturer les troupeauxsur tel coin de plan ou de colline.Seules, les grandes bastides ont assezd’espace et d’aisance pour nourrir leurbétail. Selon les saisons, les bêtes sedéplacent dans un aller-retour de petiteet grande transhumance le long des largespistes qui leur sont réservées, les carraires,encore empruntées aujourd’hui par lesrares bergers qui transhument à pied.La forêt qui couvre la plus large partiede ce nord-est varois et qui offre de multiples ressources, est soumise à d’importants défrichements après la Révolution: le bois sert à la menuiserie,à la confection des outils, au chauffagedes maisons et du four banal, àl’exploitation de l’écorce des chênespour les tanneries ; et peu à peu, ellerecule devant l’olivier qui grimpe, surles terrasses, le long de ses pentes.

La production agricoleLes productions de Barjols et de la plupartdes communautés de sa viguerie sont,selon le dénombrement de 1716 : «blé, seigle, orge, avoine, vin, huile,fruits, légumes, amandes, noix et peu de fourrages et de chanvre et de soie». La polyculture méditerranéenne associesouvent «en complant» des culturescéréalières de plein champ à des rangsd’oliviers ou de vignes, parfois aussid’amandiers. La production de foin estmodeste dans ces vallées où la terrealluviale est en bonne partie consacrée à quelques chènevières* et surtout auxcultures maraîchères et fruitières, irriguéespar des dérivations des cours d’eaux oumême arrosées à la main. Les fruits sonten particulier des prunes destinées à êtreséchées, dites couramment «Brignoles»,car la ville voisine s’en est fait unespécialité depuis le XVIe s. Le noyerproduit à la fois des fruits secs, de l’huileet un bois recherché pour l’ameublement.Un petit élevage de vers à soie sous-entenddes mûriers. Il convient d’ajouter l’impor-tance de l’incult, la « terre gaste» quisert de terrain de parcours aux troupeauxet les espaces boisés. L’enquête ovine de 1782 compte 13342 moutons danscette partie de la viguerie de Barjols.

Des activités industriellesmultiplesBarjols et les communes voisines tirentparti de leurs cours d’eaux et leurssources pour transformer toutes sortesde produits. Dès le XVe s. des activités de tannerie existent ; en 1608 Henri IVaccorde des privilèges au sieur Vaillantpour installer à Barjols une tannerie quitraite les peaux des troupeaux locaux etcelles venues des Préalpes. L’on trouveaussi, là où la force motrice de l’eaupeut être utilisée, des moulins à farine età papier – 2 de ces derniers à Barjols et2 à Varages en 1758. Enfin un tissagediffus des «cadis», draps grossiersdestinés aux habits des soldats, marinset paysans.Deux communes eurent une histoireoriginale. À Varages, la vieille activitédes potiers est métamorphosée en 1695lorsqu’un membre de la famille desfaïenciers Clérissy de Moustiers yinstalle une faïencerie. Une enquête de 1740 y signale aussi que le sieur

«de Caila» (Queylard?) y a installé une verrerie qui occupe sept ouvriers etconsomme 70 à 80 quintaux de bois parjour, pris dans ses propriétés. Il fabrique« les pièces difficiles, comme fanaux,chandeliers, compotiers, piècesnécessaires aux physiciens, chimistes,parfumeurs, lampes, bénitiers, etc.».Plus étonnante encore est la destinée deBrue. Ce village est « inhabité» en 1471;il compte 23 familles et 98 habitants en1716 et 832 en 1765. La seigneurie aété acquise en 1746 par un négociantmarseillais, Georges Roux de Corse(1703-1792), enrichi par le commercedes Antilles. Il obtient du roi en 1750son érection en marquisat et y crée unvillage nouveau. Il le dote de troistanneries, une chapellerie, cinq ateliersde textile lainier et cotonnier et unegrande manufacture «pour le tirage, la filature et le moulinage des soies»,pour laquelle il espéra vainement obtenirun privilège royal. Des revers de fortunele conduisirent à la faillite en 1774 et il mourut ruiné à Brue.

16 17

Un berger et son troupeau

dans le village de Saint-Martin-de-Pallières.

Assiette en faïence de Brue-Auriac

(musée de la faïence, Moustiers).

Cultures alternées (oullière).

* chènevières

champs de chanvre

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La République au villageComme les autres communes du Var,celles du Haut-Argens basculent vers la République au milieu du siècle, avecune forte aspiration à la liberté et à desidées sociales généreuses. Les populations ont fait l’apprentissagede la politique dans le cadre communal.Les cercles et les chambrées organisentcette vie démocratique locale, d’oùl’adhésion souvent enthousiaste à la République de 1848. Mais le coupd’État de Louis Napoléon Bonaparte en 1851 a des répercussions sanglanteset laisse des traces que les commémo -rations de 1901 et de 2001 ontlargement revivifiées. Une douzained’habitants de Bras furent emprisonnésou déportés en Nouvelle-Calédonie ou en Algérie. Cet événement estparticulièrement populaire à Barjolsavec le drame de Louis FerdinandMartin dit «Bidouré», un jeuneBarjolais « fusillé deux fois» (blessé,puis repris et exécuté) qui symbolise la résistance varoise et ses nombreusesvictimes. En 1906, un monumentsculpté par Récubert lui a été élevé, qui compte désormais comme un lieu

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Les petites industries qui sont nées auxsiècles précédents connaissent leurapogée dans le premier quart du siècle,et particulièrement les tanneries deBarjols qui enregistrent là leur plus grosdéveloppement. On y tanne essentiel -lement des peaux de bovins destinées àla chaussure. Les centaines d’employésqu’elles font vivre donnent à ce grosbourg terrien un caractère de petite citéouvrière à l’heure des entrées et dessorties du personnel, ponctuées par lesappels stridents des sirènes des usines.

La populationElle se groupe majoritairement dans les«villages urbanisés», dont Barjols, Brue-Auriac et Varages sont de bons exemples.Là se côtoient des nobles revenus auvillage, des notables-industriels (dont les«fabricants-tanneurs»), des «bourgeois»post-révolutionnaires, des négociants,des artisans, des marchands et aussi desouvriers et des paysans, au sens provençalde païsan, «cultivateur habitant le village». Entre 1765 et 1814 la population descommunes a globalement augmenté,

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Barjols, place Victor Hugo au début du XXe siècle.

tendance confirmée dans les décenniessuivantes où Barjols, Bras, Tavernes etVarages ont atteint une densité jamaiségalée depuis (plus de 3000 habitants àBarjols en 1814 et autour de 1500 dansles trois autres localités).Dans les campagnes, restent les meinagié,propriétaires-agriculteurs riches oufermiers qui habitent les gros domaines,et vivent à l’écart du village, ce qui lesfera pencher vers des positions conser -va trices et traditionalistes avec le soucide maintenir des régimes politiquesgarants de leurs possessions.

Monument dédié à Louis Ferdinand Martin

dit « Bidouré », à Barjols.

Le cercle de l’Avenir à Barjols.

de mémoire dans sa commune natale.Cette « tradition républicaine» seconfirmera dans les décennies suivanteset jusqu’à la fin du XXe s., donnant lieu,dans les années 1909 à 1925 à un vifsuccès du mouvement coopératif, avecla création de 11 coopératives vinicoles,implantées dans toutes les communes de l’actuelle communauté Provenced’Argens en Verdon et dont trois seule -ment subsistent dans le sud du territoire,à Bras, Brue-Auriac et Seillons.

Une toponymie commémorativeDans plusieurs villages, les noms de rueset de places portent la marque desidéaux républicains. Alors qu’à l’échelledes petites communes a perduré jusqu’ànos jours une toponymie traditionnelle,d’usage – où chaque rue porte le nomd’un repère bien connu et fréquenté(l’église, la «clastre» (presbytère), le château, le four, le cimetière, la fontaineet la «Foux» (source) – la commune deBras est un panthéon des personnagesde la première République (le généralBonnaud, officier de l’armée) et surtoutde la troisième (Sadi Carnot, Jules Guesde,Camille Pelletan, Paul Doumer, AristideBriand). Les espaces publics gardentaussi la mémoire des événementsrépublicains : places de la République,du 14 Juillet, rue du 24 Février 1848(proclamation de la deuxièmeRépublique)… Même de façon plusdiffuse, ces noms se retrouvent dansd’autres villages du territoire.

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Aujourd’hui et demain ?La vie des campagnes a perduré selonles mêmes méthodes de faire-valoirjusqu’à l’arrivée massive de la mécani -sation agricole qui ne s’est généraliséequ’au lendemain de la Seconde Guerremondiale. C’est à ce tournant des années 1950 ques’amorce un changement économique,social et culturel, avec l’arrivée de l’eaucourante dans toutes les maisons maisaussi avec l’abandon progressif de la langue régionale, affaiblie parl’institution de l’école laïque et del’enseignement en langue française, par les deux guerres et surtout par les nouveaux impératifs du marché du travail. La déprise agricole en effets’accélérera à partir du dernier quart dusiècle et transformera à la fois lesmentalités, la physionomie des villageset leur environnement naturel. C’estdans ce demi-siècle que l’on passe enquelques années, «de l’ère de lacharrette à l’ère de l’ordinateur».Les nouvelles populations de «rurbains»ont racheté les bastidons abandonnés,construit de nouvelles villas«provençalisées» par les promoteursaux confins des villages ou sur les pentesdes collines qui n’échappent pas toujoursau mitage de l’espace. Les communes se repeuplent enaccueillant des habitants travaillant à la ville ou des résidents secondaires, ce qui ne favorise pas le redéploiementdes activités commerciales locales. En revanche le mouvement associatifpostmoderne qui se fait jour partout, la fête où se célèbrent les traditions du

passé, la foire et le marché où s’exposentles «produits du pays», l’école où semélangent les enfants d’ici et d’ailleurssont autant de facteurs qui favorisentl’interconnais sance et le brassage socialet culturel. Dans ce Var intérieurcontemporain resté préservé, un autremonde naît…

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D’un siècle à l’autreEn 1889, le « train des Pignes» varoisest construit. Cette voie ferréeMeyrargues-Nice inaugurée en 1901,qui passait par Esparron-de-Pallières,Saint-Martin-de-Pallières, Varages,Barjols et Pontevès, a constitué un liensocio-économique important. Disparue en 1950, elle est entretenue dansla mémoire collective, en parti culier parle souvenir des femmes de chefs de garesqui régnaient sur les petits bâtimentsdevenus un élément du patrimoineimmobilier. L’exode rural du dernierquart du XIXe s. a vidé les villages d’une partie de leur jeunesse. La Grande guerre a creusé ce vide, si l’on en juge par les monuments aux morts érigés sur toutes les places – entre 6 et 9 % de la population desvillages a été décimée. Quant à celle de39-45, elle a certaine ment ravivé l’espritde résistance varois forgé au XIXe : cetterégion protégée, éloignée des grands

axes et des grands centres, a été commetoujours une zone de refuge parexcellence et de passage des maquis (fin1943-1944). Résistants et réfractairespouvaient compter sur la connivenced’une grande partie de la population de toutes les bourgades. Divers réseauxont pu installer leurs émetteurs ici(Barjols, Varages, Seillons). Barjols etBrue-Auriac ont été durement touchéespar la répression allemande et les boisdu Bessillon gardent les traces des mortsdu 27 juillet 1944. Plusieurs monuments– dont deux oratoires – rappellent cettetranche d’histoire.

20La gare d’Esparron-de-Pallières.

Fête du pain à Seillons Source d’Argens.

Page 13: La Villes et Pays d’art et d’histoire Le pays de la

Les églises et les chapellesUn certain nombre, parmi les églises etles chapelles qui subsistent aujourd’hui,remonte au Moyen Âge. Et parmi celles-ci, beaucoup sortent de la crise des XIVe-XVe s. en mauvais état. Dès lesannées 1540-1550, avec l’accrois sementde la population, les communautésd’habitants se préoccupent de les réparerou de les agrandir. C’est le cas de la collégiale de Barjols dont ne subsistentque le tympan roman avec son Christ en majesté, quelques vestiges du cloîtreainsi que le chœur et la première travée(XIIIe s.) Certaines sont abîmées lors desguerres de Religion comme celle deTavernes. Pourtant, trois chapelles rurales– toutes trois classées comme de

remarquables témoins de l’art romanprovençal – ont échappé auxdestructions : N.-D. à Brue-Auriac, N.-D. de Bethléem, chapelle templière à Bras, et N.-D. du Revest à Esparron.Cette dernière, presque intacte depuis le XIIe s., se dresse dans un écrinexceptionnel de chênes centenaires, site classé en 1934.

Le mobilierL’esprit de la Contre Réforme et l’apogéedu catholicisme en Provence ont marquél’architecture religieuse et les décors deséglises qui ont été reconstruites ouagrandies au XVIIe s., avec, parfois le remploi de mobiliers antérieurs. La plupart sont dédiées à Notre-Dame,

telle la chapelle N.-D. de Bellevue, à Tavernes (de 1642, et que jouxte unermitage de 1643), et deux d’entre elles à N.-D. de l’Assomption. L’églised’Esparron est édifiée de 1605 à 1625,sur une terre donnée par le seigneurCharles d’Arcussia, et riche d’unmobilier classé (retables de Saint-Antoine et de Saint-Honorat, tableau duRosaire, tableau ex-voto…). Celle deSaint-Martin, construite par le châtelainPierre-Joseph de Laurens, est attenanteau château, avec un accès direct à unechapelle privée. On y lit l’influence del’architecture aixoise et sans doute cellede Pierre Puget, ami de la famille. Il enaurait dressé les plans et sculpté uneAssomption de la Vierge, œuvrecontemporaine du retable en bois doré.Du XVIIe s. date aussi N.-D. de Nazarethà Varages (1660-1669) qui a conservéune Vierge à l’Enfant du XIVe et desfonds baptismaux du XVe qui cohabitentL

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Mémoire des pierres : un patrimoine discretLa Provence d’Argens en Verdon est riche d’un patrimoinebâti qui recèle de petits trésors d’architecture, souventclassés au titre des Monuments historiques.

avec six retables en bois doré du XVIIe s. – dont celui de Saint-Pothin. La collégialede Barjols s’est enrichie en 1654 d’unsuperbe buffet d’orgues dû à Jean Pons. À Pontevès, le conseil de communautédécide de se doter d’une nouvelle égliseen 1666 : là aussi, un peintre aixois,Jean Daret, dessine les plans. Six retables baroques donnent éclat à une architecture très dépouillée.Durant le XIXe s., se poursuivent lesagrandissements des églises existantes,comme N.-D. de Nazareth à Varages ouSaint-Cassien à Tavernes. De nouvellessont construites : Saint-Georges (en l’honneur du refondateur de la ville,Georges Roux de Corse) à Brue-Auriac(qui ne restera ouverte au culte que de1858 à 1898) ; l’Immaculée Conceptionà Seillons (qui connaît à peu près le même destin: elle ne peut être utilisée).Des travées s’élargissent et du mobiliers’ajoute: vitraux et chaire de la collégialede Barjols, chaire de l’église d’Esparron,nouveaux retables, comme celui qui, ornéde colonnes de faïence blanche, est dédiéà saint Claude, patron des faïenciers àVarages. Des corps de bâtiments sontreconstruits à la suite de diverses vicissi -tudes telles que le tremblement de terrede 1887 qui endommage l’église Saint-Cassien de Tavernes.De nouvelles chapelles rurales s’édifient,comme celle de Saint-Étienne à Bras,dont une plaque affiche l’origine «Cettechapelle a été érigée à l’honneur de saintÉtienne par la libéralité des paroissiensde Bras l’an de grâce 1845.»Aujourd’hui couverte de graffitis quis’entrecroisent depuis le début du XXe s.,elle bénéficie d’un site agréablementaménagé dans la colline.Le XXe s. n’apporte pas de contributionsmajeures à l’enrichissement du patrimoinereligieux. La tendance est parfois mêmede le «reconvertir» à d’autres usages,

comme les couvents des Carmes et des Augustins, à Barjols, transformés en partie ou en totalité en tanneries ;comme l’église de Seillons devenue salleculturelle. Après la séparation de l’Égliseet de l’État, certaines municipalités ontsouhaité marquer l’entrée des édifices de culte dans le patrimoine communalen affichant sur les façades des églises la devise républicaine «Liberté, Égalité,Fraternité», comme à Barjols ou àVarages. C’est durant ce siècle queplusieurs édifices et un grand nombred’objets mobiliers ont été inscrits ouclassés au titre des Monumentshistoriques, ce qui assure leurprotection et leur sauvegarde, sinon leur réhabilitation.

Les oratoiresLa dévotion populaire a planté danstoute la Provence, et ici comme ailleurs,quantité de petits édifices religieux,modestes lieux de culte qui ordonnentl’espace sacré dans chaque village. La plupart de ceux qui sont encoredebout datent du XIXe ou du XXe s., les plus anciens sont du XVIIe s. Ils sontdédiés à des saints protecteurs, que l’onvénère pour leur notoriété dansl’histoire religieuse, ou leurs vertus deguérisseurs, ou encore en raison d’unelégende qui leur vaut la reconnaissancedes paroissiens. Il en reste une bonnecinquantaine sur l’ensemble descommunes, honorant une trentaine desaints et de saintes. Ils témoignent desdévotions d’autrefois qui vont icimajoritairement à saint Éloi, protecteurdu bétail, patron des maréchaux-ferrantset que l’on visitait en procession pour les Rogations*, tout comme saint Marcà Barjols et Esparron. Saint Joseph estvénéré dans quatre communes mais tousles autres dédicataires sont disséminéssur tout le territoire, avec parfois des

«doublons» comme saint Étienne à Bras,saint Pierre et saint Jean à Esparron quibénéficient chacun de deux oratoires,construits à des époques différentes. Ce qui est aussi le cas de Barjols qui, en 1945, éleva un second oratoire àsaint Marcel patron de la paroisse «quiprotégea la ville au cours des combatspour sa libération» en 1944. Dans cepays plusieurs fois ravagé par les grandesépidémies, il faut souligner la quasi-absence de saint Roch, guérisseur de la peste et la discrétion de sainte Marie-Madeleine, si populaire aux confins dece territoire mais qui n’est ici présentequ’à Barjols. En revanche, la Viergecompte presque un oratoire dans chaquelocalité – sous des vocables variés :Notre Dame, N.-D. de Lourdes, du BonSecours, des Champs, de Bellevue – quis’ajoutent aux nombreuses chapellesvouées à son culte.

Chapelle Notre-Dame

du Revest à Esparron-

de-Pallières.

Oratoire de

Saint-Éloi à

Esparron-de-

Pallières.

Maître autel de l’église de l’Assomption

à Saint-Martin-de-Pallières.

* Rogations

fête religieuse printanière au cours de

laquelle sont bénies les futures récoltes

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Les maisons de villageVillages et bourgs offrent une grandevariété de constructions, depuis les vastes bâtiments du XVIIIe s. auxpetites maisons villageoises serrées les unes contre les autres et construitessur plusieurs niveaux. Les impératifs de sécurité qui obligèrent l’habitat à se serrer autour de son château et à l’intérieur de ses remparts, sont encorebien lisibles dans les villages perchéscomme Pontevès, Esparron, Saint-Martinou Seillons, mais aussi dans les centresanciens des autres communes aux ruesétroites et aux hautes maisons, dont les génoises* et les portes décoréesparlent de la richesse ou de la notoriétéde leurs premiers occupants. Partout, les façades constituent un livre d’histoireà ciel ouvert, depuis les prestigieuxhôtels des plus anciennes familles dupays, dont celui des Pontevès à Barjols,aux plus modestes maisons ouvrières ou paysannes des milliers de gens quiont aussi façonné la physionomie desvillages.

Le « cabanon »Le complément des maisons paysannesde village, trop resserrées et manquantde place, était le cabanon, petiteconstruction au bord des terres, quiservait tout à la fois de cabane à outils,d’abri pour le paysan et de lieu derassemblement familial, festif, aumoment du repos dominical ou à la findes «olivades» ; et plus souvent encore,entre hommes, lors des riboto, repas dechasse, de vendanges, bien arrosés, sansfemmes et sans enfants, sorte de«cuisine à l’envers». En Provence varoise comme dans tout le Midi, les cabanons ont survécu aurecul de l’agriculture en raison de leurfonction symbolique dans la sociététraditionnelle. Ils restent aujourd’huifréquentés par les chasseurs, les vendangeurs et les cueilleurs d’olivesmais aussi par les familles chez quiperdurent à la fois le souvenir et le plaisir partagé de ces «dimanches au cabanon».

Tours et campanilesLe nom du campanile vient de l’italienoù ce terme signifie «clocher» pardérivation du latin campana qui désignaitla «cloche» tout comme en provençal.Dans ce contexte italien, le campanileétait une tour bâtie à proximité del’église pour servir de clocher, avant des’appliquer à l’édicule surmontant cettetour pour soutenir la cloche. Au XIXe s.les édiles républicains firent édifier unpeu partout des tours d’horloges pourconcurrencer celles des édifices religieuxet sonner une heure «civile» à côté dessonneries des offices.Terre depuis toujours balayée par le mistral et autres vents redoutables, on dit que la Provence a adopté cette

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Les châteaux entre parcs et muraillesLe territoire est riche en châteauxperchés sur leurs promontoires.Belvédères ouverts sur la Haute-Provence, comme ceux d’Esparron et de Saint-Martin, quasiment jumeauxpar la similitude de leur histoire et deleur situation. Pareillement perché, le château de Seillons, détruit à laRévolution, et reconstruit au XIXe s.Ou celui de Pontevès, inhabitable dèsles années 1720. D’abord ouvrages dedéfense, castellas médiévaux, ils ont étéprogressivement aménagés avant d’êtretransformés en demeures de villégiaturepar des seigneurs possédant des hôtelsparticuliers à Aix-en-Provence. Les anciens sites médiévaux fortifiés ontparfois été abandonnés définitivement et les demeures seigneuriales reconstruitesdans la plaine, comme à Bras et à Brue-Auriac, aux XVIIe et XVIIIe s. Certainesrésidences s’enrichissent alors, comme

à Seillons, de tèso (francisé en « tèses»),allées d’arbres où l’on tendait des filetspour piéger les oisillons, ou simplementde charmilles et parcs à la mode deVersailles, parfois créés de toute piècesur de la terre rapportée. Le parc duchâteau de Saint-Martin-de-Pallières enconstitue le plus bel exemple.

De la bastide au « bastidon »La «bastide», terme venu de l’occitan et qui recouvre, selon les régions, des réalités différentes, désigne ici les bâtiments des grands domaines,anciennes fermes seigneuriales (commeSaint-Estève), plus tard propriétés des«ménagers» du XIXe s. et aujourd’hui de leurs descendants ou de néorurauxviticulteurs, oléiculteurs, ou encored’étrangers ou de riches citadinsdevenus gentlemen-farmers. On enaperçoit depuis les routes, avec leursgrands pigeonniers et leurs nombreusesdépendances, comme l’Adret à Saint-

Martin, le Grand Adret à Esparron,Saint-Ferréol à Pontevès, Cantarelle ouColombe à Brue-Auriac et bien d’autres.Le pendant démocratique de la bastideest le «bastidon», calqué sur le diminutifprovençal bastidoun. C’est une fermemodeste, à l’écart du village, près de la colline. Construits à l’époque moderne,quand la croissance de la population,vers 1830, a obligé les cultivateurs à quitter le village et à s’installer auxmarges de l’espace cultivé. Ils sonttombés en ruines ou ont été reconvertisen résidences secondaires. Moins vastesque les bastides, ces fermes isolées surleurs anciens îlots de défrichement, sontsouvent une juxtaposition de bâtimentsqui s’ajoutaient les uns aux autres aufur et à mesure des besoins des hommes,des bêtes et de l’activité agricole. À noterque cet emboîtement s’est toujours fait,dans le passé, dans une harmonie de ligneset de couleurs qui assurait la parfaiteintégration de ces ensembles au paysage,harmonie que les récentes restaurationsn’ont pas toujours su voir et comprendre.L

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24 Campanile de Tavernes.

Château de

Saint-Martin-de-Pallières.

Ferme du Grand Adret, Esparron-de-Pallières.

Cabanon, vignes et oliviers.

* génoise

corniche composée d’une ou plusieurs rangées

de tuiles, caractéristique des maisons

provençales à partir du XVIIIe siècle

Page 15: La Villes et Pays d’art et d’histoire Le pays de la

Les pigeonniersLes pigeonniers sont par nature des lieuxoù le public ne pénètre pas et ils ontlong temps été des éléments oubliés de notre architecture. Des modestespigeonniers en mansarde dans un coindu bâtiment de ferme aux grandscolombiers seigneuriaux, le territoire en compte un peu partout dans la campagne ou à proximité deschâteaux. Là, ils rappellent par leurprésence le droit ancestral de colombier,attribut féodal depuis une ordonnancede 1368. Le plus spectaculaire est sansnul doute celui que fit construireGeorges Roux de Corse au milieu duXVIIIe s. sur la colline à Brue-Auriac. La commune le revendique aujourd’huinon seulement comme un monumenthistorique – classé en 2004 – maiscomme un ouvrage hors du communpar ses dimensions: plus de 6000 couplesde pigeons pouvaient y nicher dans plusde 8000 «boulins» !

Souvent abandonnés ou vandalisés,beaucoup de pigeonniers ont disparualors qu’ils ont été conservés dans lesparcs des châteaux ou des grandsdomaines, tels ceux de Saint-Martin, de Bras (1645), de la ferme du GrandAdret à Esparron ou de Tavernes.

Les lavoirs et les abreuvoirsAccolés aux fontaines, divers bassinsservaient à abreuver les bêtes (loubarquiéu), à laver le linge (lou lavadou)ou à le rincer (lou refrescadou).Beaucoup de ces aménagements ontsurvécu à l’arrivée de l’eau à l’évier et même à la diffusion des machines à laver. Dans cette région où les fontainessont particulièrement nombreuses, il reste donc un grand nombre de lavoirsanciens dont on sait qu’ils étaient un des lieux privilégiés de la sociabilité

féminine dans la vie du village. Espacesde rencontre, de transmission de secretset de savoirs entre femmes ; lieux deparole par excellence, de disputesmémo rables mais aussi espaces deliberté, les lavoirs, aujourd’hui désertés,restent étonnamment populaires dans la mémoire collective : beaucoup ont étérestaurés, voire fleuris et appar tiennentdésormais au patrimoine local.L’exemple le plus spectaculaire est sansdoute celui des lavoirs de Varages, le long du canal qui descend de lasource de la Foux. Mais il existe encorede beaux lavoirs couverts avec leursaménagements, comme à Barjols (lavoirde l’Hospice, du XVIIe s.), Saint-Martin(lavoir de la «Grande Fontaine», avecle remploi d’un petit autel antique dansl’un de ses murs), à Seillons ou à Bras,dans l’eau courante du Cauron.

structure métallique ajourée, résistanteet sans prise à l’air, qui pouvait, de surcroît, donner lieu aux créationsles plus diverses dans l’art de la ferron -nerie. Le Var ne fait pas exception àcette mode puisqu’on y a recenséquelque 250 campaniles. Mais il existedes campaniles sur des terres moinsventées… Qu’importe, il faut penser à lever le nez dans cette Provenced’Argens en Verdon pour découvrir ces couronnements décoratifs des toursvillageoises et des clochers d’églises,dont chacun constitue une œuvreunique, souvent forgée au XVIIe ou auXVIIIe s. Tels ceux de Barjols, en formede campanule, qui surmontent la Tourde l’Horloge (1715) et la mairie. Celui de Pontevès, au-dessus de l’égliseSaint-Gervais qui fut édifié au XVIIe. Ou encore celui de la Tour de l’Horlogede Tavernes, bel exemple de campanile«cosmogonique», représentant le système solaire selon Copernic, forgé par un «serrurier» du nom deJean-Baptiste Mouttet. Dans le mêmestyle, celui de Varages, sur le beffroi, est décoré de petites planètes gravitantautour du soleil qui domine le clocher.Une plaque rappelle la date de saconstruction : 1535. Le campanile deSaint-Martin date de 1830. C’est un desrares à avoir conservé son mécanismed’origine.

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L’architecture en pierre sècheDans ce Var occidental au sol calcaire,l’«homme de la terre» était autrefoisconfronté aux dures nécessités del’épierrage des terrains arides et peuhospitaliers et de l’empilement calculédes pierres à faire tenir ensemble, sansliant, pour les rendre utiles : murets de soutènement des terrasses de culture,murets d’enclos, murs-ruchers, maisaussi cabanes et cabanons de toutestailles, ronds ou carrés pour l’abri des hommes – bergers, chasseurs,charbonniers – des bêtes et des outils, et aussi pour l’abri de l’eau comme lerappellent quelques vieux puits… Onretrouve ici ou là tous les types de cesconstructions simples et belles quitémoignent aussi de l’art des paysans.Les plus visibles sont ici les restanco,dont les murs sont d’autant plus hautsque la pente est plus raide, qui servent à retenir la terre pour former lesbancau, ou faisso, bandes de culture

plus ou moins larges où pousse souventl’olivier et autrefois la vigne et qui sontaujourd’hui abandonnées ou livrées àl’avancée de la forêt.Au cœur du village, la pierre sèche estencore parfois présente dans quelquesrues «caladées», c’est-à-dire garnies depierres plantées serrées et de chant dansle sol pour éviter l’érosion du ruisselle -ment, et l’usure des sabots des mulets.L’accès au château de Pontevès, restaurérécemment, en est l’un des plus beauxexemples. Et c’est bien ainsi qu’il fautimaginer les ruelles en pente raide de la plupart des villages perchés :Esparron, Saint-Martin ou Seillons.L’autre lieu du village qui bénéficiait de calades était souvent l’aire de battage,située en hauteur, en plein vent, où l’onfoulait le blé au pied des chevaux et où l’on le «ventait» (vannait) avant que les tarares (les ventarello) puis les batteuses n’effectuent mécaniquementces opérations.

26 27

Rue caladée.

Le pigeonnier de Tavernes.

Le lavoir de Bras.

Page 16: La Villes et Pays d’art et d’histoire Le pays de la

Fontaines de prestigeLa place centrale des fontaines de village,particulièrement nombreuses ici, expliquequ’elles soient devenues de véritablesmonuments, enrichis de décors de pierre,boules, acrotères, bulbes, masques,bustes, statues, ou de bronze, ou plusmodestement de plâtre… Au milieu du XIXe s., elles ont contribuépartout à l’embellissement des villes.À Barjols, la ville aux trente fontaines,ce qui lui vaut le titre rare de «Tivoli de la Provence», ces décors sont parti -culièrement soignés : telle la fontaineRaynouard qui fut surmontée d’un faune,statue de Récubert de 1906, aujourd’huienfouie sous l’épaisseur des dépôts detravertin. Enfin, fait assez rare, l’anciennefontaine de 1759 a servi de support aumonument aux morts de 1923.Varages, qui bénéficie, comme Barjols,de sources abondantes, a distribué ses eaux dans une bonne quinzaine de fontaines publiques édifiées pour la plupart au cours du XIXe s., parmilesquelles la fontaine des «QuatreSaisons» décorée à la mode Renaissanceet qui assura la fonction originale debac de lavage pour le sable des faïenceries.Mais la ville a gardé la trace de sa

première fontaine de 1717, reconvertieplus tard en hommage au généralGassendi, sénateur et comte de l’Empire.

Les puits et citernesLes villages où l’eau ne coulait pas, ou dont les sources, plus rares, étaientsituées en aval, eurent recours auxréserves des nappes phréatiques de leur sous-sol : c’est le cas de Tavernes et Seillons, entre autres, où de trèsnombreux puits, communaux ou privés,furent creusés. Nul doute que ce sont les villages voisins de Tavernes, bienpourvus en eaux abon dantes qui lui ontattribué, par dérision, les dictons telsque «A Taverno, mouron de sé 1 » etencore «A Taverno, li fremo an gèsd’embouligo 2 », qui fait allusion à

l’obligation – pour les femmes enparticulier – d’aller tirer l’eau des puits.Mais la microtoponymie a aussi gardéla marque de ces puits disséminés dansla campagne ou jouxtant les fermes :puits d’Agnié, puits du Suy, puits de laGasque, puits d’Arnaud… Si certains de ces puits sont encore mentionnés surnos cartes modernes, d’autres sontaujourd’hui comblés et leurs noms ne setrouvent plus que dans la mémoire oraleet tombent peu à peu dans l’oubli.L’autre moyen classique de recueillir l’eauétait évidemment la citerne dont l’eauétait souvent appréciée pour la cuissondes légumes et la boisson car elle n’étaitpas calcaire. Les châteaux en étaientpourvus mais aussi les maisons, les fermeset les villages.

De la source au cœur du villageOn sait que la langue d’Oc n’utilise qu’unseul terme pour désigner la source et la fontaine : c’est la forme font, qui subitdes variantes : foux, fous. La toponymiedes sources utilise ces deux formes ets’enrichit de multiples déterminants qui servent à caractériser les sources :Fontcouverte, Font Claire, Font Chaude,Font Sainte, Fontvieille, Font Figuière,Font Curnière,… ou bien à en préciserl’emplacement : Font de Laurent, Fontd’En Garcin, Font d’Astier, Font deGavoty, Font de Mondin, Font Cros…Le nombre et la diversité de ces nomsdans l’ensemble des neuf communesmontrent que chaque point d’eau a été,de longue date, repéré et aménagé,capté, drainé, rendu utile. Souvent, il a été aménagé en fontaine (voire en

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lavoir), sur le lieu même de son captage,aménagement qui, en langue d’Oc, a d’ailleurs gardé le nom de font.Si l’acheminement de l’eau vers le villages’est souvent fait à ciel ouvert, il a aussi,et ce dès l’époque romaine, fait l’objetde canalisations souterraines dont on arepéré plusieurs traces. En particulier àBras, où le réseau romain en terre cuitede deux mètres de hauteur, devait courirsur plusieurs centaines de mètres, maisaussi dans les autres villages où desconduits enterrés de dimensions variablespartaient des sources comme celles deSaint-André et de la Bonne Fille à Seillons.D’autres grandes galeries drainantes,creusées dans les buttes de travertinpour alimenter les villages perchés etdénommées «mines à eau» recueillaientles eaux d’infiltration et les amenaient

dans des bassins publics ou privés creusésdans les caves des maisons ou à la sortiede la «mine». Elles courent sur plusieurscentaines de mètres sous Seillons, en boyaux de deux mètres de haut surpresque un mètre de large pour canaliserl’eau domestique et celle de l’arrosagedes jardins situés en amont des sources.

Les fontainesLa fontaine a toujours marqué symboli -quement – et ce depuis le tournant duXVIe s. – le progrès décisif de l’arrivée de l’eau au cœur de l’espace villageois.Dans nos sociétés rurales, on se souvientaussi qu’elle fut essentiellement – et plusencore quand elle se déversait dans unlavoir – le lieu où les femmes se rencon -traient au centre de la cité, aussi vraique ce sont elles, et parfois les enfants,qui assuraient les «corvées d’eau»avant le temps de l’eau courante «à la pile» et bien entendu, les grandes«bugades» (lessives).

28 29

Canalisation d’eau

souterraine (mine

à eau) à Seillons

Source d’Argens.

Place de la Mairie à Seillons Source d’Argens.

Fontaine « Champignon », place du Capitaine Vincens à Barjols.

Puits couvert à Varages.

1. À Tavernes, ils meurent de soif.

2. À Tavernes, les femmes n’ont pas de nombril.

L’eau domestiquéeL’eau qui jaillit et qui court n’est devenue une eau utile quegrâce à la gestion constante des habitants pour la canaliser,la conduire au cœur des villages, la distribuer dans les terresà irriguer.

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au XVIIIe s. lorsque la vaisselle de terreémaillée remplace en France, sur les tables nobles et bourgeoises, la vaisselle d’or et d’argent. Elle prendson essor en 1695 avec Étienne Armand,premier faïencier de Varages et devient,avec Marseille et Moustiers-Sainte-Marie,l’un des trois grands centres de la faïencerie provençale. Le Musée des Faïences – installédésormais dans la maison du généralGassendi – raconte cette prestigieusehistoire, depuis les étapes de la fabricationaux modes et techniques de décoration,avec de superbes pièces conservées dontun plat de 1697. On y lit aussi les tribu lations de cette aventure jamaisinterrompue, du XVIIe s. à nos jours,avec les difficultés du XIXe s. et plusencore du XXe où se sont éteintes les unes après les autres les huitfabriques qui firent la gloire de Varages.D’autres manufactures ont été fondées,dont celle de Brue-Auriac, à l’époque de Roux de Corse, qui a fonctionné une dizaine d’années au XVIIIe s. (1763 à 1774) puis au XIXe (1838 à 1847).

Les tanneries de BarjolsElles ont écrit une page importante de la mémoire ouvrière varoise. Attestée au XVe s., la tannerie a perduré jusqu’en1983, avec un essor notoire au XIXe s.où Barjols devint, avec sa trentaine detanneries une petite capitale françaisedu cuir. Elles bénéficient du commercequ’entretient le port de Marseille avecles autres continents et passe, vers 1900,au tannage de peaux venues d’Afrique,d’Asie ou d’Amérique.

Les nombreuses tuileriesLa toponymie – ici, comme dans toute la Provence sous la forme «La Tuilière» – garde la trace de cetteactivité qui nécessite la présence à la fois d’eau et d’argile en abondance.

Différents types de moulinsLe moulin n’est pas une particularité de cette région varoise mais les ruisseauxnés des sources généreuses ont permisici le développement de plusieurs typesde moulins : moulins à huile, à farine, à tan, à foulon, à papier, à vernis…Beaucoup de ces moulins sont aujour -d’hui détruits et oubliés et généralementpeu signalés à l’attention du visiteur :même la Descente des Moulins de Varagesne les donne plus à voir de façon évidente.Si l’on sait à peu près bien ce que furentles moulins à huile et à farine, on ignoresouvent ce que pouvaient être les moulinsà tan et à foulon.L

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Le moulin à tanLe tan – terme qui nous vient du gaulois*tann-, chêne – est le nom de l’écorce dechêne pulvérisée utilisée pour le tannagedes peaux et dont le principe actif, le tannin, les rendait imputrescibles et imperméables et les transformait en cuirs. Le moulin à tan était donc unemachine qui utilisait la force de l’eaupour broyer les écorces par un systèmed’arbre à came qui actionnait desbattoirs. Au XIXe s., Barjols comptajusqu’à 19 moulins à tan qui alimentèrentune trentaine de tanneries. Ces moulinsont subsisté peu ou prou tant que futpratiqué le tannage végétal. Vers 1950,le tannage par sels de chrome a amenéleur disparition.

Les sites de Varages et de Barjols ont encommun la présence d’eaux abondantesqui, non seulement ont modelé, avec le calcaire des plateaux, de grandesfalaises de travertin, mais qui ontpermis l’installation de petites industrieslocales : les faïenceries et les tanneries.

Les faïenceries de VaragesLa ville en garde fidèlement la mémoire,à travers son musée, son école dedécoration, la dernière faïencerie en exercice et ses nouveaux ateliersartisanaux ; elle a connu son apogée

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Anciens moulins à Varages.

Travail de la peau dans les tanneries de Barjols.

Faïences de Varages :

fabrications industrielle et artisanale.

Les moulins à foulonIls servaient quant à eux à fouler les étoffes de laine mais ils étaient aussiutilisés dans la mégisserie où l’on battaitles peaux au moyen de gros maillets.Pour mémoire, la mégisserie consistait à préparer les peaux blanches – nontannées – (de veaux, moutons, chevreaux)destinées en particulier à faire des gants.

Page 18: La Villes et Pays d’art et d’histoire Le pays de la

La religion populaire a, ici, commepartout, marqué symboliquement le territoire : le légendaire chrétien y asouvent pris le relais de cultes beaucoupplus anciens, comme en témoigne la dévotion à saint Marcel ou à saintPothin. Ces légendes s’attachent souventaux lieux sacrés de l’espace rural,chapelles ou oratoires, selon le schémaclassique : apparitions (de la Vierge ou d’un saint), miracles, guérisons,promesse votive qui se perpétue dans les roumeirage, processions sur le lieuconsacré, et voto, fêtes patronales quiont souvent pris, à côté de leur aspectsacré, une dimension résolument profane.

Saint Marcel à BarjolsLa plus populaire et la plus fréquentéede ces fêtes est sans conteste celle deBarjols où la légende locale a assimiléles reliques de saint Marcel, évêque deDie, et un rituel commun à de multiplescivilisations : le sacrifice d’un animal, icid’un bœuf gras. La légende, ici, racontebien des histoires : celles de l’apparitionde saint Marcel, de la mort de l’évêquedans une abbaye voisine, de querelleautour de ses reliques, de chanoinesporteurs des reliques rencontrant le cortège du bœuf de la Saint-Antoineet même de tripes lavées à la fontaine le jour de leur arrivée, un 16 janvier…Ce rituel de la procession et de la mortdu bœuf, lié à la célébration de la Saint-Antoine, patron des bouchers (commeL

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aussi à Seillons ou ailleurs) est iciassimilé à une danse dite «des tripettes»dont le nom pourrait remonter ausurnom populaire de «saint Marcel auxtripes», peut-être par assimilation avecle verbe de l’ancien français triper quisignifiait « sauter».

Saint Pothin à VaragesVoilà un autre culte ancien, peut-êtrephallique, voué à un certain Foutinusque le christianisme du XIIIe s. assimila à Photinus, premier évêque de Lyon etque le XIXe s. pudibond transforma enPothin par métathèse. Toujours est-ilqu’on vénère chaque année ce dieuprimitif devenu patron de Varages.

La citerne du château de Saint-Martin-de-PallièresCet ouvrage, inattendu dans ce petitvillage, a été construit en 1748 pourl’arrosage du grand parc d’agrémentrichement arboré créé par François deLaurens sur l’esplanade de son château.C’est un immense réservoir cimentédont la haute voûte est portée par 20 piliers, et dont les seules eaux deruissellement alimentent ses 2800 m3

de capacité. Cette citerne dans laquelleon pouvait naviguer en barque faitencore aujourd’hui l’admiration desarchitectes.

Le parc de l’Enclos à VaragesUn système hydraulique ingénieux,autour de la maison de Gassendi, futmis en place en 1745 – une roue à aube,ramenait l’eau dans des bassins du hautdes pentes – permettant à la foisd’arroser le haut du parc et plusieursmaisons du village. On en voit très bienles vestiges aujourd’hui.

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des

parc

sLe Pont de l’arrosage à SeillonsDans les terres, l’arrosage s’organisaitpar canaux et rigoles, les filioles, selonun « tour d’eau» souvent établi auXVIIIe s. Au XIXe s. des syndicatsd’arrosants se mettent en place pourgérer et réguler la distribution de l’eaudans les terres au moyen des marteliero,ces vannes en métal ou en ciment quifermaient les écoulements gravitaires et dont le nom s’est popularisé en«martelières» dans tout le Midi.Un ouvrage étonnant garde la trace de ces usages, c’est le Pont de l’arrosagede Seillons, que l’on attribue à unefantaisie de Gaspard de Raousset.Le seigneur du village, amateur debaignades, aurait fait édifier ce pontmuni d’énormes vannes qui pouvaientretenir une quantité d’eau suffisantepour former un petit lac. Ce système permettait en fait d’arroserles champs de Raousset situés en aval de la Meyronne.

Le canal de ProvenceArrivé à la fin des années 1980, à partir de Rians d’abord, puis de Saint-Maximin ensuite, le canal de Provencedessert les communes les plus à l’ouestdu territoire : Esparron, Saint-Martin,Seillons et Brue. Son extension sur cesterroirs a accompagné, dans la zonenord, la quasi disparition de la vigne.Dans les communes non desservies par un réseau collectif, une associationfinancée par des fonds publics, l’Asadiz*,a mis en œuvre quelques projets indivi -duels à partir de sources et de forages.L’eau a permis aux agriculteurs de cultiverdes fourrages, des plantes aromatiqueset médicinales, des semences.

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Le pont de

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Seillons Source

d’Argens.

Entre tradition et modernitéTout en s’ouvrant au monde contemporain, ce pays longtempspréservé célèbre son histoire singulière dans la fête partagée,la donne à découvrir dans ses produits locaux et à comprendrejusque dans ses plus modestes monuments.

Festivités de la Saint-Pothin à Varages.

Arrosage des cultures.

Fête de la Saint-Marcel à Barjols.

* Asadiz

association syndicale autorisée

pour le développement et l’irrigation

des zones sèches du Var.

Page 19: La Villes et Pays d’art et d’histoire Le pays de la

La reconversionÀ côté des musées qui sont parexcellence des lieux de conservation,certains bâtiments désaffectésretrouvent une seconde vie. Ainsi, à Saint-Martin-de-Pallières, l’anciennecoopérative a connu une reconversionoriginale en une école coopérative qui,par sa façade, garde la mémoire de ce que fut l’élan coopératif du XXe s.naissant. Les cercles, cafés associatifs,perdurent parfois, comme à Barjols, ou se reconvertissent, par exemple encinéma, comme à Bras, restant ainsi des lieux de rencontre et de convivialitévillageoise.Les tanneries de Barjols, soit tout unquartier de la ville autour du ruisseaudu Fauvery, constituent une vaste fricheindustrielle qui a amorcé unereconversion en ateliers d’artistesconscients de l’importance de ces lieuxdans la cité.Les bâtiments historiques trouventaussi, ici ou là, une autre vocation :D

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l’ancien hospice de Barjols sertaujourd’hui de cadre à la Maisonrégionale de l’Eau ; à Bras, l’ancienneéglise Saint-Pierre est devenue sallepolyvalente ; quant à la belle demeuredu général Gassendi à Varages la voilàreconvertie en musée des Faïencestandis que le parc de l’Enclos estdésormais ouvert aux promeneurs.Signalés par des panneaux informatifs,ces édifices désormais publics sontdevenus des lieux de mémoire pouraujourd’hui et pour demain.Enfin, les outils modernes de protectioncomme les ZPPAUP* s’appuient sur les éléments forts du patrimoine pourmettre en place un aménagement plusharmonieux, respectueux de la mémoire.

Un espace à partagerLa colline, source de subsistanceautrefois, est devenue le lieu de tous les plaisirs : plaisir de la promenade, de la randonnée pédestre et à VTT, de la cueillette – champignons et herbessauvages – et plus encore de la chasse.Autrefois largement dominée par lespratiques du braconnage, la chasse s’estréglementée et «assagie» grâce auxsociétés de chasse qui contrôlent les territoires et le gibier et veillent surla sécurité. Mais si, en ce pays où chasserest une passion forte, se pose parfois le problème de la cohabitation avec les promeneurs – amoureux, tout autantque bien des chasseurs, de la nature et des grands espaces –, la colline restesans doute pour tous le lieu symboliquede l’évasion et de la liberté.

Notre-Dame de Bellevue à TavernesLa légende qui explique son édificationest celle d’un Dominicain qui crutdistinguer une chapelle à la place dugrand rocher auquel elle s’adosse et yvit le signe d’une injonction de la Viergepour bâtir là une église. Fut alors lié à ce lieu – comme en beaucoup desanctuaires mariaux – le récit de guérisonsmiraculeuses, ce qui suscita dévotion etpèlerinage le long d’un chemin de croixponctué d’oratoires, dont quatre (duXVIIIe s.) subsistent. L’autre légendaire liéà ce site est celui que l’on trouve dansnombre de sites rupestres, d’empreintessacrées: ici, ce sont celles de Jésus et Mariesur un rocher en contrebas de l’église.D’autres légendes, plus discrètes, courentdans le pays, comme celle des«Goursbénis» à Bras, liée au culte tout prochede sainte Marie Madeleine mais plusanciennement venue d’un imaginairecollectif lié aux gouffres, trous d’eau,étangs et lacs où l’on se trouvait engloutipar magie, châtiment ou simpleimprudence.L’apparition de saint Joseph à Cotignacen 1660 est connue et bien documentée,elle est venue renforcer le culte de saintJoseph, patron de la bonne mort (retablede Pontevès, oratoires d’Esparron et dePontevès portant la date de 1660). L

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Du vin, de l’huile et des faïencesLa trilogie qui fit la base de l’agriculturede cette région : blé, olive et vigne, a connu bien des avatars au cours dessiècles et particulièrement depuisl’accélération de la déprise rurale. Maisle goût des néoruraux et des citadinsvoisins pour l’«authentique», le «bio»et les saveurs retrouvées, redonne unenouvelle chance à deux productionsancestrales : le vin AOC, ici labellisé«Coteaux varois en Provence» et l’huiled’olive récemment classée dans les «Huilesde Provence». Alors que la plupart descoopératives ont fermé leurs portes, les producteurs locaux, souvent lesgrands domaines autour des bastides(rebaptisés en «Châteaux») perpétuentune tradition viticole ou la recréent,produisant d’excellents vins. L’huiled’olive quant à elle, affiche sa qualité,son fruité et son ancienneté dans deuxterritoires privilégiés : ceux de Varages

et Tavernes où les coopératives oléicolesdes années 1923-1924 se sont moderniséeset s’inscrivent dans la longue histoire dela «culture» de l’olivier. Les produitsartisanaux se réclament aussi de latradition locale, tout en la renouvelantsans cesse : en particulier la poterie et la faïence qui perpétuent les gestes ettechniques ancestraux en ce pays.Tandis que la manufacture industrielleremodèle à la fois les formes et lescouleurs de la vaisselle de Varages, les nouveaux artisans faïenciers separtagent entre décors d’inspirationancienne et créations contemporaines et l’école de décoration sur céramiqueJoseph Clérissy, comme le musée desFaïences de Varages, écrivent unenouvelle page de cette histoireprestigieuse.

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* ZPPAUP

zone de protection du patrimoine

architectural, urbain et paysager :

il en existe une à Saint-Martin.

La foire à la vaisselle

de Varages.

Les anciennes tanneries de Barjols.

Ancien hospice de Barjols

devenu Maison régionale de l’Eau.

Clocher de Notre-Dame de Bellevue à Tavernes.

Coopérative oléicole « La Tavernaise ».

La « Varageoise »,

l’huile d’olive

de Varages.

Page 20: La Villes et Pays d’art et d’histoire Le pays de la

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Terre méridionale à la fois ensoleillée et verdoyante, où l’eau futautrefois abondante, particulièrement belle quand l’automne marieen elle les roux et les ors de chênes pubescents au grisé des olivierset de l’yeuse et au vert immuable des pins d’Alep, cette «Provenced’Argens en Verdon» vous réserve des panoramas insoupçonnablessur la Provence qui va de la Sainte-Baume aux Alpes du sud. Maiselle est aussi un de ces pays-conservatoires vivants – devenus rares –où la mémoire du passé est encore présente et sait se dire à chaquecoin de place, pour peu qu’on questionne les villageois qui prennentle frais sur un banc, que l’on dialogue avec l’agriculteur au travailou l’acteur municipal, qu’on sache dénicher l’érudit local passionnéde sa commune.

Allez vous promener sur les chemins, allez flâner dans ces beauxvillages et laissez-vous surprendre, laissez-vous conter cetteétonnante Provence d’Argens en Verdon…

Jeu de boules à Saint-Martin-de-Pallières.

Maître d’ouvrage

Communauté de communes Provence d’Argens en Verdon

Rédaction

Alpes de Lumière, association loi 1901 née en Haute-Provence

en 1953, doit son originalité à une approche globale du fait culturel

qui va de l’étude à la protection et la valorisation du patrimoine bâti

et paysager et qui associe, pour la connaissance fine de cette région,

savoirs locaux et recherche interdisciplinaire. Elle a ainsi édité

un peu plus de 200 ouvrages sur la Haute et la Moyenne Provence.

1 place du Palais, 04300 Forcalquier

Tél. : 04 92 75 22 01

Crédit photographique

Communauté de communes Provence d’Argens en Verdon, Pays

d’art et d’histoire de la Provence Verte, Provence Verte, Maison

régionale de l’Eau, Robert Callier, Gabrielle Voynot, Alpes de

Lumière, fonds privés divers

Cartographie

Maison régionale de l’Eau

Maquette

Isabelle Mercier, L’Édition à façon (04300 Forcalquier), selon la charte

graphique conçue par LM communiquer

Impression

Imprimerie Siris

Février 2008