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La vision biblique de la terre Une réflexion menée au sein de la paroisse réformée de Mbouo-Ngwinké au Cameroun Thèse Jean Lesort Louck Talom Doctorat en théologie pratique Docteur en théologie pratique (D.Th.P.) Québec, Canada © Jean Lesort Louck Talom, 2015

La vision biblique de la terre- une réflexion menée au ...€¦ · siens de les expérimenter sous la conduite du Seigneur. iv ... Chapitre 5. Terre de salut, terre d’action de

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La vision biblique de la terre

Une réflexion menée au sein de la paroisse réformée

de Mbouo-Ngwinké au Cameroun

Thèse

Jean Lesort Louck Talom

Doctorat en théologie pratique

Docteur en théologie pratique (D.Th.P.)

Québec, Canada

© Jean Lesort Louck Talom, 2015

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Résumé

Cette recherche porte sur le problème des terres de la paroisse réformée de Mbouo-

Ngwinké au Cameroun. Cette paroisse s’étend sur plusieurs hectares. Ses membres sont en

majeure partie des femmes issues de foyers polygames dont la seule source de revenu est la

petite agriculture provenant du travail rudimentaire de la terre. La terre de nos jours consti-

tue pour la plupart des Églises une richesse ; tel n’est pas le cas de cette paroisse, qui est

très pauvre. Il s’agit ici de comprendre avec les paroissiens comment une paroisse nantie de

terres peut être si pauvre.

Dans une perspective de théologie pratique, le but de cette recherche est de voir comment

les paroissiens réfléchissent au rapport à leur terre dans une perspective de foi, et quelles

voies de développement ils entrevoient. Pour conduire cette recherche, j’ai utilisé la mé-

thode d’analyse socio-littéraire de textes bibliques. C’est une méthode qui combine analyse

narrative et analyse sociologique. Cette méthode a été expérimentée tant sur les verbatim

recueillis auprès de quelques paroissiens dans le cadre d’ateliers bibliques, que sur les

textes bibliques eux-mêmes. Une corrélation critique a ensuite été opérée entre ces deux

analyses.

Au terme de la recherche, la terre est apparue comme un don de Dieu, le fruit d’une grâce.

Cette grâce mérite en retour des gestes de reconnaissance, d’action de grâce. Elle peut être

conservée si les commandements de Dieu sont observés ; mais elle peut également faire

défaut si l’être humain n’est pas fidèle. La terre est donc à la fois un lieu de bénédiction et

de malédiction, dépendamment de la liberté de l’homme. L’homme est cependant libre de

bien gérer les fruits de la terre. C’est la raison pour laquelle une éthique de gestion et une

éthique de vie communautaire sont indispensables pour la paroisse. Il s’ensuit un appel à la

communion fraternelle et à l’égalité entre les paroissiens, hommes et femmes sans distinc-

tion.

Tout au long de la recherche, la terre a été identifiée à la communauté chrétienne elle-

même. Des pistes de développement ont été explorées. Il appartient maintenant aux parois-

siens de les expérimenter sous la conduite du Seigneur.

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Table des matières

Résumé .................................................................................................................................. iii

Liste des abréviations ............................................................................................................ ix

Remerciements ....................................................................................................................... x

Introduction ............................................................................................................................ 1

1. Une trajectoire de vie ...................................................................................................... 2

2. Une paroisse ancrée dans ses terres ................................................................................ 4

3. Revue de la littérature ..................................................................................................... 6

3.1 Les études bibliques sur la terre ................................................................................ 6

3.2 Les études bibliques sur la terre au Cameroun .......................................................... 9

3.3 Les populations rurales camerounaises et la terre ................................................... 11

3.4 Les recherches sur le développement des terres ...................................................... 12

4. Question de recherche et structure de la thèse .............................................................. 15

Chapitre 1. L’Église Évangélique du Cameroun et l’enjeu de la terre ................................. 17

1. Le pays bamiléké de l’Ouest Cameroun ....................................................................... 18

1.1 Le peuple bamiléké ................................................................................................. 18

1.2 Organisation du peuple bamiléké ............................................................................ 19

1.3 Le mariage et la famille ........................................................................................... 20

1.4 La place de la femme dans la société bamiléké ...................................................... 22

1.5 Les terres au cœur de l’économie ............................................................................ 24

1.6 L’émigration ........................................................................................................... 25

2. L’Église Évangélique du Cameroun et la paroisse de Mbouo-Ngwinke ...................... 26

3. Un regard sur l’Église comme organisation ................................................................. 35

Chapitre 2. Un parcours de recherche à l’écoute des paroissiens et de la Parole de Dieu ... 39

1. Aperçu d’ensemble de la méthodologie ........................................................................ 39

2. Le focus group .............................................................................................................. 42

3. La lecture populaire de la Bible .................................................................................... 44

3.1 Carlos Mesters ......................................................................................................... 45

3.2 Yves Saoût............................................................................................................... 47

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3.3 Fidèle Mabundu....................................................................................................... 48

3.4 Bilan ........................................................................................................................ 50

4. La méthode socio-littéraire ........................................................................................... 50

4.1 Dimensions sociologiques en analyse socio-littéraire ............................................. 51

4.2 Quelques indices socio-anthropologiques utilisés en analyse socio-littéraire ........ 53

4.3 Analyse narrative..................................................................................................... 55

4.4 Mise en œuvre ......................................................................................................... 56

5. Pertinence de la méthode d’analyse socio-littéraire...................................................... 58

6. Procédures et déroulement de l’enquête ....................................................................... 58

Chapitre 3. La terre, une passion des paroissiens ................................................................. 63

1. Présentation du schéma simplifié d’analyse ................................................................. 63

2. Présentation des résultats de l’analyse : compte rendu de l’analyse et discussion des

principaux thèmes retenus ................................................................................................ 63

2.1 La terre est un don de Dieu ..................................................................................... 64

2.2 La terre, image de Dieu ........................................................................................... 66

2.3 La terre, enjeu de promotion de la femme .............................................................. 69

2.4 La terre, objet de préservation, d’interpellation au respect d’autrui et de la Parole 70

2.5 La terre, objet de production et de vie ..................................................................... 71

2.6 La terre, ses enjeux de rendement et de probité ...................................................... 73

2.7 La terre, objet de reconnaissance ............................................................................ 73

2.8 La terre, objet de respect et de savoir-faire ............................................................. 75

2.9 La terre, objet de malversations .............................................................................. 77

2.10 La terre, vie en abondance..................................................................................... 78

Chapitre 4. Terre promise, terre donnée ............................................................................... 80

1. La terre, don de Dieu et objet de respect de la loi. Étude de Dt 8,1-20 ........................ 80

1.1 Texte choisi ............................................................................................................. 80

1.2 Contexte narratif ...................................................................................................... 81

1.3 Essai de lecture ........................................................................................................ 84

2. La terre, grâce de Dieu et invitation à la reconnaissance. Étude de Dt 26.................... 92

2.1 Texte choisi ............................................................................................................. 92

2.2 Contexte narratif ...................................................................................................... 93

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2.3 Essai de lecture ........................................................................................................ 96

3. La terre, objet de bénédiction et de malédiction. Étude de Dt 28,1-20....................... 101

3.1 Texte choisi ........................................................................................................... 101

3.2 Contexte narratif .................................................................................................... 103

3.3 Essai de lecture ...................................................................................................... 103

Chapitre 5. Terre de salut, terre d’action de grâce.............................................................. 110

1. La terre, lieu de vie et signe du Royaume de Dieu. Étude de Matthieu 13,1-50 ........ 110

1.1 Texte choisi ........................................................................................................... 110

1.2 Contexte narratif .................................................................................................... 112

1.3 Essai de lecture ...................................................................................................... 115

2. La terre, lieu et objet de bonne gestion. Étude de Luc 16,1-13 .................................. 128

2.1 Texte choisi ........................................................................................................... 128

2.2 Contexte narratif .................................................................................................... 129

2.3 Essai de lecture ...................................................................................................... 131

3. La terre, objet de communion fraternelle et de modèle pour l’Église. Étude de Ac 2,42-

47 et 4,32-37 ................................................................................................................... 135

3.1 Textes choisis ........................................................................................................ 135

3.2 Contexte narratif .................................................................................................... 136

3.3 Essai de lecture ...................................................................................................... 137

Chapitre 6. Le sens de la terre selon les paroissiens et les textes bibliques ....................... 145

1. La corrélation critique en général ............................................................................... 145

2. La corrélation critique chez Edward Schillebeeckx.................................................... 150

3. Points de convergence entre les thèmes des participants et mon étude des textes

bibliques .......................................................................................................................... 152

3.1 Deutéronome 8 ...................................................................................................... 152

3.2 Deutéronome 26 .................................................................................................... 154

3.3 Dt 28 ...................................................................................................................... 155

3.4 Matthieu 13 ........................................................................................................... 155

3.5 Luc 16 .................................................................................................................... 156

3.6 Actes 2,42-47 et Actes 4,32-37 ............................................................................. 157

4. Points de divergence entre les verbatim et mon analyse socio-littéraire des textes ... 158

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4.1 Distanciation entre l’exégèse et les verbatim ........................................................ 158

4.2 Distanciation entre les verbatim et l’exégèse ........................................................ 158

5. Interprétation théologique d’ensemble ....................................................................... 160

5.1 La terre et la grâce de Dieu ................................................................................... 160

5.2 La terre entre don, responsabilité et acceptation ................................................... 161

5.3 La terre libératrice par l’évangile libérateur .......................................................... 167

5.4 La terre, signe précurseur du Royaume ................................................................. 167

5.5 La terre et l’enjeu de la communion fraternelle en Église .................................... 168

5.6 La terre comme vecteur de l’éthique de l’argent et de la lutte contre l’injustice

économique ................................................................................................................. 170

5.7 La terre, vecteur de l’éthique de l’environnement ................................................ 171

Conclusion .......................................................................................................................... 173

1. Pistes de réflexion ....................................................................................................... 173

1.1 La gestion des terres .............................................................................................. 174

1.2 Des projets de développement............................................................................... 174

1.3 Des groupes de collectivités rurales ...................................................................... 174

1.4 Un partenariat Nord-Sud ....................................................................................... 174

1.5 Création d’une mutuelle sociale paroissiale à partir des tontines existantes......... 175

1.6 La gestion administrative de la paroisse ............................................................... 175

1.7 Au niveau synodal ou de la direction de l’Église-mère ........................................ 175

1.8 Au niveau des institutions de formation pastorale ................................................ 176

1.9 L’encouragement des valeurs spirituelles ............................................................. 176

2. Résistances au changement ......................................................................................... 177

2.1 Au niveau de la direction de l’Église-mère ........................................................... 178

2.2 Au niveau paroissial .............................................................................................. 178

3. Bilan d’ensemble ........................................................................................................ 179

3.1 Les connaissances ................................................................................................. 180

3.2 Les habiletés .......................................................................................................... 180

3.3 Les attitudes........................................................................................................... 180

Bibliographie ......................................................................................................................... xi

1. La problématique de la terre et l’Afrique ...................................................................... xi

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2. Perspectives bibliques et théologiques ......................................................................... xii

3. Méthodologie et repères théoriques ............................................................................. xix

Annexe 1. Verbatim des séances d’ateliers bibliques sur la terre ...................................... xxii

Annexe 2. Analyse socio-littéraire des verbatim des ateliers bibliques ......................... xxxvii

Annexe 3. Fiches techniques .......................................................................................... lxxxvi

Annexe 4. Lettres d’invitation ...................................................................................... lxxxviii

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Liste des abréviations

Ac : Actes

A.T : Ancien Testament

CEVAA : Communauté Évangélique d’action apostolique

Coll. : Collection

Dan : Daniel

DEA : Diplôme d’études approfondies

Dt : Deutéronome

DTHP : Doctorat en théologie pratique

EEC : Église Évangélique du Cameroun

Ex : Exode

Ez : Ézéchiel

FEMEC : Fédération des Églises et Missions Évangéliques du Cameroun

Gn : Genèse

Jer : Jérémie

Jg : Juges

Jn : Jean

Lc : Luc

Mc : Marc

Mt : Matthieu

Nb : Nombres

N.T : Nouveau Testament

ONG : Organisation non gouvernementale

SMEP : Société des Missions Évangéliques de Paris

TOB : Traduction Œcuménique de la Bible

V. : Verset

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x

Remerciements

Au terme de ce parcours académique qui s’achève, il me revient de remercier chaleureuse-

ment tous les professeurs de la Faculté de théologie et des sciences religieuses de

l’université Laval qui nous ont accompagné tout au long de ces quatre années d’études.

Mes remerciements vont très cordialement aux professeurs Robert Mager et Guy Bonneau

qui ont dirigé ce travail et m’ont amené à découvrir la théologie pratique et l’exégèse socio-

littéraire. Quelle richesse d’avoir en même temps travaillé sur deux grandes disciplines !

Merci de tout cœur.

Merci à tous nos deux accompagnateurs : les professeurs Yves Guérette et Céline Roussin

pour leurs conseils.

Un grand merci à tous les professeurs qui ont accepté de faire partie du jury : les profes-

seurs Guy Jobin, Jacques Racine et Yvan Mathieu.

Que dire de l’Université Laval en général pour les différentes bourses qui nous ont été ac-

cordées chaque année ! Merci infiniment.

Je ne saurai oublier l’Église Protestante Unie de Belgique qui m’a accueilli au sein de son

corps pastoral et m’a permis de faire ces études.

À mon Église d’origine, l’Église Évangélique du Cameroun qui m’a fait découvrir la pas-

sion de la théologie, je dis grandement merci.

À mon épouse et enfants qui m’ont soutenu lors de mes absences et confinements, je leur

adresse ma profonde reconnaissance.

À mes défunts parents Pierre, Anne-Félicitée et frères, Ariste Magloire, Emmanuel, Saul

qui nous ont quittés à fleur d’âge, je leur dédie ce travail.

Au Seigneur qui a voulu enfin que cette recherche aboutisse, à Lui seul soit la gloire.

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1

Introduction

Que devient la terre de nos ancêtres ? Où va cette terre ? Que dirons-nous au Seigneur, lors-

qu’il nous interrogera sur ce que nous avons fait de la terre de Mbouo ? Si le missionnaire

français Paul Dieterlé se réveillait dans sa tombe et venait à Mbouo, que dirait-il de la terre

missionnaire qu’il a difficilement obtenue du chef du village ? Voilà autant d’interrogations

que certains paroissiens m’ont posées sur la question des terres de la paroisse.

Mon travail concerne les réalités de la terre, et principalement, la question d’une vaste terre

de paroisse située dans la région des Grass Fields au Cameroun, en pays bamiléké. Mon

étude porte ainsi sur la paroisse protestante réformée de Mbouo-Ngwinké, qui fait partie de

l’Église Évangélique du Cameroun1. Cette paroisse, habitée et exploitée par diverses per-

sonnes et institutions, se trouve malheureusement dans un état de précarité extrême. Mon

travail s’inscrit dans ce contexte ecclésial rural de pauvreté.

L’objectif général de cette recherche consiste à voir quelles perspectives pourront se déga-

ger d’une série d’échanges entre des paroissiens sur leur vécu de la terre, dans des condi-

tions de vie marquées par la misère collective. Pour atteindre ce but, des ateliers bibliques

ont été organisés avec la participation des paroissiens.

Je vise quatre objectifs spécifiques. Il s’agit, de prime abord, de mieux comprendre le para-

doxe que représentent la richesse de la terre et la pauvreté du milieu, dans la mesure où la

paroisse qui possède la terre est de plus en plus pauvre. Ensuite, il faudrait savoir s’il existe

un lien entre les conditions de vie des fidèles de la paroisse et celles des pasteurs qui y ser-

vent, la plupart de ceux-ci demandent rapidement leur mutation vers les grandes villes.

Dans un troisième temps, je vérifierai dans quelle mesure une vision biblique de la terre

peut amener les paroissiens à comprendre leur situation sociale vécue. Enfin, je verrai si

cette même vision biblique peut laisser entrevoir des pistes de développement.

Cette recherche semble s’apparenter à une étude de théologie biblique sur le thème de la

terre. Cependant, je propose cette étude non pas dans ce contexte exégétique, mais plutôt

1 Le premier chapitre sera consacré à la présentation détaillée de cette intervention.

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dans la perspective de la théologie pratique. Je pars d’un vécu social de terre paroissiale

qui, selon moi, pose problème. Je voudrai ensuite l’analyser avec la participation de parois-

siens à travers la pratique de séances de partage biblique.

Il aurait pu être possible de procéder autrement, mais le contexte local de corruption et de

malversation interdisait une approche plus directe qui aurait pu mettre en difficulté les par-

ticipants. En procédant par des séances de partage biblique, il m’a été possible d’aborder les

enjeux de la terre, mais indirectement, et dans un contexte sécuritaire où les paroissiens

pouvaient aborder ces enjeux dans une perspective de foi.

Pasteur de cette Église, je suis particulièrement soucieux de son avenir et je trouve impor-

tant d’exposer brièvement les motivations et le parcours qui marquent ma posture

d’intervenant chercheur.

1. Une trajectoire de vie

Originaire de l’Ouest Cameroun, natif du village Bandjoun, j’ai vécu la plus grande partie

de ma vie dans ces lieux. Né de parents et de grands-parents agriculteurs, j’ai été fortement

marqué par la situation dans laquelle vivent les populations et les chrétiens de cette zone

rurale des Grass Fields, également appelée pays bamiléké, où la terre est la seule ressource

vitale.

La culture religieuse reçue de mes parents, mon éducation au collège secondaire mission-

naire, l’éducation universitaire reçue par la suite à Yaoundé ainsi que mon retour comme

enseignant au sein du même collège secondaire, m’ont permis d’intégrer pleinement le con-

texte agricole du village et de ma paroisse. Mes études de théologie, mon stage à l’Institut

œcuménique de Bossey en Suisse et mon retour comme pasteur proposant et pasteur titu-

laire dans cette paroisse, m’ont confronté aux difficultés liées aux terres, à leur gestion, à la

vie agricole et saisonnière.

Les conflits vécus par mes collègues et frères en Christ, les paroissiens, en ce qui a trait au

vécu du pasteur, à son manque de traitement salarial, aux conditions de misère et aux mal-

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3

versations relatives aux terres de l’Église m’ont aussi interpellé. J’ai pensé que mon enga-

gement comme chercheur dans l’examen de ces difficultés pourrait nous être bénéfique.

Enfin, en Belgique, étudiant en DEA de théologie à Louvain, j’ai été paroissien dans une

petite communauté située dans une zone de pauvres agriculteurs, dont les parents ont jadis

travaillé dans le charbonnage. Cette région extrêmement pauvre m'a incité à reconsidérer la

pauvreté de mon village Bandjoun au Cameroun. Par la suite, je fus appelé à servir comme

pasteur dans une autre communauté à quelques centaines de kilomètres de là, dans une

autre zone anciennement charbonnière où la pauvreté règne jusqu’à nos jours.

C’est ainsi que mon vécu rural, ma vie universitaire, ma tâche d’enseignant au secondaire,

mon parcours d’étudiant en théologie à Yaoundé, mes différents stages œcuméniques à

Genève, à Bafoussam et à Mbouo-Ngwinké, mes études de DEA à Louvain et, depuis lors,

l’accompagnement de la communauté protestante du Borinage en Belgique, constituent des

étapes marquantes de ma vie et balisent la cartographie de mon expérience. Cette cartogra-

phie m’a conduit à réfléchir aux problèmes des terres de ma région natale, seule ressource

vitale et matérielle de l’homme rural de l’Ouest Cameroun et de mon village en particulier.

Dans cette région bamiléké, on ne peut pas parler de vie, de bien-être ou de santé sans par-

ler des terres cultivables, seule richesse que Dieu a donnée à ce peuple. Telle est l’idée qui

me pousse à agir comme intervenant.

Par ailleurs, je dirais que le milieu de vie rural joue un rôle essentiel pour moi en tant

qu’intervenant. Ayant grandi et œuvré dans une zone nantie de terres agricoles, je suis

amené à comprendre le sens de la terre, à analyser le contexte socioculturel bamiléké, à

examiner le contexte d’implantation des Églises protestantes dans les Grass Fields par les

missionnaires blancs. Je m'intéresse tout particulièrement au rapport de la communauté

paroissiale à la terre, et en particulier au phénomène de distribution ou de vente des terres

paroissiales. Ceci pourrait me permettre de comprendre ce qui pose problème dans la pa-

roisse. Il s’agit aussi de voir si le contexte socioculturel n’a pas une incidence sur la gestion

des terres paroissiales.

Ces événements vécus me percutent, m’engagent dans des réflexions et cheminements qui

me déplacent intérieurement, me sollicitent dans ce que je porte comme héritage, dans ce

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4

que je perçois de ma propre identité et, souvent, risquent de me renvoyer dans mes retran-

chements.

Au cours de l’exercice de mon ministère pastoral, j’ai vécu des situations conflictuelles. Je

me suis demandé si tout au long de ce ministère dans mon Église, je serais confronté à ce

genre de choses. Un cas frappant s’est déroulé dans ma dernière paroisse où les fidèles, le

pasteur en titre et moi-même (je n’étais que le vicaire) avons vécu un grave problème de

discorde entre les paroissiens sur une question de gestion des terres. Un grand conflit entre

la famille pastorale (dont je suis membre avec mon collègue pasteur, chef de la paroisse,

nos enfants et nos épouses) et l’assemblée chrétienne représentée par le conseil d’anciens

(ou presbytéral) en a résulté.

Mon identité professionnelle est concernée. Je suis interpellé en tant que pasteur au sujet

des problèmes des terres de la communauté. Je suis interpellé en tant que théologien prati-

cien sur la bonne marche d’une paroisse, sa gestion saine ainsi que les bonnes relations

entre les fidèles et leur pasteur. Je suis interpellé en tant que pasteur et intervenant par

l’enjeu de la gestion des conflits. Je suis interpellé quant aux rapports entre la terre,

l’Église, l’argent et l’Évangile.

Je me considère comme un catalyseur, un simple instrument que Dieu peut utiliser à travers

ce travail pour permettre aux paroissiens de comprendre leur situation et d’esquisser des

pistes de solution grâce à l’Évangile. Mes expériences de vie me permettent de bien com-

prendre le phénomène socioculturel, de saisir le vécu des paroissiens, et de laisser Dieu me

guider au service de mon Église et de mon village. En d’autres termes, les expériences de

vie que j’ai vécues, même les plus désastreuses, ont été, tant pour moi que pour ma pa-

roisse, un tremplin salutaire dans l’accomplissement de ma mission pastorale.

2. Une paroisse ancrée dans ses terres

Les terres constituent l’unique source de revenu de la paroisse rurale de Mbouo-Ngwinké.

La paroisse de Mbouo est nantie de terres qui devraient normalement constituer sa richesse,

mais qui, malheureusement, engendrent de la pauvreté et des conflits tant dans la paroisse

qu’à l’Église-mère. C’est ce paradoxe de la richesse en terres et de la pauvreté de la pa-

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5

roisse, qui constitue un problème majeur de la communauté paroissiale. À ce problème cen-

tral se lient plusieurs facteurs tels que l’exode rural des pasteurs, la simonie et bien d’autres

maux.

Il faut noter que toute la région est essentiellement agricole. La terre à cultiver constitue le

seul moyen sur lequel les gens misent pour survivre sur tous les plans, à savoir la santé,

l’éducation, la nutrition et toute forme d’amélioration de leurs conditions de vie. L’année

où les conditions météorologiques et climatiques ne sont pas propices, c’est la catastrophe à

tous les niveaux: famine, manque des moyens financiers pour la santé, pour l’éducation des

enfants, etc. Bref, c'est une année difficile pour tous. Il y a ainsi une interaction étroite entre

la terre et les paroissiens dans un contexte de pauvreté généralisée et collective.

Le sujet de la terre est donc au centre des réalités quotidiennes et existentielles du villa-

geois. Cette question des terres dans un contexte de précarité et de misère constitue le prin-

cipal problème de la communauté paroissiale. Les membres de cette paroisse sont prati-

quement tous des paysans, et majoritairement des femmes qui ne peuvent pas supporter le

poids financier de leur paroisse. Beaucoup d’hommes ne sont pas engagés dans la paroisse

parce qu’ils considèrent certaines lois de l’Église comme contraires aux coutumes ances-

trales de la région.

Ce qui me pose problème, c’est donc cette possession collective des terres dans un contexte

généralisé de misère. Cette situation de précarité engendre un problème secondaire: la

communauté paysanne est confrontée chaque année à plusieurs départs et arrivées des pas-

teurs pour des questions financières. Dans la structure ecclésiale du lieu, le pasteur est le

chef de paroisse qui coordonne les activités et demeure la cheville ouvrière. Dès qu’un

nouveau pasteur arrive, la donne change. Il faut du temps aux paroissiens pour s’adapter à

son nouveau projet de vie paroissial. Un ancien d’Église déclarait lors d’une assemblée

synodale que chaque pasteur qui arrive dans une paroisse sort son Église de sa poche.

Chaque année, en ma qualité d’élite du village, les paroissiens me posent la question du

devenir de cette communauté paroissiale.

Dans le cadre de ma recherche, je veux voir comment les paroissiens, dans leur contexte de

misère, réfléchissent eux-mêmes par rapport à leur terre. C’est la raison pour laquelle, en

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tant que chercheur, je suis tenté d’amener les chrétiens et chrétiennes paroissiens à prendre

conscience, à réfléchir collectivement dans un cadre d’échange et de partage sur leur rap-

port à la terre à travers des ateliers d’études bibliques et, si possible, à en tirer des perspec-

tives de développement.

Il faut voir si d'autres auteurs se sont préoccupés de situations analogues. Qu’en est-il donc

de la littérature à ce propos ?

3. Revue de la littérature

La littérature existante se distribue autour de quatre axes principaux: les études bibliques

sur la terre en général, celles qui portent sur la terre au Cameroun, celles qui étudient les

rapports entre la population rurale camerounaise et la terre, et enfin les recherches sur le

développement des terres.

3.1 Les études bibliques sur la terre

La distribution équitable des ressources de la terre n’est-elle pas une forme de prescription

biblique? Telle est l’interrogation du théologien Bertrand Rollin2 sur les pauvres en rapport

avec les biens de la terre. Le don de la terre est un signe de la grâce de Dieu et de la volonté

de Dieu pour l’épanouissement de l’homme. Celui-ci doit travailler et vivre de la terre, dont

il ne peut se distancier ou se séparer. Dieu n’aime pas la pauvreté. L’auteur cite des textes

tant de l’Ancien Testament que du Nouveau Testament3.

Un des aspects importants de cette étude est la notion de partage. De telles perspectives ont

permis aux premières communautés chrétiennes de rassembler leurs biens pour le dévelop-

pement de l’Église4. Ceci dit, même si Rollin examine quelques textes bibliques relatifs au

lien entre la terre et la pauvreté, la terre n’est pas au centre de son étude.

2 B. Rollin, L’appel évangélique à la pauvreté, Paris, Cerf, 1985, p. 18-23. 3 Ibid., p. 23-24. 4 Ibid., p. 34-37.

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7

La théologienne Geneviève Pochat5 a emboité le pas à B. Rollin dans l’aspect du mona-

chisme dans l’Église, bien que B. Rollin n'ait qu'effleuré cette question. Elle part d’une

étude sur François de Sales. L’auteure raconte que François de Sales invite les nantis à plus

de bienveillance envers les démunis6. La précarité financière et le manque de foi sont indis-

sociables. Yahvé est miséricordieux et voit tout ce qui se passe ; seul lui, par son attitude

bienveillante, pourra récompenser l’homme. La théologie de la grâce d’obédience de Saint

Paul, à connotation de Saint Augustin par ailleurs, se trouve tant dans le vocabulaire que

dans la démarche et la conception des choses de François7.

Dans le même ordre d’idées, le bibliste Fritz Lienhard8 pense que ceux qui vivent des res-

sources de la terre et qui sont mieux nantis devraient, par esprit de solidarité, penser aux

autres. Lienhard veut réfléchir à la responsabilité des propriétaires terriens riches. Il se base

sur les chapitres 8 et 26 du Deutéronome qui abordent les notions de don et de partage9. Il

prend l’exemple de Jésus dans le Nouveau Testament, qui a assumé la pauvreté en vivant

lui-même comme un pauvre. En somme, Fritz Lienhard développe une réflexion sur le

don ; ma recherche approfondira cette notion dans le cadre spécifique du rapport à la terre.

L’exégète Carlos Mesters effleure la notion de la terre dans une étude du livre de Ruth10. La

terre est indissociable de la vie du peuple hébreu. Elle mérite une assurance, une précau-

tion, voire même une caution. Mesters estime que le fait d’avoir la terre est à la base des

difficultés du peuple hébreu. Tout tourne autour de la terre, que ce soit dans les ménages ou

dans les lieux cultuels. Bref, la terre est au centre de la culture juive avec tous les corol-

laires sur la loi et l’éthique (achat, vente, héritage, etc.).

5 Geneviève Pochat, François de Sales et la pauvreté, Paris, SOS, 1988, p. 31-32. 6Ibid., p. 31-32. 7Ibid., p. 100-101. 8 F. Lienhard, De la pauvreté au service en Christ, Paris, Cerf, 2000, p. 9-13. 9 Ibid., p. 70-72. 10 Carlos Mesters, Ruth. L’amour engendre la justice (coll. Connaître la Bible n° 34), Bruxelles, Lumen vitae,

2004, p. 51-57.

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8

Alain Marchadour11, bibliste, fait une lecture biblique et historique de la question de la

terre. La terre a une connotation géographique tout en étant le fruit d’une grâce12. La terre

est liée aussi en la personne du Christ. Il s'agit donc d'une lecture typographique13. Ce qui

est encore très important dans la lecture de l’auteur, c’est le déplacement qu’il fait par rap-

port à la conception de la terre : elle est aussi un autre lieu de culture, de cohabitation, de

tolérance.

Le théologien Jacques Blandenier14 prolonge la réflexion biblique en référant à de grandes

figures historiques comme les Pères de l’Église, les réformateurs et autres. Les Pères de

l’Église, à l’instar de Tertullien et Justin Martyr par exemple, ont appelé les riches proprié-

taires terriens à être compatissants envers les pauvres15. À l’époque de la Réforme, Luther

insista sur l’éthique et l’usage des deniers du culte. Zwingly fit une exégèse du thème de

l’argent. Bucer insista sur les charismes et ministères, tandis que Calvin mit en jeu une

théologie de la prédestination et de la Grâce16. En ce qui concerne les mouvements de ré-

veil, Blandenier cite Henry Dunant qui fit de grandes œuvres et collectes en faveur des dé-

laissés. Les mouvements piétistes, moraves et méthodistes insistèrent sur le caractère évan-

gélique tout en accentuant leur homilétique sur l’amour du prochain. On peut également

citer Jean-Frédéric Oberlin qui mit en valeur l’agriculture17. Pour sortir de la crise de la

pauvreté, l'auteur propose le retour à une actualisation de l’évangile. Il met davantage

l’accent sur la pauvreté que sur la terre même s’il y fait quelques références. C’est à ce ni-

veau qu’il se démarque de Marchadour et de Lienhard qui se sont focalisés sur la terre et les

fruits de la terre.

11 A. Marchadour et David Neuhaus, La terre, la Bible et l’histoire : « Vers le pays que je te ferai voir », Pa-

ris, Bayard, 2006. 12 Ibid., p. 23-27. 13 Ibid., p. 89. 14 Jacques Blandenier, Les pauvres avec nous : la lutte contre la pauvreté selon la Bible et dans l’histoire de

l’Église, Valence, Éditions LLb, 2006, p. 3. 15 Ibid., p. 92-93. 16 Ibid., p. 106-112. 17 Ibid., p.114-117.

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Le théologien Dominique Lang porte le même souci du développement des zones rurales

nanties de terres18. Il estime que l’Église a aussi un grand rôle à jouer sur ce plan, et non

seulement les gouvernements. Les théologiens doivent aider l’État à travers l’enseignement

biblique sur la terre. La culture chrétienne est très liée au contexte rural, qui était le lieu

d’action de l’homme dans la Bible. Les paraboles font toujours référence au monde agri-

cole. L’auteur cherche non seulement à comprendre cette gratuité de la terre, mais il inter-

pelle aussi l’homme quant à sa compréhension de cette gratuité. Il s’ensuit une éthique éco-

logique, où jouent les notions de paix, de justice, d’entraide et d’équité par rapport à la

terre19.

En somme, dans cette catégorie de documents relatifs aux études bibliques sur la terre, dif-

férents auteurs considèrent que la terre est un don de Dieu, qui nécessite l’effort de

l’homme pour son épanouissement. La liberté de l'homme et ses obligations envers Dieu

demeurent l’objet central des recherches de ces auteurs.

3.2 Les études bibliques sur la terre au Cameroun

« L’homme et la terre20 » est le sujet qui a fortement préoccupé le père Yves Saoût lors de

son séjour comme missionnaire au Cameroun durant les années 1980. Dans le cadre de

séances d’études bibliques, Saoût procédait à une lecture attentive de la Bible soucieuse

d’éviter une contextualisation hâtive21. Très frappé par l’attachement de l’Africain à sa

terre, particulièrement en contexte camerounais, Saoût a prêté une attention particulière aux

questions d’écologie, de développement et d’accaparation de la terre. Ce faisant, il faisait

suite aux écrits du théologien dominicain français Vincent Cosmao, sur le devoir de

l’Église face au sous-développement des pays du Tiers-Monde. Pour ce dernier, l’Église,

dans sa dimension éthique, devrait aider le monde à se transfigurer22. Saoût déplore le fait

que la terre et les fruits de la terre n’apparaissent pas dans la confession de foi ; c’est pour

18 Dominique Lang, L’Église et la question écologique, Paris, Arsis, 2008, p. 12-14. 19 Ibid., p. 152 et suiv. 20 Y.-Saoût, Dialogue avec la terre, Paris, Edition de l’Atelier, 1994, p. 10. 21 F. Mabundu Masamba, Lire la Bible en milieu populaire, Paris, Karthala, 2003, p. 137. 22 V. Cosmao, Changer le monde, Paris, Cerf, 1980, p. 96-106.

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10

lui une omission23. L’homme et la terre sont indissociables car ils font tous deux partie des

œuvres que Dieu a créées. Saoût tenait à établir les fondements bibliques de l’homme face à

sa terre et à soutenir la prise de position des chrétiens face à certaines dérives sociales, poli-

tiques, économiques ou éthiques concernant la terre en tant que matière, sol, État ou pays. Il

insistait sur l’amour du « Ressuscité24 » pour cette terre que Dieu donne aux humains. C’est

dans cette perspective qu’il privilégiait le Nouveau Testament pour nous faire découvrir un

« Jésus dans la création25».

À propos du même rapport entre l’écologie et la Bible, Albert Hari retrace les différentes

interjections, réclamations et interpellations concernant des faits et des rapports sociaux

dans la Bible26. Il invite à s’attarder sur les éléments de la nature tels que la terre et ses

composantes, par exemple l’homme, les plantes, l’eau, le ciel. Chacun de ces éléments est

souvent altéré dans notre monde actuel. Ainsi, Hari cite le Cameroun parmi les pays qui en

font une exploitation abusive. Interpellé, le chrétien doit faire entendre sa voix.

L’écologie étant un mot de la fin du 19e siècle, il ne se trouve évidemment pas dans la

Bible. Néanmoins, dans la Bible, on peut trouver diverses allusions ou interpellations rela-

tives aux éléments de la nature. Hari propose une lecture de la Bible à partir des faits vécus,

en vue de trouver une réponse selon le Seigneur. Il en va de même pour tous les peuples en

détresse, en guerre ou en état de pauvreté qui pourront, à travers des passages bibliques,

découvrir des pistes d’ouverture pour leur situation. L’auteur indique le risque d'une lecture

littérale de la Bible où cette dernière deviendrait la clé qui ouvrirait toutes les portes et of-

frirait toutes les solutions possibles. La lecture de la Bible, sous cet aspect écologique, doit

s’ouvrir à la critique27.

Hari et Saoût sont sur la même longueur d’onde tant à propos de la protection de l’écosystè-

me qu'à celui du danger qu'une lecture littérale et fondamentaliste de la Bible représente. Ils

se différencient cependant par leurs approches.

23 Y. Saoût, Dialogue avec la terre, p. 29-30. 24 Ibid., p. 28. 25 Ibid., p. 127. 26 A. Hari, L’écologie et la Bible, Paris, Atelier/Ouvrière, 1995, p. 13-19. 27 Ibid., p. 30-31.

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En somme, dans cette catégorie de documents relatifs aux études bibliques sur la terre au

Cameroun, ces divers auteurs ont discuté des allusions bibliques à la terre tout en touchant

aux problèmes écologiques du Cameroun.

3.3 Les populations rurales camerounaises et la terre

Dieudonné Takouo écrit sur le contexte social du Cameroun rural. Il note que dans les vil-

lages, les enfants ne vont pas tous à l’école. Les femmes et les enfants sont considérés

comme des esclaves, de la main d’œuvre pour la famille et pour une agriculture de subsis-

tance28. On assiste ainsi à un exode rural pour certains, qui pensent que l’avenir pourrait

être meilleur en ville qu’à la campagne29. En définitive, l’auteur décrit le contexte vécu par

les familles villageoises vivant de la petite agriculture. Il ne met cependant pas l’accent sur

l’élément central qu’est la terre.

Les géographes Alain Karsenty et Jérôme Marie s’intéressent à la terre du Cameroun, à sa

pauvreté rurale, ainsi qu’au caractère rudimentaire de ses méthodes d’agriculture30. Ils es-

timent que les us et rites ancestraux constituent de grands freins au développement à cause

d'un certain accaparement des terres. Karsenty et Marie relèvent aussi le problème de

l’immatriculation des terres en Afrique et particulièrement dans les anciennes colonies

françaises comme le Cameroun. Depuis la période coloniale, les terres appartiennent à

l’État. Les terres qui n’ont pas été immatriculées et à propos desquelles il n'a pas été prouvé

qu’elles appartiennent à un tiers, relèvent de la propriété de l’État. Il y a donc un véritable

problème d’accès à la terre.

Les forêts et les zones inoccupées au Cameroun appartiennent à l’État camerounais31. Mais

il s’ensuit un problème de délimitation de la forêt appartenant aux villageois et de celle

28 Dieudonné Takouo, « Pauvreté et changements démographiques à Yemessoa (Cameroun) », dans F. Gen-

dreau (dir.), Crises, pauvreté et changements démographiques dans les pays du Sud, Paris, Éditions Estem,

1998, p. 241-243. 29 Ibid, p. 245. 30 M. Adésir et al., « Espace partagé et partage des ressources dans le Kotiya (Delta central du Niger, Mali) »

dans Georges Rossi, Philippe Lavigne Delville et Didier Narbeburu, Sociétés rurales et environnement, Ges-

tion des ressources et dynamiques locales au Sud, Paris, Karthala/ Regards / GRET, 1998, p. 53-55. 31 Alain Karsenty et Jérôme Marie, « Les tentatives de mise en ordre de l’espace forestier en Afrique cen-

trale » dans Georges Rossi, Philippe Lavigne Delville et Didier Narbeburu, Sociétés rurales et environne-

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appartenant à l’État. On constate une déforestation accrue ces derniers temps. L’État qui

exploite la forêt s’avère incapable de suivre les choses32. En général, le problème de déve-

loppement rural est un cas sérieux car il interpelle à la fois les collectivités rurales et l’État ;

chacune des parties a un très grand rôle à jouer.

La socio-anthropologue Lisbet Holtedah décrit le mode de vie des populations du Nord

Cameroun où l’accès à l’éducation est très compliqué pour les femmes qui doivent travail-

ler la terre33. L’auteure détaille le bas niveau de vie des populations vivant des produits de

la terre, que ce soit au Nord ou à l’Ouest du Cameroun. Elle expose le contexte de misère

camerounais sans proposer de pistes pour une sortie de cette crise ou une prise de cons-

cience par les villageois. En général, comme le souligne le sociologue et théologien Jean

Marc Ela34, tout est rudimentaire et traditionnel en ce qui concerne la culture de la terre au

Cameroun.

3.4 Les recherches sur le développement des terres

Jean-Marc Ela met l’accent sur les recherches universitaires relatives au développement de

l’Afrique35. En ce qui concerne l’amélioration des conditions de vie des populations, il es-

time qu’il faudrait promouvoir l’éducation dans les cités rurales et ne pas privilégier une

caste dans les cités urbaines. Ce sont les villages possesseurs des terres qui souffrent le plus

de précarité, et de tous les maux en Afrique. Pour lui, la promotion de l’instruction et la

maîtrise des outils de gestion des fruits de la terre sont capitales pour tenter d’y éradiquer la

pauvreté36.

ment, Gestion des ressources et dynamiques locales au Sud, Paris, Karthala/ Regards / GRET, 1998, p. 162-

163. 32 Ibid., p. 171. 33 Lisbet Holtedahl, « Magie, amour et études supérieures : les difficultés de la promotion féminine » dans

Lisbet Holtedahl et al. (dir), Le pouvoir du savoir de l’Arctique aux tropiques, Paris, Karthala, 1999, p. 46-48. 34 J.-M. Ela, « Le rôle du savoir dans le développement. Agriculteurs et éleveurs au Nord-Cameroun » dans

Lisbet Holtedahl et al. (dir), Le pouvoir du savoir de l’Arctique aux tropiques, Paris, Karthala, 1999, p. 434. 35 J.-M. Ela, Guide pédagogique de formation à la recherche pour le développement, Paris, L’Harmattan,

2001, p. 27. 36 Ibid., p. 32.

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13

Jean-Pierre Chauveau, Philippe Lavigne Delville37 et leurs collaborateurs touchent du doigt

le cas concret du Cameroun sur la question des terres. Ces terres appartiennent à l’État de-

puis les règlements de la période coloniale. Pour être titulaire, une autorisation doit être

adressée à l’État par le biais du responsable civil de la circonscription administrative. Du

côté traditionnel, les terres appartiennent au chef traditionnel qui, selon les règles coutu-

mières, est le garant des ancêtres. Ce qui se traduit par plusieurs vecteurs en jeu dans

l’explication de la propriété foncière en Afrique comme les chefs de famille ou de village,

l’administrateur civil ou les soi-disant propriétaires terriens. En définitive, l’auteur montre

la complexité d’un développement rural (il se concentre sur le cas de Yaoundé) tout en es-

quissant des pistes critiques.

Très touché par la situation économique de l’Afrique et de son Cameroun natal en particu-

lier, Jean-Marc Ela s’intéresse, d'une part, au manque d’accès des Africains à des études qui

pourraient ensuite favoriser le développement économique38. D’autre part, le régime poli-

tique en place ne favorise pas le développement des terres. L’auteur cite le cas d’une entre-

prise productrice de bananes au Cameroun qui, après sa nationalisation, a mis en déroute

tous les paysans en les invitant à vendre leurs terres39. Bien qu’il fasse des allusions aux

propriétaires terriens, l’auteur explore plus largement le cadre économique, moral et intel-

lectuel de l’Afrique et du Cameroun.

Marcel Launay40, théologien et historien, se penche sur le cas de l’Église de France qui

autrefois était essentiellement composée de paysans et qui aujourd’hui souffre d’une crise

aigüe de vocation. La présence de la religion dans les campagnes donna un élan à la prospé-

rité, tant agricole qu’intellectuelle, et à la formation de l’élite intellectuelle. C’est entre

autres la terre qui décède depuis un certain temps, entrainant ipso facto le décès de l’Église.

Une part de responsabilité revient à cet exode rural massif des chrétiens et à la négligence

de l’Église de contribuer au développement des campagnes rurales qui étaient jadis, avant

37 Jean-Pierre Chauveau et Philippe Lavigne Delville, « Quelles politiques foncières intermédiaires en Afrique

rurale francophone » dans Marc Levy (dir.), Comment réduire la pauvreté et inégalités, Pour une méthodolo-

gie des politiques publiques, Paris, Karthala, 2002, p. 211-228. 38 J.-M. Ela, L’Afrique à l’ère du savoir : science, société et pouvoir, Paris, L’Harmattan, 2006, p. 192. 39 J.-M. Ela, Travail et entreprise en Afrique, Paris, Karthala, 2006, p. 120-121. 40 Marcel Launay, Le ciel et la terre, Paris, Cerf, 2009, p. 7-8.

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1905, très croyantes et pratiquantes. Ce qui est très frappant dans ce cas européen, c’est

l’interpellation de l’Église de France au sujet des zones rurales.

Abhijit V. Banerjee et Esther Duflo se penchent sur l’intervention des gouvernements et des

ONG dans le contexte vécu des agriculteurs. Ils comparent les pays en voie de développe-

ment, et constatent que la précarité en zone rurale est très accentuée parce que les pauvres

n’ont pas la possibilité d’améliorer leurs terres. Ces terres sont moins appréciées au point

de vue du rendement et par conséquent, les agriculteurs sont obligés de les abandonner pour

aller travailler chez les riches propriétaires fermiers. D’où la nécessité d’aider ces petits

agriculteurs pauvres afin qu’ils entreprennent de petits projets rentables41.

C’est dans ce cadre d’entraide que des chercheurs africains et camerounais se sont lancés

dans la création d’une université évangélique dont le but est d’inculquer d’autres valeurs

dans l’enseignement. Jean-Blaise Kenmogne, recteur de l’Université Évangélique du Ca-

meroun, fait remarquer qu’avant les indépendances de nombreux pays africains, l’urgence

s’était fait sentir de former de jeunes intellectuels capables de prendre en main le dévelop-

pement de leur pays. Mais après plusieurs décennies, il faut constater que nombre d’entre

eux se sont emparés des fonds publics pour leurs intérêts personnels. L’auteur cite des pays

africains et particulièrement le Cameroun, dont il est originaire. Il cite Eboussi Boulaga et

Achille Mbembe qui décrivent la situation désastreuse du Cameroun pour ce qui est des

dilapideurs de fonds publics42. Selon l’auteur, il faudrait revoir la formation des peuples

africains. Il faudrait une nouvelle donne, une nouvelle manière de former l’élite africaine

dans une optique de « développement durable43 ».

Le théologien Kä Mana44 propose également de redéfinir le sens de l’éducation ou de la

pensée de l’Africain, pour le sortir de sa léthargie. Il faudrait refondre la pensée de

l’homme africain, exorciser les mauvaises intentions et pensées afin d’assainir les situations

41 Abhijit V. Banerjee et Esther Duflo, Repenser la pauvreté, Paris, Seuil, 2012, p. 294-295. 42 J.-B. Kenmogne, Pour une révolution de l’école par la révolution de l’intelligence, Bandjoun, Presses de

l’Université Évangélique du Cameroun, 2012, p. 18-21. 43 Ibid., p. 26. 44 Kä Mana, Eduquer l’imaginaire africain. Le devoir d’aujourd’hui et les enjeux d’avenir, Bandjoun, Presses

de l’Université Évangélique du Cameroun, Cahiers de l’Université Evangélique du Cameroun n° 4, 2012,

p. 29.

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15

existantes45. Kä Mana cite également Eboussi Boulaga et Achille Mbembe selon lesquels il

faut combattre les fléaux qui minent l'Afrique et le Cameroun en particulier, notamment la

corruption et l’individualisme, pour redéfinir la pensée africaine par la voie d’autres modes

d’éducation46. Pour Kä Mana, il faut tout d’abord être conscient de la situation dans la-

quelle se trouve l’Afrique et vouloir un changement afin de déterminer les méthodes à utili-

ser pour obtenir ce changement47. Pour ce faire, il faut s’attaquer non seulement à la misère

matérielle, mais aussi et surtout à la pauvreté intellectuelle.

Selon Moukoko Priso, mathématicien et professeur, le changement doit s’opérer dans un

cadre bien défini avec des bases solides. Il faut des instruments de changement pour un

développement sûr et intégré. Ceci ne passera que par des universités efficaces ayant à

cœur ces problèmes de développement48.

Eugène Fonssi, communicateur, prend d’abord acte de la situation de sous-développement,

de corruption et d’individualisme qui pourrit le Cameroun et l’Afrique en général. Un souci

de changement est une deuxième étape. En troisième lieu viennent les moyens de change-

ment. Telles sont les voies que doivent suivre les universités dans leur recherche d'une édu-

cation suivie en milieu africain49.

En définitive, pour tous les auteurs explorés dans cette catégorie, la recherche universitaire

sur le développement doit être valorisée en Afrique.

4. Question de recherche et structure de la thèse

Avant de présenter ma question de recherche, j’aimerais rappeler l’objet de ma recherche :

le paradoxe que constitue à la fois la pauvreté de la paroisse de Mbouo-Ngwinké et la ri-

chesse de son patrimoine de terres. Quant à ma question de recherche proprement dite, la

45 Ibid., p. 29. 46 Ibid., p. 48-49. 47 Ibid., p. 60-61. 48 Moukoko Priso, Innovation et dynamisation pédagogiques. L’expérience de l’Université Évangélique du

Cameroun, Bandjoun, Presses de l’Université Évangélique du Cameroun, Cahiers de l’Université Évangélique

du Cameroun n° 2, 2012, p. 47-48.

49 Eugène Fonssi, L’université autrement, Bandjoun, Presses de l’Université Évangélique du Cameroun,

Cahiers de l’Université Évangélique du Cameroun, n°3, 2012, p. 34-35.

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voici : quelles prises de conscience et quelles perspectives se dégagent d’une réflexion col-

lective sur le rapport à la terre, en dialogue avec des textes bibliques ? Cet objet et cette

question de recherche seront les deux grands axes que je garderai en vue durant toute la

rédaction de ce travail.

La thèse s’articulera entièrement autour de cette question de la terre. Le premier chapitre

présentera la paroisse où s’effectue ma recherche. Le deuxième chapitre sera consacré à la

méthode de recherche. Le troisième chapitre présentera les résultats de l’enquête effectuée

sur le terrain. Aux chapitres quatre et cinq, je procéderai à l’analyse des mêmes textes bi-

bliques qui ont fait l’objet des ateliers sur le terrain. Au chapitre six, je corrélerai de ma-

nière critique mes analyses bibliques et les résultats de l’enquête. Je conclurai en ressortant

les grandes idées de l’ensemble du parcours de la recherche tout en dégageant des pistes

d’ouverture à proposer aux paroissiens en ce qui a trait à la terre.

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Chapitre 1. L’Église Évangélique du Cameroun et l’enjeu de la terre

Il s’agit dans ce chapitre de décrire la situation des terres de l’Église Évangélique du Came-

roun et de la paroisse de Mbouo-Ngwinké, mon terrain d’intervention. Pour cette présenta-

tion, je réfère essentiellement aux ouvrages de missiologie, d’anthropologie et de sociologie

de Jaap van Slageren, Médard Fotso, Simon David Yana, Louis-Marie Ongoum, Jean-Paul

Messina et Claude Tardits, qui font preuve de bonnes connaissances sur les populations du

Cameroun.

Beaucoup de personnes de l’Église s’interrogent sur le devenir de la terre léguée par les

missionnaires à la jeune Église issue des missions européennes. Le déclin subi ces dernières

décennies par les stations missionnaires – c'est-à-dire les terres des paroisses issues des

missions – laissent la plupart des chrétiens perplexes. Pour certaines personnes, il faudrait

faire un inventaire clair de ces stations missionnaires. Pour d’autres, il faudrait redéfinir

clairement le sens de ces terres en revenant à l’histoire des dons effectués par les mission-

naires. J’appartiens à cette catégorie de personnes ; je pense qu’il faudrait relire l’histoire

de l’Église Évangélique du Cameroun, comprendre la situation des terres de la paroisse en

comprenant le contexte socioculturel du Cameroun, du pays bamiléké de l’Ouest-Cameroun

et enfin des paroissiens de Mbouo-Ngwinké. Dans les lignes qui suivent, je présenterai la

société du pays bamiléké de l’Ouest-Cameroun, l’Église Évangélique du Cameroun en gé-

néral et la paroisse de Mbouo-Ngwinké en particulier.

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1. Le pays bamiléké de l’Ouest Cameroun

1.1 Le peuple bamiléké50

Le Cameroun fait partie des pays de l’Afrique centrale. Il est entouré des pays suivants : le

Tchad, la République centrafricaine, le Congo, le Gabon, le Nigéria, la Guinée équatoriale.

C’est un pays très varié sur le plan naturel. Il possède plus de deux cents tribus51.

Le peuple52 bamiléké, quant à lui, appartient à la population des Grass Fields de l’Ouest

Cameroun. « Les Bamiléké qui occupent un territoire d’une superficie d’environ 5.536 km2,

actuelle province de l’Ouest du Cameroun, forment un ensemble de chefferies jouissant, à

quelques variantes près, d’une civilisation commune53. » C’est une région montagneuse,

fertile, de haute densité. Il est fort probable que ce soit à l’origine un peuple immigré :

l’anthropologue Claude Tardits écrit : « D’après les récits de caractère historique recueillis

dans les chefferies, les Bamiléké auraient progressivement occupé cette région au cours du

XVIIIe et du XIXe siècles, vraisemblablement chassés d’un habitat situé au nord ou au

nord-ouest54. »

Du fait que ce soit un peuple étranger provenant de plusieurs régions d’Afrique, cette ethnie

est très diversifiée tant dans ses mœurs que dans ses langues parlées. C’est aussi ce qui ex-

plique la multiplicité de chefferies traditionnelles de cette grande population. À ce propos,

Claude Tardits écrit : « La société bamiléké, organisée en une multitude de “chefferies” a

conservé, jusqu’à nos jours, des institutions apparemment solides et elle est un véritable

conservatoire de quelques-unes des plus remarquables traditions d’organisation politique

50 Dans cette section, je suivrai essentiellement les indications données par Tardits et Yana dans leurs ou-

vrages respectifs : Claude Tardits, Contribution à l’étude des populations Bamiléké de l’ouest Cameroun,

Paris, Editions Berger-Levraut, 1960 ; Simon David Yana, À la recherche des modèles culturels de la fécondi-

té au Cameroun, une étude exploratoire auprès des Bamiléké et Bëti de la ville et de la campagne, Louvain-

la-Neuve, UCL, Academia Erasme, 1995. L’ouvrage de Tardits sera le plus cité. Même s’il date de 1960, il

demeure néanmoins l’ouvrage qui relate le plus en profondeur le contexte bamiléké. D’autre part, la situation

culturelle relatée n’a pas évolué de façon substantielle depuis lors au plan des coutumes. 51 Médard Fotso et al., Cameroun. Enquête démographique et de santé 1998, Claverton, Maryland, Macro

International, 1999, p. 1-3. 52 Tout au long de ce travail, les termes « peuple », « tribu » et « ethnie » seront utilisés indifféremment pour

désigner les différents groupes ethniques formant la population du Cameroun. 53 David Yana, À la recherche des modèles culturels…, p. 29-30. 54 Claude Tardits, Contribution à l’étude des populations Bamiléké…, p. 9.

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19

que l’on puisse rencontrer dans les civilisations africaines55.» Ce peuple est caractérisé au-

jourd’hui par sa capacité de migration vers les villes et surtout par son nombre sans cesse

croissant. J’ai personnellement constaté que les Bamiléké sont toujours prêts à partir vers

de nouveaux horizons. Ce qui pourrait expliquer le fait qu’ils soient les plus expatriés de

nos jours. J’explique ceci par le fait que de nos jours en Europe occidentale, les statistiques

de plusieurs ambassades camerounaises démontrent un taux élevé de Bamiléké expatriés.

Claude Tardits écrit : « La poussée démographique est, en effet, la donnée essentielle. Ses

incidences sont toutes fois diversement appréciées : quelques-uns mettent l’accent sur la

pénurie des terres, d’autres sur l’opposition des émigrés à la chefferie en cours de dégrada-

tion, d’autres encore sur les difficultés de coexistence entre émigrés et autochtones et le

sous-emploi dans les centres urbains56. »

L’appellation « bamiléké » n’a pas une origine simple ou unique. Certains pensent qu’elle

désigne un peuple extirpé de la terre. À ce propos, Simon David Yana écrit : « Le nom des

Bamiléké est le résultat de plusieurs déformations. En langue Dschang (sous-groupe de

l’ethnie Bamiléké), le nom originel de ce groupe serait “Mbaliku”, qui signifie “les origi-

naires et les sortants d’un trou de terre (sacré)”. Il n’est devenu “Bamiléké” qu’à la suite

des difficultés de prononciation des colonisateurs Allemands d’abord, Français ensuite57. »

1.2 Organisation du peuple bamiléké

Ce peuple s’organise en groupes de personnes autour d’un leader de village appelé « chef

supérieur ». Il s’agit donc d’un système de chefferie. Les concessions sont organisées par

groupe sur un espace de terre cultivée où l’on peut apercevoir des maisons dirigées par un

chef de famille autour duquel se regroupent des femmes et des enfants58. On est dans un

55 Ibid., p. 10. 56 C. Tardits, Contribution à l’étude des populations Bamiléké…, p. 10. 57 S. D. Yana, À la recherche des modèles culturels…, p. 29. 58 C. Tardits, Contribution à l’étude des populations Bamiléké…, p. 15.

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système hiérarchique où les familles gravitent autour d’un chef de famille et où un chef de

village dirige tous les chefs de famille59.

Le chef de village incarne les valeurs traditionnelles ancestrales. La culture ancestrale est

animiste. Une pratique clé consiste à célébrer un culte des crânes. Le chef de village est le

représentant des ancêtres ainsi que le propriétaire des terres du village. Ce chef de village

invoque les ancêtres pour la fécondité des récoltes ; il est ainsi doué d’un certain pouvoir

surnaturel. Claude Tardits écrit à ce sujet : « Le chef bénéficie traditionnellement de presta-

tions en nature. Il reçoit une part des récoltes faites par les femmes ; d’importantes quanti-

tés de produits vivriers […]. Le droit de répartir les terres, le pouvoir de disposer d’une

main d’œuvre féminine, le bénéfice des prestations, les ressources qu’il tire des biens de la

chefferie […] sont à la base de la puissance économique des chefs60. » Une autre caractéris-

tique de la chefferie est la capacité du chef de s’entourer de notables, une forme de mi-

nistres qui l’aident à la gestion du village. C’est cette organisation qui permet une certaine

union du peuple bamiléké rassemblé autour de son chef, qui est non seulement son garant

mais aussi le communicateur ou l’intervenant auprès des ancêtres (au même titre que le

lévite ou le prêtre dans l’A.T). C’est le nœud de la culture bamiléké.

1.3 Le mariage et la famille

Chaque famille étant composée d’un chef supervisant femmes et enfants, on peut en dé-

duire que, dans la plupart des cas, le chef de famille est polygame. La polygamie constitue

la marque d’une grande richesse qui se transmet puisque le père donne ses enfants filles en

mariage à un homme qui, en règle générale, est également polygame. En retour, le gendre

est tenu de verser une dot constituée notamment d’argent liquide mais surtout de dons en

nature tels que l’huile. C’est la tradition ancestrale.

Ce qui est très frappant dans cette société hiérarchisée en ce qui concerne le mariage, c’est

le respect de la notabilité. Le chef de famille ne donne ses enfants en mariage qu’à une

autre famille de même rang social. C’est ainsi, par exemple, que les chefs de village ne

59 Ibid., p. 16. 60Ibid., p. 35.

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donneront leurs enfants qu’à d’autres chefs de village ou à des serviteurs de chefferie, dans

le but de pérenniser la royauté61. En effet, le chef de village est considéré comme le roi du

village. J’entends souvent dire dans mon village que le chef du village Bandjoun est le roi

des Bandjoun. Cette expression se retrouve aussi dans les discours des sous-préfets lors de

l’intronisation des chefs de village dans leurs fonctions.

Chaque famille ainsi créée par les liens du mariage, reçoit des parcelles de terre du chef de

famille. Ce sont ces terres, pour la plupart données par le père, qui constituent le principal

héritage.

Lorsqu’une famille se fonde, il est d’usage que le nouvel époux établisse sa

case et celle de sa femme à quelque distance de la résidence de son père.

Chaque femme a sa case et le mari la sienne. Le jeune époux recevra de son

père le droit d’exploiter quelques lots de terres qui font partie de l’ensemble des

parcelles sur lesquelles sa famille paternelle exerce ses droits. Si celles-ci sont

insuffisantes, il demandera au fo (ou au chef de quartier) des terres supplémen-

taires. Les épouses auront chacune leur parcelle particulière. Elles sont chargées

de nourrir la famille62.

Il est vrai que de nos jours, les positions ont évolué à ce sujet. Il y a les progressistes qui

veulent changer la tradition et d’autres qui veulent la conserver par crainte de la malédic-

tion des ancêtres. Ces derniers sont nombreux car le respect de la tradition ancestrale pré-

vaut chez la plupart des Bamiléké.

Plus spécifiquement, c’est surtout à Bafou, mais aussi à Yaoundé, que se ren-

contrent les jeunes qui expriment le plus le besoin de s’adapter à l’évolution

(« il faut changer, on ne doit pas respecter les traditions de nos parents » ;

« nous n’appartenons pas à la même génération, il faut vivre avec son temps »).

Cela ne signifie cependant pas un abandon total de la tradition, car « dans la vie

moderne et la tradition, il y a des points positifs et négatifs » reconnait un

élève63.

Ce qui est plus à retenir et qui focalise l’attention de nos jours, c’est la dévaluation de la

femme mariée. L.-M. Ongoum, spécialiste des littératures orales africaines, écrit à ce sujet :

61 Ibid., p. 20-22. 62 Ibid., p. 24-25. Le « fo » est l’appellation du roi en langue bamiléké. 63S. D. Yana, À la recherche des modèles culturels…, p. 218.

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« Le mariage est un marché où la femme est le capital. Lorsqu’elle a des enfants, elle pro-

duit des bénéfices, mais dans le cas contraire, son mari, l’investisseur, tourne à perte, re-

couvrant tout juste le fonds investi : la femme64. »

La famille est constituée du père, des femmes et des enfants. La famille ne se limite pas

seulement à une génération : elle est très élargie et prend une grande proportion.

Ses membres ne se connaissent pas toujours tous individuellement, mais chacun

doit être au courant de l’existence des autres, afin de pouvoir remplir à

l’occasion son devoir d’assistance à leur égard, ou bénéficier éventuellement de

leur soutien […]. Puisqu’il peut arriver que les membres de la famille ne se

connaissent pas tous, il faut que les aînés montrent leurs parents aux plus

jeunes65.

Le rôle du père est d’accroitre la famille et d’engendrer des lignées ; c’est la raison pour

laquelle la procréation est très développée dans la culture bamiléké.

1.4 La place de la femme dans la société bamiléké

La femme est perçue dans la culture bamiléké sous deux angles : l’angle primordial de la

fécondité et l’angle négatif de l’exploitation.

1.4.1 L’angle de la fécondité

Le rôle de la femme est de procréer : une femme qui n’a pas d’enfant est malheureuse et n’a

pas de place dans la société bamiléké.

La relation entre la fécondité et le statut de la femme en pays bamiléké est es-

sentiellement liée au culte des ancêtres. Ainsi, en cas de stérilité définitive, la

femme n’aura pas droit au sacrifice après sa mort; son crâne ne sera pas recueil-

li, parce qu’on considère qu’elle a vécu pour rien. Dans la famille polygamique,

la femme est d’autant plus valorisée aux yeux de son mari qu’elle est féconde,

puisque les enfants sont indispensables à la visibilité, au prestige social du mari.

64 L.-M. Ongoum, « Poèmes de femmes bamiléké » dans Jean-Claude Barbier, Femmes du Cameroun, Mères

pacifiques, femmes rebelles, Paris, Karthala, 1985, p. 294. 65 S. D. Yana, À la recherche des modèles culturels…, p. 87.

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Ce sont donc les femmes qui sont responsables de la qualité de la succession du

mari66.

La femme est considérée comme importante, car sans elle, il n’y a point de vie. Sans elle, la

société bamiléké n’existerait pas, puisque c’est la femme qui fait les enfants, surtout des

garçons qui pourront hériter de leur père pour devenir polygames à leur tour. La femme sur

ce point est louable et on ne pourrait se passer d’elle. Son statut est primordial dans la cul-

ture. « La fécondité opère ainsi en faveur du statut de la femme bamiléké par deux voies :

tout d’abord en lui permettant d’entrer dans la cosmogonie, et ensuite en lui octroyant, dans

une famille polygamique, un statut de privilégié lorsqu’un de ses fils devient héritier du

chef de famille67. »

1.4.2 L’angle négatif de l’exploitation

La femme n’est affectée qu’à la procréation et au travail de la terre pour nourrir la famille.

Elle n’a aucun droit de succession sur la terre. Elle est faite pour quitter le domicile paren-

tal, pour fonder un foyer ailleurs et perdre ainsi ses origines paternelles.

La jeune fille est destinée au mariage. On lui inculque cette idée dès son plus

bas âge et il tarde aux parents de voir arriver le jour où leur fille prendra un ma-

ri. Le plus important des deux géniteurs est le père qui a sans doute hâte de tou-

cher la dot. La mère attend que sa fille soit mûre physiquement et, surtout, mo-

ralement, bien préparée à répondre à sa vocation d’épouse68 .

Il est clair que la culture bamiléké exploite la femme au profit de l’homme. La femme est

considérée comme un objet qu’on doit utiliser pour arriver à ses fins (argent, sexe, etc.).

L’enjeu de la procréation y joue un rôle central. « L’obsession des enfants pour les bamilé-

ké, en dehors du besoin économique des bras pour la mise en valeur d’un sol souvent in-

grat, est due à la nécessité religieuse de laisser une descendance, aussi nombreuse que pos-

66Ibid., p. 38. 67Ibid. 68 Ongoum, « Poèmes de femmes bamiléké », p. 290.

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sible, pour perpétuer le souvenir dans le culte du crâne69. » Dans toute la société camerou-

naise, plus des trois quarts des ménages sont administrés, commandés par les hommes70.

1.5 Les terres au cœur de l’économie

Le pays bamiléké est une zone riche sur les plans de l’agriculture et de l’élevage. Les cul-

tures vivrières sont faites par les femmes alors que les cultures industrielles sont laissées

aux hommes. Ce développement est hérité de la période coloniale allemande. Les Bamiléké

profitent de la richesse de leur sol et de leurs terres pour accéder au commerce. Plusieurs

ont migré vers les grandes villes pour développer le commerce sur la base des productions

de la terre de l’Ouest-Cameroun. C’est ainsi que plusieurs églises à caractère ethnique ba-

miléké se développèrent dans les métropoles urbaines.

Après le départ des Allemands en 1915, beaucoup d’anglophones iront peupler

les quartiers de Douala […]. Puis le mouvement des jeunes écoliers et des

adultes en quête de travail n’a cessé d’attirer les Bassa de la Sanaga-Maritime et

de Babimbi, les Ewondo et les Béti venant de Yaoundé, les Boulou du Centre-

Sud, les Bamoun et enfin les Bamiléké, qui représentent sûrement la plus

grande partie des immigrants à Douala71.

Dans les villages, les terres appartiennent au chef ou à la chefferie toute entière. Ces terres

sont gérées par les représentants du chef de village, à savoir les notables. Chaque notable

gère les terres dans sa contrée en conformité avec l’avis du chef. C’est ainsi que les terres

des concessions sont gérées et données à qui les veut, avec l’accord du chef de quartier et

du chef de famille. Les principales exploitations des terres se pratiquent de manière très

archaïque. Les mêmes terres sont remuées chaque année, ce qui occasionne par endroit un

faible rendement. La terre permet tout de même de nourrir le peuple. Claude Tardits écrit :

« Les travaux se font à la houe […]. La question de l’appauvrissement progressif de ces

69 Ibid, p. 292. 70 M. Fotso et al., Cameroun…, p. 15. 71 Jaap Van Slageren, « Œcuménisme local : le cas de Douala et Yaoundé » dans Jean-Paul Messina et Jaap

Van Slageren (dir.), Histoire du christianisme au Cameroun, des origines à nos jours, Paris, Editions Karthala

et Editions Clé, 2005, p. 274-275.

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terres, dû aux rotations des cultures souvent trop rapprochées et à l’érosion qui s’accélère

du fait du déboisement, devra retenir toute notre attention72. »

Les terres constituent l’objet de ressources et de revenus pour la population. C’est la raison

pour laquelle, de nos jours, les querelles autour des terres sont nombreuses tant dans les

familles que dans la population en général.

1.6 L’émigration

Les Bamiléké sont issus de l’immigration. Ils ont hérité de leurs aïeux un mode de vie axé

sur le travail de la terre. S’ils déménagent en ville, ils y apportent l’esprit de solidarité in-

culqué par leurs parents de même que l’esprit d’entreprise.

« La venue massive de Bamiléké à Douala, la faiblesse de leurs revenus les ont obligés à

trouver des solutions aux problèmes de l’alimentation et du logement et adopter un mode

vie compatible avec leurs ressources. L’adaptation à ce milieu […] s’est faite grâce à une

organisation collective du mode de vie que l’on peut considérer comme la prolongation des

liens de solidarité traditionnels73. »

En somme, la société bamiléké est une société à caractère hiérarchique, essentiellement

basée sur les croyances traditionnelles ancestrales et placée sous la tutelle d’un chef de vil-

lage. Celui-ci est le garant des terres et des coutumes ancestrales. Le pays bamiléké est

composé de terres très riches et cultivables qui constituent le grenier du Cameroun. Des

valeurs culturelles comme la solidarité entre les membres, l’aide et la fraternité ont permis

aux Bamiléké de se démarquer sur divers plans, notamment économique et même acadé-

mique. Ils émigrent en divers lieux où ils sont de vaillants tenants de leurs cultures. Il est

bien vrai, tout n’est pas rose. Certains us et coutumes posent question, notamment le mépris

des femmes, leur incapacité à hériter ou à accéder à la propriété foncière. Le statut des

femmes jusqu’à nos jours dans la culture bamiléké mérite d’être revu.

72 C. Tardits, Contribution à l’étude des populations Bamiléké…, p. 10, 72-73. 73Ibid., p. 92.

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La femme joue un rôle discret, officiellement subalterne mais très important

dans la société bamiléké. Les valeurs sociales de jadis et principalement la

guerre ont donné la première place à l’homme : le chef de famille, de quartier

ou de village est un homme. La terre est entre ses mains ; c’est lui qui la répartit

entre ses femmes et il se réserve une part des récoltes ; c’est l’homme qui pos-

sède presque tous les biens : bétail, outillage, argent. […] En outre, c’est la

femme qui détient le rôle économique essentiel : cultures, préparation des re-

pas74.

Cette présentation du pays bamiléké permet de comprendre le rôle central qu’y jouent

les terres selon les coutumes, ce qui se reflète dans l’Église. Les réactions des chré-

tiens par rapport à la terre traduisent le vécu cultuel et culturel du peuple bamiléké.

2. L’Église Évangélique du Cameroun et la paroisse de Mbouo-Ngwinke

2.1. L’Église Évangélique du Cameroun

L’Église Évangélique du Cameroun (EEC) est le fruit de trois sociétés de missions euro-

péennes: la Mission baptiste de Londres, la Mission de Bâle encore appelée « Basler Mis-

sion Society75 » (héritière de celle de Londres) et la Mission protestante française76.

L’Église Évangélique du Cameroun est devenue indépendante le 10 mars 1957, trois ans

avant l’indépendance du pays. Cette autonomie a été accordée par la Société des missions

évangéliques de Paris (SMEP)77.

En ce qui concerne son appellation, l’Église Évangélique du Cameroun a choisi

le qualificatif « évangélique » pour signifier simplement qu’elle est protestante,

tout en marquant sa vocation de fidélité à l’évangile, seule base normative de sa

foi – en opposition à l’Église catholique romaine qui attache autant d’importan-

ce à la tradition et à l’autorité papale. Après avoir longtemps hésité, l’Église

74 Ibid., p. 105. 75 Jaap Van Slageren, « Les Églises du Sud-Cameroun » dans J.-P. Messina et Jaap Van Slageren (dir.), His-

toire du christianisme au Cameroun : des origines à nos jours : approche œcuménique, Paris, Karthala, 2005,

p. 36-37. 76Jaap Van Slageren, Les origines de l’Église Évangélique du Cameroun : missions européennes et christia-

nisme autochtone, Leiden/Yaoundé, Éditions Bril/CLE, 1972, p. 25-38. 77 Id., « Les Églises du Sud-Cameroun », p. 67.

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Évangélique au Cameroun a finalement adhéré à l’Alliance réformée mondiale

en 200378.

Sa base institutionnelle est Douala.

Quant à la structure, son ecclésiologie est presbytéro-synodale à caractère présidentiel. Son

bureau est composé de cinq membres élus pour un mandat de sept ans à savoir un président

général, trois vice-présidents (un pasteur et deux laïcs) et un secrétaire général (qui est pas-

teur). Elle compte de nos jours 18 régions synodales, plus de 700 paroisses et plusieurs an-

nexes, plus de 400 pasteurs en activité, 450 évangélistes et plus de deux millions et demie

de fidèles inscrits79.

Chaque région synodale comporte à sa tête un président de région élu par un conseil syno-

dal général qui se réunit une fois par an pour mettre à exécution les décisions du synode

bisannuel. Une région synodale est formée de consistoires, un organe rassemblant des pa-

roisses d’une même entité géographique. En d’autres termes, un groupe de paroisses for-

ment un consistoire et un groupe de consistoires forment une région. Un ensemble de ré-

gions forment un synode général ayant à sa tête le bureau exécutif mentionné ci-dessus80.

L’EEC possède de nombreuses institutions de formation réparties dans plusieurs régions du

Cameroun. Au plan social, elle possède cinq hôpitaux, des institutions scolaires, des œuvres

agricoles, des centres d’animation, des foyers, des départements pour les jeunes et pour les

femmes, celles-ci constituant près de 75 % des membres de l’Église. Elle entretient des

relations interconfessionnelles par son insertion dans de grandes organisations comme le

Conseil œcuménique des Églises, l’Alliance reformée mondiale, le Département mission-

naire suisse, la Communauté Évangélique d’Action Apostolique (CEVAA) et la Mission

évangélique unie d’Allemagne.

78Ibid., p. 72. 79 Ibid., p. 76. 80 Informations reçues du secrétaire général de l’Église.

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2.1.1 État des lieux des paroisses

Deux visages correspondent à l’EEC, selon qu’il s’agit des paroisses urbaines composées

d’habitants des cités, ou des paroisses rurales que fréquentent de pauvres paysans qui n’ont

pas pu s’exiler en ville et qui vivent d’une agriculture de subsistance.

Dans les zones rurales, les chrétiens sont pauvres. Ceux qui ont des terres s’adonnent à

l'agriculture, au petit élevage et à l'artisanat mais, avec des rendements faibles. Ils savent

bien que la terre est un don de Dieu, mais ils n’ont pas les moyens d'accroître leur produc-

tion. Ils sont victimes de malnutrition ou de maladie. Leurs méthodes sont rudimentaires et

la gestion des terres est mal élaborée. Il y a aussi une carence de formation, d'information et

de structures adéquates au suivi. L'État s’avère incapable d’assurer la transmission des con-

naissances agricoles de base. Cette situation de précarité se vit dans la plupart des Églises

d’Afrique au sud du Sahara. « “Connais-tu le remède à la fatigue du sol ? Si oui nous

sommes prêts à l’apprendre.” Combien de fois aurai-je entendu cette interrogation81 ».

Toutes ces difficultés font fuir les jeunes ; les adultes qui les endurent meurent tôt, car les

besoins de santé ne sont pas couverts. Par exemple, l'eau potable manque, une particularité

très sensible des paroisses rurales au Cameroun : « Dans beaucoup de villages, l'eau potable

est le principal problème82 ».

D'autre part, je sais d’expérience que certaines personnes ont des terres mais ne les culti-

vent pas et les vendent parfois à bas prix, créant des problèmes dans les familles.

Par ailleurs, les chrétiens eux-mêmes sont plongés dans des comportements magiques, des

superstitions, des pratiques sacrificielles et du fétichisme qui ne peuvent pas les aider à se

développer. Un certain syncrétisme religieux se propage, où s’entremêlent l’animisme, les

croyances traditionnelles et le christianisme. J’ai vu des paroissiens venir au temple le di-

manche matin avec un sac contenant une poule pour, dès la fin du culte, aller offrir des sa-

crifices aux « dieux ». « Devant ces difficultés de l'existence, l’africain tend à revenir spon-

81 G. Belloncle, La question paysanne en Afrique Noire, Paris, Karthala, 1982, p. 76. 82 J.-M. Ela, L’Afrique des villages. Paris, Karthala, 1982. p. 53.

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29

tanément aux traditions ancestrales83. » Partout sévit l’ignorance des méthodes de dévelop-

pement rural.

2.1.2 Enjeux institutionnels de l’Église

L’Église est confrontée à de nombreux problèmes liés pour la plupart au manque de forma-

tion des pasteurs en développement rural. Dans un premier temps, j’observe

qu’aujourd’hui, les dirigeants de l’Église négligent leurs terres. Ces terres ont généralement

été données par les chefs de village aux missionnaires et léguées par ceux-ci lors de

l’autonomie de l’Église en 1957. Il arrive qu’elles soient expropriées ou même vendues à

des tiers, souvent à l’insu de la direction de l’Église.

Dans un second temps, lorsque l'Église affecte des pasteurs en zone rurale, les conditions

de vie y sont si mauvaises que beaucoup de pasteurs sont impatients d’être mutés en ville. «

Pour freiner, voire enrayer l'exode rural, le chômage et donner aux jeunes l'occasion de se

former [...], les Églises membres de la FEMEC ont pour cela créé des fermes écoles84 ».

Mais les dirigeants de ces centres d’assistance rurale (des pasteurs, parfois avec la compli-

cité d’anciens) les ont souvent mal gérés, de telle manière que ces centres ont fermé leurs

portes après le départ des missionnaires blancs. L’exemple de Mbouo est un cas frappant :

les terres auraient pu contribuer au bon fonctionnement des activités paroissiales, mais elles

constituent plutôt des pierres d’achoppement.

Les problèmes des terres et du mode de vie dans les zones rurales reflètent la mentalité gé-

nérale du pays, où l’on se désintéresse du vécu des populations en zone rurale. Les femmes

sont les principales victimes de cette situation.

83 Id., Le cri de l’homme africain, Paris, Harmattan, 1988, p. 54. 84 Paul Bossou, La participation des Églises membres de la FEMEC au développement rural, Yaoundé, Mé-

moire de licence F.T.P.Y, 1980. p. 78.

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2.1.3 Les femmes dans l’Église Évangélique du Cameroun

Les femmes ont joué un grand rôle dans la propagation de l’évangile au Cameroun. Nom-

breuses, elles ont apporté un grand soutien aux missionnaires. Au début, elles ont eu de

grandes difficultés car, en abandonnant les us et coutumes ancestrales au profit de

l’évangile, elles étaient considérées comme des traîtres. Madeleine Sara Tiki Koum, leader

des femmes au Cameroun écrit :

[Les] femmes qui se retrouvaient dans les groupes chrétiens étaient loin d’avoir

une vie facile. Lorsqu’on demandait aux enfants où étaient leurs mères, ils ré-

pondaient : « Elles sont là-bas » où elles partent « ebasi » (foulard sur la tête).

C’est cela le mécanisme inévitable : quand une femme entrait dans une Église,

on exigeait qu’elle noue le « foulard sur la tête ». Plus tard, le mot « Ebasi » al-

lait désigner le lieu de culte, voire le type de vie chrétienne : « Ebast protes-

tant » pour les protestants et « Ebasi a Katolic » pour les catholiques romains.

Le fait que les femmes étaient majoritaires dans l’Église est aussi attesté par les

statistiques. Pour un pourcentage de 51% de femmes dans la population, on en

trouve un pourcentage de 75% dans la communauté chrétienne85.

Le courage et la perspicacité des femmes en général, tant dans la persévérance des études

bibliques que dans l’engagement diaconal, a permis à l’Église Évangélique de s’enraciner

dans les zones rurales.

Éducatrices aux moments importants et délicats de la vie, les femmes sont aussi

gardiennes des traditions et elles sont plus tenaces qu’on ne le croit selon le

langage et le discours chrétien. Dès la naissance des paroisses, elles se sont re-

groupées pour étudier la parole de Dieu, se faisant encadrer par les ouvriers de

l’Église. L’essentiel pour elles était de contribuer à façonner la vie de l’Église et

leur vie privée chrétienne d’après les paroles et les histoires bibliques. […]. Les

groupes qu’elles formaient étaient révélateurs de leur façon de se comporter :

elles s’appelaient « Nouvel Amour », « Vraie Foi », « Les Filles de Sion »,

noms par lesquels les ouvriers de l’Église les désignaient et qui sont utilisés

jusqu’aujourd’hui86.

Ces engagements des femmes dans l’Église sont d’autant plus remarquables qu’ils ont pris

forme dans un contexte de discours prêchant la soumission de la femme vis-à-vis de son

époux, son confinement au rôle de procréatrice d’enfants et son assignation aux cultures de

85 M.-S. Tiki-Koum, « Les femmes dans l’Église : “Le zèle en Christ me dévore” », dans J.-P. Messina et Jaap

Van Slageren (dir.), Histoire du christianisme…, p. 354. 86 Ibid.,

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la terre. Cette thèse a été soutenue par les missionnaires pendant et après la colonisation87.

En dépit de cette situation sociale, les femmes tiennent le coup et s’associent pour la re-

cherche d’une vie et position meilleures tant dans l’Église que dans le monde qui les en-

toure. « Dans la crise même de la société, le chômage, la pauvreté dont les femmes et les

enfants souffrent le plus, toutes formes de violence envers les femmes, le sexisme et le sida,

les mouvements féminins chrétiens ont pour but la transformation de la conscience que les

femmes ont d’elles-mêmes88. »

La culture de la société camerounaise en général, et les us et coutumes bamiléké en particu-

lier, ont eu une grande influence sur le sens de la terre tant à l’Église, que dans la société.

L’interdiction pour les femmes de posséder la terre relève de traditions ancestrales et aussi

de la société camerounaise en général : elle a été renforcée par la lecture fondamentaliste de

la Bible encouragée par les missionnaires. Le rôle secondaire de la femme en société de-

meure une idée très présente dans certains milieux, encore de nos jours.

2.2 La paroisse de Mbouo-Ngwinké

2.2.1 Historique

Cette paroisse est le fruit de la Mission de Bâle vers les années 1913 avec comme premiers

pionniers missionnaires Gottlieb Ammann et Friedrich Spellenberg.

En 1909 s’ouvrit à Bagam une station qui allait servir de tête-de-pont pour

l’ensemble du pays bamiléké. C’est le missionnaire J. Striebel qui fut le premier

à prendre en 1911 la route vers Bangwa, où il se distingua notamment par son

œuvre médicale […]. C’est encore Striebel qui convainquit la Mission de Bâle

d’ouvrir un poste missionnaire à Bandjoun, où la Mission catholique était sur le

point d’en ouvrir un […]. Gottlieb Ammann et Friedrich Spellenberg

s’installèrent dès lors (1913) à Bandjoun, tandis que Heinrich Billmann ouvrit

un poste missionnaire à Bana89.

87 Ibid., p. 356. 88 Ibid., p. 354. 89 Van Slageren, « Les Églises du Sud-Cameroun », p. 42-43.

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Après la guerre de 1915, les Allemands partirent et cédèrent la place aux Français avec la

Société des Missions Évangéliques de Paris (SMEP). C’est donc vers les années 1917, sous

la direction du missionnaire français Elie Allégret, et du pasteur camerounais Modi Din90,

que l’œuvre de la station missionnaire de Mbouo prit son essor.

2.2.2 Situation de la paroisse

La paroisse de Mbouo Ngwinké est située dans la région de l’Ouest-Cameroun encore ap-

pelée « Grass Fields ». Au Cameroun, tous ceux qui sont natifs de cette zone sont appelés

les Bamiléké ou tout simplement les « Grass Fields », c'est-à-dire les habitants des mon-

tagnes. On utilise aussi l’appellation « hauts-plateaux de l’ouest ». La superficie de cette

région est d’à peu près 6000 kms carrés91. La paroisse est située dans le village Bandjoun,

chef-lieu du département de Koung-Khi, un des villages importants de la région de l’Ouest

Cameroun. Elle est composée de près de quatre cents membres communiants. Les trois

quarts sont des femmes. Ce sont elles qui généralement forment la majorité des membres

du conseil des anciens d’Église avec leur pasteur. Le conseil d’anciens est l’organe exécutif

de la paroisse. Ces anciens sont élus par une assemblée générale des membres tous les sept

ans comme le bureau national de l’Église. La paroisse est présentement desservie par deux

pasteurs et dix anciens d’Église dont sept femmes.

Typiquement, on remarque au sein du conseil des difficultés de fonctionnement liées aux

tensions entre les hommes et les femmes. Les hommes, parce qu’ils sont des hommes, ten-

dent à vouloir imposer leur point de vue, surtout lorsqu’ils sont des successeurs de notables,

et ce, même s’ils sont monogames.

Il convient de signaler ici que les polygames ne peuvent pas être admis comme anciens

d’Église et ne participent pas non plus à la sainte-Cène. Les us et coutumes bamiléké en-

trent ainsi en tension avec la vie de la paroisse. La majorité des femmes chrétiennes sont

90 Augustin Sagne, Cameroun : L’évangile à la rencontre des chefferies, (1917-1964), Saint-Maurice (Suisse),

Saint-Augustin, 1997, p. 66. 91 Yves Guillermou, « Initiatives locales, stratégies sociales et nouvelles configurations politiques dans l’ouest

Cameroun », Journal des anthropologues [En ligne], nos 92-93, 2003, http://jda.revues.org/2083. (Consulté le

19 janvier 2013).

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issues de foyers polygames où les hommes dictent la loi, comme au Cameroun en général et

dans la société bamiléké en particulier. Elles n’ont aucun pouvoir décisionnel en famille, et

encore moins sur le droit à la terre. Leur rôle est de cultiver la terre (traditionnellement à la

houe) pour nourrir la famille, de procréer et d’éduquer les enfants. Elles sont considérées

comme subalternes, je dirais même comme une propriété de l’homme.

La plupart des hommes s’adonnent aux religions traditionnelles ancestrales, attachés qu’ils

sont aux us et coutumes bamiléké. Ils sont donc minoritaires à l’Église et n’y jouent qu’un

rôle de second plan. Comme les femmes sont les seules à vraiment s’intéresser à l’Église et

qu’elles ont peu de ressources, elles ne parviennent pas à supporter les charges d’une com-

munauté chrétienne.

La paroisse compte deux chorales de jeunes et quatre chorales d’adultes. Le culte se fait

simultanément en français et dans la langue vernaculaire locale appelée « ghomala ».

Par ailleurs, cette paroisse possède une vingtaine d’hectares de terrain hérités de la période

missionnaire, à la suite d’un don du chef de village Bandjoun. Ces terres sont constamment

sujettes à des discussions autour de problèmes de vente illicite, de location ou de mauvaise

gestion. Ces hectares de terres cultivables sont parfois loués à des particuliers pour des

sommes symboliques. Des membres crédibles de la paroisse se plaignent de dynamiques de

mensonge, de vol, de corruption ou de démagogie. Les revenus d’exploitation des terres

sont souvent ignorés des paroissiens lambda et ne sont gérés que par une clique, ce qui en-

tretient un large malaise dans la paroisse. Felix Mutombo Mukendi, théologien protestant,

décrie cette situation désastreuse de nombre d’Églises africaines : « Les chrétiens décideurs

agissent, parlent, votent des lois… en Afrique. Quels types de fruits en récoltent les Afri-

cains ? Les cris des paysans déposés de leurs terres (héritage ancestral), à cause des décrets

morbides et des lois scélérates au profit des corrupteurs […] montent aussi auprès du Dieu

que prétendent servir ces chrétiens décideurs92. »

92 F. Mutombo Mukendi, La Théologie politique africaine. Exégèse et histoire, Paris, L’Harmattan, 2011,

p. 251.

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Le sol est fertile dans la plupart des cas. Les gens pratiquent une petite agriculture basée

sur des moyens réduits. L’agriculture est familiale et très archaïque, à mille lieux de

l’agriculture mécanisée de type occidental. En général, les chrétiens vivent de manière pré-

caire, d’une agriculture de subsistance constituée d’un peu de maïs, d’arachide, de banane

et de plantain. Les hommes, quant à eux, vivent d’un petit élevage de porcs et souvent de

petits travaux d’artisanat comme la maçonnerie. La pauvreté est générale en dépit du sou-

rire que l’on peut voir sur les visages au sein des collectivités locales.

De petites échoppes commerciales sont également construites en matériel provisoire sur les

terres de la paroisse. Elles appartiennent à des particuliers qui les louent à des prix déri-

soires. La seule source de financement pour la paroisse reste les offrandes chrétiennes. Ces

dernières sont perçues une fois par mois par le pasteur et les membres du conseil d’anciens

lors des confessions. 55% de ces offrandes servent au salaire pastoral mensuel qui est de

l’ordre de 100 euros par pasteur. Les 45% restants sont versés au district pour le fonction-

nement de l’Église mère à Douala. Ce pourcentage indique que moins les offrandes sont

consistantes, moins le salaire est grand. Ce mode de gestion et de fonctionnement des pa-

roisses est caractérisé par la précarité, qui rend incertain l’avenir de ces paroisses pauvres.

Le système repose présentement sur l’autonomie financière de chaque paroisse. Il n’y a pas

de solidarité concrète entre elles ; une paroisse ne vit que des dons et des legs de ses

membres. Le système presbytéro-synodal n’est en fait qu’un système presbytérien. Son

mode de gestion reflète et nourrit tout à la fois une mentalité individuelle, perceptible dans

le village comme dans le contexte camerounais plus général. L’Église et la société came-

rounaise tolèrent et souffrent de ces dynamiques de corruption et de mauvaise gestion.

Par ailleurs, sur ce site missionnaire cohabitent plusieurs institutions chrétiennes totalement

indépendantes comme une école primaire, une école secondaire, un institut de formation

universitaire et un centre hospitalier. Toutes ces œuvres sont financièrement indépendantes

de la paroisse. Toutes ces considérations m’amènent à réfléchir à la figure et au fonction-

nement de l’Église en tant qu’institution.

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3. Un regard sur l’Église comme organisation

Dans cette section, je souhaite relire la réalité de mon Église sous un angle différent. Il

s’agira d’examiner son fonctionnement d’un point de vue organisationnel, comme dans un

miroir, à partir d’une série d’images qui parlent des caractéristiques d’une institution floris-

sante. Pour ce faire, je me référerai à l’ouvrage du spécialiste des organisations Gareth

Morgan intitulé Images de l’organisation93. Cette manière de voir les choses fera mieux

apparaître à la fois l’état actuel de l’Église et ce qu’elle devrait ou pourrait être. Elle mettra

l’accent sur son organisation et ses ressources, tant humaines que matérielles. Ce faisant, il

ne s’agit pas ici de devancer les résultats de la recherche, mais plutôt de relire la réalité de

la paroisse pour évoquer des enjeux et des possibilités, que la recherche permettra

d’explorer autrement.

L’ouvrage de Morgan propose une démarche de compréhension des organisations centrée

sur une série de métaphores permettant d’en explorer divers aspects. Toutes les images

qu’il propose ne peuvent pas être appliquées dans toutes les organisations. Je ne retiendrai

ici que les plus suggestives pour mon contexte.

La première métaphore est celle de la nature: « L’organisation comme organisme »94.

L’Église est une institution c'est-à-dire qu’elle fonctionne comme un organisme. La tradi-

tion chrétienne est familière avec l’image de l’Église comme un corps qu’elle a exploité, à

la suite de saint Paul, pour valoriser la diversité des membres et des fonctions. Mais on

pourrait aussi parler de la santé de l’organisation. Pour être en bonne santé, elle doit tenir

compte de plusieurs éléments tels que le milieu, les personnes qui la composent, leur mode

de vie, leur environnement, la structure qu’ils forment ensemble, etc.

À ce niveau, non seulement la santé est indispensable, mais l’écologie (les rapports entre le

milieu et les êtres humains) sont indispensables. La préservation de l’écosystème, la lutte

contre le déboisement ou, en d’autres termes, la sauvegarde de la création devrait être à

93 PUL/De Boeck, 1999. 94 G. Morgan, Images de l’organisation, Québec, Presses de l’Université Laval, 2011, p. 32-33.

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l’ordre du jour des priorités de l’Église. Il en va de même pour la misère dans laquelle vi-

vent les paroissiens, dont il devrait être tenu compte lors de la répartition des cibles (quota

financier de chaque paroisse à verser à l’Église centrale). On vit dans un milieu agricole

pauvre où les personnes n’ont pour seule source de vie que l’agriculture artisanale.

La seconde métaphore est l’image des cellules nerveuses : « Vers l’auto-organisation 95 ».

Elle évoque la manière dont les acteurs de l’organisation contribuent à sa vie et à son effi-

cacité. Dans mon milieu, les femmes cultivent la terre pour nourrir leurs enfants et les en-

voyer à l’école. Ces femmes, bien qu’étant majoritaires, n’ont pas de voix dans la paroisse

et ne participent pas toujours aux décisions de l’Église bien qu’étant majoritaires. Elles

constituent la matière grise de l’Église. Leurs avis devraient être pris en considération et ne

devraient pas être manipulés par une poignée d’hommes. Elles jouent un rôle clé dans les

paroisses rurales où la survie des familles, tout comme celle de l’Église, n’est pas facile.

Une autre image est celle « de création de la réalité sociale96 ». Cette image renvoie à la

dimension culturelle de l’organisation. Or la culture évoque l’agriculture, c'est-à-dire

quelque chose qui se transforme, qui bouge, qui change, qui porte des fruits susceptibles

d’être remaniés, adaptés, et la culture de l’Église en est une de fragmentation selon les ré-

gions. Chaque région est autonome financièrement et s’exprime en fonction des langues de

la région et des moyens de la région. Chacune possède ses œuvres, écoles et dispensaires.

Chaque région s’occupe de ses ouvriers, c’est-à-dire verse les salaires des pasteurs et des

instituteurs, et règle ses charges de manière régionale. Cette autonomie régionale pourrait

s’élargir à l’aide aux régions démunies afin de marquer un esprit de solidarité. Ceci évite-

rait de penser que la régionalisation ou l’autonomie des régions crée un certain clanisme ou

tribalisme.

Les disparités régionales incitent de nombreux pasteurs à chercher à quitter leur commu-

nauté rurale pour travailler ailleurs, là où ils pourront avoir leurs salaires. Il n’est pas rare

d’assister à du monnayage de poste, de la simonie ou de la corruption, toute forme de re-

cherche d’argent qui mine l’Église. Le corps pastoral est déchiré en ce sens. Le fait que tous

95 Ibid., p. 69. 96 Ibid., p. 115.

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les pasteurs n’aient pas le même salaire crée une frustration générale au sein du corps pas-

toral. Les enfants des pasteurs en souffrent énormément et en viennent souvent à renoncer à

la pratique religieuse. Certains fidèles se demandent s’il ne faudrait pas laisser de côté les

pasteurs et confier la gestion de l’Église aux laïcs. Ils s’interrogent sur le sens propre du

terme « diaconie » tel que vécu au sein du corps pastoral.

Une quatrième image est celle « des conflits, d’intérêt et de pouvoir97 ». Au Cameroun, un

adage dit qu’il y a plus de politique à l’Église Évangélique que chez les politiques. Chaque

année, des chrétiens ou d’anciens chrétiens se battent dans les tribunaux pour le non-

paiement des salaires, des conflits financiers, des abus sexuels, des détournements des

fonds, des jeux de pouvoirs. On assiste à un système plus autocratique que presbytéro-

synodal. L’Église est tribalisée par régions, ce qui entraine un manque de solidarité.

Encore une autre image est celle de la « logique du changement et résistances98 ». On pour-

rait imaginer conserver la régionalisation mais mettre en place un système confédéral qui

permette le bon fonctionnement du système presbytéro-synodal. Sinon, il faudrait envisager

de casser ce système presbytéro-synodal car en fait, ce qui se vit, c’est du congrégationa-

lisme. Certains paroissiens utilisent à ce propos l’expression « chacun pour soi ».

La structure de l’Église pourrait nécessiter des amendements. Les bailleurs de fonds qui

viennent faire des expertises annuelles insistent sur la nécessité de développer une culture

de bonne gestion et de compétence. Un poste des ressources humaines pourrait aussi per-

mettre d’affecter des personnes compétentes à des postes selon leur profil. Ne pourrait-on

pas aussi se poser des questions sur la possibilité de créer un syndicalisme chrétien au sein

de l’Église et dans la société ?

* * *

97Ibid., p. 149. 98Ibid., p. 243.

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Le pays bamiléké est essentiellement organisé en structures de chefferies traditionnelles

dont les valeurs reposent sur les croyances ancestrales. On croit généralement que le non-

respect de cette tradition entraîne la malédiction des contrevenants par les ancêtres, ce qui

se traduit par des mauvais sorts : maladies, échecs en tous genres. Il y a donc une analogie

avec la tradition biblique. Raison pour laquelle, les Bamiléké chrétiens ou animistes respec-

tent la tradition de leurs choix même si, par ailleurs, des idées syncrétistes ne sont pas des

moindres.

Influencée par cette culture, la paroisse de Mbouo-Ngwinké ne donne pas accès à la pro-

priété foncière aux femmes. La gestion de ces terres pose d’énormes soucis tant de transpa-

rence que d’humilité pour le fonctionnement de l’Église.

Je me demande s’il ne faudrait pas établir la solidarité financière entre les paroisses pour

forcer l’Église centrale à envisager une même solidarité au niveau national. Comment at-

teindre ce but ? Faut-il que les régions lésées se soulèvent pour amener l’Église à revoir son

fonctionnement, ou saura-t-on simplement consulter les chrétiens en ce sens ? Le silence est

la pire des attitudes.

On le voit, l’enjeu de la terre dans la paroisse de Mbouo-Ngwinké conduit au cœur des

questions les plus essentielles pour la vie de la collectivité et celle de l’Église. La présente

recherche vise à explorer cet enjeu, à partir même de la parole des paroissiens, et à la lu-

mière des Écritures. Au prochain chapitre, nous verrons comment.

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Chapitre 2. Un parcours de recherche à l’écoute des paroissiens et de la

Parole de Dieu

Pour aborder théologiquement la question des terres dans la paroisse de Mbouo-Ngwinké

de l’Église Évangélique du Cameroun, il m’a semblé primordial d’axer mon étude sur la

compréhension qu’en ont les paroissiens. Dans une perspective réformée comme la nôtre,

cette compréhension s’élabore en lien avec les Écritures. Il fallait également composer avec

des enjeux majeurs au plan de la sécurité, qui m’empêchaient d’aborder directement cette

question des terres sur le terrain. J’ai alors élaboré un parcours de recherche en quatre

temps : ateliers bibliques autour d’un certain nombre de textes sur la terre, analyse des ré-

sultats de ces ateliers, analyse des mêmes textes bibliques dans une perspective socio-

littéraire, puis corrélation entre les résultats des ateliers et ceux de l’analyse biblique.

1. Aperçu d’ensemble de la méthodologie

La méthode socio-littéraire utilisée est très proche de l’analyse narrative ; pour cette re-

cherche, je suis ici le modèle développé par l’exégète Guy Bonneau99. Elle consiste à étu-

dier les textes choisis, le contexte narratif, la structure et l’intrigue si possible, et d’articuler

cette lecture à une approche sociologique du milieu et de l’époque. J’ai eu recours à cette

même méthode tant pour l’analyse des résultats des ateliers bibliques que pour l’analyse

des textes eux-mêmes. Il ne s’agissait pas pour moi de donner des cours aux paroissiens,

mais bien d’être en mesure d’analyser et de comprendre les réflexions des participants aux

études bibliques faites en ateliers.

Cette méthode permet de comprendre les personnes, leur vécu, les relations entre elles et

avec la terre, leur manière de réfléchir, de discuter, de raconter leur ressenti sur les textes. Il

s’agissait d’inciter les paroissiens à réfléchir sur leur rapport à la terre en s’inspirant

99 Il présente et justifie cette méthode dans son ouvrage intitulé Stratégies rédactionnelles et fonctions com-

munautaires de l’Évangile de Marc, Paris, Éditions J. Gabalda, 2001, p. 17-59. Voir également Guy Bonneau,

Saint Marc. Nouvelles lectures (coll. Cahiers Évangile n° 117), Paris, Cerf, 2001, p. 6-32. Je traite de cette

méthode au point 2 du présent chapitre.

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d’exemples bibliques, dans le cadre de réflexions individuelles et d’échanges partagés, pour

dégager quelques perspectives de développement dans un contexte de pauvreté massive.

Pour mener ces ateliers d’études bibliques, j’ai suivi la procédure du focus group100 qui

consiste à laisser chaque participant parler de ses expériences en dialogue avec les textes

bibliques. La question des terres paroissiales étant au centre des préoccupations, il m’a

semblé judicieux de convoquer plus de femmes que d’hommes en raison de leur caractère

majoritaire dans la paroisse et de leur travail de la terre comme unique source de revenu. Il

s’agissait d’abord de lire individuellement les textes, et d’écrire ce que l’on en pense en

ayant en arrière-plan son propre problème de la terre. Ensuite, chacun pouvait prendre la

parole. Mon rôle était de coordonner les débats, tout en recentrant les choses pour éviter des

digressions. Les échanges ont fait jaillir des perspectives utiles à la question des terres pa-

roissiales.

Cette procédure du focus group a été utilisée de manière similaire par le Père Carlos Mes-

ters dans les ateliers bibliques au sein des communautés pauvres d’Amérique du Sud101.

Elle implique de lire la Bible ensemble, à partir de notre contexte de vie, et d’essayer de

l’actualiser. Cette lecture du texte biblique permet déjà une cohabitation, une acceptation de

l’autre, une reconnaissance de l’autre dans sa réflexion, un partage mutuel et une mise en

commun des points de vue. Cette dynamique populaire n’écarte personne, mais permet

qu’ensemble, les paroissiens puissent se comprendre et admettre la différence des points de

vue. Le théologien congolais Fidèle Mabundu, de son côté, a aussi traité des lectures popu-

laires en citant les différentes approches ou méthodes exégétiques qui peuvent être utilisées

dans ce contexte102.

Au plan méthodologique, j’ai ainsi combiné la lecture populaire de la Bible pratiquée par

Mesters avec la méthode exégétique socio-littéraire présentée par Bonneau. Lors de la lec-

100 On traduit généralement l’expression anglaise focus group par « groupe de discussion ». L’expression

focus group a toutefois un sens procédural spécifique, appuyé par une vaste littérature, qui fait que je

l’emploierai ici telle quelle. 101 Voir ainsi Carlos Mesters et Francisco Orofino, « Amérique Latine. Sur la lecture populaire de la Bible »,

trois parties, http://www.alterinfos.org/spip.php? article2049, http://www.alterinfos.org/spip.php?article2242

et http://www. alter infos.org/spip.php? article2243, mis en ligne par Dial, jeudi 1er mai, 2008. 102 F. Mabundu, Lire la Bible en milieu populaire, Paris, Karthala, 2003.

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ture populaire de la Bible, les participants lisent le récit dans le contexte socioculturel de

l’époque, s’identifient aux différents personnages du récit et comprennent, actualisent ou

interprètent le récit par rapport à leur vécu socioculturel quotidien. La méthode socio-

littéraire, telle que présentée par Guy Bonneau, permet de mettre en lumière la construction

narrative d’un récit, son milieu de vie, l’articulation auteur-milieu de vie, le texte, son con-

texte, sa structure, les personnages et leurs points de vue, le lien entre la communauté (va-

leurs, us et coutumes) et leur identité et la lecture rapprochée des textes. Pour un animateur

d’atelier biblique, la méthode socio-littéraire permet de prendre du recul pour observer et

comprendre la réaction des participants. Elle peut également servir à l’analyse et à

l’interprétation des réactions et réflexions (verbatim) qui se dégagent de ces ateliers bi-

bliques. Appliquée aux textes bibliques eux-mêmes, elle en féconde la compréhension et

l’actualisation.

Pour les ateliers bibliques, j’ai retenu trois textes de l’Ancien Testament et quatre textes du

Nouveau Testament : Dt 8,1-20, Dt 26, Dt 28,1-20, Matthieu 13,1-50, Luc 16,1-13, Actes

2,42-47 et Actes 4,32-37. Les raisons qui ont motivé ce choix sont les suivantes :

– Deutéronome 8 invite le peuple hébreu à observer les commandements de Yahvé

avant l’entrée en terre promise. Il traite de tout ce qui est nécessaire pour continuer à

bénéficier d’une terre riche, d’où les remerciements sous forme de dîmes et de pré-

misses.

– Le chapitre 26 éclaire notre position en parlant d’une confession de foi et de profes-

sion d’obéissance. C’est un chapitre essentiellement liturgique et rituel qui peut

nous faire comprendre la destinée des choses de la terre.

– La terre peut être objet de bénédiction, mais aussi de malédiction. D’où l’intérêt

d’étudier le chapitre 28 du Deutéronome.

– Matthieu 13 poursuit dans la voie des bénédictions et des malédictions ayant trait à

la terre. Il introduit la perspective du règne de Dieu et de la venue du Fils de

l’homme.

– Les textes de Luc 16,1-13 met l’accent sur la gestion des biens.

– Actes 2,42-47 présente la vie spirituelle et matérielle de la première communauté

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– Actes 4,32-37 porte sur le partage et l’éthique des biens de la terre.

En définitive, ces textes ont été choisis pour susciter des réflexions collectives sur le rap-

port des paroissiens à la terre. Ils ont permis aux participants de réfléchir dans un cadre

d’échange, de partage mutuel. Ceux-ci ont pu dire ce qu’ils pensent de leur vécu sur la

question des terres et ce qu’ils entrevoient comme perspectives pour l’amélioration de leurs

conditions de vie.

Six rencontres d’ateliers bibliques ont été organisées pour la réalisation de l’étude.

Dans les sections qui suivent, je préciserai d’abord ce que j’entends par la procédure du

focus group, puis j’examinerai sa mise en œuvre dans la lecture populaire de la Bible selon

Carlos Mesters, Yves Saoût et Fidèle Mabundu. J’expliquerai ensuite la méthode socio-

littéraire en détail avec les points précis que j’aurai à étudier, ainsi que sa pertinence par

rapport aux auteurs cités ci-dessus. Enfin, j’exposerai le travail de préparation et le dérou-

lement de l’enquête103.

2. Le focus group

Le focus group est une procédure qui consiste à interroger un groupe de personnes dans le

but d’obtenir leurs points de vue. Cette procédure fait partie de ce qu’on appelle

l’« entretien non-directif104 ». Le focus group tire son origine des sciences sociales autour

des années 1920 aux États-Unis. Les sociologues Robert Merton et Paul Lazarsfeld de Co-

lumbia University développèrent cette procédure lors de la Deuxième Guerre mondiale, à

l’occasion du problème de discrimination raciale dans l’armée américaine105. Plus tard dans

les années 1950, la procédure fut reprise dans les recherches économiques pour des pros-

103 La dernière étape de la recherche, celle de la corrélation, fera l’objet d’une présentation séparée au début

du sixième chapitre. 104 Jérôme Coutard, « Entretien, focus group et analyse de contenu » dans Gilles Routhier et Marcel Viau

(dir.), Précis de théologie pratique, Montréal, Novalis, 2004, p. 100. 105 David L. Morgan, The Focus group Guidebook, Kit 1, London, Sage Publications Ltd, 1998, p. 37-38.

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pections d’entreprise106. Plus tard, la procédure a gagné toutes les facultés de recherche en

générale sur des sujets humains, tant en médecine qu’en sciences humaines et sociales107.

La dynamique du focus group est centrée sur la libre circulation de la parole et sur l’écoute

active. Le focus group permet de comprendre l’autre et de développer une relation entre les

participants et l’animateur. C’est un miroir du groupe108. En tant qu’instrument de méthode

qualitative, le focus group permet de découvrir, d’explorer, de recueillir et d’interpréter le

vécu des personnes.

Qualitative methods also excel at interpretation – giving an understanding of

why things are the way they are and how they got to be that way. In focus

groups, the participants want to understand each other: How can two people

who seem to be so similar have such different experiences? How can people

who are outwardly very different in fact share the same beliefs? These are the

kinds of encounters that make participants interested in finding out about each

other, and those discussions give you the kinds of interpretive insights that you

are seeking109.

Le focus group permet de cerner des situations difficiles qui empêchent le bon fonctionne-

ment d’une entreprise ou d’une association. Il s’agit d’explorer tous les contours de la situa-

tion afin de voir ce qui est faisable en vue d’une amélioration future110.

Celui qui anime le focus group formera un petit groupe qui permettra à chacun de

s’exprimer sur un thème précis. Normalement, l’animateur veille à ce que le nombre de

participants ne dépasse pas huit personnes afin de faciliter des échanges fructueux. Tout

dépend aussi du degré de connaissance du sujet traité des participants, du nombre de ques-

tions et du temps disponible111. La composition du groupe devrait normalement présenter

une hétérogénéité de genre, de groupe ethnique, etc112. L’animateur formule et propose ses

106 Ibid., p. 39. 107 Ibid., p. 42-43. 108 Ibid., p. 9-11. 109 Ibid., p. 12. 110 Ibid., p. 14-15. 111 David L. Morgan, Plannings Focus Groups, Kit 2, London, Sage Publications Ltd, 1998, p. 72-73. 112 Ibid., p. 60.

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questions au groupe dans le but de recueillir les différents points de vue113 ; il est souhai-

table qu’il ait des connaissances pointues sur le sujet114. Comme outils ou instruments du

focus group, nous pouvons noter des appareils audio ou vidéo, des papiers, ordinateurs,

stylos, crayons de couleurs, ou tout ce qui peut permettre d’enregistrer ou d’écrire ce qui

ressort des entretiens115 ; ces données seront traitées de manière à pouvoir être analysées et

interprétées en respectant l’anonymat des participants116.

Le focus group permet d’obtenir des informations fiables des personnes. Ceci permettrait à

des organisations de savoir ce qui leur est nécessaire pour être plus efficaces. David L.

Morgan donne l’exemple d’une entreprise voulant mettre en place un change-

ment: « Hearing from your clients in focus groups is going to let you know what matters to

them. Are the changes going to deliver some things that they want? Will your clients expe-

rience disruptions or the loss of services that will make a major difference to them? In ad-

dition, the focus groups will help you learn about the best ways to communicate with your

clients during this period of change117. » Le focus group permet donc d’analyser des situa-

tions en vue de dégager des pistes pour une meilleure organisation ou pour l’amélioration

d’une situation.

Recourir au focus group pour notre étude a permis de susciter un franc-parler, une circula-

tion libre et sereine des prises de parole sur les textes bibliques et sur le vécu des parois-

siens face aux enjeux de la terre, en vue de dégager des perspectives utiles à la question des

terres.

3. La lecture populaire de la Bible

En application avec le focus group, la lecture populaire de la Bible se définit en général

comme une approche qui permet de lire la Bible en actualisant le message qui s’en dégage

113 Jérome Coutard, « Entretien, focus group et analyse de contenu », p. 101. 114 David L. Morgan, The focus group guidebook, Kit 1, p. 2. 115 Richard A. Krueger, Analysing & Reporting Focus Group Results, Kit 6, London, Sage Publications Ltd,

1998, p. 3-59. 116 Ibid., p. 85-91. 117 David L. Morgan, The Focus Group Guidebook, Kit 1, p. 4.

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pour la société où l’on vit, dans une perspective à la fois politique, économique, sociocultu-

relle et religieuse. Cette lecture populaire tient son origine des milieux chrétiens

d’Amérique Latine, dans le contexte de la théologie de libération. Elle y a commencé dans

les paroisses de l’Église catholique romaine, où des chrétiens pouvaient lire la Bible pour

pallier la carence des prêtres118.

Par la suite, cette lecture a permis aux chrétiens en situation de précarité, où qu’ils se trou-

vent, de réfléchir à leur propre vécu à partir d’exemples de personnages et de thèmes bi-

bliques. En Inde, par exemple, les questions de la terre, des personnes dépossédées de leurs

terres et de la préservation de l’environnement ont été élucidées. En Amérique Latine, et

plus particulièrement au Brésil, l’utilisation de cette approche par le carme hollandais Car-

los Mesters a été d’un grand apport et a connu un grand succès dans différents milieux,

même hors paroisse, puisque les participants découvraient alors une parole du Seigneur qui

venait les rencontrer dans leur situation existentielle119.

3.1 Carlos Mesters

Selon Mesters, ce qui est très important dans la lecture populaire de la Bible, c’est que les

lecteurs comprennent qu’un message du Seigneur s’y trouve et qu’une piste peut être envi-

sagée, qui rejoint leur propre condition de vie120.

Au plan de l’interprétation, plusieurs courants s’affrontent. Dans cette démarche,

l’interprétation n’est pas réservée à l’exégète, mais l’ensemble des participants interprètent

les textes à leur manière, selon leur propre situation personnelle ou sociale. L’histoire du

passé, telle qu’en témoignent les textes bibliques, renvoient les participants à leur situation

actuelle. L’interprétation de chaque participant est appréciée et c’est un trait d’acceptation

de l’autre dans sa réflexion, un signe de partage et de communion fraternelle. Les femmes

118 Tereza Cavalcanti, « Quand les pauvres lisent la Bible, un regard latino-américain » dans Lumen vitae,

Bible et sciences humaines, n°4, Bruxelles, décembre 2011, p. 413-422. 119Ibid. 120 C. Mesters et F. Orofino, « Amérique Latine … ».

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ont leur place aux côtés des hommes, des enfants, des jeunes etc. Il n’y a pas de discrimina-

tion121.

Cette lecture permet de montrer à tous que la Bible n’est pas seulement l’instrument du

clergé, mais de tous. Chacun est libre de lire la Parole, de l’intérioriser et d’y découvrir un

message que lui adresse le Seigneur dans son propre vécu. Dieu vient toucher des gens par

sa Parole. Dieu est à l’écoute du vécu des personnes. Dieu peut faire quelque chose à tra-

vers les personnes mêmes qui lisent sa Parole. En d’autres termes, Dieu parle par

l’intermédiaire des personnages bibliques aux personnes présentes. La Bible n’était pas

seulement destinée aux personnes qui ont vécu il y a des milliers d’années, mais elle peut

s’adresser aux chrétiens d’aujourd’hui, particulièrement ceux qui vivent en situation de

précarité122.

Une autre particularité très appréciable chez Mesters, c’est l’introduction, lors des séances

de partage, d’un moment de célébration liturgique. L’animateur ou le prêtre favorise un

moment de recueillement et invoque la présence de l’Esprit Saint tout au long de ces études

bibliques123.

Selon Mesters, l’animateur doit être sensible à toutes les tendances théologiques pour ac-

cueillir tous les types de participants, qu’ils soient libéraux, piétistes, évangéliques, réveil-

lés, réformés etc. Ceci exige une grande capacité intellectuelle et expose au risque de tout

accepter et de tout prendre comme normatif. Mesters craint seulement une lecture fonda-

mentaliste, dépourvue de sens critique124.

Selon Fidèle Mabundu, Mesters organise ces séances d’ateliers bibliques en s’appuyant sur

trois piliers : le vécu des paroissiens, la spiritualité de leur Église et le passage biblique125.

On ne peut se passer du vécu du peuple puisque c’est leur milieu, leur univers d’existence.

La spiritualité de la paroisse est aussi importante puisque le troupeau de Dieu se retrouve et

121 Ibid. 122 Carlos Mesters, « La théologie de la libération et la lecture biblique » dans Le B.I.B. (Bulletin d'Informa-

tion Biblique), BIB 49 (décembre 1997), http://www.bible-service.net/extranet/current/pages/1000.html, 123 C. Mesters et F. Orofino, « Amérique Latine … ». 124Ibid. 125 F. Mabundu, Lire la Bible en milieu populaire, p. 125.

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partage sa réalité. Enfin, le passage biblique est le socle, l’appui et la référence pour com-

prendre ce que Dieu dit aux participants dans leur contexte. Mabundu discerne cinq étapes

dans la lecture populaire telle que conçue par Mesters, à savoir l’accueil des participants, le

partage de leur vécu, la lecture, l’interprétation et l’actualisation de la Parole de Dieu,

l’intercession et le choix de la date de la prochaine séance126. Même si la démarche ne fait

pas directement appel au travail exégétique, l’intervenant aide les participants à découvrir

les caractères littéraires du texte et son sitz im leben (sa mise en contexte).

Le cas du Brésil a fortement influencé Carlos Mesters dans la mesure où le peuple brésilien

avait connu des situations politico-sociales très instables, notamment à compter des années

soixante. La reconstitution morale et religieuse du peuple brésilien s’avérait très impor-

tante127.

3.2 Yves Saoût

Originaire de Quimper en France, le prêtre Yves Saoût sera missionnaire dans divers pays,

notamment au Nord-Cameroun. À peu près à la même époque que Mesters, il y développe

son approche de lecture populaire de la Bible128. Il organise la réflexion en séances d’études

bibliques où il repartit les paroissiens en groupes de travail après une lecture personnelle. À

chaque groupe de travail, il propose des questions sur les textes bibliques en lien avec le

thème choisi. Il donne des orientations pour que les paroissiens décèlent eux-mêmes la si-

gnification du texte dans son sitz im leben. La préoccupation de Saoût est d’amener les pa-

roissiens à comprendre qu’un texte ou une expression n’a de sens que dans son contexte.

S’il faut se méfier des mots, ce n’est pas seulement parce qu’il y a presque deux mille ans

entre les écrits du NT et nous, mais aussi parce que nos questions ne coïncident pas avec les

problèmes des communautés chrétiennes des origines. Il ne faut pas généraliser les choses

ou faire des amalgames afin de ne pas glisser dans une lecture purement fondamentaliste.

126 Ibid., p. 121. 127 C. Mesters et F. Orofino, « Amérique Latine… ». 128 Yves Saoût, Dialogue avec la terre, Paris, Éditions de l’Ateliers /Editions Ouvrière, 1994.

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Le rôle de l’animateur est important puisqu’il lui faut guider les paroissiens de manière à ce

qu’ils puissent analyser le texte. Il donne les textes aux paroissiens, fournit des orientations

qui faciliteront la compréhension et enfin oriente l’actualisation du message. C’est donc

une procédure guidée que propose Yves Saoût dans sa manière de diriger les séances

d’études bibliques. Son principal objectif est de permettre aux participants de déceler la

Parole de Dieu. Il estime que des préalables comme la date de rédaction des textes, leur

origine, les caractères littéraires, quelques notions de sémantique, peuvent aussi aider les

paroissiens dans la compréhension des textes129. La connaissance des outils en exégèse est

donc indispensable. Fidèle Mabundu résume la procédure d’animation biblique de Saoût en

quatre points : une introduction où sont présentés et distribués les sujets, une étude en

groupes, un rapport de chaque groupe et une plénière où le théologien intervient en tant

qu’exégète130.

Dans cette procédure, on ressent la participation active du théologien dans l’animation des

ateliers bibliques. Son rôle est de faciliter la compréhension des textes tout en laissant aussi

une part d’imagination et de créativité aux participants. Le théologien éclaire, enseigne,

balise les choses en vue d’une meilleure compréhension du texte. D’autre part, Yves Saoût

ne prescrit pas une méthode en tant que telle, mais insiste sur le contexte historique pour

éviter une lecture piétiste et fondamentaliste de la Bible.

3.3 Fidèle Mabundu

Fidèle Mabundu a comme préoccupation la lecture de la Bible en milieu populaire. Il

s’appuie sur les travaux de prédécesseurs comme Yves Saoût, Carlos Mesters et autres. Sa

méthodologie consiste à comprendre les acquis de ses prédécesseurs et dégager des pistes

de travail pour le continent africain.

Mabundu présente les démarches de Mesters et de Saoût, résumées ci-dessus. Il présente

également la pédagogie biblique du pasteur suisse Hans-Ruedi Weber, développée alors

129 Ibid., p. 45-46. 130 F. Mabundu Masamba, Lire la Bible en milieu populaire, p. 139-140.

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qu’il était au Conseil Œcuménique des Églises131. Weber veut rendre la Parole de Dieu ac-

cessible et permettre aux gens de comprendre que Dieu leur parle à travers des récits bi-

bliques, qu’il y a un message pour eux aujourd’hui132. Il préconise aussi pour cela

l’organisation d’ateliers bibliques pour permettre aux participants de voir le sens premier du

texte, c'est-à-dire ce que le texte disait aux premiers destinataires, pour dégager ensuite ce

que le même passage peut dire aux paroissiens actuels. Dans une activité de groupe, les

paroissiens sont libres de dire ce qu’ils pensent du texte, et sont invités à se représenter

cette signification sous formes d’images, selon une pédagogie socio-constructiviste. Ici, le

théologien n’intervient pas et laisse la pleine liberté aux participants. Weber conseille aux

participants d’utiliser de bonnes traductions bibliques ainsi que certains ouvrages de réfé-

rence133.

Mabundu examine également la démarche élaborée par le Centre de formation Cardijn, de

Namur (Belgique)134. Fidèle Mabundu constate que ce centre priorise une lecture en groupe

effectuée en trois temps : la compréhension du texte dans son contexte, la compréhension

du texte en lui-même (personnages, acteurs, scènes etc.) et l’actualisation du texte pour les

chrétiens contemporains.

Dans son ouvrage, Fidèle Mabundu passe en revue les méthodes scientifiques utilisées en

exégèse : historico-critiques, sémiotiques, narratives. Il décrit également des approches

fondamentalistes, féministes et matérialistes. Selon lui, l’essentiel est d’approcher

l’Évangile comme ce qui peut délivrer l’homme et lui promettre un avenir meilleur. Dieu

vient nous rencontrer dans notre situation et nous aide à comprendre notre destinée : le sa-

lut. D’où l’importance de la lecture de la Bible et de la partager avec les autres.

Comme ses prédécesseurs, Fidèle Mabundu trouve important que les gens lisent la Bible à

leur manière, mais il s’inquiète d’une possible instrumentalisation de la Bible par les chré-

131 Hans-Ruedi Weber, Experiments with Bible Study, Genève, World Council of Churches, 1981. 132 F. Mabundu Masamba, Lire la Bible en milieu populaire, p. 168-170. 133 Ibid., p. 175-177. 134 Ibid., p. 183 et suiv.

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tiens. C’est la raison pour laquelle il propose diverses approches exégétiques d’analyse des

textes bibliques. Il n’en privilégie aucune en tant que tel aux animateurs ou aux chrétiens.

On peut s’interroger sur la capacité des catéchistes en Afrique à explorer les pistes qu’il

propose, compte tenu de leur niveau général d’instruction.

3.4 Bilan

Mesters, Saoût et Mabundu ont un but commun, à savoir la libre circulation de la parole et

le respect des autres. Mais ils divergent au plan pédagogique. Mesters propose de lire la

Bible en tenant compte de toute la sensibilité théologique et de ce que les participants peu-

vent discerner comme message de Dieu. Il a le souci de la communauté. L’intérêt de

l’approche de Mesters, c’est la formation académique de l’animateur. La question demeure

quant à l’acceptation des points de vue de tout un chacun dans le respect des convictions

individuelles : il est risqué de laisser chacun penser qu’il peut expliquer le texte et le com-

prendre comme il veut. Saoût pense qu’il ne faut pas laisser les participants lire la Bible

sans leur fournir le contexte historique, ce qui l’oriente vers une démarche plutôt directive,

qui risque de neutraliser la parole des participants. Mabundu quant à lui explore diverses

méthodes exégétiques sans n’en retenir aucune. Tous s’entendent cependant sur le fait que

l’animateur doit empêcher une lecture fondamentaliste de la Bible, ce qui est important en

Afrique, car l’instrumentalisation de la Bible y est répandue dans de nombreuses Églises.

Pour ce faire, je pense qu’une méthode scientifique et rigoureuse de lecture populaire est

nécessaire, et qu’il peut être fécond de regarder du côté de l’analyse socio-littéraire, qui

correspond bien aux objectifs poursuivis par la lecture populaire de la Bible.

4. La méthode socio-littéraire

La méthode socio-littéraire fait partie des nouvelles méthodes de lecture des textes bi-

bliques. Elle combine approche narrative et sociologique135. Elle est une méthode qui sur-

passe les reproches de la méthode historico-critique et de la narratologie. À une certaine

époque, on a eu l’impression que les deux méthodes s’opposaient l’une à l’autre. On s’aper-

135 Guy Bonneau, Saint Marc. Nouvelles lectures…, p. 54.

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çoit au fil du temps que chacune a des lignes directrices importantes pour l’autre. Guy Bon-

neau écrit ainsi au sujet de l’évangile de Marc:

Avec les lectures narratives, le récit de Marc devient autonome et suffisant.

Pour plusieurs, il n’apparait donc plus utile de s’enquérir des conditions socio-

historiques qui ont présidé à la transmission de ses matériaux et à l’élaboration

du produit fini. Une telle opinion naît d’une réaction contre les méthodes histo-

rico-critiques. La critique narrative doit-elle faire fi des questions socio-

historiques et ne porter son intérêt que sur l’univers clos du récit ? Non, car le

langage de Marc, ses symboles, les conventions littéraires qu’il utilise sont,

dans leur nature profonde, autant d’éléments sociaux136.

La méthode socio-littéraire est donc une analyse narrative qui incorpore la recherche

d’indices sociaux qui permettent de mieux comprendre un texte dans son contexte. Elle

n’est pas une méthode socio-historique, mais elle repère des indices sociaux, voire anthro-

pologiques, pour une meilleure explication des textes.

4.1 Dimensions sociologiques en analyse socio-littéraire

L’analyse socio-littéraire utilise des outils empruntés à la sociologie. Il s’agit par exemple

de voir comment les gens se comportent, vivent dans leur univers, pour comprendre un récit

dans son ensemble. On rejoint les personnes à travers les personnages du récit. On

s’intéressera aux mœurs, à l’environnement, au vécu social, aux interactions entre les per-

sonnes. C’est donc une découverte des manières de vivre en relation avec la foi. C’est ce

que les théologiens ont appelé le Sitz im Leben, c'est-à-dire la compréhension du texte dans

son contexte, dans son milieu, approché avec un regard sociologique, voire anthropolo-

gique. « Une lecture socio-littéraire de l’évangile de Marc tient compte de la corrélation

entre les comportements sociaux et les croyances de la communauté à laquelle il est desti-

né, entre les intérêts du groupe et ceux des individus137. »

Comme toute science touchant l’être humain, l’exégèse doit se référer à des outils emprun-

tés aux sciences sociales, plus particulièrement à la sociologie, pour mieux expliquer un

136 Ibid., p. 8. 137 Ibid.

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texte ou le comprendre. Il ne s’agirait pas de faire de la sociologie, mais de repérer des

éléments de la sociologie qui permettront de comprendre un texte comme l’étude de la ma-

nière de vivre, de se conduire, bref des éléments de la culture.

À la perception immédiate, caractérisant l’empirie, le social apparaît sous les

espèces de phénomènes spécifiques (les faits sociaux de Durkheim), plus ou

moins isolables, dont les agencements constituent ce qu’on appelle ordinaire-

ment les cultures. Cette notion s’oppose traditionnellement à celle de la nature.

Il est facile de montrer, cependant, que, l’environnement physique, inanimé ou

vivant (« la nature ») contribue de manière appréciable à façonner la culture

d’un groupe ou d’une société plus vaste. D’un autre côté, l’existence d’une cul-

ture est la marque essentielle de l’hominisation, à telle enseigne qu’on a pu dire

que la culture est la nature de l’homme, chez qui la plus infime manifestation

biologique fait l’objet d’une interprétation en termes culturels. Sans entrer dans

les controverses concernant l’origine et la signification de la culture (au sens

anthropologique du terme : manière de sentir, de parler, d’agir, de penser d’un

groupe d’êtres humains donné), on peut dire que tout groupe constitué de ma-

nière relativement stable présente des traits culturels repérables et comparables

à ceux d’autres groupes. Ces traits, que l’on pourrait appeler « sociétaux », ré-

sultent des interactions durables dans le temps et extensibles dans l’espace que

nouent entre eux les membres du groupe138.

Ceci offre de la matière pour l’analyse socio-littéraire, qui fait valoir les éléments socio-

culturels du texte. Les personnes vivent dans un milieu précis, dans un univers d’existence

avec des modes de vie liés à leur milieu. D’où l’intervention des « systèmes sociaux139».

Comme les personnes ont des choses communes entre elles, on ne pourrait pas se passer de

cet aspect. Il en est de même des « rapports sociaux140 » puisque les personnes sont diffé-

rentes les unes des autres. Il en sera de même avec « les relations sociales »141.

Chaque société possède un fonctionnement qui lui est propre. De même, une

culture donnée développe un système de valeurs, avec ses codes, ses symboles,

ses images, ses croyances, ses rites, etc., dans lequel s’insèrent les individus et

les groupes. Ainsi, l’enfant, dès sa naissance, est introduit par ses parents, son

138 Claude Javeau, Leçons de sociologie, Paris, Armand Colin/Masson, 1997, p. 47-48. 139 Ibid., p. 117. 140 Ibid., p. 141. 141 Ibid., p. 157.

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clan, sa société, à une façon particulière d’imaginer le monde, à un univers

symbolique : il est socialisé142.

En d’autres termes, l’homme ne peut se séparer de son environnement, qu’il soit géogra-

phique, social, culturel ou autre. Il vit dans un milieu et ce dernier doit être pris en compte.

D’où le contexte socio-anthropologique auquel s’intéresse l’analyse socio-littéraire.

« L’analyse du cadre social occupe une place particulière […]. L’analyse du cadre social

recourt à une culture historique issue principalement des domaines suivants : anthropologie

culturelle, histoire sociale, histoire des institutions, droit politique, droit économique143. »

4.2 Quelques indices socio-anthropologiques utilisés en analyse socio-littéraire

Il n’est pas ici question d’entrer en profondeur dans la socio-anthropologie, mais de regar-

der quelques éléments qui peuvent faciliter la compréhension des récits, ceux des personnes

actuelles comme ceux de la Bible. La sociologie faisant référence à l’homme ne pourrait se

passer d’une dimension anthropologique. Émile Durkheim l’a effleurée dans ses re-

cherches144. Les notions de race, d’ethnie, etc., y trouvent place145. Il s’agit de voir,

d’examiner, de faire une confrontation ou des parallèles146. Guy Bonneau va dans le même

sens en évoquant la notion d’identité147. La vie en groupe ou en communauté est de l’ordre

d’une entente qui exige des règlements et une éthique.

Dans une lecture religieuse, surplombée par le divin et non plus par les rapports

sociopolitiques et leurs accomplissements, les actes des apôtres postulent, pour

les communautés chrétiennes des premiers temps, le partage et la redistribu-

tion : « Tous ceux qui croyaient étaient ensemble et avaient toutes choses en

commun ; ils vendaient leurs propriétés et leurs biens, et ils en partageaient le

prix entre tous, selon les besoins de chacun. Chaque jour, tous ensembles, ils

allaient assidûment au temple. Dans leurs maisons, ils rompaient le pain et

142 G. Bonneau, Le lion rugissant. L’impact prophétique de l’Évangile de Marc, Montréal, Médiaspaul, 1997,

p. 77. 143 Claude Javeau, Leçons de sociologie…, p. 115. 144 Pierre Bouvier, La socio-anthropologie, Paris, Armand Colin, 2000, p. 35. 145 Ibid., p. 36-38. 146 Ibid., p. 54. 147 G. Bonneau, Saint Marc. Nouvelles lectures…, p. 11-12.

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prenaient leurs repas avec joie et simplicité de cœur, louant Dieu et se rendant

agréables à tout le peuple »148.

En somme, la dimension sociologique de la méthode socio-littéraire s’appuiera sur trois

grands points :

– le texte dans son contexte ;

– le groupe social visé (par ex. la paroisse) : rapports sociaux, relations sociales, struc-

tures sociales ;

– quelques aspects socio-anthropologiques.

Guy Bonneau en fait le bilan suivant :

En général, l’approche sociologique donne une plus grande ouverture au travail

exégétique et comporte beaucoup d’aspects positifs. La connaissance des don-

nées sociologiques qui contribuent à faire comprendre le fonctionnement éco-

nomique, culturel et religieux du monde biblique est indispensable à la critique

historique. La tâche, qui incombe à l’exégèse, de bien entendre le témoignage

de foi de l’Église apostolique ne peut être menée à bien de façon rigoureuse

sans une recherche scientifique qui étudie les étroits rapports des textes du

Nouveau Testament avec le « vécu » social de l’Église primitive. L’utilisation

des modèles fournis par la science sociologique assure aux recherches des his-

toriens sur les époques bibliques une remarquable capacité de renouvellement,

mais il faut, naturellement, que les modèles soient modifiés en fonction de la

réalité étudiée.

Bonneau poursuit en identifiant les risques pour l’exégèse, qui tiennent essentiellement au

fait que la sociologie est principalement adaptée à des sociétés vivantes qu’il est possible

d’étudier en profondeur, contrairement aux sociétés anciennes, et qu’elle est plus attentive

« aux aspects économiques et institutionnels de l’existence humaine […] qu’à ses dimen-

sions personnelles et religieuses149. »

148 Pierre Bouvier, La socio-anthropologie, Paris, Armand Colin, 2000, p. 98. 149 Guy Bonneau, Saint Marc. Nouvelles lectures…, p. 56.

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4.3 Analyse narrative

L’analyse narrative se définit comme la recherche de la manière dont est racontée une his-

toire150. C’est aussi une manière de lire un texte et de voir comment il est articulé, agen-

cé151. Il s’agit ici de se demander comment l’auteur permet une meilleure compréhension de

ce qu’il a écrit. Le chercheur voudrait savoir comment l’auteur fait passer son message,

comment il décrit, se fait comprendre et agence ses paroles152. Des questions telles que

celles-ci sont soulevées: qui parle, que fait-il, comment le fait-il153?

En somme, l’analyse narrative est un exercice qui permet de comprendre le message destiné

par un narrateur (celui qui fait passer le message) à un narrataire (celui qui lit le mes-

sage)154. L’analyse permet de s’apercevoir comment le récit est monté par le narrateur155.

Pour ce faire, plusieurs notions sont utilisées en analyse narrative telles que « auteur réel »

et « lecteur réel », « auteur implicite » et « lecteur implicite ». Selon la plupart des exé-

gètes, « l’auteur réel » est celui qui a fait le texte. Le « lecteur réel » est celui à qui était

destiné le texte. L’« auteur implicite » est le reflet de l’auteur dans le texte. « Le lecteur

implicite » est celui que l’on s’imagine comme lecteur du texte156.

Ceci étant, en m’appuyant sur les notions ci-dessus, les trois questions suivantes m’ont

permis d’analyser les verbatim de l’enquête effectuée dans le cadre des ateliers bibliques :

– À quelle voix narrative du texte source le participant fait-il écho ?

– À quel personnage le participant s’identifie-t-il ?

– Comment le participant actualise-t-il son message dans son milieu de vie ?

150 Ibid., p. 54. 151 D. Marguerat et Y. Bourquin, Pour lire les récits bibliques, Paris, Cerf, 2009, p. 9. 152 Ibid., p. 12. 153 J.-P. Fokkelman, Comment lire le récit biblique, une introduction pratique, Bruxelles, Éditions Lessius,

2002, p. 210. 154 Ibid., p. 18. 155 A Wénin, Joseph ou l’invention de la fraternité, Bruxelles, Éditions Lessius, 2005, p. 13-14. 156 D. Marguerat et Y. Bourquin, Pour lire les récits bibliques…, p. 23-24.

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4.4 Mise en œuvre

L’analyse socio-littéraire prête une attention particulière au contexte, à l’intrigue et à

l’interprétation des textes à l’étude.

J’entends par ‘contexte’ l’état ou la situation dans laquelle se trouvent des personnes à une

période précise. Ce contexte permet aussi de comprendre le milieu, le vécu dans lequel les

gens ont écrit et auquel ils se sont référés. « Les chercheurs s’intéressent donc de plus en

plus aux communautés chrétiennes et aux différents contextes dans lesquels l’évangile a été

entendu et reçu dans la foi157. »

Il faut voir aussi si une intrigue ne jaillit pas du récit. Cette intrigue se définit comme un

ensemble de manœuvres qui permet au lecteur de comprendre un récit et surtout comme la

manière par laquelle les personnages d’un récit résolvent une situation posée. Paul Ricoeur

voit dans l’intrigue une force qui se déplace et qui tire des actions avec des complica-

tions158. Daniel Marguerat et Yvan Bourquin proposent une illustration de l’intrigue en cinq

principales étapes :

– « La situation initiale » : c’est le commencement du récit.

– « Le nouement ou nœud » : c’est le moment où l’on ressent quelque chose

d’anormal.

– « L’action transformatrice » : elle réfère à toute chose qui permet un revirement de

la situation précédente.

– « Le dénouement » : c’est la sortie de crise.

– « La situation finale » : c’est en quelque sorte la prise de conscience de la résolution

du ou des problèmes qui se sont posé(s) au cours du récit159.

Notons ici qu’une grande importance est accordée aux personnages puisque ce sont ces

derniers qui donnent du goût au texte. Le but est de découvrir le montage que fait le narra-

teur à partir des personnages.

157 G. Bonneau, Saint Marc. Nouvelles lectures…, p. 10. 158 D. Marguerat et Y. Bourquin, Pour lire les récits bibliques…, p. 56. 159 Ibid., p. 58-61.

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Cette intrigue du récit conduit immédiatement à un essai de lecture encore appelée lecture

rapprochée ou interprétation. Ici, il s’agit de donner une explication à chaque verset ou

groupe de versets et d’en tirer une signification. On peut se référer à la structure du texte ou

toute autre forme jugée utile. C’est la phase d’aboutissement de l’analyse socio-littéraire160.

Les différents thèmes devront être soulevés, interprétés et actualisés en vue de dégager des

perspectives futures puisque c’est le but de l’étude. Daniel Marguerat et Yvan Bourquin

écrivent : « Lire est ce geste par lequel l’œuvre littéraire est conduite à sa destination, ou

plutôt à ses destinataires : le cercle des lecteurs. L’analyse narrative concentre toute son

attention sur ce mouvement par lequel le texte, échappant à son auteur et à son lectorat ori-

ginel, achève son parcours en dehors de lui-même dans l’acte de lecture161. »

C’est dans cette phase que l’aspect théologique est dégagé, en tenant compte des aspects

socio-anthropologiques qui ont été étudiés auparavant.

À ce genre d’étude, typiquement littéraire, la réflexion théologique s’est asso-

ciée, en considérant les conséquences que comporte, pour l’adhésion de foi, la

nature de récit – et donc de témoignage – de l’Écriture sainte et en déduisant de

là une herméneutique de type pratique et pastoral. On réagit de cette manière

contre la réduction du texte inspiré à une série de thèses théologiques, formu-

lées souvent selon des catégories et un langage non-scripturaires. On demande à

l’exégèse narrative de réhabiliter, en des contextes historiques nouveaux, les

modes de communication et de signification propres au récit biblique, afin de

mieux ouvrir la voie à son efficacité pour le salut. On insiste sur la nécessité de

« raconter le salut » (aspect « informatif » du récit) et de « raconter en vue du

salut » (aspect « performatif »). Le récit biblique, en effet, contient – explicite-

ment ou implicitement selon les cas – un appel existentiel adressé au lecteur162.

On verra ici que cette méthode s’est avérée féconde pour une intervention pastorale dans

ma communauté ecclésiale. Son application sur les textes bibliques et sur les verbatim a

permis une meilleure compréhension de la situation vécue et ouvert des pistes de réflexion

pour une amélioration de la condition humaine de la communauté paroissiale.

160 Guy Bonneau, Stratégies rédactionnelles…, p. 179. 161 D. Marguerat et Y. Bourquin, Pour lire les récits bibliques…, p. 187. 162 Guy Bonneau, Saint Marc. Nouvelles lectures…, p. 55.

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5. Pertinence de la méthode d’analyse socio-littéraire

Mesters, Saôut et Mabundu ont à cœur d’éviter la lecture fondamentaliste des textes bi-

bliques, ce qui exige une méthode claire. La situation des pauvres étant primordiale,

l’analyse des textes bibliques devrait pouvoir intégrer une approche sociologique claire-

ment définie. Il ne s’agit pas seulement d’étudier le texte dans le contexte de l’époque, mais

d’étudier les faits vécus, les manières de penser et d’agir, les relations sociales. Cette étude

du vécu permettrait aux participants de faire une analogie claire et exacte par rapport à leur

propre situation.

Cette étude permettrait par exemple aux participants, par la voix narrative, de s’identifier à

des personnages des textes et, par rapport au vécu social, d’actualiser le message à leur

propre situation. Ceci constitue la pertinence de la méthode socio-littéraire dans l’ensemble.

Se limiter à étudier le contexte historique de l’époque risque de n’amener qu’à des considé-

rations purement historiques sur le texte, alors que les participants ont besoin de se libérer

des conditions sociales déshumanisantes dans lesquelles ils vivent. Ils ont besoin non seu-

lement d’un réconfort moral, mais de la libération de tout ce qui les opprime dans leur

cadre de vie sociale. Ceci est un point capital.

6. Procédures et déroulement de l’enquête

Dans cette partie, j’expliquerai la manière dont l’enquête de terrain s’est déroulée.

J’exposerai la manière dont les participants ont été choisis et le déroulement des ateliers

bibliques.

J’ai ainsi procédé à six séances d’ateliers bibliques sur le thème de la terre. Plusieurs lettres

d’annonce (voir l’Annexe 4) ont été fournies à la paroisse deux mois avant l’enquête afin

de donner le libre choix aux participants de se porter volontaire. L’annonce a été affichée et

lue au temple les deux derniers dimanches qui précédaient les ateliers bibliques afin de sus-

citer des volontaires. La lettre d'annonce indiquait le numéro de téléphone d’une tierce per-

sonne à contacter, mon numéro de téléphone personnel de Belgique, celui du Cameroun,

ainsi que mon adresse électronique. Ces informations ont permis aux volontaires de me

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contacter personnellement en cas de nécessité. Tout a été confidentiel, libre et sans con-

trainte.

Parmi les douze participants retenus, on retrouvait huit femmes, deux hommes et deux

jeunes. Cette composition reflétait le fait que les femmes sont les plus nombreuses et les

plus engagées dans la paroisse à toutes les instances. Les hommes et les jeunes, bien que

minoritaires, ne manifestent pas un grand intérêt pour la vie de la paroisse.

Ces douze personnes ont participé à toutes les séances d’ateliers bibliques, en deux groupes

de six personnes. Les séances d’ateliers d’études bibliques se sont déroulées du 21 no-

vembre au 6 décembre 2013, aux jours et heures ci-après :

– 21 novembre 2013 de 15h à 16h

– 23 novembre 2013 de 15h à 16h

– 25 novembre 2013 de 15h à 16h

– 28 novembre 2013 de 15h à 16h

– 03 décembre 2013 de 15h à 16h

– 06 décembre 2013 de 15h à 16h

Elles ont porté sur sept textes bibliques dont trois textes dans l’Ancien Testament et quatre

dans le Nouveau Testament à savoir Dt 8,1-20, Dt 26, Dt 28,1-20, Matt 13,1-50, Luc 16,1-

13, Ac 2,42-47 et Ac 4,32-37. Les textes ont été pris dans la version TOB qui est acceptée

par plusieurs confessions chrétiennes.

Chaque rencontre commençait à 15h et se terminait à 16h, afin de permettre aux partici-

pants habitant loin d’assister et de rentrer avant la tombée de la nuit. À la fin de chaque

séance, tous les participants convenaient à l’unanimité du prochain jour de rencontre. Il y

avait deux séances par semaine afin de permettre aux participants de vaquer à leurs occupa-

tions quotidiennes. Il fallait également s’assurer, au plan de la sécurité, que des rumeurs ou

des murmures ne circulent pas parmi les autres paroissiens ou les paroisses environnantes.

Rien ne pouvait se faire à l’avance car il y avait des priorités dans les semaines : jour de

deuil où les participants ne pouvaient pas se déplacer ; jour de chefferie où les participants

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se rendaient à la cour royale ; jour de marché où les participants allaient au marché. C’est

en fonction de tous ces éléments que les prochaines séances furent choisies. Nous rappelons

aussi que le calendrier traditionnel du village prévoit huit jours de la semaine au lieu de

sept. C’est la raison pour laquelle j’ai passé plus de temps que prévu au Cameroun.

Les rencontres ont eu lieu au domicile d’une paroissienne voisine de l’Église. Au départ, je

préconisais de faire toutes les séances dans la salle paroissiale, mais à mon arrivée, plu-

sieurs participantes qui avaient volontairement accepté de participer m’ont appelé pour me

dire que si je voulais qu’elles parlent sans peur, il faudrait choisir un lieu neutre, hors de la

paroisse. Après des renseignements pris individuellement auprès de tous les participants,

j’ai été surpris que tous fussent d’accord que les séances d’ateliers d’études bibliques se

déroulent hors de la paroisse. En fait, tous me posaient la question du lieu et préféraient que

ce soit hors du territoire ecclésiastique. J’ai proposé à une des paroissiennes d’accueillir les

groupes pour la première séance. Elle a accepté. Il s’agissait d’une vaste salle construite

pour le séchage du café, située à 500 mètres de la paroisse. Toutes les séances ont finale-

ment eu lieu là. Cet enjeu du lieu de rencontre était déjà parlant des difficultés vécues dans

la paroisse dès que la question de la terre est évoquée.

Chaque rencontre se déroulait de la manière suivante.

a) Accueil et installation des participants

Je me chargeais d’arriver trente minutes avant chaque rencontre pour préparer la salle avec

notre hôtesse. Il fallait réorganiser la disposition des chaises en cercle afin de permettre aux

participants de se voir l’un l’autre. Par la suite, je plaçais de l’eau à boire, des boissons ga-

zeuses et un peu de cacahuètes sur les guéridons. L’hôtesse m’avait averti qu’il faudrait un

peu d’apéritif afin de susciter le désir de participation.

b) Chant d’entrée par une participante

Il s’agissait d’un court cantique de louange chanté, bien connu des participants. Pour ne pas

perdre de temps, on ne chantait qu’un refrain, et parfois une strophe.

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c) Prière à tour de rôle par chaque participant

Les participants avaient préconisé que chacun prie de trente secondes à une minute lors de

chaque séance afin de remettre la rencontre entre les mains du Seigneur. J’avais pensé que

je devrais conduire la prière, mais compte tenu du caractère sérieux de ces séances bi-

bliques axées sur la situation de crise de la paroisse, il a été décidé que chacun prie.

d) Choix des textes bibliques à étudier pour la séance

Parmi les textes proposés, deux à trois textes étaient choisis, parfois l’ensemble. Rien

n’était imposé à l’avance. J’avais fait parvenir les textes bibliques un mois à l’avance par

les annonces ; je me suis aperçu que les participants volontaires avaient ensuite préparé

individuellement les textes. Ceci se ressentait par la manière dont ils intervenaient de ma-

nière pointue. Néanmoins, je proposais trois petites questions sur les terres pour susciter le

partage :

– Quel rapport entretenez-vous avec vos terres ?

– Que pensez-vous de vos expériences sur les terres ?

– Comment vous situez-vous par rapport au texte qui vous est proposé sur le thème de

la terre ou sur un autre texte que vous pourriez proposer sur la terre ?

e) Lecture silencieuse par chaque participant

Il s’agissait de laisser chaque participant intérioriser le texte même s’il avait déjà été lu plu-

sieurs fois ou s’il était très connu.

f) Partage en deux groupes de six personnes

Chaque groupe se retrouvait dans un coin de la salle et réfléchissait calmement sur leur

manière de comprendre les textes bibliques. Je passais dans chaque groupe pour animer et

voir s’il n’y avait pas de digression.

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g) Partage d’ensemble par tous les groupes

En plénière, chaque groupe disait ce que les participants comprenaient des textes et de leur

application dans la paroisse. L’ensemble de ce que les participants disaient était enregistré.

h) Petit repas offert par la famille d’accueil

Avec la famille d’accueil, j’ai dû chaque fois organiser un petit repas traditionnel non seu-

lement pour encourager les participants à revenir, mais aussi parce qu’ils avaient passé leur

après-midi hors de leur domicile. Certains devaient parcourir des kilomètres à pied avant de

prendre un taxi. Lors de ce repas, l’argent du taxi était distribué à tous les participants.

i) Prière finale

Je conduisais la prière finale à la demande des participants, qui sollicitaient une bénédiction

supplémentaire.

j) Choix du jour de la prochaine séance

Le choix de la prochaine rencontre était fait à l’unanimité, et l’au-revoir s’ensuivait.

* * *

Comme nous le verrons dans le prochain chapitre, le recours à l’analyse socio-littéraire

pour analyser les résultats des ateliers ouvre des perspectives intéressantes. Ainsi, cette mé-

thode permet de voir si les participants aux ateliers décèlent la voix narrative, s’ils

s’identifient à des personnages bibliques et s’ils en viennent à actualiser le message bi-

blique dans leur propre milieu de vie. Cette méthode est en soi un outil prometteur pour les

théologiens qui voudraient être de véritables acteurs et praticiens auprès de populations

vivant dans la précarité.

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Chapitre 3. La terre, une passion des paroissiens

Le présent chapitre a pour but d’exposer de façon synthétique l’analyse des verbatim des

ateliers bibliques. Il ne s’agit pas de reprendre l’analyse portant sur chaque séance qui se

trouve en Annexe 2, mais de rendre compte des points saillants de manière réfléchie, discu-

tée et argumentée. J’essaierai également de dégager tout au long de ce résumé quelques

points de convergence d’idées entre les participants, des points de divergence, sans oublier

les tensions, implicites ou explicites.

1. Présentation du schéma simplifié d’analyse

De manière pragmatique, j’ai appliqué la méthode socio-littéraire à chaque verbatim tout en

me donnant pour schéma simplifié une grille. Celle-ci consiste à indiquer l’auteur, le con-

texte général et le texte biblique à la source de chaque verbatim. L’approche interprétative,

phase charnière de cette analyse, consiste à déceler dans chaque transcription, à quelle(s)

voix narrative(s) le participant fait écho tout en sondant la possible identification à un per-

sonnage du même texte source. Pour le savoir, il a fallu analyser les mots utilisés par le

participant tout en regardant la manière dont il actualise le texte dans sa propre situation

personnelle ou sociale.

2. Présentation des résultats de l’analyse : compte rendu de l’analyse et discussion des

principaux thèmes retenus

Les verbatim reflètent en tous points les différentes mises en commun qu’ont fait les parti-

cipants. Il est ici question de donner, selon la méthode socio-littéraire, une vision générale

ou les points marquants de l’ensemble des verbatim. Ces éléments constituent des thèmes

qui permettront de dégager des perspectives futures indispensables non seulement pour les

paroissiens, mais aussi pour l'Église. L’espoir est d’entrevoir des solutions envisageables

pour la communauté paroissiale. Au terme de l’analyse, je retiendrai dix grands types de

préoccupations au sujet de la terre.

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2.1 La terre est un don de Dieu

Le premier aspect qui se dégage de l’analyse est que la terre et ses prémices sont un don de

Dieu. Tous les participants aux séances d’études bibliques s’accordent sur ce point de vue

en lien avec deux textes bibliques : Gn 2 et Lv 25,23163.

Par rapport à la terre, Dieu nous donne la terre. Est-ce que nous sommes la

terre ? Cette terre, c’est aussi nous. Nous devons l’améliorer, la cultiver ; c’est

tout ce que l’homme travaille sur lui pour sortir quelque chose de bien. Au ni-

veau symbolique, je pose la question. Nous sommes la terre, nous devons la

travailler pour sortir de bons fruits. C’était pour faire ce lien avec la terre. Dieu

a fait errer le peuple pendant quarante ans. Si on n’obéit pas sur la terre, la terre

va être fatale. Tout vient par la terre. Le pâturage, le bétail c’est la terre. La

terre est quelque chose de fondamental, qu’on ne peut pas éviter et c’est Dieu

qui nous la donne mais il faut savoir la garder. (Participant E, 2e séance)

Ce don terrestre marque la bienveillance de Dieu. Ceci veut dire que la terre n’appartient

pas à l’homme. Il ne peut pas se l’approprier comme s’il en était le créateur. Ce don im-

plique la soumission à Dieu qui offre la terre sans condition aucune, sans achat, sans ran-

çon. Cette idée est en phase avec la société bamiléké où c’est Dieu – c’est-à-dire le dieu des

ancêtres – qui possède les terres ; le chef du village, représentant ou jouant le rôle d’inter-

médiaire, est le garant terrestre de l’obéissance à Dieu. Le christianisme rejoint sur ce point

la religion traditionnelle bamiléké, à savoir l’animisme. Claude Tardits écrit :

M. Delarozière affirme le « caractère divin » du chef qui est « le représentant

des ancêtres mythiques…, le détenteur des totems de la tribu avec lesquels il se

confond… »; M. Kamé, qui est bamiléké, est plus prudent : « le chef, écrit-il,

est un personnage quasi divin. À ce titre, sa personne est sacrée et inviolable »

[…] Les fo ont des pouvoirs fort importants qui, indépendamment de leur fon-

dement, ont un aspect spécifiquement économique. Ils répartissent les terres de

la chefferie qui sont considérées comme propriété collective des habitants. Il

existe […] différentes catégories de biens : les terres réservées au fo, celles oc-

cupées par les habitants et, éventuellement, les terres vacantes dont il peut dis-

poser pour l’établissement des nouvelles générations164.

163 Voir l’analyse séance par séance en Annexe 2. 164 C. Tardits, Contribution à l’étude des populations Bamiléké…, p. 33-35.

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D’autre part, l’homme peut être rassuré sur le caractère bon de tout don de Dieu. Toute

terre est bonne et peut porter de bons fruits. C’est l’homme qui doit en profiter : les parois-

siens doivent profiter de ce don pour favoriser le développement de la paroisse.

Ces paroissiens sont aussi considérés comme des récoltes. Plusieurs participants établissent

un lien entre les chrétiens, la terre et les récoltes. La terre étant un don de Dieu, les parois-

siens, qui sont des personnes créées par Dieu, sont aussi des dons.

Si Dieu donne la terre, Dieu donne aussi des hommes qui doivent travailler la terre. La terre

est faite pour être habitée par les hommes. Ceux-ci, créatures et images de Dieu, sont aussi

des dons de Dieu. Celui-ci donne, par exemple, la pluie, le soleil et détermine les saisons de

pluie et de sécheresse ; tout cela définit les conditions climatiques indispensables à la cul-

ture de la terre165. Ceci est aussi une conception culturelle bamiléké qui dit que Dieu donne

des dons, des choses, et donne aussi des hommes qui doivent bénéficier, profiter ou manger

de ses fruits.

Discutant des textes bibliques à l’étude, les paroissiens de la communauté traitent d’eux-

mêmes et de leur situation commune. D’où la première dimension sociologique : le sous-

développement de la paroisse. On comprend qu’on se trouve dans un cadre purement rural.

Sur ce point, il y a une identification nette du contexte social du texte biblique au contexte

social de la paroisse. Les participants souhaitent voir s’améliorer la situation précaire de

leur communauté.

Cette amélioration dépend en dernière instance de Dieu de qui vient tout don : don

d’amélioration, don de bonheur comme de malheur. C’est aussi une coutume bamiléké

(Ouest Cameroun) de voir en Dieu celui qui offre tout à l’homme et auquel il faut rendre

grâce par des rites. Le rite d’action de grâce est aussi un rite coutumier où le chef de village

est considéré comme le « prêtre traditionnel ».

M. Hurault relève avec pertinence que les villageois n’adressent aucune prière

et ne font aucun sacrifice au chef ou à ses ancêtres. Il semblerait donc plus con-

forme à ce que l’on sait des civilisations africaines de le considérer comme un

165 Félix Mutombo Mukendi, La Théologie politique africaine…, Paris, L’Harmattan, 2011, p. 35.

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médiateur entre les hommes et ses ancêtres divinisés, qualité qu’il devrait vrai-

semblablement à cette part de force, de ke, qu’il reçoit et qui lui confère, dans

l’esprit de la population, des pouvoirs de caractère surnaturel. C’est aux con-

ceptions religieuses qu’il faut associer les pouvoirs qui lui seraient attribués de

faire tomber la pluie, les droits aux prémices et, d’une façon générale, toutes les

pratiques destinées à assurer la régularité des cycles agricoles. […]. Le chef bé-

néficie traditionnellement de prestations en nature. Il reçoit une part des récoltes

faites par les femmes; d’importantes quantités de produits viviers et d’huile de

palme, un grand nombre de chèvres lui sont remis comme droits d’entrée dans

les sociétés coutumières166.

Cet exemple traduit une analogie entre l’imaginaire religieux biblique et les coutumes an-

cestrales de l’Ouest Cameroun. Restant toujours dans cette conception traditionnelle, une

autre conception actualisée émanant de cette notion de don de Dieu est celle de l’image de

Dieu.

2.2 La terre, image de Dieu

La terre est identifiée à la fois à Dieu et à l’homme. L’homme est en relation avec sa terre

puisqu’elle est don de Dieu et qu’il est en relation avec Lui. L’homme ne doit donc pas

s’amuser avec elle. Il doit la protéger et la conserver jalousement. C’est la raison pour la-

quelle l’homme est identifié à sa terre, il est la terre même. Cette impression est partagée

par la plupart des participants et relève aussi de la culture, des us et coutumes bamiléké.

L’idée dominante est le lien entre la terre et Dieu, qui s’explique par la proximité existant

entre Dieu et l’homme. Dieu écoute les doléances de l’homme puisqu’il est sur la terre et

qu’Il (Dieu) est la terre. « Jésus interpelle chacun de nous, chacun a sa terre, terre fertile.

Chacun de nous est une terre et chacun devrait se poser la question et se dire quelle espèce

de terre suis-je ?» (Participant L, 3e séance)

Dans la culture bamiléké, on appelle Dieu « la terre », « Si » : « Au commencement était la

terre et la terre était Dieu (dans la plupart des dialectes de l’Ouest Cameroun, le même mot,

“Si”, désigne Dieu et la surface terrestre. Dieu résidait dans la terre et en constituait

166 C. Tardits, Contribution à l’étude des populations Bamiléké…, p. 34-35.

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l’élément mâle et le principe actif 167». « Si » indique donc à la fois Dieu et le sol, la terre,

la matière cultivable. Le rapport est très étroit entre Dieu, l’homme et la terre. La terre est le

lieu où chacun sera inhumé. Il en est sorti et il y retournera. Simon David Yana écrit : « Le

nom des Bamiléké est le résultat de plusieurs déformations. En langue Dschang (sous-

groupe de l’ethnie bamiléké), le nom origine de ce groupe serait “Mbaliku”, qui signi-

fie “les originaires et les sortants d’un trou de terre (sacré)”. Il n’est devenu bamiléké qu’à

la suite des difficultés de prononciation des colonisateurs Allemands d’abord, Français en-

suite168. »

Je note ici l’analogie entre la culture bamiléké et la culture juive. L’homme est confronté à

un choix : soit il obéit à Dieu et il a toutes les bénédictions, soit il lui désobéit et il reçoit

tous les malheurs. En cas de bénédictions, l’homme ne doit pas oublier de remercier le Sei-

gneur par des actions de grâce qui se traduiront, par exemple, chez les Bamiléké, par

l’organisation de grandes fêtes populaires où amis et connaissances sont invités à festoyer,

sans négliger les rites : offrir quelques miettes de repas sur les crânes des ancêtres. « Il faut

récolter et penser à dire merci au Seigneur. » (Participant L, 4e séance)

L’obéissance à Dieu est non seulement l’obéissance à tous les commandements, mais sur-

tout le respect de la terre. La terre doit être respectée selon la loi de Dieu, Dieu étant lui-

même la terre. Afin de bénéficier des grâces, l’homme bamiléké doit respecter Dieu, res-

pecter tout ce qui touche de manière directe ou indirecte à Dieu lui-même : la terre,

l’homme, la femme, bref tout ce qui a trait à l’être humain et à son environnement. Dans le

cas contraire, il faudrait s’attendre à des malédictions, à l’ingratitude de la terre, à une stéri-

lité familiale, bref à un mauvais sort dû à la cassure des relations avec le dieu de la terre,

qui est le dieu des ancêtres169. Cette conception est très répandue dans la culture bamiléké ;

lorsqu’il y a un événement malheureux comme un accident de la route, un décès, un échec

quelconque, on ne pense qu’à la malédiction et aux rites de purification. On fait alors appel

167 Léon Kamga, « Journal Menola, La genèse du monde selon les Bamiléké : La femme, dépositaire exclusif

de l’art sacré de la création », http://www.menola.info/index.php?option=com_content&view=article&id=

681&Itemid=277 (consulté le 19 juin 2015). 168 S. D. Yana, À la recherche des modèles culturels…, p. 29. 169 F. Mutombo Mukendi, La Théologie politique africaine…, p. 89.

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aux grands-parents défunts par le moyen d’un culte ancestral, par exemple. « Poursuivant

l’analyse des liens de parenté, [M. Hurault] constate que ceux-ci s’expriment sur le plan

cultuel dans la pratique des sacrifices aux crânes ancestraux et la transmission des crânes

d’héritier en héritier170. » C’est aussi une manière de penser et d’agir dans la coutume bami-

léké.

Le fait de négliger ou de brader la terre est signe de malédiction. D’où la nécessité de la

protéger et de l’utiliser à bon escient pour ne pas être maudit. Ceci rejoint l’éthique biblique

du respect ou de l’obéissance à la Parole de Dieu afin de bénéficier des bénédictions. La

notion d’alliance entre Dieu et son peuple est évoquée par ce lien entre les couples obéis-

sance/désobéissance et bonheur/malheur. Pour les habitants de l’Ouest-Cameroun, Dieu et

la terre sont ainsi des réalités proches.

Le Dt 28 promet des bénédictions comme tu le dis. Le texte dit que si on obéit,

tout ce que l’on va entreprendre va réussir. La ville va être bénie. La ville c’est

qui ? C’est notre village. C’est notre paroisse. C’est nous-mêmes. Le texte dit

que les fruits du sol seront abondants. Tout ce que nous cultivons, que ce soit

les patates, le maïs, le haricot vont donner une grande production. Aujourd’hui,

si nos terres ne donnent rien, ça veut dire que nous sommes en partie respon-

sables. C’est que nous ne savons même pas cultiver. Nous avons trahi ce que

nos ancêtres ont fait et c’est ça la malédiction. Pour moi, il faut revenir comme

nos grands-parents qui ont fondé la paroisse. C’étaient des gens pieux, qui pas-

saient leur temps à réfléchir pour le bon fonctionnement de l’Église et tout réus-

sissait. Je me rappelle que mon grand-père nous racontait qu’à la période des

missionnaires, ces derniers leur donnaient des portions de terres de la paroisse

qu’ils cultivaient et venaient donner la dîme. Aujourd’hui, on n’en donne même

plus, on fait la fête des récoltes, mais combien donnent la vraie proportion de

leurs avoirs à savoir la dixième part, très peu. Moi aussi compris. Je pense que

nous trompons Dieu. Le Dt 26 est clair à ce sujet. Nous trompons Dieu et nous

attendons que nos terres soient bénies. Ce qui ne peut pas l’être ; on ne trompe

pas Dieu qui sait tout et surtout que c’est lui qui nous donne. Je pense que nous

avons d’abord à nous confesser ; nous avons à demander pardon à Dieu avant

de faire n’importe quoi. Je pense qu’une vraie confession publique de nos pa-

roissiens est importante pour demander à Dieu de chasser tous les démons qui

sont en nous et qui nous empêchent de nous aimer d’abord les uns les autres,

puis de nous développer, de fructifier nos terres et notre paroisse. Si nous ne

faisons pas cela, nous serons toujours pauvres. Notre paroisse sera toujours

pauvre. (Participant E, 6e séance)

170 C. Tardits, Contribution à l’étude des populations Bamiléké…, p. 28.

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69

Par ailleurs, le rapprochement Dieu-terre ou homme-terre marque aussi cette vie d’amitié,

d’amour et de partage mutuel, c’est-à-dire de communion fraternelle qui devrait exister

entre les paroissiens. Le clivage homme-femme ne devrait pas exister, ni le clivage homme-

homme. Tous sont précieux comme des perles devant le Seigneur. Dans le Royaume, il n’y

a pas des juifs et des grecs, c'est-à-dire des places pour riches et pauvres. Tous sont égaux

devant le Seigneur. C’est donc une interpellation aux chrétiens de Mbouo-Ngwinké de

vivre ensemble dans la communion fraternelle et surtout d’obéir à la parole de Dieu. Le

Royaume appartient à tous sans exception. La terre appartient à tous sans exception. Ceci

soulève la question du statut de la femme dans la société bamiléké et dans la paroisse en

particulier.

2.3 La terre, enjeu de promotion de la femme

Don de Dieu, la terre appartient à tous, quel que soit leur sexe. Elle est objet de partage et

d’accueil. Elle devrait engendrer des revenus pour les femmes et pour les enfants par la

suite. Mais traditionnellement, les hommes s’accaparent les terres. Les femmes, qui sont

responsables des cultures, sont négligées et ne reçoivent aucune considération. Majoritaires

à l’Église, elles doivent procréer, nourrir leurs familles et s’occuper des frais de scolarité

des enfants. Elles n’ont pas droit à la propriété foncière ; elles ne constituent que la main

d’œuvre pour les hommes. Elles ont des devoirs et peu de droits. Chez les Bamiléké comme

chez plusieurs autres peuples africains, elles sont vouées à quitter obligatoirement le domi-

cile parental pour se marier et intégrer une autre famille. C’est pourquoi elles n’ont pas

droit à l’héritage des terres comme les hommes.

Mais cette tradition est mise en question : « Quand on dit que les femmes n’ont pas droit

aux terres parce qu’elles sont des femmes, devant aller se marier dans d’autres familles, est-

ce la raison pour discriminer les femmes de l’héritage des terres alors que ce sont ces

femmes qui accouchent des enfants, qui nourrissent leur mari, qui envoient les enfants à

l’école, Alors vous comprenez que c’est un problème de comportement » (Participant D, 6e

séance). Dans le même cadre de l’exploitation de la femme, Claude Tardits écrit : « Le mari

fait le commerce du bétail, des colas, exploite les cultures arboricoles : palmiers, café, ca-

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70

caoyers. […] La terre et la femme sont donc les deux éléments qui, associés, donnent son

assise à l’économie domestique171. »

La vie en harmonie des premières communautés chrétiennes est un exemple à ce sujet

(Ac 2 et Ac 4) qui appelle à la communion fraternelle et au respect de la dignité de la

femme. Ne faudrait-il pas respecter la femme tout comme on doit respecter la terre, la Pa-

role de Dieu et Dieu lui-même ? Dieu, Père de tous les hommes et femmes sans discrimina-

tion, bénit la terre tout en invitant ses habitants à vivre dans l’amour fraternel. Ceci indique

à tout chrétien, et surtout aux pasteurs, des pistes de sensibilisation à la dimension commu-

nautaire et fraternelle de la foi en Dieu et du respect de sa terre.

2.4 La terre, objet de préservation, d’interpellation au respect d’autrui et de la Parole

Puisque la loi de Dieu est à conserver, il en est de même de la terre. Les deux éléments sont

précieux devant Dieu et exigent d’être pris au sérieux. Ceci implique une obéissance afin de

mériter la confiance de Dieu et sa grâce.

On retient qu’il faut appliquer la parole de Dieu. Comme les autres ont dit, on a

le lait qui coule. Quand on a marché selon la loi de Dieu, on mène une vie

d’ensemble, meilleure. Il a aussi comparé le Royaume de Dieu à un trésor

qu’on trouve dans un champ. Comme dans une maison ou au grenier, on trouve

de bonnes choses, la valeur. La valeur de la parole. Si on connaissait la valeur

de la parole, on laisserait tout ce qu’il y a de négatif. Même chose avec la perle.

Abandonner tout pour aller chercher la perle, la Parole de Dieu. Bref, c’est

comme ça que nous avons compris le texte de Matthieu 13. (Participant E,

3e séance)

Les participants ont manifesté un grand souci d’acceptation des différentes conceptions des

uns et des autres par rapport à leur perception de la terre. Ils aspirent à la liberté

d’expression et à l’acceptation des opinions. Le développement est un processus qui néces-

site du temps, des actions et donc de la concertation. L’état pécheur de l’homme est en

cause : il importe de lui pardonner, d’accepter ce qu’il est, ce qu’il fait, ce qu’il dit. Il faut

comprendre l’autre, accepter la diversité des façons d’être, de penser, de sentir et d’agir.

« Dieu voudrait que chacun reçoive la parole et que chacun l’exprime. Il a exigé que cha-

171 C. Tardits, Contribution à l’étude des populations Bamiléké…, p. 25.

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71

cun ayant écouté puisse la pratiquer, que tous comprenne la parole, ceux qui comprennent

ou ne comprennent pas. Au moment où nous vivons, ne disons pas que tel est ainsi, l’autre

comme ça. Nous ne pouvons pas juger les autres. Nous devons accepter les autres. » (Parti-

cipant L, 3e séance) Les paroissiens sont amenés à s’accepter, à se pardonner mutuellement,

à vivre dans la communion fraternelle. C’est aussi le rôle du pasteur d’interpeller les pa-

roissiens en ce sens : notre place sur la terre est de vivre dans le respect de la terre et des

humains.

Les études bibliques sont une occasion privilégiée d’expérimenter cette diversité et de tra-

vailler à la construction de la fraternité. Elles doivent être faites régulièrement en vue de la

formation permanente des chrétiens. Au lieu de combattre ces études bibliques comme par

le passé, les pasteurs doivent les animer. Voici une charge pastorale à relever. La formation

spirituelle de la paroisse est une piste de solution à la crise paroissiale. Il ne s’agit donc pas

seulement de chercher les outils de développement rural, mais également de demander

l’aide de Dieu et de se soumettre à ses exigences. La grâce précède les œuvres ; le salut

passe d’abord par la foi.

2.5 La terre, objet de production et de vie

Des échanges ressort une nette opposition entre le désert (terre aride) et la bonne terre. La

terre doit produire des fruits spirituels et physiques. Cette production passe par les se-

mences, qui sont des cellules vitales offertes par Dieu. C’est grâce à la fructification et à la

germination des semences que l’on obtient de bonnes récoltes (Jn 12, 24 qui stipule que le

grain de blé tombé en terre doit mourir afin de porter du fruit).

Être de valeur, bien vu devant le Seigneur, c’est être assimilé à une semence qui produira

une bonne récolte. L’homme devrait se comporter comme une bonne semence afin de plaire

à Dieu et de mériter le Royaume. En ce sens, l’homme peut être compris à la fois comme

terre, graine, semence et récolte, selon le processus de développement d’une plante.

Par ailleurs, les participants ont évoqué le lien étroit entre le travail de la terre, les récoltes

et leurs prémices. « Dt 26 parle d’action de grâce sur les produits de la terre qu’il faut culti-

ver et prendre les fruits pour dire merci au Seigneur. » (Participant J, 4e séance) Il est éga-

Page 82: La vision biblique de la terre- une réflexion menée au ...€¦ · siens de les expérimenter sous la conduite du Seigneur. iv ... Chapitre 5. Terre de salut, terre d’action de

72

lement coutume chez les Bamiléké de donner les premiers fruits des récoltes soit au chef de

famille, soit au chef de village. « Le chef bénéficie traditionnellement de prestations en

nature. Il reçoit une part des récoltes faites par les femmes172 ». La culture biblique de

l’Ancien Testament rejoint la coutume bamiléké. Le lévite, comme le chef de famille ou de

village, reçoit les premiers fruits.

Les participants parlent aussi du développement de la paroisse qui possède les terres. Les

échanges sur les textes portent spontanément les participants à évoquer le sous-

développement de la paroisse. Ils reconnaissent le contexte social de la paroisse dans le

contexte social du texte biblique. Ils essaient de voir comment la situation de pauvreté de la

communauté peut être améliorée. Il y a en fond de scène un même contexte rural où la terre

est la seule source de revenus.

Le travail de la terre est incontournable. Cette terre nécessite une mise en valeur. Des pro-

jets rentables peuvent être initiés comme, par exemple, le reboisement ou la plantation

d’arbres qui produiront du bois et pourront être commercialisés. Ainsi, l’argent recueilli

servirait l’Église. On attend du pasteur qu’il soit un animateur de projets rentables : ce fut

l’un des points forts de toutes les discussions lors des ateliers bibliques. « Le Seigneur a dit

qu’il bénira le fruit de nos mains. Aujourd’hui, pour qu’on s’épanouisse, il faut que nous

mettions nos terres en valeur pour être épanoui sur le plan spirituel, matériel et social. Il

faut donc travailler. Le Seigneur nous invite au travail et c’est très capital. C’est même la

leçon essentielle de tous ces textes que nous avons lus. » (Participant Z, 5e séance)

Ce travail de la terre suppose la coopération de tous. « Il faut pour nous sur notre terre, cul-

tiver nos terres ensemble, que les terres paroissiales soient scindées et partagées en groupe

paroissiaux pour cultiver en groupe pour nous aider à développer notre paroisse. » (Partici-

pant H, 4e séance)

172 Ibid., p. 35.

Page 83: La vision biblique de la terre- une réflexion menée au ...€¦ · siens de les expérimenter sous la conduite du Seigneur. iv ... Chapitre 5. Terre de salut, terre d’action de

73

2.6 La terre, ses enjeux de rendement et de probité

Les paroissiens dépendent entièrement de la terre comme moyen de subsistance, mais ils ne

parviennent pas à accroître suffisamment ses rendements. La fidélité à la terre passe par

l’éducation, la recherche de moyens financiers et l’apprentissage du développement rural.

Les participants ont estimé que les textes bibliques invitent au développement rural. Dans le

cas précis de la paroisse, il ne s’agit pas seulement d’élaborer des projets rentables pour la

paroisse, mais également de former les paroissiens à rédiger et à gérer leurs projets. Le pas-

teur a un rôle essentiel à jouer dans l’initiation et la promotion des projets de développe-

ment, par fidélité à Dieu et à cette terre.

Pour l’obtention de bons rendements, les participants ont souligné la nécessité d’avoir des

engrais, d’obtenir de l’aide extérieure et de procéder à une mécanisation poussée. « On […]

est revenu sur le fait qu’il faut nous distribuer les terres. Il faut que nos terres soient fé-

condes. Il nous faut des moyens pour fertiliser la terre. On a besoin des méthodes rentables

pour la terre. Voilà ce que nous pouvons dire de ce qui s’est passé dans notre groupe. On

[…] a besoin d’aide. » (Participant Z, 6e séance).

L’environnement social de précarité pèse lourd. Les gens cultivent de manière rudimentaire

avec des houes, car il n’y a pas de machines. Les sillons des champs sont faits à la main et

les semences sont mises au sol graine par graine. Le mode de culture est archaïque. La

question est de savoir si des machines seraient utilisées correctement, d’où l’enjeu de

l’éducation. En outre, le danger que des personnes nanties de la communauté s’approprient

ces machines pour s’enrichir au détriment des autres, qui s’appauvriraient encore davan-

tage, est réel. Les projets paroissiaux rentables sont sujets au détournement. Il y a ainsi un

enjeu de conversion : il faut interpeller dans le sens de l’amour et de l’obéissance à la loi de

Dieu.

2.7 La terre, objet de reconnaissance

La plupart des participants ont déclaré que la terre est à cultiver pour satisfaire les besoins

de l’homme. De ce fait, elle devrait être bonne. Dieu devrait lui-même offrir une bonne

terre et un meilleur rendement, car c’est à partir du rendement qu’on lui offre aussi une part

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en dîme. Dieu a en quelque sorte l’obligation de nous aider en ce sens, sinon il ne serait pas

en droit de se fâcher contre l’homme qui peine à fructifier la terre. On a ici un jeu de res-

ponsabilité : celle de Dieu pour le don et celle de l’homme, le récipiendaire du don. Ce don

est objet de remerciement et d’action de grâce. Les paroissiens considèrent ainsi qu’il faut

demander à Dieu la bonne terre et se souvenir de le remercier. La référence aux textes bi-

bliques sur la dîme est capitale pour cette argumentation.

Dt 26, nous avons essayé après toute la lecture du texte et nous avons aussi re-

tenu deux grandes parties. La 1ère partie concerne la fête des récoltes.

N’oublions pas que Dieu a sorti son peuple de l’Égypte pour lui donner la terre

promise où coulent le lait et miel en leur disant que les premières récoltes se-

ront données à moi en signe de reconnaissance, c’est à dire quand Dieu nous

donne, il faut lui présenter les signes de reconnaissance. C’est quelque chose

d’obligatoire pour avoir sa bénédiction. En deuxième partie, nous avons vu que

c’est la dîme de la troisième année est quelque chose d’obligatoire. Il a présenté

comme un signe de partage. La dime ce n’est pas à toi tout seul. Tout ce qu’on

a, on doit le partager avec le lévite, l’orphelin, la veuve, l’étranger. Ce que nous

ne faisons pas toujours. La fête de reconnaissance ne doit pas être faite tout

seul. Les fruits de la terre doivent être partagés avec les autres. (Participant L,

2e séance)

Comme nous le soulignions plus haut, dans la praxis coutumière et traditionnelle bamiléké,

on offre aux ancêtres de l’huile, du sel ou des objets de valeur à titre de remerciement pour

les récoltes ou pour tout bien reçu, tel la naissance d’un enfant173. La pratique d’action de

grâce de l’Église correspond à cette culture ancestrale, très prégnante encore de nos jours,

même si le christianisme est ancré dans la population. Il y a accord sur ce point, et des ten-

sions sur d’autres. La confrontation animisme-christianisme demeure toujours dans la so-

ciété bamiléké. « On ne peut d’ailleurs dire que le christianisme élimine rigoureusement les

croyances et les pratiques animistes. Il est vraisemblablement générateur d’une large ambi-

guïté dans la conduite des individus et permet à des clivages sociaux de se faire jour dans

les groupements fortement hiérarchisés où il progresse174. »

173 C. Tardits, Contribution à l’étude des populations Bamiléké…, p. 34-35. 174 Ibid., p. 34.

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75

2.8 La terre, objet de respect et de savoir-faire

Les participants ont identifié l’homme à la terre. Il ne peut pas se désolidariser de la terre

qui l’a formé. Il lui est lié et se définit par elle. Il est invité au partage de la terre, au partage

de ses fruits, à une vie de communion fraternelle. Vendre la terre, c’est vendre l’homme,

c’est vendre ses ancêtres, c’est vendre Dieu puisque Dieu s’identifie à la terre. Une cou-

tume bamiléké consiste à ne jamais vendre la terre sous peine d’être maudit, car la terre se

lègue par héritage.

La terre n’appartient qu’à Dieu. Il faut respecter cette terre. Nous ne sommes

que des surveillants sur la terre. Il ne faut pas la brader comme on le fait au-

jourd’hui à n’importe quel prix. Dans notre village, on doit garder notre terre.

Dans notre paroisse, on doit garder la terre et ne pas la brader comme ça se joue

de nos jours. Les paroissiens doivent être des gardiens de la terre. Il faut sanc-

tionner tous ceux qui vendent ou détruisent la terre de notre paroisse. Celui qui

brade la terre du village ou de la paroisse est entrain de transgresser la loi de

Dieu. (Participant T, 2e séance)

Dans les échanges entre participants, il n’y a cependant pas eu unanimité sur ce point. Les

tenants de la tradition exigent que les terres ne soient pas vendues. Par contre, d’autres

s’inspirent des Actes et de Luc pour considérer que, dans certains cas, on peut vendre la

terre.

Moi, je pense aussi qu’il faut revenir à la parole comme tu as dit, mais il ne faut

pas suivre les mauvais bergers […]. Les premiers disciples vendaient leurs

champs pour l’Église. Ceci ne veut pas dire qu’aujourd’hui, nous allons vendre

nos terres. On peut les vendre si on possède les terres et donner l’argent à

l’Église. Comme on peut aussi donner nos terres pour un projet rentable

d’Église comme la création d’une école, d’un hôpital, bref pour une œuvre so-

ciale. On ne refuse pas de vendre les terres. (Participant H, 6e séance)

Dans les us et coutumes bamiléké, la terre appartient à Dieu et c’est le chef du village, le fo,

qui est le garant. Concrètement, beaucoup considèrent que la terre appartient au chef

puisqu’il est le garant de la culture ancestrale.

Les fo ont des pouvoirs fort importants qui, indépendamment de leur fonde-

ment, ont un aspect spécifiquement économique. Ils répartissent les terres de la

chefferie qui sont considérées comme propriété collective des habitants […]. Il

existe […] différentes catégories de biens : les terres réservées au fo, celles oc-

cupées par les habitants et, éventuellement, les terres vacantes dont il peut dis-

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76

poser pour l’établissement des nouvelles générations. En principe, les terres at-

tribuées aux différents lignages peuvent être l’objet d’une redistribution ; en fait

les possessions sont rarement troublées. Néanmoins, ce principe donne une cer-

taine souplesse au régime foncier et surtout il confère au fo le pouvoir d’empê-

cher les accaparements et de maintenir un équilibre entre les différents éléments

de la chefferie175.

L’homme doit être fidèle à Dieu et à la terre. La terre, tout comme la loi de Dieu, doit être

préservée, car elle est non seulement personnifiée, mais aussi identifiée à la loi de Dieu.

Qui craint Dieu doit craindre la terre, craindre la loi de Dieu, craindre son prochain et ne

pas lui faire de mal, car ce prochain c’est Dieu. D’où le caractère éthique et fondamental de

la relation humaine.

La terre doit être plutôt travaillée avec soin comme tout soin qu’on donnerait à un homme.

Elle doit être prise au sérieux. On doit la travailler, jouir de ses fruits, mais la préserver.

D’où la notion éthique du don de la terre, de l’utilisation de la terre et de la préservation de

la terre. Au plan social, l’homme est appelé à assumer ses responsabilités. Au plan écolo-

gique, il doit préserver l’environnement et la création de Dieu. Au plan de la foi, le respect

de l’homme et l’obéissance aux commandements définissent le rôle et la place de tout chré-

tien sur terre. Il faut savoir cultiver la terre, partager ses fruits, accueillir les humains, ainsi

qu’être fidèle à Dieu et à cette terre.

C’est pourquoi les participants se sont tant dits préoccupés par la mauvaise gestion des res-

sources de la terre. Les biens de la paroisse sont détournés, les terres sont bradées. La ges-

tion des terres de la paroisse est calamiteuse. Des gens profitent du manque d’instruction

des paroissiens du village pour faire main basse sur les biens de la paroisse et appauvrir

ainsi la collectivité.

Oui, je suis d’accord avec toi, mais si on n’est pas sûr qu’on va bien gérer, c’est

inutile. Avons-nous la possibilité de bien gérer les choses ? Ce qui nous tue au

Cameroun, c’est la mauvaise gérance des choses. C’est aussi un problème de

mentalité. L’économe infidèle est un exemple de quelqu’un qui connait son tra-

vail et qui laisse son travail pour faire le faux. C’est un possédé démoniaque. Je

pense que cet économe a une mauvaise mentalité. Nous sommes tous des

175 Ibid., p. 34-35.

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77

« économes infidèles » dans notre paroisse, dans notre famille et partout où

nous travaillons. (Participant T, 6e séance)

Dans l’état actuel des choses, les dons reçus de l’extérieur sont susceptibles d’être détour-

nés de leur fin. Comment faire ? Qui seront ceux qui pourront bien les gérer ? Faut-il en-

core envoyer de l’argent, mais mettre sur pied une école de gestionnaires ou envoyer des

coopérants extérieurs pour aider à la gestion ? Tout ceci implique un recentrage moral et

spirituel de l’Église. Il faudrait encore prêcher la bonne nouvelle à tous ceux qui peuvent

entendre le message libérateur du Christ : une invitation une fois de plus à l’obéissance à la

loi de Dieu.

2.9 La terre, objet de malversations

Les participants ont dénoncé diverses formes de complot, d’intrigue, de malversation et de

mauvaise gestion des terres de leur communauté. Ils ont mentionné que selon les textes

bibliques, particulièrement Dt 28, ces maux sociaux sont objets de malédiction. Si la terre

donne des bénédictions, elle peut aussi être objet de malédictions quand elle n’est pas res-

pectée. Ce qui a été considéré comme la pire des choses, ce sont les malversations de pas-

teurs qui se détournent de leur vocation pastorale.

Moi, je pense qu’il faut amener les chrétiens à craindre Dieu. Nous ne crai-

gnons pas Dieu. Si on craignait Dieu, on ne pourrait pas faire des mauvaises

choses comme ces terres de notre paroisse qui sont vendues et dont l’argent ne

nous sert pas. On ne nous dit jamais la vérité sur le montant réel qu’on a vendu.

La fois dernière, on a vendu le terrain à des gestionnaires de la station d’essence

et on nous avait promis de nous donner une partie pour la construction de notre

temple. Ce qui avait été fait. Mais on a compris que le pasteur avait jonglé avec

les chrétiens et l’entrepreneur. Le montant qu’on avait donné n’était pas le vrai

montant. Le notaire a révélé le vrai montant. Voilà nos problèmes. On trouvera

de vrais pasteurs où ? Tous les pasteurs qu’on nous envoie sont soit des jeunes

enfants qui ont raté leur vocation, soit des vieux pasteurs qui veulent de l’argent

pour préparer leurs retraites. Nos problèmes de la paroisse sont très complexes

et se trouvent à tous les niveaux. Heureusement que le texte de Luc nous ramè-

nent sur le bon chemin et nous dit de ne pas servir deux maîtres à la fois. (Parti-

cipant G, 6e séance)

La notion de vocation pastorale pose un problème dans cette paroisse. Il importe d’en appe-

ler au discernement de la vocation pastorale, à l’éthique pastorale, au retour à la Parole de

Dieu, bref à une certaine révolution dans l’Église. Le berger n’est plus le berger : il est plu-

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tôt celui qui détourne le peuple. Le pasteur doit redevenir le guide, le garant de la Parole de

Dieu, le promoteur de la fidélité à Dieu et de la terre.

2.10 La terre, vie en abondance

Plusieurs participants ont déclaré que la terre, de par sa richesse, est le lieu de la vie en

abondance. Elle manifeste la présence de Dieu et le Royaume déjà venu et accompli. La

place de l’homme sur la terre est de vivre ce Royaume accompli, de respecter la parole de

Dieu afin de profiter des riches bénédictions. Le chrétien est l’artisan, le promoteur et le

bénéficiaire de la terre qui lui est donnée gratuitement. « Dieu donne à chacun son territoire

physique où coulent le lait et le miel. Mais faisons-nous ce qu’il faut pour mériter cette

terre, Dieu fait traverser des épreuves et nous ne voulons pas faire des choses pour le bien

de tout le monde. Si chacun fait bien, on peut la rendre fertile comme on peut la rendre

aride. » (Participant L, 3e séance) Effectivement, chacun reçoit le lait et le miel, symboles

du don et du salut de Dieu, pourvu qu’on lui obéisse, que l’on respecte la terre et la Parole

de Dieu.

* * *

Le contexte socio-culturel bamiléké a eu une grande influence sur la manière dont les parti-

cipants ont actualisé les textes bibliques. Ceci est compréhensible et appréciable car

l’évangile ne peut se comprendre que si on l’applique dans son propre milieu. La dimension

sociologique a nettement joué comme facteur d’interprétation des textes bibliques par les

participants. En retour, une bonne connaissance des textes bibliques a aussi permis aux par-

ticipants d’évoquer toutes leurs appréhensions au sujet de la terre.

Il y a eu de nombreux points de convergence entre les participants. Plusieurs ont exprimé

leur compréhension de la terre comme don de Dieu. Ils l’identifient même à Dieu. Cette

bonne terre garantit à l’homme la vie en abondance, d’où l’acte de gratitude et de remer-

ciement. Le rôle du pasteur est d’animer et d’être garant de la fidélité à la terre et à Dieu.

Cette terre produit des fruits indispensables au développement de l’homme. Il faut savoir

par ailleurs la cultiver, la travailler et ne pas l’exploiter abusivement. La fidélité à Dieu et à

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79

la terre produit des fruits à cause des bonnes semences données par Dieu. Il faut en partager

les fruits. Les participants ont enfin identifié l’homme lui-même à la terre.

Néanmoins, il y a aussi des divergences de point de vue entre les participants. Pour certains,

la terre est un don, mais Dieu lui-même bénit et maudit. Pour d’autres, l’image de Dieu est

à revoir, car s’il peut bénir, il ne devrait pas maudire. Comment comprendre que le bon

grain et l’ivraie doivent cohabiter ensemble ? Certains participants estiment qu’il faut enle-

ver ce qui n’est pas bon, chasser ceux qui détournent les fonds paroissiaux. Pour d’autres, il

faut respecter l’évangile et laisser le jugement à Dieu.

Ce qui est frappant concernant la mise en valeur des terres, c’est le malaise entourant la

notion de vente. Les textes bibliques choisis montraient clairement qu’on pouvait vendre la

terre. Mais, selon quelques participants, la vente n’est pas automatique ou formelle. La

vente est hypothétique ou sous conditions. On peut la vendre dans des cas spécifiques.

Pourtant, les participants s’identifiaient aux personnages bibliques et établissaient des liens

entre la paroisse de Mbouo-Ngwinke et le peuple juif sur la question des terres, ou entre la

paroisse et l’Église primitive sur la mise en commun des biens. Mais sur ce point de la

vente des terres, ce n’est pas totalement acquis. C’est une possibilité avec des réserves. Il

me semble que le fait que les terres paroissiales aient été vendues et que certains parois-

siens se soient remplis les poches a découragé les participants d’évoquer une autorisation

de vente formelle des terres.

Les échanges ont aussi mis en lumière les tensions dans la paroisse. Des pasteurs et des

anciens, au lieu d’être des modèles de fidélité à la terre et à la Parole, ont été dénoncés

comme des agents de contre-témoignage. Pour certains paroissiens, ils sont à chasser de la

paroisse (voir séances 4, 5 et 6). On pourrait se demander où sont passés le pardon et le

vivre-ensemble auxquels plusieurs participants ont référés dans leurs vœux. Mais

l’exclusion comme sanction peut inclure le pardon, se comprendre comme un suivi disci-

plinaire.

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Chapitre 4. Terre promise, terre donnée

Dans ce chapitre, trois textes du Deutéronome touchant la notion de terre seront abordés : 8,

1-20 ; 26 et 28, 1-20. Ces textes posent le problème des terres comprises comme sol (ma-

tière, substance) et comme pays. Par ailleurs, sur le plan ecclésiologique et liturgique, leur

contenu présente le rôle et la valeur de la terre176. Leur contexte narratif, leur structure, ain-

si qu’un essai de lecture socio-narrative seront présentés.

1. La terre, don de Dieu et objet de respect de la loi. Étude de Dt 8,1-20

1.1 Texte choisi177

1. Tout le commandement que je t’ordonne aujourd’hui vous veillerez à le pratiquer afin que

vous viviez, que vous deveniez nombreux et que vous entriez en possession du pays que le

Seigneur a promis par serment à vos pères.

2. Tu te souviendras de toute la route que le Seigneur ton Dieu t’a fait parcourir depuis plus de

40 ans dans le désert, afin de te mettre dans la pauvreté ; ainsi il t’éprouvait pour connaitre

ce qu’il y avait dans ton cœur et savoir si tu allais oui ou non, observer ses commande-

ments.

3. Il t’a mis dans la pauvreté, il t’a fait avoir faim et il t’a donné à manger la manne que ni toi

ni tes pères ne connaissiez, pour te faire reconnaitre que l’homme ne vit pas de pain seule-

ment, mais qu’il vit de tout ce qui sort de la bouche du Seigneur.

4. Ton manteau ne s’est pas usé sur toi, ton pied n’a pas enflé depuis 40 ans

5. Et tu reconnais, à ta réflexion, que le Seigneur ton Dieu faisait ton éducation comme un

homme fait celle de son fils.

6. Tu garderas les commandements du Seigneur ton Dieu, en suivant ses chemins et en le crai-

gnant.

7. Le Seigneur ton Dieu te fait entrer dans un bon pays, un pays de torrents, de sources, d’eaux

souterraines jaillissant dans la plaine et la montagne,

8. un pays de blé et d’orge, de vignes, de figuiers et de grenadiers, un pays d’huile d’olive et

de miel,

9. un pays où tu mangeras du pain sans être rationné, où rien ne te manquera, un pays dont les

pierres contiennent du fer et dont les montagnes sont des mines de cuivre.

176 Pour de plus amples explications sur le choix des textes, voir le chapitre 2.

177 Texte biblique tiré de la Traduction œcuménique de la Bible (TOB) © Société biblique française, 2002.

Avec autorisation. J’ai préféré choisir cette version puisqu’elle satisfait à toutes les exigences de compréhen-

sion des textes. Je n’ai pas préféré faire une traduction propre d’après les textes originaux puisqu’il s’agit

d’une thèse en théologie pratique et non en exégèse ou en sciences bibliques.

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10. Tu mangeras à satiété et tu béniras le Seigneur ton Dieu pour le bon pays qu’il t’aura donné.

11. Garde-toi d’oublier le Seigneur ton Dieu en ne gardant pas ses commandements, ses cou-

tumes et ses lois que je te donne aujourd’hui;

12. Si tu manges à satiété, si tu te construits de belles maisons pour y habiter,

13. Si tu as beaucoup de gros et de petit bétail, beaucoup d’argent et d’or, beaucoup de biens de

toute sorte,

14. ne va pas devenir orgueilleux et oublier le Seigneur ton Dieu. C’est lui qui t’a fait sortir du

pays d’Égypte, de la maison de servitude ;

15. C’est lui qui t’a fait marcher dans ce désert grand et terriblement peuplé de serpents brû-

lants et de scorpions, terre de soif où on ne trouve pas d’eau ; c’est lui qui pour toi a fait

jaillir l’eau du rocher de granit,

16. C’est lui qui dans le désert t’a fait manger la manne que tes pères ne connaissaient pas, afin

de te mettre dans la pauvreté et de t’éprouver pour rendre heureux ton avenir.

17. Ne va pas te dire : « C’est à la force du poignet que je suis arrivé à cette prospérité »,

18. mais souviens-toi que c’est le Seigneur ton Dieu qui t’aura donné la force d’arriver à la

prospérité, pour confirmer son alliance jurée à tes pères, comme il le fait aujourd’hui.

19. Et si jamais tu en viens à oublier le Seigneur ton Dieu, si tu suis d’autres dieux, si tu les sers

et te prosternes devant eux, je l’atteste contre vous aujourd’hui : vous disparaitrez totale-

ment ;

20. comme les nations que le Seigneur a fait disparaitre de devant vous, ainsi vous disparaitrez,

pour n’avoir pas écouté la voix du Seigneur, votre Dieu.

1.2 Contexte narratif

Dt 8 définit le sens de la terre pour le peuple hébreu. Ce sens peut aussi être compris et uti-

lisé de nos jours pour les communautés chrétiennes. L’étude du contexte est d’un rôle capi-

tal. Il permet de déceler les réalités d’un peuple, d’un milieu de vie, etc.178. Je me suis inspi-

ré de la proposition de Guy Bonneau qui situe un texte dans son contexte narratif179. Le

passage que j’étudie se situe au sein du deuxième discours de Moïse (Dt 4,45-11,32). Ce

dernier joue le rôle de remplaçant de Yahvé180. Il retrace l’histoire de la sortie d’Égypte

pour ceux qui ne l’ont pas vécue tout en rappelant la loi et les bienfaits de Yahvé au mo-

ment de la libération181. C’est aussi une invitation à une meilleure conduite lors de l’entrée

178 G. Bonneau, Saint Marc. Nouvelles lectures…, p. 9. 179 G. Bonneau, Stratégies rédactionnelles et fonctions communautaires de l’Évangile de Marc…, p. 170. 180 P. Beauchamp, Cinquante portraits bibliques, Paris, 2000, p. 65. 181 W. Vogels, Moïse aux multiples visages. De l’Exode au Deutéronome (Lire la Bible 114), Paris, 1997,

p. 276.

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en terre promise182. Les chapitres 5 et 6 traitent respectivement de la promulgation du déca-

logue, de l’amour de Dieu et de l’observance des commandements.

Le chapitre 7 se situe dans la même mouvance, en annonçant l’extermination des Cana-

néens. C’est cette extermination qui permet au peuple de confirmer sa place de peuple élu.

Israël n’a pas le droit d’oublier la toute-puissance de Yahvé.

Le chapitre 8, objet de notre étude, traite de deux points essentiels : le don du pays et la

reconnaissance envers Yahvé pour ce don. Signalons par ailleurs que ce chapitre retrace

l’histoire de l’errance dans le désert et attire l’attention sur l’accroissement du peuple183.

Moïse énonce des lois et coutumes que le peuple doit garder et mettre en pratique. Israël est

sous la bénédiction et la protection de l’Éternel. Moïse explique que, pour prouver son af-

fection, l’Éternel va conduire son peuple dans la terre promise à ses pères. Le peuple est

donc invité à être obéissant afin d’être heureux. Il doit se souvenir des différentes épreuves

du passé (Dt 8,1-5).

Dt 7, 8 et 9 constituent donc une sorte de monologue184. Dt 7,17-19, 21 ; Dt 8,17-18 et

Dt 9,4-7 en sont des exemples palpables. Ces monologues, dans leur forme littéraire, ont

une charpente commune : une introduction, un développement, et une conclusion qui est la

solution au monologue ou au problème évoqué dans le développement. Garcia Lopez sou-

ligne l’aspect de sincérité, voire de naïveté, du monologue de Moïse. Il utilisera

l’expression « monologue de la modestie ou de la timidité185 ».

Dans l’introduction au monologue en Dt 7, nous retrouvons déjà l’expression « entrée dans

le pays ou la terre », bien présente en Dt 8. Il en est de même des verbes au futur que l’on

rencontre dans le développement et la réponse au monologue. Quant au thème de la terre

(ou du pays), il apparaît dans le grand ensemble allant de Dt 5 à 11. Notons qu’en Dt 6, 10,

en Dt 8, 7-18, ainsi qu’en Dt 11, 10-12, trois développements sur le pays ou la terre sont

182 G. Vanhoomissen, En commençant par Moïse, Bruxelles, Lumen Vitae, 2002, p. 208. 183 P. Buis, Le Deutéronome, Paris, Beauchesne, 1969, p. 11. 184 F.-Garcia Lopez, Analyse littéraire de Deutéronome, V-XI, Jérusalem, Pontificium Institutum Biblicum De

Urbe, 1978, p. 3. 185 Ibid.

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présentés. En Dt 6, 10-13, la terre décrite est celle du pays de Canaan. En Dt 8, il s’agit de

la terre sans particularité précise. En Dt 11, 10-12, on remarque une nette différence entre la

terre de Canaan et celle d’Égypte (pays de Canaan et le pays d’Égypte). Ainsi, à partir du

thème de la terre, et suivant Garcia-Lopez, nous proposons la structure suivante186 :

A Terre : Dt 6, 10-13

B Monologue : Dt 7, 17-19

C Terre +Monologue : Dt 8, 9-10

B’ Monologue : Dt 9, 4, 5, 7

A’ Terre : Dt 11, 10-12

De plus, en tenant compte des verbes « garder », « se souvenir » ou « oublier », une nou-

velle structure se dégage :

A N’oublie pas : Dt 6, 12

B Garde toi (souviens-toi): Dt 7, 18

C N’oublie pas + garde toi : Dt 8, 14, 17.

B’ Garde toi (souviens-toi) : Dt 9, 7

A’ N’oublie pas : Dt 9, 7

Il convient de signaler que le thème de la sortie d’Égypte semble parfois l’emporter, mais

tout est recadré sur la terre de Canaan. Dans l’ensemble, les deux vont de pair puisque la

sortie est liée à l’entrée dans le pays : la terre de Canaan.

Les structures permettent de mettre en évidence l’articulation entre ce qui précède et ce qui

suit : tout au long, Moïse insiste sur l’obéissance. Ce qui explique la présence de plusieurs

répétitions des verbes au futur servant à indiquer l’action inachevée, ouverte, ou qui doit

s’accomplir et qui ne l’est pas encore.

186 Ibid., p. 20.

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1.3 Essai de lecture

En parlant du choix de sens que l’on peut donner à un texte, Ricœur précise que

l’important, c’est de se servir d’une discipline quelle que soit sa nature pourvu qu’elle serve

à donner une interprétation. Selon lui, toutes les disciplines se valent sans priorité ma-

jeure187.

V. 1 : Préservation des commandements

Le personnage de Moïse insiste sur l’ensemble des commandements à observer. Il n’y a pas

de commandements à privilégier. Un accent particulier est mis sur le mot « tout ». D’entrée

de jeu, le discours évoque les premières « Lois » qui ont été données et qui n’ont pas été

suivies. Ces lois traduisent les tristes souvenirs des rebellions du peuple élu, un peuple dé-

sobéissant. « The accent on « all » of the commandments suggests that of the many specific

and detailed commands to be enunciated in what follows, not one is a life-or-death issue,

perhaps on the assumption that if a community reluctant to obey begins to pick, choose,

and rank commandments, very soon the submissiveness of obedience will collapse in an

exercise of assertive autonomy188. » Le « tout » des commandements est étroitement lié au

« tout » de la famille. Le « tout » est lié aussi au don, c'est-à-dire au pays attribué. Pour

bénéficier de toute la terre, tous les commandements doivent être respectés. Le don de la

terre est lié au don de la loi, de toute la loi. Bruce Waltke écrit : « L’insoumission d’Israël à

la loi de Dieu est inexcusable, et la captivité de la nation est amplement méritée depuis

longtemps189. »

En observant l’ensemble des commandements, le peuple aura plusieurs gains: il sera aussi

nombreux que possible et entrera dans la terre jadis promise à ses pères.

Israelite society in biblical times was organized according to kinship groups

[…]. Dt 14:22-26, for example, reflects the place of beit’ab in ritual: You shall

tithe all the yield of your seed, which comes forth from the field year by year.

187 P. Ricœur, L’herméneutique biblique, Paris, Cerf, 2001, p. 37. 188 W.Bruggemann, Deuteronomy, Nashville, Abingdon Press, 2001, p. 104. 189 Bruce K. Waltke et Charles Yu, Théologie de l’Ancien Testament. Une approche exégétique, canonique et

thématique, Charols, Excelsis, p.753.

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And before the Lord your God, in the place which he will choose… and you

shall eat there before the Lord your God and rejoice, you and your household

(beitka)”; and Dt. 15: 19-20: “All the firstling males that are born of your herd

and flock you shall consecrate to the Lord your God”190.

Par ailleurs, Moïse utilise l’expression « aujourd’hui » pour souligner la prise de décision

comme une prestation de serment qui prend effet immédiatement. Il est vrai qu’il prodigue

des conseils au peuple, mais ce jour-là a été une particularité.

De nouveau, le terme « aujourd’hui » renvoie à la situation cultuelle. Ce texte

devait être proféré devant le peuple des douze tribus rassemblées lors d’une fête

de pèlerinage. La différence du temps est supprimée. Israël qui vit depuis de

nombreux siècles dans le pays est interpellé comme tel (« afin que vous viviez,

que vous deveniez nombreux »), mais en même temps comme l’Israël qui se

tient encore au Jourdain avant la prise en possession du pays (« et que vous en-

triez en possession du pays que YHWH a promis… »). Israël se situe toujours

dans l’espace du salut que Dieu avait commencé à établir lorsqu’il donna ses

promesses aux patriarches191.

V. 2-5 : Le souvenir des épreuves des souffrances du désert

v.2 : Ce verset exprime l’idée de « test » que Yahvé a fait subir au peuple. En effet, ce test

permet au peuple de prendre conscience qu’il ne peut rien en lui-même et surtout qu’il a

désobéi. Les quarante années passées dans le désert constituent une sonde (Amos 2,10 et

29,5), une prise de conscience192. Par ailleurs, on pourrait aussi interpréter les quarante an-

nées comme l’élongation ou la distance parcourue193. On peut donc interpréter ce verset

non seulement comme prise de conscience, mais aussi comme marque de supériorité de

Yahvé. Le peuple a le devoir d’obéir aux commandements afin d’être heureux. L’épreuve

du désert est un outil didactique. Les commandements ont par conséquent un rôle délibéra-

tif ou salutaire194. Celui qui inflige une correction prouve aussi qu’il est supérieur à celui

qui subit le châtiment. « Moïse revient sur l’histoire du salut d’Israël et rappelle que JE

SUIS a rendu Israël dépendant de lui en le nourrissant de la manne […]. Il a agi de la sorte

190 S. Bendor, The social structure in ancient Israel, Jerusalem, Simor ltd, 1996, p. 45. 191 N. Lohfink, « Écoute Israël ». Commentaires du Deutéronome (coll. Cahiers Évangile n°140), Paris, Cerf,

2007, p. 37. 192 R.-D. Nelson, Deuteronomy, London, Westminster John Knox Press, 2002, p. 110. 193 N. Lohfink, « Écoute Israël »…, p. 38. 194 F. Garcia Lopez, Analyse littéraire de Deutéronome, V-XI…, p. 29.

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afin d’apprendre à sa nation la dépendance et l’obéissance (Dt 8.2-5)195 ». L’organisation

de la société juive sous l’égide de Dieu reste prioritaire. La justice sociale est celle de Dieu.

La terre est, par conséquent, le lieu d’interpellation à la prise de conscience et au respect de

Dieu.

v. 3 : Leçon morale

Le verset 2 évoque la famine du peuple dans le désert afin de mieux faire ressortir la fertili-

té de la terre dans les versets qui suivent. Après la faim, c’est la manne. Il y a une variation

successive de malheur (faim) et de bonheur (manne) dont Dieu est le moteur196. En effet, le

mot "manne" signifie tout simplement « qu’est-ce que c’est ? ». C’est de l’ordre du mi-

racle197. L’idée de pauvreté et de richesse est importante : Dieu rend à la fois riche et

pauvre. On est en présence d’une société gouvernée et dirigée par Dieu. La terre est donc le

lieu de production et de vie.

v. 4-5 : Expression de la leçon morale ou discipline infligée à l’humain par Yahvé

Yahvé s’est aperçu que sans discipline, sans sanction, le peuple sera toujours dans le péché

ou la désobéissance. Une punition s’impose198. Une éducation s’impose aussi.

Dans les résumés classiques d’histoire sainte, la marche au désert était présen-

tée comme un miracle parmi les autres […]. Ici, elle est vue comme le temps

d’épreuve pendant lequel s’est faite l’éducation du peuple. On ne s’étonne pas

de voir apparaître cette idée dans un livre si attentif aux problèmes d’éducation.

Avant d’entrer dans le pays qui lui était destiné et d’y mener une vie conforme

à la loi, Israël devrait être formé, dressé […]. On ne dit rien pour l’instant du ré-

sultat de cette période de formation199.

La terre est, par ricochet, le lieu d’éducation religieuse ou de mise en pratique de la loi de

Dieu.

195 Bruce K. Waltke et Charles Yu, Théologie de l’Ancien Testament…, p. 511. 196 N. Lohfink, « Écoute Israël »…, p. 39. 197 D.-L. Christensen, Deuteronomy 1, 1-21, 9, Nashville, Thomas Nelson Publishers, 2001, p. 173. 198 S.-F. Braesch, Le Dieu unique et le récit de Jésus : analyse des mythes fondateurs, Paris, L’Harmattan,

1999, p. 44. 199 P. Buis, Le Deutéronome…, p. 150.

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V. 6 : Mise en garde sur l’observance des commandements

Le verset commence par « tu garderas ». « Moïse tient en effet du chef, (leader) qui com-

mande aux siens et les conduit de l’Égypte jusqu’aux frontières de la terre promise200. » Il

parle au nom de Yahvé201. C’est peut-être la raison pour laquelle les scribes le qualifient

tantôt de prophète tantôt d’intermédiaire entre Yahvé et le peuple202. Sorti d’Égypte, il ne

faudrait plus que ce peuple transgresse les lois.

V. 7-9 : Pénétration dans le pays riche

Considérée comme importante, cette section concerne l’entrée en terre promise. Cette terre

est le fruit d’un don couronnant l’accomplissement de la promesse faite aux pères203. Une

fois de plus, c’est la gratuité du don de la terre. « The land is characteristically described in

Deuteronomy as Yahweh’s gift to Israel204. » Il faudrait repartir vers la terre pour trouver la

vie et pouvoir se nourrir. La terre, c’est ce don, cette source promotrice de la vie. « Se lever

pour retourner à la terre, à la recherche de pain. Partir du lieu où l’on se trouve, se mettre en

route et commencer à marcher. S’arrêter, rester immobile, c’est l’attitude qu’il ne faut pas

adopter […]. La foi en Dieu et le désir d’avoir du pain ont poussé le peuple à se lever et à

commencer à marcher205. » Ce qui mérite d’être souligné, c’est l’aspect social purement

rural du peuple juif. Dieu viendrait combler sa famine en lui octroyant une terre aussi riche

que possible par opposition à sa situation sociale antérieure précaire en Égypte206. « The

economy of the land of Israel was basically agricultural, as be seen e.g, from Dt 8:7-9. The

land was blessed, but subject to the grace of heaven (cf Dt 11: 10-12; Hag. 1:11). If—as

frequently happened—the rains did not come in sufficient quantity and at the right time,

famine would result (cf. Amos 4/ 7-8)207. » La richesse du pays ou de la terre viendra com-

200 R.-M. Achard, La figure de Moïse, Genève, Labor et Fides, 1978, p. 4. 201 P. Beauchamp, L’un et l’autre Testament, Paris, Seuil, 1990, p. 314. 202 T. Römer, Moïse « lui que Yahvé a connu face à face », Paris, Gallimard, 2002, p. 34. 203 E.-T. Mullen, Narrative history and ethnic boundaries, Atlanta, Scholars Press, 1993, p. 62. 204 J.-G. McConville, Law and theology in Deuteronomy, (coll. Journal for the Study of the Old Testament),

Supplement Series 33, Sheffield, JSOT Press, 1984, p. 11. 205 C. Mesters, Ruth…, p. 26-27. 206 W. Brueggemann, The land. Place as gift, promise, and challenge in biblical faith, Minneapolis, Fortress

Press, 2003, p. 47. 207 S. Bendor, The social structure in ancient Israel…, p. 134.

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bler une carence sociale. C’est donc pour ce peuple une sortie de crise sociale, un futur

meilleur, un changement de statut social de pauvre à riche, d’esclave à homme libre, qui est

annoncé. C’est une nouvelle vie, un nouveau monde, une nouvelle espérance. Mais il lui

faudra respecter la loi de Dieu de peur de sombrer dans la chute. La terre est toujours liée à

l’aspect culturel ou spirituel208. La promesse du pays ou de la terre riche est donc une solu-

tion à leur vécu social et économique de subsistance. « For these reasons it seems more

promising to proceed from agrarian societies as studies by social anthropology […]. The

small peasant living on his plot does produce for the market but for his family and himself

(subsistence economy)209 . »

Ce qui est également très important à relever du point de vue socioculturel, c’est la notion

de famille juive. Le peuple juif est très solidaire en famille. La richesse de la terre par le

biais agricole est d’abord familiale. À propos de la vigne, S. Bendor écrit: « The vineyard

did in fact have a special status, but not as a result of its being outside the inheritance. Its

special status stemmed primarily from the labour invested in preparing the land, […]. The

vineyard was in the possession of the nuclear unit; either the father, who was the head of

the beit’ab, or the son, setting up his own new unit, attended to its maintenance210. »

D’autre part, la terre est la terre de Dieu, terre de Canaan (Dieu étant le dieu de la terre),

terre familiale, terre d’héritage211. Perdre la terre, c’est perdre ses origines, sa vie, sa lignée,

sa subsistance. « Le problème du peuple révèle ici ses racines […]. Pendant qu’on cherche

une solution au problème de la famille, vient au premier plan le problème de la terre. Noé-

mi risque de perdre le terrain de la famille. Sa situation est l’image de la situation des

pauvres de ce temps-là. Ils étaient en train de perdre leur double assurance : la famille et la

terre212. »

208 W. Brueggemann, The land…, p. 47-50. 209 Bernhard Lang, Monotheism and the prophetic minority. An essay in biblical history and sociology, Shef-

field, The Almond Press, 1983, p. 116-117. 210 S. Bendor, The social structure in ancient Israel…, p. 138. 211 David Frankel, The land of Canaan and the destiny of Israel. Theologies of territory in the Hebrew Bible,

Winona Lake, Eisenbrauns, 2011, p. 23. 212 C. Mesters, Ruth…, p. 53.

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Les versets 7 à 9 font allusion à la récolte, au rendement, aux produits de la terre comme

bénéfice, comme nourriture. C’est l’espoir de l’éradication de la famine et de la pauvreté.

En filigrane, on peut lire le souci de ce peuple de sortir de cette précarité sociale. « Chacun

doit pouvoir vivre paisiblement “sous sa vigne et son figuier” et jouir des produits du sol et

de sa richesse213. » Chacun doit pouvoir vivre et pour ce faire, il faut manger. Manger du

pain, c’est consommer un aliment essentiel à la vie214. Manger du pain est une expression

spécifique chez les Juifs215. On prépare du pain tous les jours; il est d’une importance ma-

jeure pour la santé familiale, son unité et sa vie.

En somme, la terre est donc la source de richesse et d’émancipation. La terre, c’est la vie.

Elle est aussi l’objet de production et de développement.

V. 10 : Acte de gratitude

Le personnage de Moïse conclut cette section du discours par les thèmes de satiété et de

bénédiction. C’est après avoir mangé à satiété qu’il faudra bénir Yahvé. La bénédiction,

c’est l’acte final à accomplir par le peuple. Il s’agit d’un acte de reconnaissance du don de

la terre216. C’est une forme de remerciement pour le don, une manière d’expression de satis-

faction envers Yahvé pour la terre qui lui a été offerte. Une fois de plus, le rite de bénédic-

tion lié à la richesse de la terre a une connotation socio-cultuelle pour ce peuple. La terre est

l’objet de bénédiction et de remerciement de Dieu.

V. 11-16 : Danger de la désobéissance

v. 11 : Mise en garde contre l’oubli des ordonnances de Yahvé

Ce verset est semblable au verset 1, par ses termes et ses expressions. Sa signification est de

ne pas oublier Yahvé en n’oubliant pas son existence (Dt 6,12-14, Dt 8,14, Dt 19)217. Ce

213 G. Vanhoomissen, En commençant par Moïse, p. 220. 214 J. Argaud, « Pain », dans P.-M. Bogaert et Pierre-Maurice (dir.), Dictionnaire encyclopédique de la Bible,

Turnhout, Brepols, 2002, p. 957-958. 215 H. Lesêtre, « Loi mosaïque », dans F. Vigouroux (dir.), Dictionnaire de la Bible…, p. 1951-1956. 216 J. Auneau, « Bénédiction » dans J.-Y. Lacoste, Dictionnaire critique de Théologie, p. 158-159. 217 M. Weinfeld, Deuteronomy 1-11, (coll. The Anchor Bible), vol. 5, New York, Doubleday, 1991, p. 394.

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verset introduit les formes d’oubli que le peuple pourrait commettre218. Encore une fois, il

s’agit d’une signification cultuelle du rappel du salut promis219. Ce qui implique que la terre

est le lieu de mise en pratique de la loi de Dieu.

v. 12-14a : Ne pas oublier Yahvé qui aurait permis la fertilité de la terre

Ce titre annonce la continuité des versets 7-10220. La satiété et la construction des maisons

du verset 12, retrouvées également en Dt 6,10-14, sont une conséquence du don de la terre.

Le peuple ne doit pas profiter de l’abondance pour oublier Yahvé, ni oublier sa toute-

puissance ou tout au moins son existence221. La grande erreur à ne pas commettre, c’est

d’oublier celui qui a été à l’origine de la production. On s’en approche du verset 1 (« que

vous deveniez nombreux »). On peut y voir une allusion dans le mot « prospérité » (v. 17-

18). Il y a toujours un lien implicite entre la multiplication des richesses et l’accroissement

des familles. Tout y est lié. La comparaison avec le statut social égyptien de précarité qui

sera éliminé dans le prochain pays est aussi d’actualité222. La terre offre l’espoir d’une sor-

tie de crise. La terre est le capital de réussite de la vie. La terre, c’est la vie, c’est l’objet de

production et de développement.

v. 14-16 : Triste condition de pauvreté et de misère sociale vécue en Égypte

Ces versets insistent sur l’obligation concrète de se rappeler de Yahvé, lui qui a libéré le

peuple de l’esclavage en Égypte et qui l’a fait marcher dans le désert tout en le nourrissant

de la manne. Les mentions des serpents et des scorpions (Nb 21,6), des eaux des rochers

(Nb 20, Ex 17,6), du sol aride et de la manne sont autant de preuves de l’action gracieuse

de Yahvé223.

V. 17-18 : Prise de conscience du peuple de la toute-puissance de Yahvé

218 R.-D. Nelson, Deuteronomy…, p. 113. 219 Bruce K. Waltke et Charles Yu (dir.), Théologie de l’Ancien Testament. Une approche exégétique, cano-

nique et thématique, Charols, Excelsis, p.511. 220 R.-D. Nelson, Deuteronomy…, p. 113. 221 M. Weinfeld, Deuteronomy 1-11…, p. 394. 222 W. Brueggemann, The land…, p. 47. 223 D.-L. Christensen, Deuteronomy 1, 1-21, 9…, p. 174.

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91

De nouveau, dans ces versets, Yahvé est dépeint comme libérateur et donateur des ri-

chesses. Le don de la terre est clairement exprimé. Le don de la vie y est aussi.

Theses verses are tied together by a repetition of « power » and « wealth » as

gift of Yahweh that cannot be claimed as personal possessions. Verse 17 starts

the mechanism by which the forgetting of v. 14a takes place, introducing an at-

titude that stands in total contrast to the recital of divine acts in vv. 14b-16.

Verse 18 contrasts proper thoughts to the improper ones of v. 17. Verse 18a as-

serts that Yahweh helps with acquisition of wealth, and v. 18b explains why

Yahweh wonders (vv. 3, 16) now reappear as those to whom a covenant prom-

ise has been made (cf. 4: 31; 7:12; 9:5). At one level, “as is the case today”

means that Yahweh is in the process of fulfilling the promise by events infolding

in Moab (v.1), but for the readers of Deuteronomy “today” also signifies that

their present standard of living is the result of Yahweh’s commitment to cove-

nant promises224.

V. 19-20 : Promesse des malédictions

Tout comme le verset 17, le verset 19 est un verset introductif qui commence par la possibi-

lité d’oublier Yahvé, sanctionnée par la mort. Les idées développées dans ce verset sont

semblables à celles du décalogue (Dt 5, 7-9). Les versets 2, 6, et 15 de notre texte expri-

ment aussi la même idée avec les mêmes verbes comme « marcher ou suivre225 ». Une fois

encore, l’idée socio-cultuelle d’obéissance à la loi est énoncée. La terre est le lieu de la

chute de l’homme en cas de désobéissance.

Mendenhall was critical of the view, propagated by William Albright, Albrecht

Alt, and others, that twelve Israelite tribes had entered the land of Canaan from

another area and were distinct from the existing inhabitants of Canaan. He ar-

gued that disciplined social thought should be applied to the concept of “tribe”

that transhuman nomadism characterized by seasonal migration had been an

important feature of Israel’s origins. Mendenhall made a vital advance by ar-

guing for the centrality of conflict between village peasants and urban elites ra-

ther than between pastoral and agrarian societies226.

Une leçon à retenir, c’est le don de la terre promise, résultat d’une grâce. La terre est objet

de bénédiction divine : signe de la gratuité du salut et de la venue du Royaume. Cette terre

224 R.-D. Nelson, Deuteronomy…, p. 114. 225 Ibid. 226 Philip. F Esler, Ancient Israel. The Old Testament in its social context, Minneapolis, Fortress Press, 2005,

p. 25.

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est donnée dans le but de pallier à la situation sociale de précarité et de misère du peuple

hébreu. Mais la terre a un prix : l’obligation d’obéir à la loi divine.

2. La terre, grâce de Dieu et invitation à la reconnaissance. Étude de Dt 26

2.1 Texte choisi

1. Et quand tu seras arrivé dans le pays que le Seigneur ton Dieu te donne en héritage, quand

tu en auras pris possession et que tu y habiteras,

2. tu prendras une part des prémices de tous les fruits de ton sol, les fruits que tu auras tirés de

ton pays, celui que le Seigneur ton Dieu te donne. Tu les mettras dans un panier et tu te ren-

dras au lieu que le Seigneur ton Dieu aura choisi pour y faire demeurer son nom.

3. Tu iras trouver le prêtre qui sera en fonction ces jours-là, et tu lui diras : « Je déclare au-

jourd’hui au Seigneur ton Dieu que je suis arrivé dans le pays que le Seigneur a juré à nos

pères de nous donner ».

4. Et le prêtre recevra de ta main le panier et le déposera devant l’autel du Seigneur ton Dieu.

5. Alors, devant le Seigneur ton Dieu, tu prendras la parole : « Mon père était un araméen er-

rant. Il est descendu en Égypte où il a vécu en émigré avec le petit nombre de gens qui

l’accompagnaient. Là, il était devenu une nation grande, puissante et nombreuse.

6. Mais les Égyptiens nous ont maltraités, ils nous ont mis dans la pauvreté, ils nous ont impo-

sé une dure servitude.

7. Alors nous avons crié vers le Seigneur, le Dieu de nos pères et le seigneur a entendu notre

voix ; il a vu que nous étions pauvres, malheureux, opprimés.

8. Le Seigneur nous a fait sortir d’Égypte par sa main forte et par bras étendu, par grande ter-

reur, par des signes et des prodiges,

9. il nous a fait arriver en ce lieu et il nous a donné ce pays, un pays ruisselant de lait et de

miel.

10. Et maintenant, voici que j’apporte les prémices des fruits du sol que tu m’as donnée, Sei-

gneur ». Tu les déposeras devant le Seigneur ton Dieu, tu te prosterneras devant le Seigneur

ton Dieu,

11. Et, pour tout le bonheur que le Seigneur ton Dieu t’a donné, à toi et à ta maison, tu seras

dans la joie avec le lévite et l’émigré qui sont au milieu de toi.

12. La troisième année, l’année de la dîme, quand tu auras prélevé toute la dîme sur la totalité

de ta récolte, quand tu l’auras donné au lévite, à l’émigré, à l’orphelin et à la veuve, et

qu’ils auront mangé à satiété dans ta ville,

13. alors devant le Seigneur ton Dieu, tu diras: « J’ai ôté de la maison la part sacrée et je l’ai

bien donnée au lévite, à l’émigré, à l’orphelin et à la veuve suivant tout le commandement

que tu m’as donné sans transgresser ni oublier tes commandements,

14. je n’en ai pas mangé quand j’étais en deuil, je n’en ai rien ôté quand j’étais impur, je n’en ai

rien donné à un mort. J’ai écouté la voix du Seigneur mon Dieu, j’ai agi suivant tout ce que

tu m’as ordonné.

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15. Regarde du haut de ta demeure sainte, du haut du ciel, bénis Israël ton peuple et la terre que

tu nous as donnée comme tu l’as juré à nos pères, ce pays ruisselant de lait et de miel ».

16. Aujourd’hui, le Seigneur ton Dieu t’ordonne de mettre en pratique ces lois et ces coutumes :

tu les observeras et les mettras en pratique de tout ton cœur, de tout ton être.

17. C’est le Seigneur qui t’a amené aujourd’hui à déclarer qu’il devient ton Dieu, et que tu sui-

vras ses chemins, que tu garderas ses lois, ses commandements et ses coutumes, que tu

écouteras sa voix.

18. Et le Seigneur t’a amené à déclarer que tu deviens le peuple qui est sa part personnelle,

comme il te l’a promis et que tu garderas tous ses commandements,

19. qu’il te rendra supérieur, en honneur, en renommée et en splendeur, à toutes les nations

qu’il a faites, que tu deviens ainsi un peuple saint pour le Seigneur ton Dieu comme il te l’a

promis.

2.2 Contexte narratif

Le texte indique au peuple hébreu la destinée des fruits de la terre. Cette finalité des fruits

est aussi indispensable de nos jours dans la société et, plus particulièrement, dans les com-

munautés paroissiales. Ce texte se situe dans un vaste ensemble littéraire appelé Loi deuté-

ronomique. Cet ensemble couvre Dt 12-26, qui comprend un ensemble de décrets et

d’ordonnances formulés la plupart du temps à la deuxième personne du singulier. Son but

essentiel est d’éduquer le peuple à être fidèle envers Yahvé. Son rôle est de montrer la con-

duite à tenir dans le respect de l’alliance. Dt 26 renferme la loi du code deutéronomique, la

cellule centrale de cette Loi étant les « dix Paroles » répertoriées deux fois dans la Torah227.

Nous pouvons distinguer cinq grandes parties de cette Loi deutéronomique: l’adoration de

Yahvé, l’administration du pays, les règles familiales, les règles socio-cultuelles et cultu-

relles et enfin, les documents rituels228. L’adoration du Seigneur (12,1-16,17) concerne tout

ce qui est lié au culte et à la manière d’être digne devant Lui. L’administration du pays

(16,18-20,20) présente la manière de gouverner. Les règles familiales (21,1-23,1)

s’intéressent à tout ce qui a trait à l’administration d’une bonne famille et les lois qui la

réglementent. Les règles socio-cultuelles et culturelles (23,2-25,17) concernent toute la

227 A. Wénin, « Les nouvelles lectures synchroniques. Une chance pour le texte »?, dans ACFEB, Les nou-

velles voies de l’exégèse. En lisant le Cantique des Cantiques, (coll. Lectio Divina, n° 190), Paris, Cerf, 2002,

p. 269. 228 J.-T. Lienhard, Ronnie J.-Rombs, Thomas C.-Oden, Exodus, Leviticus, Numbers, Deuteronomy, (coll.

Ancient christian commentary on scripture), vol. 3, Downers Grove, Inter Varsity Press, 2001, p. 294-326.

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réglementation de la société. Les documents rituels présentent les offrandes et les prémices

(26).

En Dt 26, Moïse donne les recommandations au peuple lorsqu’il entrera et prendra posses-

sion de la bonne terre où coulent le lait et le miel. La pointe du texte est donc le don de la

terre et la présentation des prémices des fruits issus de cette terre (versets 9-10a). Par ail-

leurs, il convient aussi de rappeler que la dîme, dont parle notre chapitre, est aussi explici-

tée en Dt 14, 22-29.

2.2.1 Structure229

v. 1-4 : Introduction et préparation du don

v. 5-7 : Situation historique du donateur

v. 8-10 : Prise de conscience et don

v.11-15 : Bienfaits du don

v. 16-19 : une forme de conclusion

2.2.2 Étude de l’intrigue

Selon Jan P. Fokkelman, « l’intrigue est le principe d’organisation le plus important du ré-

cit. Elle donne au cours de l’action un début, un milieu et une fin230 ». Pour y parvenir, nous

nous inspirerons du schéma quinaire tel que le présentent D. Marguerat et Y. Bourquin.

Selon eux, l’intrigue peut se construire en cinq étapes : la première, appelée situation ini-

tiale, expose la situation vécue. La seconde est une étape de nouement ou complication qui

présente une certaine problématique difficile à résoudre. La troisième est l’action transfor-

matrice par laquelle s’ébauche une tentative de résolution de la problématique; c’est une

action pivot. La quatrième étape est le dénouement ou phase de présentation de l’action

transformatrice. Enfin, la situation finale est une forme d’épilogue231. Ces étapes nous pré-

229 Structure que je propose personnellement.

230 J.- P. Fokkelman, Comment lire le récit biblique, p. 81. 231 D. Marguerat et Y. Bourquin, Pour lire les récits bibliques, Paris, Genève, Montréal, 1998, p. 57-64.

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sentent « l’agencement ordonné des événements232 ». C’est donc à partir de ce schéma que

nous avons compris l’intrigue des versets 5-10 dans le récit qui relate la servitude en

Égypte, le don de la terre et les prémices.

Situation initiale (v.5a) : Brève exposition de la situation233

Il s’agit de la situation de départ qui relate le récit d’un homme sans terre.

Phase de complication (v.5b-7) : Descente en Égypte

Il s’agit d’une véritable complexification234. Le nouement débute quand l’homme sans terre

arrive en pays étranger. Il descend avec un petit nombre d’hommes en Égypte et y séjourne.

L’homme sans terre est donc un immigré, un étranger235 en Égypte.

Sa descendance est maltraitée et subit une rude et sévère servitude. Une solution s’impose.

Il lui faut demander de l’aide, et le secours ne peut venir que de Yahvé.

Cet appel est le cri du peuple vers Yahvé. Le peuple hébreu prend conscience de son état

d’infériorité vis-à-vis des Égyptiens. Yahvé a entendu leur cri236. Il a même vu leur état

d’âme : une anxiété mêlée de peur, un état de dépression et d’oppression.

Action transformatrice (v.8) : Réaction prompte de Yahvé

Yahvé libère le peuple, le fait sortir d’Égypte. Non seulement agit-il, mais à « main forte et

à bras étendu ». Yahvé est tout-puissant. Le narrateur présente Yahvé comme un Dieu libé-

232 J.-L. Ska, J.-P. Sonnet et A. Wénin, L’analyse narrative des récits de l’Ancien Testament, Paris, Cerf,

1999, p. 24. 233 Voir Syllabus du professeur A. Wénin sur l’analyse narrative des récits bibliques. Cours dispensés durant

l’année académique 2006-2007. 234 A. Wénin décrit l’étape de complication comme une étape de complexification du problème avant sa solu-

tion. 235 A. Wénin, L’homme biblique…, p. 143. 236 On peut aussi entendre par leur cri, leur voix. Le cri est assimilé à la voix, aux paroles prononcées. C’est

donc déjà une prière adressée à Yahvé.

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rateur, un Dieu plein de bonté. C’est sans doute en ce sens que cette phase d’action trans-

formatrice peut aussi être qualifiée de phase pivot237.

Dénouement(v.9) : Don de la terre par Yahvé

Au départ, il n’y avait pas de terre, mais à la fin, après l’action libératrice de Yahvé (action

transformatrice), le peuple possède une terre où coulent le lait et le miel. Ce qui est à re-

marquer, c’est que le père araméen n’a pas eu de terre : c’est sa descendance qui possédera

la terre.

Situation finale (v.10) : Don des prémices

Après avoir possédé la terre, après l’avoir cultivée, que faut-il faire avec les fruits ? Appor-

ter les prémices de tout fruit de la terre à Yahvé. Voilà l’épilogue238.

2.3 Essai de lecture

V. 1 : Préambule

Ce verset d’introduction joue un rôle capital par sa clarté et sa spécificité : il indique clai-

rement qu’on ne parlera des prémices que lorsque le peuple sera entré dans le pays que

Yahvé lui donne, et surtout lorsqu’il l’aura conquis. Ce qui veut donc dire que c’est à partir

de l’installation dans la terre que le peuple hébreu pensera à ce don des prémices239.

V. 2-5a : La gestuelle

Moïse indique que les prémices de tout fruit de la terre doivent être mises dans une cor-

beille remise au prêtre qui la déposera devant l’autel. Il s’agit de la première phase des pré-

paratifs. Dès que le peuple entre dans la terre promise, il a le devoir de la mettre en va-

237 A. Gignac, « Lorsque Paul « raconte » Abraham, Agar et l’autre femme. Narrativité et intertextualité en

Ga 4, 21-5,1 » dans C. Focant et A. Wénin (dir.), Analyse narrative et Bible, Louvain, Leuven University

Press, 2005, p. 470. 238 Le professeur A. Wénin utilise ce terme d’épilogue dans son syllabus sur l’analyse narrative des récits

bibliques, comme la dernière étape qui mène au retour final et au calme. Je peux ajouter que cet acte traduit

l’apaisement d’esprit et la fin de résolution des tensions ou de la crise. 239 P. Buis, Le Deutéronome…, p. 346.

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leur240. C’est donc non seulement un appel à une économie familiale, mais aussi à l’auto-

développement. On est encore en présence d’un contexte social rural purement agricole.

Après cela, le peuple récoltera les premiers fruits et les remettra à Yahvé par l’intermédiaire

du prêtre. L’activité agricole nécessite un effort : « le fruit de la terre que tu auras fait pous-

ser de ta terre ». Ainsi, la terre habitée, possédée, nécessite aussi une exploitation : on ne

peut pas entrer, habiter et posséder la terre sans l’exploiter. La terre est une richesse. Le

verset 2 rassure le peuple quant au résultat du travail, lequel ne sera pas vain.

Ensuite, le peuple doit offrir à Dieu les prémices de tous les fruits, censés être les meilleurs

puisqu’on est au début de la récolte. Moïse explique la marche à suivre pour la remise de ce

don. Il s’agit de mettre les fruits dans un panier, de se rendre au lieu choisi par Yahvé, d’y

rencontrer le prêtre, de déclarer à Yahvé qu’on est effectivement entré dans la terre, de re-

mettre la corbeille au prêtre, de la déposer devant l’autel, puis de reprendre encore la pa-

role. Tel est le déroulement de l’action de grâce. Il s’agit d’une célébration cultuelle et ri-

tuelle.

L’Israélite doit passer par l’intermédiaire du prêtre chargé de recevoir le don (v. 3)241. Le

prêtre, apparemment silencieux, écoute la déclaration de l’offrant, prend la corbeille et la

dépose devant Yahvé. Il représente concrètement tout Israélite qui n’a pas de terre242. Cette

affirmation pour moi est une information implicite du milieu socio-culturel du peuple à

l’époque même si on pourrait croire que cette information provient hors de ce passage. Le

prêtre ici a un rôle pratique243 : c’est à lui qu’est destiné le panier qu’il doit ramasser244.

Toujours dans cette relation prêtre-offrant, nous constatons que la déclaration prononcée

montre qu’en effet, c’est à partir du jour où on remet l’offrande des prémices qu’on est con-

sidéré comme entré dans la terre. C’est par ce geste que l’Israélite reconnaît « officielle-

ment » qu’il a reçu le don de la terre promise. P. Buis écrit : « L’offrande annuelle actualise

240 S. Bendor, The social structure in ancient Israel…, p. 1. 241 P. Buis et J. Leclercq, Le Deutéronome, Paris, Gabalda et cie, 1963, p. 167. 242 A. Wénin, L’homme biblique…, p. 204-205. 243 Je voudrais ici signifier qu’il n’y a pas de contradiction entre la portée symbolique soulignée d’abord et

l’affirmation du rôle purement pratique du prêtre. Son rôle pratique se comprend dans le sens de l’intervention

dans la scène de remise du don. 244 P. Buis, Le Deutéronome…, p. 346.

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tout au long des âges et pour chaque membre du peuple de Dieu, la prise de possession du

pays accomplie autrefois par tout le peuple 245». On peut aussi parler d’une confession de

foi. « The Israelite, bringing with him his first-fruits in a basket (which the priest will re-

ceive from his hands and present formally at the altar), is to make a solemn confession of

Jehovah’s bounty and faithfulness as manifested in His dealings with his nation, and in

grateful acknowledgement of His goodness to offer to Him the first-fruits of the soil which

He has given him to possess246. »

D’autre part, l’Israélite est lié à Yahvé, à sa terre et au lieu où il choisit de faire demeurer

son nom. C’est la raison pour laquelle, au verset 2, Moïse parle premièrement de « la terre »

en tant que adamah, c’est-à-dire le sol, et ensuite de « ta terre » en tant que mearçeka247,

c'est-à-dire le pays. Par l’usage de ces deux mots, l’auteur entend faire remarquer le lien

vital de la terre en tant que matière formatrice de l’homme et cette même terre (sol ou pays)

qu’il donne au peuple. On peut remarquer qu’adamah est le sol cultivable que l’homme

travaille pour qu’il produise et qu’èrèç désigne souvent le pays ou la terre. Au verset 1,

Moïse parle de terre comme pays que Yahvé donne en héritage ou comme patrimoine alors

qu’au verset 2, il s’agit du sol. On comprend donc qu’au verset 2, il s’agit du sol de la terre

ou du sol du pays qui est le patrimoine de l’Israélite, sa terre par laquelle il s’identifie.

L’homme est la terre. La terre, c’est Dieu.

Une autre expression utilisée qui mérite notre attention est « Yahvé ton Dieu ». Cette ex-

pression souligne le lien entre le peuple et Dieu. Si Yahvé est son Dieu, alors Israël est ef-

fectivement le peuple de Dieu, ce qui explique pourquoi Yahvé lui donne une terre en

héritage. En définitive, la lecture rapprochée de ce texte montre le souci de rappeler

l’alliance entre Yahvé et son peuple, le lien entre Yahvé et la terre ; un lien familial indis-

sociable. La terre est un lien indissociable de l’homme hébreu.

V. 5b-9 : Deuxième déclaration du peuple devant Yahvé

245 Ibid. 246 S.-R. Driver, Deuteronomy…, p. 288. 247 R.-D. Nelson, Deuteronomy…, p. 307.

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v. 5b : Historique de l’ancêtre

Le texte commence par nous parler du père, de l’ancêtre. Il est probable que ce soit une

référence à Jacob. Toute l’information se réduit au fait qu’il est « araméen errant ». Par

rapport à celui qui parle, le qualificatif "errant" exprime le fait que le père n’avait pas de

terre alors que le peuple en a maintenant une. La situation d’errance exprime le statut social

de l’araméen dépourvu, pauvre, sans statut, voire sans défense. Il peut s’égarer, même être

tué, car il se trouve sans protection ni défense248. « The very term “stranger” is a rather

ominous one and the word “alien” tends to create resistance, repugnance, or hostility. The

stranger is the outsider who is not known and precisely because unknown, threatening and

certainly without claim upon another in the way that sister and friend have and make

claims249. »

La terre est une retrouvaille de l’identité égarée. Elle est en même temps un sujet de souve-

nir du passé et de reconnaissance ou remerciement pour le changement de statut social.

V. 6-7 : Situation d’oppression et de désespoir

Ces deux versets décrivent la période de souffrance et d’esclavage que le peuple a connue.

La libération du peuple sous le commandement de Moïse est mise en relief par

une accumulation de mots exprimant l’asservissement. Le travail imposé aux

Hébreux comme une corvée humiliante est essentiellement un travail de brique-

tier : ce n’est pas très lourd, mais très fastidieux. On sait que Ramsès II fut un

grand bâtisseur, plus préoccupé de maintenir l’ordre dans son pays que d’aller

guerroyer à l’extérieur pour augmenter les territoires de son empire […]. Sans

doute, les Hébreux ont dû subir d’autres humiliations et vexations diverses250.

V. 8 et 9 : Réponse positive de Yahvé

248 Francis Brown, Samuel Rolles Driver et Charles Augustus Briggs, The new Brown Driver Briggs Genesius

Hebrew-English Lexicon of the Old Testament. With an appendix containing the biblical Aramaïc, Peabody,

Hendrickson Publishers, 2000, p. 1. 249 Patrick D. Miller, Israelite religion and Biblical theology. Collected essays, Sheffield, Sheffield Academic

Press, 2000, p. 548. 250 J.-P. Charlier, Meurtrier, vagabond et mystique Moïse (I), Bruxelles, Connaître la Bible, 1993, p. 21.

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En réponse au cri des Israélites, Yahvé fait sortir le peuple d’Égypte à main forte et il le fait

entrer dans la terre. Bien que le texte ne parle que de « main forte », l’expression « main

forte », qui fait aussi penser à l’expression « main faible », traduit la différence entre

l’homme et Yahvé, ou encore l’infériorité des Égyptiens vis-à-vis de Yahvé.

V. 10-11 : Raison de l’apport des prémices et conclusion rituelle

Après être entrés en terre promise, là où coulent le lait et le miel, les membres du peuple

apporteront les prémices de tout fruit de la terre et les déposeront en face de Yahvé tout en

se prosternant. Cet acte se prolonge dans la joie et le bonheur jusque dans la maison en

compagnie des étrangers. L’idée générale du passage est la prise de conscience de la déli-

vrance par Dieu et le remerciement à travers le signe de l’offrande. Par ricochet, la terre est

l’objet de prise de conscience et d’action de grâce à Dieu.

V. 12-13 : Deuxième suite du texte de la loi

Ces versets évoquent la dîme de la troisième année. Après les récoltes, il faut prélever un

pourcentage d’un dixième sur les récoltes, comme une taxe, et la partager avec les membres

de la communauté locale. Ici, il ne s’agit plus d’aller au sanctuaire ou à l’autel, mais de se

retrouver dans une maison et savourer la joie avec l’étranger, le lévite et d’autres251. On

peut donc parler d’une dimension sociale et communautaire de la dîme252. Il faut partager,

penser aux indigents tels que le lévite, l’étranger. Ils appartiennent à une famille sociale

pauvre253. Ces derniers n’ont pas accès à la terre. L’orphelin et la veuve sont aussi de cette

classe prolétaire. Cette classe sociale des déshérités mérite une attention particulière.

La sortie d’Égypte dépassait toutes les prévisions humaines, ce fut un authen-

tique prodige de YHWH, grâce auquel l’Israël a expérimenté la libération opé-

rée par son Dieu. Cette expérience allait avoir des conséquences sur les rela-

tions humaines et sociales et particulièrement sur le comportement d’Israël avec

ceux qui sont dans le besoin et sans défense. C’est pourquoi les Israélites sont

invités à partager la dîme de la récolte avec l’étranger, l’orphelin et la veuve,

251 G. von Rad, Deuteronomy, London, SCM Press, 1973, p. 158-159. 252 R.-D. Nelson, Deuteronomy…, p. 310. 253 Jeffries M. Hamilton, Social justice and Deuteronomy. The case of Deuteronomy 15, (SBL Dissertation

Series 136), Atlanta, Scholars Press, 1992, p. 82-83.

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c'est-à-dire avec les classes sociales les plus pauvres, ainsi qu’avec le lévite qui

n’a pas part à l’héritage de la terre (26,11.12-15). L’idéal est que les fruits du

sol soient suffisants pour tous, que tous jouissent du don de la terre. En présen-

tant les prémices devant l’autel et en distribuant les dîmes parmi les nécessi-

teux, Israël proclame et vit sa foi254.

En définitive, donner la dîme est un geste posé en reconnaissance du don de la terre. C’est

une autre forme d’action de grâce qui consiste à donner non pas à Yahvé, mais aux frères et

sœurs qui sont dans le besoin. C’est donc une dimension diaconale même si, par ailleurs, on

peut penser à l’idée d’une certaine crainte de Yahvé selon Dt 14,23255. La terre est l’objet

de don en retour, de prise de conscience du partage, d’amour, de communion fraternelle, de

diaconie, d’action de grâce et de respect de la Parole de Dieu.

V. 14-15 : Énoncé de quelques prescriptions

Ces prescriptions font allusion au contexte social hébreu, notamment aux lois sociales de

pureté et aux règles familiales. La dîme ne devrait pas faire l’objet de souillure256.

V. 16-19 : Engagement mutuel entre Yahvé et son peuple

Ces derniers versets soulignent le respect de la parole et du lien entre Yahvé et son peuple.

La terre, c’est l’objet de respect de la parole, de remerciement et de l’alliance avec Dieu257.

On peut retenir de cette lecture que la terre fait l’objet de remerciement, d’interpellation au

partage, de vie communautaire, de diaconie.

3. La terre, objet de bénédiction et de malédiction. Étude de Dt 28,1-20

3.1 Texte choisi

1. Si tu écoutes vraiment la voix du Seigneur ton Dieu, en veillant à mettre en pratique tous

ses commandements que je te donne aujourd’hui, alors le Seigneur ton Dieu, te rendra supé-

rieur à toutes les nations du pays ;

254 F. Garcia Lopez, Comment lire le Pentateuque, Genève, Labor et Fides, 2005, p. 315. 255 J. H.-Sailhamer, The Pentateuch as narrative, Michigan, Zondervan Publishing House, 1992, p. 469. 256 R.-D. Nelson, Deuteronomy…, p. 310. 257 Bruce K. Waltke et Charles Yu, Théologie de l’Ancien Testament. Une approche exégétique, canonique et

thématique, p. 425.

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102

2. et voici toutes les bénédictions qui viendront sur toi et qui t’atteindront, puisque tu auras

écouté la voix du Seigneur ton Dieu :

3. Béni seras-tu dans la ville, bénis seras-tu dans les champs.

4. Béni sera le fruit de ton sein, de ton sol et de tes bêtes ainsi que tes vaches pleines et tes

brebis mères.

5. Bénies seront ton panier et ta huche.

6. Béni seras-tu dans les allées et les venues

7. Lorsque tes ennemis se dresseront contre toi, le Seigneur en fera des vaincus devant toi ;

sortis contre toi par un même chemin, ils fuiront devant toi par sept chemins différents.

8. Le Seigneur ordonnera que la bénédiction soit avec toi dans tes greniers et dans toutes tes

entreprises, et il te bénira dans le pays que le Seigneur ton Dieu te donne.

9. Le Seigneur te constituera pour lui en peuple consacré, comme il te l’a juré, puisque tu au-

ras gardé les commandements du Seigneur ton Dieu et que tu auras suivi ses chemins ;

10. Tous les peuples du pays verront que le nom du Seigneur a été prononcé sur toi, et ils te

craindront.

11. Le Seigneur te donnera le bonheur en faisant surabonder le fruit de ton sein, de tes bêtes et

de ton sol, sur la terre que le Seigneur a juré à tes pères de te donner.

12. Le Seigneur ouvrira pour toi le réservoir merveilleux de son ciel, pour faire tomber en son

temps la pluie sur ton pays, et bénir ainsi toutes tes actions.

Tu prêteras à des nations nombreuses, et toi-même tu n’auras pas à emprunter.

13. le Seigneur te mettra au premier rang et non au dernier. Tu iras toujours vers le haut et non

vers le bas, puisque tu auras écouté les commandements du Seigneur ton Dieu que je

t’ordonne aujourd’hui de garder et de mettre en pratique,

14. puisque tu ne te seras écarté ni à droite, ni à gauche de tous les chemins que je vous prescris

aujourd’hui, et que tu n’auras pas suivi d’autres dieux pour les servir.

15. « Mais si tu n’écoutes pas la voix du Seigneur ton Dieu, en ne veillant à mettre en pratique

tous ses commandements et ses lois que je te donne aujourd’hui, voici les malédictions qui

viendront sur toi et qui t’atteindront :

16. Maudit seras-tu dans la ville, et maudit seras-tu dans les champs.

17. Maudits seront ton panier et ta huche.

18. Maudit sera le fruit de ton sein, et de ton sol, ainsi que tes vaches pleines et tes brebis

mères.

19. Maudit seras-tu dans tes allées et venues.

20. Le Seigneur t’enverra disgrâce, panique et menaces dans tout ce que tu entreprendras de

faire, jusqu’à ce que tu sois exterminé, et jusqu’à ce que tu disparaisses promptement, à

cause du mal que tu auras fait en m’abandonnant.

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103

3.2 Contexte narratif

Le chapitre 28, que nous pouvons intituler "chapitre des bénédictions et des malédictions",

se situe dans un vaste ensemble entourant la promulgation de l’alliance (Dt 26–Dt 30).

Cette pratique suit un autre ensemble qui constitue ce que nous pouvons appeler les règles

du jeu de l’alliance Dt 12,1–26,1-16. Ces règles du jeu sont : le culte, l’organisation du

pays, les multiples lois sur la société et la famille, les lois sur la pureté et enfin des textes

purement liturgiques.

Les chapitres 26 à 28, qui constituent la troisième partie du livre de Deutéronome sur la

promulgation de l’alliance, comportent des textes liturgiques (Dt 26), les sanctions de

l’alliance (Dt 28) ainsi que les dernières recommandations sur la nécessité de l’obéissance

(Dt 29–Dt 30). Ces chapitres sont souvent qualifiés d’exhortations qui suivent la conclusion

de l’alliance en terre de Moab258.

Dans le chapitre 28, le don de cette terre est accompagné du don de la loi. La possession de

ce bon territoire et la continuation du bonheur d’y rester dépendent de l’obéissance du

peuple. Les bénédictions et malédictions indiquent l’ampleur du choix auquel Israël est

convié. La structure suivante peut être dégagée259 :

Bénédictions 1 : v. 1-6

Bénédictions 2 : v. 7-14

Malédictions 1 : v. 15-19

Malédictions 2 : v. 20-ss

Les deux grandes parties développées marquent une certaine opposition de vocabulaire ou

de langage concernant les verbes "bénir" et "maudire".

3.3 Essai de lecture

V. 1-2 : Mise en garde et introduction

258 P. Buis, Le Deutéronome…, p. 12-15. 259 R.-D. Nelson, Deuteronomy…, p. 328.

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Ces deux versets constituent une forme d’introduction au chapitre. Écouter, c’est aussi

mettre en pratique les commandements du Seigneur. Ce qui est marquant dans ce verset,

c’est le mot « aujourd’hui ». Ce mot attire l’attention du peuple sur l’obéissance.

L’obéissance, c’est à la fois l’acte d’écouter et celui de mettre en pratique. « “Today” in v.

1 refers to Deuteronomy’s dramatic setting in Moab and to the covenantal challenge of

26:16-19. “If you obey Yawhey” brakets v. 1-2, restating 26/19 in conditional terms. In this

way a language of conditionality, reminiscent of 15:5, modifies the language of careful

obedience taken up from 26:16-17 (cf. 27:10). Verse 2 treats blessing as an objective entity

that can be the grammatical subject of active verbs of motion (cf. vv. 15, 22, 45)260”. Yahvé

est le Dieu de son peuple. Ce dernier doit observer les commandements et être supérieur à

toutes les nations. La notion du peuple de Dieu prend une connotation très politique261. Le

même fait de dicter des lois, bénir et maudire, la terre comprise comme pays et comme sol

sont autant d’indices de la vision politique de Dieu et de la vision politique de l’Ancien

Testament262.

V. 3 : Bénédiction humaine dans des lieux spécifiques

Le peuple est soumis aux bénédictions quel que soit le lieu d’habitation où il se trouve.

Puisque l’activité essentielle est rurale, le fait de mentionner le lieu d’exercice est une ma-

nière d'encourager le peuple à l’obéissance. La terre (ville et champs) est un don de Dieu,

objet de bénédiction.

V. 4 : Bénédiction des fruits, animaux et choses

Ce qui est frappant dans ce verset, c’est la portée de la bénédiction, laquelle s’étend sur des

générations263.

260 Ibid., p. 329. 261 J.-G. McConville, God and farthly power. An Old Testament political theology. Genesis-Kings, London,

T&T Clark, p. 74. 262 Ibid., p. 168-172. 263 Patricia Dutcher Walls, “The clarity of double vision. Seeing the family in sociological and archeological

perspective” dans Patricia Dutcher-Walls (dir.)…, p. 2.

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Une autre dimension sociale est le fait de citer les produits issus du travail humain qui est

aussi essentiellement rural. Moïse touche ici au vécu quotidien. Ces bénédictions sont con-

textuelles et s’accommodent à un groupe d’individus qui vivent dans une situation natu-

relle, archaïque et traditionnelle264. La terre (pays) est l’objet de production, de vie et, par

conséquent, sujet de bénédiction.

V. 5-6 : Bénédictions multiformes

Les bénédictions sont de plusieurs natures. Elles s’étendent de la corbeille à la huche, qui

sont des ustensiles de cuisine. Moïse fait allusion à la nourriture quotidienne. C’est encore

la référence à cette terre du Dt 8, où on ne manquera pas de pain. La corbeille symbolise les

fruits et légumes, c'est-à-dire les récoltes en général. La prospérité dans la cité, tout comme

dans la campagne, dépend de la production et des ventes. Il ne faut pas oublier aussi que

c’est une invitation au travail.

V. 7-8 : Extension des bénédictions: victoire et prospérité

Les présentes bénédictions concernent la protection contre les ennemis et la bénédiction des

greniers, des récoltes amassées, des réserves, des avoirs, bref du pays tout entier. Le grenier

est un lieu d’accumulation et de réserve. Les maisons des Hébreux comportaient des

grands espaces pour les produits agricoles et le bétail265. La terre est donc un lieu de vie et

de production, objet de bénédiction et de respect de la parole. Tout ceci est subordonné au

respect de la loi.

V. 9 : Faveur de Yahvé sur l’élection

Le peuple hébreu est le peuple de Yahvé, d’où l’expression « Seigneur ton Dieu ». D’autre

part, le pays est aussi celui de Dieu, confié au peuple. La terre est donc celle de Dieu; elle

est sacrée et consacrée au peuple.

264 P. Buis, Le Deutéronome, (T. 4)…, p. 378. 265 J.-S. Holladay, « “Home economics 1407” and the Israelite family and their Neighbors. An Anthropologi-

cal/Archeological Exploration”, dans Patricia Dutcher-Walls, The family in life and in death. The family in

Ancient Israel. Sociological and archaeological perspectives, T&T Clark, London, 2009, p. 65-66.

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V. 10 : Respect et honneur de la terre

La terre est le lieu où l’homme sera béni. La dimension honorifique, dans la société juive,

est présente dans le verset.

V. 11 : Bénédiction de la terre

Cette bénédiction se traduit par les biens de toute nature que ce peuple rural pourrait possé-

der. La terre sera sujette à toutes les richesses possibles. Ces richesses s’appliqueront aux

descendances futures du peuple. La bénédiction concerne aussi la procréation et sa protec-

tion266. La terre est donc un objet de bénédiction pour la génération présente et les généra-

tions futures.

V. 12 : Don du réservoir merveilleux

L’expression « réservoir merveilleux», souvent traduite autrement par « beau trésor », est

d’une grande signification267. Ce beau trésor est un don du ciel qui vient enrichir la terre. La

pluie est à l’origine des récoltes et de l’ensemble de la production. L’enrichissement pro-

vient du Seigneur dans la mesure où l’on obéit à sa loi. Cette idée renvoie au premier verset

du texte où le peuple sera supérieur aux autres. Le développement a un fondement biblique

et éthique.

V. 13-14 : Conséquences de supériorité (éloquence) vis-à-vis des autres nations

Le peuple possèdera toujours d’énormes avantages : son éloquence, son honneur et sa supé-

riorité vis-à-vis des autres nations, l’ensemble étant limité par l’obéissance aux comman-

dements. La terre, lieu de réception des honneurs, est conditionnée par le respect et la mise

en pratique des commandements.

V. 15 : Mise en garde et introduction

266 S. Bendor, The social structure in ancient Israel…, p. 127-128. 267 P. Buis, Le Deutéronome, (T. 4)…, p. 379.

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Moïse met en garde le peuple contre la désobéissance aux préceptes. La sanction est une

malédiction268. « Le procédé est bien naturel : la punition consiste à annuler et à retourner

la récompense promise […]. Les thèmes développés sont, du reste, peu nombreux : calami-

tés pour l’agriculture et l’élevage, maladies, défaite entraînant le pillage et l’exil, ruine de la

nation, tout cela amenant l’anéantissement d’Israël269. »

V. 16-20 : Série d’échecs à subir en tout état de la vie

Ce passage s’oppose aux versets 3-6. En cas de désobéissance, le peuple sera considéré

comme maudit dans la ville et dans le champ (v. 16). Les rendements seront faibles. Il n’y

aura plus de production agricole. La vie ne sera plus possible. La corbeille et la huche, qui

sont aussi essentiellement des références à l’activité agricole, font l’objet de malédictions.

La nourriture se fera rare suite à la malédiction des champs (v. 17). L’activité économique

sera au ralenti, et la mort s'ensuivra. La terre ne sera plus le lieu où il fait bon vivre. Il y

aura un impact direct sur la postérité ainsi que sur l’entourage (v.18). Le v. 20 annonce

l’apogée des malédictions. C’est presque la mort promise. La terre sera l’objet de la mort.

Yahvé est-il très bon (v. 3 à 6) ou très méchant (v. 16-20) ? La terre est-elle le lieu des bé-

nédictions ou des malédictions ? En fait, la grâce est conditionnée par l’obéissance. En

d’autres termes, la grâce s’acquiert à un prix. Elle n’est pas bon marché. La terre est un don

de Yahvé, mais elle est d’un grand prix.

* * *

En guise de conclusion à ce chapitre, revenons brièvement sur les thèmes rencontrés au fil

de la lecture.

La terre est un don de Dieu

Yahvé est le propriétaire de la terre. C’est lui qui l’offre aux êtres humains. L’homme est

formé de cette terre. C’est ce qui établit les liens entre l’homme et Dieu et entre l’homme et

268 Bruce K. Waltke et Charles Yu, Théologie de l’Ancien Testament. Une approche exégétique…, p. 506. 269 P. Buis, Le Deutéronome, (T. 4)…, p. 381.

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la terre. Dieu étant le propriétaire premier, l’homme n’en est que l’usufruitier; c’est la rai-

son pour laquelle il doit un certain respect au propriétaire.

La terre suppose le respect de la loi de Dieu

La terre est un don. Or, ce don a un prix. La notion de supériorité de Dieu entraine que

l’homme doit obéir pour bénéficier de la terre et de ses fruits. La référence à la situation

sociale du peuple hébreu en Égypte, pays aride, est un exemple du fruit de la désobéissance.

La terre est donc non seulement un objet de bénédiction, mais aussi de malédiction.

L’homme hébreu est donc devant un choix plutôt simple : obéir ou désobéir. Il est clair que

l’homme a avantage à obéir pour que sa terre porte de bons fruits.

La terre, objet de richesse et signe de bénédiction

L’obéissance à la loi de Dieu provoque la richesse de la terre octroyée par Dieu. Cette ri-

chesse permet l’épanouissement du peuple hébreu. Ce qui ressort clairement, c’est la valeur

éthique des textes étudiés : la richesse n’est pas individuelle, elle invite au partage. La terre

et ses fruits sont pour tous.

À la lecture, nous avons parfois l’impression que l’homme n’est pas libre. Dieu donne,

mais retient d’une manière ou d’une autre. Est-ce seulement le signe de la supériorité de

Dieu sur l’homme? Ce qui compte, après tout, ce sont les fruits que Dieu donne. Et c’est la

raison pour laquelle l’homme hébreu a comme devoir non seulement d’obéir à la loi, mais

aussi et surtout de rendre grâce à Dieu.

La terre, objet de remerciement et d’action de grâce

La terre est le résultat d’une grâce. Elle est objet de bénédiction divine, signe de la gratuité

du salut et annonce du Royaume à venir. Elle mérite la reconnaissance du peuple envers

Yahvé, à qui il faut rendre grâce par le biais des offrandes des prémices et de la dîme. Ces

deux notions ont des implications sociales : partage, vie communautaire, diaconie.

L’oubli de cette action bienveillante de Dieu, l’ingratitude de l’homme, peut donc avoir de

fâcheuses conséquences.

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La terre, objet de bénédictions.

La grâce est parfois lourde à porter. La terre est-elle effectivement un don ou un mérite ? Le

geste d’obéissance à Dieu est-il un geste d’amour, de reconnaissance ou surtout une marque

de soumission et d’obligation?

Si Yahvé semble plutôt rigide sur la notion de la terre et de ses fruits, les textes du Deuté-

ronome montrent qu’il est un Dieu bon, aimant et généreux. Quant à la terre, image de

l’homme et de Dieu, elle est un don qui doit profiter à tous les humains. À ceux-ci de re-

connaître Celui qui donne, en lui obéissant et en lui rendant grâce. Et, plus que tout, en par-

tageant.

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Chapitre 5. Terre de salut, terre d’action de grâce

Les textes sélectionnés dans le Nouveau Testament donnent l’image générale d’un contexte

agricole et projettent un certain nombre de pistes de compréhension de la terre, ses fruits,

son rôle pour les chrétiens et leurs communautés270. Comme dans le chapitre précédent,

j’utiliserai la méthode socio-littéraire d’analyse des textes bibliques. Trois grandes parties

constitueront ce chapitre : l’analyse de Matthieu 13,1-50, de Luc 16,1-13 et enfin de deux

textes des Actes des Apôtres (2,42-47 et 4,32-37).

1. La terre, lieu de vie et signe du Royaume de Dieu. Étude de Matthieu 13,1-50

1.1 Texte choisi

1. En ce jour-là, Jésus, sortit de la maison et s’assit au bord de la mer.

2. De grandes foules se rassemblèrent près de lui, si bien qu’il monta dans une barque où il

s’assit ; toute la foule se tenait sur le rivage.

3. Et il leur dit beaucoup de choses en paraboles. « Voici que le semeur est sorti pour semer.

4. Comme il semait, des grains sont tombés au bord du chemin, et les oiseaux du ciel sont ve-

nus et ont tout mangé.

5. D’autres tombèrent sur des endroits pierreux où ils n’avaient pas beaucoup de terre ; ils ont

aussitôt levé, parce qu’ils n’avaient pas de terre en profondeur;

6. le soleil étant monté, ils ont été brûlés, et faute de racine, ils ont séché.

7. D’autres sont tombés dans les épines, les épines ont monté et les ont étouffés.

8. D’autres sont tombés dans la bonne terre, et ont donné du fruit, l’un cent, l’autre 60, l’autre

30.

9. Entende qui a des oreilles ! ».

10. Les disciples s’approchèrent et lui dirent : « Pourquoi leur parles-tu en paraboles ? »

11. Il répondit: « Parce qu’à vous il est donné de connaître les mystères du Royaume des cieux,

tandis qu’à ceux-là, cela n’est pas donné.

12. Car à celui qui a, il sera donné et il sera dans la surabondance, mais à celui qui n’a pas,

même ce qu’il a lui sera retiré.

13. Voici pourquoi je leur parle en paraboles : parce qu’ils regardent sans regarder, et qu’ils en-

tendent sans entendre ni comprendre.

14. Et pour eux s’accomplit la prophétie d’Esaïe, qui dit : « Vous aurez beau entendre, vous ne

comprendrez pas ; vous aurez beau regarder, vous ne verrez pas.

270 La justification du choix des textes du Nouveau Testament est exposée plus en détail au chapitre 2.

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15. Car le cœur de ce peuple s’est épaissi, et ils sont devenus durs d’oreille, et ils se sont bou-

chés les yeux, pour ne pas voir de leurs yeux, ne pas entendre de leurs oreilles, ne pas com-

prendre avec leur cœur, et pour ne pas se convertir. Et je les aurais guéris !

16. Mais vous, heureux vos yeux, parce qu’ils voient, et vos oreilles, parce qu’elles entendent !

17. En vérité je vous le déclare, beaucoup de prophètes, beaucoup de justes ont désiré voir ce

que vous voyez et ne l’ont pas vu, entendre ce que vous entendez, et ne l’ont pas entendu !

18. Vous donc, écoutez la parabole du semeur.

19. Quand l’homme entend la parole du Royaume et ne comprend pas, c’est que le malin vient

et s’empare de ce qui a été semé dans son cœur ; tel est celui qui a été ensemencé au bord

du chemin.

20. Celui qui a été ensemencé sur les endroits pierreux, c’est celui qui entendant la Parole la re-

çoit aussitôt avec joie ;

21. mais il n’a pas en lui de racine, il est l’homme d’un moment : dès que vient la détresse ou la

persécution à cause de la parole, il tombe.

22. Celui qui a été ensemencé dans les épines, c’est celui qui entend la Parole, mais le souci du

monde et la séduction des richesses étouffent la parole, et il reste sans fruit.

23. Celui qui a été ensemencé dans la bonne terre, c’est celui qui entend la Parole et comprend :

alors, il porte du fruit et produit, l’un cent, l’autre 60, l’autre 30.

24. Il leur proposa une autre parabole: « Il en va du Royaume des cieux comme d’un homme

qui a semé du bon grain dans son champ.

25. Pendant que les gens dormaient, son ennemi est venu, par-dessus, il a semé de l’ivraie au

milieu du blé et il s’en est allé.

26. Quand l’herbe eut poussé et produit l’épi, alors apparut aussi l’ivraie.

27. Les serviteurs du maître de maison vinrent lui dire : Seigneur, n’est-ce pas du bon grain que

tu as semé dans ton champ ? D’où vient donc qu’il s’y trouve de l’ivraie ?

28. Il leur dit : C’est un ennemi qui a fait cela. Les serviteurs lui dirent : Alors, veux-tu que

nous allions ramasser ?

29. Non, dit-il de peur qu’en ramassant l’ivraie vous ne déraciniez le blé avec elle.

30. Laissez l’un et l’autre croître ensemble jusqu’à la moisson, et au temps de la moisson, je di-

rai aux moissonneurs : Ramassez d’abord l’ivraie et liez-la en bottes pour la bruler, quant

au blé, recueillez-le dans mon grenier ».

31. Il leur proposa une autre parabole disant: « le Royaume des cieux est comparable à un grain

de moutarde qu’un homme sème dans son champ.

32. C’est bien la plus petite de toutes les semences, mais quand elle a poussé, elle est la plus

grande des plante potagères : Elle devient un arbre si bien que les oiseaux du ciel viennent

faire leurs nids dans ses branches ».

33. Il leur dit une autre parabole : « Le Royaume des cieux est semblable à du levain qu’une

femme prend et enfoui dans trois mesures de farine si bien que toute la masse se lève. »

34. Tout cela, Jésus le dit aux foules en paraboles, et il ne leur disait rien sans paraboles,

35. afin que s’accomplisse ce qui avait été dit par le prophète : J’ouvrirai la bouche pour dire

des paraboles, je proclamerai des choses cachées depuis la fondation du monde.

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36. Alors, laissant les foules, il vint à la maison, et ses disciples s’approchèrent de lui et lui di-

rent: « Explique-nous la parabole de l’ivraie dans le champ ».

37. Il leur répondit: « Celui qui sème le bon grain, c’est le fils de l’homme ;

38. le champ, c’est le monde ; le bon grain, ce sont les sujets du Royaume ; l’ivraie, ce sont les

sujets du malin;

39. l’ennemi qui l’a semée, c’est le diable, la moisson, c’est la fin du monde ; les moissonneurs,

ce sont les anges.

40. De même que l’on ramasse l’ivraie pour la brûler au feu, ainsi en sera-t-il à la fin du monde.

41. Le fils de l’homme enverra ses anges, ils ramasseront, pour les mettre hors de son

Royaume, toutes les causes de la chute et tous ceux qui commettent l’iniquité,

42. et ils les jetteront dans la fournaise de feu ; là seront les pleurs et les grincements de dents.

43. Alors, les justes resplendiront comme le soleil dans le Royaume de leur père. Entende qui a

des oreilles » !

44. « Le Royaume des cieux est comparable à un trésor qui était caché dans un champ et qu’un

homme a découvert : il le cache à nouveau et, dans sa joie, il s’en va, met en vente tout ce

qu’il a, et il achète ce champ.

45. Le Royaume des cieux est encore comparable à un marchand qui cherchait des perles fines.

46. Ayant trouvé une perle de grand prix, il s’en est allé vendre tout ce qu’il avait, et il l’a ache-

tée.

47. Le Royaume des cieux est encore comparable à un filet qu’on jette en mer et qui ramène

toutes les sortes de poissons.

48. Quand il est plein, on le tire sur le rivage puis, on s’assied, on ramasse dans des paniers ce

qui est bon et l’on rejette ce qui ne vaut rien.

49. Ainsi en sera-t-il à la fin du monde : les anges surviendront et sépareront les mauvais d’avec

les justes,

50. et ils les jetteront dans la fournaise de feu ; là seront les pleurs et les grincements de dents.

1.2 Contexte narratif

Matthieu compte cinq grands discours de Jésus. Matthieu 13 est le troisième de ces dis-

cours : le discours parabolique (ou en paraboles). Le chapitre des paraboles du Royaume de

l’Évangile de Matthieu s’insère dans le cadre général des discours de Jésus. Si les diffé-

rentes images en rapport avec la terre ou les fruits de la terre ont interpellé les premières

communautés chrétiennes, elles demeurent parlantes de nos jours pour des Églises rurales

ou urbaines qui s’y retrouvent au cœur de leur développement spirituel, éthique et matériel.

« Comme la terre promise vers laquelle marchait le peuple d’Israël dans l’ancien Testa-

ment, le Royaume est le but des croyants, “un territoire” dont ils prendront possession, où

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113

ils entreront […]. Les paraboles du chapitre XIII, et en particulier la parabole de la bonne

semence et de l’ivraie, montrent bien la double réalité de ce royaume […]271. »

Dans son évangile, Matthieu cherche à démontrer à sa communauté que Jésus est le fils de

Dieu. Pour la convaincre, il va insister sur les us, coutumes, lois et règles juives (chapitre 5-

7). C’est une manière pour Matthieu d’annoncer l’accomplissement de la prophétie de

l’Ancienne Alliance. Comme tout bon orateur, doué d’une bonne rhétorique, Matthieu in-

vite tous ceux qui l’écoutent à comprendre le rôle joué par Jésus lors de son séjour terrestre

à partir des miracles, signes tangibles et convaincants de son titre d’envoyé de Dieu (cha-

pitres 8 et 9). Considérant que les disciples sont les premiers récipiendaires des paroles de

Jésus (envoi en mission du chapitre 10), Matthieu en fait les porteurs de son message pour

ainsi constituer une communauté qui deviendrait une Église solide bâtie sur de bonnes

bases éthiques, personnelles, particulières, sociales et culturelles. C’est la raison pour la-

quelle, malgré la peur des disciples, Matthieu a retenu le discours en paraboles de Jésus : il

dit aux disciples que Jésus s’adresse en premier lieu à eux (chapitre 13).

Dans l’ensemble, les chapitres précédant le chapitre 13 constituent pour Matthieu une pré-

paration réglementaire pour assurer la continuité de l’œuvre de Jésus et surtout la mise en

place de la communauté chrétienne en son souvenir. On peut citer les règles et prescriptions

religieuses, l’envoi en mission, le rôle du disciple.

En quoi consiste le travail missionnaire ? Comment subvenir à ses besoins et où

trouver logement ? Comment répondre aux rebuffades ? À ces questions le cou-

tumier vient donner une réponse, au moins embryonnaire. Le travail consiste à

prolonger l’action de Jésus : aller, être en chemin vers les « brebis perdues de la

maison d’Israël », proclamer que le Royaume des cieux s’est approché et guérir

[…]272.

Le texte de Matthieu 13 est un texte central constitué de paraboles qui racontent l’abandon

et la méconnaissance de Jésus par les pharisiens développés dans les parties antérieures273,

271 Oscar Cullmann, Le Nouveau Testament (coll. Que sais-je), Paris, Presses Universitaires de France, 1995,

p. 25. 272 R. Thysman, Communauté et directives éthiques. La catéchèse de Matthieu. Théologie morale du Nouveau

Testament. Essai de synthèse, Gembloux, Duculot, 1974, p. 68. 273 R.-E. Brown, Que sait-on du Nouveau Testament ? Paris, Bayard, 2000, p. 227.

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114

Jésus y parle du Royaume des cieux274. Les paraboles invitent les disciples au courage et à

la persévérance car la tâche ne sera pas facile. Le milieu sera très hostile. Les prescriptions

de Jésus concernent le présent et l’avenir.

Le chapitre est composé de sept paraboles : le semeur, le bon grain et l’ivraie, le grain de

sénevé, le levain, le trésor caché, la perle, le filet. On peut aussi élargir le spectre à huit

paraboles selon la façon dont on découpe le texte275. La formulation, la composition et les

thèmes du chapitre 13 viennent répondre aux sujets abordés aux chapitres 11 et 12.

Le chapitre peut se repartir de manière classique en deux grandes parties : La première par-

tie va du premier verset au trente cinquième. Il a pour titre : Le Royaume et les juifs qui

n’entendent et ne comprennent276. La seconde partie va du verset 36 à 50. Il a pour titre : Le

Royaume et la vocation des disciples277.

Ces parties ont aussi un aspect commun de par leur forme. Elles commencent pour la plu-

part de la même manière: par « Le Royaume des cieux ». Dans ces parties, on note une

comparaison du Royaume des cieux avec autre chose. Ainsi, on peut discerner un autre

découpage: Mt 13,1-23 et Mt 13,24-50, chacune des parties ayant une structure tripartite278.

Nous aurons donc :

1. Mt 13,1-23

A. Parabole destinée aux foules nombreuses (1-9)

B. Cause ou origine des paraboles (10-17)

C. Explication et herméneutique aux disciples (18-23)

2. Mt 13,24-50

A’. Paraboles destinées aux foules nombreuses (24-33)

B’. Cause ou origine des paraboles (34-35)

274 F.-V. Filson, A commentary on the Gospel according to St. Matthew, London, Adam & Charles Black,

1971, p. 32. 275 C.-S. Keener, A commentary on the Gospel of Matthew, Michigan, Wm. B. Eerdmans Publishing Co.,

1999, p. 371. 276Ibid., p. 61. 277 P.-F. Ellis, Matthew. His mind and his message…, p. 62. 278 M. Gourgues, Les paraboles de Jésus chez Marc et Matthieu, Montréal, Médiaspaul, 1999, p. 28-29.

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115

C’. Explication des paraboles sur le mauvais grain, trésor, filet (36-50)

1.3 Essai de lecture

V. 1-23 : Parabole du semeur

Cette parabole s’appuie sur l’activité rurale et plus précisément sur la croissance des

plantes. Elle associe l’image du semeur et de la graine en vue de suggérer une certaine con-

duite tout en indiquant la générosité du semeur. Le Royaume de Dieu ne s’identifie que par

rapport à cette morale279. Les disciples tout comme les juifs sont donc appelés à com-

prendre le sens de ce Royaume. Ici, il faut remarquer que le contexte social a un grand ef-

fet. « Pour comprendre les événements, les développements et en particulier les conflits du

christianisme primitif, l’arrière fond historique et culturel est d’une grande importance ; il

en est de même du contexte social […]280 ».

v.1 : Sortie de Jésus de la maison

v. 2-3 : Montée sur la barque et allocution en parabole

Ce qui nous intéresse le plus, c’est le fait de s’exprimer en paraboles. Le verset 3 marque

une certaine vision de la part de Matthieu281. La parabole est une image, une illustration

proverbiale. C’est une expression métaphorique ou allégorique parallèle aux connotations

historiques juives282. Le mot grec parabolè est traduit de l’hébreu mashal (1R5,12; Ps

78,2); il est traduit de plusieurs manières283. La parabole concerne ici le semeur qui sort

pour semer. Les disciples sont invités à bien semer et à être aussi de bonnes semences. La

Parole de Dieu doit être semée. La terre symbolise donc pour Matthieu cette communauté

qui doit recevoir la Parole de Jésus. Les chrétiens de la communauté seront eux-mêmes des

semeurs. La germination des plantes représente le développement de la première commu-

nauté chrétienne qu’on pourrait généraliser à toute communauté chrétienne. Semer serait

aussi, d’une autre manière, annoncer la Bonne Nouvelle aux pauvres. La parabole fait allu-

279 R. Schnackenburg, The Gospel of Matthew…, p. 122. 280 Vittorio Fusco, Les premières communautés chrétiennes. Traditions et tendances dans le christianisme des

origines (coll. Lectio Divina 188), Paris, Cerf, 2001, p. 228.

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sion au contexte rural et à la situation de détresse de la communauté matthéenne : « Ce dis-

cours reflète à mon avis la situation de la communauté à laquelle est adressé l’évangile :

une église judéo-chrétienne dont la mission juive s’est soldée par un échec […]284. »

v. 4-7 : Échec de germination

Les grains tombés le long des chemins n’ont pas atteint leur destination finale. Des oiseaux

ont profité de cet échec pour leur pitance quotidienne (v. 4). Il en est de même du soleil et

des épines qui sont des obstacles à la croissance. On pense que cette métaphore retrace les

diverses difficultés que Jésus rencontrera au cours de son ministère285.

En premier lieu, Jésus se sert d’une image pour révéler ce qu’il est près de

vivre. Il n’utilise pas un raisonnement, ne recourt pas aux ressources philoso-

phiques ou théologiques et ne profite pas non plus de réflexions sapientielles. Il

préfère le langage métaphorique qui établit un lien de similitude entre deux réa-

lités ou deux expériences, l’une plus familière et connue, l’autre plus cachée et

énigmatique […]. Nous ne devons pas oublier qu’au temps de Jésus 90% de la

population vivait d’agriculture et d’élevage286.

Toutes les graines ne peuvent pas apporter les bons fruits. Les disciples sont invités à semer

partout sans distinction du milieu. L’essentiel est de bien faire leur travail, Dieu fera le

reste287. Lorsqu’on sème, ce n’est pas toujours pour soi. Une dimension de communion

fraternelle est à relever.

Par ailleurs, il faut travailler pour avoir de bons fruits. Dans ce cas précis, une irrigation

s’avère nécessaire pour le sol pierreux, ce qui signifie qu’il faut travailler avec abnégation

et méthode288. Les disciples sont invités à être attentifs et vigilants quant à leur méthode de

travail. Il ne faut pas perdre de vue que, dans le contexte rural palestinien, le labourage

281 C.-M. Martini, Que devons-nous faire? Méditations pastorales sur l’Évangile de Matthieu, Paris, Desclée

de Brouwer, 1995, p. 89. 282 F.-V. Filson, A commentary on the Gospel according to St. Matthew…, p. 158. 283 C.-S. Keener, A commentary on the Gospel of Matthew…, p. 371. 284 Daniel Marguerat, L’aube du christianisme, Paris, Bayard, 2008, p. 361. 285 P. Bonnard, L’Évangile selon saint Matthieu…, p. 191. 286 J.-L. Ska, De l’ancien et du nouveau, p. 93-94. 287 C.-S. Keener, A commentary on the Gospel of Matthew…, p. 376-377. 288 Ibid., p. 377. Craig rappelle que l’Italie et la Sicile ont connu l’irrigation. L’Égypte semble être le pays

d’origine de l’irrigation pour la culture du blé.

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vient après avoir semé pour permettre que la graine soit couverte289. La terre ici fait l’objet

d’un travail méthodique.

Plus encore, on pourrait lire ici une invitation spirituelle à l’écoute de la Parole.

Le terrain rocheux, c’est l’image des êtres que la Parole remplit

d’enthousiasme, mais qui manquent de persévérance : elle ne pénètre qu’au ni-

veau superficiel des émotions, le fond du cœur n’est pas atteint. Quant aux

épines, elles représentent les passions, et l’aiguillon des blessures que nous re-

cevons ou nous infligeons à nous-mêmes ; elles ne laissent pas lever la se-

mence, elles l’étouffent290.

Il est également possible de voir en la terre une allusion à la communauté chrétienne. Celle-

ci vit des temps difficiles, marqués par l’hostilité et des difficultés de toutes sortes. La

communauté matthéenne vit dans le doute. Ce qui peut se généraliser dans toute commu-

nauté. La métaphore de la terre est un exemple pour montrer que la vie de la communauté

ne sera pas toujours rose, et qu’il lui faudra beaucoup de courage.

v. 8 : Message d’espoir

Ce message vient à la fin de la parabole pour consoler, laver les considérations négatives

précédentes291. Il s’agit d’encourager et ne pas laisser dans la perplexité. Le succès viendra;

il faut s’habituer à l’échec. Il faut du courage, du travail, de l’ardeur292. Rien ne s’acquiert

dans la facilité. Le Royaume et la terre vont de pair, se complètent et font l’objet d’une in-

terpellation au travail.

v. 9 : Invitation à la compréhension de la parabole

C’est aussi une interpellation au discernement. Matthieu établit une différence entre en-

tendre et comprendre. Il ne s’agit pas seulement, comme le prétend W. Hendriksen,

d’améliorer les conditions de vie, mais bien d’interpeller ceux qui ne mettent pas la loi en

289 C. Tassin, L’Évangile de Matthieu…, p. 144. 290 A. Grün, Jésus, le maître du salut. L’Évangile de Matthieu, Paris, Bayard, 2003, p. 64. 291 P. Bonnard, L’Évangile selon saint Matthieu…, p. 191. 292 R.-H. Gundry, Matthew. A commentary on his Handbook for a mixed Church under persecution, Grand

Rapids, Eerdmans, 1993, p. 254.

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118

pratique. Jésus et le règne de Dieu seront entravés par des difficultés, mais la victoire se

fera ressentir293.

D’autre part, tout se passe sur terre, qui est le lieu de la mission, le lieu des difficultés

comme celui de la réussite. L’essentiel réside dans la persévérance et dans l’espoir. La se-

mence du Royaume sur terre est le cahier de charge294; la foi seule permettra de com-

prendre ce message295. En somme, les neuf premiers versets sont d’ordre apologétique296. Il

se pourrait que Matthieu ait l’intention de prouver aux Juifs que le message du Royaume

est libre et volontaire pour quiconque voudrait écouter et prendre conscience. La terre, tout

comme le Royaume, sont objets de liberté et de prise de conscience.

v. 10 : Interrogation des disciples

Les disciples n’arrivent pas à s’identifier à la foule; ils ne savent pas que la parabole leur

est aussi adressée. Ce qui est appréciable dans ce verset, c’est la question qui est posée, à

savoir les raisons pour lesquelles Jésus parle en paraboles297. Jésus cherche-t-il à ne pas se

faire vite comprendre ? Est-ce une technique pour convaincre ?

v. 11 : Première réponse de Jésus

La réponse de Jésus indique que la parabole concerne le Royaume298. Les disciples ont déjà

la grâce de comprendre ce message299. Certains Juifs pensaient aussi que Yahvé avait ins-

crit certains mystères dans sa loi; les paraboles seraient une illustration de ces mystères,

Jésus parlant ainsi du Royaume comme le mystère de la fin des temps300. Le mystère se

293 P. Bonnard, L’Évangile selon saint Matthieu…, p. 192. 294 C. Tassin, Évangile de Jésus-Christ selon saint Matthieu (coll. Cahiers Évangile n°129), p. 41. 295 P. Bonnard, L’Évangile selon saint Matthieu…, p. 192. 296 J.-D. Kingsbury, The Parables of Jesus in Matthew 13. A study in redaction-criticism, London, S. P. C. K,

1969, p. 36. 297 J.-C. Giroud, « Qu’est-ce que parler en paraboles? » dans Récit, discours et signification (coll. Sémiotique

et Bible n° 118), Lyon, Secrétariat du CADIR, 2005, p. 5-6. 298 A. Thayse, Matthieu. L’évangile revisité, Bruxelles, Racine, 1998, p. 116. 299 F.-V. Filson, A commentary on the Gospel according to St. Matthew…, p. 159. 300 C.-S. Keener, A commentary on the Gospel of Matthew…, p. 379.

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comprend ici comme la présence du Royaume en Jésus ainsi qu’en son ministère301. La

terre est donc le lieu où se vit le Royaume.

v. 12 : Notion de jugement dernier

Ce verset se rapporte au jugement de Dieu, jugement dernier où l’homme est mis à nu302. Il

marque aussi la différence entre les disciples et les foules qui ne connaissent pas le mystère

du Royaume303. Par ailleurs, deux possibilités s’offrent à l’auditeur : le gain ou la perte. Il

faut choisir. En entrant dans le Royaume, on est dans l’abondance tandis qu’en

l’abandonnant, on reste dans la nullité304. Le Royaume ne sera pas donné à tous.

Une autre manière de lire ce verset fait allusion au contexte social vécu: des chrétiens

avaient été chassés de la synagogue et étaient sous le choc d’avoir été mis à l’écart305.

v. 13 : Discernement des vrais disciples

Ici, Jésus distingue les disciples de ceux qui ne le sont pas306. On pourrait même parler d’un

grand fossé entre les disciples et les pharisiens307. C’est aussi une interpellation à prendre

conscience du Royaume présent, c'est-à-dire de la volonté salvatrice de Dieu pour son

peuple308. « Au fond, la même question demeure “parabole” pour celui qu’elle n’a pas in-

quiété, et elle devient “connaissance des secrets du Royaume” pour qui se laisse boulever-

ser par elle ; c’est donc l’accueil de la Parole qui distingue la foule des disciples, et la foi

des uns révèle l’aveuglement des autres et les invite à chercher plus avant. »309 La liberté de

l’homme est encore évoquée et appelée à la responsabilité310. Les disciples, qui constitue-

ront la communauté, devront être des modèles convaincus de la Parole de Dieu, inspirés par

301 W.-D. Davies, Matthew. A shorter commentary…, p. 212. 302 P. Bonnard, L’Évangile selon saint Matthieu…, p. 194. 303 W.-D. Davies, Matthew. A shorter commentary…, p. 212. 304 L. Baeck, Les Évangiles, une source juive, Paris, Bayard, 2002, p. 148. 305 Daniel Marguerat, L’aube du christianisme…, p. 292. 306 R. Schnackenburg, The Gospel of Matthew…, p. 125. 307 W. Hendriksen, The Gospel of Matthew…, p. 554. 308 R. Schnackenburg, The Gospel of Matthew…, p. 125. 309 J. Radermakers, Au fil de l’Évangile selon saint Matthieu…, p. 181. 310 W. Carter, Matthew and the Margins…, p. 284.

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120

elle311. La terre est donc bel et bien cette communauté dont les garants sont de vrais dis-

ciples.

v. 14-15 : La prophétie d’Ésaïe

Ce verset indique clairement la mission prophétique de Jésus en tant que Messie. « Le cha-

pitre 13 explique théologiquement l’incrédulité d’Israël ; cf. 13,15, “Car le cœur de ce

peuple s’est épaissi !”. À ce peuple à la nuque raide sont opposés les disciples, déclarés

heureux parce qu’ils voient et qu’ils entendent (13,16)312. » Il peut encore s’agir d’une allu-

sion au vécu social, à savoir la mise à l’écart des chrétiens de la synagogue313.

D’autre part, il s’agit d’une exhortation au courage : la mission des disciples ne sera pas

facile. La terre, symbole de la communauté chrétienne, est donc aussi un lieu de souffrance

et de marginalisation dans la société.

v. 16-17 : Parole de bénédiction

En définitive, seront bénis ceux qui auront mis en pratique la Parole de Dieu. Jésus précise

que ses disciples sont heureux d’avoir compris ce message. Dans l’ensemble, Jésus réfère à

son ministère terrestre. On peut dire que le verset 16 est une exhortation à l’obéissance314.

Yahvé voit et connaît tout un chacun dans son for intérieur. Rien n’est caché pour lui. Tout

se dévoile315. C’est une grâce de vivre ce Royaume.

v. 18-23 : Explication de la parabole

Loin d’une explication allégorique, Matthieu utilise la rhétorique pour persuader les chré-

tiens de la présence du règne de Dieu316. Ceci peut s’expliquer par la présence du verbe

311 R. Thysman, Communauté et directives éthiques. La catéchèse de Matthieu…, p. 66. 312 Elian Cuvillier, « L’Évangile selon Matthieu » dans Daniel Marguerat (dir.), Introduction au Nouveau

Testament. Son histoire, son écriture, sa théologie, Genève, Labor et Fidès, 2008, p. 89. 313 Daniel Marguerat, L’aube du christianisme…, p. 292. 314 Ibid., p. 195-196. 315 R. J. Kagarise, “Divine sovereignty, human responsibility and Jesus parables. The structure and meaning

of Mt 13: 10-17”, Evangelical Journal, 19/1 (2001), p. 29-30. 316 P. Bonnard, L’Évangile selon saint Matthieu…, p. 197.

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syniemi (« comprendre ») utilisé par Matthieu. On se trouve ici non seulement dans un con-

texte social rural, mais aussi dans une tradition sociale juive.

The better view of the complicated Jewish-Gentile question in Matthew’s Gos-

pel is that the text, although carrying some Jewish traditions not quite con-

sistent with its final position, both reflects a decisive split with Judaism and en-

dorses a gentile mission, even to the extent of advocating mixed table-

fellowship. The best evidence for the former is the explicit removal of the King-

dom of God from the Jewish authorities and its delivery to « a nation producing

the fruits of it » at the end of the Parable of the vineyard and the talents […]317.

v. 18 : Interpellation de Jésus

Jésus s’adresse aux disciples318. Si l’on s’en tient au verset 16, il s’agirait des disciples

doués ou capables de le comprendre. Ils seront les futurs meneurs spirituels de la commu-

nauté319. Il est fort probable que la parabole selon Matthieu soit comprise dans un sens élar-

gi de la Parole. La graine à semer est sans doute cette parole320. On se trouve toujours dans

un contexte social agricole. La terre est le symbole de la communauté, lieu d’écoute de la

Parole.

v. 19 : Explication des obstacles à la compréhension de la Parole

Jésus s’efforce d’expliquer les différents obstacles à l’expansion de la Parole. Le cœur de

l’homme est endurci à la compréhension de la présence du règne de Dieu321. Jésus n’accuse

pas totalement l’homme, mais met également en cause le malin322. C’est à se demander si

Jésus ne s’adressait pas indirectement aux pharisiens qui devaient s’en prendre à lui323. Par

ailleurs, une lecture typologique pourrait laisser entrevoir la relation entre Yahvé et Israël

dans Jr 31,27-28 ou Ez 36,9 et surtout une relation socioculturelle entre la terre et le

royaume324. Dans tous les cas, il y a une allusion au contexte social de l’époque avec les

317 Philip F. Esler, The first christians in their social worlds. Social-scientific approaches to New Testament

interpretation, London, Routledge, 1994, p. 16-17. 318 R. Schnackenburg, The Gospel of Matthew…, p. 127. 319 W. Carter, Matthew and the Margins…,p. 286. 320 P. Bonnard, L’Évangile selon saint Matthieu…, p. 197. 321 W. Hendriksen, The Gospel of Matthew…, p. 559. 322 P. Bonnard, L’Évangile selon saint Matthieu…, p. 197. 323 W. Hendriksen, The Gospel of Matthew…, p. 559. 324 W. Carter, Matthew and the Margins…, p. 286.

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partisans de Jésus et ses opposants. Il en sera de même avec la formation de la communau-

té, dont la terre est aussi le symbole. « La violence qui se déploie à l’égard des Pharisiens,

devenus les chefs de file de ce judaïsme qui survit à la perte du Temple, est à l’exacte me-

sure de la fragilité de l’église de Matthieu ; il nous faut voir derrière l’évangile le drame

d’une chrétienté traumatisée, d’une chrétienté dépossédée de sa tradition, et qui se cherche

un avenir325. »

v. 20-21 : Explication de la semence sur les rocailles

La graine qui manque de racines est l’homme qui écoute la parole et qui chancelle dans la

mise en pratique de cette parole. On peut penser aux « persécutions » du temps de Jésus et

du temps de la communauté matthéenne326. La terre peut être un lieu d’étouffement, de

combat et de persécution contre les idéaux de Dieu. Le Royaume est déjà vécu ici sur terre

avec tout ce que cela comporte comme obstacles. Cette Parole difficile à s’implanter sur la

terre indique la difficulté d’accès au Royaume. La terre est donc cette communauté dont la

mission principale serait de faire comprendre la Parole de Dieu.

v. 22 : Explication de la semence sur les épines

Il s’agit encore ici des pressions extérieures à l’encontre de la Parole. Les goulets

d’étranglement à la Parole sont les idéologies, les doctrines, les intérêts ou tout ce qui peut

attirer l’homme sur terre à s’éloigner de la parole327. La terre serait aussi cette communauté

victime d’obstacles à l’expansion de la Parole. L’homme est aveuglé par ses intérêts et

néglige l’essentiel: sa destinée. On peut parler d’aveuglement de l’homme devant le matéri-

el328.

The care of the world (see 6:25-34) comprise a misplaced focus on the necessi-

ties of life, a commitment to materialism, an anxiety to secure life by making

these things the sum and goal of, not the means of, human life. In a world of in-

justice and poverty, the community of disciples is called to trust God’s gracious

325 Daniel Marguerat, L’aube du christianisme…, p. 361. 326 R. Schnackenburg, The Gospel of Matthew…, p. 127. 327 P. Bonnard, L’Évangile selon saint Matthieu…, p. 198. 328 N. Acatrinei, « Parlez-moi d’argent ! Parlez-moi de l’être humain ! », dans D. Marguerat, Parlons ar-

gent…, p. 122.

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123

provision (6:25-34; 10:8-10) and to distribute its resources (5:42; 6:2-4) to en-

sure adequate provisions329.

v. 23 : Explication de la semence sur la bonne terre

Il s’agit de l’acceptation de la Parole quels que soit les obstacles. La bonne terre, c’est cette

communauté naissante qui accepte la Parole. C’est donc une invitation d’ordre moral330 et

spirituel à la foi331. Les versets 18-23 proposent une herméneutique à caractère ecclésiolo-

gique et éthique. Ils préviennent les chrétiens de l’église primitive de ne pas être aveuglés

par le matérialisme de la terre. La terre est productrice de vie en abondance, une image du

Royaume vécu.

V. 24-50 : Paraboles des fruits de la terre

Les fruits de la terre peuvent être bons ou mauvais. Les différentes paraboles illustrent une

comparaison entre ces différents fruits et le Royaume.

v. 24 : Introduction de la parabole

La parabole s’adresse aux disciples332. Ici, il s’agit de la Bonne Parole que les disciples

véhiculent dans la société. La terre est donc cette société dans laquelle vivent les disciples

et qui est objet de propagation de l’évangile.

v. 25 : Présence d’obstacles

Ce verset permet la compréhension du précédent. « L’ivraie semée par “l’ennemi dans le

champ de son rival” est une plante connue dans ces régions ; son nom scientifique est lo-

lium temulentum (“ivraie ivrogne”, “ivraie enivrante”). Il est utile de présenter brièvement

cette plante et sa graine parce que certains détails permettent de mieux comprendre la para-

bole333.» Le Christ en tant que oint apporte une bonne croissance, mais le monde extérieur

est hostile à sa présence. L’ivraie est synonyme de mauvaises plantes, de démon, de malin,

329 W. Carter, Matthew and the Margins…, p. 287. 330 R. Schnackenburg, The Gospel of Matthew…, p. 128. 331 P. Bonnard, L’Évangile selon saint Matthieu …, p. 198. 332 W. Carter, Matthew and the Margins…, p. 288. 333 J.-L. Ska, De l’ancien et du nouveau, p. 107-108.

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124

etc.334. « Au temps de la moisson, les fils du Malin sont “figurés” en scandales et faiseurs

d’iniquité. Le scandale évoque ce qui fait échouer un processus en cours, par exemple ce

qui fait tomber le marcheur (en grec, le scandalon est un caillou qui entrave la marche) ; les

fils du Malin feraient échouer le processus de croissance en provoquant un arrachage pré-

maturé de l’ivraie et du blé335. » La plante et la graine selon moi ne seront que ces nou-

veaux convertis et autres qui seront hostiles à l’enracinement et à la consolidation de la

communauté.

En d’autres termes, la terre est cette communauté naissante qui sera sujette à des difficultés

pour permettre l’expansion de l’évangile.

v. 26-30 : Suite du récit de la présence d’obstacles

Les deux plantes grandissent ensemble; c’est le fait remarquable de la vie commune336.

L’ivraie est une plante qui ressemble au blé337. C’est lorsqu’il y aura du fruit que la diffé-

rence se fera sentir338. La terre cultivable n’est pas seulement la terre en tant que telle,

comme substance ou matière, mais également les habitants de cette terre qui mépriseront

les chrétiens, fidèles au message de Jésus339. D’où l’invitation à l’amour et au respect

d’autrui. Dans l’esprit des premières communautés chrétiennes, ces valeurs de respect

d’autrui, d’amour incommensurable faisaient partie des règles de vie des premiers chré-

tiens.

Du point de vue historique, l’ethos du christianisme se situe entre le judaïsme et

le paganisme […]. Les premiers chrétiens veulent se conformer de façon exem-

plaire à beaucoup de normes de leur environnement païen. Mais il se produit en

même temps une transformation qualitative de l’ethos. Le christianisme intro-

duit dans le monde païen deux valeurs qui proviennent de la tradition juive, et

334 P. Bonnard, L’Évangile selon saint Matthieu…, p. 199. Voir aussi W.-D. Davies, Matthew. A shorter

commentary…, p. 217. 335 C. Turiot, Lectures figuratives de la Bible (coll. Cahiers Évangile n° 139), Paris, Cerf, 2007, p. 44-45. 336 J. Irigoin, « Les paraboles de l’ivraie et du semeur et les béatitudes » dans Revue d’Histoire et de philoso-

phie religieuses, 85/4 (2005), p. 519. 337 J.-L. Ska, De l’ancien et du nouveau, p. 108. 338 M. Gourgues, Les paraboles de Jésus chez Marc et Matthieu…, p. 37. 339 P. Bonnard, L’Évangile selon saint Matthieu…, p. 199.

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qui sous cette forme sont nouvelles : l’amour du prochain et l’humilité (ou le

renoncement du statut)340.

La terre, image de la communauté, est le lieu de cohabitation de toutes les formes de liber-

té, lieu de communion fraternelle et d’amour, lieu de vivre ensemble. La terre est un lieu de

bien et de mal, mais le pardon devrait primer.

How are we to interpret the parable? One way is to see the whole scene as de-

picting God’s empire: its presence, its coexistence with evil, the opposition it

provokes, its culmination. This approach begins to draw equivalencies between

aspects of the parable and realities outside the parable. It anticipates the alle-

gorizing of the parable, which the gospel itself will do in some detail in 13:36-

43341.

v. 31-33 : La parabole du grain de sénevé et du levain

Ces deux paraboles sont encore comprises comme « paraboles de croissance » puisqu’elles

ont un même lien de plein développement342. « Si les histoires racontées sont toutes tirées

de la vie quotidienne, elles comportent un élément d’extravagance, un élément critique,

créateur de surprise343. » Certaines interprétations voient dans les branches de cette plante

les gentils et autres convertis au christianisme344. La petite graine, c’est Jésus et ses dis-

ciples; on pense aussi que le terme « petit » représente Jésus et son ministère. La parabole

de la graine de moutarde serait donc une explication du ministère de Jésus dans son aspect

invisible et futur, de la suite du ministère public visible et de l’accomplissement de la vo-

lonté de son père. C’est aussi le rôle sociopolitique de Jésus et de son ministère345. L’arbre

et les oiseaux représentent les nouveaux convertis346. L’image d’arbre symboliserait aussi le

pouvoir et le droit ou tout simplement le règne de Dieu. Les oiseaux du ciel quant à eux

seraient l’image du peuple ou des nations qui vivent sous l’oppression. Ces images d’arbre

340 Gerd Theissen, La religion des premiers chrétiens. Une théorie du christianisme primitif, Paris, Cerf,

2011, p. 114. 341 W. Carter, Matthew and the Margins…, p. 288. 342 D. Marguerat, Parabole, (coll. Cahiers Évangile) Paris, Cerf, 2008, p. 42. 343 P. Ricoeur, « Le Royaume dans les paraboles de Jésus » dans Les Temps du Texte (coll. ETR), Paris, Cerf,

2005, p. 33. 344 F.-V. Filson, A commentary on the Gospel according to St. Matthew…, p. 162. 345 W. Carter, Matthew and the Margins…, p. 289-290. 346 W.-D. Davies, Matthew. A shorter commentary…, p. 218.

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et d’oiseaux se retrouvent aussi mentionnées en Dan 4, Ez 17 et Jg 9,7-15347. Pour la pensée

juive, l’arbre est la nouvelle communauté messianique qui a été implantée et qui s’accroît

dans le monde348. Le règne de Dieu est arrivé et s’est concrétisé avec le ministère de Jé-

sus349. Selon Marguerat, le Royaume s’inaugure plutôt avec Jésus lui-même350. La terre, les

champs sont des images représentant la communauté.

En ce qui concerne le verset 33, certains ont vu dans la figure de la femme Marie, le Saint

Esprit, la sagesse ou l’Église. Mais il faut voir dans cette image l’humain en général351. La

présence de la femme n’est pas anodine dans ce verset. C’est la preuve aussi d’une présence

importante dans son genre. Il n’y a pas de discrimination de genre. La femme ne sera pas

considérée comme inférieure et a sa place aussi dans le Royaume352. La terre, symbole de

la communauté, est donc un lieu où la femme aurait un grand rôle à jouer dans le dévelop-

pement de la communauté, un lieu où la Parole de Dieu permettra le développement de la

communauté à l’instar de la pâte qui lève.

v. 34-35: Conclusion partielle

Ces deux versets illustrent bel et bien que le chapitre est un « discours de révélation du

royaume353 ».

v. 36-43 : Explication de la parabole de l’ivraie

Jésus ne s’adresse plus aux foules, mais à ses disciples, bien que parlant toujours en para-

boles354. Ces disciples sont les futurs chefs de file spirituels de la communauté.

Le semeur est le fils de l’homme, une allusion au ministère de Jésus355. Jésus parle du fils

de l’homme en se référant au dernier jour356. Les exemples cités (ivraie, malin, ennemi)

347 W. Carter, Matthew and the Margins…, p. 290. 348 W.-D. Davies, Matthew. A shorter commentary…, p. 218. 349 C.-S. Keener, A commentary on the Gospel of Matthew…, p. 387. 350 D. Marguerat, L’homme qui venait de Nazareth, Aubonne, Moulin, 2001, p. 31-32. 351 W.-D. Davies, Matthew. A shorter commentary…, p. 218. 352 W. Carter, Matthew and the Margins…, p. 291. 353 C.-M. Martini, Que devons-nous faire? Méditations pastorales sur l’Évangile de Matthieu…, p. 91. 354 J. Radermakers, Au fil de l’Évangile selon saint Matthieu…, p. 187.

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dans ces versets sont des cas pratiques qui seront vécus dans la communauté. Les disciples

sont donc appelés à être vigilants et à respecter une ligne de conduite. Le champ, la terre

sont des images de cette communauté. Cette terre, communauté naissante, image du

Royaume vécu, est un lieu de respect de la loi et aussi un lieu de jugement. « Jesus’ por-

trayal of the final judgment is graphic and contains numerous images familiar from con-

temporary Judaism and early Christianity357”.

v. 44-46 : Paraboles identiques

Il s’agit des paraboles du trésor et de la perle. Elles sont considérées comme des paraboles

jumelles, simples et mystérieuses en leur contenu358. Elles s’articulent autour de

l’attachement et de la prise de conscience par rapport au Royaume359. On pense aussi que le

contexte de ces paraboles reflète un milieu où le vol était en hausse360. On les qualifie de

parabole de « cachette, recherche et trouvaille361 ».

D’autre part, on peut dire que la Parole prêchée, cette Bonne Nouvelle reconnue et intério-

risée par les pratiquants de la communauté, portera des fruits. Cette Parole est précieuse,

chère. Tous ceux qui seront saisis par cette Parole pourront vendre tout ce qu’ils ont pour sa

propagation et l’édification de la communauté. La Parole, tout comme la communauté où

cette Parole sera prêchée, est précieuse et fait l’objet de préservation et d’attention.

v. 47-50 : La parabole du filet

Considérés comme septième et dernière parabole de Matthieu 13, ces versets forment une

conclusion liée à l’eschatologie et au jugement dernier362. L’idée du tri renvoie à cette idée

355 W. Carter, Matthew and the Margins…, p. 293. Voir aussi R. Schnackenburg, The Gospel of Matthew

(Trad. R.-R. Barr)…, p. 132. 356 W.-D. Davies, Matthew. A shorter commentary…, p. 220. 357 C.-S. Keener, A commentary on the Gospel of Matthew…, p. 389. 358 D. Marion, « Simples et mystérieuses paraboles. V : Paraboles paradoxales. Le règne qui bouleverse le

quotidien des hommes », Esprit et Vie 106 (2006), p. 211. 359 J. Radermakers, Au fil de l’Évangile selon saint Matthieu…, p. 189. 360 J.-L. Ska, De l’ancien et du nouveau, p. 114. 361 J.-D. Kingsbury, The Parables of Jesus in Matthew 13…, p. 114. 362 R.-N. Longenecker, The challenge of Jesus’ parables, Cambridge, William B. Eerdmans Publishing Com-

pany, 2000, p. 118.

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du jugement dernier où les bons seront récompensés et les mauvais châtiés363. Le contexte

est celui des pêcheurs qui trient les poissons sur le rivage364. Jésus tend la main à tous; ceux

qui refusent de prendre sa main sont jetés dehors. L’évangile est proclamé à tous sans dis-

crimination de sexe, d’âge ou de classe365. Ces versets parlent à la fois du jugement dernier

et de la grâce offerte. La terre, communauté de croyants qui intériorisent et pratiquent la

parole de Dieu, est un lieu de grâce. Une grâce reçue, mais qui mérite d’être entretenue par

le respect de la loi.

2. La terre, lieu et objet de bonne gestion. Étude de Luc 16,1-13

2.1 Texte choisi

1. « Puis Jésus dit à ses disciples : Un homme riche avait un gérant qui fut accusé devant lui

de dilapider ses biens

2. Il le fit appeler et lui dit : « Qu’est-ce-que j’entends dire de toi ? Rends compte de ta ges-

tion, car désormais tu ne pourras plus gérer mes affaires.

3. Le gérant se dit alors en lui-même : que vais-je faire puisque mon maître me retire la gé-

rance ? Bêcher, je n’en ai pas la force; Mendier, j’en ai honte.

4. Je sais ce que je vais faire pour qu’une fois écartée de la gérance, il y ait des gens qui

m’accueillent chez eux.

5. Il fit venir alors un par un les débiteurs de son maître et il dit au premier : Combien dois-tu

à mon maître ?

6. Celui-ci répondit : Cent jarres d’huile. Le gérant lui dit : Voici ton reçu, vite, assieds-toi et

écris 50.

7. Il dit ensuite à un autre : Et toi combien dois-tu ? Celui-ci répondit : cent sacs de blé. Le gé-

rant lui dit : Voici ton reçu et écris 80.

8. Et le maître fit l’éloge du gérant trompeur parce qu’il avait agi avec habileté. En effet, ceux

qui appartiennent à ce monde sont plus habiles vis-à-vis de leurs semblables que ceux qui

appartiennent à la lumière

9. Eh bien, moi, je vous dis : Faites-vous des amis avec l’Argent trompeur pour qu’une fois

celui-ci disparu, ces amis vous accueillent dans les demeures éternelles.

10. Celui qui est digne de confiance pour une toute petite affaire est digne de confiance aussi

pour une grande ; et celui qui est trompeur pour une toute petite affaire est trompeur aussi

pour une grande.

363 W.-D. Davies, Matthew. A shorter commentary…, p. 225. 364 M. Gourgues, Les paraboles de Jésus chez Marc et Matthieu…, p. 86. 365 W. Hendriksen, The Gospel of Matthew…, p. 578.

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11. Si donc vous n’avez pas été dignes de confiance pour l’Argent trompeur, qui vous confiera

le bien véritable ?

12. Et si vous n’avez pas été dignes de confiance pour ce qui vous est étranger, qui vous donne-

ra ce qui est à vous ?

13. Aucun domestique ne peut servir deux maîtres : ou bien il haïra l’un et aimera l’autre, ou

bien il s’attachera à l’un et méprisera l’autre. Vous ne pouvez servir Dieu et l’argent ».

2.2 Contexte narratif

L’Évangile de Luc, plus que les autres, insiste sur l’éthique individuelle et particulièrement

sur la gestion de l’argent. Le chapitre 16 fait allusion au milieu socioéconomique de

l’époque, où les riches étaient pour la plupart de grands propriétaires terriens (même si sur

ce point le texte en lui-même n’est pas explicite), en quête de richesse366.

Luc 16,1-13 fait partie de la troisième fraction du livre qui retrace la montée de Jésus à Jé-

rusalem (9,51-19,28), après les parties sur les récits de l’enfance de Jésus (1,5-4,13) et le

début de sa mission (4,14-9,50). La péricope s’insère dans le cadre général de Luc 16,1-30.

On y retrouve deux grandes paraboles qui parlent de la vie des hommes. La première, qui

raconte l’histoire d’un intendant, illustre bien le contexte de pauvreté. La seconde porte sur

l’homme riche et le pauvre Lazare. Le texte est précédé du chapitre 15 où l’auteur s’adresse

aux pharisiens par le moyen de paraboles comme celles de la brebis, de la pièce et du fils.

Le chapitre 16, quant à lui, s’adresse aux amis de Jésus, qu’il appelle à vivre l’évangile

dans leur vécu quotidien.

Ce qui est remarquable dans ce chapitre, c’est la présence des pharisiens considérés comme

des gens en quête d’argent. Il est fort probable que le message leur soit d’abord destiné.

L’auteur caché sous la coupole du narrateur s’adresse à deux types de personnes, d’abord

les pharisiens, et ensuite les amis de Jésus reconnus sous l’appellation de « disciples ». Les

versets 8, 9, 10 et 13 ont aussi un lien commun : l’utilisation du terme Mammon ou Ar-

gent367. Le chapitre constitue une unité d’ensemble bien bâtie. De ce contexte, nous pou-

vons ébaucher une petite structure :

366 P. Debergé, L’argent dans la Bible, Montrouge, Nouvelle cité, 1999, p. 51-53. 367 Ibid., p. 66.

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A. Convocation du régisseur et motif (Luc 16,1-2)

B. Interrogation intérieure du régisseur (Luc 16,3)

C. Résolution à préconiser par le régisseur (Luc 16,4)

A’- Convocation des débiteurs (Luc 16,5)

B’- Obligation d’obéissance et surprise des débiteurs (Luc 16,6-7)

C’- Résolution ou leçon à tirer via l’exemple du régisseur (Luc 16,8-13).

Diverses oppositions (patron-gérant, fidèle-injuste) présentent une sorte de jeu dans la rela-

tion à l’argent. À l’époque de Jésus, il y avait un grand fossé entre riches et pauvres et la

recherche de l’enrichissement de part et d’autres se ressentait368.

Daniel Marguerat propose un schéma en quatre phases importantes : la situation initiale, la

complication ou problématique, l’action transformatrice et le dénouement.

Situation initiale (v.1-2)

Ici, le gérant est convoqué par l’homme riche, propriétaire des biens. Ce dernier est informé

que ses fonds ont été perdus? ou dilapidés par son gérant. Il décide de lui faire rendre

compte de sa gestion.

Complication ou problématique à résoudre (v. 3)

Le gérant constate qu’il est incapable de rendre des comptes à son patron. Il n’a pas de

fonds et il aura honte de son avenir. La mendicité l’attend. Son statut futur est sombre.

Action transformatrice (v. 4-7)

Le gérant pense à convoquer les débiteurs de son maître et à les forcer à falsifier leur dette

pour qu’ils l’aident éventuellement en retour. Le gérant commet une injustice pour se faire

justice.

368 P. Debergé, L’argent dans la Bible…, p. 53.

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Dénouement (v. 8-13)

C’est la louange de Yahvé, qui est content de la réaction du gérant.

2.3 Essai de lecture

V. 1-2 : Richesse de l’homme

Luc parle de l’homme riche, propriétaire d’un grand nombre de biens. On peut repenser à la

parabole de l’enfant prodigue où il est aussi question de biens et de gestion. Le narrateur ne

fait pas mention de la manière par laquelle les fonds ont été dilapidés369. Tout ce que l’on

sait, c’est que l’homme riche a fait confiance à son gestionnaire, qui l’a trahi. On pense ici

que Luc s’adresserait peut-être aux premières communautés chrétiennes quant au mode de

gestion de l’Église370.

La parabole évoque le contexte de l’époque avec ses classes sociales: les riches d’un côté et

les pauvres de l’autre371. Les riches employeurs avaient la possibilité d’employer des per-

sonnes à leur guise. Luc s’élève contre cette forme d’exploitation des pauvres par des

riches.

There is a widespread belief among scholars in the field that Luke-Acts was

written in a city of the Roman Empire, probably in one of its Eastern provinces

[…]. In spite of this consensus, it appears that no Lucan commentator has ever

attempted to relate Luke’s attitudes on riches and poverty in anything like a

systematic manner to the realities of life in a Hellenistic city of the roman east

towards the end of the first century CE372.

La notion de bonne gestion est ici soulevée dans un contexte de pauvreté générale où tous

les moyens sont bons, même le vol.

369 Philippe Bacq et Odile Ribadeau Dumas (dir.), Puissance de la parole. Luc, un Évangile en pastorale.

Luc 4,14-24,53, Bruxelles, Lumen vitae, 2012, p. 179. 370 F. Bovon, L’évangile selon saint Luc…, p. 69-70. 371 Gerd Theissen, Histoire sociale du christianisme primitif…, p. 283-284. 372 Philip Francis Esler, Community and gospel in Luke-Acts. The social and political motivations of Lucan

theology, Cambridge, Cambridge University Press, 1987, p. 169.

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V. 3 : Dilemme du gérant

C’est l’étonnement total du gérant, qui est démuni et qui reconnait qu’il n’a pas de moyens

de défense face au riche.

V. 4 : Réaction indicative

Le gérant ne se justifie pas et ne se décharge pas de sa responsabilité. Il n’a pas la force de

faire d’autres travaux qui nécessitent de l’énergie. C’est par ruse qu’il compte s’attirer une

certaine solidarité.

V.5-7 : Tentative de fraude

C’est l’usage du faux en écriture par le gestionnaire des biens. Chacun reconnait sa créance

et préfère profiter de la circonstance pour revoir son taux à la baisse. Nous ne connaissons

pas l’identité de ces débiteurs; il pourrait s’agir de commerçants ou d’agriculteurs

puisqu’on parle de blé373. Ici, une fois de plus, on est dans un contexte rural agricole. Les

clients viennent se procurer de l’huile, du blé, des denrées issues de la terre. La terre est ici

l’exploitation des grands propriétaires riches au détriment des pauvres. La misère et la pau-

vreté sont des fléaux sociaux de l’époque. La pauvreté infantile et l’insalubrité des maisons

étaient monnaie courante dans l’Empire romain. Le fossé entre la classe riche et pauvre

était exorbitant374. Les riches ont les moyens de développer leurs terres contrairement à la

classe moyenne sociale qui est pauvre.

It is now necessary to examine a little more closely what it was like to be poor

in a Hellenistic city of the Roman east. Then, as now, the urban poor had two

basic needs: food and shelter. The most important food at the time was bread

baked from wheat, so that the poor had to ensure that they had enough wheat,

together with some olive oil for cooking and lighting, to supply themselves and

their families375.

373 F. Bovon, L’évangile selon saint Luc…, p. 71. 374 Philip Francis Esler, Community and gospel in Luke-Acts…, p. 179. 375 Ibid., p. 175.

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Une fois de plus, le manque de moyens de production est à l’origine de la pauvreté de la

population. Les riches, quant à eux, s’en sortent. La terre est donc un lieu de diaconie où les

riches pourraient aider les pauvres.

V. 8-9 : Notion d’avènement

L’auteur met en contraste le présent et l’avenir. On est tout proche des expressions de Paul

et de Matthieu. On assiste à une invitation de Luc sur deux plans, d’une part, il est question

de se servir de l’argent plutôt que de servir l’argent. D’autre part, le texte traite de l’argent

qui finit avec la mort. Il ne faut pas tellement accorder d’importance à l’argent périssable,

mais bien plus aux relations humaines qui ne sont pas périssables car il existe une vie après

la mort, un lieu où on pourrait se rencontrer376. L’idée du partage des ressources pour

l’accès au Royaume est aussi sous-jacente dans le texte377. La terre qui est le lieu de re-

cherche de l’argent devrait plutôt être un lieu d’amour où l’argent serait au profit de tous.

Mais n’encourage-t-on pas la malhonnêteté ? À ce propos, Daniel Marguerat écrit :

En fait, le procédé n’est pas si amoral qu’il n’y parait. La connaissance du droit

romain appliqué dans les grandes métairies des provinces de l’empire nous ap-

prend que les intendants prélevaient leur bénéfice sur les marges qu’ils ména-

geaient dans les transactions. La pratique correspond à ce que nous nommons,

aujourd’hui, surfacturation. Réduire le montant de l’emprunt dû au maître n’est

pas le voler, mais renoncer à la marge de l’intermédiaire. Encore une fois, le

procédé n’est pas reluisant, mais légal ; c’est pourquoi le maître ne s’offusque

pas de l’astuce, qui ne le lèse pas, mais permet au gérant d’empocher le béné-

fice moral de l’opération auprès des débiteurs.

Le verset 9 montre que l’argent, bien que trompeur, peut aussi servir à se créer des

amitiés.

Les tentes éternelles sont ici l’expression figurée du Règne de Dieu. On cons-

tate que la formule est vraiment osée : user des richesses pour créer des rela-

tions de gratitude, c’est s’assurer d’une reconnaissance qui vaudra jusque dans

le Royaume. Ailleurs dans l’Évangile, Jésus parlera du trésor céleste que l’on

s’acquiert en utilisant l’argent pour créer de la vie (Matthieu 6,20). L’idée est la

même : l’argent, parce qu’il est issu d’un système économique générateur

376 F. Bovon, L’évangile selon saint Luc…, p. 74. 377 Yves Saoût, Évangile de Jésus-Christ selon saint Luc (coll. Cahiers Évangile), Paris, Cerf, 2006, p. 70.

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d’injustices, est potentiellement mortifère ; s’il est investi dans le partage et dé-

livre le nécessiteux de sa honte, il devient source de vie378.

V. 10-13 : Conclusion argumentative de la péricope

Certains pensent que Luc aurait utilisé le verset 10 comme contre-courant à la parabole de

l’intendant maladroit. D’autres pensent plutôt à une insistance propre à l’auteur. D’aucuns

pensent à une allusion aux expressions mondaines, d’autres pensent que l’auteur viserait

les dirigeants de l’Église sur la gestion publique. L’argent de l’Église devrait être utilisé en

bon père de famille. L’argent est périssable, mais la vie en Jésus-Christ est éternelle; un

chrétien devrait savoir faire son choix. On peut aussi voir dans ce passage l’allusion faite

par Paul concernant les offrandes chrétiennes379.

La richesse n’est pas une mauvaise chose en soi; c’est l’usage de l’argent qui fait problème,

si bien que la question de l’éthique de l’argent se pose.

À travers les manœuvres des « grands » qui promulguent des lois injustes pour

satisfaire leurs propres intérêts, comme à travers les astuces des petits commer-

çants qui falsifient les balances sur les marchés, la richesse apparaît ici comme

une source de violence et d’oppression. Et si elle n’est pas critiquée pour elle-

même, elle l’est dans ses conséquences sociales, surtout lorsque le riche profite

de sa condition pour écraser les pauvres. Volés et exploités, les pauvres n’ont

même pas alors la possibilité d’obtenir réparation puisque la justice est elle-

même corrompue380.

On peut bien comprendre par la suite que le choix à opérer (suivre Dieu ou l’argent) est

important, car le riche n’évite pas la mort. Il est invité au partage. L’argent devrait faire

l’objet de partage car en effet, il n’appartient à personne. « En racontant cette histoire, Jésus

évoquait vraisemblablement des situations bien connues de son temps, et nous pourrons

ajouter de toujours. Car il y a aujourd’hui encore des riches qui festoient tandis que les

pauvres gisent à leurs portes à l’insu de tous381. »

378 D. Marguerat, « Entre Dieu et Mamon. Parcours biblique sur l’argent » dans Id. (dir.), Parlons argent,

p. 40. 379 F. Bovon, L’évangile selon saint Luc…, p. 85-86. 380 P. Debergé, L’argent dans la Bible…, p. 32. 381 Ibid., p. 55.

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En somme, je dirai que l’analyse socio-littéraire de cette péricope nous a permis de com-

prendre l’influence du milieu de l’époque, un milieu pauvre essentiellement victime de la

pression des riches, de l’inégalité sociale, de la discrimination. Le narrateur caché sous la

plume de l’auteur nous conduit à l’éthique de l’argent, à l’injustice de l’époque, à la situa-

tion des futures communautés chrétiennes et surtout à l’invitation à un changement so-

cial382. Le texte pourrait bien attirer l’attention des populations rurales sur le sens de la terre

qui n’appartient en réalité à personne, mais qui devrait faire l’objet de partage, de vie com-

munautaire, d’aide mutuelle, d’assistance et d’amour. Notons les thèmes théologiques du

Royaume, du salut à venir, de la fin des temps et de la justification par la foi. Luc enseigne

à sa communauté que Jésus est le Seigneur vivant, sur qui les chrétiens peuvent compter

sans hésitation et sans peur. Le Seigneur est venu finaliser la loi et est réellement présent.

Leurs inquiétudes par rapport aux différents courants du judaïsme doivent s’estomper. Par

respect pour Jésus, les chrétiens doivent être des modèles dans la société par leur manière

de penser, d’agir et de croire.

3. La terre, objet de communion fraternelle et de modèle pour l’Église. Étude de

Ac 2,42-47 et 4,32-37

3.1 Textes choisis

Actes 2,42-47

42. Ils étaient assidus à l’enseignement des apôtres et la communion fraternelle, à la fraction du

pain et aux prières.

43. La crainte gagnait tout le monde : beaucoup de prodiges et de signes s’accomplissaient par

les apôtres.

44. Tous ceux qui étaient devenus croyants étaient unis et mettaient tout en commun.

45. Ils vendaient leurs propriétés et leurs biens, pour en partager le prix entre tous, selon les be-

soins de chacun.

46. Unanimes, ils se rendaient chaque jour assidûment au temple ; ils rompaient le pain à domi-

cile, prenant leur nourriture dans l’allégresse et la simplicité de cœur.

47. Ils louaient Dieu et trouvaient un accueil favorable auprès du peuple tout entier. Et le Sei-

gneur adjoignait chaque jour à la communauté ceux qui trouvaient le salut.

382 Gerd Theissen, Histoire sociale du christianisme primitif…, p. 284.

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Actes 4,32-37

32. « La multitude de ceux qui étaient devenus croyants n’avait qu’un cœur et qu’une âme et

nul ne considérait comme sa propriété l’un quelconque de ses biens ; au contraire, ils met-

taient tout en commun.

33. Une grande puissance marquait le témoignage rendu par les apôtres à la résurrection du

Seigneur Jésus et une grande grâce était à l’œuvre chez eux tous.

34. Nul parmi eux n’était indigent : en effet ceux qui se trouvaient possesseurs de terrains ou de

maisons les vendaient, apportaient le prix des biens qu’ils avaient cédé

35. et le déposaient aux pieds des apôtres. Chacun en recevait une part selon ses besoins

36. Ainsi Joseph surnommé Barnabas par les apôtres-ce qui signifie l’homme du réconfort-

possédait un champ. C’était un lévite originaire de Chypre.

37. Il vendit son champ, en apporta le montant et le déposa au pied des apôtres ».

3.2 Contexte narratif

Ac 2,42-47 est directement précédé du discours de Pierre à la Pentecôte (Ac 2,14-40). Pour

comprendre ce passage, il est préférable de revenir en arrière sur les versets précédents où il

est question de l’effet de la Pentecôte (Ac 2,1-13)383. Il s’agit de l’effusion du Saint-Esprit

sur les apôtres et des réactions des témoins384. Pierre voit dans ces événements l’aboutisse-

ment de la prophétie de Joël. Cette théologie du salut conduit à un appel à la conversion

(Ac 2,14-41). L’auteur décrit la première communauté chrétienne issue de la Pentecôte

comme un groupe de gens toujours ensemble, persévérant dans la prière, mettant leurs ef-

forts et leurs biens en communs, vivant en pleine communion fraternelle.

De ce contexte, la structure suivante en alternance peut être ébauchée. Il s’agit du sommaire

à la persévérance, suivie d’une mise en commun et des signes de Dieu, en A, B et A’, B’.

A. Persévérance + communion + prière (v. 42)

B. Crainte de Dieu + communion = signe de Dieu (v. 43-45)

A’- Persévérance + communion + prière (v. 46)

B’- Signe de Dieu dans la louange (v. 47)

383 D. Marguerat, Les Actes des Apôtres (1-12), Genève, Labor et Fidès, 2007, p. 100. 384 Christophe Theobald, Présences d’Évangile. II, Lire l’Évangile de Luc et les Actes des apôtres en Creuse

et ailleurs, Paris, Ateliers/Ouvrières, 2011, p. 95.

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Ac 4,32-37, quant à lui, s’insère dans la même mouvance que 2,42-47. Son thème général

reste la vie fraternelle et le partage dans la première communauté chrétienne, fruit de

l’œuvre du Saint-Esprit. Cette Église prend de l’ampleur grâce aux guérisons et aux mi-

racles que les apôtres opèrent par la grâce du Saint-Esprit. Il s’ensuit de la jalousie au sein

de la société, d’où la rivalité avec le pouvoir en place, les résistances naissantes et les diffi-

cultés de tout genre que doivent affronter les nouveaux convertis.

Notre péricope s’insère donc dans cette partie du livre des Actes où il est question de la

fondation de la communauté à Jérusalem par les douze apôtres.

Le texte est ainsi présenté : le v. 32 fait part de la mise en commun des biens selon chacun

en toute liberté d’âme et conscience. Les versets 34 et 35 expliquent cette libéralité, la ma-

nière par laquelle les volontaires partagent ces possessions. Le verset 33 parle des grâces de

Dieu et de la résurrection. Les versets 36 et 37 présentent l’exemple de Barnabé385.

3.3 Essai de lecture386

V. 42 : Assiduité des premiers chrétiens

Ici, le narrateur parle des nouveaux convertis, des apôtres et des cent vingt qui étaient déjà

présents avant la Pentecôte qui persévèrent dans la prière. Leur baptême incite à une régle-

mentation sociale ou diaconale387. La fraction du pain est non seulement un symbole

d’unité communautaire, mais aussi un rite transcendant d’attachement au Seigneur. « Le

repas du seigneur du christianisme primitif serait, selon cette théorie, un cas particulier ;

nous y trouvons en effet un lien surnaturel avec toutes les parties du rituel, même si l’accent

385 D. Marguerat, Les Actes des Apôtres (1-12)…, p. 161. 386 Dans cet essai de lecture, il s’agit pour moi de prendre des versets selon la forme la plus simple pour les

expliquer. C’est pourquoi la lecture rapprochée ne tient pas toujours compte de la structure, même si cette

structure a été importante pour ma compréhension et mon explication des versets. 387 Ibid., p. 105.

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est mis chaque fois sur une partie388. » C’est l’œuvre du Saint-Esprit de la Pentecôte, agis-

sant dans l’Église389.

V. 43 : Effet de la prière

La persévérance dans la prière entraine une certaine soumission, une certaine éthique chré-

tienne, une crainte de Dieu. « La relation personnelle charismatique est accessible à tous.

Chacun peut être saisi par l’esprit, indépendamment de son statut social. Cette conversion

personnelle au Christ, qui consiste à reconnaître en lui une autorité charismatique, ne dé-

pend ni de l’origine, ni de l’éducation, ni du sexe ; elle transcende les frontières so-

ciales390. »

Le Saint-Esprit agit dans l’Église et sur la terre. La crainte dont parle le narrateur vise le

respect de la Parole. « La troisième prise de conscience à laquelle veut conduire cette écri-

ture-choc est la terrible efficacité de la Parole. L’effet pragmatique du récit est de provo-

quer […] l’effroi sacré; le lecteur sait depuis le premier sommaire que la crainte est la réac-

tion humaine à l’épiphanie de la puissance divine, et en même temps qu’elle est un puissant

véhicule de l’essor missionnaire (2,43 ; voir 4,33)391. »

V. 44-46 : Union des biens

La vente des biens et leur partage entre tous démontre le souci du groupe d’être ensemble et

de profiter de la communion. La notion de frères et de sœurs en Christ dépasse le cadre

familial. « D’autre part, la relation fraternelle ne se limite pas aux relations entre frères et

sœurs : elle se vit dans un réseau de relation plus large, et notamment celui de la fa-

mille392 ». Ni le clivage riche-pauvre, ni la puissance de l’argent ne font surface. La vie

communautaire en Christ dépasse toutes ces considérations de supériorité face à l’argent.

388 Gerd Theissen, Psychologie des premiers chrétiens. Héritages et ruptures, Genève, Labor et Fides, Paris,

Cerf, 2011, p. 376. 389 Daniel Marguerat, La première histoire du christianisme. Les Actes des apôtres, (coll. Lectio divina

n° 180), Paris, Cerf, 2007, p. 253. 390 Gerd Theissen, Histoire sociale du christianisme primitif…, p. 269. 391 Daniel Marguerat, La première histoire du christianisme…, p. 259. 392 Anne-Laure Zwilling, Frères et sœurs dans la Bible. Les relations fraternelles dans l’Ancien et le Nouveau

testament (coll. Lectio Divina), Paris, Cerf, 2010, p. 13.

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On pourrait aussi mentionner que la vente des biens était liée à l’attente ultime de la parou-

sie.

La rupture du pain fait référence au dernier repas du Christ avec ses disciples et démontre le

souci humanitaire et fraternel de la mise en commun. Le narrateur dit que le salut est en

Christ par le biais de cette sainte-cène. « Tous » partagent « tout » : la mise en commun

concerne l’ensemble des baptisés.

Remarquons aussi que la vente des terres ouvre sur le partage. La solidarité et l’égalité sont

mis de l’avant, des marques essentielles du christianisme primitif dans la mesure où régnait

dans l’empire romain l’inégalité sociale, la domination des classes riches sur les pauvres.

C’est l’éloignement de la culture des classes sociales dominantes précisément

qui permit le développement de nouvelles formes de liens sociaux : une relation

personnelle charismatique au [Kùrios], qui l’emporte sur toutes les autres allé-

geances, une communauté œcuménique qui transcende les frontières culturelles

et les liens locaux, et de nouvelles formes de solidarité393.

C’est un signe d’égalité et de fraternité très appréciable. On peut donc distinguer dans ces

versets trois signes caractéristiques identitaires : financier, spirituel, et humain394.

D’autre part, la mise en commun est le fruit d’un amour et d’une amitié sincères entre les

membres qui mène à l’édification de l’Église et de ses membres.

L’amour dans le christianisme primitif entend dépasser cette frontière. Le re-

noncement à un statut concerne le rapport entre ceux qui sont au haut de

l’échelle et ceux qui sont au bas de l’échelle. Le renoncement à un statut (ou

l’humilité) veut que l’on renonce à l’exhibition, à l’imposition ou à la posses-

sion d’un statut supérieur. Ici doit être surmontée la frontière entre « en haut »

et « en bas »395 .

On pourrait même dépasser le cadre de l’amour dans ces versets et parler d’humilité396.

393 Gerd Theissen, Histoire sociale du christianisme primitif…, p. 285. 394 D. Marguerat, Les Actes des Apôtres (1-12)…, p. 106-107. 395 Gerd Theissen, La religion des premiers chrétiens…, p. 115. 396 Ibid., p. 133.

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Par ailleurs, l’unanimité dont parle le verset ici est un caractère très important car le con-

texte social de l’époque nécessitait une collégialité afin d’affronter l’hostilité de

l’administration juive opposée au christianisme397.

Sans aucun doute, le christianisme primitif a rempli une fonction intégratrice

pour ses membres. Il nous faut cependant différencier. S’il offrait une intégra-

tion intensive à l’intérieur des petites communautés, il offrait une intégration

tout au plus sélective à l’égard de l’ensemble de la société. Certaines valeurs re-

ligieuses de la société (comme les cultes païens et la vénération de l’empereur)

sont délibérément rejetées, alors qu’en même temps certaines normes pratiques,

communes aux uns et aux autres, sont mises en valeur398.

En définitive, dans l’ensemble, ce qu'il faut retenir, c’est la communion fraternelle impor-

tante pour la dynamisation et l’implantation de l’Église.

V. 47 : Louange à Dieu

C’est un autre signe caractéristique d’intégration du groupe à savoir la prière, la louange au

Seigneur, bref une interpellation à la crainte de Dieu et à l’écoute de la Parole.

L’auteur des Actes insiste sur le fait que la communauté chrétienne de Jérusa-

lem est composée de « myriades de fidèles parmi les juifs, et tous sont

d’ardents partisans de la Loi » (Ac 21,20). Les premiers chrétiens selon Ac 1-5

vivent autour du Temple et se comprennent comme une part d’Israël, tout

comme Paul qui ne cesse de prouver son obéissance scrupuleuse à la Loi de

Moïse […]399.

Les valeurs qui se dégagent du passage, à savoir le partage, la diaconie, les bonnes relations

sociales, une saine économie et l’amour du prochain, constituent une force pour le renou-

vellement et la redynamisation des chrétiens entre eux et de la communauté dans son en-

semble.

Qu’en est-il d’Ac 4,32-37 ?

397 Daniel Marguerat, La première histoire du christianisme,… p. 254. 398 Gerd Theissen, Histoire sociale du christianisme primitif…, p. 274. 399 Daniel Marguerat, « Juifs et chrétiens selon Luc-Actes » dans Daniel Marguerat (dir.), Le déchirement :

juifs et chrétiens au premier siècle, Genève, 1996, p. 155.

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V. 32 : Union des biens

Ce verset présente la mise en commun des biens matériels des croyants. Ce que chacun

possède n’est pas pour lui seul, mais aussi pour les autres400. Il y a non seulement commu-

nion des cœurs et âmes, mais aussi communion des biens, une communion rapportée à

l’action du Saint-Esprit401.

V. 33 : Effet du Saint-Esprit

Le narrateur insiste sur l’action du Saint-Esprit et sur la foi des croyants, comme pour si-

gnaler que tout est grâce402. Ce qui est très important dans ce verset, c’est le témoignage en

la résurrection du Seigneur, gage de la foi chrétienne.

V. 34-35 : Apport libre des dons par les nantis

Ce verset fait référence à Dt 15,4 : Yahvé n’est pas un Dieu pauvre. Le Messie délivre donc

non seulement de la pauvreté spirituelle, mais aussi de l’indigence matérielle403. Ici, per-

sonne ne doit souffrir. Le texte invite à mettre en place une société où tous seraient au

même niveau social.

L’Église a besoin que des personnes nanties investissent librement leur argent et leurs ta-

lents dans la redynamisation de l’Église. La pauvreté n’est pas à encourager dans l’Église.

On dirait encore que le Dieu de Jésus-Christ n’est pas un Dieu de pauvreté, mais de ri-

chesse en tout point.

L’argent est donc indispensable, mais il ne doit pas constituer un moyen d’asservissement.

L’argent est présent dans le Nouveau Testament. Proportionnellement, on peut

même dire qu’il y occupe une place très importante. Dans l’enseignement qu’on

y trouve sur l’utilisation des richesses, apparaissent les éléments essentiels des

réflexions antérieures : reconnaissance de l’importance de l’argent et mise en

garde vis-à-vis des dangers qu’il peut représenter. La nouveauté vient de celui

400 Gerd Theissen, La religion des premiers chrétiens…, p. 115. 401 D. Marguerat, Les Actes des Apôtres (1-12)…, p. 169. 402 Ibid., p. 168-169. 403 Ibid., p. 170.

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qui livre cet enseignement : Jésus-Christ, le Fils de Dieu […]. Pas de vie sans

argent. L’argent est présent tout au long de la vie et du ministère de Jésus404.

Le souci de l’un doit être celui de l’autre. Le clivage social riche-pauvre est vaincu. D’où

les dimensions de l’amour, de l’humilité et de la charité chrétienne, des vertus incontour-

nables du christianisme primitif405. C’est là la pointe du message évangélique406.

V. 36-37 : Notion de modèle

Ici, Barnabé est à l’honneur. Il est considéré comme l’exemple à suivre. C’est lui qui a ven-

du son champ et a apporté le fruit de la vente aux apôtres. Comme son nom l’indique, fils

de « nabou » (« fils de consolation »), il deviendra un modèle central dans la propagation de

l’évangile. Le narrateur le choisit pour montrer un certain exemple de libéralité, de don et

du service407.

* * *

La terre et ses produits sont présentés dans la plupart des textes étudiés sous des formes

métaphoriques. Cette terre, c’est aussi la communauté chrétienne. Les messages de Mat-

thieu et de Luc sont destinés à la jeune communauté primitive qui se développe autour des

disciples. Il convient de signaler que le contexte social de l’époque a largement influencé le

développement du christianisme. Les différentes allusions à l’éthique de la terre

(Royaume), à l’éthique de l’argent (Luc 16), à l’éthique sociale et de vie (Ac 2 et 4) ne se

comprennent qu’en rapport au contexte social de l’empire romain. L’analyse socio-littéraire

a permis de comprendre le sens biblique de la terre et de la gestion des biens selon le con-

texte de l’époque.

Dans la perspective de la présente recherche, nous pouvons ressaisir les textes étudiés en

deux volets : d’une part, la situation vécue par rapport à la terre (les besoins) et, d’autre

404 P. Debergé, « L’argent dans la Bible… », p. 45. 405 Gerd Theissen, La religion des premiers chrétiens…, p. 114-11. 406 D. Marguerat, Les Actes des Apôtres (1-12)…, p. 171. 407 Ibid., p. 172.

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part, les pistes de solution. Premièrement, la terre est présentée sous sa forme sociale.

Quelques thèmes sont soulevés :

La terre comme lieu d’oppression, d’esclavage, de conflits, d’aveuglement, de souffrance,

bref de problèmes dans la société.

Les diverses paraboles illustrent ces propos de la situation sociale difficile par rapport à la

terre, et particulièrement dans la nouvelle communauté naissante. De manière métapho-

rique, le texte de Mt 13 permet de relire la période de l’Église naissante en évoquant le con-

texte social des premiers chrétiens issus du judaïsme. La société était déjà marquée par

nombre d’irrégularités sociales telles que l’égoïsme, la malhonnêteté (Lc 16), l’étouffement

(Mt 13), la privation de liberté, etc. La terre a-t-elle toujours été un objet de lutte ? Com-

ment donc Yahvé peut-il permettre ce genre de choses ? Le parcours de Jésus sur terre con-

tribue à corriger ces déviations.

Ce qui me conduit au deuxième volet de cette conclusion, à savoir les tentatives de résolu-

tion. Les mêmes textes présentent la terre de manière métaphorique comme lieu de paix.

La terre, don de Dieu, signe du Royaume

La terre est un don de Dieu, qui veut voir son peuple s’épanouir (Matt 13,24). Dieu confie

la terre à l’humain pour son développement, mais ce dernier est invité à se soumettre à cer-

taines exigences comme le respect de la loi de Dieu.

La terre, objet de respect de la loi de Dieu

Si cette terre est productrice de vie (Mt 13,18-23), elle doit nécessairement faire l’objet de

règles. Le respect de la loi s’impose (13,36-43). L’homme est invité à prendre conscience et

être responsable de ses actes.

La terre, objet de liberté et de prise de conscience

L’homme est libre sur la terre, libre d’obéir comme de désobéir, invité à reconnaitre le prix

à payer pour sa liberté. La terre est un objet précieux tout comme l’homme. La terre est une

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grâce tout comme l’homme est un don que Dieu façonne à partir de la terre pour

qu’ensemble, les deux ouvrages vivent et cohabitent harmonieusement.

La terre, lieu de communion fraternelle entre riches et pauvres

La terre et l’homme doivent cohabiter et se soutenir. La responsabilité de l’homme sur la

terre est ici encore soulevée. Non seulement l’homme ne doit-il pas exploiter abusivement

la terre, mais il ne doit pas exploiter son semblable. Il a vocation de fraternité, de diaconie,

d’entraide.

La terre, lieu d’égalité

En somme, si la terre est un don de Dieu, un équilibre est constamment à rechercher entre

l’homme et cette terre. L’homme a une responsabilité unique en tant que sujet pensant dans

un jeu dont la terre muette est l’enjeu et dont Dieu est l’arbitre. En tant que chrétien, il con-

vient de réfléchir de manière critique à ce sens de la terre, à ce don naturel de la terre pour

le bien de soi, de la paroisse ou de toute organisation.

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Chapitre 6. Le sens de la terre selon les paroissiens et les textes bibliques

Après l’analyse des verbatim des participants aux ateliers bibliques et l’analyse des textes

bibliques par la méthode socio-littéraire, j’ai pensé qu’il était opportun de faire une con-

frontation critique c'est-à-dire de mettre ces différentes analyses en relation pour y discer-

ner une Parole que le Seigneur voudrait adresser à son peuple. Pour cela, je me propose

d’utiliser une méthode proche de celle du théologien néerlandais Edward Schillebeeckx.

Cette approche consiste à voir ce qui pourrait unir la parole des hommes, leur vécu dans

leur milieu de vie, et la Parole de Dieu. J’essaierai d’abord d’expliquer cette approche de

corrélation critique telle que l’ont envisagée divers auteurs (1). J’expliquerai ensuite la cor-

rélation selon Schillebeeckx en particulier (2). Je confronterai enfin, de manière critique,

les thèmes issus des verbatim des participants et ceux qui se dégagent de mes analyses des

textes bibliques, en relevant les convergences (3) et les divergences (4), afin d’esquisser

une interprétation théologique d’ensemble (5).

1. La corrélation critique en général

Chez Paul Tillich, la compréhension de la théologie ne peut être séparée de l’expérience

humaine. La notion de Dieu telle que la présente la foi religieuse, doit être confrontée de

manière critique avec la pensée. C’est la raison pour laquelle devant l’affirmation de

Nietzsche sur la mort de Dieu par exemple, Tillich confronte cette affirmation avec ses

propres connaissances religieuses pour en dégager une nouvelle compréhension de Dieu408.

Il y a déjà ici l’idée d’une confrontation critique entre la réflexion d’une personne et la foi

religieuse. Pour Tillich, cette confrontation devrait aboutir à une meilleure connaissance de

Dieu plutôt que d’en rester à la thèse figée de Nietzsche. Le doute fait partie de la justifica-

tion de la foi.

Le doute, comme incertitude du salut concerne l’attitude de Dieu, le doute

comme incertitude de la vérité concerne l’existence de Dieu. Le premier pré-

suppose le second. Avec l’existence de Dieu, on pose une objectivité sur la-

408 Werner Schüssler, « Dieu est toujours vivant », dans Marc Dumas et François Nault et Lucien Pelletier

(dir), Théologie et culture. Hommages à Jean Richard, Saint-Nicolas (Québec), Les Presses de l’Université

Laval, 2004, p. 28.

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quelle il est possible de faire une affirmation. La certitude du salut au sens de la

justification présuppose la certitude de la vérité au sens de l’existence de

Dieu409.

La culture qui fait partie de l’existence humaine est en étroite relation avec les faits reli-

gieux. C’est la raison pour laquelle Tillich confronte la croyance religieuse avec la pensée

de l’homme dans sa culture, pour dégager une perspective qui lui permet de mieux com-

prendre Dieu ou renforcer sa foi en Dieu.

Jaspers et Tillich nous montrent une voie possible pour penser Dieu après

Nietzsche. La voie de Jaspers est, sans doute, cohérente, mais difficilement pra-

ticable pour un croyant, dans la mesure où dans ses prémisses il y a le refus

d’une foi fondée sur la révélation. Tillich nous propose un chemin, qui comme

je le crois, fait de la foi religieuse, même au XXIe siècle, quelque chose dont on

peut répondre devant la raison et qui s’accorde avec la liberté humaine. Au total

sa conception s’articule à une théologie de la culture ouverte sur l’avenir410.

D’ailleurs, pour Tillich, parler de la méthode de corrélation n’est que parler de la théologie

dans un cadre général où Dieu et l’homme se parlent réciproquement. Ce rapport entre Dieu

et l’homme s’actualise de manière concrète sur des acquis bibliques et sur le vécu de

l’homme (qui reçoit ces acquis)411. Ce qui veut encore dire qu’il y a un lien entre Dieu par

sa Parole et l’homme par et dans son vécu.

En d’autres termes, on ne peut pas séparer théologie et culture. Les deux vont de pair. Pour

Tillich, le rapport entre la Parole de Dieu et la parole des hommes est indispensable pour la

connaissance de Dieu.

Le mot « corrélation » s’utilise de trois manières. Il désigne soit la correspon-

dance de différentes séries de données, comme dans des courbes statistiques ;

soit l’interdépendance logique des concepts, comme dans les relations bipo-

laires ; soit l’indépendance réelle des choses et des événements dans des en-

sembles structuraux. Quand on utilise le terme en théologie, ces trois sens ont

tous des applications importantes. Il y a une corrélation, au sens de correspon-

dance, entre les symboles religieux et ce qu’ils symbolisent. Il y a une corréla-

tion, au sens logique, entre les concepts qui désignent l’humain et ceux qui dé-

signent le divin. Il y a une corrélation, au sens factuel, entre la préoccupation

409 Paul Tillich, Écrits théologiques allemands 1919-1931, Genève, Labor et Fides, 2012, p. 21. 410 Werner Schüssler, « Dieu est toujours vivant »..., p. 35. 411 Tillich, Théologie systématique. I, Introduction, raison et révélation, Paris, Cerf, 2000, p. 91.

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ultime de l’homme et ce qui le préoccupe ultimement. La corrélation au premier

sens renvoie au problème central de la connaissance religieuse […]. Au deu-

xième sens, elle détermine les affirmations sur Dieu et le monde […]. Au troi-

sième sens, elle qualifie la relation divino-humaine à l’intérieur de l’expérience

religieuse412.

Tillich accorde à la parole de l’homme une place aussi importante qu’à la Parole de Dieu. Il

se démarque de Barth, qui place la révélation au-dessus de tout entendement humain. Pour

Barth, Dieu est au-dessus de tout et c’est lui qui donne toute connaissance413.

À la suite de Tillich, Pierre Gisel trouve nécessaire la confrontation des questions théolo-

giques avec le monde d’aujourd’hui. La compréhension de Dieu suppose la compréhension

de ce monde414. Pour Gisel, parler de la théologie, c’est parler de la compréhension de Dieu

par les hommes à travers le prisme des cultures, ethnies, us et coutumes, contexte social,

politique et économique. D’où la confrontation critique de la croyance en Dieu et du

monde415. La religion concerne d’abord l’homme avant sa relation à Dieu. Le christianisme,

quant à lui, plonge ses racines dans une culture juive qu’on ne peut ignorer. D’où la néces-

sité, pour la théologie, d’être toujours en quête de compréhension des contextes socio-

culturels416.

Pierre Gisel se démarque de Karl Barth qui, hostile au courant protestant libéral, enfermait

la théologie dans un cercle restreint d’Église417. Pierre Gisel rejoint plutôt Troeltsch qui

associe théologie et culture dans une perspective moderne, même s’il ne fait pas allusion à

la critique. Troeltsch trouve important qu’il y ait une articulation entre le christianisme et

l’histoire dans laquelle le christianisme se définit et se comprend. On ne peut pas com-

prendre le christianisme sans plonger dans la culture juive ou romaine de l’époque418.

412 Ibid., p. 90. 413 Werner Schüssler, « Dieu est toujours vivant »..., p. 86. 414 Pierre Gisel, La théologie, Paris, PUF, 2007, p. 1-2. 415 Ibid., p. 2-3. 416 Ibid., p. 11. 417 Ibid., p. 19. 418 Ernst Troeltsch, Religion et histoire. Esquisses philosophiques et théologiques, Genève, Labor et Fides,

1990, p.14.

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148

En somme, pour Pierre Gisel, la théologie se comprendrait comme une réflexion critique

sur la médiation entre la connaissance de Dieu et le vécu de l’homme dans son environne-

ment social et culturel. Une confrontation critique de la parole des hommes et de la Parole

de Dieu s’avère importante pour la connaissance de Dieu et pour la foi chrétienne. « La foi,

en sa posture chrétienne, peut dès lors donner lieu à connaissance, la connaissance des

“mystères de Dieu”, qui est connaissance du cœur, via expérience et épreuve, et être objet

d’une connaissance, aussi vrai que l’humain comme tel y est engagé, voire transformé : il y

est en procès, et il y est exprimé419. »

Le théologien suisse Marc Donzé voit dans la corrélation un instrument clé de la théologie

pratique, qui doit articuler de manière critique la révélation, les Écritures et des exemples

quotidiens de pratiques dans l’Église.

La corrélation, appliquée à la théologie pratique consiste en ceci. À partir de

l’analyse de l’agir ecclésial dans le monde, il importe de réaliser une confronta-

tion critique réciproque avec des situations semblables ou parallèles de l’A.T.,

du N.T. et de l’histoire de l’Église […]. La corrélation est réciproque, en ce

sens que l’aujourd’hui pose des questions inédites ou nouvelles dans leur con-

texte et que l’Évangile et l’histoire gardent une fonction permanente

d’interpellation pour les réalisations de l’aujourd’hui420.

Marc Dumas offre une présentation synthétique de la corrélation critique dans le Précis de

théologie pratique. Il la présente comme une manière de faire le pont entre le vécu des per-

sonnes, leur manière de vivre, de faire et de penser, et leur manière de croire, leur doute,

leur témoignage ou leur confiance en Dieu. En ce sens, la théologie se verrait comme cette

science qui essaie de créer un pont entre une histoire vécue il y a de nombreuses années, à

une époque précise, en un ou des lieux précis, pour un peuple particulier, et les chrétiens

de nos jours dans un autre contexte. C’est cet effort de compréhension que font les théolo-

giens pour essayer de cerner les « deux mondes » et créer une certaine relation entre eux.

419 Pierre Gisel, « La généalogie de l’occident, lieu de l’exercice théologique aujourd’hui », dans Marc Du-

mas, François Nault et Lucien Pelletier (dir.), Théologie et culture. Hommages à Jean Richard, Saint-Nicolas

(Québec), Les Presses de l’Université Laval, 2004, p. 66. 420 Marc Donzé, « La théologie pratique entre corrélation et prophétie », dans J.-B. Dupont et P. Gisel (dir.),

Pratique et théologie, Genève, Labor et Fides, p. 189.

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149

Les théologiens et théologiennes sont du monde (ils ont de fait les pieds sur un

terrain précis et en un temps déterminé, ils usent d’outils conceptuels propres à leur époque et s’inscrivent dans des horizons référentiels particuliers à leur

temps) et pas du monde (ils investissent leur vie et leur intelligence au service

d’une Parole donnée, d’une foi transmise et expérimentée, d’une communauté rassemblée autour de la présence spirituelle du Ressuscité et ils cherchent ainsi

à transformer le monde). Ils cheminent avec des deux jeux de langage : celui de

la raison et celui de la foi en Dieu, un au-delà de la raison, un se-tenir-debout-

devant-Dieu. Le second jeu est aujourd’hui souvent perçu par le premier

comme irrationnel et simplement émotif. Les théologiens et théologiennes doi-

vent inventer un jeu transgressif de l’un et de l’autre tout en les liant l’un

l’autre421.

Du côté protestant, on trouve dès Schleiermacher la recherche d’un pont entre théologie et

vécu existentiel. On trouve également des réserves qui portent sur la transcendance de Dieu

et l’importance de la respecter, comme chez Karl Barth422.

Élisabeth Parmentier se penche sur l’idée de corrélation dans le cadre de la théologie pra-

tique. Cette corrélation permet une herméneutique entre la théologie et le vécu de l’homme.

Il s’agit d’étudier une pratique d’Église en rapport avec la Parole de Dieu ou les textes fon-

damentaux des Églises423. Parmentier retrace l’évolution de cette idée de corrélation. Tout

part des fondateurs comme Paul Tillich du côté réformé et Edward Schillebeeckx du côté

catholique. Ces deux théologiens reconnaissent l’importance dans la théologie de la place

du savoir, de la civilisation, du monde dans lequel les gens vivent. Chez Tillich, Dieu vient

à la rencontre de l’homme pour l’aider à trouver des solutions dans son milieu. Schille-

beeckx se démarque de Tillich en pensant qu’il faut étudier la Parole de Dieu et la manière

dont l’homme l’actualise, afin d’établir de manière critique le pont entre le vécu de

l’homme et le vécu biblique424. C’est dans cette foulée que plusieurs théologiens vont

s’inscrire. Laurent Gagnebin envisage une « corrélation triangulaire » mettant en jeu « Écri-

421 Marc Dumas, « Corrélation Tillich et Schillebeeckx », dans Gilles Routhier et Marcel Viau (dir.), Précis

de théologie pratique, Bruxelles, Lumen Vitae, 2007, p. 71. 422 Ibid., p. 72. 423 Élisabeth Parmentier, « La corrélation. Des modèles, leurs chances et leurs limites » dans Élisabeth Par-

mentier (dir.), La théologie pratique. Analyses et prospectives, Strasbourg, Presses universitaires de Stras-

bourg, 2008, p. 69-70. 424 Ibid., p. 70-72.

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tures, Enseignements ecclésiaux et expériences vécues425 ». Jean Ansaldi représente la dé-

marche comme l’intersection de trois cercles : la manière d’expression de la foi, le discours

sur Dieu et la Parole de Dieu426. Gerd Theissen, expert des analyses socio-historiques de

l’Église naissante, parle à son tour de trois éléments à considérer : les sujets écrits, les cou-

tumes et la morale, ces indices historiques s’avérant indispensables pour les pratiques

d’hier et celles d’aujourd’hui. La corrélation chez Gerd Theissen, c’est cette articulation

entre le monde biblique historique et le monde chrétien d’aujourd’hui avec pour point de

rencontre l’éthique, les gens d’aujourd’hui manifestant peu d’intérêt pour les questions liées

à l’Église427.

Parmentier estime qu’il appartient de nos jours à la théologie d’étudier comment la question

de Dieu devrait susciter l'intérêt des personnes. Les théologiens doivent intégrer dans leurs

études toutes les disciplines y afférentes afin de mieux comprendre le monde qui les en-

toure. La Parole de Dieu devrait être articulée avec les différents savoirs afin de répondre

aux questions que les hommes se posent aujourd’hui. La théologie pratique est donc au

point de rencontre de toutes ces disciplines428.

2. La corrélation critique chez Edward Schillebeeckx

Schillebeekx associe la révélation à la parole de l’homme. Le message de Dieu est destiné à

l’homme qui le reçoit, tel qu’il est, avec son milieu, sa manière de faire et de comprendre.

L’homme reçoit cette Parole en toute liberté dans l’histoire qui lui est propre. L’histoire et

la liberté de l’homme sont inséparables de la Parole de Dieu429. Faire de la théologie serait

donc établir un lien entre cette Parole de Dieu, révélation du salut, et la parole des hommes

dans leur vécu.

La sortie d’Égypte, par exemple, possède une signification de salut comme

événement profane et non seulement dans la réflexion des pieux. Cet exode,

comme événement historique, est un acte sauveur de Dieu : une révélation du

425 Ibid., p. 73. 426 Ibid., p. 74. 427 Ibid., p. 77-79. 428 Ibid., p. 81-86. 429 E. Schillebeeckx, Révélation et théologie, Bruxelles, Éditions du Cep, 1965, p. 10.

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salut. Mais cet acte sauveur ne pénètre effectivement notre historicité (cons-

ciente, réflexe) que dans et par la parole. Yahvé dit à Moïse : « j’ai vu la misère

de mon peuple qui réside en Égypte […]. C’est par cette parole que l’acte sau-

veur, la révélation de Dieu dans le fait historique, devient formellement révéla-

tion pour nous. C’est pourquoi l’action de salut (la révélation-événement) et la

parole (la révélation-parole) sont indissolublement liées dans l’unique concept

de la révélation : elles forment les parties constitutives essentielles de l’unique

révélation de Dieu430.

Le rôle de la théologie serait donc de clarifier de manière critique la façon par laquelle Dieu

adresse son message de salut et la façon par laquelle l’homme le reçoit, l’applique dans son

milieu et son histoire431.

Schillebeekx voit dans la corrélation critique une méthode indispensable pour établir un

pont entre le monde d’aujourd’hui et les témoignages anciens rendus à la Parole de Dieu.

Pour réussir à établir de manière correcte ce pont, il faut recourir de manière critique à des

disciplines telles que l’exégèse des Écritures432. Mais ce faisant, il faut réaliser que notre

monde d’aujourd’hui est différent de celui des prophètes ou celui des premiers chrétiens.

Les questions qui se posaient à l’époque de l’Ancien ou du Nouveau Testament ne sont

plus les mêmes aujourd’hui. La question s’est posée au 19ème siècle; elle a encore évolué au

20ème siècle433. Il s’agit de rendre la Parole de Dieu actuelle434. La Parole de Dieu doit re-

joindre l’homme là où il se trouve; c’est aussi la signification de la grâce de Dieu. Dieu

vient à la rencontre de l’homme dans son état, dans sa foi ou conviction et dans ses pra-

tiques. L’homme dans son milieu expérimente les fruits de cette grâce reçue435. « La nou-

veauté absolue du christianisme consiste, nous l’avons dit, dans le fait que Dieu lui-même

s’est inséré dans notre ordre ou plutôt désordre terrestre mondain436. »

Ici, deux niveaux apparaissent : celui de Dieu qui vient à la rencontre de l’homme et celui

de l’homme lui-même dans sa liberté et ses manières de croire437. La corrélation critique

430Ibid., p. 13. 431 Ibid., p. 95. 432 Ibid., p. 155. 433 E. Schillebeeckx, Approches théologiques. Le monde et l’église, Bruxelles, Éditions du cep, 1967, p. 64. 434 E. Schillebeeckx, Révélation et théologie…, p. 149. 435 Ibid., p. 143. 436 Ibid., p. 71. 437 Ibid., p. 74.

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cherche précisément à articuler la liberté de l’homme et la Parole de Dieu. Elle cherche à

voir comment Dieu parle en utilisant l’homme dans son vécu, comment la voix de Dieu

s’adresse à l’homme par l’homme. Elle opère une jointure entre le vécu contemporain et la

tradition biblique. Chaque vécu est indépendant, mais les deux vécus peuvent

s’entrecroiser, avoir des points communs et des points contraires.

Ce dont il s’agit en réalité, c’est bien plutôt d’étaler une corrélation critique

[…]. Une telle corrélation exige :

– une analyse du monde de notre expérience aujourd’hui ;

– une mise à jour des structures constantes de l’expérience chrétienne fon-

damentale dont parlent le Nouveau Testament et la tradition d’expérience

chrétienne postérieure ;

– la mise en relation, sur un mode critique, de ces deux sources.

Car les éléments bibliques devront structurer les expériences actuelles des chré-

tiens, tout comme ils ont structuré chrétiennement le monde qui était celui des

différents auteurs bibliques438.

Le travail du théologien consiste dès lors à respecter les deux périmètres, chacun dans son

indépendance, et à rechercher la jonction critique entre eux (points communs, éléments de

différenciation, pistes de sens). C’est un tel travail que je souhaite opérer ici, dans les sec-

tions suivantes.

3. Points de convergence entre les thèmes des participants et mon étude des textes bi-

bliques

3.1 Deutéronome 8

3.1.1 La terre, don de Dieu

À propos de Dt 8, il est ressorti clairement de l’analyse des verbatim que la terre est un don

de Dieu. Les participants à la séance 1, par exemple, ont bien dégagé ce thème. L’analyse

socio-littéraire aussi en a fait un thème majeur. Les participants y ont vu une invitation au

travail et au développement de la paroisse, ce que j’ai également mentionné comme actuali-

438 E. Schillebeeckx, Expérience humaine et foi en Jésus-Christ, Paris, Cerf, 1981, p. 51-52.

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sation dans l’analyse socio-littéraire de Dt 8. Les participants à la séance 2 ont vu en ce

texte de Dt 8 leur propre situation; comme le peuple hébreu, ils sont appelés à respecter la

loi de Dieu afin de profiter de leur terre. Sans faire d’exégèse scientifique, les participants

aux séances 1, 2, 3 et 4 ont lié le texte à leur contexte précis, ce qui est remarquable pour

une petite communauté rurale comme celle de Mbouo-Ngwinké.

3.1.2 La terre, milieu et image de l’homme

Ici, les participants aux séances 1, 2, 3 et 4 se sont identifiés à la terre. Ils ont largement fait

écho à l’homme formé de la terre et qui s’attache à la terre, ce que j’ai également ressorti

dans l’analyse socio-littéraire. Lié à sa terre, fait de la terre, l’homme ne peut se séparer de

la terre. La terre est le milieu que Dieu accorde à l’homme.

3.1.3 La terre, lieu de bénédiction, objet de développement paroissial

En traitant de Dt 8, les participants à toutes les séances d’ateliers bibliques ont comparé la

riche terre du peuple hébreu à leur propre terre. Cette actualisation est revenue de temps en

temps, tout comme dans la partie actualisation de ma propre étude du texte. Les participants

ont dénoncé le fait que leur paroisse soit riche en terres comme Canaan et qu’ils n’arrivent

pourtant pas à se développer. Ils ont posé le problème de la désobéissance à la parole de

Dieu alors que la terre pourrait être un acteur de développement.

La terre est donc cette matière arable dont est formé l’homme, cette substance vitale qui

contient le souffle de Dieu, cette terre que Dieu donne. C’est la vie, car elle est constituée

de sources et elle donne des semences. Elle est un lieu de reproduction. Elle doit être bien

conservée afin de ne pas se transformer en désert, en un lieu où il ne fait pas bon vivre. Elle

constitue enfin un trésor, une matière indispensable à la vie.

Quand elle est respectée, la bonne terre produit des récoltes, de bons fruits issus du travail

de l’homme, qui sont aussi les fruits de la bénédiction que l'homme reçoit de Dieu. Elle

représente une grâce. Il suffit de bien respecter la loi de Dieu pour que la terre donne des

fruits physiques et spirituels. Tout croyant doit ainsi respecter la loi de Dieu et la terre.

Telle est aussi la tâche du pasteur : avoir la foi et dire merci à Dieu pour son don de la terre.

La fidélité à Dieu et à la terre s’exprime en la cultivant, en la gardant et en ne l’exploitant

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pas abusivement. Il y a donc des liens essentiels entre le respect de Dieu, le respect de la

terre, le respect des humains et la vie communautaire.

Il a ainsi été question de l’amour de Dieu pour l’homme, de la terre en préfiguration du

royaume, et du développement total de l’homme. Il ressort des analyses : une dimension

ecclésiologique articulée autour du développement de la terre par des projets rentables; une

dimension socioreligieuse invitant au travail et une dimension socio-anthropologique liant

étroitement l’homme à la terre.

3.2 Deutéronome 26

3.2.1 La bénédiction de la terre, une invitation au remerciement

Les participants aux ateliers bibliques des séances 1, 4 et 5 ont largement commenté ce

texte. La situation d’oppression et de désespoir du peuple hébreu a fortement marqué

l’ensemble des participants. Ils se sont identifiés à ce peuple hébreu errant et ne sachant pas

où il aboutira.

Il a été largement question de dîme et de partage. Il a été fait référence aux anciens d’Église

qui ne partagent pas ce qu’ils ont, et aux paroissiens qui ne déclarent pas la vraie valeur de

leurs récoltes à Dieu. Les participants à la séance 1 ont largement fait écho à cette dimen-

sion communautaire de la dîme, à la dimension sociale, à la pauvreté de la paroisse qui fait

écho à la pauvreté des Hébreux.

Le don de la dîme a été aussi compris comme une conséquence du don de la terre, donc un

appel.

Les participants ont également évoqué une éthique du don, en référence à la qualité de ce

que l’on donne à Dieu. L’exemple du lévite a été compris comme celui du pasteur qui re-

çoit les dimes lors de la fête des récoltes. La gestuelle dont le narrateur parle dans Dt 26 a

été bien perçue par les participants des séances 4 et 5, qui ont fait une comparaison avec

certains qui déclarent la vraie valeur des dons et d’autres qui ne déclarent pas la vraie va-

leur de l’argent reçu des ventes des terres. Les terres ne doivent pas être vendues, mais ex-

ploitées à des fins lucratives. Chacun est invité au respect de la loi.

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3.2.2 Le respect d’autrui

Les échanges autour de Dt 26 ont permis aux paroissiens de voir qu’à l’époque du peuple

hébreu, il existait plusieurs couches sociales, des riches et des pauvres. Il y avait une exi-

gence d’amour envers les pauvres, les veuves, les orphelins, bref les marginalisés de la so-

ciété. Le respect d’autrui et l’amour du prochain, qui est la loi de Dieu, sont donc requis. La

notion d’égalité homme-homme et homme-femme a également été largement énoncée.

3.3 Dt 28

Les participants aux séances d’ateliers bibliques ont relevé de ce texte que la terre est une

bénédiction, mais qu’elle peut aussi être sujet de malédiction dans la société. La terre n’est

donc source de bénédiction que si la loi est respectée. La terre est pourtant un don, une ri-

chesse; Dieu donne une bonne terre aux humains pour que ces derniers s’épanouissent. Ils

doivent la cultiver, l’enrichir afin qu’elle produise de bons fruits, qui ne sont pas seulement

les fruits des récoltes, mais aussi des fruits d’ordre spirituel. La terre est donc une manne,

une grâce de Dieu à condition de bien s’en servir.

En cas de désobéissance, la terre devient un lieu de conflit, de guerre, de mésentente et de

contre- témoignage. Selon les paroissiens, si la paroisse de Mbouo a des soucis, c’est à

cause du non-respect de la Parole de Dieu. La mésentente et l’exploitation abusive des res-

sources de Mbouo est pour les paroissiens la résultante de la malédiction due au manque de

respect envers la Parole. Ce qui est frappant dans le raisonnement des paroissiens, c’est que

tous ceux qui s’enrichissent de la sorte seront sévèrement punis par Dieu. D’où cette inter-

pellation à la foi et à la dignité chrétienne. Notre rôle par rapport à la terre est donc de res-

pecter la loi de Dieu afin d’hériter d’une bonne terre et d’être richement béni.

3.4 Matthieu 13

Lors des séances d’ateliers bibliques, les paroissiens ont largement commenté les paraboles.

La terre est lieu d’accueil, d’agriculture. Le désert est une terre aride qu’il ne fait pas bon

cultiver. La semence est cette graine qui permet de germer et de récolter. C’est la source de

vie sur terre. La terre est donc un lieu de germination, un lieu vital où on ne devrait pas

faire n’importe quoi. Les récoltes sont les fruits de la terre, issus du travail de l’homme et

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de la bénédiction de Dieu. Elles font la joie de l’homme et sont un objet de remerciement à

Dieu. Cette terre est donc un trésor, tout comme une perle, c'est-à-dire quelque chose de

sérieux, de précieux, et une ressource indispensable à la vie. D’où l’interpellation à bien

utiliser la terre, à la préserver, à lutter contre sa dégradation.

Pour que la terre porte des fruits, l’homme est donc invité non seulement au travail, mais

aussi à l’obéissance à la loi de Dieu, à la mise en application de ce que Dieu nous dit à tra-

vers sa parole et à travers les hommes avec qui nous vivons sur la terre. Les participants

aux ateliers bibliques ont reconnu dans les paraboles la paroisse de Mbouo : la terre est un

lieu de vie, un lieu de partage et de vivre ensemble où cohabitent toutes les diversités so-

ciales (les bons et les mauvais). C’est un lieu d’accueil, de vie en abondance, d’acceptation

de l’autre.

Les paroissiens des séances 4 et 5 ont reconnu dans le texte un peuple rural qui vit de

l’agriculture et de l’élevage. Ce qui a été très frappant, c’est la signification du texte qu’ils

ont donnée. Au sujet du mauvais grain, il a été clairement dit que les paroissiens doivent

vivre ensemble pour respecter la loi de Dieu. Le respect dû à la dignité humaine a été clai-

rement énoncé. La terre est apparue à la fois comme un lieu de réussite et de difficultés, un

lieu de vie, un lieu d’écoute de la Parole, un lieu de repentance et de pardon. Dieu a le der-

nier mot, le jugement lui appartient et non aux hommes.

3.5 Luc 16

Les participants aux séances d’ateliers 4, 5 et 6 ont relevé l’existence sociologique des

classes sociales mentionnées dans Luc 16. Les exemples de l’économe infidèle et du riche

en sont des illustrations. Les participants ont vu dans les allusions des textes à la malhonnê-

teté, au vol, au détournement et au faux témoignage des évocations de leur propre vécu où

les anciens d’église pillent les fonds de la paroisse en complicité avec certains pasteurs. La

mauvaise gestion des fonds de l’église a été réprouvée. Tout ceci baignant dans un contexte

de pauvreté massive. Le respect de la loi de Dieu a été clairement énoncé. La lutte contre

ces maux qui minent l’église a été souhaitée. L’appel au changement de mentalité et la ré-

vision des vocations pastorales sont autant de pistes soulevées.

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La notion que je qualifierai « d’alliés » a également été soulignée car l’économe infidèle

s’est constitué une forme de « syndicat » en négociant avec les débiteurs du régisseur. La

dimension éthique a été clairement énoncée. Les paroissiens de la séance 6 ont évoqué ces

aspects théologiques de l’éthique de l’argent, de l’identité chrétienne, du respect de la loi de

Dieu, de la théologie de la grâce et de la spiritualité, ce que j’ai également relevé dans ma

lecture rapprochée de Luc 16. Eux et moi en avons appelé au changement de mentalité et

au retour aux sources, à savoir la Parole.

3.6 Actes 2,42-47 et Actes 4,32-37

Les participants aux séances 4, 5, et 6 ont largement commenté ces textes sur l’éthique de

l’argent et l’éthique spirituelle. Ils ont compris les raisons pour lesquelles les premières

communautés chrétiennes étaient obligées de rassembler leurs fonds pour l’édification de

l’Église. Ils sont passés à leur propre situation de Mbouo-Ngwinké où ils ont été largement

interpellés. La notion du développement de la paroisse a été clairement exprimée. Les ques-

tions du vivre ensemble, de la vente des terres individuelles pour l’Église, du don de soi, de

l’amour, de l’humilité, du changement de mentalité, de l’éthique de l’argent et de la bonne

gestion sont autant d’aspects théologiques qui sont ressortis tant des verbatim que de mon

exégèse.

Les participants à la séance 6 ont bien signifié que le contexte biblique était le même que le

contexte de Mbouo, à savoir la pauvreté collective. Alors, comme aujourd’hui, il faut unir

les forces et les cœurs. La terre est donc un milieu de vie en symbiose, de vie partagée, où

l’aide, la diaconie et le vivre ensemble sont aussi importants que les commandements de

Dieu. La notion de partage, d’abondance et de fidélité à Dieu sont autant de thèmes qualifi-

catifs de la terre.

La terre est un don de Dieu, un don de vie, un appel à vivre ensemble. Le rôle du pasteur

comme celui de tout chrétien est d’adhérer à cette vie communautaire afin de produire des

fruits pas seulement matériels, mais également de foi. Le devoir de l’homme sur la terre est

de vivre en reflet de Dieu qui l’a créé à son image. Le développement paroissial des pre-

mières communautés chrétiennes interpelle la paroisse de Mbouo pour que, malgré son âge,

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elle se comporte comme une jeune communauté et se renouvelle tant sur le plan spirituel

qu’économique.

4. Points de divergence entre les verbatim et mon analyse socio-littéraire des textes

4.1 Distanciation entre l’exégèse et les verbatim

Il s’agit dans cette partie de voir ce que l’exégèse ajoute à la compréhension de la terre et

que les verbatim n’ont pas révélé.

Par rapport à Deutéronome 8, l’exégèse donne accès à une multiplicité de sens en ce qui a

trait à la terre, au désert, aux pierres, à la semence et à la récolte. Les étymologies permet-

tent de mieux comprendre les différents constituants de la terre, tandis que les verbatim des

participants se sont souvent limités à une compréhension superficielle de ces mots. À titre

d’exemple, la terre est un constituant du globe; en même temps, c’est le sol, un constituant

vital; c’est même la vie car elle est indissociable de l’homme. Les verbatim ont simplement

rapporté la terre à l’homme et relevé le fait que la terre doit être cultivée et protégée.

Par rapport à Dt 26 et aux autres textes, le contexte narratif, la structure du texte et la di-

mension sociologique sont autant d’aspects que l’exégèse socio-littéraire a démontrés et qui

a échappé aux paroissiens, qui s’en sont tenus à une compréhension générale. L’étude des

intrigues narratives de Dt 26 et Luc 16 permettent ainsi de voir comment le narrateur cons-

truit ses idées.

Il ne s’agit évidemment pas ici de critiquer ce que les paroissiens n’ont pas pu faire en rai-

son de leur formation et de leur niveau de vie. Leur manière de voir le texte a été remar-

quable. Mais ils s’en sont tenus en général à une lecture presque littérale et à l’actualisation

des textes par rapport à leur propre situation.

4.2 Distanciation entre les verbatim et l’exégèse

Ceci dit, des points de leur compréhension ont permis d’aller au-delà de ce que l’exégèse

des seuls textes pouvait souligner. Il y a d’abord l’importance du rôle de la femme pour le

développement et le respect de sa dignité. Ici, les verbatim ont bien relevé que ce sont les

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femmes qui sont les premières à cultiver la terre. Ce sont elles qui savent cultiver et qui

nourrissent leurs familles. Ces femmes sont laissées à elles-mêmes alors que les différents

textes bibliques étudiés montrent que l’humain (homme ou femme) est une créature de

Dieu, issu de la terre. La femme devrait être respectée tout comme l’homme.

Les échanges ont également permis l’association intertextuelle. Les participants ont sponta-

nément évoqué d’autres textes pour étayer les notions de communion fraternelle, de par-

tage, d’accueil, de fidélité à Dieu et à la terre : Jean 2,13 ; Psaume 23; Actes 5. Ces textes

répondent à la situation de contre-témoignage vécue dans la paroisse. Le cas d’Ananias et

de Saphira (Actes 5) est un bel exemple.

Un point capital que l’exégèse n’a pas pu relever concerne les besoins matériels comme les

fertilisants et la mécanisation poussée. Les participants ont estimé que les textes bibliques

évoquaient de manière sous-jacente ces outils. La paroisse de Mbouo-Ngwinké en a besoin.

Dieu ne donne pas seulement la terre, mais donne aussi les moyens pour exploiter la terre.

À travers ce que Dieu donne, l’homme peut entrevoir ce que Dieu pourrait faire et lui pré-

senter ses doléances. Elles concerneront la coopération, le partenariat économique, l’aide

extérieure et les relations internationales. Les verbatim complètent donc l’exégèse en ce

sens.

Enfin, les participants ont déterminé le rôle du pasteur dans les paroisses, à savoir un rôle

d’animateur rural, de développement rural, de formateur. En plus de sa tâche spirituelle, le

pasteur devrait être un homme à la formation pastorale pluridimensionnelle, soucieuse du

développement holistique de l’homme. Il y a là une perspective importante pour les insti-

tuts de formation des pasteurs.

Les réflexions des participants n’ont pu qu’être inspirées par le Seigneur, à travers et par-

delà la Bible, en offrant des pistes de solution aux problèmes des terres et de la pauvreté de

la paroisse.

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5. Interprétation théologique d’ensemble

L’étude précédente des analogies et des différences entre l’analyse des verbatim et mon

analyse socio-littéraire des textes m’amènent à m’interroger sur des points théologiques qui

méritent une attention particulière.

5.1 La terre et la grâce de Dieu

Le peuple hébreu n’a rien fait pour mériter la terre. Dieu la lui a confiée gratuitement. C’est

le résultat d’une promesse faite aux pères et l’objet d’une alliance. Mais cette grâce mérite

d’être entretenue par le respect des commandements. Dietrich Bonhoeffer parle en ce sens

d’une « grâce qui coûte » ou qui n’est pas « bon marché ».

La grâce qui coûte, c’est le trésor caché dans le champ : à cause de lui,

l’homme va et vend joyeusement tout ce qu’il a ; c’est la perle de grand prix :

pour l’acquérir, le marchand abandonne tous ses biens ; c’est la royauté du

Christ : à cause d’elle, l’homme s’arrache l’œil qui est pour lui une occasion de

chute; c’est l’appel de Jésus-Christ : l’entendant, le disciple abandonne ses fi-

lets et le suit. La grâce qui coûte, c’est l’Évangile qu’il faut toujours chercher à nouveau, c’est le don pour lequel il faut prier, c’est la porte à laquelle il faut

frapper439.

La terre est donc un objet de grand prix. Elle pardonne l’homme de ses fautes. Elle invite

l’homme à être un ami de Jésus. Elle coûte parce qu’elle est la vie440. La négligence de la

terre serait fatale pour l’homme, d’où l’appel à la vigilance et à l’obéissance à la Parole de

Dieu.

Par ailleurs, la terre est à la fois objet de bénédiction divine et source de problèmes sociaux.

D’une part, elle est un objet de bénédiction divine par sa richesse diversifiée considérée

comme une grâce. Ceci nous fait penser à la volonté de Dieu de sauver son peuple et à son

amour incommensurable depuis la création jusqu'à la chute de l'homme. « En dépit du tort

considérable porté à la création par l'irresponsabilité humaine. Dieu ne se désintéressera pas

de notre sort, même si son jugement s'exerce parfois de manière implacable, telle la sortie

439 Dietrich Bonhoeffer, Vivre en disciple (le prix de la grâce), Genève, Labor et Fides, 2009, p. 25. 440 Ibid.

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d'éden ou le déluge... Dieu honore de même la foi persévérante d'Abraham par une alliance

et des promesses formelles441. » D’autre part, cette terre, objet de la bénédiction divine, est

aussi source de problèmes tels que des conflits familiaux, régionaux, ethniques, voire inter-

nationaux.

Je considère que l’identité et le patriotisme contribuent à ces conflits. Pour le peuple hé-

breu, la terre de Canaan, c'est son identité, c'est le peuple lui-même. Ils sont liés, ils sont «

un ». C'est d'elle que Dieu l'a formé. (Gn. 2,7). C'est le lieu d'une grande bénédiction, d'où

l'idée de patriotisme. En Afrique, la terre natale est aussi la terre des ancêtres où l'on doit

être enterré. Gn 49,29-33 nous montre que Jacob sera enterré dans le pays où ses pères fu-

rent enterrés; c'est aussi le lieu des funérailles (Gn 50, 1-10). Chez les Bamiléké, chacun

n'est enterré que dans son village. Les morts sont transportés vers les demeures ancestrales.

Il en est de même des lieux de funérailles, des lieux de culte d'action de grâce, etc. Nous

pensons qu’il en est de même dans la plupart des cultures, mêmes occidentales. L'identité et

le patrimoine sont les mobiles des querelles autour du maintien de la terre, même si quel-

quefois l’intérêt économique prédomine. Martin Noth pense que, pour Israël, la fertilité du

sol fut l'une des causes des conflits avec ses voisins442. La terre pour le peuple hébreu a une

valeur d'identité et de patriotisme; elle représente la promesse de Dieu faite à Abraham, et

donc la terre des ancêtres.

5.2 La terre entre don, responsabilité et acceptation

Tout au long de l’étude, la terre a eu comme sens premier le don. Ce don d’origine provi-

dentielle est le fruit de la bonté de Dieu. Les textes bibliques indiquent que pour mériter

une bonne terre, il faut respecter les commandements de Dieu. En ce sens, la terre constitue

une bénédiction; dans le cas contraire, une malédiction. Le don est conditionné à

l’obéissance. L’homme semble être dans une contrainte. C’est ici que surgit la notion

d’alliance, où le don nécessite une contrepartie.

441 Secaar, L’Église et l’animation rurale, Abidjan, Éd. Secaar, 1993, p. 3. 442 M. Noth, Histoire d’Israël, Paris, Payot, 1970, p. 51.

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Cette idée rejoint celle de l’ethnologue Marcel Mauss qui voit dans le don une obligation de

rendre d’une autre manière. Pour Marcel Mauss, il est hors de question que le don soit à

sens unique. Dans la plupart des civilisations qu’il a étudiées, il constate que l’essence du

don réside dans l’obligation de donner et l’obligation de recevoir.

Il reste pour comprendre complètement l’institution de la prestation totale et du

polatch, à chercher l’explication des deux autres moments qui sont complémen-

taires de celui-là ; car la prestation totale n’emporte pas seulement l’obligation

de rendre les cadeaux reçus ; mais elle en suppose deux autres importantes :

obligation d’en faire, d’une part, obligation d’en recevoir, de l’autre. La théorie

complète de ces trois obligations, de ces trois thèmes du même complexus,

donnerait l’explication fondamentale satisfaisante de cette forme du contrat

entre clans polynésiens443.

On peut donc comprendre que, sur le plan éthique, une société ne peut se fonder sur un don

à sens unique. Le danger serait d’avoir une partie qui ne fait que donner et une autre partie

qui sera toujours dans l’attente de recevoir. Il serait possible de tomber dans les pièges de la

paresse et de la mendicité qui ne sont pas acceptables dans la société.

De même, dans la Bible, le contre-don apparaît sous la forme de l’obéissance et sous celle

de la justice. Les trois nécessités citées par Marcel Mauss paraissent très importantes

comme réalités de la vie : « donner, recevoir, rendre444 ». S’il faudrait actualiser ces trois

choses dans le cadre chrétien, on dirait que Dieu donne la terre à l’homme par grâce, que

l’homme la reçoit en toute liberté, et qu’il la lui rend indirectement en servant avec fidélité

et équité ses semblables avec qui il habite la terre. Du point de vue éthique, cette logique,

respectée, amènerait à une bonne vie sur la terre où chacun apporterait sa contribution. Il y

aurait une certaine justice. Ceci pointe vers la socialisation de la société, vers le rôle des

coopératives, des assurances et des mutualités, bref vers des politiques sociales.

Toute notre législation d’assurance sociale, ce socialisme d’État déjà réalisé,

s’inspire du principe suivant : le travailleur a donné sa vie et son labeur à la col-

lectivité d’une part, à ses patrons d’autre part, et, s’il doit collaborer à l’œuvre

d’assurance, ceux qui ont bénéficié de ses services ne sont pas quittes envers lui

avec le paiement du salaire, et l’État lui-même, représentant la communauté, lui

443 Marcel Mauss, Essai sur le don, Paris, PUF, 2007, p. 87. 444 Ibid., p. 147.

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doit, avec ses patrons et avec son concours à lui, une certaine sécurité dans la

vie, contre le chômage, contre la maladie, contre la vieillesse, la mort445.

Cette idée développée par Mauss s’accorde facilement avec le christianisme.

Pour revenir à la notion du don de la terre, il y va donc de la responsabilité de l’homme

d’obéir à Dieu en retour, en exécutant ses règles : bien entretenir la terre, en partager les

fruits, vivre en harmonie avec ses frères et sœurs. Tous ces exemples entrent dans le cadre

du don en retour, à savoir l’obéissance à la loi de Dieu. Le danger ici, c’est de concevoir ce

contre-don comme une obligation, voire une condamnation à obéir face à la toute-puissance

de Dieu. Ce qui est aussi important dans cette relation éthique, c’est la liberté de l’homme.

En somme, le don de la terre ouvre sur la perspective éthique de la responsabilité de

l’homme qui doit recevoir et rendre. Accepter le don de la terre, c’est se responsabiliser

dans la vie de tous les jours, en communauté. Cette idée est valable pour toutes les reli-

gions. Mauss lui-même l’évoque en évoquant la Sourate LXIV qui invite à l’aumône et

promet la reconnaissance de Dieu :

Remplacez le nom d’Allah par celui de la société et celui du groupe profession-

nel ou additionnez les trois noms, si vous êtes religieux ; remplacez le concept

d’aumône par celui de coopération, d’un travail, d’une prestation faite en vue

d’autrui : vous aurez une assez bonne idée de l’art économique qui est en voie

d’enchantement laborieux. On le voit déjà fonctionner dans certains groupe-

ments économiques, et dans les cœurs des masses qui ont, bien souvent, mieux

que leurs dirigeants, le sens de leurs intérêts, de l’intérêt commun446.

Il faudrait remarquer que cette thèse de Mauss sur le don a bien évolué au fil du temps. Des

auteurs comme Jacques Godbout ont réfléchi à cet essai sur le don de Mauss. La réflexion

de Godbout porte sur le don qui n’attend pas de retour. Où est le sens du don si ce n’est pas

d’attendre quelque chose en retour ? Est-ce le vrai don ? N’y a-t-il pas une volonté de récu-

pérer ce que l’on a donné ? Si tel est le cas, peut-on parler d’un don puisqu’on l’a récupéré

d’une manière ou d’une autre?

445 Ibid., p. 223. 446 Ibid., p. 239.

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Par ailleurs, le fait de donner dans le but d’aider a permis que des hommes s’enrichissent

exagérément sur le dos de leurs semblables. Des donateurs reçoivent en retour plus que ce

qu’ils ont remis aux donataires. L’homme est naturellement individualiste : on donne, non

pas parce qu’on veut aider, mais parce qu’on veut recevoir en retour. Un adage bamiléké dit

qu’on donne avec la main droite et on reprend avec la main gauche. Godbout s’interroge

ainsi sur le sens éthique du don. Il discerne dans la pensée utilitariste « l’appât du gain ». La

pensée anti utilitariste chercherait à baliser cette volonté de l’homme de manière à ce qu’il

donne non pour s’enrichir, mais bien dans le but d’aider au sens propre et de ne rien at-

tendre en retour, sans esprit égoïste447.

Ceci m’incite à poursuivre ma réflexion sur le don de la terre sur deux plans : le plan bi-

blique de l’alliance (Dieu-homme) et le plan humain de la coopération (entre les hommes,

communautaire, paroissiale).

5.2.1 Réflexion éthique sur le don de la terre dans le cadre de l’alliance

Est-ce que Dieu donne la terre parce qu’il attendrait une rançon de l’homme ? Est-ce que

lui rendre une action de grâce ou obéir serait à considérer comme don en retour ? Je pense

que c’est ici le point de départ de ma réflexion éthique. Il s’agit de voir si l’obéissance à

Dieu est considérée comme don en retour. Il y a certes obligation de rendre en respectant

les commandements. Mais Dieu n’a pas besoin de s’enrichir. En ce sens, l’alliance avec le

peuple de Dieu n’a rien à voir avec la pensée utilitariste. Le don de la terre par Dieu au

peuple hébreu est un véritable don: volontaire, bienveillant et miséricordieux. La notion de

grâce n'implique pas l’idée d’une compensation ou d’un échange. Elle correspond à ce que

Godbout appelle le vrai don. « Enfin, gratuit conserve une touche de grâce, de gracieux, qui

fait surgir de nulle part quelque chose d’inattendu, de généreux, qui est relié à la naissance,

à l’engendrement448».

447 Jacques T. Godbout, Ce qui circule entre nous, donner, recevoir, rendre, Paris, seuil, 2007, p. 31-38. 448 Jacques T. Godbout, L’esprit du don, Paris, La découverte, 2000, p. 248.

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Je comparerais le don de la terre au don de sang où le donneur n’attend rien en retour449. Il

est bien vrai que le receveur pourrait avoir une obligation morale de bien entretenir le sang

qu’on lui a donné afin que ce sang ne soit pas vain et serve aussi un jour comme don à un

autre. Mais cette obligation morale n’a pas le sens d’une rançon.

Dieu donne la terre en toute liberté pour voir l’homme s’épanouir450. Les fruits issus du

travail de la terre servent l’homme et non Dieu. Plus encore, Yahvé n’est pas contraint de

faire ce don de la terre. C’est sa volonté à lui seul. Ce qui correspond entièrement à la pen-

sée anti utilitariste. Ce don gratuit interpelle les hommes qui, de façon utilitariste, s’offrent

des dons dans la finalité de recevoir ou de s’enrichir.

5.2.2 Réflexion éthique sur le don de la terre dans les relations de coopération entre hu-

mains

Le don de la terre de manière générale, comme tout don entre les hommes, est fait avec une

arrière-pensée : celle de recevoir quelque chose. Dans la communauté chrétienne de

Mbouo, si une parcelle de terre est allouée à un groupe, la paroisse attend quelque chose en

retour. C’est le cas des terres de la paroisse qui sont données à des tiers pour occupation,

mais qui finalement ne procurent pas de bénéfice à la paroisse, ce qui pose problème dans

cette communauté. Donc, le don de la terre aux particuliers vise à recevoir en contrepartie

soit des fruits de la terre, soit de l’argent. Il est difficile, dans cette communauté, de donner

la terre sans attendre quelque chose en retour. En ce sens, s’agit-il d’un vrai don de la

terre ? Je pense que non. Il s’agit d’une location des terres à des personnes. Je me demande

s’il est éthique pour la paroisse de louer des terres à ses propres paroissiens.

D’autre part, dans la tradition bamiléké, la terre se donne de père en fils. Le père qui donne

la terre attend de son fils une aide en retour. En ce sens, on ne pourrait pas dire qu’il s’agit

d’un don selon la pensée de Godbout, puisqu’il y a une idée de bénéfice en retour. C’est la

raison aussi pour laquelle les parents ne disent pas qu’ils ont vendu la terre à leurs enfants.

449 Jacques Godbout, « L’appât du don » dans Encyclopédie de l’Agora, http://agora.qc.ca/dossiers/

Jacques_T_Godbout, 2012. 450 Jacques T. Godbout, L’esprit du don…, p. 296.

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Ils disent qu’ils la leur ont donnée, parce qu’ils attendent quelque chose en retour. En fait,

c’est, de la part des parents, une hypocrisie du don déguisée. Ce que Godbout appelle

l’« appât du don », une forme d’échange ou de troc masqué451.

Cette notion de don de la terre de la paroisse est tronquée au sein même de l’Église cen-

trale. Cette dernière affirme l’autonomie interne de la gestion des terres paroissiales, tout en

exigeant qu’une contrepartie lui soit versée. Ce qui veut dire qu’il y a toujours une attente

de recevoir. Il y a là un combat à mener par la paroisse vis-à-vis de l’Église centrale.

Dans le cadre des partenariats avec des bailleurs de fonds, il y a généralement une attente

de recevoir. Les partenaires disent aider, mais ils sont portés à s’ingérer dans la gestion.

Comme dit Godbout, même si on dit qu’on n’attend rien des donataires, il y a en arrière-

plan une attente cachée, même si on se rapporte au salut ou à la grâce de Dieu. Dans tous

les cas, il y a une attente en retour452.

Cette idée ne date pas d’aujourd’hui. La parabole de l’économe infidèle (Lc 16) est

d’actualité. Le régisseur dont parle le texte propose d’alléger les dettes de ses débiteurs,

pour que ses débiteurs se souviennent de lui lorsqu’il sera mis à la porte. D’où l’attente

d’une contrepartie. « Nous pensons que ce phénomène est aussi au cœur de la société : la

confiance que les choses me seront rendues un jour, sans garantie qu’elles le soient. C’est

peut-être la bonne raison fondamentale qui rend finalement compte du comportement du

donateur : l’affirmation de sa confiance dans les autres, de sa foi dans le lien social453. »

En définitive, la notion de don sur le plan éthique est importante. Discerner le vrai don à

sens unique est très difficile. Dans de nombreuses circonstances, il faut rendre. Je pense que

tout dépend de ceux qui sont nécessiteux. Il est difficile de refuser un don quand on est né-

cessiteux, même s’il y a un prix à payer.

451 Jacques Godbout, « L’appât du don ». 452 Godbout, Ce qui circule entre nous…, p. 190-201. 453 Godbout, « Les “bonnes raisons” de donner » : Anthropologie et Sociétés, 19/1-2 (1995), p. 45-56. Voir

http://classiques.uqac.ca/contemporains/godbout_jacques_t/bonnes_raison_de_donner/bonnes_raison_de_don

ner.pdf.

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5.3 La terre libératrice par l’évangile libérateur

Ici, je ne peux pas ne pas faire allusion à la théologie de libération qui est née en Amérique

latine dans le cadre de lutte contre la pauvreté et de prise de conscience par les chrétiens de

leur situation socio-économique454. La lecture des textes du Dt, tout comme des Évangiles

choisis et du Livre des Actes des apôtres, montre à quel point la terre est un enjeu majeur

de la libération de l’homme. La terre est un don qui, cultivé, contribue à l’éradication de la

pauvreté. Elle est riche et peut faciliter l’aisance matérielle si les moyens de production

sont mis en jeu. La pauvreté ne doit pas être considérée comme une fatalité, mais inciter

plutôt l’homme à réfléchir et à agir pour sortir de sa triste condition.

Une lecture populaire de ces textes choisis provoque une certaine révolution dans les esprits

des chrétiens vivant en zone rurale. Une lueur d’espoir est possible. La pauvreté peut être

éradiquée ; il suffit de bien cultiver sa terre. Ignace Bertin écrit : « Cette théologie se déve-

loppe à partir d’un processus communautaire de lecture de l’Écriture procédant par analo-

gie : les situations vécues sont lues dans la foi à partir des récits bibliques, et les textes sont

lus et compris à partir des situations. Ce jeu de lectures réciproques fait parler le texte et

fait vivre la communauté, et cette lecture contribue à l’intelligence de la foi, et donc au tra-

vail de la théologie455. »

5.4 La terre, signe précurseur du Royaume

La terre est un signe visible du Royaume du Fils de l’homme. La prédication de Jésus dans

l'évangile de Matthieu a pour socle la terre. Les paraboles reflètent la réalité rurale de

l’époque456. L'étude du contexte social a montré que le peuple ou le milieu était essentiel-

lement rural. La terre nourricière est un avant-goût du festin du Royaume. La bonne germi-

nation de certaines plantes symbolise l’accès possible à cette vie du Royaume; les condi-

tions difficiles de germination représentent l’accès difficile au Royaume.

454 Ignace Bertin, Théologie de la libération, Bruxelles, Maison Saint Dominique, 1985, p. 3-5. 455 Ibid., p. 10. 456 Y. Saoût, Dialogue avec la terre…, p. 214-215.

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Le royaume de Dieu est la révolution et la transformation totales, globales et

structurales de cette réalité, de l’homme et du cosmos, purifiés de tous les maux

et remplis de la réalité de Dieu. […] Le Royaume de Dieu ne signifie pas seu-

lement la liquidation du péché, mais tout ce que le péché signifie pour

l’homme, pour la société et pour le cosmos. Dans le Royaume de Dieu, la souf-

france, la cécité, la faim, les tempêtes, le péché et la mort n’auront plus de

place457.

L’activité piscicole (Mt 13,47-49) est une autre image utilisée pour expliquer ce qu’est le

Royaume. Dans tout ce chapitre, le Fils de l’homme, les disciples et la foule sont des élé-

ments catalyseurs de la présence du Royaume. La terre est le lieu d’expression de ce

Royaume. La terre est un champ missionnaire où diverses charges missionnaires sont défi-

nies458.

Si le sens premier se réfère à l’activité rurale, la terre représente avant tout la communauté

chrétienne, qui est sujette à grandir et qui préfigure le Royaume. Celui-ci se lit dans la per-

sonne de Jésus459. C’est une communauté où il ne doit pas y avoir de discrimination entre

les hommes et les femmes, où réside le vrai pardon, une véritable amitié, le partage maté-

riel et spirituel des joies et des peines460.

Par ailleurs, dans cette même perspective du salut, la terre est assimilée au Royaume de

Dieu qui invite à l’action, au travail, à travers les différentes paraboles. Le salut a donc un

prix : la terre coûte, elle se paie, elle est précieuse. « Le royaume de Dieu implique une

révolution dans la manière de penser et d’agir461. »

5.5 La terre et l’enjeu de la communion fraternelle en Église

Les textes étudiés (Dt, Matt, Lc, Ac) ont révélé la dimension de l’amour des uns pour les

autres, qui se vérifie dans le partage. Il y a un lien étroit entre les frères et sœurs habitant

sur la terre, la cultivant et en partageant les fruits. La terre est donc un milieu de vie, de

partage et d’amour. Le premier lien, c’est la terre habitée ensemble. Le second lien, c’est la

457Leonardo Boff, Jésus-Christ libérateur. Essai de christologie critique, Paris, Cerf, 1974, p. 61. 458 R. Thysman, Communauté et directives éthiques . La catéchèse de Matthieu…, p. 28-30. 459 Carlos Mesters, Avec Jésus à contre-courant, (coll. Connaître la bible n° 16/17), Bruxelles, Lumen vitae,

2000, p. 54. 460 Ibid., p. 64-65. 461 Leonardo Boff, Jésus-Christ libérateur…, p. 72.

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Parole de Dieu partagée et respectée. La terre est l’image de la communauté, et particuliè-

rement de la communauté chrétienne. Le dernier lien est le partage des biens issus de la

terre. « Une communauté chrétienne signifie une communauté par et en Jésus-Christ. C’est

sur ce fondement que repose tout ce que donne l’Écriture comme enseignements et règles

pour la vie communautaire des chrétiens462. » La terre est donc cette communauté chré-

tienne où se vit le partage, l’amour fraternel. On pourrait renchérir en disant que les chré-

tiens qui vivent dans l’amour et l’aide mutuelle sont déjà dans la vie du Royaume.

Personne ne doit accepter le titre de maître, ni de père, ni de guide, car « un seul

est votre maître et vous êtes tous frères » (Mt 23,8-10). La base de la commu-

nauté n’est ni le savoir, ni le pouvoir, ni la hiérarchie, mais seulement l’égalité de tous en tant que frères. C’est la fraternité […]. Personne n’avait de biens

propres (Mc 10,28). Jésus n’avait même pas où poser la tête pour dormir (Mt

8,20). Mais la communauté avait une caisse commune partagée avec les

pauvres (Jn 13,29)463.

La terre, c’est aussi cette Église où les membres doivent s’entraider. Une Église sans amour

n’est pas une Église. Une Église est le lieu où il n’y a pas de clivage social, un milieu où

tous se rassemblent au nom du Christ. C’est cet élan de cœur qui a favorisé le développe-

ment de l’Église primitive et qui aujourd’hui développe des Églises confessantes. Le nerf

de cette communauté chrétienne, c’est cet amour qui se caractérise par le don, la mise en

commun des biens et le partage pour tous. Cette idée est aussi développée par l’ethnologue

Marcel Mauss qui y voit un développement des associations mutuelles et coopératives.

L’Église naissante a déjà des traits de ce qui deviendra le projet d’un socialisme chrétien.

Dans cette communauté, tous vivaient à l’image du Christ, dans la prière, l’écoute et le par-

tage de la Parole de Dieu. Les responsables ne jouissaient d’aucun privilège.

Être l’envoyé de Jésus ne confère en aucune façon un droit personnel, ni la pos-

sibilité de prétendre à l’honneur ou au pouvoir. Même là où le libre envoyé de

Jésus s’est transformé en un pasteur en charge d’un ministère, il n’en va pas au-

trement. Les droits de l’homme qui a fait des études, les prétentions mondaines

à une condition sociale n’ont plus aucune valeur pour celui qui est devenu

462 Dietrich Bonhoeffer, De la vie communautaire ; et le livre de prières de la Bible ; suivi de : le Christ dans

les psaumes ; méditation sur le Psaume 119, Genève, Labor et Fides, 2007, p. 28-29. 463 Carlos Mesters, Avec Jésus à contre-courant…, p. 63-64.

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l’envoyé de Jésus. « Vous avez reçu gratuitement » […]. « Donnez gratuite-

ment ». Montrez clairement que, avec toute la richesse que vous avez à dispen-

ser, vous ne désirez pour vous ni possession, ni non plus considération, ni ap-

probation, ni reconnaissance464!

La communauté des croyants est aussi cette communauté qui vit les réalités quotidiennes

du peuple et lui annonce la Bonne Nouvelle. Le fait de s’identifier comme pauvres était une

marque commune d’appartenance à Christ. Cette communauté avait pour vocation de

s’assembler, de s’éduquer et de se former ensemble pour la mission commune465.

5.6 La terre comme vecteur de l’éthique de l’argent et de la lutte contre l’injustice écono-

mique

La terre qui produit les biens est un don collectif reçu de Dieu. Ceci devrait interpeller les

tenants de l’enrichissement individuel. Il convient de rappeler la contestation des prophètes

vis-à-vis de la situation d’injustice économique en Israël vers les années 1000, alors que le

fossé entre nantis et déshérités était très accentué466. Les textes étudiés font appel à la géné-

rosité des plus nantis en faveur des déshérités, avec pour horizon une vision large quant à la

responsabilité commune.

L’action responsable ne résulte pas seulement des règles éthiques, elle a encore

besoin de s’ancrer dans une vision universelle du monde. Ancrage religieux spi-

rituel veut dire responsabilité envers Dieu en tant que force qui précède l’être

humain et qui lui succède, force toujours neuve qui le libère, le réconcilie et le

guide. La responsabilité des communautés religieuses réside donc, avant

l’orientation éthique et à côté d’elle, dans la prédication, la prière, la célébration

religieuse et la communauté, où prend naissance la responsabilité pour le bien

commun (planétaire)467.

L’argent est un bien qui résulte des fruits de la terre. « Jamais la Bible hébraïque ne pré-

sente comme antithèse le service de Dieu et l’attachement aux biens. Au contraire : elle

valorise les biens. Elle confère même une dimension théologique à la richesse, signe de la

464 D. Bonhoeffer, Vivre en disciple…, p. 171. 465 Carlos Mesters, Avec Jésus à contre-courant…, p. 58-60. 466 P. Debergé, L’argent dans la Bible, Montrouge, Nouvelle cité, 1999, p. 27. 467 Stückelberger, Une éthique du commerce mondial, Paris, Cerf, 2006, p. 127.

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bénédiction de Dieu468. » L’évangile de Matthieu fait allusion à des types de gain simi-

laires469. Mais ce qui est important, c’est de savoir faire usage de l’argent. L’argent est un

don qui devrait circuler entre nous, faire l’objet de partage. Ce qui est gênant, c’est l’esprit

d’égoïsme qui encourage une exploitation abusive et égocentrique. D’ailleurs dans la vie de

Jésus, l’argent était connu et apprécié; sans argent, on ne vivrait pas470. Mais Jésus a pris du

recul et a été contre l’amour excessif de l’argent471.

D’autre part, l’argent, qui constitue une richesse, est une bénédiction de Dieu. Comment le

fait de renoncer à l’argent manifeste-t-il une foi poussée ? C’est encore un sujet éthique

discutable.

5.7 La terre, vecteur de l’éthique de l’environnement

La terre étant don de Dieu, la gestion de ses ressources devrait être en accord avec la loi de

Dieu sur le respect de la création. Les hommes sont appelés à être responsables de leurs

actes devant Dieu quant au pillage de la terre472. Écologie et spiritualité vont de pair; une

séparation n’est pas du tout possible473. Tant la terre que l’homme sont des créatures de

Dieu. Un regard éthico-religieux s’avère indispensable : Dieu nous a placés sur la terre pour

la soigner et non pour la détruire ou lui faire violence474.

Ce qui veut dire qu’un problème de responsabilité se pose. Selon A. Gorz, les politiques

auront à définir ce qu’il y a lieu de faire, selon les faits, les circonstances et le rythme de

croissance475. Mais il y a une dimension religieuse fondamentale à considérer, Dieu étant à

468 D. Marguerat, « Entre Dieu et Mamon. Parcours biblique sur l’argent », dans D. Marguerat (dir.), Parlons

argent…, p. 32. 469 N. Acatrinei, « Parlez-moi d’argent ! Parlez-moi de l’être humain ! Saint Jean Chrysostome face à

l’argent », dans D. Marguerat (dir.), Parlons argent…, p. 107. 470 P. Debergé, L’argent dans la Bible…, p. 45-47. P. Debergé s’appuie sur des textes comme Mt 2,11 ; Jn

12,17 ; Lc 8,3 ; Mt 10,5-10 ; Mt 25,24-29 ; Lc 15,10 etc. 471 Ibid., p. 50-51. 472 R. Costes, « Éthique et spiritualité de la création », dans A. Comte-Sponville (dir.), Écologie et spiritualité,

Paris, Albin Michel, 2006, p. 138. 473 F. Mazure, « Le XIe commandement », dans A. Comte-Sponville (dir.), Écologie et spiritualité, Paris,

Albin Michel, 2006, p. 20. 474Ibid., p. 17. 475 A. Gorz, Écologie et politique, Paris, Seuil, 1978, p. 28-29.

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l’origine de la création de la terre et de toutes les autres créatures476. L’une des tâches de

l’Église est de susciter cette prise de conscience, cet amour de la nature au vu de toutes les

violences faites à l’encontre de l’environnement.

* * *

Mon étude s’est ancrée sur la Parole de Dieu telle qu’elle s’est exprimée dans les Écritures.

Bien qu’écrites à une certaine époque pour des personnes particulières, les Écritures sont

encore d’actualité. La terre n’a pas changé. Tout ce qui concerne la terre est valable pour

les chrétiens d’aujourd’hui ainsi que toutes les conséquences qui ont été développées.

Par ailleurs, la parole des gens d’aujourd’hui peut influencer l’interprétation de la Parole de

Dieu puisque les conditions de vie ne sont plus les mêmes. D’où le rôle de l’Esprit Saint

qui seul peut aider l’homme à discerner le sens de la Parole et à la mettre en application. Le

sens de la terre a été étudié, mais seul l’Esprit saint peut aider l’homme à mettre en pratique

ces notions pour le développement personnel, pour celui des autres et celui de la terre elle-

même.

La recherche m’a conduit à la proposition théologique suivante: la terre est une grâce de

Dieu qui a un prix à payer pour l’homme. La terre est un don à recevoir et à rendre. Seul

l’Esprit Saint à l’œuvre dans l’Église et hors de l’Église peut aider l’homme à comprendre

ce sens indispensable à la vie.

476 F. Mazure, « Le XIe commandement ».

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Conclusion

Ce travail qui s’achève est centré sur le problème des terres dans la paroisse réformée de

Mbouo-Ngwinké. Tout au long de cette thèse, il s’agissait de réfléchir sur la question des

terres dans un contexte global de pauvreté. Pour ce faire, des paroissiens ont échangé leurs

manières de voir la question de leurs terres dans le cadre de partages autour de textes bi-

bliques. L’objectif principal de la thèse ne visait pas directement la transformation du mi-

lieu, mais s'attardait plutôt sur la recherche de pistes de développement à partir d’échanges

bibliques sur la terre. Il faut ainsi voir à quel type d’action ou de décision ces réflexions

peuvent conduire.

Je proposerai ici quelques perspectives d’avenir pour le milieu, je relèverai les résistances

qui pourraient se manifester et je ferai le bilan de mon parcours de recherche.

1. Pistes de réflexion

Les ateliers bibliques ont fait ressortir la volonté des paroissiens de sortir eux-mêmes de

leur état de pauvreté collective en s’appuyant sur leurs terres. Même s’il y a une aide exté-

rieure, sous quelque forme que ce soit, la sortie de crise ne pourra venir que des paroissiens

eux-mêmes. Ils sont invités à prendre conscience des enjeux de leurs terres, à s’en respon-

sabiliser et à prendre les mesures éthiques qui s’imposent. La terre est pour eux une béné-

diction de Dieu. La Parole de Dieu vient les réconforter, les encourager et rejoindre leurs

paroles d’hommes, en vue d’une sortie de la pauvreté à partir de la gestion des terres.

Le fait de ne pas rester les bras croisés dans l’attente de la manne vient aussi compléter

cette Parole de Dieu : ce sont les paroissiens, propriétaires de la terre, qui doivent témoi-

gner par leurs actes du fait que cette terre, dont Dieu est le véritable propriétaire, est source

de vie. Le danger à éviter serait de croire en la fatalité de leur pauvreté compte tenu de la

toute-puissance de Dieu. L’éthique de la responsabilité humaine est importante. Ce sont les

paroissiens qui doivent s’organiser pour sortir de la crise. Des initiatives telles que les sui-

vantes pourraient être envisagées.

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1.1 La gestion des terres

La gestion des terres devrait se faire de manière collégiale. Un mode démocratique de ges-

tion collective devrait être élaboré, suite à une assemblée d’Église où tous les paroissiens

seraient conviés à s’exprimer librement.

1.2 Des projets de développement

Dans un premier temps, il s’agirait d’inventorier les besoins de la communauté. Dans un

second temps, on pourrait, par exemple, initier des micro-projets dans les groupes choraux,

dont le financement proviendrait des ventes de produits issus de la terre. Chaque groupe

choral aurait son groupe de gestion et un compte bancaire où se feraient les transactions

financières. On favoriserait ainsi une certaine autonomie des groupes de chorales de la pa-

roisse.

1.3 Des groupes de collectivités rurales

Les paroissiens pourraient être incités à s’associer en groupes de collectivités rurales afin

de bénéficier de formations et de subventions d’organismes donateurs, notamment des for-

mations concernant le développement holistique du monde rural et les nouvelles techniques

agricoles. Ces groupes pourraient s’initier à la fabrication de savon, d’huile ou de produits à

base d’aloé vera, plante médicinale très cultivée dans la région. Ils seraient encouragés à la

culture « bio » des papayes et des bananes. Il y aurait intérêt à développer des collabora-

tions avec l’Église catholique romaine du quartier.

1.4 Un partenariat Nord-Sud

L’Église pourrait explorer la voie de jumelages avec des paroisses de pays du Nord, pour

échanger des idées au plan spirituel, moral et économique. Plus largement, la recherche

d’une aide extérieure dans le cadre de partenariats économiques nord-sud pourrait susciter

un certain élan économique avant de laisser la place à l’auto-développement.

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1.5 Création d’une mutuelle sociale paroissiale à partir des tontines existantes

La notion de don qui suppose que l’on donne et que l’on rende en retour permettrait à la

paroisse de mettre sur pied, à partir des tontines bien connues dans le milieu477, une forme

de mutuelle sociale chrétienne, à laquelle chacun pourrait contribuer et dont chacun pour-

rait bénéficier.

1.6 La gestion administrative de la paroisse

Des équipes de travail formées de paroissiens devraient pouvoir participer à la gestion de la

paroisse478. Je propose ainsi six groupes de travail qui comporteraient toutes les couches

représentatives de la paroisse : comité de gestion des terres, comité de répartition des terres,

comité de supervision générale des biens meubles et immeubles, comité neutre délégué à

l’assemblée de paroisse, comité neutre délégué aux assemblées synodales, comité d’études

bibliques libres. Chaque groupe de travail serait composé d’un chef de groupe et de six

membres dont quatre femmes, un homme et un jeune. Les objectifs du groupe seraient clai-

rement définis par chaque groupe avec tenue de procès-verbaux des réunions, résolutions,

recommandations au pasteur et au conseil d’anciens et signatures.

1.7 Au niveau synodal ou de la direction de l’Église-mère

Il serait souhaitable qu’un groupe constitué d’un membre de chaque groupe de travail soit

mis sur pied et délégué à la rencontre de la direction de l’Église Évangélique du Cameroun,

afin d’envisager une collaboration franche et sincère pour la gestion des terres. Il faudrait

ainsi définir concrètement la part qui reviendrait à l’Église mère et celle qui irait à la pa-

roisse. Plus encore, la collaboration devrait s’étendre au choix des pasteurs à envoyer dans

la paroisse.

Plusieurs des pistes de réflexions qui précèdent s’inscrivent dans la perspective de ce que,

dans le monde protestant, l’on désigne par l’expression « christianisme social » :

477 « Tontine : Dans certaines communautés, notamment en Afrique et en Asie, coutume qui consiste à verser

régulièrement une somme d'argent à un fonds que chaque donateur peut utiliser à tour de rôle. »

(http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/tontine/78426, consulté le 30 juin 2015). 478 Voir à ce sujet les fiches techniques de l’Annexe 3.

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Le christianisme social se situe dès sa naissance sur trois terrains : spirituel, so-

cial et politique. Tommy Fallot et Wilfred Monod réfléchissent à une théologie

de l’action de grâce dans le concret du monde. Fallot s’inquiète des personnes

« hors des atteintes de la grâce », vivant dans de telles conditions qu’elles ne

peuvent profiter des effets de la grâce. Sur le terrain social, il invite le protes-

tantisme, qui a inauguré son engagement social avec les diaconats et les institu-

tions de bienfaisance, à développer son action et à la transformer pour n’être

plus seulement un moyen de soulager la misère mais de préfigurer le « nouveau

monde » possible, le Royaume qui vient et, sur la lancée de Charles Gide, à dé-

velopper les coopératives de consommation et de production, les mutuelles, etc.

Politique, il invite à changer les structures de la société pour « faire de la terre

le parvis du ciel479. »

1.8 Au niveau des institutions de formation pastorale

Le développement rural devrait être une discipline à part entière dans les institutions de

formation théologique. Celui-là y a disparu alors qu’à la période missionnaire, les Blancs

avaient mis un accent particulier sur cette formation. Les terres peuvent devenir des res-

sources financières au lieu d’être un sujet de raillerie lorsque les pasteurs sont affectés en

zone rurale. Les paroissiens devraient proposer à la direction d’Église d’inclure cette disci-

pline dans le cursus de formation des futurs pasteurs. Les pasteurs eux-mêmes devraient

participer à des formations agricoles dans le cadre des stages de recyclage. Le nombre de

paroisses rurales est supérieur à celui de paroisses urbaines : tous les pasteurs ne pourront

donc pas être affectés en ville, ce qui suppose une rotation d’affectation. Cette formation

pluri disciplinaire des pasteurs s’avèrerait indispensable.

1.9 L’encouragement des valeurs spirituelles

Il faudrait poursuivre dans la voie d’une formation spirituelle des paroissiens par

l’institution d'études bibliques. Les lectures populaires ou socioconstructivistes de la Bible

seraient les bienvenues. Ces approches permettront aux paroissiens de s’exprimer libre-

ment, de donner leur point de vue par rapport aux textes bibliques, de s’identifier aux per-

sonnages bibliques et de faire des liens avec leur propre vécu. Lors des ateliers bibliques

que j’ai organisés pendant mon séjour au Cameroun, les paroissiens se sont dits fiers de

cette approche de lecture populaire de la Bible et du focus group. Ils m’ont demandé de

479 Stéphane Lavignotte, « Le christianisme social », Évangile et Liberté n° 286 (février 2015), p. 4.

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venir faire cette démarche chaque année. Certains ont même déclaré que c’était la première

fois qu’ils pouvaient s’exprimer en groupe et discuter de leurs situations. Ce besoin de la

communauté devrait donner lieu à un projet paroissial qui soit porté par les anciens

d’Église, les pasteurs et l’ensemble des fidèles480.

Puisque ces échanges bibliques concernent aussi les pasteurs qui devront les animer, il se-

rait souhaitable que ces derniers soient formés en ce sens. Il serait aussi souhaitable que des

anciens d’Église soient formés aux techniques d’animation afin de pallier l’absence de pas-

teurs. Il en va de même pour la formation des laïcs engagés. Ceci suppose la clarification

des vocations internes tant des pasteurs que des fidèles et des anciens d’Église.

Toutes ces propositions ne pourront pas se faire le même jour, mais il faudrait tout de

même poser des jalons. On peut s’attendre à de l'opposition tant de la part des paroissiens

que de la part de certains membres de l’Église centrale. Comme toute initiative liée au

changement, celles-ci ne pourront que susciter des résistances.

2. Résistances au changement

Il convient ici de définir d’abord la résistance au changement. Comme l’écrit Céline Bareil,

psychologue et manager, la résistance au changement c’est l’action de résister, de refuser

ou d’être hostile au changement481. Le plus souvent, dans le contexte camerounais, lors-

qu’on parle de changement, on voit des groupes de personnes se soulever pour protester.

Dans le contexte bamiléké en particulier, on ne voit spontanément que les intérêts qui vont

être supprimés, d’où les résistances.

En regard des pistes que j’ai identifiées ci-dessus, les résistances se poseraient à mes yeux à

deux niveaux : le niveau de la direction d’Église centrale et le niveau paroissial.

480 Une fiche annexe de constitution d’un groupe de travail a été proposée à l’Annexe 3 de cette thèse. 481 Céline Bareil, « La résistance au changement. Synthèse et critique des écrits » dans Centre d’études en

transformation des organisations (CETO), HEC Montréal, Montréal, (Québec), 2004, p. 3-5.

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2.1 Au niveau de la direction de l’Église-mère

Le problème de la terre est un sujet difficile parce qu’il touche l’Église en général et la pa-

roisse en particulier. Ici les paroissiens sont invités à négocier avec la direction de l’Église

nationale pour toutes les affaires domaniales : vente, location, gestion. Les titres fonciers

établis depuis la période coloniale par les missionnaires blancs sont au nom de l’Église

Évangélique du Cameroun (Église mère ou direction centrale de l’Église). En fait, la direc-

tion de l’Église qui possède les titres fonciers de toutes les terres de l’Église déclare aussi

posséder les terres. Mais, en réalité, la vente des terres ne peut pas se faire sans l’avis de

ceux qui habitent la terre, donc des paroissiens, et, par ricochet, des anciens d’Église qui

dirigent la paroisse. On a l’impression qu’il existe une forme de jeu entre le conseil

d’anciens paroissiaux et le bureau directionnel de l’Église.

L’Église mère aura toujours à se mêler des problèmes internes de gestion de la terre parois-

siale. Il y a interférence entre la direction d’Église et la paroisse. Il faudrait donc voir com-

ment gérer ce rapport, tout en sachant aussi que c’est l’Église centrale qui assigne les pas-

teurs. La paroisse en elle-même n’est donc pas autonome. On parle d’un système presbyté-

ro-synodal, mais l’on s’attend également à ce que les paroisses soient autonomes financiè-

rement. La recherche d’une véritable autonomie paroissiale créerait une énorme résistance,

dès lors qu’elle priverait l’Église centrale d’une partie de ses ressources.

2.2 Au niveau paroissial

2.2.1 Le cas des femmes

Ici, la notion de supériorité du genre masculin est encore d’actualité. Puisque les terres de

façon coutumière appartiennent aux hommes, il serait difficile à ces derniers de comprendre

que les femmes puissent gérer les terres de l’Église. Les femmes sont pourtant majoritaires

dans la paroisse et elles constituent la main d’œuvre de la communauté. La vie des ménages

repose sur leurs épaules. Pour toutes ces raisons, elles devraient être majoritaires dans les

instances dirigeantes de l’Église et de la paroisse, et se soucier du patrimoine des terres.

Pour des raisons principalement culturelles, les hommes accepteront difficilement que les

femmes prévalent au plan de la gestion, même si les hommes sont minoritaires. Les us et

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coutumes bamiléké placent l’homme en contrôle de la gestion de tout. C’est la raison pour

laquelle la poignée d’hommes se considèrent comme au-dessus des femmes et estiment

devoir diriger la communauté. Le problème de « genre » est un souci à la fois organisation-

nel et culturel de cette paroisse. À ce problème de genre s’ajouteraient par corollaire

l’obstacle de la polygamie et le système de chefferie.

2.2.2 La gestion des terres

La mise en place d’un comité restreint de gestion des terres pourrait susciter une grande

résistance puisqu’elle risquerait de mettre au jour des malversations. Les terres partagées

sous forme de métayage devraient faire l’objet de contrats en bonne et due forme. Les con-

trats verbaux qui font aujourd’hui l’objet de controverses devraient être revus ou réadaptés.

Les revenus locatifs des terres ou des commerces situés sur les terres paroissiales devraient

faire l’objet d’un inventaire et d’un suivi de gestion adéquat. D’aucuns craindront que la

mauvaise gestion antérieure soit mise au jour.

Il y a évidemment des risques que des groupes d’intérêt se forment, tant dans la communau-

té paroissiale que dans la direction de l’Église, et qu’ils interfèrent avec la rigueur dans la

gestion du patrimoine paroissial. La peur de changer et la crainte de perdre ses gains sont

autant de freins à l’épanouissement de la communauté.

Les réflexions menées dans ce travail ouvrent des possibilités de changement pour que la

communauté puisse s’épanouir avec ses terres. Des résistances sont prévisibles si ces pistes

pouvaient être explorées. Comme toute organisation, l’Église ou la paroisse aura à gérer ces

résistances, qu’elles relèvent de la culture, de groupes d’intérêts, ou de jeux de pouvoir.

Ceci pose la question des modalités concrètes pour gérer ces résistances; ce type de ques-

tionnement requerrait une réflexion propre, qu’il n’est pas possible de poursuivre ici.

3. Bilan d’ensemble

Les ateliers bibliques ont permis aux paroissiens de réfléchir collectivement sur leur rapport

à la terre. Ils ont approfondi la compréhension de leur situation vécue en rapport avec leurs

terres. Ils ont également compris que la bonne gestion de la terre peut améliorer leurs con-

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ditions de vie, celles du pasteur et par conséquent les faire sortir de l’état de pauvreté. En-

fin, sur le plan spirituel, ils ont entrevu les pistes d’un lendemain meilleur et d’un dévelop-

pement possible.

La théologie pratique vise non seulement la transformation d’une pratique, mais aussi sa

propre transformation. Au terme de ce travail, il convient de faire un bilan personnel en tant

qu’intervenant-chercheur, sur les trois plans que sont les connaissances, les habiletés et les

attitudes.

3.1 Les connaissances

En tant que chercheur, j’ai pu comprendre non seulement ce qu’est la théologie pratique,

mais aussi comment on devient théologien praticien. Avant ces études, j’étais marqué par

les réflexions sur les qualités d’un bon pasteur et tout ce qui tournait autour du ministère

pastoral. J’ai pu comprendre que ce n’était qu’un aspect de l’ensemble. J’ai appris que la

théologie pratique est une discipline qui touche plusieurs disciplines tant humaines que so-

ciales, économiques, politiques et autres. C’est une discipline complexe, hétérogène. Ma

thèse se situe au carrefour de plusieurs disciplines.

3.2 Les habiletés

J’ai découvert plusieurs méthodes pour les recherches en théologie pratique. Celle qui m’a

le plus marqué est la méthode socio-littéraire qui m’a conduit de bout en bout à des décou-

vertes. Je réalise que ma connaissance du terrain a permis que je comprenne au mieux la

démarche pratique concernant le déroulement des ateliers bibliques.

Je ne saurais oublier le schéma interprétatif de toute recherche en théologie pratique qui fait

intervenir le magistère de l’Église, sa tradition et surtout la Parole de Dieu. Cette Parole de

Dieu qui vient rejoindre les hommes là où ils sont et qui se manifeste à travers leurs pa-

roles. D’où le double jeu de corrélation.

3.3 Les attitudes

J’ai enfin compris qu’en tant que théologien praticien, il fallait partir d’une situation pro-

blématique vécue qui me touchait particulièrement. On ne peut parler d’un problème si on

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ne se laisse pas interpeller personnellement par lui. L’intervenant chercheur doit porter en

lui cette connaissance du problème, du milieu et des divers intervenants. Ma vie en tant

qu’intervenant était d’une grande importance dans la compréhension des difficultés que je

voulais explorer. Mon identité personnelle a été grandement mise en jeu dans mon projet de

thèse.

J’ai dû développer une réserve afin de ne pas tomber dans les jugements de valeur et dans

le parti pris. J’ai appris à me laisser guider par les paroissiens, ce qui a été pour moi un ap-

prentissage.

Une dernière chose que j'ai apprise, c’est que l’intervenant chercheur a beau faire tout ce

travail, Dieu seul agit et peut aider, s’il le veut, à trouver des solutions aux problèmes que

vivent des populations prises dans des situations parfois difficiles.

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xxii

Annexe 1. Verbatim des séances d’ateliers bibliques sur la terre

1. Les questions posées pour susciter les réflexions

Quel rapport entretenez-vous avec vos terres ?

Que pensez-vous de vos expériences sur les terres ?

Comment vous situez-vous par rapport au texte qui vous est proposé sur le thème de la terre ou sur un autre

texte que vous pourriez proposer sur la terre ?

2. Réponses

2.1 Séance 1

M : Le texte parle des prémisses que le Seigneur donne, c'est-à-dire des premières récoltes, fruits de la terre

qu’il faut cultiver et sortir des fruits pour le développement de la paroisse. Dieu envoie l’homme dans un pays

où il va récolter des bons fruits. Ce qui veut dire que Dieu ne nous donne pas la mauvaise terre. C’est nous à

notre tour qui rendions la terre mauvaise. Dans la paroisse, les chrétiens même représentent les récoltes.

G : Dieu nous envoie sur cette terre comme il a envoyé les cananéens dans une terre fertile. Notre terre est

fertile. A nous de la cultiver. Cultiver la terre est une bonne chose mais comment faire pour évacuer les ré-

coltes ? C’est un des points importants. En plus, il faut savoir cultiver la terre. Il faut avoir les semences, les

bonnes et avoir aussi de bonne terres. On a constaté qu’avant les terres étaient fertiles mais maintenant, il faut

les engrais. Ces terres sont toujours remuées chaque année et ne donne rien. Je pense qu’il faut que nous

ayons d’abord les engrais, ensuite on verra ce qu’on peut faire. On peut même louer les bonnes terres ailleurs

qui sont fertiles mais où trouvera-t-on de l’argent ? Si Dieu nous donne des bonnes récoltes, on viendra le

louer avec les bons fruits mais s’il ne nous donne rien, il ne pourra pas se fâcher de moi.

K : Dieu nous donne la terre pour cultiver, pour nos besoins et pour lui rendre grâce. La terre est donc cette

matière qu’il faut cultiver, retirer les fruits pour le Seigneur et pour nous-mêmes. On aussi une autre parabole

comme celle du semeur et on comprendre ce que signifie la parabole du Seigneur. Je pense qu’il y a un lien

entre la terre de Deutéronome et la parabole du Seigneur.

J : La parole de Dieu doit être connue et on doit la garder, ne pas faire des fautes. La terre c’est donc le

Royaume qu’on vit déjà. Chacun de nous perçoit la parole comme il entend mais cette parole doit être vécue

et mise en pratique.

D : La bonne parole doit germer. Donc la parole de Dieu est comme cette terre, notre terre qui doit être jalou-

sement conservée pour qu’elle porte des fruits. La connaissance de la parole est très importante. La parole est

la terre. Chacun de nous perçoit la parole différemment. Chacun a sa parole, comment il comprend la parole

L : La parole est donc une graine qui est semé sur cette terre. Notre terre est donc aussi considérée comme un

lieu qui doit produire des fruits et nous aider. Chacun a sa terre et chacun a sa parole. La bonne parole doit

germer et doit pousser. La parole germée veut dire que l’homme doit germer. L’homme est sur cette terre qui

fait la germination. C’est donc une graine qu’on a semée dans une bonne terre.

T : Pour cela l’homme doit travailler cette terre, la préserver comme la parole. Oui, il faut que l’homme sème

dans une bonne terre.

J : Une autre image montre que nous sommes tous chrétiens mais cette parole n’est pas conçue de la même

manière que son chrétien mais on ne doit pas rejeter la personne qui ne met pas cette parole en pratique. Il

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faudrait laisser ceux qui ne respectent pas la parole vivre ensemble avec ceux qui ne respectent pas. Chacun a

sa place.

Z : Je pense qu’on aurait du lire le texte en entier et trouver l’idée générale qui est liée à la terre. La terre n’est

pas seulement la terre dont on parle mais c’est nous aussi.

H : Une petite fille, une petite personne a sa place. Chacun a sa place. Personne ne doit être négligée. Que ce

soit l’homme, la femme, le petit, le grand. Tous, nous sommes enfants du Seigneur et nous devons vivre en-

semble sur cette terre. Cette terre qui ne nous appartient pas et qui appartient à Dieu.

B : Dans le milieu, on peut voir même les paroissiens qui sont toujours en retard et ne pas les mépriser car ils

ont aussi une place. Ceci n’est qu’un exemple.

E : La petite semence est comme une petite graine qui est comme les légumes et qui devient un arbre. Même

exemple avec la levure qu’une femme utilise avec la farine.

J : Toutes les paraboles ont été résumées. Tout ce qui ressemble au Royaume des cieux est comparable à un

maitre de maison. Une autre image montre comment nous sommes tous ds chrétiens mais on ne conçoit pas de

la même manière que ton prochain mais ça veut pas dire qu’on va rejeter ceux qui ne maîtrisent pas. Il faut

laisser ceux qui ne mettent pas la parole en pratique vivre ensemble avec ceux qui ne pratiquent pas

L : Chacun a sa place même ce petit enfant.

T : De quoi s’agit-il effectivement ce pays ? Lorsque tu entreras et te rassasiera, tu prendras garde à Dieu au

point de ne pas transgresser. On doit exprimer ce qu’on a reçu. Je cherche le thème exact.

J : oui, tu as raison car on ne doit mépriser personne sur la terre. La terre est un lieu où chacun a sa place et

pour ce faire, il faut respecter les commandements de Dieu.

G : Royaume et connaissance du Royaume à travers la parole. Vers la fin on parle du trésor. C’est quoi le

trésor, c’est la connaissance de Jésus. Qui est Jésus ? Ce trésor c’est Jésus. La perle est comme le chrétien, un

trésor c’est quelque chose qu’on ne devrait pas perdre. Le rôle du chrétien c’est de garder la parole comme

quelque choses de précieux, c'est-à-dire garder les commandements, observer ses commandements.

L : le texte nous réfère aussi a l’exemple de Lazare où chacun est utile. On prend l’exemple sur son témoi-

gnage. Voilà une autre façon de comprendre. Le texte de Lazare est un texte à étudier. C’est un exemple pour

montrer que nous sommes des passagers et que cette terre n’appartient à personne. Chacun devrait se compor-

ter dans une bonne direction car la terre est à tous. Le texte de Luc 16, 19-31 sur le riche et le pauvre Lazare

est aussi important à étudier.

E : Le Royaume est comme le sénevé. Il est plus grand que les légumes et de sorte que les oiseaux viennent

s’agripper.

L : Toutes les paraboles, à mon avis ont été résumées.

T : Tout est semblable à un maitre de maison. Jésus enseignait de lieu en lieu.

J : J’ai essayé de lire le texte de Matthieu. Tout le long on a parlé de la connaissance du Royaume. Pour moi

le trésor à travers la parole qu’on reçoit, on connait mieux Jésus et ce trésor c’est Jésus. L’image de la perle

est le chrétien qui doit garder jalousement comme un trésor. La parole, la démarche du chrétien serait de gar-

der la parole comme un bijou précieux, qu’on doit garder jalousement.

D : Nous avons aussi travaillé et nous constatons que ces textes sont très riches.

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Plénière : Rapporteur 1er groupe

N : S’il vous plait prêtez-moi vos oreilles. Nous avons Dt 26. Nous avons cherché la quintessence du texte et

nous avons retenu deux grandes parties : Il faut reconnaitre un signe de reconnaissance. La seconde partie

c’est la dîme c’est un signe de partage. Ce n’est pas à toi tout seul mais à partager avec la veuve, l’étranger.

La fête de reconnaissance ne doit pas se faire tout seul mais avec les autres en signe de reconnaissance et

d’amour.

Rapporteur 2nd groupe

B : Nous avons étudié les textes donnés mais nous avons plus basé sur le Dt 28 que nous avons trouvé plus

intéressant. On parlera des autres la fois prochaine. Dt 28, il faut obéir et être assuré de la bénédiction. Ceux

qui sur terre n’obéissent pas, crée leur Dieu, ils seront maudits. Le texte est la dualité entre la bénédiction et la

malédiction. En gros, voilà ce que je pense que la fête de récolte par ce texte nous dit. Tout vient de Dieu.

Celui qui aime dieu doit obéir à ses prescriptions ; la terre est le lieu où on doit aimer Dieu et aimer dieu, c’est

obéir à ses prescriptions. Celui qui n’obéit pas verra ce qu’il cherche.

Quelques contributions en plénière :

K : Moi, je pense que dans la vie, sur la terre, il faut savoir partager avec tout le monde.

L : Par rapport à la terre, Dieu nous la donne.

2.2 Séance 2

J : Regarder par exemple, certaines Églises qui ont les terres, au lieu de les brader, ils y plantent des arbres

eucalyptus qui aident l’Église par le bois, les planches qui sont revendus. Pourquoi ne pouvons-nous pas faire

comme ces paroisses qui plantent des arbres ?

T : on avait au paravent planté mais on a tout coupé les arbres et les vendre sans toutes fois se préoccuper du

reboisement. Ce qui est terrible.

K : Tout vient de la terre. Dans notre texte, nous ressemblons à cette terre, une terre aride, de rochers. Cette

terre est à travailler, l’entretenir, la protéger. Manger bio. Il ne faut pas l’abuser comme nous faisons en tout

détruisant, en vendant tous les arbres et terres pour aucun but.

Z : Dime et partage ? Comment ? Est-ce qu’on peut éclaircir ?

L : Esprit de dime = esprit de partage. On donne à Dieu. Dieu est ton prochain. Tu donnes à l’étranger, à ton

entourage, partager au prochain. C’est dans cet esprit qu’on a compris.

K: Est-ce qu’on ne peut pas dire que c’est la notion de générosité qui est développée ?

B : C’est un travail d’ensemble. La notion de partage vient de la parabole de l’ivraie qui dit qu’il faut laisser

le mauvais pousser avec le bon. Nous devrions partager la parole de Dieu et tout ce que nous faisons dans la

maison de Dieu et tout ce que nous faisons pour Dieu. Le moment venu, il pourra lui-même sélectionner.

Donc, il ne nous appartient pas de pouvoir dire que je donne seulement à l’autre. Nous devons partager, lais-

ser la possibilité à l’autre de pouvoir représenter ce Dieu que nous représentons.

E : Par rapport à la terre, Dieu nous donne la terre. Est-ce que nous sommes la terre ? Cette terre, c’est aussi

nous. Nous devons l’améliorer, la cultiver ; c’est tout ce que l’homme travaille sur lui pour sortir quelque

chose de bien. Au niveau symbolique, je pose la question. Nous sommes la terre, nous devons la travailler

pour sortir de bons fruits. C’était pour faire ce lien avec la terre. Dieu a fait errer le peuple pendant quarante

ans. Si on n’obéit pas sur la terre, la terre va être fatale. Tout vient par la terre. Le pâturage, le bétail c’est la

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terre. La terre est quelque chose de fondamentale, qu’on ne peut pas éviter et c’est Dieu qui nous la donne

mais il faut savoir la garder.

T : la terre n’appartient qu’à Dieu. Il faut respecter cette terre. Nous ne sommes que des surveillants sur la

terre. Il ne faut pas la brader comme on le fait aujourd’hui à n’importe quel prix. Dans notre village, on doit

garder notre terre. Dans notre paroisse, on doit garder la terre et ne pas la brader comme ça se joue de nos

jours. Les paroissiens doivent être des gardiens de la terre. Il faut sanctionner tous ceux qui vendent ou détrui-

sent la terre de notre paroisse. Celui qui brade la terre du village ou de la paroisse est entrain de transgresser la

loi de Dieu.

D : Tout vient de la terre.

Z : Ceci rejoint ce qu’Y a dit dans la notion de partage. Cette paroisse, on la partage avec les autres.

J : Le temps va vite et on ne pourra pas y arriver à tout, comment Dieu a mis ce peuple dans le désert où il n’y

avait pas d’eau et comme disait ma collaboratrice, Dieu les met en garde. Je vous ai tout donné mais mettez

en tête que si vous ne respectez pas mes commandements, vous allez périr.

L : Comme a dit madame J, j’ai lu ce texte à la maison, impliquer aux nôtres de remercier, un devoir de suivre

les prescriptions de Dieu. Le chrétien doit savoir que ce qui est important c’est de respecter les commande-

ments. Celui qui ne suit pas et qui a son Dieu, son roi, c’est à sa perte. Ce sont des textes qui se joignent,

complémentaires. C’est surtout ce que je veux dire que le respect de la loi de Dieu est fondamental pour le

chrétien. C’est ce que je devrai ajouter.

M : La terre c’est la parole de Dieu. Cette parole enseignée et si on ne respecte pas nos terres, c’est le « cha-

cun pour soi ». Le jour où tu es né, tu es sorti du ventre avec cette terre ? Personne. Nul n’est sorti du ventre

de ses parents avec la terre. Ceux qui s’en accaparent vont toujours laisser cette terre. Ils ne vont pas partir

avec cette terre.

N : D’après ce que ma sœur a dit, par rapport à la question du pasteur, la terre c’est nous. Nous devons nous

efforcer à faire ce qui est écrit selon là où nous sommes comme par exemple à l’Église, nous ferons ce qui est

bien pour nos prochains. Qu’on ne dise pas que je suis moi, et l’autre, lui ; nous sommes la terre.

L : Dt 26, nous avons essayé après toute la lecture du texte et nous avons aussi retenu deux grandes parties. La

1ère partie concerne la fête des récoltes. N’oublions pas que Dieu a sorti son peuple de l’Egypte pour lui don-

ner la terre promise où coulent le lait et miel en leur disant que les premières récoltes seront données à moi en

signe de reconnaissance, c’est à dire quand Dieu nous donne, il faut lui présenter les signes de reconnaissance.

C’est quelque chose d’obligatoire pour avoir sa bénédiction. En deuxième partie, nous avons vu que c’est la

dime de la troisième année est quelque chose d’obligatoire. Il a présenté comme un signe de partage. La dime

c’est pas à toi tout seul. Tout ce qu’on a, on doit le partager avec le lévite, l’orphelin, la veuve, l’étranger. Ce

que nous ne faisons pas toujours. La fête de reconnaissance ne doit pas être faite tout seul. Les fruits de la

terre doivent être partagés avec les autres.

Pour le deuxième texte qui est le Dt 28, il y a deux grands groupes. La bénédiction qui est donnée à ceux qui

obéissent à la loi de Dieu. Quand on obéit à sa loi, ses commandements, toi et ta descendance êtes assurés de

la réussite. La deuxième partie est la malédiction sur ceux qui n’obéissent pas à Dieu, ceux qui se disent que

c’est grâce à leurs propres forces qu’ils sont ceci ou cela. Ce qui est notre cas. Celui qui obéit sera béni et

celui qui désobéi sera châtié. Notre relation envers la terre est donc d’obéir au Seigneur pour avoir une bonne

terre, bien gérer nos terres et éviter les mauvaises actions pour ne pas avoir le châtiment de Dieu, éviter de

voler la terre de Dieu car en volant Dieu nous voit et il va nous chatier. Le texte de Dt est clair en ce sujet.

Malheur au voleur

G : Ce que j’ajoute, pour être enfant de Dieu, il faut avoir la bonne foi envers Dieu avant d’aimer son pro-

chain, il fut savoir partager avec tout le monde.

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Par rapport à la terre, c’est Dieu qui donne la terre. On sait bien l’histoire que Dieu pendant 40 années obéis-

saient et c’est Dieu qui donne la terre et fertilise la terre. Si on n’obéit pas à ses commandements, la terre sera

mauvaise. La terre est quelque chose de fondamentale parce que c’est ça qui donne la vie. Dans notre texte,

on a l’histoire du semeur, même la dime. Quand on a les troupeaux, le gros bétail, c’est la terre. C’est Dieu

qui donne la terre et la possibilité de la gérer.

Les gens ne savent pas ce qu’ils ont comme richesse. La terre ne nous appartient pas. Le moment où nous

sommes sur terre, il faut respecter cette terre et ne pas la brader. Moi, je pense que notre terre au village ne

doit pas être bradée. Cela nous fait honte aujourd’hui de voir toutes ces terres vendues et qui ne nous donnent

aucun intérêt. Pour ma part, il faut éviter de vendre la terre mais de la préserver et de la cultiver.

Plénière

Rapporteur 1er groupe

H : Dans notre groupe, on a dit que tout vient de Dieu. Il faut savoir dire merci à Dieu.

Dans notre groupe, trois points clés. Dans le premier point, il est question de l’héritage. Pour avoir l’héritage,

il faut remplir certaines conditions. Deuxièmement, même pour avoir cet héritage, ces conditions, Dieu met le

peuple à l’épreuve pour savoir si le peuple va lui rester fidèle. Donc, ici le peuple est fidèle. Dans le troisième

point clé, on nous détaille les épreuves ; Que l’épreuve, il y a l’apprentissage. Le peuple va apprendre quelque

chose qui ne vient pas seulement des parents, et quelque chose qui est la manne, ce qui sort de la bouche de

l’Eternel et que le peuple apprenne la parole.

Rapporteur 2nd groupe

K : Le point central du texte montre que l’Eternel forme le peuple comme un père forme ses enfants. Ça veut

dire qu’il le met dans les épreuves, mais le peuple a ses vêtements et la santé. Donc c’est le point de la santé

que le peuple va garder tout le long et dans le plan de Dieu, le peuple va rentrer en possession de ce qu’on a

dit de tous les biens qui ont été énumérés par le premier groupe : la manne et nous nous avons parlé de la terre

promise et en quelque sorte extrapolé en parlant de paradis. Le peuple va posséder la terre promise qui est le

paradis. Cependant, il y a une mise en garde que l’Eternel met en garde qui est le sixième point en disant que

le peuple ne doit pas l’oublier et oublier que c’est Lui, l’Eternel qui lui a donné tous ces biens et c’est pas le

peuple qui a travaillé avant de les avoir et en 7ème point que si le peuple oublie, il sera sanctionné, il va périr.

Contributions des autres membres du groupe et autres : néant

2.3 Séance 3

D : Comment comprendre le désert par rapport à la terre,

G : Il y a des gens qui représentent le désert.

N : Je voulais ajouter ceci : « Qui t’a fait marcher dans ce désert où il y a serpents brulant et lieux arides….. ».

La parole de Dieu quel que soit le désert, il faut penser à Dieu.

L : Dieu donne à chacun son territoire physique où coulent le lait et le miel. Mais faisons-nous ce qu’il faut

pour mériter cette terre, Dieu fait traverser des épreuves et nous ne voulons pas faire des choses pour le bien

de tout le monde. Si chacun fait bien, on peut la rendre fertile comme on peut la rendre aride.

Z : Je fais le lien entre le peuple qui traverse le désert, c’est notre vie aussi qu’on traverse. Par rapport à nos

terres. En naissant on nait quelque part. La terre était une réserve. Un garçon qui avait déjà 25 ans, on parta-

geait la terre. Cette terre ne nous appartient plus parce que les parents ont vendu tous ces terrains et ceux qui

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sont nés après, ne pouvaient plus avoir des terres. Il n’y a plus de réserves. Les jeunes se partagent un seul

terrain, avec beaucoup de conflits puisqu’il n’y a plus de réserves.

J : L’homme était identifié par sa terre. Dès que l’on donnait le nom de quelqu’un il était connu par sa terre et

ainsi protégé

L : Dieu voudrait que chacun reçoive la parole et que chacun l’exprime. Il a exigé que chacun ayant écouté

puisse la pratiquer, que tous comprenne la parole, ceux qui comprennent ou ne comprennent pas. Au moment

où nous vivons, ne disons pas que tel est ainsi, l’autre comme ça. Nous ne pouvons pas juger les autres. Nous

devons accepter les autres.

T : Je vous pose cette question : Pourquoi à celui qui a on ajoutera et celui qui n’a pas, on va reprendre son

peu.

D : Il a dit quelque part de ne pas juger. Un filet dans l’eau ramasse tous les poissons, les bons, les mauvais.

Ne jugeons point. Aimons-nous les uns les autres.

K : Le texte de Matthieu dit qu’il faut laisser croitre le bon grain et le mauvais grain. C’est tout à fait normal

car c’est Dieu qui a créé le bon grain et les mauvais. Pourquoi l’homme veut déjà se mettre en juge. A force

de critiquer les autres, on se critique aussi. Moi, je pense que comme dit un proverbe de chez-nous que lors-

qu’on pointe du doigt quelqu’un, les autres doigts nous regardent. Nous ne sommes pas parfaits. C’est Dieu

qui doit juger et non nous. Nous devons faire pour nous et laisser Dieu juger.

D : Je suis d’accord avec toi. Lorsque j’ai cité avant le texte du filet qui ramasse tous les types de poissons,

c’était pour dire que nous en tant chrétiens, nous sommes comme des poissons. Nous sommes aussi nombreux

et variés comme les poissons. Chacun a sa façon de faire, d’agir de croire même en Dieu. Dieu a donné les

talents à n’importe qui nous dit la Parole. Il ne faut pas juger l’autre mais il faut voir ce que l’autre a en lui de

bien et copier. Il faut savoir mettre en commun ce que le Seigneur nous donne. On a lu la fois dernière et je

pense même aujourd’hui, le livre des actes qui dit qu’il faut mettre tout en commun. Il faut profiter du fait

que nous sommes nombreux pour être forts. Moi, je n’aime pas la division car la division rend faible et on ne

profite jamais de la division. Je pense qu’il faut faire ce qu’on peut faire de bien et laisser Dieu nous juger le

dernier jour. Voilà comment, moi, je comprends tous ces textes.

B : C’est par rapport à cette notion de terre de Saphira et Ananias, on peut dire qu’il faut vivre ensemble,

s’entraider car c’est le seigneur qui fera le reste.

T : Je reviens sur Ananias et Saphira que tu viens de citer qui est un bon exemple. Mais il faut comprende que

Ananias et Saphira avaient vendu les terres mais n’avaient pas déclaré tout le prix de la vente à Dieu. Ils ont

caché une partie et Dieu les a frappés. Il en est de même pour ceux qui aujourd’hui vendent les terres de

l’Église et mettent une partie dans leurs poches. Le moment venu, Dieu doit les frapper et ils verront les con-

séquences ; c’est pourquoi, je suis du même avis que l’autres personne qui disait qu’il faut laisser Dieu juger

et non nous ; Encore, remarquons que l’idée de Ananias et Saphira étaient de belles initiatives, c'est-à-dire de

vendre leurs biens pour l’Église. Il est bien vrai qu’ils ont été tentés par Satan

L : Jésus interpelle chacun de nous, chacun a sa terre, terre fertile. Chacun de nous est une terre et chacun

devrait se poser la question et se dire quelle espèce de terre suis-je ?

B : Par rapport aux tribunaux, il a été constaté que tous ceux qui vendent leurs terres et prennent la terre des

autres, ils retrouvent la malédiction. Dans ces familles, j’ai un cas concret des gens qui ont eu des tristes sorts,

malheurs car ce sont des gens qui faisaient de l’usure, accaparaient les biens de leurs frères et retrouvaient de

la malédiction. Je voudrai dire qu’une terre qui est donnée gratuitement et que les gens vendent reçoivent la

malédiction. Lorsque les enfants vendent les terrains familiaux, ça ne leur profite jamais.

K : La promesse a été faite à Abraham et à sa descendance. Pensons à notre descendance.

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J : Quel est le profit de la terre pour nous paroissiens de l’UFC (union des femmes chrétiennes du Came-

roun) ?

D : C’est à nous effectivement les mamans de voir comment elles peuvent réfléchir sur la terre. C’est nous

maman de posséder notre terre, de cultiver notre terre et de les fructifier pour la paroisse.

L : Aujourd’hui, nous avons les avocats, les nèfles, les mangues qui sont indispensables à la vente. Ces pro-

duits de la vente peuvent nous être utiles. Nous avons besoin des possibilités de formes de cultures. Comment

pouvons-nous produire les fruits d’avantage ?

T : Nous vous remercions beaucoup et au seigneur qui a bien voulu que nous ayons cette idée pour nos terres,

nos terres qui ne nous aident plus car nos terres ne produisent plus autant des fruits. On pouvait aussi utiliser

les fruits de la terre pour construire des maisons, qui peuvent être mises à la location. Nous pensons aussi aux

méthodes de développement et nouvelles méthodes d’agriculture qui nous aideront non seulement pour notre

paroisse même aussi dans nos plantations individuelles. Ainsi, si nous avons des méthodes de production

nouvelles et non archaïques, même certaines personnes pourraient profiter aussi. Je pense ici aux non chré-

tiens que nous pourrons évangéliser. Des projets rentables sont possibles sur nos terres et pour la paroisse

mais, je pense qu’il faudrait plutôt acquérir un savoir en technologie agricoles qui pourrait aider individuelle-

ment. Par exemple, un individu ne profiterait jamais d’une boutique qui a été construite pour la paroisse alors

que si nous avons apprenons des méthodes d’agricultures, chacun pourrait profiter individuellement et

l’Église aussi par les fruits des récoltes que nous apporterons comme dit Dt 26. Nous voulons apprendre des

nouvelles techniques qui vont nous aider à accroître. Le souci de formation est indispensable.

Plénière

1er rapporteur :

H : Nous avons travaillé sur le texte de Matt 13 et les autres textes cités, où Jésus-Christ parle des paraboles

de perles, de trésor. On a compris que le peuple de Dieu, c’est la terre. Nous sommes la terre. Lorsque nous

recevons la parabole, que faisons-nous d’elle ? Dans le texte, il est bien dit qu’il y a certains qui reçoivent la

parole et sont contents comme la parabole des grains qui se sont versés sur le bord de la route. Il y a certains

qui reçoivent la parole, dès qu’il y a un problème comme dans notre paroisse, il y a certaines situations qui

laissent certains oublier l’essentiel et oublier que c’est Dieu qu’on est venu louer et chercher et c’est l’amour,

l’unité, la parole. Pour un oui ou pour un non, il y a certains qui sont prêts à abandonner le but. Et là c’est la

parole qui tombe dans les ronces, les cailloux parce que ça n’a pas trouvé l’engrais en nous pour intégrer. Il y

a certains qui reçoivent la parole mais sont tellement occupés par les affaires, l’argent, le business, les affaires

de ce monde qui nous trompent souvent, qui comprennent la parole mais n’ont pas le temps d’intégrer cette

parole. D’autres comprennent et quelques temps après, c’est oublié. D’autres qui comprennent et qui mettent

en pratique et mènent une vie d’enfants de Dieu. Chacun comprend la parole et la façon dont chacun vit sa

vie. Il est passé aussi aux graines de sénevé pour dire que la parole de Dieu c’est la plus petite graine qui va

germer et devenir un arbre.

E : Rapporteur 2nd groupe

Comme les autres ont déjà dit, je ne dois pas répéter la même chose. On retient qu’il faut appliquer la parole

de Dieu. Comme les autres ont dit, on a le lait qui coule. Quand on a marché selon la loi de Dieu, on mène

une vie d’ensemble, meilleure. Il a aussi comparé le Royaume de Dieu à un trésor qu’on trouve dans un

champ. Comme dans une maison ou au grenier, on trouve de bonnes choses, la valeur. La valeur de la parole.

Si on connaissait la valeur de la parole, on laisserait tout ce qu’il y a de négatif. Même chose avec la perle.

Abandonner tout pour aller chercher la perle, la parole de Dieu. Bref, c’est comme ça que nous avons compris

le texte de Matthieu 13. Par rapport à Actes, le temps ne nous a pas permis.

Autres contributions : néant

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xxix

2.4 Séance 4

L : Il est toujours question de charité.

J : Dt 26 parle d’action de grâce sur les produits de la terre qu’il faut cultiver et prendre les fruits pour dire

merci au Seigneur.

H : Il faut pour nous sur notre terre, cultiver nos terres ensemble, que les terres paroissiales soient scindées et

partagées en groupe paroissiaux pour cultiver en groupe pour nous aider à développer notre paroisse.

B : Notre souhait à partir des textes bibliques, c’est de nous aider à la formation agricole des paroissiens. Le

projet rentable aiderait la paroisse peut-être nous n’aurons et ne saurons même pas où vont les fonds des pro-

jets rentables car détournés par des personnes. Nous avons besoin d’une formation qui nous aiderait aussi à

développer individuellement non seulement notre paroisse, mais nos propres familles individuelles.

E: Le texte parle des premières communautés chrétiennes, de leur union et de leur développement. Elles vi-

vaient en prières. Dans notre famille, il doit avoir de l’harmonie entre les parents et enfants entre époux. Nous

tombons d’accord. La terre n’appartient pas seulement aux hommes, mais à tout le monde. Les premières

communautés chrétiennes avaient confiances entre elles, il y avait l’amour car ils vendaient leurs terres pour

mettre leurs fruits en commun. La majorité des hommes qui sont héritiers et peu de femmes le sont. Les

hommes s’approprient des terres alors qu’il fallait s’accorder pour que tout aide non seulement les paroissiens

mais aussi les enfants.

G : Dans une concession, il y a eu des cas de ce genre et les femmes aussi ont eu leurs terres. Par rapport aux

terres appartenant aux groupes des paroissiens, chaque groupe choral ici a sa parcelle et ce qui nous manque

c’est cet amour mais il ne faudrait pas oublier que c’est Dieu qui fait croitre par la pluie etc.

L : Il faut récolter et penser à dire merci au Seigneur.

Z : Ce que nous manque aussi c’est la formation mais nous n’avons pas des moyens pour un bon rendement. Il

nous faut des moyens comme les engrais. Nous avons la force physique mais pas des moyens matériels et

financiers. Nous avons cultivé les choux, le macabo mais sans engrais, il n’y a pas eu de rendement. Nous

avons aussi besoin d’autres terres que la paroisse pourrait nous offrir. Le manque de terres est un faux pro-

blème car en fait les terres ne manquent pas mais les moyens de fructification, de rendement nous manquent.

M : Nous avons beaucoup de projets de manioc, choux, haricot, arachides. La formation en agriculture et les

moyens de production nous manquent.

K : Dans Dt, on a parlé des dîmes. Les bons fruits de la terre doivent être remis au Seigneur. Si j’ai sept seaux

d’haricot, il faudrait alors que je puisse répartir en dix et ressortir un dixième pour remettre au Seigneur.

J : Il faudrait reconnaitre la loi de Dieu à respecter, la loi d’amour et de reconnaissance envers la terre que le

Seigneur nous donne et rentabiliser la terre que le Seigneur nous donne.

G : Nous avons besoin des fientes, engrais et éviter des produits chimiques qui peuvent nous aider. On peut

demander à la paroisse de nous répartir d’avantage les terres, augmenter notre surface cultivable et ceci nous

permettrait aussi d’accroitre notre production.

H : Chaque pasteur qui exploite les terres doit rendre grâce à Dieu. Certains anciens pasteurs n’avaient pas

pensé qu’on pouvait développer notre terre pour les besoins de la paroisse. Il y a eu plusieurs disputes sur les

terres pendant la période missionnaire mais les projets rentables ne sont pas toujours les bienvenues car les

individus s’accaparent à leur propre profit. Ce qui est dommage. Je me rappelle aussi de Dieterlé et autres

missionnaires qui se sont battus pour les terres missionnaires mais Dieu nous donnera des facilités.

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xxx

M : par ailleurs, moi, je viens sur le texte des Actes des apôtres qui est un texte très riche à savoir mettre les

fruits en commun ; mettre les richesses en commun. Moi, je pense aujourd’hui, il faut mettre des choses en

commun. Il faut éviter de travailler seul, de faire toujours la compétition. Ce qui nous tue entre nous c’est la

jalousie et la concurrence. On ne peut pas s’aider les uns les autres. Dans la même famille, on veut réussir

seul. On veut être vu seul alors qu’il faut se donner la main dans la main. C’est ce qui est très important ; Je

pense que le texte d’Actes 2 nous invite à l’amour, à s’entraider les uns les autres à partager ce que l’on a de

commun avant de les réunir pour donner au Seigneur.

G : Le texte aussi des Actes rejoint celui de Dt 26 où il faut penser aux autres, aux pauvres, à ceux qui n’ont

rien. On ne peut pas donner la dîme à l’Église alors qu’il y a les membres de la famille dont on n’a pas aidé ;

l’évangile dit de couvrir le malheureux sans abri, de couvrir celui qui est nu, de regarder les malades et les

prisonniers ; rien ne sert de courir à l’Église donner des choses à Dieu alors que son prochain qui est juste à

côté de lui est méprisé. Moi, je crois que Dieu voit d’abord comment est-ce que nous vivons et il ne faut pas

le tromper.

B : Nous avons lu le texte d’Ac 2 et Ac 4, il est question de la charité et de l’union des chrétiens. En voyant

l’évangile dans notre cas de la paroisse, il faut nous mettre ensemble pour cultiver ensemble et partager les

fruits des récoltes en fonction de nos besoins et ainsi faire avancer notre paroisse et notre famille. Par rapport

aux femmes chrétiennes, il faut être ensemble, vivre ensemble, vivre la communion fraternelle. Il faut

s’entendre, en amour, cultiver notre terre ensemble sans disparité et individualité.

Plénière

1er rapporteur

Dans notre groupe, nous avons trouvé les textes riches. Nous sommes encore revenus sur le texte de Dt de la

fois dernière et nous avons encore dit qu’il faut donner la dîme et il faut respecter la parole de Dieu. Il faut

amener des fruits justes devant le seigneur ; Il ne faut pas tromper dieu et donner la dixième part car c’est dieu

qui donne. C’est lui qui nous a donné la santé pour cultiver. Pourquoi, il faudrait lui cacher des choses alors

qu’il sait ce dont nous avons besoin et ce qu’il nous a caché. Tromper Dieu c’est fuir son ombre ; on ne peut

pas fuir son ombre. Ces textes ont coïncidé avec les textes des actes des Apôtres qui demandent de vivre dans

la charité et la vérité.

2nd rapporteur

T : L’autre a tout dit. Nous-mêmes dans notre groupe, on a dit la même chose ; Il faut vivre dans la vérité, la

justice, l’amour et ne pas tromper Dieu qui voit tout.

Contributions autres :

D : Je voudrai tout simplement ajouter que la pauvreté nous menace et qu’il faut sortir de cette pauvreté grâce

à nos terres. Si on pourrait avoir des dons ce serait important. Il faut observer la Parole. Oui, c’est bien mais il

faut aussi témoigner par la pratique.

2.5 Séance 5

M : Les apôtres étaient rassemblés, ils ont vendu leurs terres pour partager. Nous qui avons nos terres, nous

devons les cultiver étant sur que nous pouvons cultiver nos terres et payer nos dîmes. Nous avons besoin des

tracteurs, bonnes semences.

K : Bonsoir, ça va toujours dans le même sens que Dt 8 qui nous dit que pour rentrer dans le pays, il faut

observer et mettre en pratique les commandements. A travers la parole de Dieu, nous pensons que nous pou-

vons mettre en valeur les portions de terre que nous possédons déjà. Après la mise pratique comme le verset

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xxxi

10, nous devons être reconnaissants de cette grâce de Dieu. Ces portions de terres qui ont été bénies par le

Seigneur.

E : J’allais ajouter que si nous cultivons on a besoin d’engrais, des pulvérisateurs.

M : Evitons des traitres parmi nous et soyons sincères et vivre dans l’amour

K : On a besoin de l’amour, nous devons nous entendre comme dit le livre des Actes, au verset 42 qui dit que

les apôtres vendaient leurs terres et partageaient des revenus et les mettaient à la disposition de l’Église. Au-

jourd’hui, il est difficile de voir ceux qui vendent leurs terrains et les mettent bau profit de l’Église ou au

profit des uns et des autres. Il faut que nous pensions à l’amour, la fraternité pour le partage. De nos jours, on

a besoin d’une mécanisation poussée pour développer nos terres et sans oublier aussi que le problème de

gestion des fonds se pose. Qui va gérer les fonds. Il y a un problème de rentrage moral sur les dilapideurs de

fonds et autres avec des complicités dans nos Églises. Comme pour dire qu’il y a un problème de fond, la

gestion, le vol, la traitrise etc.

M : Au temps des apôtres, il n’y avait pas d’égoïsme, d’individualité de vol dans les communautés comme le

cas de nos jours. Ils avaient l’idée de partage, de la communion fraternelle. Aujourd’hui, que de donner sa

chose à son prochain, il préfère jeter car trop jaloux de l’autre. Dans les familles, on a le champ tout comme

en paroisse, on ne préfère pas donner pour la cultiver. On préfère la laisser sans exploiter pour rien. C’est

l’esprit de jalousie et de mauvaise mentalité. On sait des gens qui vendent les terrains en catimini et mettent

l’argent dans leurs poches individuelles. Conclusion : on devrait partager.

E : Matthieu 13 a plusieurs types de terres et catégories qui recevaient les semences. Si nous avons des maté-

riaux de travail, nous pouvons être ces bonnes terres qui ont reçu de semences et qui ont produit des bons

fruits, des maïs, manioc, macabo. Aujourd’hui, pour avoir une bonne terre, il faut des engrais, des arrosoirs,

pour avoir une bonne production.

L : Nous avons travaillé dans Dt 26, il faut apporter les fruits, les meilleures choses à apporter dans la maison

de l’Eternel. Il faut présenter de bonnes choses au sacrificateur.

M : Aujourd’hui, certaine personnes disent qu’on ne doit pas passer par un homme pour donner une chose à

Dieu (notion de lévite ou de sacrificateur) oubliant que c’est Dieu lui-même qui le recommande. Quand tu as

de bonnes choses, on trie le mauvais pour aller donner au pasteur, quelle mentalité.

K : nous avons lu le texte de Dt 28, Dieu va bénir la terre, les fruits d’élevage, le fruit de nos entrailles. Nous

avons compris qu’il faut alors cultiver la terre et en cultivant la terre, on peut obtenir le maïs de qualité, le

haricot de qualité, on peut obtenir le soja de qualité. Avec ces produits, on peut faire l’élevage de volaille, des

animaux. Il a dit qu’il devait bénir le fruit de nos entrailles. Si le pasteur venait avant, il devait trouver des

études, un cadre qui encadre les enfants de 0 âge jusqu’à 15 ans. On étudie la Bible. L’islam gagne le monde

parce qu’il y a des écoles coraniques où on enseigne le coran aux enfants de bas âge. Nous nous sommes

rappelés de la parole de Dieu qui dit qu’il faut enseigner la parole de Dieu aux enfants de bas âge ainsi quand

il grandira, il ne s’en détournera pas. Si nous avons des moyens matériels pour cultiver le champ, nous pour-

rons élever nos enfants, faire des bonnes études pour être des cadres de l’Église et de la nation. D’un autre

côté, on doit apprendre à donner aux autres et aider ceux qui n’ont pas de moyens comme les veuves, orphe-

lins. Il faut financer l’œuvre de Dieu pour que ça avance. Avec les moyens, si nous les avons, nous aurons à

financer l’œuvre de Dieu, la paroisse, nos familles. Pour ne pas répéter ce que les autres ont déjà dit, on peut

s’arrêter là.

T : Comme Ananias et Saphira, ils ont vendu leur terrain, au lieu de donner tout ce qu’ils ont vendu, ils ont

caché une partie. Pour cela aujourd’hui, nous ne devons pas être des « Ananias » et « Saphira », si non

l’Eternel va nous frapper comme il a fait à Ananias et Saphira.

G : Ananias et Saphira ont été combattus pour le mensonge. C’était le mensonge, le vol et de nos jours, c’est

ce qui ruine nos Églises. On vend les terres, on cache l’argent. On détourne, on ment. On vole. Le détourne-

ment. Comme nous disons pour les pasteurs, le Seigneur a dit « Partez et n’emportez rien ». Il n’a pas dit aux

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pasteurs de partir en emportant les choses, en volant ou en mendiant ou en détournant. C’est ce qu’on voit

aujourd’hui dans nos paroisses.

Z : Le Seigneur a dit qu’il bénira le fruit de nos mains. Aujourd’hui, pour qu’on s’épanouisse, il faut que nous

mettions nos terres en valeur pour être épanoui sur le plan spirituel, matériel et social. Il faut donc travailler.

Le Seigneur nous invite au travail et c’est très capital. C’est même la leçon essentielle de tous ces textes que

nous avons lu.

N : Il faut travailler. Comme Dieu a dit à Adam et Eve, il faut travailler et ne pas voler ou détourner ou ca-

lomnier. Il faut le travail. A nous, le Seigneur nous adresse la même parole, c'est-à-dire travailler et manger à

la sueur de notre front.

D : Nous remercions le frère pour ces séances d’études bibliques qui nous vont tout droit au cœur.

M : pour moi, le texte de l’économe infidèle est un texte très important parce qu’il se réfère aux mauvais

gestionnaires, aux corrupteurs que nous avons aussi aujourd’hui dans notre pays, dans nos Église, tous ceux

qui avec les bergers, les pasteurs et les anciens font des combinent pour manger l’argent de la paroisse et qui

sont les premiers à dire que nos terres sont pauvres.

J : Je suis très touché par ce texte parce qu’il démontre que le péché existait depuis de longues dates et que

tous sont pécheurs ; ce qui est frappant dans ce texte c’est que l’économe infidèle après avoir volé sa part

cherche une piste de sortie de crise. Il corrompu les gens pour avoir la possibilité d’une part d’être bien vu.

D : Moi, je pense que ce n’est pas seulement la possibilité d’être bien vu mais de chercher à éviter la prison et

de préparer des amitiés. Ici, cet économe infidèle est un vrai magouilleur, un manipulateur de conscience

comme ceux que nous avons de nos jours dans nos entreprises, sociétés, dans le gouvernement

L : Ce que tu dis est vrai. Je suis particulièrement d’accord avec toi ; on a ces genres de personnes même dans

nos paroisses. Je me rappelle une année dans notre paroisse de Ngwinké, le pasteur avait corrompu les anciens

à vendre les terres de Mbouo à un gérant de station d’essence. Il avait enrobé le président de région qui aussi

avait reçu sa part d’argent et puis pour finir, ils ont tous corrompu le bureau de l’Église à ne rien dire. Ici, ne

faisons pas comme nous ne connaissons pas ce qui se passe autour de nous. Notre terre de Mbouo est toujours

grignoté d’années en années, vendues avec des complices qui sont des anciens d’Église, des paroissiens qui

sont des voisins et qui font aussi de mauvais témoignage lorsqu’on fait venir le sous-préfet pour la délimita-

tion de choses. La veille un jour où le sous-préfet devait venir, les voisins de l’Église du côté du fleuve sont

même partis corrompre le chef de quartier qui a aussi pris l’argent. Nous avons su parce que lorsque le sous-

préfet lui a posé la question s’il était né au moment du premier bornage puisqu’il disait qu’il connaissait tout

ce qui se passait sur les terrains de l’Église. On lui a demandé de donner sa carte d’identité et il était né en

1940 alors que le terrain de Mbouo fut borné par les allemands en 1913. On a su qu’il était corrompu et qu’il

avait pris sa part d’argent. Voilà le genre de faux témoignage que des gens font et il faut aussi reconnaitre que

ce chef de quartier est paroissien. Sa mère était paroissienne et ancienne d’Église.

Plénière

1er rapporteur

B : Nous avons tiré en résume que les chrétiens se sont rassemblés d’un seul cœur, et rassemblaient leurs

biens. L’évangile était annoncé avec force. Comme Joseph, nous allons cultiver nos champs. Nous avons

besoin des tracteurs, bonnes semences. Pour nous il faut lutter contre les médisances, le vol, la calomnie, le

faux, le contre témoignage. Les textes des Actes, et Luc sont clairs en ce sens. Il faut appliquer la parole de

Dieu dans nos vies.

2nd rapporteur

M : Comme a dit la première personne, nous sommes tous d’accord avec lui. Ce que je pourrai ajouter pour

notre groupe c’est qu’on a dit qu’il nous faut combattre le mensonge, l’hypocrisie, le vol, la jalousie. C’est ce

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qui tue notre Église à partir du sommet jusqu’à la base. Les gens ne craignent plus Dieu. Les gens viennent à

l’Église pour chercher à se remplir les poches et surtout les retraités des autres services qui viennent trouver

du travail à l’Église pour passer leurs vieux jours et ce sont eux qui polluent aussi l’Église. Après avoir pillé

les fonds de l’Etat, ils viennent piller l’Église. C’est malheureux. Il faut vraiment prier pour notre Église.

Autres contributions : néant

2.6 Séance 6

H : Pour moi, le texte est très riche car on ne peut pas servir Dieu et le diable. La terre donne de l’argent mais

il faut savoir l’utiliser. Les gens aiment beaucoup de l’argent mais un bon chrétien ne doit pas prendre de

l’argent comme Dieu et c’est ce qui fait problème aujourd’hui dans notre société. Tout n’est que l’argent. Les

chrétiens à l’Église ne cherchent que de l’argent alors qu’on devrait venir à l’Église donner de l’argent et non

piller l’Église ou prendre l’argent de l’Église. C’est le contre témoignage. Comment comprendre que les pas-

teurs et les anciens prennent l’Église comme un marché ou un comptoir à la recherche de ‘argent. Ce n’est pas

possible. Le texte de Luc est clair. Jésus avait chassé les voleurs au temple. Je ne me rappelle plus des versets

mais je pense que c’est Jean 2, 13 et suivant. Un texte qu’il faudrait lire et appliquer à notre Église. Les vo-

leurs à l’Église devraient être chassés ; il est vrai, on va dire qu’on ne chasse pas les gens à l’Église mais

l’Église devrait punir les méchants. Les Etats Unis sont un pays chrétien mais il y a la peine de mort ; même

Dieu fait mourir. Nous avons lu Dt 28 qui parle des malédictions.

D : Tu as parfaitement raison. Moi aussi, je vois les choses comme toi. Le texte biblique dit montre comment

le monde est plein de malhonnêtes. Il est vrai on ne désire pas la mort du pécheur mais qu’il se répande. C’est

vrai mais on doit attirer l’attention du pécheur. Ici, on a attiré l’attention de l’économe infidèle qui lui de son

côté joue au malin. On a aussi beaucoup parmi nous qui joue au malin à l’Église et dans notre paroisse. Tout

ce que tu as dit est vrai. C’est un sujet que beaucoup n’aime pas aborder. Heureusement que ces études bi-

bliques nous donnent la possibilité de parler. Si on était plutôt à la salle paroissiale ou à l’Église, on ne pou-

vait pas dire car même les murs ont des oreilles. Merci à notre enfant du terroir qui veut que les choses chan-

gent et je pense que les choses doivent changer. Il faut que nous ayons le courage d dénoncer et ensuite de

prendre des mesures pour le développement de notre paroisse. Moi, je propose qu’on sanctionne tous ceux qui

avec les pasteurs volent nos terres, louent nos terres dans le flou. Je propose que ces terres soient distribuées

aux paroissiens qui vont cultiver et retire une part pour venir donner à l4eglise. Les terres de l’Église de-

vraient d’abord servir aux paroissiens. Les paroissiens doivent cultiver ces terres et venir leur donner la dîme.

E : Moi, je pense que le texte est riche et qu’il faudrait comme tu dis voir les choses en face : Comment faire

changer les choses ? Moi, je pense qu’il faut dire les choses à la direction et leur demander de ne plus gérer

nos terres. Ensuite, il nous faut des moyens comme faisaient les premiers missionnaires vers les années 1950 à

savoir demander les dons en Europe, demander un financement pour acheter les meilleurs outils, les engrais

de bonne nature, les bonnes semences et pourquoi pas les tracteurs pour nous aider à cultiver. Aujourd’hui, on

ne cultive plus avec la houe comme on le faisait au départ ; on cultive avec les machines et le rendement est

bon. On pourrait exporter nos produits comme des gens exportent les bananes séchées en Suisse. Moi, je

pense qu’il faut s’organiser et demander à notre frère pasteur en Belgique de nous aider à trouver un finance-

ment.

T : Oui, je suis d’accord avec toi mais si on n’est pas sûr qu’on va bien gérer, c’est inutile. Avons-nous la

possibilité de bien gérer les choses ? Ce qui nous tue au Cameroun, c’est la mauvaise gérance des choses.

C’est aussi un problème de mentalité. L’économe infidèle est un exemple de quelqu’un qui connait son travail

et qui laisse son travail pour faire le faux. C’est un possédé démoniaque. Je pense que cet économe a une

mauvaise mentalité. Nous sommes tous des « économes infidèles » dans notre paroisse, dans notre famille et

partout où nous travaillons.

H : Vous avez tout dit mais moi je pense que ce qui est important c’est voir comment on peut délivrer notre

paroisse. Le texte nous donne des exemples mais comment appliquer dans notre cas, si nous ne trouverons pas

de solutions, je pense que c’est comme ça chaque fois que nous tournerons en rond et on aura jamais la solu-

tion. Il faut prendre des mesures strictes et sévères.

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xxxiv

M : Je reviens sur le texte de Dt 26 qui dit qu’il faut déposer au prêtre la corbeille des fruits mais avant de le

faire, il faut penser aux pauvres, veuves, enfants. Vraiment ce texte est important car rien ne sert de dire qu’on

prie Dieu quand on fait de mauvaises choses. Aujourd’hui, les veuves sont délaissées, les enfants dans les

régimes polygamiques sont délaissées. Les femmes n’ont pas de paroles. Si oui, elles sont des esclaves dans

certaines familles. Moi, je pense que ce texte devrait être appliqué dans cette paroisse. Il faut réveiller les

gens, demander au pasteur de prêcher dessus et nos les femmes, je vous invite à conseiller nos sœurs qui sont

dans ces situations et grever.

K : Tu as raison. Je pense qu’il faut laisser les choses changer petit à petit. Dieu n’aime pas la grève.

L’évangile dit de rencontrer ton frère qui a péché et de te réconcilier avec lui.

Z : M a abordé un sujet qui est difficile dans notre milieu et il faut réfléchir sur ce point avec beaucoup de

sagesse si non on risque tout gâter.

N : N’ayons pas peur. C’est le travail du Seigneur. Ces études bibliques nous ont ouvert les yeux et je pense

que nous allons changer les choses.

G : Moi, je pense que il faut amener les chrétiens à craindre Dieu. Nous ne craignons pas Dieu. Si on craignait

Dieu, on ne pourrait pas faire des mauvaises choses comme ces terres de notre paroisse qui sont vendues et

dont l’argent ne nous sert pas. On ne nous dit jamais la vérité sur le montant réel qu’on a vendu. La fois der-

nière, on a vendu le terrain à des gestionnaires de la station d’essence et on nous avait promis de nous donner

une partie pour la construction de notre temple. Ce qui avait été fait. Mais on a compris que le pasteur avait

jonglé avec les chrétiens et l’entrepreneur. Le montant qu’on avait donné n’était pas le vrai montant. Le no-

taire a révélé le vrai montant. Voilà nos problèmes. On trouvera de vrai pasteur où ? Tous les pasteurs qu’on

nous envoie sont soit des jeunes enfants qui ont raté leur vocation, soit des vieux pasteurs qui veulent de

l’argent pour préparer leurs retraites. Nos problèmes de la paroisse sont très complexes et se trouvent à tous

les niveaux. Heureusement que le texte de Luc nous ramènent sur le bon chemin et nous dit de ne pas servir

deux maitres à la fois.

B : Je reviens au texte de Dt 28 qui parle des malédictions. Vraiment l’économe infidèle est un maudit. Je fais

le lien entre Dt 28 et Luc 16. Ce qui est clair est que l’économe a reçu ou va recevoir la malédiction. Je pense

qu’il a même déjà reçu.

Je pense que la terre que dieu nous donne est une terre bénie mais qui est à la fois maudite si nous ne respec-

tons pas les commandements. Pour moi, si les commandements de dieu sont respectés, on ne manquera de

rien. Ceci me fait me rappeler le psaume 23 qui dit que l’Eternel est mon berger Je ne manquerai de rien. Et

autre texte qui dit que le salaire du pécheur, c’est la mort. Donc dieu nous a tout donné. Il nous a donné pour

nous à Mbouo des terres. Si nous ne savons utiliser ces terres, elles vont constituer des sources d’intrigues, de

désordre et c’est ça la malédiction. Pourtant si on respecte les commandements en gérant nos terres comme ça

se doit, en craignant Dieu, en laissant de côté les conflits des personnes, les intérêts individuels, l’escroquerie,

le mensonge et tout ce qui nous déshonore, Dieu va bénir nos terres. Les européens pourront financer nos

projets et nous aurons de quoi nourrir nos pasteurs et nous-mêmes, nous aurons de quoi envoyer nos enfants à

l’école.

E : Moi, je pense que tu as raison. Le Dt 28 promet des bénédictions comme tu le dis. Le texte dit que si on

obéit, tout ce que l’on va entreprendre va réussir. La ville va être bénie. La ville c’est qui ? C’est notre village.

C’est notre paroisse. C’est nous-mêmes. Le texte dit que les fruits du sol seront abondants. Tout ce que nous

cultivons, que ce soit les patates, le maïs, le haricot vont donner une grande production. Aujourd’hui, si nos

terres ne donnent rien, ça veut dire que nous sommes en partie responsables. C’est que nous ne savons même

pas cultiver. Nous avons trahi ce que nos ancêtres ont fait et c’est ça la malédiction. Pour moi, il faut revenir

comme nos grands-parents qui ont fondé la paroisse. C’étaient des gens pieux, qui passaient leur temps à

réfléchir pour le bon fonctionnement de l’Église et tout réussissait. Je me rappelle que mon grand- père nous

racontait qu’à la période des missionnaires. Ces derniers leur donnaient des portions de terres de la paroisse et

ils cultivaient et venaient donner la dîme. Aujourd’hui, on ne donne même plus de dîme. Aujourd’hui, on fait

la fête des récoltes mais combien donne la vraie proportion de leurs avoirs à savoir la dixième part, Très peu.

Moi aussi compris. Je pense que nous trompons Dieu. Le Dt 26 est clair à ce sujet. Nous trompons Dieu et

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xxxv

nous attendons que nos terres soient bénies. Ce qui ne peut pas l’être ; on ne trompe pas dieu qui sait tout et

surtout que c’est lui qui nous donne. Je pense que nous avons d’abord à nous confesser ; Nous avons à de-

mander pardon à Dieu avant de faire n’importe quoi. Je pense qu’une vraie confession publique de nos parois-

siens est important pour demander à Dieu de chasser tous les démons qui sont en nous et qui nous empêchent

de nous aimer d’abord les uns les autres, puis de nous développer, de fructifier nos terres et notre paroisse. Si

nous ne faisons pas cela, nous serons toujours pauvres. Notre paroisse sera toujours pauvre.

D : Il faut organiser un culte d’action de grâce si j’ai bien compris ton raisonnement pour nous purifier et

demander à Dieu de nous aider pour notre paroisse. C’est très important. Par ailleurs, il faut reconnaitre que

nous ne sommes pas très pauvres aussi comme on le pense. Dieu nous a donné une richesse qui est la terre de

notre paroisse et même nos terres du village. Chacun a hérité la terre de ses parents ou de ses ancêtres mais je

pense qu’il ya un problème de mentalité. Si nous gérons bien nos terres, notre argent. Si nous mettons tout en

commun comme dit le livre des Actes des apôtres. Si nous mettons notre intelligence en commun, nous met-

tons nos biens en commun, nous allons nous développer. Moi, je pense que c’est un problème de mentalité

qu’il faut combattre. Je me rappelle que nos parents ont donné gratuitement leurs terres aux missionnaires

blancs sans prendre de l’argent. Aujourd’hui, qui peut donner les terres à quelqu’un sans prendre de l’argent,

Il y a un manque d’amour. Aujourd’hui, tous les successeurs qui héritent des terres vendent aux tiers pour

avoir de l’argent et ne laissent rien à leurs descendants ; Si nos grands parents avaient fait la même chose, est-

ce-que nous aurons aujourd’hui ces terres, Quand on dit que les femmes n’ont pas droit aux terres parce

qu’elles sont des femmes, devant aller se marier dans d’autres familles, est-ce la raison pour discriminer les

femmes de l’héritage des terres alors que ce sont ces femmes qui accouchent des enfants, qui nourrissent leurs

maris, qui envoient le enfants à l’école, Alors vous comprenez que c’est un problème de comportement.

L : Tu as raison. Je pense qu’il faut commencer pas nous révolter et dire non à certaines pratiques au sein de

notre village afin de venir critiquer la paroisse. Vous qui critiquez aujourd’hui, si on vous met à la place des

anciens d’Église, si vous ne changez pas de mentalité, ce sera la même chose.

T : Nous tous, nous avons beaucoup parlé, c’est vrai. Mais moi, je pense qu’il faut revenir à la parole de Dieu.

Le livre de Ac 2 résume tout en disant qu’il faut accepter la parole, craindre Dieu et persévérer dans la prière

et les enseignements. Combien de fois nous avons dit qu’il faudrait faire des études bibliques dans notre pa-

roisse et tout le temps, on commence et on laisse pour discuter des choses inutiles ? Il faut persévérer dans les

études bibliques comme ceci. Chacun a parlé. Chacun a dit ce qu’il pense. On peut sortir ici avec beaucoup

d’idées qu’on pourra transmettre à nos anciens d’Église et on peut leur dire que ces études bibliques nous ont

fait du bien ; Ce qui m’a plu, c’est qu’on a fait ça hors de la paroisse pour permettre qu’on discute bien sinon

des gens vont dire que c’est la secte. Je me rappelle lorsqu’on a institué les études bibliques, une fois, des

anciens ont parlé des sectes ; c’est bizarre ; Le pasteur de l’époque a cautionné. Ils nous sont même excom-

munié disant que nous faisons partie des sectes. Il faut beaucoup prier pour cette paroisse et attirer l’attention

du bureau de la direction d’Église de ne pas nous mettre de temps en temps dans des problèmes car le dé-

sordre vient aussi souvent d’en haut. Quand les dirigeants ne sont pas déjà spirituels, qu’est-ce qu’on attend

de leurs pasteurs, ouvriers ? Il faut revenir à la parole de Dieu.

H : Moi, je pense aussi qu’il faut revenir à la parole comme tu as dit mais il ne faut pas suivre les mauvais

bergers. Nous-mêmes qui sommes conscients, nous devrons chercher le changement. Nous devrons prier pour

eux et prier le seigneur de changer les cœurs des endurcis. La parole de Dieu demande de prier pour les en-

nemis. Prions pour notre Église et mettons la parole en pratique. AC 4 dit qu’il faut mettre les choses en

commun. C’est vrai, avant de mettre nos biens en commun comme faisaient les premiers disciples, commen-

çons d’abord à nous réunir à prier, à nous aider les uns les autres. Ne regardons pas ce que les autres font.

Tournons-nous sur nous-mêmes. Donnons ce que nous pouvons donner à l’Église. Mettons nos efforts en

commun et Dieu va nous bénir. Dieu va nous donner des grâces. Chacun vient à l’Église pour demander indi-

viduellement sa grâce au seigneur. Si nous voulons que le seigneur nous bénisse, ne regardons pas les autres ;

Faisons ce que dieu nous demande. Faisons des actions de grâce. Mettons nos choses en commun pour le

service du seigneur et il va nous bénir. Les premiers disciples vendaient leurs champs pour l’Église. Ceci ne

veut pas dire qu’aujourd’hui, nous allons vendre nos terres. On peut les vendre si on possède les terres et

donner l’argent à l’Église. Comme on peut aussi donner nos terres pour un projet rentable d’Église comme la

création d’une école, d’un hôpital, bref pour une œuvre sociale. On ne refuse pas de vendre les terres.

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xxxvi

J : Moi je comprends le texte d’une autre façon. Les apôtres avaient les terres. C’étaient leur richesse. Je

pense qu’ils donnaient ce qu’ils avaient. Aujourd’hui, on peut ne pas avoir des terres mais avoir ce qui peut

aider la paroisse. Quelqu’un peut donner un coup de main à la paroisse, aider comme maçon pour construire

une salle, faire du bénévolat etc. Voilà comment je comprends le texte. Nous avons tout dit et je pense que

nous allons remercier notre fils qui a bien voulu faire des études pour notre paroisse. Nous sollicitons que ses

études réussisses et qu’à partir de son travail qu’il nous aide à trouver des solutions. Nous avons déjà com-

mencé. Il ne faudra pas qu’il nous lâche en cours de route. Il faut qu’à partir de son courage que nous connais-

sons toujours, que le Seigneur l’aide à nous aider.

Plénière :

1er rapporteur :

N :On a beaucoup dit des choses concernant les textes bibliques et notre vie. On a dit que le passé de nos

parents étaient glorieux parce qu’ils craignaient Dieu et obéissaient à la parole (Dt). Aujourd’hui, les gens ne

craignent plus. Il n’y a pas d’amour. Pour nous, il faut combattre l’égoïsme et créer l’amour. Les autres

membres du groupe peuvent ajouter. Voilà ce que j’ai retenu en gros

2nd rapporteur :

Z : On aussi dit la même chose mais on est revenu sur le fait qu’il faut nous distribuer les terres ; Il faut que

nos terres soient fécondes. Il nous faut des moyens pour fertiliser la terre. On a besoin des méthodes rentables

pour le terre. Voilà ce que nous pouvons dire de ce qui s’est passé dans notre groupe. On a parlé de beaucoup

de choses mais en gros, on a besoin de l’aide.

Autres contributions : néant

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xxxvii

Annexe 2. Analyse socio-littéraire des verbatim des ateliers bibliques

En guise d’introduction à toutes les séances d’ateliers bibliques qui suivront : Tous les verbatim ont été re-

cueillis pendant le mois de décembre 2013 dans la paroisse Mbouo-Ngwinké au Cameroun dans le cadre de

six séances d’ateliers d’études bibliques. Toutes les séances d’ateliers se sont déroulées au préalable sans

guide de préparation aux participants. Ceci dans le contexte du focus group pour permettre aux participants de

se sentir libres et volontaires dans leurs propres analyses et réflexions. Les textes bibliques sources avaient été

indiqués à l’avance afin de permettre à chaque participant de prendre contact avant les séances. Il s’agit de :

Deutéronome 8, Deutéronome 26, Deutéronome 28, 1-20, Luc 16, 1-13, Ac 2, 42-47, Ac 4, 32-37. A chaque

séance, les participants choisissaient entre eux les textes à partager. Question de laisser libre cours à chacun et

à chaque groupe de partager librement.

1. Justification d’ensemble du choix des textes

En ce qui concerne ces textes choisis, de manière succincte, je dirai que le texte de Dt 8 par exemple parle du

don de la terre. Celui du Dt 26 parle de la finalité des fruits de la terre. Le Dt 28 parle de la mise en garde sur

la bonne gestion de la terre. Matthieu 13 parle des paraboles du Royaume identifie la terre de nos jours au

Royaume des cieux. Luc 16, 1-13 parle de l’utilisation de l’argent, la bonne gestion. Actes 2, 42-47 et Actes

4, 32-37 parlent de la vente des biens et des terres pour l’Église. Ces textes ont été choisis à titre d’hypothèse

préparatoire et pourraient susciter des réflexions collectives sur le rapport des paroissiens à la terre. Ils pour-

raient aussi susciter des prises de conscience peut-être voir des perspectives qui peuvent jaillir de la relation

entre les paroissiens et la terre. Ces textes ont été étudiés par les participants dans un cadre d’échange, de

partage mutuel, réfléchi. J’ai également laissé la possibilité aux paroissiens de proposer d’autres références

bibliques s’ils les jugent nécessaires.

1.1 Lien exégétique

J’ai pensé que les textes choisis et proposés de Dt 8, Dt 26, Dt 28, Matt 13, quelques versets de Luc 16, de Ac

2 et Ac 4 viendront renchérir peut-être la notion du salut et du Royaume. Les raisons du choix sont les sui-

vantes : Nous avons pensé que le peuple élu s’est vu retarder l’entrée en « terre » promise à cause de sa déso-

béissance vis-à-vis d’YHWH. Cette terre promise était déjà considérée comme un avant-goût du Royaume

pour ne pas dire le Royaume amorcé sur terre.

1.2 Lien intertextuel

Ces textes choisis et proposés m’apparaissent comme capitales les uns, les autres et je pense qu’un lien pour-

rait se tisser entre eux. C’est la raison pour laquelle je penserai peut-être à ébaucher de manière simpliste que

soi une étude intertextuelle en image de façon très brève afin de comprendre cette théologie de la terre dans

une perspective de richesse ou de pauvreté ainsi que son impact pour tout enfant de Dieu.

2. Analyse des verbatim

2.1 Première séance

Texte source : Dt 26

M : Le texte parle des prémisses que le Seigneur donne, c'est-à-dire des premières récoltes,

fruits de la terre qu’il faut cultiver et sortir des fruits pour le développement de la paroisse. Dieu

envoie l’homme dans un pays où il va récolter des bons fruits. Ce qui veut dire que Dieu ne

nous donne pas la mauvaise terre. C’est nous à notre tour qui rendions la terre mauvaise. Dans

la paroisse, les chrétiens même représentent les récoltes.

Approche interprétative :

1. Voix narrative du texte source à laquelle le participant fait écho

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xxxviii

Le participant fait écho au narrateur prescrit à savoir le fidèle qui apporte sa dîme par obéissance et res-

pect. Il ne fait pas allusion au narrateur effectif qui pourrait être Moïse.

2. Identification du personnage

Le participant s’identifie au personnage croyant du texte (l’hébreu ou le peuple hébreu) à savoir le « tu »

utilisé dans le texte.

3. Mots insistés par le participant

Prémisses, récoltes, terre, pays, fruits

4. Actualisation du texte source par le participant

Ici le participant explique que la terre est un don de Dieu, de même que les prémisses. Ce don de Dieu de

la bonne terre marque la bienveillance de Dieu. L’homme peut être rassuré que tout don de Dieu est bon.

Toute terre est bonne et peut porter des bons fruits. Comme pour dire qu’il n’y a pas de mauvaise terre ni

de mauvais don de la part de Dieu. C’est l’homme qui doit en profiter. Cet homme est sous-entendu les

paroissiens qui doivent profiter de ce don pour le développement de la paroisse. Ces paroissiens sont aus-

si considérés comme récoltes. Implicitement l’auteur montre ce lien qui existe entre les trois termes à sa-

voir chrétiens, terre et récoltes. Implicitement, on a l’impression qu’il s’adresse directement aux parois-

siens de sa communauté. Il connait sa communauté.

5. Dimension sociologique

Le participant parle déjà du développement de sa paroisse. On a déjà un fait social à savoir le sous- déve-

loppement de la paroisse ou encore la pauvreté de la paroisse. On comprend qu’on se trouve dans un con-

texte ou un cadre purement rural puisque il y a une ressemblance entre le fait vécu du texte biblique et le

rapprochement avec la paroisse. Il y a une identification nette du contexte social du texte biblique et le

contexte social de la paroisse. On peut déjà savoir que la communauté est rurale et que l’intention visé du

participant est de voir comment sa situation sociale ou la situation de pauvreté de sa communauté peut

être améliorée. On remarque qu’il y a un impact social sur le participant et c’est la raison pour laquelle

dès ses premiers mots, il fait référence au développement de la paroisse. Le vécu social se fait sentir.

L’esprit ou le besoin de changement se fait ressentir. Il ya aussi ce rapport homme-Dieu. La conception

de Dieu qui offre tout don. C’est aussi une coutume bamiléké (ouest Cameroun) où dans la culture c’est

Dieu qui offre tout à l’homme et il faut lui rendre grâce par des rites. Le rite d’action de grâce est aussi un

rite coutumier. Cet imaginaire religieux biblique se retrouve dans les coutumes ancestrales de l’ouest

Cameroun.

Texte source : Dt 26

G : Dieu nous envoie sur cette terre comme il a envoyé les cananéens dans une terre fertile.

Notre terre est fertile. A nous de la cultiver. Cultiver la terre est une bonne chose mais comment

faire pour évacuer les récoltes ? C’est un des points importants. En plus, il faut savoir cultiver la

terre. Il faut avoir les semences, les bonnes et avoir aussi de bonne terres. On a constaté

qu’avant les terres étaient fertiles mais maintenant, il faut les engrais. Ces terres sont toujours

remuées chaque année et ne donnent rien. Je pense qu’il faut que nous ayons d’abord les en-

grais, ensuite on verra ce qu’on peut faire. On peut même louer les bonnes terres ailleurs qui

sont fertiles mais où trouvera-t-on de l’argent ? Si Dieu nous donne des bonnes récoltes, on

viendra le louer avec les bons fruits mais s’il ne nous donne rien, il ne pourra pas se fâcher de

moi.

Approche interprétative :

1. A quelle voix narrative du texte source le participant fait-il écho ?

Il fait écho à celui qui parle dans le récit à savoir Moïse qui s’adresse aux cananéens.

2. A quel personnage le participant s’identifie-t-il ?

Il s’identifie aux cananéens.

3. Sur quels mots le participant insiste-t-il ?

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xxxix

Il insiste sur les mots terre, récoltes, fruits

4. Comment le participant actualise-t-il le texte source dans sa propre situation personnelle ou sociale?

La mission de l’homme sur la terre est d’occuper cette terre et de la fructifier. Telle est l’allusion aux ca-

nanéens. Il y a une identification de l’homme. La terre est un don indispensable à l’homme. Ici l’homme

représenté par le nous symbolise les paroissiens. Cette terre nécessite une mise en valeur. Pour cette

mise en valeur, des besoins se font ressentir à savoir l’argent, les fertilisants. L’homme doit produire

plus de fruits, des fruits physiques et spirituels. La terre peut être bonne comme pas. C’est la raison pour

laquelle, il faut l’entretenir, la conserver pour qu’elle soit bonne ou rechercher celle qui est bonne. D’où

la notion de recherche de la bonne terre, de la préservation, de la conservation et du développement. On

peut comprendre le cas des paroissiens qui en lisant ces textes voient le cas du développement de leurs

propres terres, des terres de la paroisse et surtout du développement de leur paroisse. D’où

l’interpellation de Dieu d’aider l’homme en lui donnant des bonnes terres ou en lui donnant des moyens

financiers pour fructifier son rendement rural.

5. Dimension sociologique

Il y a ici un besoin social qui est la notion de développement, la notion de travail, la notion de besoin. On

remarque que l’on est dans un environnement social dont la terre est la seule source de subsides. Il faut

donc s’accrocher à la terre. C’est une terre pauvre puisqu’elle est remuée chaque fois. On est dans un

contexte social rural. Il y a un impact social du fait de la pauvreté de la terre ou d’une carence de rende-

ment de la terre sur les agriculteurs. On comprend donc l’impact de cette terre sur les individus et sur la

paroisse. On est en présence d’une communauté qui ne peut vivre que de sa terre et qui par hasard a un

faible rendement. Il y a ce rapport homme-terre qui est très sensible. Dieu est proche des hommes. La

terre est un don de Dieu mais il y a aussi une responsabilité de l’homme à l’égard de cette terre qui est

l’observance de la loi. Ce qui constitue un point éthique important. Le respect de la terre ou de la loi

donne les bénédictions alors que la violation de la terre ou de la loi donne les malédictions. Ceci est aus-

si une coutume africaine et purement camerounaise. Il ya ici une analogie entre la culture du peuple juif

et la culture africaine, camerounaise ou bamiléké (ouest Cameroun).

Textes sources : Dt 26 et Matthieu 13

K : Dieu nous donne la terre pour cultiver, pour nos besoins et pour lui rendre grâce. La terre est

donc cette matière qu’il faut cultiver, retirer les fruits pour le Seigneur et pour nous-mêmes. On

aussi une autre parabole comme celle du semeur et on comprendre ce que signifie la parabole

du Seigneur. Je pense qu’il y a un lien entre la terre de Deutéronome et la parabole du Seigneur.

Approche interprétative :

1. A quelle voix narrative du texte source le participant fait-il écho ?

C’est la voix du narrateur effectif à savoir Moïse sous-entendu ; On sous-entend toujours que c’est Moïse

qui parle.

2. A quel personnage le participant s’identifie-t-il ?

Le participant se met à la place de celui à qui Moïse adresse le message c'est-à-dire au peuple de Dieu.

3. Sur quels mots ou expressions du texte source le participant insiste-t-il ?

Les mots sont : terre, cultiver, rendre grâce.

4. Actualisation

La terre est à cultiver pour satisfaire les besoins de l’homme. De ce fait, elle doit être bonne. Dieu devrait

lui-même offrir une bonne terre et un meilleur rendement car c’est à partir du rendement qu’on lui offre

aussi une part en dîme. Dieu a aussi obligation de nous aider en ce sens sinon, il n’aurait pas aussi à se

fâcher de l’homme qui a été impuissant de fructifier la terre. On a ici un jeu de responsabilité. Celle de

Dieu pour le don et celle de l’homme, le récipiendaire du don. Ce don est l’objet de remerciement et

d’action de grâce. D’où l’interpellation des paroissiens à demander à Dieu la bonne terre et se souvenir de

le remercier. La référence aux textes bibliques est capitale comme argumentation.

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xl

Textes sources : Deutéronome 8 et Matthieu 13

J : La parole de Dieu doit être connue et on doit la garder, ne pas faire des fautes. La terre c’est

donc le Royaume qu’on vit déjà. Chacun de nous perçoit la parole comme il entend mais cette

parole doit être vécue et mise en pratique.

2. A quel personnage le participant s’identifie-t-il ?

Le participant se met à la place de celui à qui Moïse adresse le message c'est-à-dire au peuple de Dieu ou

à ceux dont Jésus s’adresse.

3. Sur quels mots ou expressions du texte source le participant insiste-t-il ?

Les mots sont : terre, garder, parole.

4. Comment le participant actualise-t-il le texte dans sa propre situation ?

La parole de Dieu ici doit être respectée selon l’auteur. On assiste ici à une forme de catéchisme ou de

doctrine. C’est le rappel à la notion de chrétienté. La terre n’est ici qu’une référence à la notion de

royaume. D’où l’interpellation de l’homme à la royauté de Dieu.

Textes sources : Deutéronome 8 et Matthieu 13

D : La bonne parole doit germer. Donc la parole de Dieu est comme cette terre, notre terre qui

doit être jalousement conservée pour qu’elle porte des fruits. La connaissance de la parole est

très importante. La parole est la terre. Chacun de nous perçoit la parole différemment. Chacun a

sa parole, comment il comprend la parole.

Approche interprétative :

2. A quel personnage le participant s’identifie-t-il ?

Le participant se met à la place de celui à qui Moïse adresse le message c'est-à-dire au peuple de Dieu ou

à ceux dont Jésus s’adresse (il y a deux textes bibliques).

3. Sur quels mots ou expressions du texte source le participant insiste-t-il ?

Les mots sont : terre, parole.

4. Comment le participant actualise-t-il le texte dans sa propre situation ?

La parole de Dieu est assimilée tant à une semence qu’à la Parole. En tant que semence, elle doit germer

et produire des fruits. On note ici un encouragement à écouter la Parole de Dieu, à ne pas se décourager et

à l’intérioriser tout doucement, étape par étape comme le processus de la germination. C’est un proces-

sus. Le développement est un processus qui nécessite du temps et des actions. Ce qui serait un cas de fi-

gure pour la paroisse.

5. Dimension sociologique

On note le fait social du « vivre ensemble », reconnaitre la présence de l’autre, reconnaitre l’existence

d’un groupe social. Ici, on se rend compte que les us et coutumes de l’ouest Cameroun sont valorisées par

rapport à la culture hébraïque. C’est une analogie.

Texte source : Matthieu 13482 :

L : La parole est donc une graine qui est semée sur cette terre. Notre terre est donc aussi consi-

dérée comme un lieu qui doit produire des fruits et nous aider. Chacun a sa terre et chacun a sa

parole. La bonne parole doit germer et doit pousser. La parole germée veut dire que l’homme

doit germer. L’homme est sur cette terre qui fait la germination. C’est donc une graine qu’on a

semée dans une bonne terre.

482 Toute la suite des interventions des participants concernent le texte de Matthieu 13

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xli

Approche interprétative :

1. A quelle voix narrative du texte source le participant fait-il écho ?

C’est la voix du narrateur effectif à savoir le rédacteur du récit.

2. A quel personnage le participant s’identifie-t-il ?

Le participant se met à la place du semeur.

3. Sur quels mots ou expressions du texte source le participant insiste-t-il ?

Les mots sont : terre, graine, germination.

4. Comment le participant actualise-t-il le texte source dans sa propre situation ?

La terre est liée à la parole. La terre est sujet de possession. C’est une des coutumes bamiléké. L’homme

est lié à sa terre et la possède comme un objet précieux. Tout comme la Parole et à conserver, il en est de

même aussi pour la terre. La parole de Dieu et l’homme sont sujets au changement. C’est un processus.

Le développement est un processus qui nécessite du temps et des actions. Ce qui serait un cas de figure

pour la paroisse. Dans un second temps l’acceptation de la diversité, de l’autre dans sa façon d’être, dans

sa manière de penser d’agir, de sentir est à relever. D’où l’aspect sociologique d’interpellation dans ce

verbatim. Les paroissiens sont interpellés à s’accepter, à se pardonner mutuellement à vivre dans la

communion fraternelle. C’est aussi le rôle du pasteur d’interpeller les paroissiens en ce sens. Notre place

sur la terre est vivre dans le respect de la terre et des humains.

5. Dimension sociologique

La notion sociale de « exister ensemble, de reconnaissance de la diversité et de la différence est claire-

ment exprimé dans ce verbatim. On peut comprendre qu’il y a un impact de ce vivre ensemble qui ferait

problème dans la communauté. La structure sociale qu’est l’Église serait confrontée à ce vivre ensemble.

La notion de changement social ou de transformation de l’homme ou de la société est clairement expri-

mée.

Texte source : Matthieu 13

T : Pour cela l’homme doit travailler cette terre, la préserver comme la parole. Oui, il faut que

l’homme sème dans une bonne terre.

Approche interprétative :

Les points 1, 2 et 3 sont les mêmes que précédemment.

4. Comment le participant actualise-t-il le texte source dans sa propre situation ?

L’homme est invité au travail, travail sur la bonne terre et préserver la terre tout comme on préserve la

Parole de Dieu. Les paroissiens semblent ici être interpellés au travail, à la préservation de la terre tout

comme on préserve la Parole. D’où l’interpellation à la notion catéchétique de la Parole de Dieu conser-

vée, mise en pratique et la notion éthique de préservation de l’environnement.

5. Dimension sociologique

Le problème de la pauvreté semble se poser indirectement car la notion de bonne terre et l’invitation au

travail sont clairement exprimés. La notion de préservation de l’environnement ou de l’écosystème est

clairement énoncée.

Texte source : Matthieu 13

J : Une autre image montre que nous sommes tous chrétiens mais cette parole n’est pas conçue

de la même manière que son chrétien mais on ne doit pas rejeter la personne qui ne met pas

cette parole en pratique. Il faudrait laisser ceux qui ne respectent pas la parole vivre ensemble

avec ceux qui ne respectent pas. Chacun a sa place.

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xlii

Approche interprétative :

1. A quelle voix narrative du texte source le participant fait-il écho ?

C’est la voix du narrateur effectif à savoir le rédacteur du récit.

2. A quel personnage le participant s’identifie-t-il ?

Le participant se met à la place du semeur.

3. Sur quels mots ou expressions du texte source le participant insiste-t-il ?

Les mots sont : terre, parole, graine, germination.

4. Comment le participant actualise-t-il le texte source dans sa propre situation ?

Les chrétiens doivent vivre ensemble, se pardonner mutuellement. Le vivre ensemble ou la communion

fraternelle est un thème important qui se dégage sans oublier les thèmes catéchétiques de la repentance et

du pardon. Comme actualisation, les paroissiens doivent vivre la communion fraternelle telle que vécue

par les premiers disciples.

5. Dimension sociologique

Le problème du vivre ensemble ou de la cohésion sociale ou communautaire s’impose. L’auteur insiste

sur le vivre ensemble. La Parole de Dieu est un exemple selon lui à suivre. La reconnaissance d’autrui est

importante pour une vie communautaire.

Texte source : Matthieu 13

Z : Je pense qu’on aurait du lire le texte en entier et trouver l’idée générale qui est liée à la terre.

La terre n’est pas seulement la terre dont on parle mais c’est nous aussi.

Approche interprétative :

1. A quelle voix narrative du texte source le participant fait-il écho ?

C’est la voix du narrateur effectif à savoir le rédacteur du récit.

2. A quel personnage le participant s’identifie-t-il ?

Le participant se met à la place du semeur.

3. Sur quels mots ou expressions du texte source le participant insiste-t-il ?

Le mot : terre.

4. Comment le participant actualise-t-il le texte source dans sa propre situation ?

Notons ici ce lien à la terre qui montre que l’homme est formé de cette matière qu’est la terre. C’est

la notion de création de l’homme par Dieu. Cette notion qui ouvre d’autres notions telles que

l’égalité de tous devant Dieu, le fait de se reconnaitre tous habitants de la terre, vivant ensemble

(communion fraternelle), devant partager une vie commune, etc.

5. Dimension sociologique

La dimension sociologique est le rapport de l’homme à la terre. D’où le rapport de tous les hommes à

la terre. D’où la notion d’égalité de tous les hommes qui sont formés de la terre et qui par consé-

quents sont différents les uns des autres. C’est un caractère naturel qui est ici clairement ressorti.

Tous les hommes sont formés de la terre même s’ils sont de cultures différentes.

H : Une petite fille, une petite personne a sa place. Chacun a sa place. Personne ne doit être né-

gligée. Que ce soit l’homme, la femme, le petit, le grand. Tous, nous sommes enfants du Sei-

gneur et nous devons vivre ensemble sur cette terre. Cette terre qui ne nous appartient pas et qui

appartient à Dieu.

Les points 1, 2, 3 sont les mêmes que précédemment.

4. Comment actualise le participant ?

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Devant Dieu, il n’y a pas de classes sociales. Devant Dieu, l’homme est égal à la femme. Les hommes

sont égaux entre eux. De même que les femmes entre elles. Les chrétiens doivent vivre ensemble, se par-

donner mutuellement. Le vivre ensemble ou la communion fraternelle est un thème important qui se dé-

gage. Comme actualisation, les paroissiens doivent vivre la communion fraternelle telle que vécue par les

premiers disciples.

5. Dimension sociologique

Le problème du vivre ensemble ou de la cohésion sociale ou communautaire s’impose. L’auteur insiste

sur le vivre ensemble. La Parole de Dieu est un exemple selon lui à suivre. La reconnaissance d’autrui est

importante pour une vie communautaire. On aurait l’impression que la notion de genre se poserait aussi

dans la communauté.

B : Dans le milieu, on peut voir même les paroissiens qui sont toujours en retard et ne pas les

mépriser car ils ont aussi une place. Ceci n’est qu’un exemple.

Les points 1, 2, 3 et 5 sont les mêmes que précédemment

4.Actualisation

Tous doivent se respecter les uns les autres. Il ne devrait avoir aucun clivage social même si les gens sont

différents les uns des autres. Comme actualisation, les paroissiens doivent vivre la communion fraternelle

telle que vécue par les premiers disciples.

E : La petite semence est comme une petite graine qui est comme les légumes et qui devient un

arbre. Même exemple avec la levure qu’une femme utilise avec la farine.

Les points 1, 2, 3 sont identiques que précédemment.

4.Actualisation

La graine est une semence qui croit tout comme la pâte de farine qui monte grâce à la levure utilisée par

la femme. Le rôle de la femme est quand même à signaler comme instrument dans le processus de déve-

loppement de la pâte.

5.Dimension sociologique

La notion de genre semble se poser de façon claire. Ici, on comprend le rôle de la femme dans la cou-

tume bamiléké à savoir celle qui joue dans la production des enfants.

J : Toutes les paraboles ont été résumées. Tout ce qui ressemble au Royaume des cieux est

comparable à un maitre de maison. Une autre image montre comment nous sommes tous des

chrétiens mais on ne conçoit pas de la même manière que ton prochain mais ça veut pas dire

qu’on va rejeter ceux qui ne maîtrisent pas. Il faut laisser ceux qui ne mettent pas la parole en

pratique vivre ensemble avec ceux qui ne pratiquent pas.

Les points 1,2,3 sont identiques que précédemment.

4. Actualisation

La parabole du Royaume semble intéresser les paroissiens qui comprennent qu’il y a une analogie di-

recte avec leur vécu à savoir vivre ensemble, se pardonner les uns les autres, vivre socialement sans dif-

férenciation aucune, sans discrimination, s’entendre, se pardonner mutuellement et laisser la notion de

jugement. D’où le thème de la communion fraternelle, du pardon mutuel, du jugement attribué à Dieu

seul et non à l’homme.

5. Dimension sociologique

La notion de ‘acceptation de l’autre, d’appartenance à un groupe social ou à une catégorie de ceux qui ne

se sentent pas à l’aise ou sont méprisés par des autres semblent s’énoncer. Un comportement social se

fait ressentir. L’univers social est caractérisé par un mépris où le vire ensemble semble se poser. Il y a

dans la paroisse un certain malaise dû à des classes qui s’affrontent : ceux qui sont un peu nantis et ceux

qui sont pauvres.

L : Chacun a sa place même ce petit enfant.

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xliv

4. Actualisation

La place de chacun est importante en société quel que soit son appartenance sociale. Tous sont égaux

devant Dieu. Le Royaume des cieux abrite tout le monde.

5. Dimension sociologique

La notion de l’acceptation de l’autre comme fait naturel et social est clairement exprimé. Un comporte-

ment social se fait ressentir. L’univers social est caractérisé par un mépris où le vivre ensemble semble se

poser. Le respect de la dignité humaine semble s’énoncer.

Texte source : Deutéronome 8483

T : De quoi s’agit-il effectivement ce pays ? Lorsque tu entreras et te rassasiera, tu prendras

garde à Dieu au point de ne pas transgresser. On doit exprimer ce qu’on a reçu. Je cherche le

thème exact.

Approche interprétative :

1. A quelle voix narrative du texte source le participant fait-il écho ?

À celle de Moïse

2. A quel personnage le participant s’identifie-t-il ?

Le participant se met à la place du peuple de Dieu à savoir le peuple hébreu.

3. Sur quels mots ou expressions du texte source le participant insiste-t-il ?

Les mots : terre, pays, garder.

4. Comment le participant actualise-t-il le texte source dans sa propre situation ?

Le participant se questionne et voudrait soit trouver lui-même une réponse à sa question, soit ouvrir la ques-

tion pour permettre aux autres de dire ce qu’ils pensent.

J : oui, tu as raison car on ne doit mépriser personne sur la terre. La terre est un lieu où chacun a

sa place et pour ce faire, il faut respecter les commandements de Dieu.

Les points 1 et 2 sont identiques que précédemment puisque c’est le même texte.

3. Sur quels mots ou expressions du texte source le participant insiste-t-il ?

Les mots : terre, commandements, respecter

4. Actualisation

La notion de vie commune, d’exister ensemble comme lien social est très important. Le texte biblique per-

met de faire cette analogie avec les paroissiens. D’où les notions d’amour, de communion fraternelle.

5. Dimension sociologique

Le vécu social serait le fait d’accepter que chacun a un droit de vivre. Donc, il y a un lien social d’être forcé

de vivre avec l’autre. Il y a la notion de coexistence sociale, de formation de groupe social et d’appartenance à

un système social.

Texte source : Matthieu 13

G : Royaume et connaissance du Royaume à travers la parole. Vers la fin on parle du trésor.

C’est quoi le trésor, c’est la connaissance de Jésus. Qui est Jésus ? Ce trésor c’est Jésus. La

perle est comme le chrétien, un trésor c’est quelque chose qu’on ne devrait pas perdre. Le rôle

483 La suite des interventions suivantes sont de Deutéronome 8.

Page 227: La vision biblique de la terre- une réflexion menée au ...€¦ · siens de les expérimenter sous la conduite du Seigneur. iv ... Chapitre 5. Terre de salut, terre d’action de

xlv

du chrétien c’est de garder la parole comme quelque choses de précieux, c'est-à-dire garder les

commandements, observer ses commandements.

1. A quelle voix narrative du texte source le participant fait-il écho ?

À celle du narrateur du récit de Matthieu

2. A quel personnage le participant s’identifie-t-il ?

Le participant s’identifie au trésor, à Jésus.

3. Sur quels mots ou expressions du texte source le participant insiste-t-il ?

Les mots : garder. trésor, Royaume

4. Comment le participant actualise-t-il le texte source dans sa propre situation ?

La conservation de la parole ou sa mise en pratique est la leçon qui se dégage. Ceci permet une meilleure

connaissance de Jésus, ce trésor qui est méconnu. D’où l’invitation catéchétique à la connaissance de Jé-

sus. Ici le participant exhorte ses collègues chrétiens à plus de responsabilité dans la foi chrétienne. On

s’aperçoit que la situation de crise de pauvreté pourrait faire perdre la foi. D’où la nécessité de

l’exhortation.

5. Dimension sociologique

Un fait socioreligieux se dégage le non-respect des commandements de Dieu qui se traduit par la non

connaissance de Jésus. Ici, il y a un syncrétisme religieux. A l’ouest Cameroun en général, les popula-

tions sont animistes même si elles se disent chrétiennes ; l’invitation à la foi prouve ce caractère pluri re-

ligieux de la paroisse. La conservation de la parole ou sa mise en pratique est la leçon qui se dégage. Ceci

permet une meilleure connaissance de Jésus, ce trésor qui est méconnu. D’où l’invitation catéchétique à

la connaissance de Jésus.

Texte source : Luc 16, 19-31

L : le texte nous réfère aussi a l’exemple de Lazare où chacun est utile. On prend l’exemple sur

son témoignage. Voilà une autre façon de comprendre. Le texte de Lazare est un texte à étudier.

C’est un exemple pour montrer que nous sommes des passagers et que cette terre n’appartient à

personne. Chacun devrait se comporter dans une bonne direction car la terre est à tous. Le texte

de Luc 16, 19-31 sur le riche et le pauvre Lazare est aussi important à étudier.

1. A quelle voix narrative du texte source le participant fait-il écho ?

À celle du narrateur du récit de Luc

3. A quel personnage le participant s’identifie-t-il ?

Le participant s’identifie à Lazare.

4. Comment le participant actualise-t-il le texte source dans sa propre situation ?

La terre est un lieu où normalement il ne devrait pas avoir de domination car devant Dieu, tous sont

égaux. La parabole du riche et du pauvre Lazare cité en parallèle en est une brillante illustration. La no-

tion de vivre ensemble ou de communion fraternelle est ici de haute importance.

5. Dimension sociologique

La notion de groupes sociaux se pose indirectement comme dit ci-dessus. Il existe des couches sociales

inévitablement dans la communauté. On a l’impression qu’on a des dominants et des dominés.

Page 228: La vision biblique de la terre- une réflexion menée au ...€¦ · siens de les expérimenter sous la conduite du Seigneur. iv ... Chapitre 5. Terre de salut, terre d’action de

xlvi

Texte source : Matthieu 13484

E : Le Royaume est comme le sénevé. Il est plus grand que les légumes et de sorte que les oi-

seaux viennent s’agripper.

Il ne s’agit ici que de la comparaison du sénevé aux légumes comme actualisation. Les points 1,2,3 et 4

sont identiques aux autres interventions liées à Matthieu 13.

L : Toutes les paraboles, à mon avis ont été résumées.

Rien d’autres à dire car il s’agit d’une réaction d’un participant aussi simple que soit.

T : Tout est semblable à un maitre de maison. Jésus enseignait de lieu en lieu.

Il ne s’agit ici que de la comparaison de Jésus à un maitre comme actualisation

J : J’ai essayé de lire le texte de Matthieu. Tout le long on a parlé de la connaissance du

Royaume. Pour moi le trésor à travers la parole qu’on reçoit, on connait mieux Jésus et ce trésor

c’est Jésus. L’image de la perle est le chrétien qui doit garder jalousement comme un trésor. La

parole, la démarche du chrétien serait de garder la parole comme un bijou précieux, qu’on doit

garder jalousement.

1. A quelle voix narrative du texte source le participant fait-il écho ?

C’est la voix du narrateur effectif à savoir le rédacteur du récit.

2. A quel personnage le participant s’identifie-t-il ?

Le participant s’identifie à la perle, au trésor, à Jésus.

3. Sur quels mots ou expressions du texte source le participant insiste-t-il ?

Les mots sont : perle, trésor, Jésus, Royaume.

4. Comment le participant actualise-t-il le texte source dans sa propre situation ?

La parole de Dieu est une perle à conserver jalousement.

5. Dimension sociologique

Si le non-respect de la parole sévit, il y a donc une dimension socioreligieuse de clivage des chrétiens.

D : Nous avons aussi travaillé et nous constatons que ces textes sont très riches.

Rien d’autres à dire car il s’agit d’une réaction d’un participant aussi simple que soit.

Texte source : Deutéronome 26

Plénière : Rapporteur 1er groupe

N : S’il vous plait prêtez-moi vos oreilles. Nous avons Dt 26. Nous avons cherché la quintes-

sence du texte et nous avons retenu deux grandes parties : Il faut reconnaitre un signe de recon-

naissance. La seconde partie c’est la dîme c’est un signe de partage. Ce n’est pas à toi tout seul

mais à partager avec la veuve, l’étranger. La fête de reconnaissance ne doit pas se faire tout seul

mais avec les autres en signe de reconnaissance et d’amour.

1. A quelle voix narrative du texte source le participant fait-il écho ?

C’est la voix du narrateur effectif à savoir le rédacteur du récit.

2. A quel personnage le participant s’identifie-t-il ?

484 Toutes les autres interventions suivantes sont liées au texte de Matthieu 13 sauf cas exceptionnel où je ferai

mention d’un autre texte source.

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xlvii

Le participant se met à la place de l’hébreu qui doit déposer sa dîme à YHWH. Il se met aussi à la place

de la veuve, de l’étranger.

3. Sur quels mots ou expressions du texte source le participant insiste-t-il ?

Les mots sont : veuve, étranger.

4. Comment le participant actualise-t-il le texte source dans sa propre situation ?

Les notions de remerciements à Dieu, de partage, d’amour, d’affection envers la classe indigente sont

dominantes dans ce résumé. D’où les notions de la terre comme lieu de remerciement à Dieu ou d’action

de grâce ; la terre comme lieu de diaconie, d’aide, de communion et de vivre ensemble.

5. Dimension sociologique

Indirectement, il y a allusion à la classe sociale pauvre telle que les veuves et les étrangers. Dans la pa-

roisse, il y a tellement des indigents qu’il faudrait en penser à aider. Il ne faudrait pas seulement deman-

der la dîme mais l’offrir aussi aux déshérités. C’est aussi une occasion de dire à ceux qui sont un peu nan-

tis de penser aux autres moins nantis de la communauté. La notion de diaconie ou d’aide complémentaire

ou mutuelle est insistée car dans la paroisse règne aussi cet esprit d’individualité et surtout des riches qui

veulent demeurer riches. Ici, il faudrait aussi démontrer que l’on est riche par grâce de Dieu.

Texte source : Deutéronome 28

Rapporteur 2nd groupe

B : Nous avons étudié les textes donnés mais nous avons plus basé sur le Dt 28 que nous avons

trouvé plus intéressant. On parlera des autres la fois prochaine. Dt 28, il faut obéir et être assuré

de la bénédiction. Ceux qui sur terre n’obéissent pas, crée leur Dieu, ils seront maudits. Le texte

est la dualité entre la bénédiction et la malédiction. En gros, voilà ce que je pense que la fête de

récolte par ce texte nous dit. Tout vient de Dieu. Celui qui aime dieu doit obéir à ses prescrip-

tions ; la terre est le lieu où on doit aimer Dieu et aimer Dieu, c’est obéir à ses prescriptions.

Celui qui n’obéit pas verra ce qu’il cherche.

1. A quelle voix narrative du texte source le participant fait-il écho ?

C’est la voix du narrateur effectif à Moïse.

2. A quel personnage le participant s’identifie-t-il ?

Le participant se met à la place de l’hébreu et aussi à Moïse.

3. Sur quels mots ou expressions du texte source le participant insiste-t-il ?

Les mots sont : bénédiction, malédiction, obéir (garder), Dieu, aimer.

4. Comment le participant actualise-t-il le texte source dans sa propre situation ?

La notion de garder les commandements est clairement dite afin d’être béni. Dans le cas contraire, c’est

la malédiction. L’amour de Dieu commence par l’amour des hommes. On ne peut pas dire que l’on aime

Dieu si l’on n’aime pas son prochain. D’où les notions d’amour, de paix, de vivre ensemble ou de com-

munion fraternelle.

5. Dimension sociologique

Indirectement, il y a allusion à la notion d’amour à savoir la terre comme lieu d’amour c'est-à-dire de vie

sociale de paix où règne entente, vivre ensemble, bref, communion fraternelle.

Quelques contributions en plénière :

K : Moi, je pense que dans la vie, sur la terre, il faut savoir partager avec tout le monde.

L : Par rapport à la terre, Dieu nous la donne.

Sans revenir aux différentes étapes comme faits précédemment puisqu’il s’agit de deux opinions de per-

sonnes qui contribuent, nous passerons directement à l’actualisation en disant qu’ils s’appuient sur les

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thèmes suivants : La terre comme don de Dieu et comme objet de partage. D’où les notions de don et de

communion fraternelle. La terre doit être cultivée. Il faut savoir la cultiver, récolter les fruits, les partager

et remercier Dieu pour cette abondance.

En résumé à cette séance 1, je dirai que les points saillants concernent la terre, les rapports homme-terre,

homme-Dieu. L’homme est en relation avec sa terre. La terre étant un don de Dieu, il est en relation avec

Dieu. L’homme ne doit donc pas s’amuser avec la terre. Il doit la protéger et la conserver jalousement. C’est

donc la raison pour laquelle, l’homme est identifié à sa terre. Il est même la terre. C’est aussi une manière de

penser et d’agir dans la coutume bamiléké. Négliger la terre ou brader la terre est signe de malédiction. D’où

protéger la terre, l’utiliser à bon escient pour ne pas être maudit. D’où le point éthique du respect ou de

l’obéissance à la Parole de Dieu afin de bénéficier de ses bénédictions. Ici, il faudrait reconnaitre que

l’homme est proche de la terre tout comme il est proche de Dieu. C’est aussi une croyance traditionnelle des

us et coutumes de l’ouest Cameroun. Ce rapprochement dieu terre ou homme terre marque aussi cette vie

d’amitié, d’amour et de partage mutuel qui devrait exister entre les hommes c'est-à-dire les paroissiens. Le

clivage homme-femme ne devrait pas exister ni le clivage homme-homme. Tous sont précieux comme des

perles ou trésor devant le Seigneur. Dans le Royaume, il n’y a pas des juifs et des grecs, c'est-à-dire, des

places pour riches et pauvres. Tous sont égaux devant le Seigneur. C’est donc une interpellation aux chrétiens

de Mbouo-Nwinké de vivre ensemble dans la communion fraternelle et surtout d’obéir à la parole de Dieu. Le

Royaume appartient à trous sans exception. La terre appartient à tous sans exception.

2.2 Analyse socio-littéraire des verbatim séance 2

Texte source : Deutéronome 8

J : Regarder par exemple, certaines Églises qui ont les terres, au lieu de les brader, ils y plantent

des arbres eucalyptus qui aident l’Église par le bois, les planches qui sont revendus. Pourquoi

ne pouvons-nous pas faire comme ces paroisses qui plantent des arbres ?

Approche interprétative :

Mots du texte source insistés par le participant : terre

4. Actualisation du texte source par le participant

La terre est un don indispensable à l’homme. Cette terre nécessite une mise en valeur. Des projets ren-

tables peuvent être initiés comme par exemple le reboisement ou la plantation des arbres qui produiront

du bois et peuvent être commercialisés. Ainsi l’argent recueilli servirait d’Église. D’où l’interpellation

aux Églises d’initier des projets de vie des paroisses en y incluant des projets rentables. D’où le rôle du

pasteur d’être un animateur de projets.

5. Dimension sociologique

Il y a ici un besoin social qui est la notion de développement, la notion de travail, la notion de de besoin.

On remarque que l’on est dans un environnement social dont la terre est la seule source de subsides. Les

Églises ou communauté doivent apprendre à s’autofinancer. D’où l’aspect socioéconomique à relever. Il

faut donc s’accrocher à la terre. Dieu donne la terre pour qu’on utilise. Dieu est un bienfaiteur, proche des

hommes qui veut le bien du peuple à condition que ses commandements soient respectés. C’est un Dieu

de grâce, de bonheur et non de malheur.

Texte source : Deutéronome 8

T : on avait au paravent planté mais on a tout coupé les arbres et les vendre sans toutes fois se

préoccuper du reboisement. Ce qui est terrible.

Approche interprétative :

4. Actualisation du texte source par le participant

Le participant fait une réflexion critique sur le manque de vision d’Église qui ne se soucie pas d’un futur

proche. Ici, il y a une critique vive de manque de gestion de ressources, de manque de préservation de la

nature ou d’un manque de culture écologique. On peut déjà entrevoir de manière implicite la mauvaise

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xlix

gestion des ressources naturelles. D’où l’interpellation à une conscience rationnelle de gestion en bon

père de famille. Notre place sur la terre est de respecter cette terre qui nous est donnée et voir comment

produire plus de fruits physiques et spirituels.

5. Dimension sociologique

Il y a ici un fait social à savoir utiliser les ressources naturelles et ne pas penser au lendemain ; Il y a une

dimension sociologique de négligence et de manque de vision future de développement.

Texte source : Deutéronome 8

K : Tout vient de la terre. Dans notre texte, nous ressemblons à cette terre, une terre aride, de

rochers. Cette terre est à travailler, l’entretenir, la protéger. Manger bio. Il ne faut pas l’abuser

comme nous faisons en tout détruisant, en vendant tous les arbres et terres pour aucun but.

Approche interprétative :

1. À quelle voix narrative du texte source le participant fait-il écho ?

À celle de Moïse

2. À quel personnage le participant s’identifie-t-il ?

Le participant se met à la place du peuple de Dieu à savoir le peuple hébreu.

3. Sur quels mots ou expressions du texte source le participant insiste-t-il ?

Les mots : terre, pays, garder (qui a le même sens que protéger ou entretenir)

4. Comment le participant actualise-t-il le texte source dans sa propre situation ?

Le participant fait une réflexion pointue sur l’homme, sur la terre et sur le rapport homme-terre. D’abord

sur l’homme à savoir que l’homme est identifié à la terre. La terre est personnifiée. Il ne peut pas se déso-

lidariser de la terre qui l’a formée. Il est donc lié à sa terre. Cette terre par la suite doit être travaillée avec

soin comme tout soin qu’on donnerait à un homme. La terre doit être prise au sérieux. On doit travailler

la terre, jouir de ses fruits mais la préserver. D’où la notion éthique du don de la terre, de l’utilisation de

la terre et de la préservation de la terre ; il ya toute une notion sociale interpellative de l’homme face à ses

responsabilité, une notion écologique de préservation de l’environnement et de la création de Dieu. D’où

encore la notion de respect de l’homme, de l’obéissance aux commandements. Tels sont notre rôle et

notre place sur la terre. Il faut savoir cultiver la terre, partager les fruits de la terre, accueillir les humains

sur la terre, être fidèle à Dieu et à la terre.

5. Dimension sociologique

La dimension sociale ici repose sur l’invitation au travail de la terre. Je dirai même qu’il s’agit d’une di-

mension socio anthropologique. L’homme est lié à sa terre et doit travailler cette terre de façon aussi na-

turelle que possible. Ceci est une coutume bamiléké où l’homme peut mourir si une portion de sa terre lui

est retirée. La terre fait partie du corps de l’homme. La terre est un organe de l’homme. Lorsqu’un

homme meurt dans la tradition bamiléké, il est enterré dans sa terre familiale même si celle-ci est à des

centaines ou milliers de kilomètres. C’est donc une norme culturelle. D’où sa préservation. D’autre part,

la terre est un don de Dieu. Il est de la responsabilité de l’homme de travailler cette terre mais aussi de la

préserver. D’où le lien éthique de respect de la terre. Ce respect qui est aussi le respect de l’homme qui

est la terre. D’où le respect de l’environnement comme loi de Dieu, loi de la nature. Par conséquent la dé-

sobéissance à cette loi conduit au malheur, c'est-à-dire à la malédiction. Tandis que l’observation conduit

au bonheur.

Texte source : Dt 26

Z : Dime et partage ? Comment ? Est-ce qu’on peut éclaircir ?

Approche interprétative :

1. À quelle voix narrative du texte source le participant fait-il écho ?

Page 232: La vision biblique de la terre- une réflexion menée au ...€¦ · siens de les expérimenter sous la conduite du Seigneur. iv ... Chapitre 5. Terre de salut, terre d’action de

l

À celle de Moïse

2. À quel personnage le participant s’identifie-t-il ?

Le participant se met à la place du peuple de Dieu à savoir le peuple hébreu.

3. Sur quels mots ou expressions du texte source le participant insiste-t-il ?

Les mots : dîme, partage.

4. Comment le participant actualise-t-il le texte source dans sa propre situation ?

La définition de la dîme, son don, sa manière de présentation est le vœu que le participant souhaiterait sa-

voir de la part de ses coéquipiers.

5. Dimension sociologique

La dimension socioreligieuse de la dîme se pose. Il faut donner sa dîme comment, quand la donner ?

Texte source : Dt 26

L : Esprit de dime = esprit de partage. On donne à Dieu. Dieu est ton prochain. Tu donnes à

l’étranger, à ton entourage, partager au prochain. C’est dans cet esprit qu’on a compris.

Approche interprétative :

1. À quelle voix narrative du texte source le participant fait-il écho ?

À celle de Moïse

2. À quel personnage le participant s’identifie-t-il ?

Le participant se met à la place du peuple de Dieu à savoir le peuple hébreu.

3. Sur quels mots ou expressions du texte source le participant insiste-t-il ?

Les mots : dîme, partage, étranger, Dieu.

4. Comment le participant actualise-t-il le texte source dans sa propre situation ?

Ce qui est frappant dans le récit, c’est la notion d’esprit. L’esprit d’amour, l’esprit de partage. Ce n’est

pas surtout la dîme mais c’est ce qui est derrière la dîme. Il faut penser aux indigents, aux pauvres.

5. Dimension sociologique

La dimension sociologique du partage, de la vie caritative en société ou en milieu communautaire est

clairement exprimée. La dimension sociale de pauvreté, de classe sociale moyenne se pose. La dimen-

sion sociologique de l’homme sans distinction aucune, halogène ou autochtone est clairement exprimée.

D’où la notion d’égalité sociale en tant que chrétien.

Texte source : Matthieu 13

K: Est-ce qu’on ne peut pas dire que c’est la notion de générosité qui est développée ?

B : C’est un travail d’ensemble. La notion de partage vient de la parabole de l’ivraie qui dit

qu’il faut laisser le mauvais pousser avec le bon. Nous devrions partager la Parole de Dieu et

tout ce que nous faisons dans la maison de Dieu et tout ce que nous faisons pour Dieu. Le mo-

ment venu, il pourra lui-même sélectionner. Donc, il ne nous appartient pas de pouvoir dire que

je donne seulement à l’autre. Nous devons partager, laisser la possibilité à l’autre de pouvoir re-

présenter ce Dieu que nous représentons.

Approche interprétative :

1. À quelle voix narrative du texte source le participant fait-il écho ?

À celle du narrateur de l’évangile de Matthieu

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li

2. À quel personnage le participant s’identifie-t-il ?

Le participant se met à la place de la foule qui écoute Jésus s’adresser en paraboles.

3. Sur quels mots ou expressions du texte source le participant insiste-t-il

Les mots : ivraie, mauvais grain.

4. Comment le participant actualise-t-il le texte source dans sa propre situation ?

Ce qui est frappant dans le récit, c’est la notion du vivre ensemble. La Parole de Dieu n’est pas à sélec-

tionner ; Il en est de même des personnes qui vivent dans une cité ou sous un même toit. L’amour de-

vrait régner. Aux yeux de Dieu, tous sont égaux même si tous sont pécheurs. Dieu seul est le juge. Il

faudrait donc vivre dans l’amour et le partage. D’où la notion communautaire du vivre ensemble, de

l’amour. Dans la communauté paroissiale, règne un certain clanisme entre quelques personnes nanties et

la classe majoritairement pauvre. Les paroissiens savent que ceux qui sont anciens d’Église, sont ceux

qui ont un peu des moyens financiers et ce sont eux qui sont des « escrocs de la communauté ».

5. Dimension sociologique

La dimension sociologique du vivre ensemble, du partage, de la vie communautaire est clairement ex-

primée.

Textes sources : Dt 8 et Dt 28

E : Par rapport à la terre, Dieu nous donne la terre. Est-ce que nous sommes la terre ? Cette

terre, c’est aussi nous. Nous devons l’améliorer, la cultiver ; c’est tout ce que l’homme travaille

sur lui pour sortir quelque chose de bien. Au niveau symbolique, je pose la question. Nous

sommes la terre, nous devons la travailler pour sortir de bons fruits. C’était pour faire ce lien

avec la terre. Dieu a fait errer le peuple pendant quarante ans. Si on n’obéit pas sur la terre, la

terre va être fatale. Tout vient par la terre. Le pâturage, le bétail c’est la terre. La terre est

quelque chose de fondamentale, qu’on ne peut pas éviter et c’est Dieu qui nous la donne mais il

faut savoir la garder.

Approche interprétative :

1. À quelle voix narrative du texte source le participant fait-il écho ?

À celle de Moïse

2. À quel personnage le participant s’identifie-t-il ?

Le participant se met à la place du peuple hébreu qui écoute ce que leur dit Moïse.

3. Sur quels mots ou expressions du texte source le participant insiste-t-il ?

Les mots : terre, don, bétail, garder.

4. Comment le participant actualise-t-il le texte source dans sa propre situation ?

Dieu est le donateur de la terre. Il donne cette terre à l’homme pour sa mise en valeur mais doit aussi la

garder ou la préserver. D’où la notion de préservation de la création de Dieu, préservation de la dignité

de l’homme, préservation de l’environnement. L’homme est identifié à sa terre. D’où la notion d’exister

ensemble. Il y a ici une interpellation au développement et une notion communautaire de vie partagée.

Notons par ailleurs que l’homme s’identifie à la terre. Il y a une personnification de l’homme. L’homme

est la terre. La terre est celle de Dieu. Donc dieu est proche de l’homme. Il faut craindre Dieu et obéir à

ses commandements pour avoir le bonheur. Si non, c’est le malheur à savoir les malédictions. D’où le

courant moral et éthique de la loi de Dieu.

5. Dimension socio-anthropologique

La dimension socio-anthropologique est clairement exprimée car l’homme est identifié par la terre. Il est

la terre. Point de séparation. D’où la notion de vivre ensemble, d’exister ensemble étant donc naturelle.

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lii

Texte source : Dt 28

T : la terre n’appartient qu’à Dieu. Il faut respecter cette terre. Nous ne sommes que des surveil-

lants sur la terre. Il ne faut pas la brader comme on le fait aujourd’hui à n’importe quel prix.

Dans notre village, on doit garder notre terre. Dans notre paroisse, on doit garder la terre et ne

pas la brader comme ça se joue de nos jours. Les paroissiens doivent être des gardiens de la

terre. Il faut sanctionner tous ceux qui vendent ou détruisent la terre de notre paroisse. Celui qui

brade la terre du village ou de la paroisse est entrain de transgresser la loi de Dieu.

D : Tout vient de la terre.

Z : Ceci rejoint ce qu’Y a dit dans la notion de partage. Cette paroisse, on la partage avec les

autres.

Approche interprétative :

1. À quelle voix narrative du texte source le participant fait-il écho ?

À celle de Moïse

2. À quel personnage le participant s’identifie-t-il ?

Le participant se met à la place du peuple hébreu qui écoute ce que leur dit Moïse.

3. Sur quels mots ou expressions du texte source le participant insiste-t-il ?

Les mots : terre, loi, garder, sanction

4. Comment le participant actualise-t-il le texte source dans sa propre situation ?

La terre doit être partagée, cultivée, mise en valeur et préservée. D’où la dimension communautaire, de

préservation de l’homme et de son environnement. L’homme doit être fidèle à Dieu et à la terre. La terre

tout comme la loi de Dieu doit être préservée. La terre est aussi non seulement personnifiée mais identi-

fiée aussi à la loi de dieu. Qui craint Dieu doit craindre la terre, doit craindre la loi de Dieu, doit craindre

son prochain et ne pas faire du mal à son prochain car ce prochain c’est Dieu. D’où le caractère éthique

et fondamental de la relation humaine.

5. Dimension socio-environnemental et anthropologique

La dimension socio-anthropologique est clairement exprimée car l’homme est identifié par la terre. Il est

la terre. Point de séparation. D’où la notion de vivre ensemble, d’exister ensemble étant donc naturelle.

L’homme est invité à ne pas brader la terre, c'est-à-dire la vendre mais doit la préserver. D’où la dimen-

sion écologique de préservation de l’environnement et la dimension anthropologique de respect de la di-

gnité ou de la valeur humaine. Dans le contexte bamiléké, un adage dit que celui qui craint l’homme doit

aussi craindre Dieu car l’homme est identifié à Dieu puisqu’il est une création de Dieu.

Texte source : Dt 28

J : Le temps va vite et on ne pourra pas y arriver à tout, comment Dieu a mis ce peuple dans le

désert où il n’y avait pas d’eau et comme disait ma collaboratrice, Dieu les met en garde. Je

vous ai tout donné mais mettez en tête que si vous ne respectez pas mes commandements, vous

allez périr.

L : Comme a dit madame J, j’ai lu ce texte à la maison, expliquer aux nôtres de remercier, un

devoir de suivre les prescriptions de Dieu. Le chrétien doit savoir que ce qui est important c’est

de respecter les commandements. Celui qui ne suit pas et qui a son Dieu, son roi, c’est à sa

perte. Ce sont des textes qui se joignent, complémentaires. C’est surtout ce que je veux dire que

le respect de la loi de Dieu est fondamental pour le chrétien. C’est ce que je devrai ajouter.

Approche interprétative :

1. À quelle voix narrative du texte source le participant fait-il écho ?

À celle de Moïse

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liii

2. À quel personnage le participant s’identifie-t-il ?

Le participant se met à la place du peuple hébreu qui écoute ce que leur dit Moïse.

3. Sur quels mots ou expressions du texte source le participant insiste-t-il ?

Les mots : terre, loi, garder, sanction, Dieu

4. Comment le participant actualise-t-il le texte source dans sa propre situation ?

Tout comme Dieu a donné les commandements à son peuple, il en est de même pour les chrétiens qui

doivent la mettre en pratique aussi. La loi de Dieu doit être respectée par les chrétiens dans la vie com-

munautaire. Ce respect de la loi est très important dans la bonne marche de la communauté.

5. Dimension sociologique

La dimension sociologique est clairement exprimée ici par le respect de la loi de Dieu afin de vivre en-

semble. Respecter la loi et se respecter est la règle d’or en société.

Texte source : Dt 28

M : La terre c’est la parole de Dieu. Cette parole enseignée et si on ne respecte pas nos terres,

c’est le « chacun pour soi ». Le jour où tu es né, tu es sorti du ventre avec cette terre ? Personne.

Nul n’est sorti du ventre de ses parents avec la terre. Ceux qui s’en accaparent vont toujours

laisser cette terre. Ils ne vont pas partir avec cette terre.

Approche interprétative :

1. À quelle voix narrative du texte source le participant fait-il écho ?

À celle de Moïse

2. À quel personnage le participant s’identifie-t-il ?

Le participant se met à la place du peuple hébreu qui écoute ce que leur dit Moïse.

3. Sur quels mots ou expressions du texte source le participant insiste-t-il ?

Les mots : terre, loi, garder, sanction

4. Comment le participant actualise-t-il le texte source dans sa propre situation ?

L’homme devrait respecter la terre, se respecter, respecter son prochain car tous sont la terre. La terre

appartient uniquement à Dieu. La terre est donc Dieu. La terre est la parole de dieu qui restera toujours.

L’homme passe mais la terre reste tout comme la Parole de dieu demeure éternellement. D’où

l’invitation d’exister ensemble et de vivre ensemble, de respect des uns, des autres car l’homme est de

passage sur cette terre. C’est une coutume bamiléké qui dit que c’est le jour où l’on enterre l’homme que

l’on connait son genre de noblesse.

5. Dimension socio-anthropologique

L’homme est identifié à sa terre. C’est une coutume bamiléké. La terre appartient à Dieu. L’homme ap-

partient à Dieu. L’homme est proche de la terre, donc, proche de Dieu. Donc, la vie en société est donc

évidente et naturelle. C’est donc un fait sociologique que les hommes vivent ensemble car tous formés

de la terre.

Texte source : Dt 28

N : D’après ce que ma sœur a dit, par rapport à la question du pasteur, la terre c’est nous. Nous

devons nous efforcer à faire ce qui est écrit selon là où nous sommes comme par exemple à

l’Église, nous ferons ce qui est bien pour nos prochains. Qu’on ne dise pas que je suis moi, et

l’autre, lui ; nous sommes la terre.

Approche interprétative :

1. À quelle voix narrative du texte source le participant fait-il écho ?

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liv

À celle de Moïse

2. À quel personnage le participant s’identifie-t-il ?

Le participant se met à la place du peuple hébreu qui écoute ce que leur dit Moïse.

3. Sur quels mots ou expressions du texte source le participant insiste-t-il ?

Les mots : terre

4. Comment le participant actualise-t-il le texte source dans sa propre situation ?

L’homme est identifié à la terre. D’où le respect de l’homme, de sa terre et une interpellation au vivre

ensemble.

5. Dimension socio-anthropologique

L’homme est identifié à sa terre. Donc, la vie en société est donc évidente et naturelle. C’est donc un fait

sociologique que les hommes vivent ensemble car tous formés de la terre.

Texte source : Dt 26

L : Dt 26, nous avons essayé après toute la lecture du texte et nous avons aussi retenu deux

grandes parties. La 1ère partie concerne la fête des récoltes. N’oublions pas que Dieu a sorti son

peuple de l’Egypte pour lui donner la terre promise où coulent le lait et miel en leur disant que

les premières récoltes seront données à moi en signe de reconnaissance, c’est à dire quand Dieu

nous donne, il faut lui présenter les signes de reconnaissance. C’est quelque chose d’obligatoire

pour avoir sa bénédiction. En deuxième partie, nous avons vu que c’est la dime de la troisième

année est quelque chose d’obligatoire. Il a présenté comme un signe de partage. La dime ce

n’est pas à toi tout seul. Tout ce qu’on a, on doit le partager avec le lévite, l’orphelin, la veuve,

l’étranger. Ce que nous ne faisons pas toujours. La fête de reconnaissance ne doit pas être faite

tout seul. Les fruits de la terre doivent être partagés avec les autres.

Approche interprétative :

1. À quelle voix narrative du texte source le participant fait-il écho ?

À celle de Moïse

2. À quel personnage le participant s’identifie-t-il ?

Le participant se met à la place de l’hébreu ou du peuple hébreu qui doit rendre grâce à Yahvé en appor-

tant sa dîme.

3. Sur quels mots ou expressions du texte source le participant insiste-t-il ?

Les mots : terre, récoltes, Dieu, Egypte, orphelin, lévite, veuve, étranger.

4. Comment le participant actualise-t-il le texte source dans sa propre situation ?

Le chrétien est invité à rendre grâce à Dieu. Il devrait donner ou déclarer la vraie valeur de ses récoltes

afin de prélever la vraie proportion qui correspond à la dîme. D’où l’invitation à être juste, dire la vérité,

craindre Dieu, craindre aussi la terre de Dieu.

Texte source : Dt 28

Pour le deuxième texte qui est le Dt 28, il y a deux grands groupes. La bénédiction qui est don-

née à ceux qui obéissent à la loi de Dieu. Quand on obéit à sa loi, ses commandements, toi et ta

descendance êtes assurés de la réussite. La deuxième partie est la malédiction sur ceux qui

n’obéissent pas à Dieu, ceux qui se disent que c’est grâce à leurs propres forces qu’ils sont ceci

ou cela. Ce qui est notre cas. Celui qui obéit sera béni et celui qui désobéi sera châtié. Notre re-

lation envers la terre est donc d’obéir au Seigneur pour avoir une bonne terre, bien gérer nos

terres et éviter les mauvaises actions pour ne pas avoir le châtiment de Dieu, éviter de voler la

terre de Dieu car en volant Dieu nous voit et il va nous châtier. Le texte de Dt est clair en ce su-

jet. Malheur au voleur.

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lv

Approche interprétative :

1. À quelle voix narrative du texte source le participant fait-il écho ?

À celle de Moïse

2. À quel personnage le participant s’identifie-t-il ?

Le participant se met à la place du peuple hébreu qui écoute ce que leur dit Moïse.

3. Sur quels mots ou expressions du texte source le participant insiste-t-il ?

Les mots : terre, loi, garder, sanction, bénédiction, malédiction, obéissance (garder)

4. Comment le participant actualise-t-il le texte source dans sa propre situation ?

La terre est un don de Dieu. Il est de la responsabilité de l’homme d’obéir et de travailler sur la terre, la

bonne terre pour avoir de bonnes récoltes. Le respect de la loi signifie que Dieu exhausse les vœux de

l’homme et lui accorde la bonne terre qui donne des bons fruits. Le non-respect de la loi implique les

malédictions. D’où le rôle ou l’interpellation éthique d’obéissance à Dieu. L’homme devrait respecter la

terre, se respecter, respecter son prochain, remercier Dieu pour le don de la terre et aimer son prochain.

D’où les notions de don de la terre et d’action de grâce à Dieu.

5. Dimension socio-anthropologique

Des notions peuvent jaillir comme le respect de la terre, le respect de la loi de Dieu, le respect à Dieu qui

donne la terre, le respect des autres (prochains) en partageant les fruits de la terre. La notion de classe

pauvre est clairement exprimée et le vivre ensemble, la notion de diaconie ou d’aide est clairement ex-

primée.

Texte source : Dt 28

G : Ce que j’ajoute, pour être enfant de Dieu, il faut avoir la bonne foi envers Dieu avant

d’aimer son prochain, il faut savoir partager avec tout le monde.

Par rapport à la terre, c’est Dieu qui donne la terre. On sait bien l’histoire que Dieu pendant 40

années obéissaient et c’est Dieu qui donne la terre et fertilise la terre. Si on n’obéit pas à ses

commandements, la terre sera mauvaise. La terre est quelque chose de fondamentale parce que

c’est ça qui donne la vie. Dans notre texte, on a l’histoire du semeur, même la dime. Quand on a

les troupeaux, le gros bétail, c’est la terre. C’est Dieu qui donne la terre et la possibilité de la

gérer.

Les gens ne savent pas ce qu’ils ont comme richesse. La terre ne nous appartient pas. Le mo-

ment où nous sommes sur terre, il faut respecter cette terre et ne pas la brader. Moi, je pense

que notre terre au village ne doit pas être bradée. Cela nous fait honte aujourd’hui de voir toutes

ces terres vendues et qui ne nous donnent aucun intérêt. Pour ma part, il faut éviter de vendre la

terre mais de la préserver et de la cultiver.

Approche interprétative :

1. À quelle voix narrative du texte source le participant fait-il écho ?

À celle de Moïse.

2. À quel personnage le participant s’identifie-t-il ?

Le participant se met à la place du peuple hébreu qui écoute ce que leur dit Moïse.

3. Sur quels mots ou expressions du texte source le participant insiste-t-il ?

Les mots : bétail, commandement

4. Comment le participant actualise-t-il le texte source dans sa propre situation ?

Le respect de la terre ou de la loi conduit au bonheur tandis que le contraire conduit au malheur. D’où la

relation : obéissance-bonheur et désobéissance-malheur. La terre appartient à tout le monde. Dieu donne

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la bonne terre à tous. La terre est à cultiver. Il faut donc de bonnes semences. La semence c’est cette vie

que Dieu donne aux plantes pour l’homme. Pour avoir de bonnes récoltes, c’est-à-dire de bons fruits, il

faut de bonnes semences. La terre est donc une chose précieuse, c'est-à-dire un trésor. L’homme devrait

respecter la terre, se respecter, respecter son prochain, remercier Dieu pour le don de la terre et aimer

son prochain. La terre est un don de Dieu pour la cultiver, jouir de ses fruits, laisser la possibilité aux

autres de jouir aussi, ne pas la vendre mais la préserver. D’où la dimension socio-écologique de préser-

vation de la terre, de l’homme et surtout de la mise en valeur des terres.

5. Dimension socio-écologique

Des notions peuvent jaillir comme le respect de la terre, sa mise en valeur.

Plénière

Textes sources : Dt 8, 26, 28

Rapporteur 1er groupe

H : Dans notre groupe, on a dit que tout vient de Dieu. Il faut savoir dire merci à Dieu.

Dans notre groupe, trois points clés. Dans le premier point, il est question de l’héritage. Pour

avoir l’héritage, il faut remplir certaines conditions. Deuxièmement, même pour avoir cet héri-

tage, ces conditions, Dieu met le peuple à l’épreuve pour savoir si le peuple va lui rester fidèle.

Donc, ici le peuple est fidèle. Dans le troisième point clé, on nous détaille les épreuves ; Que

l’épreuve, il y a l’apprentissage. Le peuple va apprendre quelque chose qui ne vient pas seule-

ment des parents, et quelque chose qui est la manne, ce qui sort de la bouche de l’Eternel et que

le peuple apprenne la parole.

4. Actualisation

L’homme est interpellé à la fidélité à Dieu.

Rapporteur 2nd groupe

K : Le point central du texte montre que l’Eternel forme le peuple comme un père forme ses en-

fants. Ça veut dire qu’il le met dans les épreuves, mais le peuple a ses vêtements et la santé.

Donc c’est le point de la santé que le peuple va garder tout le long et dans le plan de Dieu, le

peuple va rentrer en possession de ce qu’on a dit de tous les biens qui ont été énumérés par le

premier groupe : la manne et nous nous avons parlé de la terre promise et en quelque sorte ex-

trapolé en parlant de paradis. Le peuple va posséder la terre promise qui est le paradis. Cepen-

dant, il y a une mise en garde que l’Eternel met en garde qui est le sixième point en disant que

le peuple ne doit pas l’oublier et oublier que c’est Lui, l’Eternel qui lui a donné tous ces biens et

c’est pas le peuple qui a travaillé avant de les avoir et en 7ème point que si le peuple oublie, il se-

ra sanctionné, il va périr.

4. Actualisation

L’homme est interpellé à l’observation de la parole de Dieu afin d’obtenir les bénédictions. Dans le cas

contraire, c’est la malédiction. Une interprétation à réfléchir par les paroissiens selon leurs cas.

En conclusion de cette séance, je dirai que le grand défi levé reste l’image du don de la terre, don de Dieu.

Cette impression est partagée par la plupart des participants et relève aussi de la culture, des us et coutumes

bamiléké (ouest Cameroun). L’idée centrale dominante sait le lien entre la terre et Dieu. Ce lien s’explique

par la proximité de Dieu à l’homme. Dieu écoute les doléances de l’homme puisqu’il est aussi sur la terre.

Dieu est même la terre. Dans la culture bamiléké, on appelle dieu, la terre (SI). Ici, je note le rapport Dieu-

terre, homme-terre. La terre est le lieu où chacun sera inhumé ; D’où le retour à la terre puisque l’homme a été

formé de la terre. Je note ici l’analogie entre la culture bamiléké et la culture juive. L’homme est donc con-

fronté à un choix/ soit il obéit à Dieu et il a toutes les bénédictions, soit il désobéit et il a tous les malheurs ;

lors des bénédictions, l’homme doit se souvenir à dire merci au Seigneur par des actions de grâce.

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2.3 Analyse socio-littéraire des verbatim séance 3

Texte source : Matthieu 13

D : Comment comprendre le désert par rapport à la terre,

G : Il y a des gens qui représentent le désert.

N : Je voulais ajouter ceci : « Qui t’a fait marcher dans ce désert où il y a serpents brulant et

lieux arides….. ». La Parole de Dieu quel que soit le désert, il faut penser à Dieu.

Approche interprétative :

1. À quelle voix narrative du texte source le participant fait-il écho ?

À celle de Moïse

2. À quel personnage le participant s’identifie-t-il ?

Le participant se met à la place du peuple hébreu qui écoute ce que leur dit Moïse.

3. Sur quels mots ou expressions du texte source le participant insiste-t-il ?

Les mots : désert

4. Comment le participant actualise-t-il le texte source dans sa propre situation ?

Il s’agit d’un rapport désert-terre où l’homme peut être considéré comme un désert pour son prochain.

Texte source : Dt 8

L : Dieu donne à chacun son territoire physique où coulent le lait et le miel. Mais faisons-nous

ce qu’il faut pour mériter cette terre, Dieu fait traverser des épreuves et nous ne voulons pas

faire des choses pour le bien de tout le monde. Si chacun fait bien, on peut la rendre fertile

comme on peut la rendre aride.

Z : Je fais le lien entre le peuple qui traverse le désert, c’est notre vie aussi qu’on traverse. Par

rapport à nos terres. En naissant on nait quelque part. La terre était une réserve. Un garçon qui

avait déjà 25 ans, on partageait la terre. Cette terre ne nous appartient plus parce que les parents

ont vendu tous ces terrains et ceux qui sont nés après, ne pouvaient plus avoir des terres. Il n’y a

plus de réserves. Les jeunes se partagent un seul terrain, avec beaucoup de conflits puisqu’il n’y

a plus de réserves.

Approche interprétative :

1. À quelle voix narrative du texte source le participant fait-il écho ?

À celle de Moïse

2. À quel personnage le participant s’identifie-t-il ?

Le participant se met à la place du peuple hébreu qui écoute ce que leur dit Moïse.

3. Sur quels mots ou expressions du texte source le participant insiste-t-il ?

Les mots : terre, Dieu, « coulent le lait et le miel »

4. Comment le participant actualise-t-il le texte source dans sa propre situation ?

La terre est un don de Dieu, une réserve naturelle qui ne doit pas être vendue mais conservée ; Elle peut

être considérée comme désert si l’on ne sait pas s’en servir.

5. Dimension sociologique

La terre est un désert où doivent cohabiter tout le monde.

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Texte source : Dt 8

J : L’homme était identifié par sa terre. Dès que l’on donnait le nom de quelqu’un il était connu

par sa terre et ainsi protégé.

Approche interprétative :

1. À quelle voix narrative du texte source le participant fait-il écho ?

À celle de Moïse

2. À quel personnage le participant s’identifie-t-il ?

Le participant se met à la place du peuple hébreu qui écoute ce que leur dit Moïse.

3. Sur quels mots ou expressions du texte source le participant insiste-t-il ?

Les mots : terre

4. Comment le participant actualise-t-il le texte source dans sa propre situation ?

L’homme est identifié à la terre ; Il se définit par la terre ; d’où la terre comme lieu social de vie com-

munautaire. Notre place sur la terre est de vivre cette vie sur cette terre dans la fidélité à Dieu et à la

terre. Pour produire de bons fruits tant physiques que spirituels, il faut respecter cette terre. Tel est le

rôle du chrétien, du pasteur. La terre est un lieu d’accueil appartenant à tout le monde, un lieu de par-

tage.

5. Dimension sociologique

La terre est un signe de vie pour l’homme et pour tous les hommes. D’où le caractère naturel de vivre et

de cohabiter ensemble.

Texte source : Matthieu 13485

L : Dieu voudrait que chacun reçoive la parole et que chacun l’exprime. Il a exigé que chacun

ayant écouté puisse la pratiquer, que tous comprenne la Parole, ceux qui comprennent ou ne

comprennent pas. Au moment où nous vivons, ne disons pas que tel est ainsi, l’autre comme ça.

Nous ne pouvons pas juger les autres. Nous devons accepter les autres.

Approche interprétative :

1. À quelle voix narrative du texte source le participant fait-il écho ?

À celui du narrateur dans l’évangile de Matthieu

2. À quel personnage le participant s’identifie-t-il ?

Le participant se met à la place de la foule qui écoute Jésus.

3. Sur quels mots ou expressions du texte source le participant insiste-t-il ?

Les mots : juger

4. Comment le participant actualise-t-il le texte source dans sa propre situation ?

La terre est le lieu de respect de la parole, lieu d’amour, de fraternité, d’acceptation de l’autre, de vivre

ensemble. D’où la notion de la communion fraternelle. Même s’il y a à juger comme on est sur la terre,

le jugement est réservé à Dieu.

5. Dimension sociologique

La terre est le lieu où la loi, la parole, les commandements de Dieu doivent être respectés.

485 L’ensemble des verbatim qui suivront sont du texte de Matthieu 13. En cas de changement, je mentionne-

rai

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lix

T : Je vous pose cette question : Pourquoi à celui qui a on ajoutera et celui qui n’a pas, on va re-

prendre son peu.

D : Il a dit quelque part de ne pas juger. Un filet dans l’eau ramasse tous les poissons, les bons,

les mauvais. Ne jugeons point. Aimons-nous les uns les autres.

Approche interprétative :

Les points 1, 2, 3 sont identiques que précédemment.

4. Comment le participant actualise-t-il le texte source dans sa propre situation ?

Le jugement doit être réservé à Dieu. La notion d’amour fraternel devrait régner.

5. Dimension sociologique

La société est composée de toutes les couches sociales, bonnes et mauvaises et toutes sont des créatures

de Dieu. L’image du filet traduit cette diversité des composantes de la terre. La notion de jugement, de

critique dans la communauté est clairement exprimée.

K : Le texte de Matthieu dit qu’il faut laisser croitre le bon grain et le mauvais grain. C’est tout

à fait normal car c’est Dieu qui a créé le bon grain et les mauvais. Pourquoi l’homme veut déjà

se mettre en juge. A force de critiquer les autres, on se critique aussi. Moi, je pense que comme

dit un proverbe de chez-nous que lorsqu’on pointe du doigt quelqu’un, les autres doigts nous

regardent. Nous ne sommes pas parfaits. C’est Dieu qui doit juger et non nous. Nous devons

faire pour nous et laisser Dieu juger.

D : Je suis d’accord avec toi. Lorsque j’ai cité avant le texte du filet qui ramasse tous les types

de poissons, c’était pour dire que nous en tant chrétiens, nous sommes comme des poissons.

Nous sommes aussi nombreux et variés comme les poissons. Chacun a sa façon de faire, d’agir

de croire même en Dieu. Dieu a donné les talents à n’importe qui nous dit la Parole. Il ne faut

pas juger l’autre mais il faut voir ce que l’autre a en lui de bien et copier. Il faut savoir mettre en

commun ce que le Seigneur nous donne. On a lu la fois dernière et je pense même aujourd’hui,

le livre des actes qui dit qu’il faut mettre tout en commun. Il faut profiter du fait que nous

sommes nombreux pour être forts. Moi, je n’aime pas la division car la division rend faible et

on ne profite jamais de la division. Je pense qu’il faut faire ce qu’on peut faire de bien et laisser

Dieu nous juger le dernier jour. Voilà comment, moi, je comprends tous ces textes.

Approche interprétative :

1. Les points 1, 2, 3 sont identiques au verbatim précédent.

2. Comment le participant actualise-t-il le texte source dans sa propre situation ?

La parabole du filet permet aux participants de comprendre que la société est une association des per-

sonnes dont chacun a ses particularités. Il n’y a pas d’uniformités de caractères. Il faut vivre en société

en respectant tout un chacun et vivre ensemble. Laisser le jugement en tant que chrétiens à Dieu seul. La

terre est un lieu d’accueil, de partage. D’où l’appel à la communion fraternelle et au vivre ensemble.

3. Dimension sociologique

La société est composée de toutes les couches sociales, bonnes et mauvaises et toutes sont des créatures

de Dieu. L’image du filet traduit cette diversité des composantes de la terre. La notion de jugement, de

critique dans la communauté est clairement exprimée.

Textes sources : Matthieu 13 et Ac 2, Ac4 et Ac 5

K : Le texte de Matthieu dit qu’il faut laisser croitre le bon grain et l’ivraie

B : C’est par rapport à cette notion de terre de Saphira et Ananias, on peut dire qu’il faut vivre

ensemble, s’entraider car c’est le Seigneur qui fera le reste.

T : Je reviens sur Ananias et Saphira que tu viens de citer qui est un bon exemple. Mais il faut

comprendre qu’Ananias et Saphira avaient vendu les terres mais n’avaient pas déclaré tout le

prix de la vente à Dieu. Ils ont caché une partie et Dieu les a frappés. Il en est de même pour

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lx

ceux qui aujourd’hui vendent les terres de l’Église et mettent une partie dans leurs poches. Le

moment venu, Dieu doit les frapper et ils verront les conséquences ; c’est pourquoi, je suis du

même avis que l’autres personne qui disait qu’il faut laisser Dieu juger et non nous ; Encore,

remarquons que l’idée de Ananias et Saphira étaient de belles initiatives, c'est-à-dire de vendre

leurs biens pour l’Église. Il est bien vrai qu’ils ont été tentés par Satan.

Approche interprétative :

1. À quelle voix narrative du texte source le participant fait-il écho ?

Aux narrateurs de Matthieu et du livre des Actes

2. À quel personnage le participant s’identifie-t-il ?

Le participant se met à la place de la foule pour le cas de Matthieu et des disciples et des peuples pour le

livre des Actes.

3. Sur quels mots ou expressions du texte source le participant insiste-t-il ?

Les mots : bon grain, ivraie, vente, cachette

4. Comment le participant actualise-t-il le texte source dans sa propre situation ?

L’interpellation à l’honnêteté, l’humilité semblent s’avérer importantes pour le chrétien. Ici, il y a une

lecture intertextuelle qui semble se dégager avec les textes de Matthieu 13 et Actes. L’exemple

d’Ananias et Saphira montrent que le jugement est réservé à Dieu et que Dieu est capable de sanction-

ner. On a ici une analogie avec Dt 28. D’où l’invitation à l’obéissance à la Parole de Dieu.

5. Dimension sociologique

La société est composée de toutes les couches sociales, bonnes et mauvaises et toutes sont des créatures

de Dieu. L’image de Ananias et Saphira traduit cette diversité des composantes de la terre. À Dieu de

juger.

Textes sources : Ac 2 et Ac 4

L : Jésus interpelle chacun de nous, chacun a sa terre, terre fertile. Chacun de nous est une terre

et chacun devrait se poser la question et se dire quelle espèce de terre suis-je ?

B : Par rapport aux tribunaux, il a été constaté que tous ceux qui vendent leurs terres et prennent

la terre des autres, ils retrouvent la malédiction. Dans ces familles, j’ai un cas concret des gens

qui ont eu des tristes sorts, malheurs car ce sont des gens qui faisaient de l’usure, accaparaient

les biens de leurs frères et retrouvaient de la malédiction. Je voudrai dire qu’une terre qui est

donnée gratuitement et que les gens vendent reçoivent la malédiction. Lorsque les enfants ven-

dent les terrains familiaux, ça ne leur profite jamais.

K : La promesse a été faite à Abraham et à sa descendance. Pensons à notre descendance.

Approche interprétative :

1. À quelle voix narrative du texte source le participant fait-il écho ?

Au narrateur du livre des Actes

2. À quel personnage le participant s’identifie-t-il ?

Le participant se met à la place des peuples

3. Sur quels mots ou expressions du texte source le participant insiste-t-il ?

Les mots : terre (champs), vente

4. Comment le participant actualise-t-il le texte source dans sa propre situation ?

La terre est interdite de vente. L’homme se définit ou s’identifie par la terre. C’est une malédiction de

vendre la terre. D’où l’invitation au partage de la terre, partage des fruits de la terre, vie de communion

fraternelle. Vendre la terre, c’est vendre l’homme, c’est vendre Dieu. C’est une coutume bamiléké qui

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consiste à ne jamais vendre la terre aux étrangers. On ne vend pas la terre sous peine d’être maudit. La

terre se lègue par héritage ; vendre la terre, c’est vendre Dieu puisque dieu s’identifie à la terre. Vendre

la terre c’est donc désobéir à la loi de dieu, c’est chercher la malédiction. Dans les us et coutumes bami-

léké, lorsqu’on vend la terre, on est maudit. On est semblable à un paria.

5. Dimension sociologique

On assisterait à une société où des égoïstes vendent les terres de leurs parents empêchant aux ayant

droits d’en jouir aussi. C’est une dimension sociale vécu d’écrasement des uns par les autres.

Texte source : Dt 8

J : Quel est le profit de la terre pour nous paroissiens de l’UFC (union des femmes chrétiennes

du Cameroun) ?

D : C’est à nous effectivement les mamans de voir comment elles peuvent réfléchir sur la terre.

C’est nous maman de posséder notre terre, de cultiver notre terre et de les fructifier pour la pa-

roisse.

Approche interprétative :

1. Comment le participant actualise-t-il le texte source dans sa propre situation ?

Les femmes doivent défendre leurs statut et cultiver la terre pour fructifier leurs projets.

Textes sources : Dt 8 et Dt 26

L : Aujourd’hui, nous avons les avocats, les nèfles, les mangues qui sont indispensables à la

vente. Ces produits de la vente peuvent nous être utiles. Nous avons besoin des possibilités de

formes de cultures. Comment pouvons-nous produire les fruits d’avantage ?

T : Nous vous remercions beaucoup et au Seigneur qui a bien voulu que nous ayons cette idée

pour nos terres, nos terres qui ne nous aident plus car nos terres ne produisent plus autant des

fruits. On pouvait aussi utiliser les fruits de la terre pour construire des maisons, qui peuvent

être mises à la location. Nous pensons aussi aux méthodes de développement et nouvelles mé-

thodes d’agriculture qui nous aideront non seulement pour notre paroisse même aussi dans nos

plantations individuelles. Ainsi, si nous avons des méthodes de production nouvelles et non ar-

chaïques, même certaines personnes pourraient profiter aussi. Je pense ici aux non chrétiens que

nous pourrons évangéliser. Des projets rentables sont possibles sur nos terres et pour la paroisse

mais, je pense qu’il faudrait plutôt acquérir un savoir en technologie agricoles qui pourrait aider

individuellement. Par exemple, un individu ne profiterait jamais d’une boutique qui a été cons-

truite pour la paroisse alors que si nous avons apprenons des méthodes d’agricultures, chacun

pourrait profiter individuellement et l’Église aussi par les fruits des récoltes que nous apporte-

rons comme dit Dt 26. Nous voulons apprendre des nouvelles techniques qui vont nous aider à

accroître. Le souci de formation est indispensable.

Approche interprétative :

1. À quelle voix narrative du texte source le participant fait-il écho ?

À celle de Moïse

2. À quel personnage le participant s’identifie-t-il ?

Le participant se met à la place du peuple hébreu qui écoute ce que leur dit Moïse.

3. Sur quels mots ou expressions du texte source le participant insiste-t-il ?

Le mot : terre

4. Comment le participant actualise-t-il le texte source dans sa propre situation ?

La terre est sujette au développement. Des projets rentables doivent être initiés par les paroissiens afin

de leur permettre de développer leur paroisse. L’exemple du Dt 26 est un cas palpable. Les paroissiens

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devraient actualiser ce message dans le contexte paroissial. Il y a tout de même une carence en méthodes

d’agriculture, une demande en formation en développement rural s’avère indispensable. D’où la notion

de besoin en méthodes agricoles.

Texte source : Matthieu 13

Plénière

1er rapporteur :

H : Nous avons travaillé sur le texte de Matt 13 et les autres textes cités, où Jésus-Christ parle

des paraboles de perles, de trésor. On a compris que le peuple de Dieu, c’est la terre. Nous

sommes la terre. Lorsque nous recevons la parabole, que faisons-nous d’elle ? Dans le texte, il

est bien dit qu’il y a certains qui reçoivent la parole et sont contents comme la parabole des

grains qui se sont versés sur le bord de la route. Il y a certains qui reçoivent la parole, dès qu’il

y a un problème comme dans notre paroisse, il y a certaines situations qui laissent certains ou-

blier l’essentiel et oublier que c’est Dieu qu’on est venu louer et chercher et c’est l’amour,

l’unité, la parole. Pour un oui ou pour un non, il y a certains qui sont prêts à abandonner le but.

Et là c’est la parole qui tombe dans les ronces, les cailloux parce que ça n’a pas trouvé l’engrais

en nous pour intégrer. Il y a certains qui reçoivent la parole mais sont tellement occupés par les

affaires, l’argent, le business, les affaires de ce monde qui nous trompent souvent, qui com-

prennent la parole mais n’ont pas le temps d’intégrer cette parole. D’autres comprennent et

quelques temps après, c’est oublié. D’autres qui comprennent et qui mettent en pratique et mè-

nent une vie d’enfants de Dieu. Chacun comprend la parole et la façon dont chacun vit sa vie. Il

est passé aussi aux graines de sénevé pour dire que la parole de Dieu c’est la plus petite graine

qui va germer et devenir un arbre.

Approche interprétative :

1. À quelle voix narrative du texte source le participant fait-il écho ?

À celui du narrateur de l’évangile de Matthieu

2. À quel personnage le participant s’identifie-t-il ?

Le participant se met à la place de la foule qui écoute Jésus.

3. Sur quels mots ou expressions du texte source le participant insiste-t-il ?

Les mots : terre, parabole, perle, trésor, parole, Dieu, ronces, graine.

4. Comment le participant actualise-t-il le texte source dans sa propre situation ?

L’homme se définit ou s’identifie par la terre. La terre doit être jalousement conservée comme la parole

de Dieu. La terre ne devrait pas être considérée comme une affaire du business c'est-à-dire de la vente.

L’amour dans le sens large et profond doit être respecté à savoir l’amour des paroissiens, l’amour de la

terre, l’amour de la parole de Dieu. Bref, la parole de Dieu doit être respectée. D’où la fidélité à Dieu et

à la terre.

5. Dimension sociologique

L’acceptation de l’autre, l’amour, la vie en communauté sont des expressions qui fondent la dimension

sociologique de notre verbatim.

Texte source : Matthieu 13

E : Rapporteur 2nd groupe

Comme les autres ont déjà dit, je ne dois pas répéter la même chose. On retient qu’il faut appli-

quer la parole de Dieu. Comme les autres ont dit, on a le lait qui coule. Quand on a marché se-

lon la loi de Dieu, on mène une vie d’ensemble, meilleure. Il a aussi comparé le Royaume de

Dieu à un trésor qu’on trouve dans un champ. Comme dans une maison ou au grenier, on

trouve de bonnes choses, la valeur. La valeur de la parole. Si on connaissait la valeur de la pa-

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lxiii

role, on laisserait tout ce qu’il y a de négatif. Même chose avec la perle. Abandonner tout pour

aller chercher la perle, la parole de Dieu. Bref, c’est comme ça que nous avons compris le texte

de Matthieu 13. Par rapport à Actes, le temps ne nous a pas permis.

Approche interprétative :

1. Les points 1, 2 et 3 sont identiques au verbatim précédent.

2. Comment le participant actualise-t-il le texte source dans sa propre situation ?

La mise en pratique de la parole est souhaitée tout comme sa conservation comme un trésor. D’où

l’invitation à prendre la terre au sérieux et à la garder jalousement.

En conclusion à cette séance, je dirai que l’essentiel sur la terre réside toujours sur le rapport homme-terre,

homme-Dieu. Dieu étant la charnière que ce soit pour l’homme ou pour la terre. La terre peut servir de déve-

loppement pour l’homme mais l’homme est interpellé à plus de responsabilité. Sur cette responsabilité, on

peut noter sur le plan éthique, le respect de la terre sans tellement l’exploiter, la non-vente des terres ou la

vente sage des terres. Sur ce point de la vente des terres, les avis sont très partagés. Je dirai même mitigés. Les

participants semblent ne pas aimer que les terres soient bradées. Pour raison, l’exemple de Ananias et Saphira

est cité. Il semblerait que l’exemple de Ananias et Saphira ne me semble pas bien compris par les participants

et plus encore, c’est un texte qui a été cité par ces derniers et qui n’avaient rien à voir avec nos textes propo-

sés. D’autre part, L’homme est identifié à la terre ; Il se définit par la terre ; d’où la terre comme lieu social de

vie communautaire. Notre place sur la terre est de vivre cette vie sur cette terre dans la fidélité à Dieu et à la

terre. Pour produire de bons fruits tant physiques que spirituels, il faut respecter cette terre. Tel est le rôle du

chrétien, du pasteur. La terre est un lieu d’accueil appartenant à tout le monde, un lieu de partage. Par consé-

quent, il y a un prix à payer à savoir respecter la parole de Dieu. C’est une responsabilité de l’homme bien que

la terre lui soit donnée gratuitement. Remercier dieu pour ce don est une autre chose. Travailler de manière

éthique, responsable pour éviter les abus tant sur la terre elle-même que sur les hommes en est une autre afin

de bénéficier des bénédictions. Dans le cas contraire, ce sera des malédictions. Une remarque pertinente c’est

l’analogie entre la culture juive et la culture bamiléké de l’ouest Cameroun sur la conception de la terre, le

rapport homme-terre, le rapport homme-Dieu, Dieu proche de la terre, Dieu qui a et qui est la terre, l’homme

qui est la terre.

2.4 Analyse socio-littéraire des verbatim séance 4

Texte source : Dt 26

L : Il est toujours question de charité.

J : Dt 26 parle d’action de grâce sur les produits de la terre qu’il faut cultiver et prendre les

fruits pour dire merci au Seigneur.

H : Il faut pour nous sur notre terre, cultiver nos terres ensemble, que les terres paroissiales

soient scindées et partagées en groupe paroissiaux pour cultiver en groupe pour nous aider à dé-

velopper notre paroisse.

Approche interprétative :

1. À quelle voix narrative du texte source le participant fait-il écho ?

Il fait écho à celui qui parle dans le récit à savoir Moïse qui s’adresse au peuple hébreu.

2. À quel personnage le participant s’identifie-t-il ?

Il s’identifie à ce peuple, à ce juif croyant, paysan qui doit remercier le Seigneur.

3. Sur quels mots du texte source le participant insiste-t-il ?

Il insiste sur les mots terre, récoltes, fruits, YHWH, « rendre grâce ».

4. Comment le participant actualise-t-il le texte source dans sa propre situation personnelle ou sociale?

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La terre est un don de Dieu. Elle nous est donnée par Dieu pour la cultiver et qu’elle produise des fruits.

Le rôle de tout chrétien est donc de cultiver la terre et savoir la cultiver. L’invitation à la culture des terres

et au remerciement à Dieu constitue l’idée maitresse. D’où la notion d’action de grâce au Seigneur.

5. Dimension sociologique

Il y a ici un fait social est l’habitude à cultiver la terre en communauté. Une autre dimension à relever est

du point de vue socio éthique à savoir le travail de la terre.

Textes sources : Deutéronome 8 et Luc 16

B : Notre souhait à partir des textes bibliques, c’est de nous aider à la formation agricole des pa-

roissiens. Le projet rentable aiderait la paroisse peut-être nous n’aurons et ne saurons même pas

où vont les fonds des projets rentables car détournés par des personnes. Nous avons besoin

d’une formation qui nous aiderait aussi à développer individuellement non seulement notre pa-

roisse, mais nos propres familles individuelles.

Approche interprétative :

1. À quelle voix narrative du texte source le participant fait-il écho ?

Il fait écho à celui qui parle dans le récit à savoir Moïse qui s’adresse aux cananéens ou au peuple hé-

breu.

2. À quel personnage le participant s’identifie-t-il ?

Il s’identifie aux cananéens ou au peuple hébreu.

3. Comment le participant actualise-t-il le texte source dans sa propre situation personnelle ou sociale?

Les textes bibliques offrent une piste d’invitation au développement rural. Dans le cas contextuel de la

paroisse, il ne s’agit pas seulement d’initier des projets rentables pour la paroisse mais de former indivi-

duellement les paroissiens à initier chacun son projet rentable. Tel est le rôle du pasteur, d’initier des

projets au développement. Notre place sur la terre étant de développer la terre dans la fidélité à Dieu et à

cette terre. Les projets rentables paroissiaux sont sujets au détournement. D’où l’interpellation à l’amour

et à l’obéissance de la loi de Dieu.

Textes sources : Ac 2 et Ac 4

E: Le texte parle des premières communautés chrétiennes, de leur union et de leur développe-

ment. Elles vivaient en prières. Dans notre famille, il doit avoir de l’harmonie entre les parents

et enfants entre époux. Nous tombons d’accord. La terre n’appartient pas seulement aux

hommes, mais à tout le monde. Les premières communautés chrétiennes avaient confiances

entre elles, il y avait l’amour car ils vendaient leurs terres pour mettre leurs fruits en commun.

La majorité des hommes qui sont héritiers et peu de femmes le sont. Les hommes s’approprient

des terres alors qu’il fallait s’accorder pour que tout aide non seulement les paroissiens mais

aussi les enfants.

Approche interprétative :

1. À quelle voix narrative du texte source le participant fait-il écho ?

Il fait écho à celui qui parle dans le récit à savoir le narrateur de Luc ou des Actes

2. À quel personnage du texte source le participant s’identifie-t-il ?

Il s’identifie aux premiers disciples et premiers chrétiens des premières communautés de base.

3. Sur quels mots le participant insiste-t-il ?

Il insiste sur les mots terre, prières, « vente des terres ».

4. Comment le participant actualise-t-il le texte source dans sa propre situation personnelle ou sociale?

Page 247: La vision biblique de la terre- une réflexion menée au ...€¦ · siens de les expérimenter sous la conduite du Seigneur. iv ... Chapitre 5. Terre de salut, terre d’action de

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La terre est un don de Dieu et appartient à tout le monde quel que soit son appartenance sexuelle. La

terre est sujet de partage et d’accueil. Cette terre devrait être promotrices de revenus aux femmes et aux

enfants par la suite. Les hommes n’ont pas le droit de s’accaparer de ces terres. La vie en harmonie des

premières communautés chrétiennes est un exemple à ce sujet (Ac 2 et Ac 4). D’où l’interpellation à

l’amour, à la communion fraternelle et à la fidélité à Dieu et à la terre. Ici, le problème des personnes qui

vendent les terres de la paroisse est vraiment exprimé. Ces déclarations indiquent le mépris. Ce qui va de

pair avec les coutumes de la région mais une chose aussi à explorer c’est que les paroissiens peuvent être

d’accord pour la vente mais que les produits de vente soient justes et mis dans la caisse paroissiale.

5. Dimension sociologique

Il y a ici un fait social à savoir la recherche d’égalité homme-femme sur le droit de possession de la

terre.

Textes sources : Ac 2 et Ac 4

G : Dans une concession, il y a eu des cas de ce genre et les femmes aussi ont eu leurs terres.

Par rapport aux terres appartenant aux groupes des paroissiens, chaque groupe choral ici a sa

parcelle et ce qui nous manque c’est cet amour mais il ne faudrait pas oublier que c’est Dieu qui

fait croitre par la pluie etc.

Approche interprétative :

Les points 1,2,3 sont identiques au verbatim précédent.

4. Comment le participant actualise-t-il le texte source dans sa propre situation personnelle ou sociale?

C’est l’invitation de Dieu de bénir la terre tout en invitant les habitants de la terre à vivre dans l’amour

fraternel. Tel est notre rôle et surtout le rôle du pasteur dans la sensibilisation à la dimension communau-

taire. Il ne faut pas oublier aussi l’idée de l’invitation au travail qui est primordial. Avant cela,

l’obéissance même si elle n’est pas dite à la terre ou à l’homme, le rapport de la proximité de Dieu près

de l’homme sont aussi des idées des participants. Ici, une fois de plus, il y a une analogie aux us et cou-

tumes bamiléké où Dieu est proche des hommes. Il bénit l’homme et demande de ce dernier un respect ou

une reconnaissance.

5. Dimension sociologique

Il y a ici un fait social recherché à savoir la répartition équitable des terres aux hommes comme aux

femmes.

Textes sources : Dt 8 et Dt 26

L : Il faut récolter et penser à dire merci au Seigneur.

Approche interprétative :

1. À quelle voix narrative du texte source le participant fait-il écho ?

Il fait écho à celui qui parle dans le récit à savoir Moïse qui s’adresse aux cananéens ou au croyant hé-

breu.

2. À quel personnage le participant s’identifie-t-il ?

Il s’identifie à l’hébreu ou au peuple hébreu en général..

3. Sur quels mots le participant insiste-t-il ?

Il insiste sur les mots, récoltes, fruits, remerciement

4. Comment le participant actualise-t-il le texte source dans sa propre situation personnelle ou sociale?

Invitation au remerciement ou à l’action de grâce.

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Textes sources : Dt 8 et Dt 26486

Z : Ce que nous manque aussi c’est la formation mais nous n’avons pas des moyens pour un

bon rendement. Il nous faut des moyens comme les engrais. Nous avons la force physique mais

pas des moyens matériels et financiers. Nous avons cultivé les choux, le macabo mais sans en-

grais, il n’y a pas eu de rendement. Nous avons aussi besoin d’autres terres que la paroisse

pourrait nous offrir. Le manque de terres est un faux problème car en fait les terres ne manquent

pas mais les moyens de fructification, de rendement nous manquent.

M : Nous avons beaucoup de projets de manioc, choux, haricot, arachides. La formation en

agriculture et les moyens de production nous manquent.

Approche interprétative :

Les points 1,2,3 sont identiques au verbatim précédent.

4. Comment le participant actualise-t-il le texte source dans sa propre situation personnelle ou sociale?

Les paroissiens souffrent d’une pauvreté. Leurs moyens de subsistance c’est la terre mais ils n’ont pas

des moyens pour accroitre leurs rendements. Par conséquent ce rendement est pauvre. Il faut savoir culti-

ver la terre. Pour qu’elle produise des bons fruits, il est important de lui être fidèle. D’où l’invitation à la

recherche des moyens financiers et autres techniques en développement rural. Le développement néces-

site un investissement bien sûr mais aussi des outils. Ce qui est une carence. Il faut dire ici que

l’agriculture est paysanne dans la région. Les femmes qui pour la plupart cultivent à la houe. Il n’y a pas

d’agriculture motorisée ou mécanisée. C’est une agriculture rudimentaire archaïque.

K : Dans Dt, on a parlé des dîmes. Les bons fruits de la terre doivent être remis au Seigneur. Si

j’ai sept seaux d’haricot, il faudrait alors que je puisse répartir en dix et ressortir un dixième

pour remettre au Seigneur.

J : Il faudrait reconnaitre la loi de Dieu à respecter, la loi d’amour et de reconnaissance envers

la terre que le Seigneur nous donne et rentabiliser la terre que le Seigneur nous donne.

Les points 1, 2 et 3 sont identiques au verbatim précédent.

4. Actualisation

Il s’agit de donner sa dîme qui est une marque de reconnaissance à Dieu pour les fruits de la terre et

d’autre part l’obéissance à la loi. D’où le thème de l’amour du prochain. En d’autres termes, être fidèle à

Dieu et à la terre.

5. Dimension sociologique

Il y a ici c’est le respect de la loi de Dieu caractérisé par l’amour vécu les uns aux autres.

G : Nous avons besoin des fientes, engrais et éviter des produits chimiques qui peuvent nous ai-

der. On peut demander à la paroisse de nous répartir d’avantage les terres, augmenter notre sur-

face cultivable et ceci nous permettrait aussi d’accroitre notre production.

Approche interprétative :

1. Sur quels mots le participant insiste-t-il ?

Il insiste sur les mots terre, récoltes, fruits (production)

4. Comment le participant actualise-t-il le texte source dans sa propre situation personnelle ou sociale?

Il s’agit d’un souci de développement qui ne peut passer que par les engrais, c'est-à-dire les moyens fi-

nanciers pour le développement. Il faut donc savoir cultiver la terre. La question de financement se pose.

486 Ce même texte est utilisé pour la suite des verbatim. Dans le cas contraire, l’indication sera faite au début

du verbatim.

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5. Dimension sociologique

Il y a ici un fait social à savoir la pauvreté.

Textes sources : Luc 16 et Ac 2 et 4487

H : Chaque pasteur qui exploite les terres doit rendre grâce à Dieu. Certains anciens pasteurs

n’avaient pas pensé qu’on pouvait développer notre terre pour les besoins de la paroisse. Il y a

eu plusieurs disputes sur les terres pendant la période missionnaire mais les projets rentables ne

sont pas toujours les bienvenues car les individus s’accaparent à leur propre profit. Ce qui est

dommage. Je me rappelle aussi de Dieterlé et autres missionnaires qui se sont battus pour les

terres missionnaires mais Dieu nous donnera des facilités.

Approche interprétative :

1. À quelle voix narrative du texte source le participant fait-il écho ?

Il fait écho à celui qui parle dans le récit de Luc et des Actes

2. À quel personnage le participant s’identifie-t-il ?

Il s’identifie aux disciples et chrétiens des premières communautés.

3. Sur quels mots le participant insiste-t-il ?

Il insiste sur le mot terre.

4. Comment le participant actualise-t-il le texte source dans sa propre situation personnelle ou sociale?

Il s’agit d’une invitation à la bonne gestion des ressources de l’Église en bon père de famille. D’où

l’interpellation à la crainte de Dieu, à l’obéissance à la loi, au respect de la postérité, la communion fra-

ternelle et à l’amour. Le rôle du pasteur est de veiller à la bonne gestion de la terre. Le pasteur doit en-

courager les chrétiens à savoir cultiver la terre, respecter la terre, produire des fruits physiques et spiri-

tuels, bref amener les paroissiens à être fidèles à la terre et à Dieu.

5. Dimension sociologique

Il y a ici un fait social le problème de management ou de gestion. Il faut dire ici que la gestion des terres

de la paroisse est calamiteuse. Des gens profitent du manque d’instruction et d’éducation des paroissiens

du village pour faire main basse, appauvrir la paroisse, voler, détourner les biens de la paroisse.

M : par ailleurs, moi, je viens sur le texte des Actes des apôtres qui est un texte très riche à sa-

voir mettre les fruits en commun ; mettre les richesses en commun. Moi, je pense aujourd’hui, il

faut mettre des choses en commun. Il faut éviter de travailler seul, de faire toujours la compéti-

tion. Ce qui nous tue entre nous c’est la jalousie et la concurrence. On ne peut pas s’aider les

uns les autres. Dans la même famille, on veut réussir seul. On veut être vu seul alors qu’il faut

se donner la main dans la main. C’est ce qui est très important ; Je pense que le texte d’Actes 2

nous invite à l’amour, à s’entraider les uns les autres à partager ce que l’on a de commun avant

de les réunir pour donner au Seigneur.

Approche interprétative :

Les points 1, 2, 3, et 4 sont identiques au verbatim précédent.

4. Comment le participant actualise-t-il le texte source dans sa propre situation personnelle ou sociale?

Il s’agit d’une invitation sincère à une mise en commun des efforts, une mise en commun des cours sans

hypocrisie, à une culture de la communion fraternelle, du vivre ensemble, de la diaconie. La terre est un

don, un lieu de partage et d’accueil.

5. Dimension sociologique

487 Tous les verbatim qui suivent ont les mêmes textes sources : Luc et Ac.

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Il y a ici un fait social vécu entre les membres de la paroisse : la haine.

G : Le texte aussi des Actes rejoint celui de Dt 26 où il faut penser aux autres, aux pauvres, à

ceux qui n’ont rien. On ne peut pas donner la dîme à l’Église alors qu’il y a les membres de la

famille dont on n’a pas aidé ; l’évangile dit de couvrir le malheureux sans abri, de couvrir celui

qui est nu, de regarder les malades et les prisonniers ; rien ne sert de courir à l’Église donner

des choses à Dieu alors que son prochain qui est juste à côté de lui est méprisé. Moi, je crois

que Dieu voit d’abord comment est-ce que nous vivons et il ne faut pas le tromper.

Approche interprétative :

Les points 1, 2 et 3 sont identiques à la seule différence que la référence à Dt 26 donne d’autres mots du

texte de Dt 26 très récurrents comme : pauvres, dîme, Dieu.

4. Comment le participant actualise-t-il le texte source dans sa propre situation personnelle ou sociale?

Il s’agit de penser aux indigents, de manifester clairement l’amour fraternel, de briser les murs de haine et

de vivre la communion fraternelle. La terre est un lieu de partage, d’accueil, de vie d’ensemble. Notre

place sur cette terre étant de respecter tous ceux qui y habitent. Le pasteur doit y veiller.

5. Dimension sociologique

Il y a ici un fait social à savoir la pauvreté et le manque d’amour des nantis à manifester leur solidarité

envers les pauvres. On assiste ici à plusieurs couches sociales.

B : Nous avons lu le texte d’Ac 2 et Ac 4, il est question de la charité et de l’union des chré-

tiens. En voyant l’évangile dans notre cas de la paroisse, il faut nous mettre ensemble pour cul-

tiver ensemble et partager les fruits des récoltes en fonction de nos besoins et ainsi faire avancer

notre paroisse et notre famille. Par rapport aux femmes chrétiennes, il faut être ensemble, vivre

ensemble, vivre la communion fraternelle. Il faut s’entendre, en amour, cultiver notre terre en-

semble sans disparité et individualité.

Approche interprétative :

4. Comment le participant actualise-t-il le texte source dans sa propre situation personnelle ou sociale?

Les textes bibliques d’Ac 2 et Ac 4 ont permis aux paroissiens de comprendre le sens du texte et de déga-

ger leurs points de vue selon leurs situations vécues en paroisse. Il s’agit de s’unir et plus particulière-

ment les femmes. Ces dernières sont invitées à faire un front commun dans la recherche d’un consensus

pour la mise en valeur de leurs terres. D’où les dimensions d’amour, de communion fraternelle. La terre

est une terre de partage qui appartient à tout le monde. Donc les fruits de la terre devraient être traités de

la même manière. Le partage de la terre tout comme le partage des fruits devraient traduire cet amour et

cette communion fraternelle dans la paroisse. Ce qui n’est pas le cas. La terre n’appartenant en réalité à

personne mais en même temps à tous devrait faire l’objet de partage. Dieu étant le propriétaire de la terre,

proche de l’homme devrait être écouté.

5. Dimension sociologique

Il y a ici un fait social à savoir s’unir, mettre en commun leurs efforts intellectuels, financiers pour mettre

en valeur leurs terres.

Textes sources : Dt 8, Dt 26, Ac 2 et Ac 4

Plénière

N : 1er rapporteur

Dans notre groupe, nous avons trouvé les textes riches. Nous sommes encore revenus sur le

texte de Dt de la fois dernière et nous avons encore dit qu’il faut donner la dîme et il faut res-

pecter la parole de Dieu. Il faut amener des fruits justes devant le seigneur ; Il ne faut pas trom-

per Dieu et donner la dixième part car c’est Dieu qui donne. C’est lui qui nous a donné la santé

pour cultiver. Pourquoi, il faudrait lui cacher des choses alors qu’il sait ce dont nous avons be-

soin et ce qu’il nous a caché. Tromper Dieu c’est fuir son ombre ; on ne peut pas fuir son

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ombre. Ces textes ont coïncidé avec les textes des actes des Apôtres qui demandent de vivre

dans la charité et la vérité.

2nd rapporteur

T : L’autre a tout dit. Nous-mêmes dans notre groupe, on a dit la même chose ; Il faut vivre

dans la vérité, la justice, l’amour et ne pas tromper Dieu qui voit tout.

Approche interprétative :

Il s’agit de la même synthèse des points 1, 2, 3 et 4.

4. Comment le participant actualise-t-il le texte source dans sa propre situation personnelle ou sociale?

Les textes bibliques de Ac 2 et Ac 4 et Dt ont des points communs et ont aussi permis aux paroissiens de

comprendre le sens du texte et de dégager leurs points de vue selon leurs situation vécue en paroisse. Il

s’agit d’être honnête et humble devant le seigneur en matière de dîme. Il s’agit de donner la part réelle

qui correspond au dixième des récoltes. C’est une invitation à la sincérité. Si ce fait est relevé, il y a de

fortes chances que des paroissiens ne déclarent pas la vraie valeur de leur dîme. Le verbatim est clair en

ce sujet car on ne peut pas tromper dieu qui donne. Il sait la quantité de récoltes qu’il a offerte. Il s’agit

toujours d’une invitation à l’amour, au respect de la loi de Dieu.

Contributions autres :(D)

D : Je voudrai tout simplement ajouter que la pauvreté nous menace et qu’il faut sortir de cette

pauvreté grâce à nos terres. Si on pourrait avoir des dons ce serait important. Il faut observer la

Parole. Oui, c’est bien mais il faut aussi témoigner par la pratique.

Approche interprétative :

4. Actualisation

L’idée de la lutte contre la pauvreté est réellement exprimée. Une piste de solution est même amorcée à

savoir la recherche des dons et des financements. Ce qui est encore très important et en relation avec les

textes bibliques même s’ils n’ont pas été cités, c’est l’observation et la mise en pratique de la Parole de

Dieu.

5. Dimension sociologique

Il S’agit d’une pauvreté de communauté. On peut aussi parler d’une pauvreté sociale.

En résumé de cette séance, je dirai que les participants ont essayé de traduire leur vécu représenté ici par la

pauvreté. Les terres ont été mentionnées comme acquis mais sa gestion faisant problème. Ce qui veut dire

qu’il n’y a pas seulement u problème d’infrastructure, de logistique ou de moyens qui se posent mais un pro-

blème de mentalité, d’égoïsme, d’individualité. La terre n’étant pour personne. Il faudrait que les paroissiens

apprennent à vivre ensemble, mettre leurs biens en communs, partager, vivre la communion fraternelle. Ceci

s’explique par le fait que les terres n’appartiennent réellement à personne. C’est Dieu qui est le vrai proprié-

taire des terres. La terre c’est Dieu, c’est l’homme. L’Homme est invité à utiliser les ressources de la terre

mais à savoir bien la gérer car Dieu étant proche de l’homme, Dieu étant la terre, transgresser la loi de Dieu,

c’est transgresser la terre et c’est offenser Dieu. On comprend et selon la coutume de la région que dieu est au

centre de la vie des paroissiens. Obéir à Dieu, c’est obéir à la terre, c’est obtenir des bénédictions puisque

l’homme c’est la terre, c’est sa terre. Désobéir, c’est chercher la malédiction. Dans le cas où on est béni sur la

terre, c'est-à-dire lorsque la terre donne ses produits, il faut revenir dire merci à Dieu qui est la terre. On peut

ici personnifier la terre et dire « notre Dieu, notre terre ». Il ne faut pas oublier que le manque des moyens

financiers, le manque d’information sur les techniques agricoles restent les lacunes primordiales de la pa-

roisse. D’où la recherche de l’aide ou de la coopération extérieure ou du partenariat extérieur. Mais avant tout

un problème d’ordre éthique à résoudre : L’obéissance à la loi.

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2.5 Analyse socio-littéraire des verbatim séance 5

Textes sources : Ac 2 et Ac 4

M : Les apôtres étaient rassemblés, ils ont vendu leurs terres pour partager. Nous qui avons nos

terres, nous devons les cultiver étant sur que nous pouvons cultiver nos terres et payer nos

dîmes. Nous avons besoin des tracteurs, bonnes semences.

Approche interprétative :

1. À quelle voix narrative du texte source le participant fait-il écho ?

Il fait écho à celui qui parle à savoir le narrateur dans le récit de Luc et des Actes

2. Á quel personnage le participant s’identifie-t-il ?

Il s’identifie à ce peuple, à ce juif croyant, ces disciples et chrétiens des premières communautés chré-

tiennes.

3. Sur quels mots du texte source le participant insiste-t-il ?

Il insiste sur les mots terre, rassembler (rassemblements)

4. Comment le participant actualise-t-il le texte source dans sa propre situation personnelle ou sociale?

La terre est un lieu de partage et de vie communautaire. Le texte des Actes des apôtres sur la manière de

vivre des premières communautés chrétiennes est pris ici comme exemple. Les apôtres vendaient leurs

terres. Le participant souhaite que les paroissiens unissent leurs efforts pour mettre en valeur leurs terres.

Sur ce, ils ont besoin des tracteurs, semences et des engrais. Il y a donc des besoins qui sont clairement

exprimés. Il faut donc savoir cultiver, travailler la terre afin qu’elle produise des bons fruits.

5. Dimension sociologique

Il y a ici un fait social c’est le fait d’avoir un même destin à savoir vivre dans un contexte rural où la

terre est la seule source de revenus. Il s’agit d’un groupe social de personnes de la communauté ayant les

mêmes besoins. La notion de mise en commun, d’union des efforts, du rassemblement en vue d’un ob-

jectif est clairement exprimée.

Texte source : Dt 8

K : Bonsoir, ça va toujours dans le même sens que Dt 8 qui nous dit que pour rentrer dans le

pays, il faut observer et mettre en pratique les commandements. A travers la Parole de Dieu,

nous pensons que nous pouvons mettre en valeur les portions de terre que nous possédons déjà.

Après la mise pratique comme le verset 10, nous devons être reconnaissants de cette grâce de

Dieu. Ces portions de terres qui ont été bénies par le Seigneur.

E : J’allais ajouter que si nous cultivons on a besoin d’engrais, des pulvérisateurs.

Approche interprétative :

1. À quelle voix narrative du texte source le participant fait-il écho ?

Il fait écho à celui qui parle à savoir Moïse

2. À quel personnage le participant s’identifie-t-il ?

Il s’identifie à ce peuple, à ce juif croyant, ce peuple hébreu.

3. Sur quels mots du texte source le participant insiste-t-il ?

Il insiste sur les mots terre, Parole, observer, commandements, bénir

4. Comment le participant actualise-t-il le texte source dans sa propre situation personnelle ou sociale?

Le participant invite ses collègues à observer les commandements de Dieu pour obtenir une bénédiction

de leurs terres. Il invite clairement les participants à reconnaitre ce don de Dieu et à manifester la recon-

naissance par des remerciements. Tel est aussi l’invitation générale à tout chrétien et au pasteur, berger

Page 253: La vision biblique de la terre- une réflexion menée au ...€¦ · siens de les expérimenter sous la conduite du Seigneur. iv ... Chapitre 5. Terre de salut, terre d’action de

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du troupeau de Dieu. La notion de pauvreté des terres est encore mentionnée car il y a un besoin

d’engrais.

5. Dimension sociologique

L’environnement social est essentiellement rural et pauvre. De ce fait la mise en application de la Parole

de Dieu dans le contexte de souffrance ou de pauvreté se pose. D’ailleurs, il est clairement dit par le

deuxième participant qu’il y a un besoin même si on a la terre à savoir les engrais.

Textes sources : Luc 16, Ac 2 et Ac 4

M : Evitons des traitres parmi nous et soyons sincères et vivre dans l’amour

K : On a besoin de l’amour, nous devons nous entendre comme dit le livre des Actes, au verset

42 qui dit que les apôtres vendaient leurs terres et partageaient des revenus et les mettaient à la

disposition de l’Église. Aujourd’hui, il est difficile de voir ceux qui vendent leurs terrains et les

mettent bau profit de l’Église ou au profit des uns et des autres. Il faut que nous pensions à

l’amour, la fraternité pour le partage. De nos jours, on a besoin d’une mécanisation poussée

pour développer nos terres et sans oublier aussi que le problème de gestion des fonds se pose.

Qui va gérer les fonds. Il y a un problème de rentrage moral sur les dilapideurs de fonds et

autres avec des complicités dans nos Églises. Comme pour dire qu’il y a un problème de fond,

la gestion, le vol, la traitrise etc.

M : Au temps des apôtres, il n’y avait pas d’égoïsme, d’individualité de vol dans les commu-

nautés comme le cas de nos jours. Ils avaient l’idée de partage, de la communion fraternelle.

Aujourd’hui, que de donner sa chose à son prochain, il préfère jeter car trop jaloux de l’autre.

Dans les familles, on a le champ tout comme en paroisse, on ne préfère pas donner pour la cul-

tiver. On préfère la laisser sans exploiter pour rien. C’est l’esprit de jalousie et de mauvaise

mentalité. On sait des gens qui vendent les terrains en catimini et mettent l’argent dans leurs

poches individuelles. Conclusion : on devrait partager.

Approche interprétative :

1. À quelle voix narrative du texte source le participant fait-il écho ?

Il fait écho à celui qui parle à savoir le narrateur dans le récit de Luc et des Actes

2. À quel personnage le participant s’identifie-t-il ?

Il s’identifie à ce peuple, à ce juif croyant, ces disciples et chrétiens des premières communautés chré-

tiennes.

3. Sur quels mots du texte source le participant insiste-t-il ?

Il insiste sur les mots terre, rassembler (rassemblements), mise en commun.

4. Comment le participant actualise-t-il le texte source dans sa propre situation personnelle ou sociale?

La terre est un lieu de partage et d’accueil. Dieu nous donne de la bonne terre aux humains. Le participant

invite ses collègues à un esprit d’amour. Ici, l’idée d’observation des commandements de Dieu s’exprime

de manière implicite. L’amour est explicitement énoncé. La dénonciation de tous les malaises et maux

sociaux sont énoncés. Il n’y a pas un esprit d’équipe, de solidarité, d’union des cœurs. C’est la raison

pour laquelle le livre des Actes des apôtres vient bouleverser l’esprit des participants et ils se reconnais-

sent dans le sens contraire de la parole de Dieu. L’appel à une vie de communion fraternelle et de chan-

gement de mentalité s’impose. Tel est non seulement le rôle du pasteur mais la reconnaissance d notre

place sur la terre. Ici, il faut reconnaitre qu’un malaise règne dans la communauté à savoir la mauvaise

gestion des terres de la paroisse. Des personnes se sont emparées pour leur propre guise. La malhonnêteté

s’est installée. Chacun prend les biens de la paroisse comme le sien et non comme individuel ignorant que

la terre telle que nous l’avons expliquée n’appartient à personne bien qu’étant pour tous. Le malaise n’est

pas seulement la pauvreté mais le malaise c’est la mentalité. Il faudrait changer cette mentalité en faisant

comprendre que la terre et les biens de la terre sont pour Dieu. Après le changement de mentalité, le pro-

blème de mécanisation de l’agriculture ou de la gestion des terres trouvera une solution. Le texte de

l’économe infidèle vient à point expliquer que la pauvreté a aussi pour cause l’homme.

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5. Dimension sociologique

L’environnement social est essentiellement rural et pauvre. Tous les fléaux sociaux sont dénoncés à sa-

voir égoïsme, jalousie, haine, mesquinerie, mauvaise gestion, escroquerie etc.

Texte source : Matthieu 13

E : Matthieu 13 a plusieurs types de terres et catégories qui recevaient les semences. Si nous

avons des matériaux de travail, nous pouvons être ces bonnes terres qui ont reçu de semences et

qui ont produit des bons fruits, des maïs, manioc, macabo. Aujourd’hui, pour avoir une bonne

terre, il faut des engrais, des arrosoirs, pour avoir une bonne production.

Approche interprétative :

2. À quel personnage le participant s’identifie-t-il ?

Il s’identifie à ce peuple, à cette foule qui écoute Jésus.

3. Sur quels mots du texte source le participant insiste-t-il ?

Il insiste sur les mots terre, semences, fruits.

4. Comment le participant actualise-t-il le texte source dans sa propre situation personnelle ou sociale?

La notion de pauvreté des terres est encore mentionnée car il y a un besoin d’engrais. La demande des

besoins en matériaux agricoles est clairement exprimée. Selon le participant, puisque Matt 13 dit qu’on a

plusieurs types de terres, c’est normal pour lui que leurs terres soient pauvres mais Dieu devrait leur

donner des moyens. Ici, on note une prise de conscience de la pauvreté de par l’influence du texte de

Matt 13. Notons ici que la notion de semence revient. Elle est importante car c’est elle qui est source de

germination. Dieu donne les récoltes à travers la semence qui est une cellule de vie. La terre est par con-

séquent un trésor. La dimension rudimentaire des moyens et techniques agricoles se fait ressentir.

5. Dimension sociologique

L’environnement social est essentiellement rural et pauvre. Une souffrance sociale se fait ressentir à sa-

voir le manque d’outils ou d’engrais pour l’obtention des meilleurs rendements.

Texte source : Dt 26

L : Nous avons travaillé dans Dt 26, il faut apporter les fruits, les meilleures choses à apporter

dans la maison de l’Eternel. Il faut présenter de bonnes choses au sacrificateur.

M : Aujourd’hui, certaine personnes disent qu’on ne doit pas passer par un homme pour donner

une chose à Dieu (notion de lévite ou de sacrificateur) oubliant que c’est Dieu lui-même qui le

recommande. Quand tu as de bonnes choses, on trie le mauvais pour aller donner au pasteur,

quelle mentalité.

Approche interprétative :

1. À quelle voix narrative du texte source le participant fait-il écho ?

Il fait écho à celui qui parle à savoir Moïse.

2. À quel personnage le participant s’identifie-t-il ?

Il s’identifie à ce peuple hébreu, à ce juif croyant qui doit remercier le Seigneur pour les grâces acquises.

3. Sur quels mots du texte source le participant insiste-t-il ?

Il insiste sur les mots terre, lévites, fruits, YHWH.

4. Comment le participant actualise-t-il le texte source dans sa propre situation personnelle ou sociale?

Le participant invite ses collègues à savoir déclarer la vraie valeur de la dîme sans mentir ou voler ; ici,

il y a une dénonciation ouverte de ceux qui trompent Dieu en ne donnant pas la dixième part de leurs

fruits au Seigneur ; On va même au-delà en prenant l’exemple du vol ou de la désobéissance au Sei-

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gneur. L’exemple de la fausse dîme traduit le caractère mesquin des paroissiens. D’où l’invitation au

respect des commandements de Dieu.

5. Dimension sociologique

L’environnement social est essentiellement rural et pauvre. On a l’impression que les paroissiens ne dé-

clarent pas la dixième part de leurs récoltes sous forme de dîme. Il y a une certaine sous-évaluation ou

un mensonge à Dieu. Ce qui fait encore penser aux conséquences de la pauvreté sociale. La peur de Dieu

devant la famine n’a aucun intérêt.

Texte source : Dt 28

K : nous avons lu le texte de Dt 28, Dieu va bénir la terre, les fruits d’élevage, le fruit de nos en-

trailles. Nous avons compris qu’il faut alors cultiver la terre et en cultivant la terre, on peut ob-

tenir le maïs de qualité, le haricot de qualité, on peut obtenir le soja de qualité. Avec ces pro-

duits, on peut faire l’élevage de volaille, des animaux. Il a dit qu’il devait bénir le fruit de nos

entrailles. Si le pasteur venait avant, il devait trouver des études, un cadre qui encadre les en-

fants de 0 âge jusqu’à 15 ans. On étudie la Bible. L’islam gagne le monde parce qu’il y a des

écoles coraniques où on enseigne le coran aux enfants de bas âge. Nous nous sommes rappelés

de la parole de Dieu qui dit qu’il faut enseigner la parole de Dieu aux enfants de bas âge ainsi

quand il grandira, il ne s’en détournera pas. Si nous avons des moyens matériels pour cultiver le

champ, nous pourrons élever nos enfants, faire des bonnes études pour être des cadres de

l’Église et de la nation. D’un autre côté, on doit apprendre à donner aux autres et aider ceux qui

n’ont pas de moyens comme les veuves, orphelins. Il faut financer l’œuvre de Dieu pour que ça

avance. Avec les moyens, si nous les avons, nous aurons à financer l’œuvre de Dieu, la pa-

roisse, nos familles. Pour ne pas répéter ce que les autres ont déjà dit, on peut s’arrêter là.

Approche interprétative :

1. À quelle voix narrative du texte source le participant fait-il écho ?

Il fait écho à celui qui parle à savoir le narrateur dans le récit soit Moïse

2. À quel personnage le participant s’identifie-t-il ?

Il s’identifie à ce peuple, à ce juif croyant qui doit prendre conscience de l’obéissance à la parole ainsi

que les conséquences de la désobéissance.

3. Sur quels mots du texte source le participant insiste-t-il ?

Il insiste sur les mots terre, Parole, Dieu, bénédiction

4. Comment le participant actualise-t-il le texte source dans sa propre situation personnelle ou sociale?

La notion de pauvreté des terres est encore mentionnée car il y a un besoin d’engrais et d’outils de déve-

loppement. Ce qui est frappant c’est que le participant s’appuie sur le texte de Dt 28 qui parle des béné-

dictions de la terre. Il sait aussi que les bénédictions s’accompagnent du travail de la terre ; Donc les pa-

roissiens doivent travailler et ne doivent pas attendre les fruits sans travail. Ce qui constitue le frein de

leur développement, c’est le manque d’outils. Ils sont prêts à penser aux indigents (Dt 26) mais il leur

faut vaincre la pauvreté massive et collective. Ils sont prêts à faire de l’évangélisation pour freiner le dé-

veloppement de l’islam qui prend de l’ampleur mais il leur faut des moyens de survie. On comprend le

souci de transmettre la parole de Dieu, non seulement à leurs enfants de bas âge mais à faire de

l’évangélisation. D’où la nécessité d’avoir des moyens de développement.

5. Dimension sociologique

L’environnement social est essentiellement rural et pauvre. Le manque d’outils et de moyens de déve-

loppement rural se fait ressentir. On est en présence d’une classe sociale pauvre.

Page 256: La vision biblique de la terre- une réflexion menée au ...€¦ · siens de les expérimenter sous la conduite du Seigneur. iv ... Chapitre 5. Terre de salut, terre d’action de

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Textes sources : Ac 2 et Ac 4

T : Comme Ananias et Saphira, ils ont vendu leur terrain, au lieu de donner tout ce qu’ils ont

vendu, ils ont caché une partie. Pour cela aujourd’hui, nous ne devons pas être des « Ananias »

et « Saphira », si non l’Eternel va nous frapper comme il a fait à Ananias et Saphira.

G : Ananias et Saphira ont été combattus pour le mensonge. C’était le mensonge, le vol et de

nos jours, c’est ce qui ruine nos Églises. On vend les terres, on cache l’argent. On détourne, on

ment. On vole. Le détournement. Comme nous disons pour les pasteurs, le Seigneur a

dit « Partez et n’emportez rien ». Il n’a pas dit aux pasteurs de partir en emportant les choses,

en volant ou en mendiant ou en détournant. C’est ce qu’on voit aujourd’hui dans nos paroisses.

Approche interprétative :

1. À quelle voix narrative du texte source le participant fait-il écho ?

Il fait écho à celui qui parle à savoir le narrateur dans le récit de Luc et des Actes

2. À quel personnage le participant s’identifie-t-il ?

Il s’identifie à ce peuple, à ce juif croyant, ces disciples et chrétiens des premières communautés chré-

tiennes.

3. Sur quels mots du texte source le participant insiste-t-il ?

Il insiste sur le mot vente.

4. Comment le participant actualise-t-il le texte source dans sa propre situation personnelle ou sociale?

Le participant invite ses collègues à interpréter les modes de personnages d’Ananias et Saphira. Ces

deux personnages bibliques traduisent la colère de Dieu vis-à-vis de ceux qui se détournent de la Parole

de Dieu. Il est fait mention à tous ceux qui vendent les terres de l’Église et mettent dans leurs poches.

L’exemple de ces personnages bibliques traduit ce qui pourrait aussi être leurs cas. Raison pour laquelle

une invitation à la mise en pratique de la parole de Dieu et une vie éthique irréprochables sont vivement

recommandées. D’où la fidélité à la terre et à Dieu.

5. Dimension sociologique

L’environnement social est essentiellement rural et pauvre. D’où la présence des maux tels que men-

songe, vol, escroquerie etc. On est en présence d’un contexte narratif basé sur une situation de terrain ru-

rale où règnent le vol, l’escroquerie, le mensonge, les détournements financiers.

Textes sources : Luc 16 et Ac 2

Z : Le Seigneur a dit qu’il bénira le fruit de nos mains. Aujourd’hui, pour qu’on s’épanouisse, il

faut que nous mettions nos terres en valeur pour être épanoui sur le plan spirituel, matériel et

social. Il faut donc travailler. Le Seigneur nous invite au travail et c’est très capital. C’est même

la leçon essentielle de tous ces textes que nous avons lu.

N : Il faut travailler. Comme Dieu a dit à Adam et Eve, il faut travailler et ne pas voler ou dé-

tourner ou calomnier. Il faut le travail. A nous, le Seigneur nous adresse la même parole, c'est-

à-dire travailler et manger à la sueur de notre front.

Approche interprétative :

3. Sur quels mots du texte source le participant insiste-t-il ?

Il insiste sur les mots terre, bénir, fruits.

4. Comment le participant actualise-t-il le texte source dans sa propre situation personnelle ou sociale?

La terre est un don qui nécessite du travail. Pour produire des bons fruits, il faut des efforts. Le partici-

pant invite ses collègues au travail de la terre. Tel est aussi le rôle du pasteur. Le récit biblique invite au

travail. Par conséquent les chrétiens qui obéissent à la parole doivent aussi travailler et ne pas détourner

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les fonds. Cette invitation au travail est une parole biblique. D’où le respect de la Parole de Dieu et à la

fidélité à la terre.

5. Dimension sociologique

L’environnement social est essentiellement rural et pauvre. Il faut travailler pour essayer de sortir de cette

pauvreté. On est en présence d’un contexte narratif basé sur une situation de terrain rurale où la terre

constitue la seule source de revenus. Le développement de la terre est primordial dans cette situation de

pauvreté collective

D : Nous remercions le frère pour ces séances d’études bibliques qui nous vont tout droit au

cœur.

Approche interprétative :

4. Comment le participant actualise-t-il le texte source dans sa propre situation personnelle ou sociale?

Il s’agit purement et simplement des remerciements. Nous n’avons pas à étudier autre chose.

Texte source : Luc 16488

M : pour moi, le texte de l’économe infidèle est un texte très important parce qu’il se réfère aux

mauvais gestionnaires, aux corrupteurs que nous avons aussi aujourd’hui dans notre pays, dans

nos Églises, tous ceux qui avec les bergers, les pasteurs et les anciens font des combinent pour

manger l’argent de la paroisse et qui sont les premiers à dire que nos terres sont pauvres.

J : Je suis très touché par ce texte parce qu’il démontre que le péché existait depuis de longues

dates et que tous sont pécheurs ; ce qui est frappant dans ce texte c’est que l’économe infidèle

après avoir volé sa part cherche une piste de sortie de crise. Il corrompu les gens pour avoir la

possibilité d’une part d’être bien vu.

Approche interprétative :

1. À quelle voix narrative du texte source le participant fait-il écho ?

Il fait écho à celui qui parle à savoir le narrateur dans le récit de Luc et des Actes

2. À quel personnage le participant s’identifie-t-il ?

Il s’identifie au régisseur des biens qui constate comment ses biens sont détournés.

3. Sur quels mots du texte source le participant insiste-t-il ?

Il insiste sur les mots argent, économe infidèle.

4. Comment le participant actualise-t-il le texte source dans sa propre situation personnelle ou sociale?

Le participant dénonce le caractère malheureux de ceux qui se disent chrétiens et qui pillent les fonds de

l’Église. Il voudrait dire que le texte de Luc sur l’économe infidèle est toujours d’actualité. Ces fléaux

sociaux sont à combattre. D’où le respect de l’éthique chrétienne et des commandements de Dieu. Le

rôle du pasteur est d’inciter les paroissiens à la fidélité à Dieu et à la terre. On est en présence d’un con-

texte paroissial basé sur une situation de terrain rurale où règnent la corruption, la mauvaise gestion.

L’environnement social est essentiellement rural et pauvre où règnent vol, mesquinerie, détournement

des biens.

D : Moi, je pense que ce n’est pas seulement la possibilité d’être bien vu mais de chercher à évi-

ter la prison et de préparer des amitiés. Ici, cet économe infidèle est un vrai magouilleur, un

manipulateur de conscience comme ceux que nous avons de nos jours dans nos entreprises, so-

ciétés, dans le gouvernement

488 Tous les verbatim qui suivent ont la même référence de texte source. Il en est de même des réponses aux

points 1, 2 et 3.

Page 258: La vision biblique de la terre- une réflexion menée au ...€¦ · siens de les expérimenter sous la conduite du Seigneur. iv ... Chapitre 5. Terre de salut, terre d’action de

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Approche interprétative :

4. Comment le participant actualise-t-il le texte source dans sa propre situation personnelle ou sociale?

Le participant explique le verset biblique sur l’économe infidèle en disant qu’il voudrait éviter la prison et

se tisse des liens et de réseaux de faux. De manière interprétative, il s’agit de respecter la Parole de Dieu

comme leçon à dégager. La situation est contemporaine. Ici, on constate que l’Église est dans un contexte

social où règnent toutes sortes de choses mauvaises. L’Église au lieu de chercher à montrer l’exemple

s’en lise dans le gouffre, le mal de la société camerounaise. Un gros problème éthique se pose. Comment

l’Église dans un tel contexte pourrait s’en sortir, Il faudrait encore prêcher la bonne nouvelle à tous ceux

qui peuvent entendre le message libérateur du Christ.

L : Ce que tu dis est vrai. Je suis particulièrement d’accord avec toi ; on a ces genres de per-

sonnes même dans nos paroisses. Je me rappelle une année dans notre paroisse de Ngwinké, le

pasteur avait corrompu les anciens à vendre les terres de Mbouo à un gérant de station

d’essence. Il avait enrobé le président de région qui aussi avait reçu sa part d’argent et puis pour

finir, ils ont tous corrompu le bureau de l’Église à ne rien dire. Ici, ne faisons pas comme nous

ne connaissons pas ce qui se passe autour de nous. Notre terre de Mbouo est toujours grignoté

d’années en années, vendues avec des complices qui sont des anciens d’Église, des paroissiens

qui sont des voisins et qui font aussi de mauvais témoignage lorsqu’on fait venir le sous-préfet

pour la délimitation de choses. La veille un jour où le sous-préfet devait venir, les voisins de

l’Église du côté du fleuve sont même partis corrompre le chef de quartier qui a aussi pris

l’argent. Nous avons su parce que lorsque le sous-préfet lui a posé la question s’il était né au

moment du premier bornage puisqu’il disait qu’il connaissait tout ce qui se passait sur les ter-

rains de l’Église. On lui a demandé de donner sa carte d’identité et il était né en 1940 alors que

le terrain de Mbouo fut borné par les allemands en 1913. On a su qu’il était corrompu et qu’il

avait pris sa part d’argent. Voilà le genre de faux témoignage que des gens font et il faut aussi

reconnaitre que ce chef de quartier est paroissien. Sa mère était paroissienne et ancienne

d’Église.

Approche interprétative :

4. Comment le participant actualise-t-il le texte source dans sa propre situation personnelle ou sociale?

Le participant explique une étude de cas de la paroisse où cette dernière a été toujours l’objet de la vente

des terres et de détournement de cette vente par des classes sociales ou des groupes sociaux de la pa-

roisse. L’intervention est essentiellement dénonciatrice de ces maux. L’évangile de Luc vient bousculer

ces habitudes et permettent qu’un changement soit opéré dans les prochains jours. C’est l’importance de

la séance d’ateliers biblique. D’où l’invitation au respect de la Parole de Dieu. Le contexte de ce village

depuis l’indépendance de l’Église a été toujours conflictuel. Les terres sont toujours sujettes à des détour-

nements. La mentalité du village est aussi à revoir. L’évangélisation est encore à revoir malgré le con-

texte de pauvreté. La formation des bons pasteurs est aussi à envisager car il est bien dit dans le texte que

les pasteurs contribuent aussi à ce détournement. Ils le font parcequ’ils n’ont pas de salaire. Il faudrait re-

voir la formation des pasteurs, revoir la gestion du personnel dans l’ensemble car le contexte est pourri de

la base au sommet.

Textes sources : Ac 2 et Ac 4

Plénière

1er rapporteur

B : Nous avons tiré en résume que les chrétiens se sont rassemblés d’un seul cœur, et rassem-

blaient leurs biens. L’évangile était annoncé avec force. Comme Joseph, nous allons cultiver

nos champs. Nous avons besoin des tracteurs, bonnes semences. Pour nous il faut lutter contre

les médisances, le vol, la calomnie, le faux, le contre témoignage. Les textes des Actes, et Luc

sont clairs en ce sens. Il faut appliquer la parole de Dieu dans nos vies.

Approche interprétative :

1. À quelle voix narrative du texte source le participant fait-il écho ?

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Il fait écho à celui qui parle à savoir le narrateur dans le récit de Luc et des Actes

2. À quel personnage le participant s’identifie-t-il ?

Il s’identifie à ce peuple, à ce juif croyant, ces disciples et chrétiens des premières communautés chré-

tiennes.

3. Sur quels mots du texte source le participant insiste-t-il ?

Il insiste sur les mots Parole, Dieu.

4. Comment le participant actualise-t-il le texte source dans sa propre situation personnelle ou sociale?

La lutte contre les fléaux sociaux tels que vols, calomnie, jalousie sont clairement abordés. D’où

l’invitation à l’amour, la communion fraternelle.

2nd rapporteur

M : Comme a dit la première personne, nous sommes tous d’accord avec lui. Ce que je pourrai

ajouter pour notre groupe c’est qu’on a dit qu’il nous faut combattre le mensonge, l’hypocrisie,

le vol, la jalousie. C’est ce qui tue notre Église à partir du sommet jusqu’à la base. Les gens ne

craignent plus Dieu. Les gens viennent à l’Église pour chercher à se remplir les poches et sur-

tout les retraités des autres services qui viennent trouver du travail à l’Église pour passer leurs

vieux jours et ce sont eux qui polluent aussi l’Église. Après avoir pillé les fonds de l’État, ils

viennent piller l’Église. C’est malheureux. Il faut vraiment prier pour notre Église.

Approche interprétative :

4. Comment le participant actualise-t-il le texte source dans sa propre situation personnelle ou sociale?

La lutte contre les fléaux sociaux tels que vols, calomnie, jalousie, hypocrisie sont clairement abordés.

D’où l’invitation à l’amour, la communion fraternelle, le respect de la Parole de Dieu.

5. Dimension sociologique

L’environnement social est essentiellement rural et pauvre. On assiste à plusieurs fléaux sociaux et

groupe sociaux qui ne respectent pas l’éthique chrétienne. On constate que ce phénomène à l’Église

est migratoire. C’est un phénomène importé de l’administration de l’Etat et du gouvernement

puisque ceux qui sont à l’Église sont aussi des anciens retraités de la Fonction Publique.

En somme, je peux retenir de cette séance de verbatim, que l’observation de la parole est au centre des re-

commandations. Les paroissiens compte tenu de la pauvreté n’ont plus peur de la Parole de dieu. La notion de

la terre qui appartient à Dieu ne leur fait plus peur. Les paroissiens n’ont plus peur de Dieu, ni de la terre, ni

des hommes. C’est donc sérieux. Un recentrage non seulement moral mais spirituel s’avère important. La

terre selon la conception de ces villageois est la propriété unique de l’homme fort, de celui qui a la possibilité

de mentir, de voler, de corrompre. Trop de fléaux à combattre. Il se pourrait qu’à partir de cette notion de la

terre voir pourquoi, la notion de Dieu perd de sa valeur ; on évolue aussi vers une désacralisation de la terre

ou une sécularisation du protestantisme. Ce qui est grave. L’animisme qui était et qui est toujours d’actualité

perd aussi sa valeur. Les us et coutumes perdent leur valeur. La mise en commun des idées, des moyens pour

le développement de la paroisse est une carence. C’est la loi de la jungle ; celle du plus fort. La communion

fraternelle n’existe plus ; c’est l’individualisme, le manque d’amour. Plus de crainte de Dieu ou du sacré. La

terre est celle de Dieu. La terre est Dieu. S’il y avait cette crainte, on n’aurait pas toutes ces déviations. D’où

l’invitation à ne pas se décourager et à appeler au respect de la parole, au travail et au respect de l’éthique.

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2.6 Analyse socio-littéraire des verbatim séance 6

Textes sources : Luc 16, Ac 2 et Ac 4489

H : Pour moi, le texte est très riche car on ne peut pas servir Dieu et le diable. La terre donne de

l’argent mais il faut savoir l’utiliser. Les gens aiment beaucoup de l’argent mais un bon chrétien

ne doit pas prendre de l’argent comme Dieu et c’est ce qui fait problème aujourd’hui dans notre

société. Tout n’est qu’argent. Les chrétiens à l’église ne cherchent que de l’argent alors qu’on

devrait venir à l’Église donner de l’argent et non piller l’Église ou prendre l’argent de l’Église.

C’est le contre témoignage. Comment comprendre que les pasteurs et les anciens prennent

l’Église comme un marché ou un comptoir à la recherche de l‘argent. Ce n’est pas possible. Le

texte de Luc est clair. Jésus avait chassé les voleurs au temple. Je ne me rappelle plus des ver-

sets mais je pense que c’est Jean 2, 13 et suivant. Un texte qu’il faudrait lire et appliquer à notre

Église. Les voleurs à l’Église devraient être chassés ; il est vrai, on va dire qu’on ne chasse pas

les gens à l’Église mais l’Église devrait punir les méchants. Les États-Unis sont un pays chré-

tien mais il y a la peine de mort ; même Dieu fait mourir. Nous avons lu Dt 28 qui parle des ma-

lédictions.

Approche interprétative :

3. Sur quels mots ou expressions du texte source le participant insiste-t-il ?

Les mots : terre, argent, Église.

4. Comment le participant actualise-t-il le texte source dans sa propre situation ?

Le participant est clair sur la dénonciation des maux qui minent l’Église à savoir les détournements et

vol. L’exemple du texte de Luc sur l’économe infidèle lui a permis de faire une analogie avec la situa-

tion de Mbouo. Ce qui est frappant est qu’il ne s’est pas limité au seul texte de Luc mais il a cité Jean 2

qui parle de Jésus chassant les vendeurs au temple. La situation de ces vendeurs est analogue à celle des

paroissiens selon lui qui vendent les terres de l’Église et qui ont fait de la paroisse un comptoir com-

mercial. Pour lui, ces fidèles malhonnêtes doivent être punis et chassés (allusion à Dt 28). L’aspect

théologique de l’éthique chrétienne de l’argent est clairement défini sans oublier l’interpellation à

l’amour, au discernement de la vocation, à l’identité chrétienne et à la communion fraternelle. Tel est le

rôle du pasteur.

5. Dimension sociologique

Il y a ici un fait social à savoir la recherche de l’argent. Plus encore dans un contexte rural de pauvreté,

chacun voudrait s’enrichir sur le dos de l’Église. D’où le vol.

D : Tu as parfaitement raison. Moi aussi, je vois les choses comme toi. Le texte biblique

montre comment le monde est plein de malhonnêtes. Il est vrai on ne désire pas la mort du pé-

cheur mais qu’il se répande. C’est vrai mais on doit attirer l’attention du pécheur. Ici, on a attiré

l’attention de l’économe infidèle qui lui de son côté joue au malin. On a aussi beaucoup parmi

nous qui joue au malin à l’Église et dans notre paroisse. Tout ce que tu as dit est vrai. C’est un

sujet que beaucoup n’aime pas aborder. Heureusement que ces études bibliques nous donnent la

possibilité de parler. Si on était plutôt à la salle paroissiale ou à l’Église, on ne pouvait pas dire

car même les murs ont des oreilles. Merci à notre enfant du terroir qui veut que les choses

changent et je pense que les choses doivent changer. Il faut que nous ayons le courage d dénon-

cer et ensuite de prendre des mesures pour le développement de notre paroisse. Moi, je propose

qu’on sanctionne tous ceux qui avec les pasteurs volent nos terres, louent nos terres dans le

flou. Je propose que ces terres soient distribuées aux paroissiens qui vont cultiver et retire une

489 La référence concernant le texte source n’interviendra que si le verbatim change de texte. Afin d’éviter les

répétitions inutiles, les points qui ont été déjà traités dans les autres séances comme les points 1, 2 et 3 ne

seront plus mentionnés ; je me limiterai à l’actualisation ou à la dimension sociologique.

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lxxix

part pour venir donner à l’Église. Les terres de l’Église devraient d’abord servir aux paroissiens.

Les paroissiens doivent cultiver ces terres et venir leur donner la dîme.

Approche interprétative :

4. Comment le participant actualise-t-il le texte source dans sa propre situation ?

Comme disait le premier intervenant, il s’agit de lutter contre les maux sociaux du groupe communau-

taire ecclésial : vol, détournements etc. Ce qui est frappant c’est que les textes bibliques, que ce soit Luc

ou Dt sont bien compris et actualisés (sanctions). On retient comme aspect théologique le retour à

l’identité chrétienne. La communauté s’est détournée de la voie de Dieu, de la Parole de Dieu. L’éthique

chrétienne de l’argent n’est plus respectée dans la communauté. Le texte de Luc est une invitation à

prendre conscience.

E : Moi, je pense que le texte est riche et qu’il faudrait comme tu dis voir les choses en face :

Comment faire changer les choses ? Moi, je pense qu’il faut dire les choses à la direction et leur

demander de ne plus gérer nos terres. Ensuite, il nous faut des moyens comme faisaient les

premiers missionnaires vers les années 1950 à savoir demander les dons en Europe, demander

un financement pour acheter les meilleurs outils, les engrais de bonne nature, les bonnes se-

mences et pourquoi pas les tracteurs pour nous aider à cultiver. Aujourd’hui, on ne cultive plus

avec la houe comme on le faisait au départ ; on cultive avec les machines et le rendement est

bon. On pourrait exporter nos produits comme des gens exportent les bananes séchées en

Suisse. Moi, je pense qu’il faut s’organiser et demander à notre frère pasteur en Belgique de

nous aider à trouver un financement.

Approche interprétative :

4. Comment le participant actualise-t-il le texte source dans sa propre situation ?

Il s’agit ici d’une formulation claire de diaconie, d’aide sociale car conscient de leur état de pauvreté et de

manque d’outils pour développer leurs terres. Une piste de solution semble se pointer à savoir de l’aide en

comparaison à la période missionnaire où tout venait de l’Europe. D’où la dimension ecclésiologique de

l’aide aux autres Églises, de parrainage, de coopération, bref de diaconie. Le besoin en matériel se fait

ressentir. Ce qui démontre effectivement que le contexte du village est rudimentaire. On ne laboure la

terre qu’avec la houe. Si les partenaires donnent les machines, le problème de gestion risquerait toujours

se poser. Le problème de formation se poserait également. Une situation à réfléchir.

T : Oui, je suis d’accord avec toi mais si on n’est pas sûr qu’on va bien gérer, c’est inutile.

Avons-nous la possibilité de bien gérer les choses ? Ce qui nous tue au Cameroun, c’est la

mauvaise gérance des choses. C’est aussi un problème de mentalité. L’économe infidèle est un

exemple de quelqu’un qui connait son travail et qui laisse son travail pour faire le faux. C’est un

possédé démoniaque. Je pense que cet économe a une mauvaise mentalité. Nous sommes tous

des « économes infidèles » dans notre paroisse, dans notre famille et partout où nous travail-

lons.

Approche interprétative :

4. Comment le participant actualise-t-il le texte source dans sa propre situation ?

Il s’identifie d’abord à l’économe infidèle. Une demande explicite est clairement exprimée à savoir le

changement de mentalité et la bonne gestion. L’idée du changement ou des pistes de solution sont claire-

ment énoncés. On ressent un besoin de sortie de crise qui ne peut passer que par le retour à la parole de

Dieu. D’où l’aspect théologique de l’éthique de identité chrétienne.

H : Vous avez tout dit mais moi je pense que ce qui est important c’est voir comment on peut

délivrer notre paroisse. Le texte nous donne des exemples mais comment appliquer dans notre

cas, si nous ne trouverons pas de solutions, je pense que c’est comme ça chaque fois que nous

tournerons en rond et on aura jamais la solution. Il faut prendre des mesures strictes et sévères.

Approche interprétative :

4. Comment le participant actualise-t-il le texte source dans sa propre situation ?

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lxxx

Il y a ici un fait social à savoir une révolution de changement, une forme de syndicalisme clairement

énoncé. Il s’agit d’une contextualisation des textes bibliques à appliquer à la paroisse à savoir sanction-

ner, changer, révolutionner, etc. D’où l’invitation à l’obéissance à la loi, à la communion fraternelle, à la

diaconie etc.

Texte source : Dt 26490

M : Je reviens sur le texte de Dt 26 qui dit qu’il faut déposer au prêtre la corbeille des fruits

mais avant de le faire, il faut penser aux pauvres, veuves, enfants. Vraiment ce texte est impor-

tant car rien ne sert de dire qu’on prie Dieu quand on fait de mauvaises choses. Aujourd’hui, les

veuves sont délaissées, les enfants dans les régimes polygamiques sont délaissées. Les femmes

n’ont pas de paroles. Si oui, elles sont des esclaves dans certaines familles. Moi, je pense que ce

texte devrait être appliqué dans cette paroisse. Il faut réveiller les gens, demander au pasteur de

prêcher dessus et nous les femmes, je vous invite à conseiller nos sœurs qui sont dans ces situa-

tions et grever.

Approche interprétative :

4. Comment le participant actualise-t-il le texte source dans sa propre situation ?

Il s’agit d’une contextualisation du texte de Dt 26 qui appelle à penser aux couches sociales faibles telles

que les pauvres, veuves, orphelins. C’est un appel à la diaconie, l’amour, la fraternité.

K : Tu as raison. Je pense qu’il faut laisser les choses changer petit à petit. Dieu n’aime pas la

grève. L’évangile dit de rencontrer ton frère qui a péché et de te réconcilier avec lui.

Z : M a abordé un sujet qui est difficile dans notre milieu et il faut réfléchir sur ce point avec

beaucoup de sagesse si non on risque tout gâter.

N : N’ayons pas peur. C’est le travail du Seigneur. Ces études bibliques nous ont ouvert les

yeux et je pense que nous allons changer les choses.

Approche interprétative :

4. Comment le participant actualise-t-il le texte source dans sa propre situation ?

Il s’agit d’une contextualisation des textes bibliques à appliquer à la paroisse à savoir changer, oser à bou-

leverser des choses, révolutionner, etc. D’où appel à l’action, au travail. Tel est aussi le rôle du pasteur et

notre place en général sur la terre.

G : Moi, je pense qu’il faut amener les chrétiens à craindre Dieu. Nous ne craignons pas Dieu.

Si on craignait Dieu, on ne pourrait pas faire des mauvaises choses comme ces terres de notre

paroisse qui sont vendues et dont l’argent ne nous sert pas. On ne nous dit jamais la vérité sur le

montant réel qu’on a vendu. La fois dernière, on a vendu le terrain à des gestionnaires de la sta-

tion d’essence et on nous avait promis de nous donner une partie pour la construction de notre

temple. Ce qui avait été fait. Mais on a compris que le pasteur avait jonglé avec les chrétiens et

l’entrepreneur. Le montant qu’on avait donné n’était pas le vrai montant. Le notaire a révélé le

vrai montant. Voilà nos problèmes. On trouvera de vrai pasteur où ? Tous les pasteurs qu’on

nous envoie sont soit des jeunes enfants qui ont raté leur vocation, soit des vieux pasteurs qui

veulent de l’argent pour préparer leurs retraites. Nos problèmes de la paroisse sont très com-

plexes et se trouvent à tous les niveaux. Heureusement que le texte de Luc nous ramènent sur le

bon chemin et nous dit de ne pas servir deux maitres à la fois.

Approche interprétative :

4. Comment le participant actualise-t-il le texte source dans sa propre situation ?

490 Je ne mentionnerai le texte source que si le verbatim ne concerne pas le même texte.

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Le participant dénonce une forme de complot et d’intrigue de malversation. Les pasteurs sont considérés

comme les instigateurs de ce détournement. Ils se détournent de leurs vocations pastorales. Le gain de

l’argent a pris la place de la théologie. La notion de vocation pastorale pose un problème dans cette pa-

roisse. D’où la notion de discernement vocationnel, la crise de vocation, l’appel à un discernement de vo-

cation pastorale, le retour à l’éthique pastorale, l’appel au retour à la Parole de Dieu bref, l’appel à une

certaine révolution au sein de l’Église. Le berger n’est plus le berger ; Il est plutôt celui qui détourne le

peuple. Il n’est plus le guide. Le rôle du pasteur est donc d’être le garant de la Parole de Dieu, le promo-

teur à la fidélité à Dieu et à la terre.

Texte source : Dt 28491

B : Je reviens au texte de Dt 28 qui parle des malédictions. Vraiment l’économe infidèle est un

maudit. Je fais le lien entre Dt 28 et Luc 16. Ce qui est clair est que l’économe a reçu ou va re-

cevoir la malédiction. Je pense qu’il a même déjà reçu.

Je pense que la terre que Dieu nous donne est une terre bénie mais qui est à la fois maudite si

nous ne respectons pas les commandements. Pour moi, si les commandements de Dieu sont res-

pectés, on ne manquera de rien. Ceci me fait me rappeler le psaume 23 qui dit que l’Eternel est

mon berger Je ne manquerai de rien. Et autre texte qui dit que le salaire du pécheur, c’est la

mort. Donc Dieu nous a tout donné. Il nous a donné pour nous à Mbouo des terres. Si nous ne

savons utiliser ces terres, elles vont constituer des sources d’intrigues, de désordre et c’est ça la

malédiction. Pourtant si on respecte les commandements en gérant nos terres comme ça se doit,

en craignant Dieu, en laissant de côté les conflits des personnes, les intérêts individuels,

l’escroquerie, le mensonge et tout ce qui nous déshonore, Dieu va bénir nos terres. Les euro-

péens pourront financer nos projets et nous aurons de quoi nourrir nos pasteurs et nous-mêmes,

nous aurons de quoi envoyer nos enfants à l’école.

Approche interprétative :

4. Dimension sociologique et actualisation

Il y a ici un fait social à savoir une désobéissance à la loi de Dieu est due au fait de la pauvreté extrême.

Cette pauvreté se traduit par l’apparition des maux sociaux clairement exprimés dans le verbatim comme

escroquerie, vol. Le participant revient sur les textes de Dt 8, Dt 26, Dt 28 sur le don de la terre et

l’observation des commandements pour être bénis. Il profite pour dénoncer les maux sociaux tels que vol

etc. Ce qui est génial pour ce participant est son argumentation avec un autre texte qu’il cite de lui-même

à savoir le Psaume 23. La terre est un don de Dieu, une bénédiction mais aussi et surtout source de pro-

blèmes dans la société. De même pour Dieu, la terre est source de bénédiction et de malédiction. Sûre-

ment que lorsqu’on transcende la parole de Dieu, Dieu qui est la terre maudit. D’où les guerres, conflits

etc. Ce qui est aussi un adage vernaculaire traditionnel bamiléké.

E : Moi, je pense que tu as raison. Le Dt 28 promet des bénédictions comme tu le dis. Le texte

dit que si on obéit, tout ce que l’on va entreprendre va réussir. La ville va être bénie. La ville

c’est qui ? C’est notre village. C’est notre paroisse. C’est nous-mêmes. Le texte dit que les

fruits du sol seront abondants. Tout ce que nous cultivons, que ce soit les patates, le maïs, le ha-

ricot vont donner une grande production. Aujourd’hui, si nos terres ne donnent rien, ça veut dire

que nous sommes en partie responsables. C’est que nous ne savons même pas cultiver. Nous

avons trahi ce que nos ancêtres ont fait et c’est ça la malédiction. Pour moi, il faut revenir

comme nos grands-parents qui ont fondé la paroisse. C’étaient des gens pieux, qui passaient

leur temps à réfléchir pour le bon fonctionnement de l’Église et tout réussissait. Je me rappelle

que mon grand- père nous racontait qu’à la période des missionnaires. Ces derniers leur don-

naient des portions de terres de la paroisse et ils cultivaient et venaient donner la dîme. Au-

jourd’hui, on ne donne même plus de dîme. Aujourd’hui, on fait la fête des récoltes mais com-

bien donne la vraie proportion de leurs avoirs à savoir la dixième part, Très peu. Moi aussi

491 Je ne mentionnerai le texte source que si le verbatim ne concerne pas le même texte.

Page 264: La vision biblique de la terre- une réflexion menée au ...€¦ · siens de les expérimenter sous la conduite du Seigneur. iv ... Chapitre 5. Terre de salut, terre d’action de

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compris. Je pense que nous trompons Dieu. Le Dt 26 est clair à ce sujet. Nous trompons Dieu et

nous attendons que nos terres soient bénies. Ce qui ne peut pas l’être ; on ne trompe pas dieu

qui sait tout et surtout que c’est lui qui nous donne. Je pense que nous avons d’abord à nous

confesser ; Nous avons à demander pardon à Dieu avant de faire n’importe quoi. Je pense

qu’une vraie confession publique de nos paroissiens est important pour demander à Dieu de

chasser tous les démons qui sont en nous et qui nous empêchent de nous aimer d’abord les uns

les autres, puis de nous développer, de fructifier nos terres et notre paroisse. Si nous ne faisons

pas cela, nous serons toujours pauvres. Notre paroisse sera toujours pauvre.

Approche interprétative :

4. Comment le participant actualise-t-il le texte source dans sa propre situation ?

Le contexte sociologique démontre que dans les us et coutumes du village, on ne doit pas trahir les an-

cêtres pris ici comme le « Tout-Autre » c'est-à-dire Dieu. Ceci veut dire que les paroissiens de Mbouo

trahissent à la fois le dieu traditionnel des ancêtres et le Dieu de Jésus-Christ. Le participant revient sur

les textes de Dt 26, Dt 28. La notion de dîme n’est pas respectée. Les paroissiens trompent Dieu quant à

la déclaration exacte de leurs revenus. Il en est de même de la tromperie des fidèles quant à l’argent issu

des ventes des terres de l’Église. Une invitation à la confession de foi et de confession de péchés comme

dans Dt 26 est clairement énoncée de peur d’être châtié (Dt 28). D’où l’invitation à chasser les démons de

vol et de mensonge ou de détournement. L’exemple des missionnaires blancs et des ancêtres est à suivre.

D’où l’invitation au retour aux sources de la parole de Dieu, à l’éthique chrétienne et à la recherche du

développement rural commun bref à la communion fraternelle.

D : Il faut organiser un culte d’action de grâce si j’ai bien compris ton raisonnement pour nous

purifier et demander à Dieu de nous aider pour notre paroisse. C’est très important. Par ailleurs,

il faut reconnaitre que nous ne sommes pas très pauvres aussi comme on le pense. Dieu nous a

donné une richesse qui est la terre de notre paroisse et même nos terres du village. Chacun a hé-

rité la terre de ses parents ou de ses ancêtres mais je pense qu’il y a un problème de mentalité.

Si nous gérons bien nos terres, notre argent. Si nous mettons tout en commun comme dit le livre

des Actes des apôtres. Si nous mettons notre intelligence en commun, nous mettons nos biens

en commun, nous allons nous développer. Moi, je pense que c’est un problème de mentalité

qu’il faut combattre. Je me rappelle que nos parents ont donné gratuitement leurs terres aux

missionnaires blancs sans prendre de l’argent. Aujourd’hui, qui peut donner les terres à

quelqu’un sans prendre de l’argent, Il y a un manque d’amour. Aujourd’hui, tous les succes-

seurs qui héritent des terres vendent aux tiers pour avoir de l’argent et ne laissent rien à leurs

descendants ; Si nos grands parents avaient fait la même chose, est-ce-que nous aurons au-

jourd’hui ces terres. Quand on dit que les femmes n’ont pas droit aux terres parce qu’elles sont

des femmes, devant aller se marier dans d’autres familles, est-ce la raison pour discriminer les

femmes de l’héritage des terres alors que ce sont ces femmes qui accouchent des enfants, qui

nourrissent leurs maris, qui envoient le enfants à l’école, Alors vous comprenez que c’est un

problème de comportement.

Approche interprétative :

4. Comment le participant actualise-t-il le texte source dans sa propre situation ?

Il y a une interpellation explicite au respect de la Parole, des valeurs et éthique chrétienne, au droit fon-

cier de la femme sur la terre. Il faut relever que le contexte social du village n’accepte pas que la femme

hérite puisqu’elle est appelée à trouver un époux et quitter la concession familiale. Ici, la parole de Dieu

doit également corriger cette situation d’égalité homme-homme, homme-femme car tous sont formés de

la même terre. Tous sont à l’image de Dieu qui est la terre.

5. Dimension sociologique

Il y a ici un fait social à savoir une désobéissance à la loi de Dieu est due au fait de la pauvreté extrême.

Cette pauvreté se traduit par l’apparition des maux sociaux clairement exprimés dans le verbatim comme

escroquerie, vol sans oublier la discrimination homme-femme sur le droit foncier. Le problème de menta-

lité de groupe est clairement exprimé.

Page 265: La vision biblique de la terre- une réflexion menée au ...€¦ · siens de les expérimenter sous la conduite du Seigneur. iv ... Chapitre 5. Terre de salut, terre d’action de

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L : Tu as raison. Je pense qu’il faut commencer pas nous révolter et dire non à certaines pra-

tiques au sein de notre village afin de venir critiquer la paroisse. Vous qui critiquez aujourd’hui,

si on vous met à la place des anciens d’Église, si vous ne changez pas de mentalité, ce sera la

même chose.

Approche interprétative :

4. Comment le participant actualise-t-il le texte source dans sa propre situation ?

Invitation au changement de mentalité. D’où l’aspect théologique du retour à l’éthique chrétienne.

Texte source : Ac 2

T : Nous tous, nous avons beaucoup parlé, c’est vrai. Mais moi, je pense qu’il faut revenir à la

parole de Dieu. Le livre de Ac 2 résume tout en disant qu’il faut accepter la parole, craindre

Dieu et persévérer dans la prière et les enseignements. Combien de fois nous avons dit qu’il

faudrait faire des études bibliques dans notre paroisse et tout le temps, on commence et on

laisse pour discuter des choses inutiles ? Il faut persévérer dans les études bibliques comme ce-

ci. Chacun a parlé. Chacun a dit ce qu’il pense. On peut sortir ici avec beaucoup d’idées qu’on

pourra transmettre à nos anciens d’Église et on peut leur dire que ces études bibliques nous ont

fait du bien ; Ce qui m’a plu, c’est qu’on a fait ça hors de la paroisse pour permettre qu’on dis-

cute bien sinon des gens vont dire que c’est la secte. Je me rappelle lorsqu’on a institué les

études bibliques, une fois, des anciens ont parlé des sectes ; c’est bizarre ; Le pasteur de

l’époque a cautionné. Ils nous sont même excommunié disant que nous faisons partie des

sectes. Il faut beaucoup prier pour cette paroisse et attirer l’attention du bureau de la direction

d’Église de ne pas nous mettre de temps en temps dans des problèmes car le désordre vient aus-

si souvent d’en haut. Quand les dirigeants ne sont pas déjà spirituels, qu’est-ce qu’on attend de

leurs pasteurs, ouvriers ? Il faut revenir à la Parole de Dieu.

Approche interprétative :

4. Comment le participant actualise-t-il le texte source dans sa propre situation ?

L’invitation à la prière est clairement exprimée ; C’est Dieu qui pourra changer les choses et non nous-

mêmes. Nous n’avons pas de pouvoir. Tout est à Dieu. Les études bibliques doivent être faites régulière-

ment en vue de la formation permanente des chrétiens. Les pasteurs au lieu de combattre ces études bi-

bliques comme ce fut le cas par le passé doivent les animer. Voici une charge pastorale à relever. La di-

mension spirituelle de la paroisse ou la formation spirituelle de la paroisse est une piste de solution à la

crise paroissiale. Donc avant de chercher les outils de développement rural, il faut d’abord demander

l’aide de Dieu et se soumettre aux exigences de Dieu. D’où la dimension théologique le la grâce qui pré-

cède les œuvres. D’où la dimension théologique dogmatique du salut par la foi et non par les œuvres.

H : Moi, je pense aussi qu’il faut revenir à la Parole comme tu as dit mais il ne faut pas suivre

les mauvais bergers. Nous-mêmes qui sommes conscients, nous devrons chercher le change-

ment. Nous devrons prier pour eux et prier le Seigneur de changer les cœurs des endurcis. La

Parole de Dieu demande de prier pour les ennemis. Prions pour notre Église et mettons la parole

en pratique. Ac 4 dit qu’il faut mettre les choses en commun. C’est vrai, avant de mettre nos

biens en commun comme faisaient les premiers disciples, commençons d’abord à nous réunir à

prier, à nous aider les uns les autres. Ne regardons pas ce que les autres font. Tournons-nous sur

nous-mêmes. Donnons ce que nous pouvons donner à l’Église. Mettons nos efforts en commun

et Dieu va nous bénir. Dieu va nous donner des grâces. Chacun vient à l’Église pour demander

individuellement sa grâce au Seigneur. Si nous voulons que le Seigneur nous bénisse, ne regar-

dons pas les autres ; Faisons ce que Dieu nous demande. Faisons des actions de grâce. Mettons

nos choses en commun pour le service du Seigneur et il va nous bénir. Les premiers disciples

vendaient leurs champs pour l’Église. Ceci ne veut pas dire qu’aujourd’hui, nous allons vendre

nos terres. On peut les vendre si on possède les terres et donner l’argent à l’Église. Comme on

peut aussi donner nos terres pour un projet rentable d’Église comme la création d’une école,

d’un hôpital, bref pour une œuvre sociale. On ne refuse pas de vendre les terres.

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Approche interprétative :

4. Comment le participant actualise-t-il le texte source dans sa propre situation ?

La dimension spirituelle est clairement exprimée. L’aide de dieu est exprimée. L’Esprit de Dieu est clai-

rement évoqué. C’est Dieu à faire le reste. La terre est un lieu de vie avec les autres, aux côtés des autres.

L’intervenant revient sur le texte d’Ac 2 qui invite à la dimension communautaire de la prière. La prière

manque dans la communauté de Mbouo. Ici, la dimension spirituelle axée sur la prière est recommandée.

Le problème de gestion des terres est secondaire. L’essentiel c’est la transformation des cœurs et le reste

va suivre. D’où la dimension théologique du salut par la grâce. Ce n’est pas qu’on néglige les œuvres ou

le travail des terres mais c’est d’abord la culture, le travail de l’esprit, des cœurs et le travail des terres

suivra. D’où l’invitation individuelle et communautaire à la fois de la prière.

J : Moi je comprends le texte d’une autre façon. Les apôtres avaient les terres. C’étaient leur ri-

chesse. Je pense qu’ils donnaient ce qu’ils avaient. Aujourd’hui, on peut ne pas avoir des terres

mais avoir ce qui peut aider la paroisse. Quelqu’un peut donner un coup de main à la paroisse,

aider comme maçon pour construire une salle, faire du bénévolat etc. Voilà comment je com-

prends le texte. Nous avons tout dit et je pense que nous allons remercier notre fils qui a bien

voulu faire des études pour notre paroisse. Nous sollicitons que ses études réussisses et qu’à

partir de son travail qu’il nous aide à trouver des solutions. Nous avons déjà commencé. Il ne

faudra pas qu’il nous lâche en cours de route. Il faut qu’à partir de son courage que nous con-

naissons toujours, que le Seigneur l’aide à nous aider.

Approche interprétative :

4. Comment le participant actualise-t-il le texte source dans sa propre situation ?

La diversité des talents du fait de la diversité de composition du groupe communautaire est admise. D’où

la reconnaissance des talents et de ce que chacun peut apporter pour l’édification de son groupe culturel

ou de sa communauté. D’où la dimension sociologique de reconnaissance de l’existence de l’autre, du

vivre ensemble et l’idée théologique de l’amour ou de la communion fraternelle. Pour être concret, je di-

rai du vivre ensemble.

Plénière :

1er rapporteur :

N : On a beaucoup dit des choses concernant les textes bibliques et notre vie. On a dit que le

passé de nos parents étaient glorieux parce qu’ils craignaient Dieu et obéissaient à la parole

(Dt). Aujourd’hui, les gens ne craignent plus. Il n’y a pas d’amour. Pour nous, il faut combattre

l’égoïsme et créer l’amour. Les autres membres du groupe peuvent ajouter. Voilà ce que j’ai re-

tenu en gros.

Approche interprétative :

4. Comment le participant actualise-t-il le texte source dans sa propre situation ?

Le participant revient sur l’invitation à l’amour ou à la communion fraternelle et par ricochet la lutte

contre l’individualisme.

2nd rapporteur :

Z : On aussi dit la même chose mais on est revenu sur le fait qu’il faut nous distribuer les

terres ; Il faut que nos terres soient fécondes. Il nous faut des moyens pour fertiliser la terre. On

a besoin des méthodes rentables pour la terre. Voilà ce que nous pouvons dire de ce qui s’est

passé dans notre groupe. On a parlé de beaucoup de choses mais en gros, on a besoin de l’aide.

Approche interprétative :

4. Comment le participant actualise-t-il le texte source dans sa propre situation ?

La terre doit être travaillée. Elle doit être nourrie et enrichie. Un travail d’engraissement s’impose. Même

si Dieu est la terre, même si nous sommes la terre, comme un être humain doit être entretenu pour une

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bonne santé, il en est de même pour la terre. Ici il y a une requête d’aide pour le travail de la terre. D’où

la dimension ecclésiologique de la diaconie.

En conclusion à cette sixième séance, je dirai qu’il s’agit plus de commentaires, de récit de vie de la paroisse.

Les participants ont tour à tour décrié la situation de corruption, de maltraitance des femmes qui n’ont pas

droit à la propriété foncière. La terre qui appartient à tout le monde, n’appartient pas aussi à la femme. La

femme est marginalisée dans cette société. Ce qui arrive à l’Église n’est que le reflet de toute la société came-

rounaise. L’Église a aussi sa part de responsabilité du point de vue éthique. La terre qui est Dieu ne devrait

pas être l’objet de distinction. Les détournements, les vols sont des conséquences du mauvais traitement de la

terre. C’est ainsi qu’on peut voir en ces fléaux des signes de malédictions même si ceux qui volent et détour-

nent pensent qu’ils sont bénis. C’est le contraire. La terre offre des bénédictions tout comme des malédictions.

Si la Parole est observée, les bénédictions même dans la pauvreté sont présentes. Si la parole n’est pas respec-

tée, c’est la malédiction même si on est possesseur de toute la terre de la planète car cette terre ne nous appar-

tient pas. Elle est Dieu et elle est aussi la propriété de Dieu. D’où l’invitation à respecter les commandements,

remercier Dieu pour ses bienfaits et surtout retourner à la prière.

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Annexe 3. Fiches techniques

Fiche technique 1

GROUPE DE TRAVAIL : Comité de gestion des terres

1. Chef de groupe

2. Objectifs du groupe

3. Membres du groupe : nombre de femmes, d’hommes, de jeunes

4. Différents jours de réunion : Périodicité

5. Décisions des réunions : Grandes résolutions

6. Recommandations au pasteur et conseil d’anciens

7. Signataires

Fiche technique 2

GROUPE DE TRAVAIL : Comité de répartition des terres

1. Chef de groupe

2. Objectifs du groupe

3. Membres du groupe : nombre de femmes, d’hommes, de jeunes

4. Différents jours de réunion : Périodicité

5. Décisions des réunions : Grandes résolutions

6. Recommandations au pasteur et conseil d’anciens

7. Signataires

Fiche technique 3

GROUPE DE TRAVAIL : Comité de supervision des biens meubles et immeubles (terres et autres

biens de la station missionnaire)

1. Chef de groupe

2. Objectifs du groupe

3. Membres du groupe : nombre de femmes, d’hommes, de jeunes

4. Différents jours de réunion : Périodicité

5. Décisions des réunions : Grandes résolutions

6. Recommandations au pasteur et conseil d’anciens

7. Signataires

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Fiche technique 4

GROUPE DE TRAVAIL : Comité neutre délégué à l’assemblée de paroisse (Assemblée d’Église de

Mbouo-Ngwinké)

1. Chef de groupe

2. Objectifs du groupe ou de délégation

3. Membres du groupe : nombre de femmes, d’hommes, de jeunes

4. Différents jours de réunion : Périodicité

5. Décisions des réunions : Grandes résolutions

6. Recommandations au pasteur et conseil d’anciens

7. Signataires

Fiche technique 5

GROUPE DE TRAVAIL : Comité neutre délégué aux assemblées synodales

1. Chef de groupe ou de délégation

2. Objectifs du groupe

3. Membres du groupe : nombre de femmes, d’hommes, de jeunes

4. Différents jours de réunion : Périodicité

5. Décisions des réunions : Grandes résolutions

6. Recommandations au pasteur et conseil d’anciens

7. Signataires

Fiche technique 6

GROUPE DE TRAVAIL : Groupe de prière et d’études bibliques populaires

1. Chef de groupe

2. Objectifs du groupe

3. Membres du groupe : nombre de femmes, d’hommes, de jeunes

4. Différents jours de réunion : Périodicité

5. Décisions des réunions : Grandes résolutions

6. Recommandations au pasteur et conseil d’anciens

7. Signataires

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Annexe 4. Lettres d’invitation

LETTRE D’ANNONCE

A L’INTENTION DES PAROISSIENS DE L’EGLISE EVANGELIQUE DU CAME-

ROUN PAROISSE DE MBOUO-NGWINKE

(Pour lecture et affichage au temple les deux premiers dimanches de novembre 2013)

Chers frères et sœurs en Jésus-Christ,

Bonjour,

Dans le cadre de la recherche doctorale en Théologie pratique à l’Université Laval (située

la province du Québec au Canada) de Jean Lesort Louck Talom, il est organisé, dans les

prochains jours qui vous seront indiqués par la suite, une série de six séances d’ateliers bi-

bliques d’une durée d’une heure sur le thème de la terre. Voici le titre du projet : La vision

biblique de la terre. Une réflexion menée au sein de la paroisse réformée de Mbouo-

Ngwinke au Cameroun.

« Ce projet a été approuvé par le Comité d’éthique de la recherche de l’Université

Laval : No d’approbation 2013-214 / 31-10-2013 ».

Comme objectif du projet académique, la présente recherche vise à voir et découvrir les

pistes et jalons qui peuvent jaillir des ateliers de réflexions et partages bibliques communes

sur la terre en contexte de pauvreté collective. La méthode socio-littéraire d’analyse des

textes bibliques du professeur Guy Bonneau sera utilisée.

En somme, l’objectif général est d’amener les chrétiens et chrétiennes, paroissiens à pren-

dre conscience, réfléchir collectivement dans un cadre d’échange et de partage sur leur rap-

port à la terre à travers des ateliers d’études bibliques et si possible ressortir des perspec-

tives de leur vision sur leur rapport à la terre (en dialogue avec des textes bibliques).

Son projet de recherche a été approuvé par un comité d’éthique (cérul) qui veille à la con-

fidentialité des données et aussi au grand respect qui doit vous être accordé.

Voici une proposition de textes à étudier : Dt 8, Dt 26, Dt 28, Matt 13, Luc 16, Ac 2 et Ac

4. Il est souhaité que douze personnes dont huit femmes, deux hommes et deux jeunes par-

ticipent à ces séances. Chaque responsable de groupe choral est prié de relayer l’annonce

dans son groupe choral. Ces séances d’ateliers bibliques se dérouleront dans notre grande

salle paroissiale aux jours et heures ci-après :

21 novembre 2013 de 16h30 à 17h30

23 novembre 2013 de 16h30 à 17h30

25 novembre 2013 de 16h30 à 17h30

28 novembre 2013 de 16h30 à 17h30

04 décembre 2013 de 16h30 à 17h30

09 décembre 2013 de 16h30 à 17h30

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Tous ceux qui désirent participer sont priés de s’inscrire auprès de … (tél. +237 …). … est

disponible tous les dimanches après le culte à recevoir tous ceux qui voudront s’inscrire et

qui n’ont pas accès au téléphone. Par ailleurs, Jean Lesort Louck Talom est joignable au

numéro de tél suivant : +237 … (Cameroun) ou + 32… (Belgique) ou par courriel (…).

Il est à préciser explicitement que la participation est volontaire.

Espérant que vous prendrez cette invitation au sérieux, vu le caractère important qu’il ré-

vèle pour notre communauté paroissiale, nous vous prions de recevoir nos sincères saluta-

tions fraternelles en Jésus-Christ.

QUELQUES RENSEIGNEMENTS

Titre de la recherche : La vision biblique de la terre. Une réflexion menée au sein de la pa-

roisse réformée de Mbouo-Ngwinke au Cameroun

« Ce projet a été approuvé par le Comité d’éthique de la recherche de l’Université

Laval : No d’approbation 2013-214 / 31-10-2013 ».

Objectif de la recherche : L’objectif général est d’amener les chrétiens et chrétiennes, pa-

roissiens à prendre conscience, réfléchir collectivement dans un cadre d’échange et de par-

tage sur leur rapport à la terre à travers des ateliers d’études bibliques et si possible ressortir

des perspectives de leur vision sur leur rapport à la terre (en dialogue avec des textes bi-

bliques).

Critères de sélection : Un panel de douze personnes comprenant huit femmes adultes, deux

jeunes, deux hommes puisque la paroisse est constituée de 90% des femmes. Il serait sou-

haitable que chacune de ces femmes soit membre d’une entité paroissiale afin de permettre

une représentation générale de la paroisse dans son ensemble.

Raisons du choix: Ce sont les femmes qui sont les plus nombreuses et ce sont elles les plus

engagées dans la paroisse à toutes ses instances.

Description de ce qui est attendu lors des séances d’ateliers d’études bibliques: Réflexions

et partages sur les textes bibliques en rapport au contexte vécu par les paroissiens sur la

terre, leur rapport à la terre. Chaque participant est invité de se munir de sa Bible.

Nom du chercheur : Louck Talom Jean-Lesort (doctorant au programme de Théologie pra-

tique à la FTSR de l’Université Laval

Tél : + 237 … (Cameroun) ou +32 … (Belgique)

Courriel : …