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La vision des marches AUTOMNE 2017 Linflation va-t-elle enfin épouser la croissance ? La certitude de la rentrée, cest que la croissance est là, soutenue et généralisée. Aux Etats-Unis, le taux de chô- mage sinstalle en-dessous du seuil de plein emploi. Il sen approche dans la zone Euro, ce qui surprend plus dun observateur. Au Japon, le ratio des offres demploi par rapport aux demandeurs na jamais été aussi élevé. Dans les pays émergents également, la reprise est de retour. Sil est un grand absent dans ce scénario réjouissant de la croissance, cest linflation. Les banquiers centraux sen inquiètent, parlent « dénigme », voir de « casse-tête ». Nous verrons pourquoi. De la croissance, pas dinflation : Boucles dOr, encore et toujours ? Oui, assurément. Mais ce cadre macro de rêve pour les actifs risqués ne saurait perdurer sans l appui des banques centrales. Et juste- ment, elles risquent fort dêtre moins accommodantes à lavenir. De la croissance, encore et toujours Brosser un meilleur tableau pour leconomie mon- diale que celui qui se dessine aujourdhui ? Cela pa- raît bien difficile, tant les nouvelles rejouissantes abondent, y compris dans des pays ou la reprise etait en retard jusquici, a linstar de la zone euro ou de certains pays emergents. Comme en temoigne le graphique 1, lindicateur-cle que represente lindice des directeurs dachat (PMI) depasse largement le seuil de 50, synonyme de crois- sance marquee et globale. Certains pays comme lInde ou le Bresil sont en retard, mais les indicateurs avances sont ici de bon augure pour le retour a la croissance. Aux Etats-Unis, le taux de chomage sinstalle durable- ment en-dessous de son seuil de plein emploi, et ce malgre une chute des creations demploi en sep- tembre, suite aux ouragans qui ont frappe la cote Est. La confiance des consommateurs sapproche des plus hauts enregistres lors de la vague de la « Nouvelle economie » des annees 90. Dans la zone Euro, lheure est toujours a « lEurophorie », pour reprendre un terme lance par leconomiste-en-chef de la Banque centrale Euro- peenne durant lete. En temoigne la baisse continue du taux de chomage depuis son pic a 12% en 2013. Avec un taux de quelques 9%, le terme d« euphorie » pourrait sembler un brin exagere ? Cest oublier que dans la zone Euro, le « Non Accelerating Inflation Rate of Unemployment (NAIRU) » se situe a 8.6%, soit pres du double de son equivalent aux Etats-Unis. Nous sommes donc theoriquement proches du seuil « inflationniste » du taux de chomage dans la zone Euro. 1. Les indices des directeurs dachat pointent vers la croissance

La vision des marche s - GADD Wealth Management...2008. Dans la zone Euro, il y est me me le ge rement supe rieur, comme en te moigne le graphique 4. En fixant un seuil limite de 4%

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Page 1: La vision des marche s - GADD Wealth Management...2008. Dans la zone Euro, il y est me me le ge rement supe rieur, comme en te moigne le graphique 4. En fixant un seuil limite de 4%

La vision des marche s AUTOMNE 2017

L’inflation va-t-elle enfin épouser la croissance ?

La certitude de la rentrée, c’est que la croissance est là, soutenue et généralisée. Aux Etats-Unis, le taux de chô-mage s’installe en-dessous du seuil de plein emploi. Il s’en approche dans la zone Euro, ce qui surprend plus d’un observateur. Au Japon, le ratio des offres d’emploi par rapport aux demandeurs n’a jamais été aussi élevé. Dans les pays émergents également, la reprise est de retour. S’il est un grand absent dans ce scénario réjouissant de la croissance, c’est l’inflation. Les banquiers centraux s’en inquiètent, parlent « d’énigme », voir de « casse-tête ». Nous verrons pourquoi. De la croissance, pas d’inflation : Boucles d’Or, encore et toujours ? Oui, assurément. Mais ce cadre macro de rêve pour les actifs risqués ne saurait perdurer sans l’appui des banques centrales. Et juste-ment, elles risquent fort d’être moins accommodantes à l’avenir.

De la croissance, encore et toujours

Brosser un meilleur tableau pour l’e conomie mon-diale que celui qui se dessine aujourd’hui ? Cela pa-raî t bien difficile, tant les nouvelles re jouissantes abondent, y compris dans des pays ou la reprise e tait en retard jusqu’ici, a l’instar de la zone euro ou de certains pays e mergents.

Comme en te moigne le graphique 1, l’indicateur-cle que repre sente l’indice des directeurs d’achat (PMI) de passe largement le seuil de 50, synonyme de crois-sance marque e et globale. Certains pays comme l’Inde ou le Bre sil sont en retard, mais les indicateurs avance s sont ici de bon augure pour le retour a la croissance.

Aux Etats-Unis, le taux de cho mage s’installe durable-ment en-dessous de son seuil de plein emploi, et ce malgre une chute des cre ations d’emploi en sep-tembre, suite aux ouragans qui ont frappe la co te Est. La confiance des consommateurs s’approche des plus hauts enregistre s lors de la vague de la « Nouvelle e conomie » des anne es 90.

Dans la zone Euro, l’heure est toujours a « l’Europhorie », pour reprendre un terme lance par l’e conomiste-en-chef de la Banque centrale Euro-pe enne durant l’e te . En te moigne la baisse continue du taux de cho mage depuis son pic a 12% en 2013. Avec un taux de quelques 9%, le terme d’« euphorie » pourrait sembler un brin exage re ? C’est oublier que dans la zone Euro, le « Non Accelerating Inflation Rate of Unemployment (NAIRU) » se situe a 8.6%, soit pre s du double de son e quivalent aux Etats-Unis. Nous sommes donc the oriquement proches du seuil « inflationniste » du taux de cho mage dans la zone Euro.

1. Les indices des directeurs d’achat pointent vers la croissance

Page 2: La vision des marche s - GADD Wealth Management...2008. Dans la zone Euro, il y est me me le ge rement supe rieur, comme en te moigne le graphique 4. En fixant un seuil limite de 4%

Dans le reste du monde, la croissance est tour-a -tour marque e, comme en Chine, ou en nette reprise, comme au Japon et dans les autres pays des BRICs.

L’inflation joue l’arlésienne

Dans les Lettres de mon Moulin, Alphonse Daudet nous conte ce jeune paysan qui s’acharne a vouloir e pouser une jeune arle sienne volage. Las, elle ne viendra pas au mariage et depuis, l’expression est entre e dans la langue française pour de signer une personne ou une chose que l’on attend de sespe re -ment, mais qui n’arrive jamais. L’inflation, c’est bien la grande absente au mariage avec la croissance que les e conomistes pre disent depuis que la science e co-nomique existe. Quelles peuvent en e tre les raisons? Nous en voyons quatre.

1. Le sentiment d’inse curite qui pre vaut chez les tra-vailleurs : dans un discours de 1997, le Pre sident de la Banque centrale de l’e poque, Alan Greenspan, se montrait tre s surpris du faible niveau d’inflation que connaissaient les Etats-Unis, pourtant en plein boom e conomique. Son explication ? Une enque te mene e dans les grandes entreprises ame ricaines montrait que leurs employe s se disaient encore moins con-fiants de garder leur emploi qu’en 1991, lorsque l’e conomie ame ricaine e tait en pleine re cession. Au-jourd’hui ce sentiment d’inse curite perdure, malgre un taux de cho mage encore plus faible qu’en 1997.

2. La mondialisation : le fait que les Etats-Unis ou l’Europe soit au plein emploi n’entraî ne pas ne cessai-rement la surchauffe dans un monde ou le commerce mondial a constitue jusqu’ici le pilier de la croissance.

3. L’automatisation : selon une e tude re cente de l’Or-ganisation mondiale du Commerce, 80% des pertes d’emploi dans le secteur manufacturier sont dues a l’innovation, l’automatisation et les nouvelles techno-logies. Les pertes d’emploi dans le secteur manufac-turier sont a la mesure de ce constat : en 20 ans, ce secteur a perdu 35% d’emplois, une proportion qui atteint me me 45% au Royaume-Uni. Ces emplois ont migre vers le secteur des services, bien moins syndi-calise que le secteur manufacturier. De s lors, l’ab-sence de revendications salariales, me me lorsque les demandeurs d’emploi tiennent le couteau par le manche, s’explique aise ment.

4. Le plein emploi… une estimation : Le NAIRU est un concept, une estimation. A l’instar du PIB potentiel, il peut donner des re sultats tre s diffe rents selon les me thodes utilise es. A titre d’exemple, l’OCDE fait e tat d’un retour fulgurant au plein emploi au sortir de la Grande re cession de 2008, alors que selon les calculs du FMI, ce seuil n’est atteint que depuis le de but de cette anne e. L’absence de pressions inflationnistes tiendrait de la difficulte a de cre ter la surchauffe.

Banquiers centraux désemparés

Que ce soit aux Etats-Unis ou en Europe, les gouver-neurs des Banques centrales ne cachent pas leur per-plexite face a cette absence d’inflation. La Fed e voque l’erreur de jugement, la mauvaise surprise, alors que la BCE parle de « grande e nigme » que cette inflation sous-jacente qui navigue autour de 1.2% (courbe en rouge sur le graphique 3).

2. Même en Europe, le chômage s’approche de son seuil de plein emploi

3. L’inflation, grande absente dans la zone Euro

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La question centrale, c’est de savoir pourquoi l’ab-sence d’inflation taraude autant les Banques cen-trales. A priori, cette absence d’inflation devrait e tre une bonne nouvelle, pour tous ceux qui, comme nous, scrutent les banques centrales pour estimer le degre de restriction mone taire, tant aux Etats-Unis qu’en Europe ?

En fait, cette absence pose un double proble me. D’une part, elle maintient a des niveaux e leve s le poids re el de la dette gouvernementale et, d’autre part, elle pousse les Banques centrales a un « laissez faire, laissez aller » qui pourrait les exposer plus tard a la critique de la passivite face a la formation de bulles spe culatives sur les marche s financiers.

Les Banques centrales n’aiment ge ne ralement pas durcir leur politique en raison d’une inflation mar-que e … sur le prix des actifs. Elles se doivent pourtant de le faire : l’histoire montre que la plupart des crises e conomiques trouvent souvent leur origine sur les marche s financiers et que l’e tude du prix de l’immo-bilier est un bon moyen de mesurer l’engouement excessif des particuliers pour le risque et … l’endette-ment. C’est la raison pour laquelle nous avons cons-truit un indicateur d’inflation « globale », qui est com-pose de 70% d’inflation « traditionnelle » (l’inflation sous-jacente du « core PCE » que la Fed utilise pour fixer son objectif de 2%) et de 30% du prix de l’im-mobilier. Aux Etats-Unis, le prix de l’immobilier est revenu aux niveaux qu’il a connu avant la crise de 2008. Dans la zone Euro, il y est me me le ge rement supe rieur, comme en te moigne le graphique 4.

En fixant un seuil limite de 4% pour ce composite d’inflation, nous obtenons un bon signal de resserre-ment pre ventif de la politique mone taire aux Etats-Unis, avant les krachs de la Bourse ame ricaine de 1987, 2000 et 2007.

Actuellement de 3%, notre indicateur d’inflation glo-bale n’est donc pas en territoire de « bulle » mais il convient de rester attentif quant a son e volution fu-ture.

L’autre facteur de risque de correction pour les mar-che s financiers est bien entendu l’impact sur les taux longs que va avoir tant la normalisation du bilan de la Fed que la re duction de l’assouplissement quantitatif de la BCE, toutes deux imminentes. Une e tude re cente de la Fed chiffre a 100 points la hausse possible du rendement a 10 ans des obligations gouvernemen-tales. Il y a une anne e, nous avions identifie le seuil de 4 a 4.5% pour ce me me rendement comme une zone a risque pour la Bourse ame ricaine, en ce qu’il aurait marque la fin du phe nome ne TINA (« There Is No Alternative ») ou les investisseurs investissent dans les actions par manque d’alternatives obliga-taires. Compte tenu de la cherte accrue du marche des actions, notre point pivot du rendement obliga-taire a baisse a 3.5% - 4% aujourd’hui.

Un cadre macroe conomique au beau fixe n’est pas pour de plaire aux investisseurs … dans les actifs ris-que s. Gardons toutefois un œil attentif sur la Fed et les autres banques centrales. Par rapport au niveau actuel du rendement des obligations ame ricaines a 10 ans, le seuil de 3.5% - 4% correspond a une hausse d’un peu plus de … 100 points !

Michel Girardin, Conseiller économique

Source : Thomson Reuters Datastream / MacroGuide

4. Prix de l’immobilier : retour à la case départ

5. L’inflation globale : un bon moyen de prévenir les crises fi-nancières

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Court terme et obligataire

Apre s un e te marque par des tensions croissantes entre la

Core e du Nord et les Etats Unis, les fondamentaux e cono-

miques positifs reprennent le dessus en Septembre ; la

dynamique de croissance mondiale reste solide dans les

e conomies de veloppe es et s’acce le re dans les pays e mer-

gents. Malgre des chiffres d’inflation en berne aux USA, la

Fed maintient l’objectif de normalisation progressive de sa

politique mone taire et amorce la re duction de son bilan.

Les rendements souverains repartent a la hausse aux alen-

tours de 2.45% pour le 10 ans US et 0.45% pour le 10 ans

allemand. La faible duration (3.5 anne es) et le risque

moyen de cre dit (BBB a BB) de notre portefeuille obliga-

taire nous prote gent contre les hausses de taux tout en

permettant de profiter d’e carts de rendements toujours

attrayants. Nous maintenons la me me allocation dans

notre portefeuille balance soit 9% en obligations In-

vestment Grade, 16% en obligations a haut rendement et

3% en convertibles.

Actions

Dans un contexte de conjoncture e conomique favorable et

de taux bas, l’environnement reste porteur pour les ac-

tions mondiales. Les valorisations ame ricaines sont claire-

ment excessives mais tout projet de re forme fiscale de

l’administration Trump approuve par le Congre s, me me

re duit, serait de nature a ge ne rer un effet positif sur les

re sultats des entreprises et donc soutenir les indices. Nous

continuons a surponde rer de 5 % les actions dans notre

portefeuille e quilibre (50%). Nous pre fe rons la zone Euro

(19%) aux USA (16%) et restons favorables au Japon (6%)

dont la dynamique de croissance s’acce le re, porte e par la

demande inte rieure et un marche de l’emploi en plein es-

sor. Dans les e mergents (6%) nous privile gions la Chine,

l’Inde, la Core e et le Bre sil. L’allocation sectorielle met en

avant la technologie, les services financiers, la consomma-

tion cyclique et les industrielles.

Matières Premières

Nous restons neutres sur les matie res premie res et con-

servons notre position de 3% sur l’or.

Devises

L’embellie conjoncturelle et le retour a une certaine cohe -

sion politique au sein de la zone Euro ont donne des ailes a

la monnaie unique depuis les e lections françaises de mai

dernier. L’Euro s’est appre cie de plus de 10% sur la pe -

riode face a un dollar US de prime par des chiffres d’infla-

tion e tonnement faibles dans un contexte d’instabilite et

d’inertie politique aux USA. Malgre un e cart de taux qui

devrait s’accroitre du fait des diffe rences de politiques

mone taires entre les USA et l’Europe continentale, cette

faiblesse du dollar est peut-e tre plus structurelle que pre -

vu et pourrait se poursuivre. Nous n’he siterons pas a sortir

de notre position longue sur toute re action du dollar vers

la zone des 1.15 contre euro.

Perspectives

Les re centes projections du FMI pour 2018 montrent une

croissance mondiale de 3.8% et un accroissement des prix

a la consommation dans les pays de veloppe s de 1.9%.

Une reprise mondiale juge e incomple te car tre s lente sur la

dure e du fait du vieillissement de mographique, de la fai-

blesse des gains de productivite et de la non acce le ration

des salaires. Les projections jusqu’en 2022 seraient d’une

croissance moyenne annuelle de 1.4% dans les pays de ve-

loppe s contre 2.2% entre 1996 et 2005. Dans ces condi-

tions, les banques centrales devraient opter pour un pro-

cessus graduel de normalisation des politiques mone -

taires, afin de ne pas remettre en cause la poursuite de la

reprise et de pre venir contre les turbulences sur les mar-

che s financiers. Un sce nario de remonte e tre s progressive

des taux d’inte re ts semble se dessiner qui conforte tou-

jours une prise de risque au-dessus de la moyenne dans les

portefeuilles, du moins tant que les re sultats des entre-

prises continuent a progresser.

Armand du Pontavice, CIO