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N°1822 - février 2017 LA VOIX DU COMBATTANT LA VOIX DU COMBATTANT Le magazine de l’Union nationale des combattants La patrie est-elle en danger ? p.3 Éditorial Opex À Canjuers au cœur de la préparation des forces p.12 Témoignage AFN Dans le sud oranais, la ferme aux volets bleus p. 32 Histoire Après guerre, les compagnies sahariennes portées p. 26 Marraine de guerre, l’autre famille du soldat Marraine de guerre, l’autre famille du soldat

LA VOIX DUhumaine étant ce qu’elle est, ni le commandement ni les mora-listes ne parviennent à venir à bout du phénomène, qui renaîtra d’ailleurs en 1939. Il n’en reste

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N°1

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017LA VOIX DU

COMBATTANTLA VOIX DUCOMBATTANT

Le magazine de l’Union nationale des combattants

La patrie est-elle en danger ? p.3

Éditorial OpexÀ Canjuers au cœur de la préparation des forces p.12

Témoignage AFNDans le sud oranais, la ferme aux voletsbleus p. 32

HistoireAprès guerre, les compagnies sahariennes portées p. 26

Marraine de guerre, l’autre famille du soldatMarraine de guerre, l’autre famille du soldat

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Éditorial

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Tél. : 01.53.89.04.18 – Fax : 01.53.89.04.29. - E-mail : [email protected]

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Adresse : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

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n Ci-joint mon règlement par chèque à l’ordre de :LA VOIX DU COMBATTANT

n 16 € (France et EU) – n 26,50 € (Étranger)

Prix valables jusqu’au 31/12/2017

Premier n° paru le 13 juillet 1919Commission CPPAP :N° 1117-A-06249 - ISSN : 2104-9416Date du dernier dépôt légal :JANVIER 2017

Impression : Imaye, 96, boulevard Henri-Becquerel,53000 LavalPublicité : Mistral Media, 365, rue de Vaugirard -75015 Paris, Tél. : 01.40.02.99.00 - Fax : 01.40.02.99.01.

Reproduction des textes et des illustrations interdite sans accord préalable.

Ont collaboré à ce numéro : Pierre Antoine, Dominique Boyet, Oswald Calégari, José Castano, Gérard Colliot, Henry Dutailly, Éric Euzen, Jean-Louis Fifre, Georges Lebel, Joël Le Cloitre, Catherine Perel, André Roqué,Philippe Schmitt, Jacques Séguin et les cellules communication du 503e RT, du 1er RCA et du Service militaire volontaire.

COUVERTURE : © Lemare - ECPAD - DéfenseMarraines de guerre

Abonnez-vous à LA VOIX DUCOMBATTANT

Depuis deux ans, de sombres nuages s’abattent surnotre pays. Ce sont ces menaces aussi meurtrièresque la multiplication de ces odieux attentats ter-roristes, une certaine déliquescence de notre unité

nationale avec non seulement des fractures sociales maisaussi une économie atone et un chômage endémique. À cela, depuis quelques années, vient se surajouter unemontée de communautarismes notamment religieux. Cesont autant de brèches dans notre cohésion nationale.Des institutions comme l’éducation nationale, la justice,se révèlent impuissantes ou dé passées, les armées, commeles forces de police sont trop fréquemment sur-employéeset en limite de capacité. Dans l’Europenouvelle, sans véritables frontières, l’im-migration massive s’avère actuellementhors contrôle. Ne conviendrait­il pas, àcet effet, de s’interroger si parmi ceux qui migrent, tousfuient vraiment la guerre ou bien ne se sentiraient que peuimpliqués dans la défense et le développement de leurspays d’origine ? De fausses informations leur ont faitmiroiter une civilisation idéale pour laquelle ils n’ont pasété suffisamment préparés. L’envers du décor, ce sontces nombreux Calais ou banlieues manifestement “ghet-tos”, générant tant de frustrations, alors que l’hospitalitélégendaire de notre pays avait toujours réussi à intégrerles migrations successives, même s’ils étaient issus decontinents lointains et de cultures différentes.En cette année, 2017, les enjeux électoraux serontdéterminants : présidentielles, législatives, sénatoriales.Ayant à un moment ou à un autre porté les armes auservice de la France, notre devoir sera de faire part denos inquiétudes et de nos attentes aux postulants detous les partis. Certaines déclarations nous inquiètent

déjà. N’est­on pas allé troploin dans le laxisme, l’in-conscience, en laissant semultiplier des zones denon­droit, la désespé-rance d’une jeunesse enproie au doute et tentée par des idéologies totalitairesinstillées par de faux prophètes ou zélotes insidieux ? Aucontraire ne faut­il pas encourager ceux qui appellentà un sursaut salutaire, ceux pour qui la liberté, l’égalité,la fraternité ne sont pas des slogans creux mais aucontraire des valeurs à défendre ?

Notre pays en a vu d’autres : des guerres mondiales, oucoloniales, des crises politiques ou économiques. Nousne sommes pas non plus en 1934, où des associationsd’anciens combattants, dont l’UNC, manifestaient mas-sivement dans la rue et se faisaient “sabrer” par les forcesde l’ordre devant l’Assemblée nationale. Au jour d’huil’expression de nos inquiétudes restera beaucoup pluspacifique et responsable mais toute aussi ferme pourprotéger notre France et toutes les valeurs qu’elle repré-sente. Il n’est pas question de laisser se déliter notrepatrie, notre culture, bref notre indépendance face àtout totalitarisme, qu’il soit religieux ou politique. C’estun devoir que nous devons à tous ceux qui sont mortspour notre souveraineté, notre liberté et dont les nomssont inscrits sur les monuments aux morts de toutes noscommunes. Il est toujours bon de le rappeler à ceux quibriguent des mandats électoraux !

Il n’est pas question de laisser se déliter notre patrie, notre culture, bref notreindépendance face à tout totalitarisme qu’il soit religieux ou politique.

Le mot du président par Pierre Saint-MacaryLa Voix du Combattant18, rue Vézelay ­ 75008 ParisTél. : 01.53.89.04.28Fax : 01.53.89.04.29.

Directeur de la publication :Pierre Saint­Macary

Rédactrice en chef : Béatrice GendronLa Voix du Combattant est éditée parl’Union Nationale des Combattants. Président général de l’UNC : Pierre Saint­Macary. Association reconnue d’utilité publique par décret du 20 mai 1920. Siège social : 18, rue Vézelay ­ 75008 Paris.Mise en page : Patricia ChibaneComité de rédaction : Pierre Antoine, Alain Guth, Dominique Musset, Georges Lebel, Pierre Saint­Macary, Gérard Beaumont­Senn, Henri Chemin,Gérard Colliot, Henry Dutailly, Éric Euzen, Philippe Schmitt.

La patrie est-elle en danger ?

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Elles sont apparues en 1915, lorsqu’il est devenuévident que la guerre menaçait de s’éterniser. Lesdames patronnesses de la bonne société se préoccu-

pent alors de soutenir le moral des soldats sans famille qui,sur le front, luttent et subissent sans pouvoir espérer leréconfort d’un courrier ou d’un colis familial. Le mouve-ment des marraines de guerre était lancé, qui allaitconnaître un rééel engouement populaire, avant desusciter la défiance des états-majors… C’est qu’au fil dutemps, le profil des “marraines” a évolué, le devoir patrio-tique laissant la place à des relations plus… sentimentales,mettant à mal l’image d’Epinal du Poilu chaste, héroïque etdéterminé dépeint par la propagande. Le soldat françaisne serait donc finalement qu’un être de chair et de sang, etles marraines des aventurières demi-mondaines, en plusd’être des femmes libres écrivant à des hommes en dehorsde toute surveillance… Quant au commandement, il y voitune couverture à des manœuvres d’espionnage ennemies.Sentiment partagé par les Britanniques qui, sans bargui-

gner, interdisent purement etsimplement à leurs hommes lesmarraines françaises ! La naturehumaine étant ce qu’elle est, nile commandement ni les mora-listes ne parviennent à venir àb o u t d u p h é n o m è n e , q u irenaîtra d’ailleurs en 1939. Iln’en reste pas moins qu’au-delàde l ’ imagerie populaire, lesoutien à nos soldats est bel etbien une condition de la cohésion nationale, à l’heure oùcertes, les militaires français ne subissent plus les assautsdes poux et des canons allemands dans les tranchéesboueuses de la ligne des Vosges, mais sont malgré toutdéployés sur tout le territoire face à un ennemi imprévisiblequi a montré, au prix de centaines de vies arrachées à desvictimes civiles ces deux dernières années, toute la hainefarouche qu’il porte à nos valeurs et à notre civilisation.

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© G. R. ­ Armée de Terre

Sommaire

par Béatrice Gendron

© Zygmond Michalowski - ECPAD - Défense

© 1er RCA

Le mot de la rédactrice en chef

La Voix du Combattant février 2017

N°1

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017LA VOIX DU

COMBATTANTLA VOIX DUCOMBATTANT

Le magazine de l’Union nationale des combattants

La patrie est-elle en danger ? p.3

Éditorial OpexÀ Canjuers au cœur de la préparation des forces p.12

Témoignage AFNDans le sud oranais, la ferme aux voletsbleus p. 32

HistoireAprès guerre, les compagnies sahariennes portées p. 26

Marraine de guerre, l’autre famille du soldatMarraine de guerre, l’autre famille du soldat

2 Le coup de cœur de la rédaction

Inauguration du Mémorial des Deux-Sèvres

3 Éditorial

4 Sommaire

6 Arrêt sur images

7 Actualités

12 Opex

Au cœur de la préparation des forces

14 Actu des unités - Solidarité combattante

15 Éditions régionales

23 La rubrique juridique et sociale

25 La rubrique reconversion 2.0

26 Histoire

Les compagnies sahariennes portées

28 Regards sur 1914-1918

• Les marraines de guerre

• Le maréchal Hubert Lyautey

32 Témoignage AFN

La ferme aux volets bleus

34 Vie de l’UNC

38 Lettres & images

40 Nos adhérents prennent la plume

42 Courrier des lecteurs

43 Jeux

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6 La Voix du Combattant février 2017

La recherche du mois

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MV

La photo du mois

Comme nos lecteurs avertis l’ontremarqué, une erreur s’est glis-sée dans le titre de l’éphémé-ride publié dans La Voix du Com-battant de décembre 2016.L’assassinat du père de Foucaulda bien eu lieu en 1916, comme ilest précisé dans l’article, et enaucun cas en 1956 !

Arrêt sur images

L’éphémérideCela s’est passé en février 1807 : la bataille d’Eylau

Le 8 février 1807, espérant en finir avec l’armée russe du général Bennigsen (80 000 hommes et 400 canons),Napoléon attaque à Eylau (aujourd’hui Bagrationovsk dans l’enclave russe de Kaliningrad) en très netteinfériorité numérique (46 000 hommes et 300 canons) alors que son armée vient d’effectuer une marchelongue et éprouvante pour reprendre contact avec l’ennemi. Au cours de la bataille, une tempête de

neige au centre du dispositif français désoriente le corps Augereau, qui égaré, présente son flanc à l’artillerie russeet est anéanti. La brèche est immédiatement exploitée par les Russes qui foncent sur le cimetière d’Eylau où Napo-léon se tient. Ce dernier fait donner la Garde et commande à Murat de charger avec tout ce dont il dispose pourrepousser les Russes. Il réunit environ 10 000 cavaliers et mène la plus grande charge de cavalerie de l’histoire.Mais c’est finalement l’arrivée de Ney qui oblige Bennigsen à se replier. Les pertes sont énormes dans les deuxcamps (10 000 tués ou blessés pour les Français, 12 000 pour les Russes) et le combat est qualifié de boucheriepar les plus aguerris. Napoléon est resté maître du champ de bataille mais les Russes se sont retirés en bonordre, et estiment avoir remporté la victoire. Le maréchal Ney résume la situation en découvrant les lieux du com-bat : « Quel massacre! Et sans résultat ! » Il faudra une autre grande bataille pour contraindre les Russes à la paix,décisive celle­là, ce sera Friedland. Philippe Schmitt

Le souvenir du mois

SaïgonCachée autour des anneaux d’un serpent d’eau, la ville de Saïgon s’étale au milieu d’une immense plaine où vivent deux millions d’habitants. Il y a 61 ans, la vie à Saïgon étaitformée de deux courants, les français etles vietnamiens. Extraordinaires avenues où lesarbres tropicaux ont une perruque, peu deracines. Un léger typhon suffit à les fairetomber. Ses artères aux nombreux commerces,cinémas, lieux de détente, les banques avec la monnaie du pays (la piastre valait 17 francs),animent cette grande cité devant une population active et joyeuse, sans oublier labeauté des jeunes filles élégantes, souriantes,qui, parfois, peuvent faire rêver… Comment nepas citer la belle cathédrale construite en 1877,devant laquelle s’ouvre la rue Catinat, voie laplus ancienne et la plus célèbre de Saïgon avecson grand hôtel palace Le Continental. Enfin,pour visiter cette grande cité qui possède untrès riche patrimoine, le moyen le mieuxadapté, faire appel au cyclo pouss pouss, qui,lentement, permet de découvrir les merveillesde la cité… Après neuf années de guerre et lacinglante défaite de Diên Biên Phu en mai 1954,la présence française s’est terminée et Saïgon la bien-aimée est devenue Ho Chi Minh ville. n

André Roqué, UNC-35

Les volontaires s’attaquent au glacis de la Citadelle de Bitche !

C’est sous 20 cm de neige que les volontaires ont débuté l’entretien du chemin d’accès pié-ton à la Citadelle depuis la ville de Bitche. Cette action citoyenne, menée par une vingtainede volontaires du centre de service militaire volontaire de Lorraine, s’inscrit dans le cadredu partenariat signé entre le centre SMV Lorraine et l’association Vauban. Cette initiativecontribue à la valorisation du patrimoine historique et culturel de la région Grand Est.Source : Service militaire volontaire

La précision du mois

Notre abonné Bernard Obringerrecherche d’anciens articles ourevues relatifs à la gendarmerie.Contact : [email protected]

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C’est au cours de la dernière assembléegénérale de l’association Pour le souve-nir de Maillé, qui s’est tenue en décem-bre, que les adhérents ont appris la nou-

velle : le parquet de Dortmund (Allemagne), vientde classer sans suite le dossier de l’enquête sur lemassacre de Maillé (37), qui a fait 124 victimes enaoût 1944 (lire encadré). Les 32 parties civiles (desrescapés du massacre ou leurs descendants), ontdécidé de contre­attaquer et de porter l’affairedevant le parquet général de Hamm, en Rhénaniedu Nord­Westphalie. « Après douze ans à attendreles conclusions des recherches, une partie des res-capés du massacre a appris cette information lorsde l’assemblée générale de l’association qui s’esttenue en décembre. Bien qu’ils ne se faisaient pasd’illusions sur le résultat de ce travail, ils ont regrettéque ces investigations les aient obligés une nou-velle fois à raconter cette journée d’horreur, à seplonger dans ces douloureux souvenirs, et ce, envain, précise l’association dans un communiquéde presse diffusé le 13 janvier. Au­delà d’un désir devengeance ou d’un espoir de voir un ancien soldatterminer ses jours en prison, les survivants atten-daient des réponses : savoir en fin qui sont les sol-dats qui ont massacré leurs familles, et pourquoi. Desattentes qui semblent légi times pour ces personnesqui ont vu leur histoi re oubliée et ignorée pendantplus de cinquante années ».

L’enquête démarre en 2004. Après avoir découvertl’histoire du massacre de Maillé dans un journal alle-mand, le Frankfurter Allgemeine Zeitung, UlrichMaass, alors procureur général de Dortmundchargé de retrouver et de poursuivre en justiceles criminels de guerre nazis, est informé de la pro-jection d’un documentaire consacré à ce drame àStuttgart. À la suite de cette projection, après avoirrencontré des représentants de l’association Pourle Souvenir de Maillé et de la municipalité, le pro-cureur a décidé d’ouvrir une enquête outre-Rhin.Ce massacre étant considéré comme crime deguerre, il n’était pas possible pour la justice fran-çaise de lancer des poursuites en raison de la pres-cription de cette affaire. Mais les crimes de guerreétant imprescriptibles en Allemagne, de tellesrecherches étaient encore possibles. À sa demande,des gendarmes français sont chargés de récolterles témoignages des survivants du drame. En juil-let 2008, il se rend à Maillé afin d’effectuer desrelevés sur les lieux du massacre et de rencontrerles survivants. Il vient une nouvelle fois en Tou-raine en 2009. « Son travail a notamment permisd’identifier l’unité responsable de ce drame. Il s’agitd’un bataillon de réserve de la 17e PanzerdivisionGötz Von Berlichingen, stationné à Châtellerault. Fin2010, les survivants, l’association Pour le Souvenirde Maillé et la commune de Maillé se sont portésparties civiles dans cette procédure. Le manque de

preuves matérielles réduit les possibilités de trou-ver les 80 soldats de cette division présents à Mailléle 25 août 1944 et donc l’ouverture d’un procès »,poursuit l’association. Mais à l’issue de cet impor-tant travail de recherches à travers les archives etles témoignages des rescapés, le procureur deDortmund, cité par Le Figaro, indique qu’«aucunauteur en vie n’a pu être identifié. Quatre inculpésont pu être identifiés, mais ils étaient toutefois toussoit décédés soit tombés durant la Seconde Guerremondiale. Et les enquêtes n’ont révélé aucun indicequi permettait de supposer que la batterie SS-FlakAbteilung 17 ait participé au massacre ».Un écueil de plus pour les rescapés et leur familledans leur quête de justice et de vérité. Car le mas-sacre de Mailly a été complètement oublié parl’histoire pendant 50 ans. Les rescapés de Maillé sontmurés dans le silence. Chaque 25 août, ils se retrou-vaient dans le bourg de Maillé, assistaient à la lec-ture des noms des 124 victimes... et repartaientchacun de leur côté sans évoquer leurs souvenirsde cette journée. Tous se posaient pourtant lesmêmes questions : qui sont les Allemands res-ponsables de ce massacre et pourquoi ils ont faitcela? Jusqu’en 1983, les dépôts de gerbes se fontau pied d’une plaque en bois marquant l’empla-cement de l’ancienne fosse commune. En 1984,le maire, Gilbert Chedozeau, dont le père et l’on-cle ont été tués lors du massacre, décide de faire éri-ger dans le cimetière un monument en marbre.En 1994, pour le 50e anniversaire et à l’initiativedes Archives départementales d’Indre-et-Loire, uneexposition consacrée au massacre est mise en placedans la salle du conseil municipal de Maillé. A cetteoccasion, les rescapés prennent conscience de lanécessité de témoigner afin que leur histoire nedisparaisse pas avec eux. À la suite de cette expo- sition, ils créent l’association Pour le Souvenir deMaillé. Spontanément, la majorité des survivants yadhèrent. S’ensuivent des réunions d’échan ges etde discussions qui aboutiront à la réalisation dedeux films de témoignages. En 2004, alors que leprojet de Maison du Souvenir est tout juste lancé,le ministre de la Culture Renaud Donnedieu deVabres est présent le 25 août à Maillé. Il est le pre-mier représentant du gouvernement à venir dansle village un jour de cérémonie depuis 1945. En2008, conformément à la promesse qu’il avait faitelors de sa campagne électorale, le président de laRépublique, Nicolas Sarkozy, préside la 64e com-mémoration. À cette occasion, il inaugure officiel-lement la Maison du Souvenir. n B. G.• Maison du Souvenir de Maillé, 02.47.65.24.89.Sur internet : www.maisondusouvenir.fr

La Voix du Combattant février 2017 7

ActualitésLe village de Touraine a été rayé

de la carte le 25 août 1944Massacre de Maillé :

le parquet abandonneles recherches

Rappel des faitsEn 1940, lorsque les Allemands s’installent à Maillé(37) et ses environs, la commune compte un peuplus de 500habitants. À l’été 1944, avec la remon-tée des troupes allemandes vers le nord, les actesde résistance sont en augmentation. En août, lavoie ferrée à proximité du bourg de Maillé estsabotée à plusieurs reprises. Le 24, sans préméditation, des maquisards tirent sur deux voi-tures allemandes sans réussir à les stopper. Le 25août1944, jour de la libération de Paris,le village est presque rayé de la carte. Dans la matinée, une division SS venue de Châtel-lerault pénètre dans le bourg de Maillé tandis que le village est encerclé par des soldatsde la Wehrmacht basés à Nouâtre. Hommes, femmes, enfants, mais aussi animaux sontsystématiquement massacrés. Les Allemands incendient les bâtiments avant de se repliervers midi. Cela ne signifie pas pour autant la fin du calvaire puisqu’un canon, installé surune colline voisine, pilonne le village pendant une partie de l’après­midi. Le soir du 25août,124victimes, âgées de 3mois à 89ans, sont à déplorer : 37hommes, 39femmes, 48enfantsde moins de 15ans dont 2nouveaux­nés. Les seuls qui échappent à la mort sont ceux quiont pu se cacher avant l’arrivée des Allemands ou qui ont simulé la mort au milieu des cada-vres. Seules huit maisons sur la soixantaine que comptait le bourg n’ont pas été détruitespar les nazis. L’accès au village est contrôlé jusqu’au lendemain midi, retardant l’interventiondes secours. Aujourd’hui encore, il n’existe aucune certitude sur les raisons du massacre.

© Maison du souvenir de Maillé

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Mission : appuyer la préparation opéra-tionnelle des unités en phase finale deleur mise en condition avant déploie-ment. Sur le camp de Canjuers, le DAO

(détachement d’adaptation opérationnelle)accueille toute l’année des rotations des unitésde l’armée de Terre jus te avant leur projectionsur les théâtres extérieurs. C’est ici que seraréalisé le der nier exercice synthèse des hommesqui par tiront demain pour la bande sahé lo­sa -harien ne (dans le cadre de l’opération Barkhanede lutte contre les groupes armés terroristes), leLiban, ou encore la Guyane (opération Harpie delutte contre l’orpaillage illégal).Lorsqu’ils arrivent au DAO, les soldats ont déjàeffectué la plus grosse part de leur entraînementopérationnel, en régiment et au sein des grandscentres de préparation répartis sur le territoire.C’est à Canjuers, sur le plus grand camp militaired’Europe, qu’ils viennent peaufiner cette prépa-ration, notamment en adaptant des gestes tac-tiques mille fois répétés aux réalités du terrain surlequel ils seront projetés et aux spécificités duconflit qui les attend. « Nous dispensons ici uneinstruction et des savoir-faire spécifiques, commepar exemple le combat en forêt pour l’opérationHarpie ou la lutte anti­IED (engins explosifs impro-visés, NDLR) pour l’opération Barkhane, précise lelieutenant-colonel Sébastien, chef du DAO. Nousassurons la coordination et le pilotage du déta-chement d’instruction opérationnel, qui est com-posé de soldats rentrant tout juste du théâtre quiviennent donner la dernière “vérité” du terrain, età la lumière de ces éléments, nous émettons unavis sur la qualité de la formation, avis qui va aiderla brigade à délivrer la certification du soldat dansle cadre de sa validation avant projection ».Les 26 personnels qui composent le DAO sontrépartis au sein de trois cellules : la cellule planifi-cation­programmation (qui élabore et affine lescalendriers des rotations en fonction des besoinset possibilités des unités, et recherche au sein detoutes les unités de l’armée de terre les cadresqui constitueront le précieux détachement d’ins-truction opérationnelle). La deuxième cellule estcelle qui conduit les différents retours d’expé-riences qui enrichiront les scénarios d’exercices

proposés aux unités, et la troisième cellule imagineet conduit les exercices. Au vu de l’évolution desdangers rencontrés sur les différents théâtres oùsont actuellement projetés les soldats français,cette cellule s’est dotée d’une section spécialiséedans la lutte contre­IED. D’autres sections sontnotamment dédiées au tir de combat, ou au secou-risme au combat.Le DAO met tout le matériel (gilets de protectionbalistique, casques, trousses individuelles de secou-risme, etc), mais également l’infrastructure ducamp de Canjuers et les moyens du 1er RCA (envéhicules notamment) à la disposition des unitésen rotation. Créé en 2008, au lendemain de l’em-buscade meurtrière de la vallée d’Uzbin en Afgha-nistan à l’été 2008 qui a bouleversé la doctrined’engagement de l’armée française sur ce théatre,le DAO s’est aujourd’hui adapté au théâtre malien.« L’intérêt de cette structure est très vite apparu,il a donc été décidé de la pérenniser en l’adaptantaux théâtres prioritaires du moment », rappelle lecolonel de Kermenguy, chef de corps du 1er RCA.Ainsi, sur le plateau de Canjuers, les petits villagesafghans et les bases opérationnelles avancéesreconstitués ont évolué eux aussi, pour collerdavantage à la réalité du terrain de la bande sahélo-saharienne, tandis que sur une autre partie ducamp, ce sont des installations éphémères d’or-pailleurs clandestins qui bordent la rivière.

Une adaptation permanente aux théâtres d’opérationsC’est le cœur de la mission du DAO : fournir une ins-truction qui s’adapte en temps réel aux particula-rités du théâtre, particularités qui évoluent parfoistrès vite sur le terrain. « Nous nous approprions lesdif férents retours d’expérience, grâce aux compte-ren dus de missions que nous recevons et à uncontact permanent avec les équipes que l’on pro-jet te. De plus, nous projetons nos hommes très ré -gulièrement, et nous menons également nous­mê -mes des missions de reconnaissance de théâtres»,poursuit le lieutenant­colonel Sébastien.«Tous lesin cidents qui se produisent sur les théâtres sont im -mé dia tement analysés et réinjectés dans les sché-mas de formation imaginés par les spécialistes duDAO », renchérit le colonel de Kermenguy. À l’ho-

rizon 2017, le DAO va très fortement se recentrersur l’opération Barkhane, de lut te contre les groupesarmés terroristes sur la ban de sahélo-saharienne.En cette fin novembre 2016, ce sont les hommesdes 2eet 3eRIMa (régiments d’in fanterie de Marine),stationnés respecti vement au Mans (72) et à Vannes(56), qui sont venus “peaufiner” leur préparation.« Le point particulier est que sur place, la mission estune mission de coopération avec les forces arméesma lien nes, dans le cadre de leur instruction mais aus -si en opé ration. Nous portons donc l’effort sur ce tra-vail en coopération qui n’est pas forcément natu-rel», in di que le capitaine Jean­Marc, directeur del’exercice. Pour monter le scénario, et pendanttou te la du rée de l’exercice, le capitaine s’est appuyésur les conseils de l’adjudant Manu et du capitaineThi baut, tous deux affectés au 7eBCA (bataillon dechasseurs alpins) de Varces (38) et projetés de maià septembre 2016 au Mali. « Il s’agit de faire ensorte que l’exercice colle vraiment au réel. Sur pla -

Opex

La Voix du Combattant février 2017

Au cœur de la préparation des forces

Très largement sollicitées depuis deux ans par l’opération Sentinelle sur le territoirenational, les unités de l’armée de Terre doivent simultanément remplir un contrat opérationnel exigeant sur les théâtres extérieurs. Principal défi du commandement :ne pas négliger la préparation opérationnelle. Des outils spécifiques ont été créés, à la main du commandement des centres de préparation des forces. Reportage sur lecamp de Canjuers (Var), au cœur du DAO, le détachement d’adaptation opérationnelle,rattaché au 1er RCA (régiment de chasseurs d’Afrique).

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Exercice d’aguerrissement nautique dans le cadre de la préparation pour l’opérationHarpie en Guyane.

© B.G.Une salle est spécialementdédiée aux mines et explosifs

que les soldats peuvent rencon-trer sur les différents théâtres

d’opération, y compris les derniers types d’engins

explosifs improvisés retrouvéssur le terrain. C’est un passage

obligé pour toutes les unités enrotation, et pour cause : la

majorité des soldats décédésen Opex ces dernières années

sont morts des suites de blessures causées par les IED.

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ce, quand vous êtes chef d’équipe de liaison, il fautcoller constamment au chef malien, et rectifier la for-mation de ses soldats. Cela n’est pas forcé mentna tu rel, témoignent-ils.Nous avons apporté no treex périence du terrain lors de la conception de l’exer-cice, et maintenant nous laissons les soldats évo luerli brement. Nous ferons le point lors du de brie fing ».Un apport d’expérience qui va s’avérer très utilepour les hommes mis en situation :« Avec cet exer-cice synthèse, on voit tous les points per fectiblesdans les différentes situations que nous pou vonsrencontrer sur le théâtre, ils nous mettent le nezdans l’eau pour voir comment on réagit. Cela nouspermet aussi de nous remettre en ques tion. Parexemple, ce matin, avec les Fama (Forces arméesmaliennes, simulées pour le besoin de l’exercice,NDLR), je n’ai pas forcément eu la bon ne réaction,il va falloir que je m’adap te», recon naît l’adjudantDavid, du 3e RIMa, pourtant fort de nombreusesexpériences sur des théâtres étrangers comme

l’Afghanistan, le Congo, la République centre-africaine. Parmi les hommes se trouve égalementle médecin Augustin, de l’antenne médicale d’Oli-vet (45), qui sera déployé avec eux : «C’est idéalde par ticiper à la manœuvre, pour être bien pré-sent dans le dispositif. Durant l’exercice, la priseen charge de blessés oblige le commandement àprendre en comp te les contraintes qui découlentfatalement d’un incident d’ordre sanitaire pendantune opération».L’exercice synthèse est suivi du debriefing, en pré-sence du chef du DAO, du directeur de l’exercice,des différents cadres responsables des cellulesd’instruction spécialisées (secourisme au combat,lutte anti­IED). Tous les points particuliers sont pas-sés au crible des spécialistes. « Bon, on ne débarquepas le docteur, les gars. Le docteur, on le protège.Donc ça n’est pas lui qui va descendre du véhiculepour faire le “5-25” (manœuvre permettant dedétecter d’éventuels IED sur le parcours du convoi,

NDLR). Quant à votre blessé à la jambe, il n’y a pasde question à se poser : il y a saignement doncdétresse vitale, donc laissez tomber le pansementcompressif, vous posez tout de suite le garrot ».Dans les rangs des observateurs, le commandantStéphane ne perd pas une miette du déroulementde l’exercice. Il vient du 1er RHP (régiment de hus-sards parachutistes) stationné à Tarbes (65).«Nousprojetons une équipe début 2017, et pour des rai-sons de planification nous n’avons pas pu suivrecette formation à Canjuers. Je viens donc m’im-prégner de ce qui se fait pour reproduire un exer-cice synthèse qui sera joué au régiment»,explique-t­il, armé d’un carnet noirci de notes, après avoirpassé des heures sur le terrain avec les spécialistesdu DAO. «C’est la force de cette petite structure sou-ple qui s’adapte en permanence. La vraie richessedu DAO, c’est la richesse des personnels qui y tra-vaillent », conclut le colonel de Kermenguy. n

Béatrice Gendron

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Opex

Des incidents spécifiques émaillent les exercices imaginés par le DAO.

Ici, un véhicule a été touché par un enginexplosif improvisé. Après avoir réalisé

la “bulle de sécurité”, les soldats portentsecours aux blessés.

© B.G.

Les unités en rotation fournissent les éléments qui figurent la force adverse, acteurs majeurs de l’exercice de synthèse.

© 1er RCA

© B.G.

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Les compagnies sahariennes portéesHistoire

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Des officiers peu conformistes formentdes unités d’infanterie montées surmulets ou sur dromadaires entre 1843 et

1848. Leurs expérien ces ne débou-chent pas sur des réalisations

durables car lesrares occasionsd’affronter unadversaire trèsmobile ne jus- ti fient pas lalevée d’uni-

tés spécialiséesdans ce com-

bat.

La situation change lorsque le sud Oranais sesoulève en 1880. Après des tâtonnements decourte durée sur les plans de l’organisation etde la tactique, le commandement crée des com-pagnies montées de 250hommes articulées endeux pelotons de deux sections : un mulet porteles paquetages de deux soldats qui se relaient

sur son dos. La robustesse et la rus-ticité du mu let permettent d’en-chaîner quatre étapes de 60kilo-mètres au terme desquelles leshom mes sont suffisamment frais

pour engager efficace-ment le combat.

Les compagniesmon tées ne sontpas attachées àun territoire : ce

Lorsque la France entreprend de conquérir les territoires de l’Algérie puis duSahara peuplés de nomades, elle découvre une forme de guerre que sonarmée n’est pas préparée à mener : la guerre de rezzou menée par desgroupes très mobiles de dix à cent hommes. La cavalerie peut les poursuivremais manque de puissance pour les réduire. L’infanterie dispose de moyenspour les réduire mais n’est pas assez mobile. Ce constat conduit à imaginerune infanterie montée soit sur des mulets, soit sur des dromadaires.

Janvier 1958 :des soldats de la Compagnie

saharienneportée de la

Légion étrangère(CSPL) sont venusrendre visite aux

pétroliers d’Hassi-

Messaoud.

© Photographe inconnu ­ ECPAD ­ Défense

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sont des unités de ré serve générale. Les com-pagnies sahariennes créées le 1er août 1905pour pacifier et maintenir l’ordre dans le Saharasont d’une autre nature. Formation territorialesinterarmes, elles comptent dans leur rang unmédecin, deux sections d’infanterie, trois sec-tions de méharistes, un groupe de cavaliers etune section d’artillerie. Simultanément des com-pagnies méharistes sont créées dans les colo-nies africaines. Sans renforcement, ces unitésachèveront la pacification de la zone sahariennefrançaise en 1934.

Prendre en compte le progrès technique(1919-1939)Sur un territoire aussi vaste que le Sahara, unetroupe en opération a besoin plus qu’ail leursd’être éclairée, d’être très mobile et de dispo-ser d’excellentes communications. Il n’y a pasgrand-chose à attendre de l’aviation qui ne favo-rise pas la coopération interarmes. Les retardspris par les trans missions par radio dans l’ar-mée française entre 1920 et 1939 se font par-ticulière ment sentir au Sahara. Tous les espoirsde mo dernisation se portent sur l’automobile.Une analyse approfondie de cette questiontrou ve plus d’avantages que d’inconvénients àla motorisation. Etant deux à quatre fois plusrapides (en 1920) que les unités montées, les uni-tés portées permettent d’atteindre plus vitedes objectifs plus lointains. N’ayant plus à mar-cher, les hommes sont moins fatigués lorsqu’ilsdoivent débarquer pour réduire les résistancesennemies. Les inconvénients sont de deuxordres. L’indus trie automobile française ne peutfournir un nombre suffisant de véhicules adap-tés à la circulation saharienne. L’entretien etles réparations imposent la création d’un ate-lier de dépannage dans chaque compagnie. Tant au nord qu’au sud, des compagnies saha-riennes portées se forment à partir de 1930.Leurs véhicules proviennent de di ver ses ori-gines. Certains, tels les Lafly sont des chefs d’œu-vre de technologie mais il n’est pas assuré queleur fiabilité soit à la hauteur des espoirs misen eux. Et puis en 1936, le Saharien modernen’est plus celui qui s’adapte le mieux au pro-grès technique. C’est celui qui se prépare lemieux à l’ennemi qui apparaît en Libye.

Face à l’ennemi italienLa France a pacifié “son” Sahara avec des uni-tés formées principalement d’hommes recru-tés sur place avec un statut de supplétif. À l’in-verse, les Italiens ont conquis les zonesdissidentes de la Libye avec leur armée régulièresans ménager les autochtones. Pour ce faire,ils ont adjoint à leurs formations classiques desunités spécialisées à fort potentiel offensif : lessaharianas. La sahariana est une petite com-pagnie forte de 76 hommes, tous européens.Portés par quinze véhicules, ils servent quatrecanons de 20mm, quatre mitrailleuses de

12,7mm et onze mitrailleuses légères. Seloncertaines sources, elle disposerait de trois avionsd’observation et l’expérience apprendra que lebinôme sahariana­aviation est une réalité dontil faut tenir compte en toutes circonstances.Une grande autonomie (5jours d’eau, 30joursde vivres et 600kilomètres de carburant) donneaux trois saharianas existant en 1940 une trèsforte capacité offensive. Elles sont conçues pourmener des raids profonds sur les arrières deleur ennemi. Dans la défensive, leur puissancede feu leur permet d’arrêter l’adversaire. Faceà cette menace, le commandement français secontente de préparer un front défensif auSahara, front qui tiendra en 1940 lorsque l’in-fanterie italienne attaquera en juin.De l’automne 1940 au printemps 1943, lesForces françaises libres ouvrent un front au sudde la Libye à partir du Tchad. Ce n’est pas le lieude raconter ici les quatre opérations qu’ellesont menées à Koufra et au Fezzan. Il convientd’en rappeler les enseignements car, ils seront,pour la plupart, pris en compte pour réorgani-ser les troupes sahariennes après 1945. Dèsl’échec de l’opération sur Tedjéré (décembre1940­janvier 1941) il apparaît que la capacitéoffensive des unités méharistes est médiocre. Enrevanche, elles sont des plus utiles pour contrô-ler les secteurs inaccessibles aux véhicules. Lacoordination des actions exige d’excellentes liai-sons par radio et un bon fonctionnement dubinôme infanterie­aviation. Enfin, la dispersiondes unités sur d’immenses territoires imposela formation de sous­groupement interarmes.

La mise sur pied des compagnies sahariennes portéesEn 1945, les états­majors qui doivent conce-voir la compagnie saharienne (CSP) de l’aveniront le choix entre deux solutions. L’une, légère,s’inspire de la “sahariana” italienne ; l’autre,lourde, se réfère aux unités de la colonne Leclerc.Cette seconde formule va prévaloir.Créées en 1948, les CSP sont de grosses unitésinterarmes fortes de 230 hommes. L’infanterieest représentée par trois pelotons formés detrois groupes de combat et d’une pièce de mor-tier portés par un dodge 4X4 et cinq dodge 6X6 ;chaque peloton est doté d’un poste radio survéhicule portant à plus de cent kilomètres etd’un poste pour le combat à pied. Les deuxcanons de 75 affectés en 1948 sont remplacésen 1955 par deux 75 sans recul. A l’expérience,la plupart des commandants de compagnie leuradjoignent les trois mortiers pour former unsolide peloton d’appui. Le peloton de comman -dement comprend un atelier de réparation ca -pable de changer les moteurs et de roder les sou-papes. Les CSP prennent leur forme définitiveen 1952 lorsqu’elles se voient affecter un pelo-ton de cinq automitrailleuses américaines M8.Cet ensemble forme un sous-groupementsecondaire permanent capable d’intervenir

isolement à plusieurs dizaines de kilomè tresdes éléments amis. Il présente ce pen dant deuxfaiblesses. L’affectation d’un of ficier d’artille­rie pour commander le peloton canon auraitdé char gé le capitaine du souci de ma nœuvrerles ap puis. Plus grave, car on ne tient pascompte des en seignements de la guer re mon-diale : rien n’est pré vu pour structurer lebinôme terre­aviation.Avant d’évoquer la guerre d’Algérie, il con vientde rappeler que les CSP ont adopté l’uniformede parade des compagnies méharistes : saroualnoir ou blanc, vareuse blan che, cartouchièresrouges croisées et burnous noir et blanc. Queljeune capitaine n’au rait pas rêvé de comman-der une telle unité ?

La guerre d’AlgérieLa guerre d’Algérie soumet les CSP à l’é preuvedu feu. Se recrutant parmi les Européens et lesAfricains, elles ne craignent pas la désertion quimenace les unités méharistes à majorité nord-africaine. Leur caractère interarmes et la qua-lité de leurs liaisons radio permettent un emploiisolé contre une cinquantaine de rebelles armésdisposant de deux fusils mitrailleurs.Encore faut­il que deux conditions, bien connuesdepuis les campagnes de Leclerc au Fezzan,soient remplies ! Or, elles ne le sont pas ou ellesle sont mal. Les renseignements recueillis par les2ebureaux des secteurs et par les chefs d’annexemanquent de précision. Jusqu’en 1957, la liai-son terre­air est défaillante. Ces deux faiblessesexpliquent pourquoi il a fallu faire appel au3erégiment de parachutistes coloniaux pouranéantir la katiba formée dans le secteur deTimimoun après la désertion avec armes de65méharistes.Par la suite, le commandement n’a pas consi- déré les CSP comme des sous-groupementssecondaires susceptibles d’être engagés isole-ment en coopération avec l’ALAT et l’armée del’air : il n’a pas su les employer au maximum deleurs possibilités. C’est bien dommage car ellesétaient d’excellentes unités. nHenry Dutailly

Février 1958 : portrait d’un caporal-chef de la 1re Compagnie saharienne portée

de la Légion (CSPL) à Fort Flatters.

© Gérard Daudu ­ ECPAD ­ Défense

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