Upload
voxuyen
View
214
Download
0
Embed Size (px)
Citation preview
133 Prix Antonine-mAillet—AcAdie vie 1999 Prix éloize 1998Prix frAnce-AcAdie 1998
Partant ici d’un tableau de Bruegel, là d’une médaille de saint Christophe ou des entrelacs de la langue acadienne, Pas pire raconte les égarements drola-tiques d’une agoraphobe coincée entre la rivièrede son enfance et les méandres de la vie d’artiste.
Le sac à malice de France Daigle semble inépuisable. Et si l’ idée de collage, à propos de Pas pire, résiste si peu, c’est que les rapprochements entre les diverses pièces du puzzle, pour singuliers qu’ ils soient, sont toujours fonctionnels. Volontiers facétieux, l’ écrivain ne perd de vue aucun de ses multiples matériaux ; il sait les fusionner de façon telle que l’ensemble pré-sente une cohérence et une densité sans faille.réginald martel, La Presse
Imp
rim
é au
Can
ada
ISBN 978-2-7646-0152-5
© D
olo
reS
Br
eau France Daigle est l’auteur de plusieurs romans, dont
La Vraie Vie (1993), 1953, chronique d’une naissance annoncée (1995), Pas pire (1998), Un fin passage (2001) et Pour sûr (2011).Elle vit à Moncton, au Nouveau-Brunswick.
bo
réa
l c
om
pac
t pr
éSeN
te D
eS r
ééD
ItIo
NS
De
tex
teS
SIg
NIf
ICa
tIfS
–
ro
ma
NS,
N
ou
vel
leS,
po
éSIe
, th
éâtr
e,
eSSa
IS o
u D
oC
um
eNtS
– D
aN
S u
N f
or
ma
t pr
atI
qu
e et
à
DeS
prI
x a
CCeS
SIBl
eS a
ux
étu
DIa
NtS
et
au
gra
ND
pu
BlIC
.
133
Fran
ce D
aigl
eP
As
Pir
e
France DaiglePAs Pireroman
La Liberté, moqueuse et assurée, s’en donne, littéralement, à cœur joie.Laurent Laplante, Nuit blanche
Extrait de la publication
Les Éditions du Boréal4447, rue Saint-Denis
Montréal (Québec) H2J 2L2
www.editionsboreal.qc.ca
Extrait de la publication
PAS PIRE
DU MÊME AUTEUR
Sans jamais parler du vent, Éditions d’Acadie, 1983.
Film d’amour et de dépendance, Éditions d’Acadie, 1984.
Histoire de la maison qui brûle, Éditions d’Acadie, 1985.
Variations en B et K, La Nouvelle Barre du jour, 1985.
L’Été avant la mort (en collaboration avec Hélène Harbec), Éditionsdu remue-ménage, 1986.
La Beauté de l’affaire, La Nouvelle Barre du jour, 1991.
La Vraie Vie, Éditions de l’Hexagone/Éditions d’Acadie, 1993.
1953.Chronique d’une naissance annoncée, Éditions d’Acadie, 1995.
Un fin passage, Éditions du Boréal, 2001.
Petites difficultés d’existence, Éditions du Boréal, 2002.
Pour sûr, Éditions du Boréal, 2011.
France Daigle
PAS PIREroman
Boréal
Extrait de la publication
© Les Éditions du Boréal 2002
Dépôt légal: 1er trimestre 2002
Bibliothèque nationale du Québec
Diffusion au Canada: DimediaDiffusion et distribution en Europe: Volumen
Données de catalogage avant publication (Canada)
Daigle, France
Pas pire
(Boréal compact ; 133)Éd. originale: Moncton, N.-B.: Éditions d’Acadie, 1998.
isbn 978-2-7646-0152-5
I. Titre.
ps8557.a423p37 2002 c843’.54 c2001-941862-0
ps9557.a423p37 2002
pq3919.2.d34p37 2002
Extrait de la publication
Première partie
Histoire de Steppette
Extrait de la publication
Extrait de la publication
1
Été venteux à Dieppe. Le ciel est d’un blanc uni-forme, de cette blancheur opaque qui, l’hiver, annonceune chute de neige. Mais nous sommes bien en été, enplein cœur de juillet, et les arbres sont dans leursfeuilles, secouées, tordues dans tous les sens par ce ventqui vient de partout à la fois, du haut des airs comme duras du sol, du côté du champ comme du côté de la ville,des deux bouts de la même grande rue, l’avenue Acadie.Ce vent avec bourrasques qui souffle sans accalmiesdepuis des jours brouille tout, et les cartes et les règles dujeu, jusqu’à nous faire oublier que nous sommes encoreen été, à Dieppe. Des dizaines de fois j’ai repensé à cevent-là, à cet été-là, où je me détachai des autres, quimangeaient encore à table.
Je parle bien sûr du Dieppe d’avant l’annexion deSaint-Anselme et presque même du Dieppe d’avantLakeburn. Je parle du vieux Dieppe, du Dieppe Centre,
9
Extrait de la publication
c’est-à-dire de la paroisse Sainte-Thérèse, avec l’égliseSainte-Thérèse longeant la rue Sainte-Thérèse, à côté del’école Sainte-Thérèse. Je parle du Dieppe des champs etdes marais tout autour, que nous brûlions systémati-quement tous les printemps, de ces champs d’herbeshautes où se glissaient quelques couleuvres et unerivière, la Petitcodiac, qui traversait pour ainsi dire lefond de notre cour. Entre les maisons et la rivière, il n’yavait que divers états du champ. Tout près des maisons,il y avait les gazons et les terrains où nous jouions desjeux dont les règles faisaient l’unanimité. Puis, au-delàdes jardins de légumes, des framboisiers et des quelquespommiers, il y avait le grand champ, le marais auxgrandes herbes, territoire de nos jeux inventés, jeux quise créaient la plupart du temps au fur et à mesure quel’après-midi avançait, herbes drues qui mugissaient aufrottement de nos pantalons et de nos bottes.
* * *
Reflétant sans doute la nature et l’esprit des scienti-fiques qui les ont étudiés et décrits, les deltas comportentdes aspects profondément humains: ils commencentpar être embryonnaires, puis, lorsqu’ils émergent, ilsdeviennent enracinés. Dessinées, les six formes élémen-taires de l’avancée du delta sur la mer, formes que l’onappelle bouches, ressemblent effectivement à des profilsde bouche humaine. Les deltas ont aussi des bourreletset des couches, s’allongent et s’épaississent. Certains ont
10
Extrait de la publication
des lobes, un front, des bras, une main ou des doigts. Onleur attribue des modes d’existence, ils connaissent desruptures et des accidents. Dans leurs emportements, certains vont jusqu’à tuer. D’autres changent douce-ment de lit, se subdivisent ou se recréent en sous-deltas qui, comme des enfants, sont tributaires de lacapacité et de la compétence de ceux qui les ont formés.D’autres encore changent de route selon les circons-tances, passent par-dessus, prennent des raccourcis, sedéfont de membres excessifs. Les deltas aiment aussijouer: ils raffolent du sable et des glissements et barbo-tent inlassablement dans les étangs et les cuvettes. Ilscourent entre les berges en semant roseaux et palétu-viers, sculptent des flèches, exposent des tourbières. Sou-vent plus étendus que profonds, leurs méandres, maraiset marécages sinueux inondent et se déversent pourtant.Certains débordements ouvrent en riant de nouveauxlits chaque printemps, mettant ici et là des processus enjeu, bafouant les modes d’échange traditionnels entrecours d’eau douce et d’eau salée, se moquant éperdu-ment de l’interpénétration inextricable de la terre et deseaux, et allant même jusqu’à s’amuser à répandre sur lemonde une nouvelle couche d’ambiguïté.
* * *
Madame Doucet, une très vieille femme du voisi-nage, avait toujours quelque chose à nous donnerlorsque nous lui apportions des fleurs. Nos bouquets
11
Extrait de la publication
allaient du vulgaire amas de pissenlits, cueillis à peu près sans effort au pied de la porte, à des arrangements plus recherchés de tiges sauvages qui, dans ce temps-là, n’avaient pas de nom. En échange de ce que nousavions le cœur de rassembler ce jour-là, nous rece-vions immanquablement un caramel, un morceau depomme, un cent noir, un biscuit. Ça remplissait un petitcreux en fin de matinée ou en après-midi, quand letemps était long et qu’il n’y avait rien d’autre à faire.Même les garçons se laissaient parfois aller à ce qué-mandage déguisé. Nous pouvions nous présenter chezmadame Doucet plusieurs fois par semaine avec nosbouquets, jamais elle ne les refusait, ce qui nous obli-geait à nous questionner sur la nature humaine, carnous savions très bien qu’aucune de nos mères n’auraittoléré un pareil cirque. La patience et la gentillesse appa-remment illimitées de madame Doucet finissaient doncpar nous donner une image trouble de nous-mêmes, desorte qu’à un moment donné, tout enfant qui se respec-tait se retirait de lui-même de ce manège.
* * *
Un delta n’est pas chose donnée à n’importe quelfleuve. Le fait que l’Amazone et le Congo, les deux plusgrands fleuves du monde, n’en ont pas prouve bien queles deltas ont des conditions d’existence particulières.D’ailleurs les spécialistes des littoraux se sont penchéssur ces conditions et en ont fait ressortir toutes les
12
nuances. Ils et elles ont distingué les deltas simples desdeltas composés, les deltas aux formes digitées des deltasarrondis et des deltas atrophiés. Leurs écrits parlentaussi de vives-eaux et de mortes-eaux, de sédiments ter-rigènes et de floculation, de reptation et de sultation, depanaches turbides, de lagunes et de vasières, de ravins etde monticules. Ces spécialistes ont bien sûr étudié l’âgedes deltas et noté que l’évolution morphologique deplusieurs d’entre eux est appréciable à l’échelle d’une viehumaine. Les particularités des deltas selon les condi-tions climatiques, le rôle du vent et de la végétation, etles perturbations profondes causées par l’interventionde l’homme ont été relevées, et les diverses étapes dutravail de la pente ont été schématisées. Les change-ments de lit ont également été recensés: le fleuveHuang-ho, par exemple, aurait changé de cours et d’em-bouchure vingt-six fois en trois mille ans.
* * *
Tous les enfants n’étaient pas confrontés à la mêmenécessité d’être inventifs pour répondre à leurs petitsbesoins personnels. Dans certaines maisonnées, les cinqcents destinés à l’achat de friandises étaient distribuésassez librement. Dans d’autres, il y avait des bonbons àla semaine dans les bonbonnières. Dans d’autres encore,il suffisait parfois d’exprimer un besoin pour ques’amorce une espèce de réponse. Mais il se trouvait ausside ces maisonnées où il n’y avait rien à comprendre, où
13
Extrait de la publication
les besoins ne trouvaient même pas à s’exprimer. Oualors, ceux qui trouvaient à s’exprimer étaient d’unetout autre nature. En visite, enfants, chez nos amis, nousembarquions dans le train-train de la maisonnéecomme dans un tour de manège, nous fiant à la méca-nique en place. Il se passait chez eux des choses impen-sables chez nous, parfois pour le meilleur, parfois pourle pire. Cela alimentait notre regard. Nous pigions ainsiun peu partout et nous composions une vie à partir decela. Notre vie était faite de cela. De choses utilisables etde choses non utilisables. De choses qui avaient unevaleur sûre et d’autres qui n’avaient pas de valeur évi-dente. De choses dont la valeur resterait à découvrir.
* * *
Un delta se forme habituellement lorsque la mer neparvient pas à redistribuer sur une grande étendue lesdébris et les particules transportés par un fleuve ou unegrande rivière. Cette matière en voyagement se déposepeu à peu à l’embouchure du fleuve, créant à la longuedes îlots ou des amoncellements qui gênent le libreécoulement de l’eau. Pour aboutir à la mer, le fleuve finitpar se répandre en de nombreux plus petits cours d’eau,dont les branches principales, vues des airs, forment lescôtés d’un triangle isocèle. D’où l’appellation de delta, laquatrième lettre de l’alphabet grec, dont la majuscule, ∆,a justement cette forme triangulaire caractéristique. Lesdeltas visibles, c’est-à-dire ceux qui exposent une inter-
14
pénétration plus ou moins complexe de la terre et deseaux, sont les plus connus. Mais il existe aussi des deltassous-marins et des deltas de marée, qui sont en fait desdeltas embryonnaires, et ne sont pas considérés commede vrais deltas. Pour tout dire, le seul critère d’un deltaconcerne l’avancée de la terre sur la mer. Cette avancéepeut être considérable: elle est de trente kilomètres pourle Danube, par exemple, et de cent quarante kilomètrespour le Mississippi, longtemps considéré comme le plusgrand delta du monde, titre qui revient maintenant audelta du Gange-Brahmapoutre. Même la multiplicitédes bras n’est pas un critère de delta, bien que la pluparten aient plusieurs.
Extrait de la publication
Table des matières
Première partieHistoire de Steppette 7
Deuxième partieThérapie d’exposition 57
Troisième partieGallimard… Hot Stuff… 111
Quatrième partieLe domaine du perfectible 151
Extrait de la publication
Extrait de la publication
CRÉDITS ET REMERCIEMENTS
Les Éditions du Boréal reconnaissent l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du livre du Canada (FLC) pour leurs activités d’édition et remercient le Conseil des Arts du Canada pour son soutien financier.
Les Éditions du Boréal sont inscrites au Programme d’aide aux entreprises du livre et de l’édition spécialisée de la SODEC et bénéficient du Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres du gouvernement du Québec.
Couverture: Le delta du Mississippi. © Inter Network Media.
Extrait de la publication
MISE EN PAGES ET TYPOGRAPHIE:LES ÉDITIONS DU BORÉAL
CE DEUXIÈME TIRAGE A ÉTÉ ACHEVÉ D,IMPRIMER EN NOVEMBRE 2011SUR LES PRESSES DE L,IMPRIMERIE GAUVIN
À GATINEAU (QUÉBEC).
Extrait de la publication
133 Prix Antonine-mAillet—AcAdie vie 1999 Prix éloize 1998Prix frAnce-AcAdie 1998
Partant ici d’un tableau de Bruegel, là d’une médaille de saint Christophe ou des entrelacs de la langue acadienne, Pas pire raconte les égarements drola-tiques d’une agoraphobe coincée entre la rivièrede son enfance et les méandres de la vie d’artiste.
Le sac à malice de France Daigle semble inépuisable. Et si l’ idée de collage, à propos de Pas pire, résiste si peu, c’est que les rapprochements entre les diverses pièces du puzzle, pour singuliers qu’ ils soient, sont toujours fonctionnels. Volontiers facétieux, l’ écrivain ne perd de vue aucun de ses multiples matériaux ; il sait les fusionner de façon telle que l’ensemble pré-sente une cohérence et une densité sans faille.réginald martel, La Presse
Imp
rim
é au
Can
ada
ISBN 978-2-7646-0152-5
© D
olo
reS
Br
eau France Daigle est l’auteur de plusieurs romans, dont
La Vraie Vie (1993), 1953, chronique d’une naissance annoncée (1995), Pas pire (1998), Un fin passage (2001) et Pour sûr (2011).Elle vit à Moncton, au Nouveau-Brunswick.
bo
réa
l c
om
pac
t pr
éSeN
te D
eS r
ééD
ItIo
NS
De
tex
teS
SIg
NIf
ICa
tIfS
–
ro
ma
NS,
N
ou
vel
leS,
po
éSIe
, th
éâtr
e,
eSSa
IS o
u D
oC
um
eNtS
– D
aN
S u
N f
or
ma
t pr
atI
qu
e et
à
DeS
prI
x a
CCeS
SIBl
eS a
ux
étu
DIa
NtS
et
au
gra
ND
pu
BlIC
.
133
Fran
ce D
aigl
eP
As
Pir
e
France DaiglePAs Pireroman
La Liberté, moqueuse et assurée, s’en donne, littéralement, à cœur joie.Laurent Laplante, Nuit blanche
Extrait de la publication