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Université de Liège Faculté de Droit L’ACTION DE LA COUR PÉNALE INTERNATIONALE AU DARFOUR. MISE EN OEUVRE DU DROIT INTERNATIONAL OU «INSTRUMENT» AU SERVICE DE «POLITIQUES ETRANGERES» ? Mémoire présenté par Ait hmad Aziz en vue de l’obtention du diplôme de Master en science politique Promoteur : Mr KABAMBA, Chargé de cours au département de science politique, Faculté de Droit. Université de Liège.

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Université de LiègeFacul té de Dro i t

L’ACTION DE LA COUR PÉNALE INTERNATIONALE AU

DARFOUR.MISE EN OEUVRE DU DROIT INTERNATIONAL

OU«INSTRUMENT» AU SERVICE DE «POLITIQUES

ETRANGERES» ?

Mémoire présenté par Ait hmad Aziz

en vue de l’obtention du

diplôme de Master

en science politique

Promoteur : Mr KABAMBA, Chargé de cours au département de science politique, Faculté de Droit. Université de Liège.

Lecteurs : Mr WAUTELET, Chargé de cours à l’Université de Liège au Département de droit International et Mr VINCENT, Chargé de cours adjoint à la Faculté de Droit de Liège.

Année académique 2009-2010

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Je tiens à remercier ;

Mon promoteur, Mr Kabamba, pour son aide, sa disponibilité et ses conseils toujours précieux, ainsi que Mr Wautelet et Mr Vincent.

Noémie Blaise, assistante en droit pénal et chargée de cours aux Facultés Universitaires Notre-Dame de la Paix, Lauréate du Prix du Corps Consulaire pour son mémoire de DEA portant sur le conflit du Darfour et les réactions de la communauté internationale.

Mr Roland Marchal, chercheur au Centre National de Recherche Scientifique et à l'Institut d'études politiques de Paris, spécialiste de la corne de l’Afrique.

Madame Karima Hammadi et Madame Liesbeth Schockaert de chez MSF Belgique.

Olivier Corten, professeur ordinaire à l’Université de Bruxelles., avocat devant la Cour internationale de Justice, directeur de la Revue belge de droit international.

Eric David, professeur émérite à l’Université de Bruxelles, spécialiste de la Cour Pénale Internationale et président de la Commission consultative de droit international humanitaire de la Croix-Rouge de Belgique depuis 1996.

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REMERCIEMENTS..........................................................................................................................2

INTRODUCTION.......................................................................................................................4

1ÈRE PARTIE : LA COUR PÉNALE INTERNATIONALE RECOMMANDÉE AU DARFOUR...................................................................................................................................7

CHAPITRE I : GENÈSE D’UNE JUSTICE INTERNATIONALE :...............................7

CHAPITRE II : ANALYSE DE LA COUR PÉNALE INTERNATIONALE................10

SECTION 1 : LES ÉTENDUES ET LIMITES DE SON CHAMP D’ACTION....................10

SECTION 2 : LES FONDEMENTS JURIDIQUES AU MANDAT D’ARRÊTDÉLIVRÉ À L’ENCONTRE D’OMAR AL BACHIR......................................................................................................................16

CHAPITRE III : UNE LECTURE RAPIDE DU CONFLIT AU DARFOUR À PARTIR DE 2003......................................................................................................................22

SECTION 1 : LES ACTEURS DU CONFLIT......................................................................................22

SECTION 2 : UN CONFLIT ÉCONOMIQUE SOUS COUVERT DE CONFLIT «IDENTITAIRE ».......................................25

SECTION 3 : LE SOUDAN DANS LA MONDIALITÉ.........................................................................28

SECTION 4 : LES DIFFÉRENTES INTERPRÉTATIONS DU CONFLIT.................................................32

2È PARTIE : LES ACTEURS ET LE TERRITOIRE..........................................................38

CHAPITRE I : UNE MOBILISATION TRANSNATIONALE..........................................38

SECTION 1 LES LIENS ENTRE LES ONG ET LA CPI..................................................................38

SECTION 2 : SAVE DARFURUN MOUVEMENT D’INFORMATION ET DE SENSIBILISATION............40

CHAPITRE II : L’ACTION DE L'ONU DANS LE CONFLIT DU DARFOUR.........43

SECTION 1 : L’ONU AU DARFOUR...............................................................................................43

SECTION 2 : LE CONSEIL DE SÉCURITÉ ET LA SITUATION AU DARFOUR..................................45

SECTION 3:LA CHINE AU SOUDAN : DES EFFORTS DE PACIFICATION (OMP)OU DES STRATÉGIES ÉCONOMIQUES ?............................................................................................................................47

CHAPITRE III : UN ELEMENT CRUCIAL : LES RICHESSES D’UNE TERRE....50

SECTION 1 : LE SOUDAN, ENTRE CROISSANCE ET SOUS- DÉVELOPPEMENT............................50

SECTION 2 : LE PÉTROLE SOUDANAIS...............................................................................................51

SECTION 3 : LE SOUDAN, UN PAYS EN « RÉSERVE DE DÉVELOPPEMENT ».........................................54

CONCLUSION.............................................................................................................................56

BIBLIOGRAPHIE........................................................................................................................59

Ouvrages et périodiques consultés....................................................................................................59

Articles.............................................................................................................................................62

Dépêches et Communiqués de presse :.............................................................................................64

Rapports d’organisations et d’institutions internationales................................................................66

Textes légaux...................................................................................................................................67

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Entretiens réalisés et échanges de courriers électroniques:...............................................................67

Les cartes..........................................................................................................................................69

Sites internet consultés.....................................................................................................................70

ACRONYMES :............................................................................................................................72

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INTRODUCTION

Le 4 Mars 2009, la Cour Pénale Internationale, à travers le conflit du Darfour, fit

l’objet d’un traitement médiatique sans précédent. Dans la presse, à la télévision, sur Internet,

il n’était question que de sa décision historique d’émettre un mandat d’arrêt contre le

président soudanais Omar Al Bachir.

Ce n’est pourtant pas cette médiatisation qui fut à l’origine de mon travail, mais une

leçon sur la CPI donnée par Mr. Kabamba, dans le cadre de son cours « Mode de Résolution

des Conflits Politiques ».

Mon travail commencé, très vite, l’action de la Cour Pénale Internationale au Soudan

m’apparut un sujet vaste et complexe, tant ses acteurs et leurs intérêts sont nombreux. On

verra combien le conflit au Darfour est au carrefour de considérations historiques,

économiques, politiques, juridiques… Pour en rendre compte exhaustivement, il aurait fallu

aborder ses origines, le passé colonial, la guerre au Sud Soudan, les élections présidentielles

d’Avril 2010, le référendum d’auto-détermination en 2011, la dimension multiculturelle de

l’Etat soudanais, le rôle du droit international, l’utilisation de la force sous commandement

d’une coalition, le principe de souveraineté, le droit d’ingérence, la responsabilité de protéger,

etc. Autant d’éléments impossibles à réunir dans un mémoire.

Il m’a fallu renoncer à bien des choses, pour construire un problème délimité par la

question contenue dans le titre de ce travail : l’action de la CPI au Darfour est-elle une mise

en œuvre du droit international ou un instrument au service de « politiques étrangères » ? 

Pour tenter de répondre à cette question, j’inscrirai ma recherche dans le courant

théorique du « réalisme » en sciences politiques, pour qui, le système international est

fondamentalement déterminé par les intérêts défendus par ses différents acteurs, chacun

essayant dans la mesure de ses possibilités de les faire triompher. Dans cette perspective, il

n’existe aucune autorité supranationale « neutre », aucune norme purement désintéressée. Les

acteurs politiques sont essentiellement intéressés. Leurs références aux droits de l’homme, au

droit international, aux valeurs universelles, en général, sont avant tout stratégiques.

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Cette primauté des intérêts sera mise en évidence à différents niveaux, dans les luttes

qui opposent les rebelles du Darfour au gouvernement soudanais, au niveau des grandes

puissances, de l’ONU, de la CPI, des ONG. Les relations des Etats-Unis et de la Chine et

leurs rapports avec l’ONU et la CPI, seront très significatifs. On verra que le pragmatisme de

la l’« amie de l’Afrique », la Chine, n’est pas moins intéressé que l’action « idéaliste » d’un

pays, les Etats-Unis, qui refuse de reconnaître la cour, tout en se présentant comme le

champion du droit.

Après avoir montré combien la victoire politique représentée par la ratification du

Statut de Rome a été affaiblie, d’un côté, par les « artifices » juridiques des grandes

puissances, soucieuses d’éviter toute action à leur encontre, et d’un autre, par la « dimension

africaine » de la CPI, je m’attacherai à décrire le rôle « compliqué » des nations unies, à

travers ses résolutions 1593, 1706 et 1763, ses opérations de maintien de la paix et le rôle

décisif de deux membres permanents du conseil de sécurité, la Chine et les Etats-Unis.

Le rôle des ONG ne sera pas négligé ni leur importance dans la nouvelle diplomatie.

Elles ont participé à l’élaboration des documents qui ont permis la naissance de la CPI. Je

soulignerai leur influence sur l’opinion publique, mais aussi leur fonction d’amie de la Cour.

L’action de la CPI sera envisagée sous un angle juridique, très brièvement, et, de

manière plus développée, sous un angle politique. Dans un premier temps, pour dégager la

spécificité de cette nouvelle cour, je retracerai brièvement l’histoire qui a mené à sa création,

ainsi que les circonstances qui ont conduit au mandat d’arrêt controversé contre le président

soudanais Omar Al Bachir. Plusieurs interprétations s’affrontent. Le point de litige central

étant l’accusation de génocide, défendue par le procureur de la cour, les Etats-Unis, et le

mouvement « Save Darfour », qui a, largement, participé à la diffusion de cette version dans

l’opinion publique, surtout aux Etats Unis.

Je m’attacherai à mettre en évidence les limites de cette lecture génocidaire, largement

critiquée, ainsi que celles de l’interprétation ethnique du conflit, en le replaçant dans ses

dimensions géoéconomiques et géopolitiques.

Un dernier point mettra en évidence les ressources d’un pays immense. On verra que si

elles sont à l’origine de bien des problèmes, en suscitant de nombreuses convoitises, elles

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pourraient aussi favoriser une solution pacifiée au conflit, une fois développées et

équitablement réparties.

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1ÈRE PARTIE : LA COUR PÉNALE INTERNATIONALE RECOMMANDÉE AU DARFOUR

CHAPITRE I : GENÈSE D’UNE JUSTICE INTERNATIONALE :

Le 2 juillet 2002 voit l’émergence d’un nouvel acteur juridictionnel international : la

cour pénale internationale. Le statut portant sur sa création fut adopté lors de la conférence

internationale de Rome, le 17 juillet 1998. Au terme d’intenses négociations, 120 pays se

prononcèrent en faveur de l’adoption du traité. Le 11 avril 2002, soixante six pays – six de

plus que le minimum requis pour l’établissement de la cour – l’avaient ratifié, permettant son

entrée en vigueur1, et le début de la compétence temporelle de la CPI le 1er juillet 2002.2

Les nouvelles mesures judiciaires et légales de cette Cour, dont la naissance marque

un changement substantiel dans le droit international, constituent une avancée majeure pour la

protection des droits de l’homme.

En matière de prévention et de résolution des conflits, la CPI a un effet dissuasif sur

les dictateurs et les dirigeants qui bafouent les droits de l’homme. Elle jugera les auteurs des

crimes les plus graves (génocides, crimes contre l’humanité et crimes de guerre) et tous ceux

qui pratiqueront la torture, le massacre, l’exécution extrajudiciaire, l’attaque des populations

civiles, la prise d’otage, la déportation, les violences sexuelles, la destruction des biens civils,

l’enrôlement militaire d’enfants soldats, etc.3

Avant d’aborder cette nouvelle juridiction internationale permanente dans ses diverses

dimensions et dans son action au Darfour, il peut être utile de se pencher, très brièvement, sur

le processus historique qui a mené à sa création. On verra combien la volonté politique des

grandes puissances mondiales est essentielle à l'application des normes humanitaires

internationales4.

1 Depuis le 24 mars 2010, 111 pays sont États Parties au Statut de Rome de la Cour pénale internationale. Parmi eux, 30 sont membres du groupe des États d'Afrique, 15 sont des États d'Asie, 17 sont des États d'Europe Orientale, 24 sont des États d'Amérique Latine et des Caraïbes, et 25 sont membres du groupe des États d'Europe occidentale et autres États.2 Art. 126 du Statut de Rome « Le premier jour du mois suivant le soixantième jour après la date de dépôt du soixantième instrument de ratification, d’acceptation, d’approbation ou d’adhésion auprès du Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies »3 KABAMBA Bob, « Mode de résolution des conflits politiques », Éditions de l’Université de Liège, 2009, p.75-76.4 BASSIOUNI M. Cherif, « Historical Survey: 1919-1998: The Statute of the International Criminal Court: A Documentary History », Transnational Publishers, Ardsley (N.Y.), 1998, p.7.

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Si certains font remonter l'idée aussi loin qu'au 15e siècle, ce n'est qu'à la fin du 19e

siècle, selon les spécialistes, que le droit pénal international a commencé à se constituer, sous

forme de règles régissant les conflits militaires5. La mise en place de la cour est

l’aboutissement d’un long processus, commencé en 1872 à Genève6 et achevé en 1998 à

Rome.

En 1919, à l’issue du traité de Versailles, Guillaume II, pour des faits accomplis pour le

compte de l’Etat allemand et en sa qualité même de chef d’Etat devait être jugé pour « offense

suprême contre la morale internationale et l’autorité sacrée des traités »7. Pour la première

fois, on envisageait d’aller au-delà de la protection étatique pour s’emparer d’un dirigeant. Le

procès n’eut pas lieu. Seules quelques poursuites symboliques furent entreprises en

Allemagne, avec le consentement des alliés, après la première guerre mondiale. Mais cet

article constitue une dérogation importante au jugement traditionnel voulant qu’un chef d’Etat

ne puisse pas faire l’objet de poursuites judiciaires de la part d’un autre Etat.

Au lendemain de la seconde guerre mondiale, la monstruosité des crimes nazis commis

avant et durant la seconde guerre mondiale sera l’élément déterminant dans l’apparition d’une

véritable justice pénale internationale. Au crime contre l’humanité même devait répondre une

justice au nom de l’humanité même. L’accord de Londres du 8 août 1945 met en place le

Tribunal militaire international de Nuremberg chargé de juger « les grands criminels de guerre

des pays européens de l’axe » coupables de crimes contre la paix, de crimes de guerre et de

crimes contre l’humanité. Désormais nul ne peut plus se réfugier derrière une ligne de

commandement ou un statut : « Ce sont des hommes, et non des entités abstraites qui

commettent des crimes dont la répression s’impose comme sanction du droit international 8».

La création du Tribunal de Nuremberg est l’une des plus importantes concrétisations du

processus de judiciarisation de la vie politique, bien que, selon une grande majorité de la

communauté scientifique, il ne fut pas la représentation idéale de ce à quoi on est en droit de

s’attendre d’un tribunal impartial. L’essentiel est qu’après ces événements qui avaient heurté

5 JAMISON L. Sandra, « A Permanent International Criminal Court: A Proposal that overcomes Past Objections », Denver Journal of International Law and Policy, vol. 23, 1995. p.421. 6 Le protocole signé à Bruxelles en 1874 est l'une des premières tentatives de rédaction d'un code régissant les conduites des forces armées en temps de guerre. Même s'il ne fait aucune mention de sanctions à la suite de la violation de ces dispositions.7 Art. 227 du Traité de Versailles de 1919 :« Les puissances alliées et associées mettent en accusation publique Guillaume II de Hohenzollern, ex-empereur d'Allemagne, pour offense suprême contre la morale internationale et l'autorité sacrée des traités. Un tribunal spécial sera constitué pour juger l'accusé en lui assurant les garanties essentielles du droit de défense. »8 Discours de Philippe Kirsch, Président de la Cour pénale internationale, De Nuremberg à La Haye : L’héritage de Nuremberg, Nuremberg le 19 novembre 2005.

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la conscience de la communauté internationale dans son ensemble9, l’idée d’instituer une

juridiction internationale pour connaître les crimes les plus graves paraît désormais légitime.

C’est ainsi que, dès 1947, l’Assemblée générale des Nations Unies mandata la

Commission du droit international pour élaborer un projet de Code des crimes contre la paix

et la sécurité de l’humanité.

En 1950, un Comité spécial fut chargé de rédiger le statut d’une future cour criminelle

internationale ; des raisons juridiques et surtout politiques entraînèrent la suspension de ces

travaux :

La définition de l’agression aboutit en 1954 au report sine die des travaux sur le Code

mais aussi sur le Statut, jusqu’à ce qu’un comité spécial parvienne à élaborer une

définition généralement acceptable de cette notion.

La Guerre froide n’était pas propice au partage mais au contraire à l’affrontement des

souverainetés.

Pour reprendre les termes du Professeur Cherif Bassiouni, ce manque de

« synchronisation » entre les travaux sur le projet de Code des infractions et le projet de Statut

d’une cour criminelle « n’était pas entièrement fortuit : c’était le résultat d’une volonté

politique de retarder l’établissement d’une Cour pénale internationale, à une époque où le

monde était violemment divisé et souvent en danger de guerre »10.

Les années qui suivront verront de nouveaux crimes (Pol-Pot, Pinochet, Amin Dada,…),

dont l’immunité sera garantie par l’opposition entre les deux blocs de l’Est et de l’Ouest.

En prenant pour repère les travaux effectués dans le cadre de l'ONU, on constate qu’il

aura fallu cinquante ans pour aboutir à l'adoption du Statut de la Cour Pénale Internationale,

dont l'article 6 de la Convention de 1948 avait envisagé la création. C’est à la 72ème séance

plénière des Nations Unies, le 4 décembre 1989, qu’il est « décidé d’étudier la question de la

création d’une cour de justice pénale internationale… »

La fin de la guerre froide verra une multiplication de procès criminels très médiatisés dans

les tribunaux internationaux, faisant suite à l’inculpation et à l’accusation des génocidaires de

9 -BADINTER Robert, « De Nuremberg à la Haye », Revue de Droit international pénal, Vol. 75, 2004-3/4.10 BASSIOUNI M. Cherif, « L’expérience des premières juridictions pénales internationales », in Hervé ASCENSIO, Emmanuel DECAUX et Alain PELLET, Droit international pénal, Pedone, Paris, 2000, p. 654.

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la Sierra Leone, de l’ex-Yougoslavie et du Rwanda. Les atrocités commises dans ces deux

pays ont probablement à nouveau aidé à l’accélération du processus. La mise en place du

TPIR et du TPIY a permis de mettre en avant le caractère préventif de ces dispositifs contre

l’arbitraire des décisions politiques du Conseil de sécurité. Cette avancée ne fut toutefois

qu’un premier pas institutionnel.

La création d’une cour pénale internationale (CPI) permanente ayant le pouvoir

d’enquêter et de poursuivre tous ceux qui commettent un génocide, des crimes contre

l’humanité et des crimes de guerre, constitue un succès important pour la communauté

internationale.

La Commission du droit international en présenta un projet de statut à l'Assemblée

Générale dès 1994. Examiné par un comité ad hoc établi en 1995, son rapport fut encore

soumis à un comité préparatoire. C'est le projet consolidé par ce comité préparatoire qui a

constitué le document de base des négociations de la conférence diplomatique de Rome, tenue

du 15 juin au 17 juillet 1998, qui visait à mettre au point la version définitive du Statut de la

cour pénale internationale et surtout à obtenir son adoption par les Etats.

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CHAPITRE II : ANALYSE DE LA COUR PÉNALE INTERNATIONALE

SECTION 1 : LES ÉTENDUES ET LIMITES DE SON CHAMP D’ACTION

Pour appréhender la CPI comme un réel acteur judiciaire il faut nous pencher

brièvement sur son mode de fonctionnement, ses qualités et ses défauts.

Le défi qu’elle doit relever n’est pas des moindres. Elle doit faire face à série de

questions et de difficultés tout à fait nouveaux.

Le système de la CPI instauré par les Etats repose sur deux piliers :

le pilier judiciaire, représenté par la Cour elle-même,

le pilier opérationnel, qui doit être assuré par les Etats et les organisations

internationales.

La coopération entre les deux est essentielle au bon fonctionnement du système tout

entier. Même si ce sont les Etats qui ont ratifié le statut de la CPI, son établissement est le

résultat de la volonté des Nations Unies, et sans doute, dans une moindre mesure, d’une

influence des ONG11.

Là où les tribunaux ad hoc internationaux ou hybrides sont établis en réaction à des

situations d’exception, la CPI vise à normaliser, voire institutionnaliser, une réponse judiciaire

à ces situations.

Idéalement, le procureur peut ouvrir des enquêtes sans l’accord préalable des Etats ou du

Conseil de Sécurité des Nations Unies ; la Cour est aussi compétente pour les crimes de

guerre commis dans le cadre d’un conflit interne. « Mais l’enjeu historique représenté par

l’adoption du Statut de la première juridiction pénale internationale, à vocation permanente, a

amené les Etats à faire de nombreux compromis restreignant largement les pouvoirs de cette

juridiction et ce afin d’aboutir à un texte acceptable par une minorité d’Etats dont la place,

dans les relations des nations, était considérée comme prépondérante »12.

11 Cfr. SECTION 5 LE ROLE DES ONG DANS L’ÉMERGENCE DE LA CPI 12 BASSIOUNI M. Cherif, « L’expérience des premières juridictions pénales internationales », in Hervé ASCENSIO, Emmanuel DECAUX et Alain PELLET, Droit international pénal, Pedone, Paris, 2000. Ibid., p. 372.

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Le Statut de la cour pénale internationale comporte ainsi des faiblesses qui diminuent son

efficacité et l’exercice de sa pleine compétence. Outre les dispositions prévues à l’article 9813

et 124 du Statut de la CPI14, figurent :

1. la complémentarité de la cour pénale internationale,

2. les conditions d’application de la compétence matérielle et personnelle de la CPI,

3. les sujets légitimés à activer la CPI : les États parties, le Conseil de Sécurité, le

Procureur international.

1. La complémentarité de la cour pénale internationale15 :

Selon le Statut de Rome, l’exercice de compétence de la cour pénale internationale est

« complémentaire » des systèmes juridiques internes de ses Etats parties (art. 1 et 17 du Statut

de la CPI). Elle n’agira qu’en l’absence de mesures judicaires, en fonction des systèmes

nationaux. La compétence pénale nationale prévaut donc sur la cour pénale internationale16.

La CPI ne peut intervenir dans une affaire que si le cas n’a pas déjà « fait l’objet d’une

enquête ou de poursuites de la part d’un Etat ayant compétence en l’espèce, à moins que cet

Etat n’ait pas la volonté ou soit dans l’incapacité de mener véritablement à bien l’enquête ou

les poursuites ».

Le préambule du Statut de Rome précise que les États conservent leur obligation de

poursuivre les personnes présumées responsables de crimes internationaux, et que la Cour est

simplement complémentaire à leurs juridictions. L’article premier du Statut de Rome

réaffirme cette relation entre la cour pénale internationale et les juridictions nationales mais

13 Article 98 du Statut de Rome Coopération en relation avec la renonciation à l'immunité et le consentement à la remise1. La Cour ne peut poursuivre l'exécution d'une demande de remise ou d'assistance qui contraindrait l'État requis à agir de façon incompatible avec les obligations qui lui incombent en droit international en matière d'immunité des États ou d'immunité diplomatique d'une personne ou de biens d'un État tiers, à moins d'obtenir au préalable la coopération de cet État tiers en vue de la levée de l'immunité.2. La Cour ne peut poursuivre l'exécution d'une demande de remise qui contraindrait l'État requis à agir de façon incompatible avec les obligations qui lui incombent en vertu d'accords internationaux selon lesquels le consentement de l'État d'envoi est nécessaire pour que soit remise à la Cour une personne relevant de cet État, à moins que la Cour ne puisse au préalable obtenir la coopération de l'État d'envoi pour qu'il consente à la remise.Nous reviendrons plus loin sur ces accords dits d’ « impunités ».14 L’article 124 du Statut de Rome prévoit qu’un État partie au Statut a la possibilité d’exclure, pour une période de sept ans à partir de l’entrée en vigueur du statut cité ci-dessus, la compétence de la Cour pénale internationale relativement aux crimes de guerre commis sur son propre territoire ou par un de ses ressortissants.15 Cette question a fait l’objet de nombreuses négociations justifiées par le fait que la CPI exerce sa compétence seulement sur les « crimes les plus graves ayant une portée internationale ».16 BASSIOUNI M. Cherif, « Introduction to international criminal law: Between sovereignty and the rule of law », Oxford University Press, 2003, X, 215.

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sans définir la complémentarité, elle affirme seulement que la Cour « est complémentaire des

juridictions nationales17 ».

Interprétée a contrario, la notion de complémentarité de la cour pénale internationale à

l’article 17 du Statut de Rome18, démontre que la Cour peut déclencher une poursuite pénale

ou ouvrir une enquête dans deux hypothèses : si sur une même affaire aucune poursuite ou

enquête n’a été engagée par une juridiction nationale ; ou si l’affaire a fait l’objet d’une

enquête par un Etat ayant compétence en l’espèce et que cet Etat décide de ne pas poursuivre,

par manque de volonté ou par incapacité de mener véritablement à bien les poursuites.

« Ce principe de complémentarité s’explique dès lors que l’une des fonctions de la Cour

est précisément de pallier aux défaillances des juridictions étatiques qui ne peuvent ou ne

veulent poursuivre certains criminels, particulièrement lorsqu’ils sont les dirigeants des Etats

sur le territoire desquels les crimes ont été commis. Pour éviter que cette règle ne permette de

se soustraire à la justice, le Statut prévoit que l’existence d’une enquête ou d’une

condamnation ne s’opposera pas à la compétence de la Cour s’il est démontré que l’Etat

auteur des poursuites n’a pas la capacité de les assumer, ou qu’il n’en a pas la volonté, par

exemple en engageant des poursuites purement dilatoires »19.

L’appréciation est aux soins du procureur, qui doit évaluer si l’affaire est ou serait

recevable en vertu de l’article 17 du Statut de Rome20. En effet, la Cour ne peut exercer sa

17 Article 1er du Statut de la CPI : Il est créé une Cour pénale internationale (« la Cour ») en tant qu’institution permanente, qui peut exercer sa compétence à l’égard des personnes pour les crimes les plus graves ayant une portée internationale, au sens du présent Statut. Elle est complémentaire des juridictions pénales nationales. Sa compétence et son fonctionnement sont régis par les dispositions du présent Statut.18 Article 17 du Statut de la CPI : Selon ce texte, la Cour a le pouvoir de décider l’irrecevabilité d’une affaire si : a) l’affaire fait l’objet d’une enquête ou de poursuites de la part d’un État ayant compétence en l’espèce, à moins que cet État n’ait pas la volonté ou soit dans l’incapacité de mener véritablement à bien l’enquête ou les poursuites ; b) l’affaire a fait l’objet d’une enquête de la part d’un État ayant compétence en l’espèce et que cet État a décidé de ne pas poursuivre la personne concernée à moins que, comme dans la première hypothèse, cette décision ne soit l’effet du manque de volonté ou de l’incapacité de l’État de mener véritablement à bien les poursuites ; c) la personne concernée a déjà été jugée pour le comportement faisant l’objet de la plainte ; et d) l’affaire n’est pas suffisamment grave pour que la Cour y donne suite.19 BADINTER Robert, « De Nuremberg à la Haye », Revue de Droit international pénal, Vol. 75, p. 705.20 Article 17 Questions relatives à la recevabilité1. Eu égard au dixième alinéa du préambule et à l’article premier, une affaire est jugée irrecevable par la Cour lorsque :a) L’affaire fait l’objet d’une enquête ou de poursuites de la part d’un État ayant compétence en l’espèce, à moins que cet État n’ait pas la volonté ou soit dans l’incapacité de mener véritablement à bien l’enquête ou les poursuites ;b) L’affaire a fait l’objet d’une enquête de la part d’un État ayant compétence en l’espèce et que cet État a décidé de ne pas poursuivre la personne concernée, à moins que cette décision ne soit l’effet du manque de volonté ou de l’incapacité de l’État de mener véritablement à bien des poursuites ;c) La personne concernée a déjà été jugée pour le comportement faisant l’objet de la plainte, et qu’elle ne peut être jugée par la Cour en vertu de l’article 20, paragraphe 3 ;d) L’affaire n’est pas suffisamment grave pour que la Cour y donne suite.2. Pour déterminer s’il y a manque de volonté de l’État dans un cas d’espèce, la Cour considère l’existence, eu égard aux garanties d’un procès équitable reconnues par le droit international, de l’une ou de plusieurs des circonstances suivantes : a) La procédure a été ou est engagée ou la décision de l’État a été prise dans le dessein de soustraire la personne concernée à sa responsabilité pénale pour les crimes relevant de la compétence de la Cour visés à l’article 5 ;b) La procédure a subi un retard injustifié qui, dans les circonstances, est incompatible avec l’intention de traduire en justice la personne concernée ;

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compétence qu’après avoir statué sur la capacité ou la volonté de l’État à engager des

poursuites. Elle est donc appelée à juger de la qualité du système pénal d’un État partie, tantôt

en concluant sur sa volonté politique de ne pas poursuivre, tantôt en constatant l’effondrement

du système national de justice ou son absence totale d’indépendance.

À Rome, les États-Unis ont voté contre le traité, tout comme la Chine, Israël, la Libye, le

Qatar et le Yémen ; ils l’ont ensuite signé21puis ont « retiré » leur signature22. Les

inquiétudes23 exprimées par les États-Unis sont liées aux questions de compétence et, en

particulier, à ce que les membres de la délégation américaine considéraient comme l’absence

d’obligations de rendre des comptes si un pouvoir discrétionnaire était accordé à un procureur

indépendant. Au cours d’audiences devant le Sénat américain, tenues en même temps que la

conférence, le sénateur Rod Grams a qualifié la CPI de « monstre qu’il faut tuer »24, tandis

que le sénateur John Ashcroft l’a dénoncée comme constituant « une menace claire et

constante pour l’intérêt national des États-Unis »25.

Pour monter l’ampleur des contraintes auxquelles la Cour est soumise et souligner que les

craintes concernant un « procureur malhonnête » ne sont pas fondées, le professeur Adam

Roberts a dressé une liste d’événements, reproduite ci-dessous, dans laquelle il indique, en

supposant la compétence temporelle, s’ils relevaient ou non de la CPI26.

c) La procédure n’a pas été ou n’est pas menée de manière indépendante ou impartiale mais d’une manière qui, dans les circonstances, est incompatible avec l’intention de traduire en justice la personne concernée.3. Pour déterminer s’il y a incapacité de l’État dans un cas d’espèce, la Cour considère si l’État est incapable, en raison de l’effondrement de la totalité ou d’une partie substantielle de son propre appareil judiciaire ou de l’indisponibilité de celui-ci, de se saisir de l’accusé, de réunir les éléments de preuve et les témoignages nécessaires ou de mener autrement à bien la procédure.21 Les États-Unis ont signé le Traité le 31 décembre 2000, le dernier jour où il était possible de le faire. 22 Canada, Bibliothèque du Parlement, La Cour Pénale Internationale, Histoire, Rôle et Situation actuelle, Laura Barnett, Division des affaires juridiques et législatives, p. 13. Révisé le 4 novembre 2008.23 Les États-Unis ont obtenu des accords dits « d’impunités » pour exempter les personnels américains de toute poursuite devant la Cour pénale internationale.24 Déclaration du sénateur Rod Grams devant le Sous-comité sur la création de la cour pénale internationale, Audience sur la création de la CPI, 23 juillet 1998 (traduction). 25 Déclaration du sénateur John Ashcroft devant le Sous-comité sur la création de la cour pénale internationale, Audience sur la création de la CPI, 23 juillet 1998 (traduction). 26ROBERTS Adam, « War Law: The International Criminal Court will not be the threat to the Armed forces that some of the critics have feared», Manchester Guardian, Article of the 4th April 2001. .

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Tableau 1 - Une liste d’événements confrontés à la compétence de la CPI

Le professeur Roberts en conclut que le principe de complémentarité aurait

vraisemblablement privé la CPI de compétence, même dans un cas d’abus aussi extrêmes par

les forces militaires américaines27.

2. Les conditions d’application de la compétence matérielle et personnelle de la CPI.

Selon le Statut de Rome, la Cour a compétence à l’égard des individus qui sont

directement responsables des crimes commis, ainsi qu’à l’égard de ceux qui sont

indirectement responsables, tels que les commandants militaires ou d’autres supérieurs28.

27 Il faut souligner qu’au sujet des massacres de My Lai, les militaires américains ont subi un procès dans leur pays et qu’une déclaration de culpabilité a été prononcée, celle du lieutenant William Calley. Tomas A. Kuehn, Human Wrongs ? The US Takes an Unpopular Stance in Opposing a Strong International Criminal Court, gaining Unlikely Allies in the Process, Pepperdine Law Review, vol. 27, 2000, p. 319.28 Canada, Bibliothèque du Parlement, La Cour Pénale Internationale, Histoire, Rôle et Situation actuelle, Laura Barnett, Division des affaires juridiques et législatives, révisé le 4 novembre 2008.

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La compétence de la Cour, limitée ratione temporis aux infractions commises après

l’entrée en vigueur du Statut de Rome, est restreinte par l’article 12 aux crimes commis sur le

territoire d’un État qui est partie au Statut ou par un ressortissant d’un État partie au Statut.

Les critères territorial et de la personnalité active du Statut de Rome sont fermement

établis en droit international, et on peut difficilement comprendre la critique exprimée par la

délégation américaine, considérant le Statut comme une violation du droit des traités, du fait

qu'il touche aussi les États qui ont choisi de ne pas le ratifier29.

L’article 12 du Statut, qui prévoit la faculté de juger un crime accompli par le citoyen d’un

État non partie dans le territoire d’un État partie, n’a rien d’exceptionnel. Le droit

international établit déjà que chaque fois qu’un crime est commis sur le territoire d’un État, ce

dernier peut choisir de mener une action pénale, y compris dans l’hypothèse où l’auteur est un

étranger. C’est sur la base de ce pouvoir que l'État concerné a la faculté de juger ou

d’extrader, de transférer donc sa souveraineté pénale à un autre État ou à un organisme

international, selon les diverses dispositions en matière de droits de l’homme.

La règle sur l’application de la loi pénale dans l’espace prévue pour la CPI ne présente

donc aucun élément extraordinaire. Le critère territorial et celui de la personnalité active sont

appliqués sur le plan international et national.

Dans le cas de la CPI, le Statut de Rome sélectionne comme critères pour l’exercice de la

compétence le critère territorial et celui de la nationalité de la personne accusée (personnalité

active). En d’autres termes, la compétence de la Cour peut être activée si sont parties au statut

de Rome l’État sur le territoire duquel le crime s’est produit, ou l’État dont la personne

accusée du crime est ressortissante.

De plus, la reconnaissance de la compétence de la Cour par un État qui n’est pas partie au

Statut est possible. À travers une déclaration déposée auprès du Greffier, cet État peut

consentir à ce que la Cour exerce sa compétence à l’égard du crime visé.

Ces règles ne trouvent application que dans les cas où l’activation de la Cour est réalisée

par un État partie ou par le Procureur agissant proprio motu. Au cas où la Cour est saisie par

le Conseil de Sécurité, les limites posées par les conditions préalables ne s’appliquent pas. La

29 CASSESE, « The Statute of the International Criminal Court: Some Preliminary Reflections », European Journal of International Law, Vol. 10, 1999, p. 158.

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Cour sera également compétente, dans ce dernier cas, dans l’hypothèse d’un crime produit sur

le territoire d’un État non partie au Statut par un citoyen d’un autre État non partie.

3. Les sujets légitimés à activer la CPI : les États parties, le Conseil de sécurité, le Procureur international :

Le problème de la définition du mécanisme d’activation de la compétence de la Cour, en

particulier quant au rôle du Conseil de sécurité et à l’autonomie du Procureur international, a

représenté une question centrale dans l’ensemble de la négociation. La dimension symbolique

de cette question est importante30. Ne pas avoir prévu pour la CPI un Procureur indépendant

aurait signifié un recul décisif.

Beaucoup d’efforts ont été nécessaires, pour parvenir à ce que la CPI puisse être activée,

par les États parties, par le Conseil de sécurité et par le Procureur.

a) Les États parties 

Le premier sujet autorisé à activer la compétence de la Cour est représenté par les États

parties au Statut de Rome31.

À la lecture de l’article 14 du Statut de Rome, on peut noter l’existence de deux types de

limitations à ce pouvoir de renvoi de la part d’un État à la Cour.

Subjectivement, il faut noter que tous les États ne sont pas dotés d’un tel pouvoir, mais

seulement les États parties, c’est-à-dire ceux qui ont ratifié le statut de la Cour.

Au sens objectif, par contre, il faut souligner que le statut se réfère au terme générique de

« situation », et non pas à celui spécifique d’« affaire », afin d’éviter toute utilisation alléguée

comme prétexte de l’activation de la compétence de la Cour par un État. Ainsi si les États,

comme le Conseil de sécurité, ont la faculté de renvoyer des situations générales à l’attention

du Procureur international, seul ce dernier a la possibilité de s’intéresser aux affaires

« particulières ».

30 “Trigger mechanisms were discussed in the Committee of the Whole during the first and the second weeks of the Rome Conference. With a few exceptions it appeared to be acceptable to delegations that State Parties could refer situations to the ICC. The roles of the Prosecutor and the Security Council were the key issues remaining here”. V. WILLIAMS, Article 13 - Exercise of jurisdiction, op. cit, p. 348.31 Article 13 a. du Statut de Rome.

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b) Le Conseil de sécurité

Le deuxième sujet auquel le Statut de Rome reconnaît le pouvoir d’activer la compétence

de la Cour est le Conseil de sécurité agissant en vertu du chapitre VII de la Charte des Nations

Unies32, dédié aux « actions en cas de menace contre la paix, de rupture de la paix et d’acte

d’agression ».

Le pouvoir du Conseil de sécurité de renvoyer une situation à l’attention de la Cour a été

justifié sur la base de la liaison qui existe entre la responsabilité du maintien de la paix et la

responsabilité de la répression de crimes souvent accomplis dans des circonstances où une

telle paix est menacée. Il est important « de souligner que la préoccupation qui a justifié la

prévision d’un pouvoir d’interférence en faveur du Conseil était celle de reconnaître à un

organe politique un pouvoir de contrôle sur les activités d’un organe judiciaire. Face à une

possibilité de conflit entre les intérêts de la justice et ceux du maintien de la paix, on a choisi

de sacrifier les premiers et garantir les deuxièmes33 ».

Le Conseil est le seul sujet capable d’activer la compétence de la Cour indépendamment

de toute liaison entre l’État territorial ou la nationalité de l’accusé et le crime. Son rôle sera

donc, en particulier au cours des premières années d’activité de la Cour, d’une importance

capitale.

c) Le Procureur de la Cour pénale internationale

Le dernier sujet autorisé par le Statut à activer la compétence de la CPI est le Procureur,

lorsqu’il agit de son initiative, proprio motu, et cela dans un contexte très précis.

L’autonomie de l’organe d’accusation est soumise à un double contrôle : d’une part, le

contrôle indirect et général exercé par le Conseil de sécurité (qui, sur base de l’article 124 du

Statut, peut suspendre toute activité de la Cour et du Procureur) ; et d’autre part, le contrôle

direct et particulier de la Chambre préliminaire (obligée de se prononcer sur l’autorisation qui

permet au procureur d’agir ex officio). En outre, au cas où le procureur agit proprio motu, les

dispositions en matière de conditions préalables sont de vigueur. La Cour n’a pas

32 Article 13 b. du Statut de Rome. 33 DELLA MORTE Gabriele, « Les frontières de la compétence de la Cour Pénale Internationale : Observations et Critiques », International Review of Penal Law, Vol. 73, p. 48.

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compétence34, lorsque le crime n’a pas été accompli par un ressortissant d’un État partie et/ou

dans le territoire d’un État partie.

On voit donc “the Statute is not a perfect instrument”35. Les apories, les contradictions et

les lacunes relevables dans le corpus iuris élaboré pendant les négociations sont nombreuses.

Même si, dans le cas d’un conflit sur l’interprétation d’une norme, la Cour a la possibilité de

s’exprimer sur sa propre compétence, beaucoup de questions irrésolues restent en suspens.

SECTION 3 : LES FONDEMENTS JURIDIQUES AU MANDAT D’ARRÊT36DÉLIVRÉ À L’ENCONTRE D’OMAR AL BACHIR

Le 31 mars 2005, soit deux mois après la remise du rapport de la Commission Cassese,

une action du Conseil de Sécurité37 vise à établir, par la résolution 1593, un cessez-le-feu

entre les parties du conflit au Darfour et, à travers la saisie de la CPI, l’incrimination de

certains de ses acteurs38. La résolution39 défère au procureur de la CPI « la situation au

Darfour depuis le 1er juillet 2002 ». Elle est adoptée à l’unanimité, moins les quatre

abstentions de l’Algérie, du Brésil, de la Chine et des États-Unis. C’était la première fois que

le Conseil de Sécurité prenait une telle mesure.40 Si l’article 13b du Statut de Rome lui

permet, en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies, d’activer la compétence de

la Cour, le renvoi d’une situation par le Conseil ne signifie pas l’ouverture automatique d’une

enquête. Le Procureur restant, dans les faits, le seul dépositaire du pouvoir de commencer une

poursuite.

1. L’enquête du procureur Luis Moreno Ocampo :

34 Cf. les articles 13 c. et 15.1. du Statut de Rome.35 KIRSCH, président du Committee of the Whole à la conférence plénipotentiaire de Rome, dans Commentary on the Rome Statute of the International Criminal Court, op. cit., p. 27.36 Le mandat d’arrêt vise non seulement Omar AL BACHIR, mais, également Ahmad Muhammad Harun, Ex-Ministre d’État chargé de l’intérieur au sein du Gouvernement soudanais et actuellement Ministre d'État chargé des affaires humanitaires. Ali Muhammad Ali Abd-Al-Rahman, présumé dirigeant de miliciens/Janjaouid, Bahar Idriss Abu Garda, président et coordinateur général des opérations du Front uni de résistance, vice-président d'un mouvement rebelle pour la justice et l'égalité dénommé (JEM) entre janvier 2005 et septembre 2007.37 Prise en application de l’article 13-b du Statut, cette résolution reconnaît la légitimité universelle à la CPI, puisqu’elle autorise pour la première fois son procureur à poursuivre des crimes dans un pays non-partie au Statut, commis par des ressortissants d’un pays non-partie.38 Les parties poursuivies par le mandat d’arrêt de la CPI. 39 Conseil de sécurité, Soixantième année, 5158e séance, Jeudi 31 mars 2005 à New York40 Le 18 septembre 2004, la résolution 1564 du Conseil de sécurité a créé la Commission d’enquête internationale sur le Darfour. Cette commission, composée de cinq membres nommés par le Secrétaire général des Nations Unies était présidée par le professeur Antonio Cassese, italien, ancien juge et premier président du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie. Elle avait pour mission de rendre son rapport dans les trois mois. Ayant commencé ses travaux le 25 octobre 2004, elle les acheva le 25 janvier 2005

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Saisi aux termes de la résolution 1593, et après avoir reçu « 9 caisses de documents et 11

Cdroms », soit plus de 2500 éléments réunis par la Commission Cassese, le bureau du

procureur Luis Moreno Ocampo a effectué à partir de juin 2005 une enquête41 de 20 mois, qui

l’a conduit à effectuer 105 missions dans 18 pays, jusqu’en février 2007. Sa requête a été

déposée devant la CPI le 14 juillet 2008.

Au terme de cette enquête, le Procureur est arrivé à la conclusion qu’ « au Darfour, 35

000 personnes42 ont été tuées directement (…) l’immense majorité d’entre elles étant

originaires des trois groupes ciblés », Four, Masalit et Zaghawa.

Etayée d’éléments de preuve permettant de conclure à l’implication de plusieurs hauts

responsables soudanais pour des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre commis

entre 2003 et 2004, perpétrés lors d’attaques menées conjointement par les forces armées

soudanaises et les milices janjawids, la requête a été présentée aux juges de la Chambre

préliminaire I de la Cour pénale internationale.

Comme le précise la requête du procureur, « un conflit armé existe au Darfour depuis

2003. Le Gouvernement a le droit d’user de la force pour se défendre contre des insurgés.

Cependant, les crimes visés par la présente requête ne constituent pas les dégâts collatéraux

d’une campagne militaire. Tout au long de la période visée par la présente requête, M. Al

Bashir a, de façon spécifique et à dessein, pris pour cible des civils qui ne prenaient part à

aucun conflit dans l’intention de les détruire, en tant que groupe. »

Pour la première fois dans l’histoire, un chef d’État en exercice est visé par l’instance

pénale internationale, avec tous les risques pour les populations locales et les conséquences,

déjà tangibles43, sur le terrain.

S’il n’est pas reproché au président Al-Bachir, à la différence des autres inculpés, d’avoir

« commis physiquement ou directement l’un ou l’autre de ces crimes, sa responsabilité est

mise en cause en raison des fonctions qu’il exerce : tout au long de la période visée par la

présente requête, M. Al Bashir a été le Président de la République du Soudan, exerçant une

autorité souveraine à la fois en droit et en fait. Il est au sommet de la structure hiérarchique

41 Cour pénale internationale, bureau du procureur, fiche de synthèse, situation au Darfour.42 Après les polémiques des dernières années, le chiffre de 35 000 tués de mort violente au cours de la période comprise entre avril 2003 et janvier 2005 est celui sur lequel on s’accorde désormais. Nous reviendrons sur cette dimension conflictuelle.43 Au Darfour, le gouvernement soudanais a prit la décision d’expulser treize ONG étrangères qui opéraient sur le terrain humanitaire en appui aux populations déplacées vivant dans les camps. Cette décision, entre autres fondée sur l’argument selon lequel ces ONG collaboreraient avec la CPI et lui fourniraient des informations au lieu de se consacrer exclusivement à leur mandat, s’est accompagné d’une « volonté » de « soudanisation » de l’aide humanitaire. Argumentée sur le thème de la capacité suffisante des ONG et des services sociaux nationaux, elle a tenté de substituer des associations nationales aux ONG au personnel expatrié.

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de l’État, qu’il dirige personnellement, et assure l’intégration des milices/Janjaouid au sein

de cette structure. C’est lui qui a planifié les crimes allégués. Il exerce un contrôle absolu.44 »

Selon la requête du procureur Luis Moreno Ocampo, le président Al-Bachir a mené une

politique tant civile que militaire, pour lutter, « depuis qu’il a pris le pouvoir en juin 1989 (…)

tant à Khartoum qu’aux confins du Soudan contre des groupes qu’il considère comme des

menaces pour son autorité ». Cette politique, généralisée, s’est étendue à partir de 2003 au

Darfour où le général Al-Bachir « a estimé que les Four, les Masalit et les Zaghawa, en tant

que groupes dominants sur la scène sociale et politique de cette province, constituaient une

telle menace : ils remettaient en cause la mise à l’écart économique et politique de leur

région et des membres de ces trois groupes se sont engagés dans des rébellions armées (…)

M. Al Bashir a décidé de détruire en partie les groupes Four, Masalit et Zaghawa sur la base

de leur appartenance ethnique et a entrepris de le faire. Ses motivations étaient, avant tout,

politiques. Il prenait le prétexte de la "lutte contre l’insurrection". En fait, il visait le

génocide. »

Pour le bureau du Procureur, le président Al-Bachir, et son gouvernement, ont donc mené

sciemment une politique génocidaire au Darfour. C’est une différence essentielle avec les

conclusions de la Commission Cassese, qui, au cours de son enquête, n’avait pas pu établir

cette notion d’« intentionnalité », nécessaire à la qualification de génocide à l’encontre des

responsables soudanais. Luis Moreno Ocampo fonde son argumentation sur l’idée que la

répression au Darfour fut élaborée par Al-Bachir, qui en a contrôlé et dirigé les auteurs et

l’exécution : « la couverture systématique des crimes au travers de déclarations publiques

officielles, constituent la preuve qu’il s’agit d’un plan fondé sur la mobilisation de l’appareil

d’État, y compris les forces armées, les services de renseignements, les services d’information

publique et démocratique et le système judiciaire. »

Outre les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité, le procureur Moreno Ocampo

retient donc l’accusation de crime de génocide à l’encontre du président soudanais. Il la

retient au titre de différents aspects de ce crime, à savoir : le meurtre intentionnel des

membres des groupes ciblés ; le sort réservé aux personnes déplacées ; l’atteinte grave à

l’intégrité mentale des membres des groupes ciblés ; et enfin, la soumission intentionnelle à

des conditions d’existence devant entraîner la destruction physique totale ou partielle d’un

groupe.

44 Cour pénale internationale, situation au Darfour, Soudan, « requête du procureur aux fins de délivrance d’un mandat d’arrêt en vertu de l’article 58 contre Omar Hassan Ahmad AL BASHIR ».

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Les crimes contre l’humanité retenus contre Al-Bachir par le Procureur concernent « des

meurtres, des viols, des déplacements forcés et l’extermination des membres des groupes

ciblés et autres groupes ethniques moins nombreux comme les Tunjur, les Erenga, les Birgid,

les Misseriya Jebel, les Meidob, Dajo et les Birgo. »

L’accusation de crimes de guerre, elle, se fonde essentiellement sur le fait que le

gouvernement a pris part à une campagne militaire menée au Darfour contre les forces armées

rebelles, à l’aide des milices janjawids et que de nombreux pillages et destructions de villes et

villages ont eu lieu dans ce cadre, ce qui, au regard du droit international, est constitutif de

crimes de guerre.

En résumé, « le comportement de M. Al Bashir constitue à la fois un génocide à

l’encontre des ethnies Four, Masalit et Zaghawa, des crimes contre l’humanité et des crimes

de guerre contre une population civile dans la région, y compris les membres des groupes

ciblés. »

2. La décision de la chambre préliminaire et ses suites :

Le 4 mars 2009, la Chambre préliminaire I de la CPI rend deux décisions, une première

décision sur la requête du procureur aux fins de poursuite et une seconde relative au mandat

d’arrêt international. Elle émet un mandat d’arrêt à l’encontre du général Al-Bachir fondé sur

sept chefs d’inculpation : deux pour crimes de guerre et cinq pour crimes contre l’humanité.

En revanche, elle n’a pas retenu le chef de génocide, alors que, dans les attendus de son

mandat d’arrêt, elle estime qu’« il y a des motifs raisonnables de croire : i) qu’Omar Al

Bashir tenait un rôle qui dépassait la coordination de l’élaboration et de la mise en œuvre du

plan commun ; ii) qu’il avait le contrôle total de toutes les branches de l’appareil d’État du

Soudan, notamment des Forces armées soudanaises et de leurs alliés des milices Janjaouid,

des forces de police soudanaises, du Service du renseignement et de la sécurité nationale et

de la Commission d’aide humanitaire ; et iii) qu’il a utilisé ce contrôle pour assurer la mise

en œuvre du plan commun ».

Le 3 février 2010, la Chambre d’appel annule, à l’unanimité, la décision rendue le 4 mars

2009 par la Chambre préliminaire I, « en ce que celle-ci avait décidé de ne pas délivrer de

mandat d’arrêt à raison de la charge de génocide. La Chambre d’appel a demandé à la

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Chambre préliminaire de statuer à nouveau sur la question de savoir si le mandat d’arrêt

devrait être élargi de façon à couvrir cette charge45 ».

La Chambre d’appel s’est prononcée en se basant sur des considérations de procédure,

estimant que les modalités d’administration de la preuve exigées du procureur étaient trop

strictes. Elle ne se prononce pas sur le fond. La question de la réalité d’un génocide au

Darfour reste pendante. Il appartiendra à la Chambre préliminaire, lors du nouvel examen de

l’affaire auquel elle procèdera de se déterminer au vu des éléments de preuves que lui

apportera le Procureur.

Nous reviendrons sur la question sensible que représente la qualification de génocide.

3. Critiques

Il faudra patienter avant de voir Omar Al-Bachir franchir, menotté, les portes de la prison

des criminels de guerre de Scheveningen, en banlieue de La Haye, aux Pays-Bas. La CPI ne

disposant d’aucune force de police, elle doit compter sur la coopération des États parties pour

l’arrêter. C’est cette probable coopération qui restreint aujourd’hui les déplacements

internationaux du président soudanais. La visite d'un chef d'État visé par un mandat d'arrêt

international risque de faire polémique46, dans certains pays.

Pourtant, la décision de la CPI fut l’occasion pour le président soudanais de provoquer

plusieurs fois la juridiction. Le lendemain même de son inculpation, il s’est rendu au Darfour

pour danser devant les caméras de télévision. Les semaines suivantes, il a multiplié ses

voyages, se faisant recevoir avec tous les honneurs par plusieurs chefs d’État arabes amis du

Soudan.

Lors de sa participation au 21ème sommet de la Ligue arabe au Qatar, à Doha, à la fin du

mois de mars 2009, l’organisation lui apporta son soutien, à l’unanimité des participants. Ce

dernier déplacement concluait un mois de mars intense : auparavant, le président Al-Bachir

s’était empressé de se rendre en Érythrée, en Égypte, qui avait tenu à manifester sa solidarité

45 « Affaire Al Bashir, La Chambre d’appel demande à la Chambre préliminaire I de statuer à nouveau sur la charge de génocide » Communiqué de presse du 3 Février 2010, Cour Pénale internationale, Darfour (Soudan) disponible sur le site http://www.icccpi.int.46Le Sommet France-Afrique qui aura lieu entre le 31 Mai et le 1 er Juin, prévu initialement en Égypte, a finalement été déménagé à Nice sur décision commune de Nicolas Sarkozy et de son homologue égyptien Hosni Moubarak pour éviter la présence d'Omar Al-Bachir, poursuivi pour crimes de guerre et contre l'humanité au Darfour. L'Égypte, chargée d'organiser en février ce sommet à Charm el-Cheikh, sur la mer Rouge, avait fait savoir qu'elle ne pouvait pas ne pas inviter Bachir, l'un de ses alliés dans la région. Paris ne pouvait en revanche accepter sa présence à cette traditionnelle grand-messe des relations franco-africaines.

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avec le Soudan, puis finalement en Libye, le 26 mars, à Syrte, où le président en exercice de

l'Union africaine, le colonel Kadhafi, l’avait invité au motif de discuter des initiatives de paix.

Il a dû tout de même renoncer à son voyage en Turquie, à Istanbul, pour une réunion de

l'Organisation de la conférence islamique (OCI).

Schématiquement, les réactions des pays du Sud tournent autour de deux thèmes. La CPI

serait l’instrument d’une justice partielle et partiale, celle de l’Occident contre l’Afrique, dont

les dirigeants ne subissent pas le même traitement, dans la mesure où, seuls, des dirigeants

africains sont mis en cause.

Si le cas du Kenya, où la Chambre préliminaire II a autorisé le Procureur à ouvrir une

enquête de sa propre initiative, peut nourrir ces réserves, il faut atténuer ce propos. Car, parmi

les 5 affaires pendantes devant la CPI, trois États parties au Statut de Rome - l’Ouganda, la

République démocratique du Congo et la République centrafricaine - ont déféré à la Cour des

situations concernant des faits s’étant déroulés sur leur territoire.

Le professeur Antonio Cassese47 a regretté, dans des articles et des interventions dans la

presse, la stratégie du procureur, de demander à la Cour d’émettre un mandat d’arrêt

international public, dans la mesure où cette décision risque de porter atteinte à la crédibilité

d’une Cour incapable de faire appliquer son mandat48. Une stratégie plus discrète mais plus

efficace aurait dû être privilégiée, sur le modèle de celle que les tribunaux antérieurs avaient

mise en œuvre contre d’autres chefs d’État, Milosevic et Taylor.

Pour l’ancien président du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, aucun

résultat pratique ne peut résulter de cette stratégie, eu égard au manque de moyens de la Cour,

au-delà des effets, médiatique, psychologique, ou encore de délégitimation de Al-Bachir.

Pour Jean-Marie Fardeau49, directeur du bureau parisien de Human Rights Watch,

l'émission par la CPI d'un mandat d'arrêt international contre Omar Al-Bachir est en elle-

même un succès, au nom des victimes du Darfour. Si les crimes commis depuis 2003 ne sont

pas jugés et punis, ils sont rendus publics.

D’autres, comme Mahmood Mamdani, pensent que les poursuites à l’encontre d’Al-

Bachir remettent en question la légitimité de la CPI et ne contribueront sans doute pas à

47 CASSESE Antonio, « Giustizia impossibile », La Repubblica, Article du 5 mars 2009..48 « Lorsqu’on n’a pas les moyens de faire respecter ses propres ordres, il serait sage d’agir avec prudence ».49 PROVENZANO Lauranne, « Le mandat d'arrêt contre Omar el-Béchir est une grande satisfaction », publié sur le site www.lexpress.fr le 4 Mars 2009.

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résoudre la crise du Darfour. Pour  Roland Marchal, la démarche du Conseil de Sécurité, en

faisant pression sur le gouvernement, prend « le risque de confondre l'ordre juridique et la

tactique politique50 ».

On peut aussi observer que si l’investigation de la CPI a l'avantage de ne pas être limitée

dans le temps, ni officiellement subordonnée à une volonté politique des chefs d'États, elle

peut présenter une manière d’obstacle à la paix51. En effet, si, comme dans notre cas, le

principal poursuivi est l’un des acteurs « essentiels » au processus de paix : « le risque est

grand qu’il(s) exige(nt) l'impunité contre la cessation des hostilités52 » et « bloque(nt)

davantage le processus de paix53. ». L'enjeu est important, car il en va de l'effet dissuasif de la

CPI et de sa crédibilité54: « les présumés auteurs potentiels de crimes ne craindront plus la CPI

s'ils savent que leur impunité peut être négociée lors du processus de paix... »55.

50 MARCHAL Roland, « Le conflit de toutes les ambivalences », Enjeux Internationaux n°14, 2006, p. 36. 51 GRONO Nick, « The role of the International Criminal Court in peace processes: mutually reinforcing or mutually exclusive? », Crisis Group, Article consulté le 28 November 2006.52 Ibid.53 TUBIANA Paul J, « Le Darfour, un conflit identitaire? », Afrique contemporaine, n°214, 2005. p. 198. 54 "Report of the International Commission of Inquiry on Darfur to the U.N. S.G. " pursuant to Security Council Resolution 1564, www.icc-cpi.int/library/cases/Report_to_UN_on_Darfur.pdf, January 2005, n°627.55 GRONO Nick, « The role of the International Criminal Court in peace processes: mutually reinforcing or mutually exclusive? », Crisis Group, Article consulté le 28 November 2006

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CHAPITRE III : UNE LECTURE RAPIDE DU CONFLIT AU DARFOUR À PARTIR DE 2003

L’actuel conflit a éclaté lorsque le SLA a conduit un assaut réussi contre l’aéroport El

Fashar le 25 avril 2003. Le gouvernement de Khartoum s’est alors divisé entre ceux qui

étaient favorables au processus de paix du Sud-Soudan et ses opposants. Cette frange hostile a

réagi en armant plusieurs milices, les Janjawid. C’est cette situation qui a conduit à l’actuelle

spirale de violence soutenue par l’État soudanais.

Pour comprendre la situation complexe au Darfour, il faudrait prendre en compte

l'histoire, la politique, l’économie, ainsi que le contexte géopolitique de la région. Il faut tenir

compte de facteurs, tels que les influences étrangères, les politiques de l'Égypte, de la Lybie,

du Tchad, de l'Éthiopie, l’importance du pétrole, le rôle de la Chine, de l'Union africaine, les

changements climatiques engendrant des conflits entre populations.

À mon niveau, j’examinerai, très modestement, quelques éléments explicatifs, afin

d’esquisser les différents intérêts en jeu dans le plus grand pays d’Afrique.

Avant toute chose, il est indispensable de pouvoir analyser le conflit ; je le ferai en me

basant sur les enseignements du cours « Mode de résolution des conflits politiques ».56

SECTION 1 : LES ACTEURS DU CONFLITS

Le conflit qui oppose depuis le début de l’année 2003 les rebelles du Darfour aux

forces du gouvernement soudanais et aux milices Janjawids a provoqué l’une des crises

humanitaires les plus dramatiques de cette dernière décennie.

Une conception simpliste et réductrice des choses voudrait que l’on ait d’une part, les

rebelles issus des tribus noires africaines et d'autre part, les Janjawids, présentés comme des

arabes ou alors comme des islamistes. Les choses sont bien plus complexes, comme nous

allons le voir.

56 KABAMBA Bob, « Mode de résolution des conflits politiques », Editions de l’Université de Liège, 2009, p.32.

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Carte 1 – La zone de conflit 57

1. Les rebelles58 du Darfour

Le conflit du Darfour oppose, dans les faits, les forces soudanaises, appuyées par des

milices locales, à différents mouvements rebelles armés, dont les plus importants sont : le

Mouvement de Justice et Egalité (JEM) et le Mouvement de Libération du Soudan59

(SLM/A)60. Leur participation aux accords de paix est indispensable mais trop souvent

suspendue61.

Notons d’emblée que les rebelles ne s'identifient pas à une identité ethnique commune,

bien qu'ils soient majoritairement Fur, Massalit et Zaghawa. C’est leur opposition au

gouvernement de Khartoum qui les rassemble, et leur revendication d’une participation plus

équilibrée au gouvernement de toutes les régions du pays.

57 Carte disponible sur le site http://www1.american.edu/TED/ice/images4/kamcampsmap.gif 58 PRUNIER Gérard., « Darfour, la chronique d'un "génocide ambigu" », Le Monde diplomatique, mars 2007, p. 1659 Le mouvement de libération du Soudan (SLM), la branche politique du mouvement rebelle est associée à une branche militaire, la SLA, l’armée de libération du Soudan. 60 "Report of the International Commission of Inquiry on Darfur to the U.N. S.G. " pursuant to Security Council Resolution 1564, www.icc-cpi.int/library/cases/Report_to_UN_on_Darfur.pdf, January 2005, n°131.61 « Darfour, le Jem suspend sa participation aux pourparlers de paix », Le Nouvel Observateur en ligne, Site consulté le 11 Mai 2010, http://tempsreel.nouvelobs.com.

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Le J.E.M. (Le Mouvement de Justice et d’Égalité)

Le JEM est dirigé par le docteur Khalil Ibrahim Mohamed, ancien ministre du Président

Al Bachir. Selon une personnalité reconnue62 au Darfour, quand le président du JEM « a été

éjecté du pouvoir, il a commencé à dire que le Darfour était marginalisé, mais en fait c’est lui

seul qui était marginalisé63 ».

Le JEM est le groupe rebelle le plus mûr politiquement, notamment en matière de

communication. Il compte en effet parmi ses dirigeants davantage de politiques plus

expérimentés que ceux de la SLM/A64.

C’est un mouvement islamiste, jugé très proche d’Hassan al-Tourabi, que l’on considère

comme la grande figure soudanaise de l’islamisme. Il a accueilli Oussama ben Laden à

Khartoum, et est également le principal artisan du coup d’Etat d’Omar Al Bachir en 1989.

Notons que l’Islam, au Soudan, est largement utilisé comme prétexte, dans un but

politique, pour conforter ou reconquérir le pouvoir. « Très souvent, la lutte idéologique ou/et

religieuse camoufle en réalité des intérêts tout à fait matériels65. »

Dans son programme, le JEM s’oppose à la laïcisation de l'État et préconise des solutions

nationales plutôt que régionales pour résoudre les problèmes politiques du pays.

Le S.L.M. (Mouvement de Libération du Soudan)

Le SLM est le principal mouvement rebelle du Darfour. Il fut fondé en 2001 à Ndjamena

au Tchad à l’initiative en particulier des Zaghawas du Soudan et du Tchad (dont d’importants

responsables tchadiens) et avec le soutien de la Sudan Peoples Liberation Army (SPLA66) de

John Garang67. Le SPLA est une organisation active au Sud-Soudan qui, depuis 1982, mène

62 Lors d’un entretien conduit par TUBIANA J. dans « Le Darfour, un conflit identitaire? », Afrique contemporaine n°214, 2005, p. 18063 Ibid.64 TUBIANA J., « Le Darfour, un conflit identitaire? », Afrique contemporaine n°214, 2005, p. 180. 65 KABAMBA Bob, « Relations Internationales en Afrique », Editions de l’Université de Liège, 2009, p.1066 La SLA s’inspire clairement de la SPLA. On ne peut pas ne pas relever la ressemblance des noms et des programmes politiques des deux organisations.67 John GARANG : Leader de la rébellion sudiste décédé en 2005. John Garang était un homme politique et militaire soudanais, il a fondé l’Armée populaire de libération du Soudan (SPLA) qui a entamé une guerre contre le pouvoir central. Son mouvement a bénéficié des pressions de l’administration américaine sur le gouvernement soudanais après l’élection de George W. Bush.

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une guerre de guérilla dans le Sud avec le soutien des États-Unis. Toutefois le problème du

Darfour n’est pas lié à celui du Sud-Soudan, selon Roland Marchal68.

Le SLM est un mouvement non religieux qui déplore la marginalisation politique et

économique du Darfour et revendique à la fois l'égalité de tous les citoyens, le droit à l'auto-

détermination et un régime laïc, ce qui explique l'impossibilité d'une réunion avec le JEM.

Au Darfour, le mouvement tente de se présenter comme l’interlocuteur obligé des ONG et

des Nations Unies dans les zones qu’il contrôle.

2. Les Janjawids

Le Darfour a connu différents mouvements idéologiques. L’un des premiers, la At-Tajamu

ul-Arabiya, « l’alliance arabe » est à l’origine de la formation d’une première version des

Janjawid, portant déjà ce nom. Ils attaquent les Fur entre 1987 et 1989.

Le recrutement des Janjawids, « hordes à cheval » dans la langue courante, a semble-t-il

été fort varié, mais elles sont essentiellement composées de petites ethnies arabes

défavorisées, d’étrangers...

Pour les spécialistes du Darfour, les visions simplistes qui opposent les arabisés aux non-

arabisés ne tiennent pas. Les Arabes et les non-Arabes du Darfour sont au moins d’accord sur

un point : les Arabes du Darfour sont tout aussi marginalisés que les non-Arabes. Chez les

Arabes comme chez les non-Arabes, on retrouve la revendication de postes de pouvoir

correspondants au poids démographique de leurs ethnies.

Les Arabes seraient même plus marginalisés que les autres ; nomades, alors que d’autres

groupes ont été sédentarisés depuis longtemps, et ont ainsi acquis une stabilité, ils comptent

un très grand pourcentage d’illettrés, et sont très en retard dans de nombreux domaines. Ils

n’ont pas de dirigeants susceptibles de briguer des postes importants. Jusqu’à récemment, ils

ne pensaient même pas à participer au gouvernement.

68 « La guerre au Darfour est-elle vraiment terminée ? » Entretien avec ROLAND MARCHAL, spécialiste de la Corne de l’Afrique, Article consulté le 26 février sur le site www.afrik.com

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C’est, sans doute, cette situation qui explique que certains Arabes aient intégré la chaîne

de commandement gouvernementale, les Janjawids, avec l’espoir d’obtenir une meilleure

représentativité politique et une meilleure redistribution des terres.

C'est avec leur aide que le gouvernement a procédé à une répression massive des rebelles

entre 2003 et 2006, selon les enquêtes de la CPI. En 2007, dans une interview accordée à RFI,

le Procureur de la Cour pénale internationale, Luis Moreno Ocampo a affirmé69 : « Il y a deux

millions et demi de personnes qu'on a forcées à vivre dans des camps. [...] Et maintenant,

elles sont attaquées dans les camps. [...] On autorise les milices Janjawid à encercler les

camps, à arrêter les gens, à violer les femmes qui vivent dans les camps, c'est en fait une

campagne très bien préparée. »

Cette analyse n’est pas partagée par tout le monde. Selon les observations d’un diplomate

occidental : « Les milliers de morts dus aux Janjawids seraient un mythe70. » De Waal, de son

côté, affirme que les forces aériennes soudanaises sont « rarement utilisées » et « qu’il n’y a

pas eu d’offensive à grande échelle du gouvernement en 200771 ».

SECTION 2 : UN CONFLIT ÉCONOMIQUE SOUS COUVERT DE CONFLIT «IDENTITAIRE »

« Toutes les causes possibles de guerre civile qui accablent depuis longtemps le

continent africain semblent s’être donné rendez-vous au Soudan : l’oppression

gouvernementale, la cupidité, la pauvreté, l’ingérence internationale, les clivages religieux et

ethniques sont autant de facteurs qui ont alimenté la violence 72».

Les guerres ont entraîné une sorte de fracture ethnique, qui n’a sans doute jamais été

aussi nette73 qu’aujourd’hui. Un signe fort de cette division est que désormais les non-Arabes

se posent parfois comme « indigènes » ou « africains » par rapport aux Arabes, même si

historiquement, les groupes arabes sont présents au Darfour depuis plusieurs siècles et qu’ils

peuvent aussi être considérés comme « africains ».

69 « Darfour : le cri d’alarme de Moreno Ocampo », Article publié le 08/12/2007 sur le site de Radio France International http://www.rfi.fr. 70 SANDERS Edmund, « Death rate declines in Darfur », Los Angeles Times, Article of Augustus 26, 2007. 71 « In Darfur, From Genocide to Anarchy », Washington Post, 28th August 2007.72 PATEY A. Luke, « A Complex Reality: The Strategic Behaviour of Multinational Oil Corporations and the New Wars in Sudan », Danish Institutes for International Studies, 2006.73 TUBIANA Paul J, « Le Darfour, un conflit identitaire? », Afrique contemporaine, n°214, 2005.

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Le conflit du Darfour a des origines et des causes complexes. Si chaque groupe

ethnique semble avoir son propre regard sur la question, on ne doit cependant pas le ramener

aux seules considérations ethniques, comme on le fait trop souvent.  Au 21e siècle, comme

depuis toujours, la lutte pour les ressources est déterminante.

Le Darfour est une zone géographique nécessaire pour accéder et pour contrôler les

routes de nombreuses ressources. Selon Marc Lavergne74, la guerre au Soudan est une guerre

d’exploitation économique. Le Sud est riche en pétrole, et d’un point de vue agricole. Le

Soudan a longtemps été considéré comme le grenier du monde arabe. Dans les années 60,

nombre de ses surfaces agricoles furent octroyées aux compagnies arabes du Golfe. Et de nos

jours, les grandes compagnies agroindustrielles y investissent de plus en plus en plus.

Plus largement, l'afflux des investissements directs étrangers (IDE) au Soudan a

presque triplé au cours des dernières années. Les stocks d'IDE en termes de PIB se sont accrus

entre 2000 et 2008, notamment dans le pétrole, le coton, l’élevage, la gomme arabique75. Ils

devraient encore croître au cours des prochaines années, si la situation sécuritaire ne se

détériore pas, étant donné les avantages octroyés aux pays investisseurs, principalement la

Chine, le Japon, et l'Arabie Saoudite, comme les exonérations fiscales, le rapatriement facile

des bénéfices par les entreprises étrangères, le développement du marché financier, la

limitation des monopoles de l'État dans les différents secteurs industriels, l'attribution gratuite

des terres aux investisseurs étrangers pour des projets stratégiques et même l'autorisation de

transfert des capitaux étrangers au cas où l'investisseur déciderait de quitter le pays.

74 Directeur de recherche au CNRS, Directeur de 1982 à 1988 du Centre d’études et de documentation universitaire, scientifique et technique (CEDUST) de l’Université de Khartoum. Conseiller politique et juridique à la mise en place de la Mission internationale de cessez-le-feu dans les monts Nouba, dans le sud du Soudan. Membre du Conseil d'administration de Médecins Sans Frontières.75 Le Soudan est le plus gros producteur mondial de gomme arabique. La gomme arabique est utilisée dans l'industrie agro-alimentaire. Son code ingrédient européen est E414.

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Carte 2 - Régions et pays d’origine et de destination des investissements fonciers à finalité agricole réalisés à l’étranger, de 2006 à mai 2009

CNUCED, World Investment Report 2009: Transnational Corporations Agricultural Production and Development, fig. III.14

La Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement relative aux

investissements des compagnies transnationales, en 2009, affirme que « les plus importants

pays en développement d’accueil se situent en Afrique (…) le Soudan figure parmi les

principaux destinataires de l’IDE76. ».

Selon le ministre d'État aux Finances77, Tarek Shalabi, l'investissement étranger

pourrait porter la croissance économique du Soudan vers les 6% en 2010, contre 5%78 en

2009.

Notons que quelques sociétés investissent aussi massivement au Soudan, dont Coca-

Cola. Présente depuis plusieurs décennies en Afrique sahélienne, pour la gomme arabique,

elle accompagne sa présence d’une démarche « caritative » de développement local79.

76 CNUCED, World Investment Report 2009: Transnational Corporations, Agricultural Production and Development, p.47. 77 « Soudan : Le gouvernement veut attirer des investissements étrangers dans le secteur agricole ». Nouvelles Afrique, Article consulté le 02 Février 2010 sur le site http://www.nouvelle-afrique.com. 78 Selon le ministère, 5% mais il s’agirait plutôt d’une croissance à 3,5%. Voir : Nations Unies Conseil économique et social, Aperçu des conditions économiques et sociales en Afrique en 2009, Réunion du Comité d’experts de la troisième réunion annuelle conjointe de la Conférence des ministres de l'économie et des finances de l'Union africaine et de la Conférence des ministres africains des finances, de la planification et du développement économique de la Commission économique pour l'Afrique, Mars 2010, p. 5. 79 La société Coca-Cola Company est la 5ème entreprise (Alimentation et boissons) au monde concernant ses actifs à l’étranger. Source: 2007. CNUCED, World Investment Report 2009: Transnational Corporations, Agricultural Production and Development, tableau III.12.

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Construire des puits pour fixer les populations susceptibles de récolter la sève fait partie de sa

stratégie80. Le but recherché est de diversifier au maximum les zones de production pour se

prémunir d'une pénurie de gomme, dont la récolte est aléatoire. Sans émulsifiant (gomme

arabique), point de boisson gazeuse81.

80 COPNALL James, « Sudan taps into gum Arabic growth », Africa Business Report, BBC World News, Sudan. http://news.bbc.co.uk. 81 MALLET Marc, « Les approches africaines de Coca Cola », Intelligence Economique, Article publié le 10 Mars 2010 sur http://www.Usienouvelle.com.

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Carte 3 – Les groupes ethniques du Darfour

SECTION 3 : LE SOUDAN DANS LA MONDIALITÉ

« La mondialité fait référence à deux situations différentes, la mondialité de certains

lieux stratégiques et la mondialité de certaines puissances82 ». J’aborderai les deux aspects du

concept naturellement.

Le Darfour est une province du Soudan, séparée de la capitale par le très vaste

territoire du Kordofan. Sa superficie est analogue aux plus grands pays d’Europe (496 000

km2). Bordée au sud-ouest par les forêts tropicales de la Centrafrique, au nord-ouest et surtout 82 KABAMBA Bob, « Relations Internationales en Afrique », Editions de l’Université de Liège, 2009, p.16.

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à l’ouest par le désert saharien du Tchad et de la Libye, elle constitue l’une des zones les plus

enclavées d’Afrique, quasiment à équidistance de l’Atlantique, de la Méditerranée et de la

Mer rouge.

Fait décisif, la province marque la frontière avec le frère ennemi, le Tchad, dont elle

subit la pression. Ndjamena tente de s’établir comme une puissance régionale égale à sa

principale rivale, Khartoum. Si les deux pays semblent chercher à normaliser leurs relations,

comme en témoigne le message de félicitation du président Idriss Déby à son homologue

soudanais, Omar Al-Bachir83, après les dernières élections soudanaise, l’histoire nous invite à

la prudence : les relations entre les deux pays sont extrêmement changeantes84.

L’origine et les conséquences des crises que traversent le Darfour et le Tchad sont

étroitement liées à la vaste région où ils s’étendent, du Sahara à l’Afrique centrale et orientale

en passant par le Sahel.

La porosité des 600 kilomètres de la frontière Tchad-Soudan est la cause première de

la propagation du conflit au Darfour, bien que cette région soit moins un théâtre de combats

qu’une zone de transit et de commerce, pour les peuples nomades et pour les factions rebelles

issues des pays voisins. Ainsi les « rebelles tchadiens basés au Darfour ont traversé la région à

plusieurs reprises pour attaquer le Tchad avant de se replier sur leur base au Darfour.85 ». Les

différents protagonistes du conflit tentent de tirer un maximum d’avantages de cette position

stratégique, en se ménageant des bases de part et d’autre de la frontière.

La mondialité du Darfour ne revêt pas seulement une importance stratégique pour le contrôle des routes qui relient le Tchad et le Soudan (et la Libye), elle est également déterminante pour le contrôle des différentes routes d’accès aux ressources86. Ce qui peut expliquer que le ministre français des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, ait proposé d’ouvrir un couloir humanitaire allant du Tchad au Darfour, en juin 2007, un mois après l’élection présidentielle française. Il sera forcé de revenir sur sa proposition et de se contenter de liaisons aériennes supplémentaires entre Ndjamena et le Tchad oriental.

83 Le 26 avril, la commission électorale a annoncé les résultats des élections multipartites qui ont eu lieu au Soudan du 11 au 15 avril. Le président sortant, Omar Al-Bachir, a été réélu, sans surprise et malgré de nombreuses controverses, avec 68,24 % des suffrages.84 JANSZKY Babett et Tim, « Tchad/Soudan : des alliances changeantes », dans l’ouvrage collectif « Pourquoi on meurt au Darfour ?», Revue française de géopolitique, n° 20, 2007/3.. 85 « Small Arms Survey », International Crisis Group, 2007, Article disponible sur le site www.crisisgroup.org 86 Voir chapitre III, SECTION 2 LE PETROLE SOUDANAIS.

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Carte 4 – La frontière entre le Soudan et le Tchad

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Carte 5 – Le Darfour

Darfur Maps and Satellite Imagery, the map is produced by the U.S. Central Intelligence Agency, available on http://www.lib.utexas.edu/maps/sudan.html.

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SECTION 4 : LES DIFFÉRENTES INTERPRÉTATIONS DU CONFLIT

De manière générale, on peut reprocher aux différentes autorités impliquées dans ce

conflit « de s’inscrire constamment dans le temps, apparemment « mondialisé », de l’urgence

et de l’actualité, et de ne pas percevoir le cadre, très spécifique, dans lequel vit encore une

grande partie de la planète 87».

1ère Interprétation

La version généralement retenue du conflit au Darfour est qu’en 2002, les non-Arabes,

fatigués de la marginalisation du Darfour par le pouvoir central, sont entrés en rébellion. Le

gouvernement réagit alors par une répression violente (bombardements aériens et armement

des Janjawids) contre les civils non-arabes, accusés de soutenir les rebelles.

C’est la version défendue par le Procureur de la CPI, selon qui, « les éléments de

preuve de l’Accusation montrent que M. Al Bashir a échafaudé et exécuté un plan visant à

détruire une grande partie des groupes four, Masalit et Zaghawa en raison de leur

appartenance ethnique ».88

Il est vrai que les rebelles prétendent représenter les communautés « africaines » Four,

Zaghāwa, et Massalit et avoir pris les armes pour sortir celles-ci de la marginalisation

politique ou économique où elles se trouvaient. Cette explication ne fait pas l’unanimité. Si

l’on se réfère à Alex de Waal, spécialiste de l’Afrique et directeur du Social Science Research

Council de New York, « pour ce qui est du pur business, les Zaghāwa dépassent tous leurs

concurrents au Darfour ; ils ont réalisé des bénéfices faibles, mais impressionnants pour une

économie qui était censée ne rien rapporter89. » Gérard Prunier90, critique de longue date du

gouvernement de Khartoum, émet de son côté des réserves sur la marginalisation politique 

avancée par les rebelles. Il fait ressortir, par exemple, que l’homme politique, Ahmed Diraige,

gouverneur du Darfour en janvier 1980, est four, comme le président du parlement, alors que

son vice-gouverneur, Mahmud Bashir Jammaa est zaghāwa. Même constat chez Douglas

Johnson : avant 2003, les Four étaient loin d’être marginalisés, ils occupaient les postes les 87 TUBIANA Jérôme, « Le Darfour, un conflit identitaire ? », Afrique contemporaine, n° 214, 2005.88Communiqué de presse, Le Procureur de la CPI engage des poursuites contre le Président du Soudan, Hassan Ahmad AL BASHIR, pour génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre au Darfour, ICC-OTP-20080714-PR341, Situation : Darfour (Soudan).89 DE WAAL Alex, « Tragedy in Darfur: On Understanding and Ending the Horror » Boston Review, vol. 29, no 5, October November 2004. 90 PRUNIER Gérard, Historien et chercheur au CNRS, spécialiste du Soudan et de l’Afrique de l’Est et directeur du Centre français d’études éthiopiennes (Addis-Abeba)

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plus élevés du gouvernement91. Bref, les segments tribaux des Zaghāwa et des Four à la tête

de la rébellion au Darfour ont largement dominé la vie politique et économique de la région.

Le conflit doit être interprété moins en termes de marginalisation régionale que de

combat pour la domination politique à l’échelon national. Ghazi Sulayman, le militant des

droits de l’homme le plus éminent du Soudan et parlementaire d’opposition souligne : « Le

conflit du Darfour n’a rien à voir avec une quelconque marginalisation ou répartition

inégalitaire des richesses. C’est fondamentalement une lutte politique (…)92 »

Dans cette lutte, le JEM est étroitement associé au Congrès National Populaire du Dr.

Hassan al-Turabi93, l’idéologue islamiste, mis à l’écart par l’actuel gouvernement de

Khartoum en 1999.

2ème Interprétation

Au-delà des causes et des raisons, il y a le désastre humanitaire. On a pu parler de

« catastrophe démographique »94. Des centaines de villages détruits ; des milliers et des

milliers de morts, provoqués directement ou indirectement par le conflit ; sans parler des

personnes déplacées à l’intérieur du Soudan ou réfugiées au Tchad. Selon le Darfur

Humanitarian Profile des Nations Unies, publié en juillet 2007, plus de 4 millions de

Darfouriens auraient été touchés par le conflit, dont 2 152 163 de personnes déplacées à

l’intérieur des terres (Internally Displaced Persons)95.

La question du « génocide » au Darfour a fait l’objet de multiples commentaires et

provoqué de nombreux affrontements entre les défenseurs de la thèse génocidaire et ses

opposants. C’est que la définition de « génocide » est en droit une question des plus sensibles.

Si l’on ne peut, malheureusement, pas, nous pencher longuement, dans le cadre de ce travail,

sur ce concept juridique, cela nous éloignerait de notre question de départ, on ne peut pas non

plus renoncer à en énoncer une définition très largement recevable : « l’extrême violence

91 JOHNSON H. Douglas, « The Root Causes of Sudan’s Civil Wars », The International African Institute, 2003, p. 139. 92 « Sudan Islamists use Darfur as Battleground », Reuters, 22 September 2004.93 Voir Chapitre 2, SECTION 1 LES ACTEURS DU CONFLIT, p.22. 94 « Darfur Violence : Demographic Catastrophe Study », Agence France Presse, 1er octobre 2004.95 Darfur Humanitarian Profile, Nations unies, Khartoum, juillet 2007, p. 3.

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dirigée à l’encontre d’une population civile, désignée comme « différente », visant à

l’annihiler sur base de sa « race », ou de son appartenance ethnique ou religieuse ».

L’administration américaine, par la voix de l'ex-secrétaire d'État Colin Powell96, fut la

première à qualifier de « génocide » la tragédie du Darfour. Mais pour de nombreux auteurs

cette qualification ne se justifie pas. On a rapporté des massacres, mais pas des tentatives

d’élimination de tous les membres d’un groupe. Des nombreuses enquêtes menées ressort

l’absence de preuves d’une volonté délibérée de tuer les membres d’un groupe particulier.

Ainsi en janvier 2005, la Commission d’enquête internationale des Nations Unies sur le

Darfour déclarait dans son rapport au Secrétaire général des Nations Unies que s’il y avait eu,

au cours de la guerre au Darfour, de sérieuses violations des droits de l’homme, les

accusations de génocide étaient par contre infondées97. C’est aussi la position adoptée par

l’Union africaine (UA) et l’Union européenne (UE), même si en septembre 2004, le

Parlement Européen déclara98 que la situation au Darfour « équivalait à un génocide99 ».

La qualification américaine de génocide a aussi fait l’objet d’une critique tranchante

de la part de mouvements humanitaires respectés, comme Médecins sans Frontières (MSF),

soit la plus grande organisation sur le terrain100. Son président, le Dr. Jean- Hervé Bradol,

parle d’« opportunisme politique évident101 ».

Le 4 mars 2009, la Chambre préliminaire I avait rendu la décision relative à la requête

de l’accusation aux fins de délivrance d’un mandat d’arrêt à l’encontre d’Omar Hassan

Ahmad Al-Bachir. Elle délivrait un mandat d’arrêt, à raison de crimes contre l’humanité et de

crimes de guerre mais rejetait la requête du Procureur s’agissant du crime de génocide. Le 3

février 2010, la Chambre d’appel a rendu son arrêt concernant l’appel interjeté par le

Procureur. Par cet arrêt, elle annule, à l’unanimité, la décision de ne pas délivrer de mandat

d’arrêt à raison de la charge de génocide, rendue le 4 mars 2009 par la Chambre préliminaire

I.

96 « The US Secretary of State Colin Powell has said the killings in Sudan's Darfur region constitute genocide », British Broadcasting Corporation (BBC), Thursday, September 9th 2004. Article consulté sur le site http://news.bbc.co.uk 97 Report of the International Commission of Inquiry on Darfur to the United Nations Secretary- General, Nations Unies, janvier 2005. 98 Le 17 Septembre 2004, le Parlement européen a voté, par 566 voix pour, 6 contre et 16 abstentions, une résolution appelant les Nations Unies à imposer des sanctions au Soudan, et notamment un embargo sur les armes, et à "mettre fin à l'impunité et à traduire immédiatement en justice ceux qui planifient et qui commettent des crimes contre l'humanité, des crimes de guerre et des violations des droits de l'homme, qui peuvent être analysés comme équivalant à un génocide".99 PRUNIER Gérard, « Darfur The Ambiguous Genocide », London Hurst and Company, 2005.100 «Médecins sans Frontières Challenges US Darfur Genocide Claims », Mediamonitors, Article consulté le 5 octobre 2004 sur le site www.mediamonitors.net. 101 BRADOL Jean-Hervé, no 132, Médecins sans Frontières, Paris, octobre-novembre 2004.

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Le nombre de victimes au Darfour fait l’objet de querelles. Certains journalistes

l’estimaient, en 2007, osciller entre 200 000 et 400 000 (dont les quatre cinquièmes seraient

morts de faim, de maladie ou d'épuisement102).

Entre septembre 2003 et janvier 2005, le CRED103 a évalué, pour cette même période,

le nombre de victime au Darfour à 118 142104. Selon le laboratoire, la violence ne fut pas

l’unique cause de décès, la sécheresse et la désertification jouèrent également un rôle

meurtrier. Dans l’une de ses dernières enquêtes, publiées en 2010 dans la prestigieuse revue

de médecine, « The Lancet », il affirme que « plus de 80% des 300 000 morts survenues

depuis le début du conflit en 2003 seraient dues non aux violences, mais à des maladies 105».

La version largement répandue aujourd’hui dans les médias, basées sur les estimations

de l'ONU, fait état de 300.000 morts et de 2,7 millions de déplacés.

Si l’absence d’analyses « rigoureuses » de la part des médias est dans une large mesure

due à la complexité du problème, on doit aussi remarquer avec De Waal qu’ils favorisent une

lecture alarmiste des conflits, ainsi « le processus de paix (d’Abuja en 2006) n’a jamais été

convenablement couvert106 », pas plus que les négociations de Doha, dont Ban Ki-Moon107 a

salué le bilan plutôt positif, avec les progrès accomplis dans les relations entre le Tchad et le

Soudan et le processus électoral, qui a eu lieu pratiquement sans violence.

Les morts liées aux violences de la guerre civile ont nettement diminué à la fin 2004,

lorsque l’Union Africaine s’est impliquée dans la recherche d’un règlement pacifique du

conflit. Selon M. Jan Eliasson, envoyé du secrétaire général de l’ONU, leur nombre est tombé

à 150 par mois en moyenne entre janvier 2008 et avril 2009 (contre 200 par jour au début des

hostilités). À ses yeux, le Darfour est confronté à un conflit de basse intensité, qui ne relève

plus de l’état d’urgence.

102 HUGEUX V. « Darfour, le malheur au long cours », Le Vif/L'Express, 13 avril 2007, p. 63. 103 Le Centre de recherche épidémiologique sur les catastrophes (en anglais, Center for Research on the Epidemiology of Disasters, CRED), est un laboratoire belge qui évalue le nombre de victimes. 104 GUHA SAPIR Debarati et DEGOMME Olivier, « Darfur: Counting the deaths. Mortality estimates from multiple survey data », Centre for Research on the Epidemiology of Disasters, Bruxelles, 2005. 105 Enquête dirigée par le Dr Olivier Degomme, Centre for Research on the Epidemiology of Disasters, Institute of Health and Society, Université Catholique de Louvain, Brussels, Belgium et publiée dans The Lancet, Vol. 375 January 23, p. 297, “Our findings also suggest that more than 80% of excess deaths were not a result of the violence”, www.thelancet.com,106 DE WAAL Alex, « The book was Closed Too Soon on Peace in Darfur », The Guardian (London), September 29th 2006.107 « Ban salue des progrès vers la paix ces derniers mois », Centre d’actualité des Nations Unies, Darfour, Article lue en ligne le 14 Mai 2010 sur le site http://www.un.org

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Ce qui n’a pas empêché, le 3 février 2010, la Chambre d’appel de la CPI de demander

à la Chambre préliminaire de statuer à nouveau sur la question de savoir si le mandat d’arrêt

devait être élargi de façon à couvrir le crime de génocide108.

Tableau 2 Le nombre de morts et le taux de mortalité brut (Crude Mortality Rate) entre septembre 2003 et janvier 2005

Tableau 3 Estimation des victimes selon les sources108 Communiqué de presse: 03.02.2010 Affaire Al Bashir, « La Chambre d’appel demande à la Chambre préliminaire I de statuer à nouveau sur la charge de génocide » ICC-CPI-20100203-PR494, Affaire : Le Procureur c. Omar Hassan Ahmad Al Bashir Situation : Darfour (Soudan) http://www.icc cpi.int/menus/icc/press%20and%20media/press%20releases/news%20and%20highlights/pr494?lan=fr-FR

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3ème Interprétation :

Le Darfour est-il le premier conflit directement causé par le changement climatique ? C’est la thèse défendue notamment par Ban Ki-moon, le secrétaire général des Nations Unies. « Selon des statistiques des Nations Unies, les pluies y ont diminué de 40 % depuis le début des années 80 », déclare le Secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon. « Auparavant, les nomades vivaient en paix avec les paysans. Mais, à mesure que les pluies ont diminué, les paysans, en 2003, ont protégé leurs terres des troupeaux des nomades. C’est ce qui a déclenché la tragédie d’aujourd’hui.109 »

« En quarante ans, les pluies ont diminué de 16 à 30 % et le climat désertique (moins de 100 mm de précipitations par an) s’est décalé de 109 Ban Ki Moon, « A Climate Culprit in Darfur », the Washington Post, The 17th of June 2007.

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100 km vers le Sud. Ces phénomènes sont désormais considérés comme un symptôme du changement climatique. Les climatologues ont prouvé en particulier que le déclin des précipitations dans la région coïncidait avec une élévation des températures de l’Océan Indien, elle-même due au changement climatique.110 »

Selon, le professeur Kabamba, il semblerait toutefois que le facteur environnementaliste est à nuancer, compte tenu de la tendance actuelle, parfois exagérée, à évoquer des causes écologiques, dans le but de sensibiliser l’opinion publique.

110 Jérôme Tubiana, Darfour-Tchad : s'agit-il de la première guerre du climat ?, Médias et Humanitaire, Article consulté sur le site www.grotius.fr.

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2È PARTIE : LES ACTEURS ET LE TERRITOIRE

CHAPITRE I : UNE MOBILISATION TRANSNATIONALE

SECTION 1 111 LES LIENS ENTRE LES ONG ET LA CPI

1. Les ONG au début du processus.

La création de la CPI s’inscrit probablement dans la construction d’un nouveau modèle de

relations diplomatiques, différent de celui que l’Italie avait étendu aux États européens dès la

Renaissance et de celui de la sécurité collective, apparu après la Première Guerre mondiale112.

On peut en déceler l’esprit lors de quelques négociations de l’après Guerre froide, comme

celles qui aboutirent à la Convention d’Ottawa sur l’interdiction des mines antipersonnel en

1997. Brian Hocking définit ce nouveau modèle, comme une « diplomatie de catalyse », c’est-

à-dire comme une association d’acteurs pluriels tissant entre eux des relations flexibles autour

d’objectifs précis.

En 1995, un Comité préparatoire est chargé de proposer un texte portant sur la création

d’une cour pénale permanente. Il est voté par l’Assemblée Générale des Nations Unies à

travers la résolution 50/46 du 11 décembre 1995.

Le Comité préparatoire ayant prévu la contribution des organisations civiles

« intéressées », une coalition regroupant plus de mille ONG émerge en faveur de la CPI. 113 Ce

« degré élevé d’implication » explique selon Frédéric Ramel114 que « le nombre de soixante

États ait été atteint au printemps 2002 et rende la cour effective à partir du 1er juillet 2002115 »

111 RAMEL Frédéric, « Diplomatie de catalyse et création normative, Le rôle des ONG dans l’émergence de la Cour Pénale Internationale », Annuaire français de relations internationales, 2004, volume 5, p. 878 et s. 112 Sur la définition de ces deux types de diplomatie, cf. WHITE Brian, « What is diplomacy ? », in BAYLIS John, SMITH Steve, « The Globalization of World Politics, An Introduction to International Relations », Oxford University Press, Oxford, 1997, p. 251 et s.113 Rapport du Comité préparatoire pour la création d’une Cour pénale internationale, vol. 1, mars-avril et août 1996, AG, supp. 22, A/51/22, p. 7 et 82. 114 Maître de conférences en Science politique et chercheur au Centre lyonnais d’études de sécurité internationale de défense (CLESID) à l’Université Lyon III - Jean Moulin.115 RAMEL Frédéric, « Diplomatie de catalyse et création normative, Le rôle des ONG dans l’émergence de la Cour Pénale Internationale », Annuaire français de relations internationales, 2004, volume 5.p. 884.

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La diplomatie de « la main tendue » vers les ONG étant de plus en plus pratiquée116, on est

en droit de s’interroger sur leur poids et leur contribution « réelle » dans la formation des

normes internationales. Les analyses divergent. Si les ONG aspirent à devenir des instances

de surveillance, dont l’action pourrait, à long terme, s’apparenter à celle des bourgeois sur les

États monarchiques au 18e siècle117, elles ne représentent pas (du moins jusqu’à présent) des

négociateurs à part entière, pas plus qu’elles n’érodent in fine le rôle central des acteurs

étatiques dans la création des normes internationales. Elles tirent en fait leur force et leur

influence de leur capacité à se « scandaliser118 », d’un processus d’appropriation sociale de

l’action internationale, dont les limites sont soulignées par Patrick Ryfman, excellent

observateur de la réalité et de l’évolution des ONG. Selon lui, « un nouveau basculement se

profilerait dans les rapports entre ONG et États119. Depuis l’intervention militaire américaine

en Irak, il est apparu chez certains décideurs politiques et militaires américains la volonté

d’inclure les ONG dans une vision stratégique globale, découlant du concept d’intégration

civilo-militaire. Dans la gestion des crises et après-crises, les ONG ne constitueraient ainsi

que des éléments d’un dispositif complexe placé sous tutelle gouvernementale 120 ».

Les travaux consacrés depuis plusieurs années à l’analyse et à l’influence de l’opinion

publique sur les processus décisionnels n’aboutissent pas, loin s’en faut, au constat d’une

« dictature de l’opinion 121». Si certaines ONG122 bénéficient d’une image positive, voire

flatteuse, auprès de « l’opinion », elles le doivent probablement à leur compétence en matière

de communication. La relation qui unit les ONG à l’opinion publique « internationale123 »

varierait ainsi d’un conflit à l’autre, en fonction notamment de la capacité de ces ONG à

décrire les conflits et autres situations dans les termes de la « cruauté » et « l’injustice » 124.

116 DEVIN Guillaume, « Les diplomaties de la politique étrangère », in CHARILLON Frédéric, « Politique étrangère. Nouveaux regards », Presses de Sciences Po, Paris, 2002, pp. 226-227. 117 BADIE Bertrand, « La Diplomatie des droits de l’homme. Entre éthique et volonté de puissance », Fayard, Paris, 2002, p. 237 et 278.118 GARRIGOU Alain, » Le Scandale politique comme mobilisation, Action collective et mouvements sociaux », PUF, Paris, 1993, p. 183-191.119 RYFMAN P., « Les ONG, nouveaux acteurs des relations internationales », Questions internationales, n°19, La documentation française, Paris, 2006.120 REVEILLARD Christophe, « Géostratégie des ONG », Géostratégiques n° 16, Mai 2007, p. 46. 121 KABAMBA Bob, « Mode de Résolution des conflits politiques », Les Editions de l’Université de Liège, p.23, 2009. 122 Je tiens à préciser que les ONG visées ici sont celles qui sont particulièrement actives dans le « secteur » de l’humanitaire non gouvernemental.123 L'adjectif " international ", est défini ici dans le sens de "commun à plusieurs États".124 Pour plus d’informations sur ce sujet, voir COHEN Samy, « L'opinion, l'humanitaire et la guerre ». Paris, La documentation française, 1996. GERSTLÉ Jacques, « Ralliement et identification au Président dans les crises internationales, L'individu dans les relations internationales ». Paris : Economica, 1993. LÉTOURNEAU Paul, « La politique extérieure allemande et le conflit de l'ex-Yougoslavie », Relations internationales et stratégie, n°19, automne 1995.

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2. Les ONG  devant la CPI.

Le lien permanent des ONG avec les victimes est l’une des principales raisons qui ont

poussé la CPI à leur accorder une participation formelle aux débats judiciaires.

Considérées comme des « Amici Curiæ » (« amis de la cour »), elles peuvent envoyer

directement des informations à ses différents organes. Elles peuvent, en particulier, adresser

leurs conclusions à n’importe laquelle des Chambres, à l’aide d’un document légal

précisément appelé « Amicus Curiæ ». Elles peuvent aussi s’adresser directement à la Cour

pour représenter des victimes, demander à participer directement aux procédures quand elles

ont elles-mêmes été victimes des crimes commis, ou représenter des victimes qui souhaitent

adresser des informations en rapport avec la décision du Procureur de ne pas enquêter sur une

affaire. Les ONG peuvent également adresser des informations à un gouvernement dont l’État

est partie au traité de Rome, ou même au Conseil de sécurité de l’ONU, et leur demander de

soumettre une affaire à la Cour.

Le statut d’« ami » n’est pas endossé par toutes les ONG125. Ainsi, MSF fit part lors d’une

rencontre en 2003 avec le Procureur126 de la CPI, de son incapacité à s’investir dans un rôle

contraire à sa neutralité statutaire. Ce qui n’empêcha pas, le 4 mars 2009, Omar Al-Bachir, en

réaction au mandat d’arrêt de la CPI, d’expulser la cellule hollandaise et française de MSF

internationale, avec 12 autres ONG humanitaires internationales. Leur nombre au Darfour

s’élevait alors à 85, mais les 13 expulsées comptaient pour plus de la moitié de la capacité des

opérations humanitaires.

Si MSF se veut « apolitique », c’est bien néanmoins un acte jugé « politique » qui

provoqua son l’expulsion127, celle-ci ayant publié des documents à portée accusatrice selon

Khartoum.

MSF Belgique et Espagne sont restés au Darfour, afin de garder un œil sur la situation,

mais leurs espaces d’action s’est considérablement réduit et elles doivent composer avec

125 Amnesty International, Avocats Sans Frontières, Centre for Justice and Reconciliation, CICC, European Law Students Association, Fédération International des Droits de l’Homme, Human Rights First, Human Rights Watch, International Centre for Transitional Justice, International Society for Traumatic Stress Studies, Justicia et Pax, Medical Foundation for the Care of Victims of Torture, Parliamentarians for Global Action, REDRESS, Women’s’ Initiatives for Gender Justice126 Le Procureur Moreno Ocampo aurait affirmé « Les ONG sont mes yeux et mes oreilles », propos rapportés lors de mon entretien réalisé le 25 Janvier 2010 avec Liesbeth Schockaert, Humanitarian Advisor, International Public Law Analysis Unit, General Direction MSF Belgique. 127 La proximité géographique entre MSF Pays-Bas et la CPI basée à La Haye est peut être vue d’un mauvaise œil par Khartoum. Cependant les raisons officielles de l’expulsion des deux entités n’ont jamais réellement pu être précisément déterminées. Les informations obtenues lors de mes entretiens m’ont affirmé qu’un document relatif aux violences commises contre les femmes au Soudan aurait pu être l’une des raisons de cette expulsion.

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l’apparition de plusieurs nouvelles ONG musulmanes, africaines, et arabes, surtout

égyptiennes et libyennes128.

Cette situation n’améliore pas le travail sur le terrain. Les problèmes restent nombreux et

d’ordres divers, administratifs, logistiques, sanitaires, etc.129

SECTION 2 : SAVE DARFUR130UN MOUVEMENT D’INFORMATION ET DE SENSIBILISATION

Comment le conflit du Darfour a-t-il été inscrit à l’« agenda public131 » international ?

Comment expliquer la montée en puissance des mouvements de protestation publique autour

du Darfour ?

Si on doit en croire Mahmood Mamdani132, l’action du mouvement « Save Darfur »

serait décisive. Ce groupe, né en 2004, coalise quelques 185 associations et emploie à plein

temps les services d’une agence de publicité. En combinant les méthodes issues des

mobilisations populaires des années 1960-1970 et le sens aigu du marketing de Madison

Avenue, il a mis sur pied une campagne de communication immense133, qui aurait réussi à

mobiliser par différents moyens quelques 130 millions de personnes. Des personnalités

particulièrement visibles du cinéma et des médias américains contribuent avec beaucoup

d’efficacité à la récolte de millions de dollars.

Bien que simple – voire simpliste – le message du groupe « Save Darfur », « le

gouvernement d’Omar Al-Bachir perpétue un génocide au Darfour depuis 2003 » sera repris

tel quel par le gouvernement américain134. Le Darfour est décrit comme « un village sans

passé, sans politique ou règne le mal ». La campagne repose essentiellement sur la mise en

ligne sur le Web d’atrocités et d’images d’une extrême violence135.

128 La nécessité d’adopter une approche locale culturelle est essentielle afin de bénéficier d’une nouvelle perception. Cet impératif fait l’objet d’un large débat interne chez MSF. Propos recueillis lors de mon entretien réalisé le 25 Janvier 2010 avec Karima Hammadi, Chargé d’Opérations et coordonnatrice des opérations au Soudan. Direction Générale, MSF Belgique.129 Propos recueillis lors de mon entretien réalisé le 25 Janvier 2010 avec Karima Hammadi, Chargé d’Opérations et coordonnatrice des opérations au Soudan. Direction Générale, MSF Belgique.130 Save Darfur est un mouvement regroupant des militants issus d’organisations associatives, militants d’organisations politiques, syndicales et citoyennes. 131 COBB W. Roger, ROSS Jennie-Keith, HOWARD Ross Marc, « Agenda Building as a Comparative Political Process », The American Political Science Review, vol. 70, n° 1, mars 1976. p. 126-138.Pour Cobb, Ross & Ross, l’agenda public concerne les questions qui ont atteint un niveau élevé d’intérêt public et de visibilité dans l’opinion publique ; par contre, l’agenda formel inclut les questions que les décideurs politiques ont formellement accepté de prendre en considération.132 MAMDANI Mahmood, « Sauver le Darfour ? », Manière de Voir : Le Monde diplomatique, N° 108, Décembre, Janvier 2010, p.15 et s. 133 Ibid., p.16. 134 GETZ Arlene, « Packaging a tragedy », Newsweek, New York, 26th October 2007.135 Le site de Save Darfur, www.savedarfur.org

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Le groupe fonctionne, selon Mamdani, comme « la guerre contre le terrorisme ». Les

enjeux réels sont écartés. La violence étant sa propre explication, seule une autre violence

présumée « juste » peut lui répondre.

De façon assez paradoxale, l’action du mouvement produit un impact très fort alors

que son message tend à être suspecté136. Ainsi depuis 2003, les mobilisations les plus

continues dans le monde étudiant et lycéen, aux États-Unis, ont été en faveur du Darfour, en

partie grâce à l’investissement, notamment financier, des « people 137». Sur les 15 millions de

dollars récoltés par « Save Darfur » pas un n’est allé aux victimes. Le mouvement ne se

définit pas comme un « bureau d’aide », mais comme un mouvement qui plaide en faveur du

Darfour.

Pour saisir les enjeux et les questions posés par un mouvement qui, comme celui du

« Save Darfur », invite l’opinion publique à considérer une situation donnée à travers la

surexposition de ses aspects les plus violents et brutaux, il peut être intéressant de rappeler

« la révolution Roumaine »138. Les réactions extrêmes provoquées par son traitement

médiatico-humanitaire et politique sont aujourd’hui très largement considérées comme

disproportionnées par rapport à la réalité de la situation.

La Roumanie139 était – un peu comme l’est le Soudan aujourd’hui – un pays fermé et

secret. Peu de spécialistes et encore moins de citoyens ordinaires en connaissaient les réalités.

Pressés par les événements, des centaines de journalistes se sont retrouvés au cœur d'une

situation confuse et ont dû expliquer en quelques heures – sans le secours des habituels

attachés de presse – à des millions de téléspectateurs ce qui se passait. L'analyse démontre

aujourd’hui qu'ils ont le plus souvent reformulé des rumeurs insistantes, et, plus ou moins

inconsciemment, actualisé de vieux mythes politiques.

Mais en voyant à l’époque les cadavres de Timisoara sur le petit écran140, on ne

pouvait mettre en doute le chiffre de « 60 000 morts », voire de 70 000, qu'aurait provoqués 136 Ainsi le 8 août 2007, Save Darfur a été condamné par la « British Advertising Standards Authority », gardienne de la véracité des publicités, pour une campagne qui affirmait, sans preuves : « En 2003, le président soudanais Omar Al-Bachir (…) a lancé des milices armées brutales pour massacrer des villages entiers de ses propres citoyens. Trois ans plus tard, 400 000 hommes, femmes et enfants innocents avaient été tués. ».137 Parmi les People US figurent George Clooney, Angelina Jolie, Mia Farrow, Mick Jagger, Elton John, Youssen Dur, Brad Pitt, Matt Damon et Don Cheadle. En France, Samuel Le Bihan, Jenifer, Houcine, Mc Solar, PPDA, ... font partie de ceux qui se sont mobilisés pour Save Darfur.138 Lire à ce propos : BRAECKMAN Colette, "Je n'ai rien vu à Timisoara", Le Soir du 27 janvier 1990.139 RAMONET Ignacio, « Mythes et Délires des Médias, Télévision nécrophile », Le Monde Diplomatique, mars 1990.140 Pour plus d’informations au sujet de l’effet des medias en période de crise, Voir GIRARDET Edward, « Public Opinion, the Media, and Humanitarianism » dans G. WEISS Thomas and MINEAR Larry, « Humanitarianism Across Borders: Sustaining Civilians in Times of War », Boulder & London: Lynne Rienner Publisher, 1993. Voir également « The CNN Factor » également appelée la politique étrangère en temps réel est une analyse de l’interaction qui existe entre le reportage médiatique et la politique étrangère.

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en quelques jours l'insurrection roumaine. Les images de ce charnier donnaient du crédit aux

affirmations les plus approximatives141.

La manipulation des opinions publiques n’est pas neuve, elle est probablement aussi

vieille que la science politique elle-même142. Toutefois, sachant qu’elles peuvent « avoir une

influence sur l’exécution d’une politique étrangère143 », il faut rester vigilant sur la nature des

campagnes internationales pour des causes « morales et universelles » menées par les ONG.

Celles-ci ont pour objectif, plus ou moins déclaré et immédiat, de mobiliser les opinions

publiques nationales et par un effet de boomerang de se renforcer sur la scène internationale.

Quand un pays est critiqué par un mouvement d'opinion international, il risque plus

facilement de céder à cette forme de « lobbying citoyen ».

141 On sait, aujourd'hui, que le nombre des morts - y compris les partisans de Ceausescu - ne dépasse pas 700 ; et qu'à Timisoara, il est inférieur à 100, Le Monde du 14 février 1990.142 KABAMBA Bob, « Mode de Résolution des conflits politiques », Les Editions de l’Université de Liège, p.24, 2009. « L’opinion publique peut être manipulée, conditionnée, trompée, elle subit l’effet de l’émotion, de la peur ou de l’erreur, la pression du conformisme, de la haine, de l’enthousiasme. Elle est facteur d’opportunité plus que de légitimité ; d’excès plus que de prudence et de modération ». 143 Ibid.

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CHAPITRE II : L’ACTION DE L'ONU DANS LE CONFLIT DU DARFOUR

SECTION 1 : L’ONU AU DARFOUR

- Tableau 3 : Une chronologie de l’ONU au Darfour depuis 2004.

LE CONFLIT DU DARFOUR SOUS L’EGIDE DE L’ONU

Le 18 septembre 2004 : Adoption de la résolution 1564, le Conseil de sécurité crée la Commission d’enquête internationale sur le Darfour pour déterminer si un génocide a été commis au Darfour.

Le 25 janvier 2005 : Remise du rapport de la Commission internationale d’enquête Cassese sur le Darfour. Ayant commencé ses travaux le 25 octobre 2004, elle avait pour mission de rendre son rapport dans les trois mois.

Le 31 mars 2005 : Adoption de la résolution 1593 : le Conseil de sécurité défère « la situation au Darfour » au procureur de la CPI. Permettant à la CPI de se saisir de ces crimes.

Le 31 août 2006 : Adoption de la résolution 1706 par le Conseil de sécurité des Nations Unies. Crispation des relations ONU-Soudan. La résolution 1706 du Conseil de sécurité adoptée fin août autorise le déploiement dans la région du Darfour d'une force des Nations Unies, qui pourra compter jusqu'à 17 300 soldats et qui sera chargée de relayer la mission de l'UA, pour soutenir l'application de l'accord de paix d’Abuja, invitant le gouvernement du Soudan à consentir à un tel déploiement. Cette résolution, parrainée notamment par les États-Unis et le Royaume-Uni, a été adoptée par 12 voix pour et 3 abstentions - Chine, Russie, Qatar.

Le 28 décembre 2006 : Le Soudan accepte avec beaucoup de difficultés le déploiement d’une force d’interposition ONU – Union africaine au Darfour.

Le 27 février 2007 : Inculpation d'Ahmed Haroun et d'Ali Kosheib par la CPI pour crimes contre l'humanité et crimes de guerre au Darfour.

Le 10 avril 2007 : Accord entre le Soudan, l'ONU et l'UA sur le déploiement des Casques bleus.

Le 12 juin 2007 : Suite à une pression internationale de plus en plus forte, le gouvernement soudanais a accepté les propositions de l'UA et de l'ONU concernant la MINUAD (Mission des Nations Unies et de l’Union africaine au Darfour).

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Le 31 juillet 2007 : Adoption de la Résolution 1769, permettant le déploiement de la force conjointe ONU-UA, MINUAD, au Darfour. L'envoi de la mission de paix MINUAD, qui remplacera la MUAS (Mission Union Africaine Soudan Darfour) à la fin 2007.

Le 31 décembre 2007 : La MINUAD prend le relais de la MUAS.

Le 14 juillet 2008 : Requête du procureur Luis Moreno Ocampo pour un mandat d'arrêt international contre le président Omar Al-Bachir.

Le 4 mars 2009 : Inculpation du président Al-Bachir de crimes de guerre et crimes contre l’humanité ; mandat d’arrêt international.

Toutes ces initiatives ont probablement encore plus fragilisé des possibilités de

manœuvres diplomatiques relatives au dossier Darfour, déjà très « limitées » en 2004144. En

développant en même temps une action de maintien de la paix et une action judiciaire, les

institutions internationales interviennent sur deux fronts, et se trouvent de la sorte engagées et

exposées à de nouveaux risques.

Parmi les pièces les plus importantes du conflit et les plus controversées figurent les

résolutions 1593, 1706 et 1769.

La résolution 1706 s’inscrit dans le cadre de très fortes tensions avec Khartoum. Les

promoteurs de la transition vers l’ONU souhaitent que l’UA reconnaisse son échec dans la

gestion du conflit et demande elle-même à passer le relais. La résolution est alors imposée

sans négociation145, sous la pression du gouvernement américain, qui, en pleine période

électorale146, doit montrer sa fermeté à son opinion publique, après avoir lui-même qualifié la

situation de génocide. Le gouvernement soudanais se braque. Le 16 novembre 2006, les

élections américaines jouées, les parties « externes » au conflit conviennent, afin de détendre

ces relations critiques, de la nécessité d’« enterrer » cette résolution 1706 et de définir les

voies d’un nouvel accord de paix et d’une opération « hybride » ONU/UA au Darfour.

Soutenir cette présence étrangère ne fut pas facile pour les Soudanais. Pour certains, leur

144DELETROZ Alain, « Au Darfour, la diplomatie limitée », Article consulté, sur le site www.crisisgroup.org, le 30 Juillet 2004.145AMBROSETTI David, « Urgences et normalités de gestionnaires face aux violences des autres, l’ONU et le Soudan », Le Seuil, Actes de la recherche en sciences sociales, 2008, p. 92.146Le 14 Septembre 2006, Centre d’actualité des Nations Unies, « George Clooney et Elie Wiesel lancent un appel pour une intervention au Darfour sans attendre le consentement du Soudan » : « N'attendez pas l'invitation ou le consentement du Soudan. S'il le donne tant mieux. Si non, allez-y quand même. Les criminels tortionnaires et les assassins n'attendent pas. Arrêtez-les. C'est que vous demande la Charte de Nations Unies. Intervenir. Sauver des vies », a déclaré Elie Wiesel, accompagné de Georges Clooney, lors d'une réunion informelle du Conseil de sécurité, organisée à l'initiative de l'ambassadeur des États-Unis John Bolton. Propos recueillis sur le site : http://www.un.org/apps/newsFr/storyFAr.asp?NewsID=12940&Cr=soudan&Cr1=darfour&Kw1=clooney&Kw2=&Kw3=

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gouvernement aurait « géré d’une façon catastrophique et disproportionnée la situation au

Darfour »147.

Quelques mois après la mise sur pied effective de la résolution 1769 (MINUAD), la

CPI décide de se saisir des crimes commis au Darfour, comme l’y autorise la résolution 1593.

Ce qui n’enchanta pas toutes les instances des Nations Unies, malgré la dynamique onusienne.

L’ancien président de l’Assemblée Générale des Nations Unies, Miguel d’Escoto

Brockmann148, « très préoccupé par la manipulation de la justice », déclara être désolé de cette

décision, la pensant plus « motivée par des motivations politiques que réellement par le désir

de faire avancer la cause de la justice dans le monde (...) ».

Carte 6 : La MINUAD (Mission des Nations Unies et de l’Union Africaine au Darfour)

147 Selon un entretien mené en décembre 2006 avec un professeur de sciences politiques (l’anonymat constitue encore le meilleur moyen d’éviter les représailles du Gouvernement) à l’université de Khartoum. Entretien paru dans AMBROSETTI David, « Urgences et normalités de gestionnaires face aux violences « des autres », l’ONU et le Soudan », Le Seuil, Actes de la recherche en sciences sociales, 2008, p. 94.148 CATTORI Silvia, Journaliste suisse indépendante, « Le combat de Miguel d’Escoto Brockmann à l’ONU, la responsabilité de protéger : une façade légale pour légitimer l’ingérence ? », Article consulté sur le site http://www.silviacattori.net/article967.html

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SECTION 2 : LE CONSEIL DE SÉCURITÉ ET LA SITUATION AU DARFOUR

La relation entre la CPI et le Conseil de Sécurité est étroite, d’une part parce que, bien

que la CPI soit une institution juridique indépendante, le Statut de Rome reconnaît un rôle

spécifique au Conseil de Sécurité. D’autre part, le Conseil de Sécurité discute régulièrement

des questions et des thèmes pertinents au mandat des activités de la Cour149.

Le rôle du Conseil de Sécurité au Soudan peut être analysé sous l’angle des relations

d’échanges politiques que tissent, reproduisent ou rompent entre eux ses membres

permanents. Un rôle fondamental revient à deux de ces membres permanents, les Etats Unis et

la Chine, dont la situation dans cette affaire est particulièrement inconfortable, pour des

raisons diamétralement opposées.

Alors que la Chine rechigne à blâmer un régime avec lequel elle entretient des

relations soutenues, les Etats Unis, de leur côté, refusent de coopérer avec la CPI, dont ils

n’ont même pas ratifié le Statut. Les objections de l’administration américaine à l’encontre de

cette institution concernent essentiellement deux questions : premièrement, l’indépendance du

procureur ; deuxièmement, le fait que la CPI puisse poursuivre des ressortissants américains,

même si les Etats-Unis ne sont pas parties à la CPI. Pour contrer cette éventualité, ils ont

entrepris, sur le plan bilatéral, une série de démarches avec des Etats parties visant à conclure

des«  accords bilatéraux de non-poursuite »150. Ces « Accords de l’article 98 », ratifiés par 15

Etats en 2009, obligent les Etats signataires à ne pas remettre entre les mains de la Cour des

citoyens américains ou toute personne travaillant ou ayant travaillé pour le gouvernement

américain, sans égards pour sa nationalité151.

Pareille démarche ne laisse pas indifférent. Sans même évoquer les juristes

européens152, de nombreux experts américains en droit international ont reproché à leur pays

de prendre de plus en plus de liberté avec leurs obligations internationales. En fonction de

leurs seuls intérêts, ils bafouent le droit, l’ignorent, le manipulent, ou l’invoquent.

A cette relation plus que difficile avec la CPI, il faut ajouter, pour compliquer un peu

plus les choses, que les relations entre le Soudan et les Etats-Unis n’ont jamais été au beau

149 Une Cour mondiale soutenue dans le monde entier, L\'ONU, la CPI et le Conseil de sécurité Article consulté sur le site, http://www.iccnow.org/?mod=sc&lang=fr 150 Sur base de l’article 98 du Statut de Rome. 151 KABAMBA Bob, « Mode de Résolution des Conflits Politiques », Editions de l’Université de Liège, 2009, p. 77. 152 BUHLER Pierre, « L’Amérique et le monde », Commentaire, n° 107, Automne 2004.

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fixe. Le pays est présenté dans le « discours sécuritaire » américain153 comme une zone

terroriste, un sanctuaire pour les extrémistes.

En Novembre 1997, ils décrétaient un embargo contre lui154 ; en août 1998, les

attentats contre les ambassades américaines à Nairobi et Dar-es-Salam déclenchent une

attaque de missiles de croisière contre des camps d’entraînement d’Al Qaida au Soudan et

contre une usine pharmaceutique soupçonnée - à tort - de servir à la confection d’armes

chimiques. Selon le département d’Etat à la défense, « la nébuleuse » augmenterait son

influence dans le Nord et dans l’Est du continent155.

Malgré les espoirs que son élection avait soulevés, l’analyse de la situation n’a pas

changé significativement avec Barack Obama, qui répondit récemment à la question d’un

internaute : « La situation au Soudan nous brise le cœur, mais elle est aussi extrêmement

complexe...Malheureusement, à cause du génocide qui s'est perpétré auparavant, beaucoup de

villages sont aujourd'hui détruits. Les États-Unis continuent de faire pression sur les autorités

soudanaises. Si elles ne se montrent pas coopératives, nous serons alors en droit de conclure

que ce type d'approche ne donne pas les résultats voulus et que nous devons appliquer des

pressions accrues afin d'atteindre nos objectifs. 156»

De son côté, la Chine est souvent présentée comme l’alliée du régime soudanais,

qu’elle fournit en armes. Principale destination des exportations de pétrole du Soudan,

« l’usine du monde », qui participe activement à une large gamme de projets d’infrastructures

industrielles, civiles et urbaines, au Soudan, et en Afrique plus généralement, à la différence

du fonds monétaire international, épaulé par les États-Unis, n’impose pas aux gouvernements

africains qu’ils s’inscrivent dans une logique de « bonne gouvernance » avant de leur

accorder des prêts ou des financements.

Elle évite également les références habituelles aux droits de l’homme faites par

l’Occident. Plusieurs fois, elle s’est opposée aux propositions américaines et britanniques

dirigées contre le régime soudanais. Si elle a surpris beaucoup d’observateurs internationaux

153 United States Africa Command, Posture Statement, Printed March 2009 by United States Africa Command, p.7. 154 Embargo économique complet ; Les transactions financières entre les Etats-Unis et le Soudan sont interdites ;Les avoirs gouvernementaux soudanais aux Etats-Unis sont gelés ; sauf exceptions (produits d'information, nourriture, vêtements, médicaments ...), Les importations américaines en provenance du Soudan et les exportations américaines à destination du Soudan, directes ou indirectes, sont soumises à licence. Les sanctions économiques contre le Soudan ont été mises en place en 1997, par l’Executive Order présidentiel 13067. Elles sont détaillées dans les Sudanese Sanctions Regulations (SSR), elles-mêmes codifiées sous le Titre 31, Partie 538 de l’U.S. Code of Federal Regulations.155 La Somalie, pays frontalier, pays « refuge » des pirates est également un espace de mondialité à contrôler.156 Le Soudan, préoccupation prioritaire citée par le président Obama sur You Tube, Article consulté sur le site « Bureau des programmes d'information internationale du département d'Etat américain », Site Internet www.america.gov/fr/

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en levant son véto aux Nations Unies, lors de l’adoption des résolutions 1593, 1706, et surtout

1769, certains diplomates font remarquer que dans ce dernier cas, une résolution plus «

conciliatoire », permettant le déploiement de la MINUAD au Darfour fut adoptée afin que la

Chine ne s’y oppose pas157.

Ces quelques faits mettent en évidence les divergences d’intérêts et de stratégies des

politiques chinoises et américaines au Soudan.

SECTION 3:LA CHINE AU SOUDAN : DES EFFORTS DE PACIFICATION (OMP) OU DES STRATÉGIES ÉCONOMIQUES ?

Le regain d'intérêt de Pékin pour l'ONU tombe à point nommé, selon Adam Segal,

spécialiste du dossier au centre de recherche américain, Council on Foreign Relations, ou

selon Alain Le Roy, le chef des opérations de maintien de la paix de l'ONU, qui loue «  le

travail remarquable » des casques bleus chinois, souvent mieux disciplinés et entraînés que la

moyenne.

Il est vrai que l’ONU risque d'être submergée par les demandes. Les 115 000

personnes qu’elle déploie, principalement en Afrique, suffisent à peine à mener à bien ses

18 missions. Et elle ne peut guère compter sur la participation des pays occidentaux, très

impliqués en Afghanistan ou dans les Balkans, sous l'égide de l'OTAN.

Dans ce contexte, selon un rapport du centre de réflexion international, Crisis

Group158, la Chine peut déployer « précisément le type de casques bleus dont les missions de

l'ONU manquent » et apporter « un soutien politique inestimable » en faisant jouer sa

proximité avec certains régimes, comme celui du Soudan, qu'elle a pressé d'accepter une

mission de l'ONU.

Depuis la mort de casques bleus belges au Rwanda en 1994, et de marines américains

en Somalie en 1993, si l’on excepte les Britanniques en Sierra Leone, et les Français,

notamment en Côte d’Ivoire, les Occidentaux ne se bousculent pas pour intervenir sur le

continent noir159. Ils ont laissé un vide que s'apprêtent à combler la Chine et d’autres pays

asiatiques. Cet engagement répond à des motivations communes et à des intérêts politiques

157 Selon certains spécialistes, la Chine aurait appuyé l’intervention de l’ONU, pour éviter que les Jeux olympiques de Pékin de 2008 ne deviennent la cible de manifestants.158 International Crisis Group, “China’s growing Role in UN Peacekeeping”, Asia Report n°166, 17 avril 2009 : http://www.crisisgroup.org/home/index.cfm?id=606 159 LEYMARIE Philippe, « En Afrique, une nouvelle génération de chiens de guerre », le Monde Diplomatique, Novembre 2004.

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propres aux principaux contributeurs (Inde, Pakistan), sans négliger le positionnement

particulier de la Chine, dont la participation aux OMP a augmenté de 2087% depuis 2001160.

Toutefois, la contribution de la plus grosse armée du monde reste modeste, au regard

de son potentiel. Le 31 janvier 2008, sur base des chiffres publiés par les Nations Unies161,

seuls 143 membres de l’UNAMID étaient chinois ; au 31 décembre 2009, ils sont 324. Si la

Chine a plus que doublé sa contribution162, elle ne figure qu’au 15ème rang des pays

contributeurs en troupes, loin derrière le Pakistan, l'Inde, le Bangladesh ou le Nigeria, et elle

ne paye que 3 % des 7 milliards de dollars (5,3 milliards d'euros) annuels alloués aux

opérations de maintien de la paix, contre 26 % pour Washington, 7,8 % pour Londres et 7,4 %

pour Paris.

Par ailleurs, elle ne fournit pas les troupes de combat ou les moyens aériens qui

manquent cruellement à l'ONU en République démocratique du Congo, au Darfour ou au

Tchad, préférant déployer des unités non combattantes (police ou génie), ainsi que des

moyens médicaux.

Comme le remarque, M. Le Roy, les chinois (…) montrent plus d'enthousiasme du

côté du ministère des Affaires étrangères que de celui de la Défense 163». Leur engagement

dans une opération de maintien de la paix au Darfour est une manière de soigner leur image

sur la scène internationale et de développer leur influence sur le continent africain. La Chine

s'offre ainsi, selon Richard Gowan, chercheur au Center on International Cooperation, une

publicité facile et bon marché pour maintenir de bonnes relations avec l'Afrique et contrer les

inquiétudes qu’elle fait naître chez certains observateurs.

La crise du Darfour met en évidence l’ingéniosité politique et économique de Pékin,

qui « utilise (…) tous les ressorts possibles, politiques, militaires, économiques et culturels,

pour répondre à son principal objectif : sécuriser et pérenniser sa forte croissance. » 164 On ne

doit pas s’y tromper, si la République Populaire propose officiellement à l’Afrique une

stratégie « gagnant-gagnant», son implantation se révèle très similaire aux stratégies

160 ESTEBAN Antoine, « Analyse des conflits et construction de la paix », Institut d’Etudes Politiques de Lille, 2009. Article disponible sur le site www.operationspaix.net 161 UN Mission's Summary detailed by Country, Monthly Summary of Contributors of Military and Civilian Police Personnel 2006 – 2009. 162 Entre le 31 Janvier 2006 et le 31 Décembre 2009, la chine est passé de 1060 membres onusien à 2136 membres. Ranking of Military and Police Contributions to UN Operations, Monthly Summary of Contributors of Military and Civilian Police Personnel 2006 – 2009. 163 BOLOPION Philippe, « La Chine s'affirme dans les opérations de maintien de la paix de l'ONU », Le Monde, International, jeudi 30 avril 2009, p. 6.164 CAUSSIEU Alain, DEMAILLY Sébastien, DETILLEUX Guillaume, DEPOIRE Matthieu, Peigné Christophe, Travaux réalisés sous la direction de HARBULOT Christian, « Crise du Darfour, Indice révélateur de la politique d’accroissement de puissance de la Chine en Afrique », Ecole de guerre économique, Décembre 2007, p. 14.

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d’expansion des anciennes puissances coloniales. Les dirigeants de certains Etats africains

profitent de la manne financière des chinois mais les retombées positives pour les populations

sont minces.

La présence de la Chine au Darfour, et en Afrique globalement, met en lumière quatre

enseignements165. Premièrement, elle peut différer et amortir, voire contrecarrer des pressions

internationales, à travers son appui politique, économique et militaire. Deuxièmement, elle

adopte une stratégie à moyen et long terme qui lui permet de s’installer dans des secteurs

délaissés par les entreprises occidentales. Troisièmement, sa stratégie s’appuie sur une logique

de construction d’infrastructures et d’exploitation des matières premières. Enfin, les appuis

financiers chinois favorisent à terme une diversification des activités de ses entreprises.

« Pendant longtemps, la Chine est restée dans sa toile comme une araignée qui ne

bougeait pas, sauf sur la question de Taïwan 166», estime Elisabeth Lindenmayer, ancienne

collaboratrice de Kofi Annan, aujourd’hui, « elle est devenue un membre du Conseil de

Sécurité qui compte 167».

165 COUTURE Ulric, « Analyse de la participation chinoise aux opérations de maintien de la paix, Etudes selon le postulat libéral, constructiviste et réaliste », Université du Québec à Montréal, Janvier 2008. 166 BOLOPION Philippe, « La chine s’affirme dans les opérations de maintien de la paix », 2009. Article paru dans le journal Le Monde du 30 Avril 2009, p.6. 167 Ibid.

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CHAPITRE III : UN ELEMENT CRUCIAL : LES RICHESSES D’UNE TERRE  

SECTION 1 : LE SOUDAN, ENTRE CROISSANCE ET SOUS- DÉVELOPPEMENT168

Le Soudan est un pays immense, le plus grand d’Afrique. Peu peuplé, 40 millions

d’habitants en 2009, soit une densité de 15 hab/km2,  il ne subit pas de pressions

démographiques ; de nombreux espaces sont même encore en réserve, malgré des zones

désertiques. C’est aussi un pays pauvre. L’organisation des Nations Unies le classe parmi les

pays les moins avancés (PMA) en se basant sur les critères suivants169 :

- Faible revenu, mesuré par le RNB/hab./an (moyenne sur 3 ans), inférieur à 750 $ ;

- Insuffisance des ressources humaines, mesurée par l’indice du capital humain, qui se fonde sur plusieurs indicateurs : malnutrition, santé, scolarisation et alphabétisation ;

- Vulnérabilité économique, mesurée par l’indice de vulnérabilité économique fondé également sur plusieurs indicateurs : catastrophes naturelles, crises commerciales, exposition aux crises, faible dimension économique et éloignement économique.

168 GALLARDO S., MIONE F., « Le Soudan, entre mondialisation, développement et puissances », Groupe de Développement de Géographie de l’IUFM d’Aix-Marseille. Conférence tenue le 19 novembre 2008.169 Définition, critères utilisés et liste des PMA disponibles sur le site de la CNUCED à l’adresse suivante : http://www.unctad.org/Templates/Page.asp?intItemID=3618&lang=1

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Tableau 4   : Quelques chiffres récents relatif au Soudan

Sur base de ces chiffres et de ces critères, le Soudan est bien un PMA. Cependant,

grâce au développement rapide de son industrie pétrolière, il affiche le taux de croissance

économique le plus élevé d’Afrique170. Son économie a connu une expansion de 7,6% en

2008171. Le chiffre de 3,5% en 2009, principalement dû à la chute des apports d’IDE et à la

faible performance du secteur du bâtiment, ne remet pas en cause les nombreux indices d’un

développement rapide : lancement de grands projets, notamment la construction d’un barrage

au nord de la ville de Khartoum sur le Nil, nouvelles autoroutes à quatre voies, centres

commerciaux modernes, restaurants, stations service. Les hôtels de luxe poussent comme des

champignons. Khartoum, la capitale, est une agglomération en chantier : un nouvel aéroport

est envisagé, le centre ville se modernise...172

Mais c’est surtout le projet architectural gigantesque en cours de construction au

confluent du Nil blanc et du Nil bleu, Al Mogran, qui symbolise le renouveau soudanais. Il

170 Programme des Nations Unies pour l’environnement, Rapport de synthèse, Évaluation environnementale post-conflit du Soudan, p.4. http://postconflict.unep.ch/publications/UNEP_Sudan_synthesis_F.pdf 171 Nations Unies Conseil économique et social, Aperçu des conditions économiques et sociales en Afrique en 2009, Réunion du Comité d’experts de la troisième réunion annuelle conjointe de la Conférence des ministres de l'économie et des finances de l'Union africaine et de la Conférence des ministres africains des finances, de la planification et du développement économique de la Commission économique pour l'Afrique, Mars 2010, p. 5. 172 GALLARDO S., MIONE F., « Le Soudan, entre mondialisation, développement et puissances », Groupe de Développement de Géographie de l’IUFM d’Aix-Marseille. Conférence tenue le 19 novembre 2008.

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s’agit de créer un Central Business District (CBD) voué à devenir un des centres d’affaires les

plus importants d’Afrique de l’Est. Ce projet, développé par l’Etat soudanais et soutenu par

des compagnies des Emirats et de Malaisie, n’est pas sans rappeler les chantiers de Dubaï173.

Le Soudan construit aussi plusieurs barrages. Débutés en janvier 2003, ils devraient

être achevés avant 2013. Ils permettront, notamment, l’irrigation de nouvelles terres et donc le

développement d’une agriculture d’exportation. Le Koweït, l’Arabie Saoudite, les Emirats

Arabes Unis et la Chine financent les travaux.

Le développement au Soudan dépend de son insertion dans la mondialisation et des

investisseurs étrangers.

SECTION 2 : LE PÉTROLE SOUDANAIS

Le pétrole constitue une dimension essentielle et très complexe des conflits soudanais,

qu’il s’agisse du Sud-Soudan ou du Darfour. Le pays, qui projette d’intégrer l’OPEP, possède

la 5ème réserve prouvée de pétrole du continent africain, avec de très importantes réserves dans

le Sud du pays. 4ème producteur africain avec 500 000 barils par jour, dont 400 000 exportés,

il a triplé en 15 ans sa production. De nouveaux gisements sont régulièrement exploités, alors

que d’importantes réserves restent à découvrir. Cette richesse ne laisse naturellement pas

indifférent les grandes puissances internationales.

La lutte qui oppose sur le continent africain la Chine aux États-Unis constitue l’un des

éléments essentiels pour la compréhension de la crise régionale.

C’est en 1978 que la compagnie américaine Chevron découvre du pétrole au Sud-

Soudan. Suite à l’attaque de son site et à l’assassinat de trois de ses employés par les rebelles

du Sud, elle doit se retirer en 1984174.

Les revenus pétroliers, devenus effectifs vers la fin des années 1990, vont renforcer la

position du gouvernement dans sa guerre dans le sud. Mais ce pétrole va aussi susciter

l’intérêt de nombreux pays, pressés d’exploiter les champs pétroliers soudanais « malgré les

173 Des images bien loin de celles que l’on imagine et qui sont véhiculées en Occident dans les médias. Traditionnellement un PMA est considéré comme pauvre. L’exemple du Soudan permet de nuancer cette classification, même s’il est vrai qu’une grande partie de ces projets restent concentrés géographiquement dans le Nord du pays, autour de la capitale et à proximité des gisements de pétrole. En revanche, la situation politique du Soudan depuis une trentaine d’années est un frein important au développement de tout le pays.174 « Sudan, Oil and Human Rights », Human Rights Watch report, September 2003, www.hrw.org/reports/2003/sudan1103/index.htm..

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violations des droits de l’homme attestées. 175». Le pays devient un espace de compétition

entre les entreprises pétrolières anglo-américaines et la République Populaire de Chine, qui

cherche à diversifier et sécuriser les approvisionnements énergétiques nécessaires à sa forte

croissance économique et à son poids démographique. Tous les moyens sont bons. Selon une

étude menée par Chung-lian Jiang, la Chine a fourni au Soudan, de 1995 à 1997 « un lot

considérable d’armements, comprenant six avions de combat de classe F-6, cinquante

hélicoptères de type Z-6 et du matériel d’artillerie. 176 En 1997, la China National Petroleum

Corporation (CNPC) s’est associée aux sociétés Petronas et Talisman177, respectivement

malaysienne et canadienne, pour signer un accord avec la Sudapet, l’entreprise pétrolière du

gouvernement soudanais, de façon à procéder à la prospection, l’exploitation et la

construction d’oléoducs dans le Sud du pays.

D’un point de vue historique, la Chine a régulièrement entretenu des liens particuliers

avec l’Afrique. Obéissant autrefois à une logique plus politique qu’économique (soutien à la

lutte contre l’impérialisme occidental à l’époque de la décolonisation), les échanges

commerciaux se sont nettement développés dans les années 1960. Utilisant largement le

discours tiers-mondiste Sud-Sud, Pékin jouit de son statut de « porte-parole » des pays en

développement. Elle sait insister sur son attachement au respect des intérêts des pays africains

et à un ordre économique plus « juste ».

Si la presque totalité du pétrole soudanais évacué par Port-Soudan est exploité au

profit de la Chine, c’est que le pays est idéalement situé pour elle, avec un accès à la mer, et

sa capacité à jouer un rôle d’interface entre l’Afrique et l’Orient.

Aujourd’hui, le Soudan semble définitivement résolu à regarder vers cet Orient.

175 JOHNSON Douglas H., “The Root Causes of Sudan’s Civil Wars”, The International African Institute, 2003, p. 49. 176 JIANG Chung-lian, « La Chine, le pétrole et l’Afrique », in Revue politique et parlementaire, 1er mars 2004, 106e année, n° 1028, p. 58-67.177 Eglise Presbytérienne du Soudan/Pétrolier canadien Talisman. Un juge américain se déclare compétent, Vigilance Soudan, n° 117, mars-AVRIL 2003, http://www.vigilsd.org/articles/ bf117/bf-117-7.htm . LES ONG et les Églises, inquiètes de la situation au Sud-Soudan en 2003, lancèrent une campagne pour faire pression sur les compagnies pétrolières présentes dans la région. Cette pression visait surtout Talisman, la compagnie canadienne : C’est finalement l’Église presbytérienne du Soudan qui a mis en cause Talisman devant une Cour fédérale de New York « pour avoir « délibérément et intentionnellement » soutenu une « opération brutale de nettoyage ethnique contre la population civile » du fait des forces du gouvernement soudanais. » Talisman finit par céder aux pressions encore alourdies par un fort désinvestissement consécutif des fonds de pensions et d’une baisse, du même coup, du cours en bourse.

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Carte 7   : Les différentes sociétés propriétaires de concessions gazières et pétrolières.

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SECTION 3 : LE SOUDAN, UN PAYS EN « RÉSERVE DE DÉVELOPPEMENT »178

Le règlement de la crise du Darfour dépend de la volonté politique des différents

acteurs d’assurer une politique plus équilibrée de répartition des richesses et du pouvoir. Il

faut pour cela remettre le pays sur les « rails du développement ». Les possibilités sont

réelles. Le Soudan pourrait devenir le « grenier » de sa région et du Moyen Orient, comme le

souligne le PNUD sur son site internet179. Malheureusement, 5 % des terres seulement sont

cultivées, et à peine 1 % irriguées, malgré la présence du Nil Blanc et du Nil Bleu, dont

l’énorme potentiel est très peu exploité. D’après la FAO180, la surface de terres irriguées est

restée quasiment inchangée, des années 1980 à 2003, 17 000 km² contre 18 700 km² en 2003.

Le Soudan est donc tributaire des importations agricoles (638 millions de dollars par

an) et, surtout, de l’aide humanitaire, principalement dans les zones touchées par les combats.

Le PAM181 a distribué 731 000 tonnes de denrées alimentaires en 2006. Près de 7 millions de

personnes ont eu besoin d’une aide alimentaire en 2007. Un grand nombre d’agriculteurs ont

bénéficié de distributions de semences et d’outils agricoles.

Pourtant, les alternatives sont multiples, si l’on en croit Marc Lavergne182. À titre

d’exemple, la mise en culture irriguée des fonds de la vallée de Wadi, après la saison des

pluies, permettrait la production à haute valeur ajoutée de pommes de terre, de fèves, de tabac,

de pastèques, … éventuellement destinées aux marchés éloignés. Le Djebel Marra183 pourrait

être la base de productions agricoles, compte tenu des avantages dont dispose cette région

dans l’ensemble soudanais. Son climat varié, selon l’altitude et l’exposition, permet

l’arboriculture tempérée, méditerranéenne et tropicale (agrumes, fruits à noyaux...).

Le creusement de citernes permettrait de répondre aux difficultés à conserver l’eau

dans un sol fait de cendres volcaniques très perméables.

178 LAVERGNE Marc, « L’analyse géographie d’une guerre civile en milieu sahélien », Groupe de recherche et d’Études sur la Méditerranée et le Moyen-Orient (GREMMO), Université Lyon-II, Afrique Contemporaine, p.149-156. 179 http://www.sd.undp.org/sudan%20overview.htm 180 http://ftp.fao.org/es/esn/nutrition/ncp/sdn.pdf181 Rapport spécial. Mission d'évaluation FAO/PAM des récoltes et des disponibilités alimentaires. 15 février 2006http://www.fao.org/newsroom/fr/news/2006/1000235/index.html 182 DIRECTEUR DE RECHERCHES AU CNRS DU CENTRE D'ÉTUDES ET DE DOCUMENTATION ÉCONOMIQUES, JURIDIQUES ET SOCIALES (ÉGYPTE/SOUDAN). 183Le Djebel Marra est un volcan située au Darfour, dans l'ouest du Soudan, culminant à 3 042 m.

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L’élevage est, on l’a vu, la meilleure exploitation possible de la plupart des régions

steppiques du Darfour. Des marchés importants existent pour ces produits, tant à l’intérieur du

Soudan que sur les marchés extérieurs de l’Égypte, de la Libye et de la péninsule arabique.

Le tourisme184 est également un atout à long terme, grâce au Djebel Marra, culminant à

plus de 3 000 m, avec ses paysages, son climat, sa flore et sa faune spécifiques, au confluent

des influences méditerranéennes, désertiques et africaines.

Sous la colonisation britannique, des abris avaient été installés pour les fonctionnaires

coloniaux, à Suni et à Kalokitting. Ils servaient jusqu’aux années 1980 à l’accueil des colonies

de vacances des élèves de Nyala.

Aux avantages du paysage et du climat s’ajoute celui du thermalisme, avec des sources

chaudes (Hami Rotoki, près de Nyala ; Korongo, au-dessus de Nyertétéi) dont les vertus

médicinales sont connues de longue date de la population de la région.

La mise en exploitation de ces différentes « prédominances » doit être vue non pas

simplement comme un moyen de soulever des revenus, mais surtout de structurer une

économie diversifiée, qui requiert des savoir-faire dans des domaines variés, afin d’en assurer

l’organisation, l’entretien et le développement « durable ».

184Déjà signalés il y a trente ans dans un dossier du magazine Partir : « Soudan. Au-delà du désert, le Darfour», par Pascale Villiers Le Moy, Partir, n° 60, avril 1980.

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CONCLUSION

Le mandat d’arrêt lancé par la Cour Pénale International contre le président soudanais

est-il un acte légitime ou le résultat d’une institution fragilisé et orientée par les intérêts des

puissants? C’est la question qui fut au centre de ce travail. L’angle « réaliste » choisi, incline,

sans doute, vers le second terme de l’alternative. C’est inévitable. La théorie construit l’objet.

Mais tant que l’on sépare les deux et que l’on est conscient des limites de toute perspective,

le danger de confondre la réalité et la réalité construite par la théorie est évité. C’est une

nécessité pour tout travail qui prétend à la scientificité, d’indiquer ses limites en indiquant les

limites et les possibilités de ses outils, de ses grilles d’analyses. L’essentiel est que la

méthode, la grille d’analyse, les concepts mis en œuvre, soient pertinents et assez ouverts

pour ne pas interdire le réajustement des explications et leur amélioration.

Si l’approche réaliste, où le droit n’est pas « l’art du bon et de l’équitable », mais un

processus qui permet d’atteindre certaines fins intéressées, détermine des éléments de ma

réponse, elle permet aussi d’éviter la confusion naïve de la légalité et de la justice. Il faut bien

séparer ces deux notions. Le droit peut n’être pas juste. Une action n’est pas légitime parce

que légale. Ce serait le cas, si le droit, neutre, détaché des intérêts particuliers de ceux qui le

mettent au point et l’appliquent, n’était pas situé dans le champ de rapports de force

contraires, si la vie politique et juridique n’étaient pas « pluralistes ». Là où les acteurs sont

multiples, les intérêts le sont également. Ce n’est pas une vue réductionniste, du moins j’ai

essayé d’éviter que cela ne le soit, en tentant de montrer les relations complexes de la

légalité et de la légitimité, comment la légitimité est produite, contestée ou acceptée, par les

actions et les pratiques politiques des différents acteurs impliqués dans la situation au Darfour

: l’ONU, la CPI, les ONG, les grandes puissances, principalement les USA et la Chine, les

pays africains.

Il faut bien l’avouer, en plus de soixante ans d’ONU, on est passé d’énormes espoirs à

beaucoup de déceptions. Faut-il pour autant jeter le bébé avec l’eau du bain, sous prétexte

que l’institution est inutile ou ne ferait que « le jeu des grandes puissances » ? Je ne le crois

pas. L’existence de l’institution est nécessaire. C’est grâce à son initiative, par le passé, que,

pour la première fois dans l’histoire, des personnalités importantes au pouvoir ont pu être

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poursuivies, c’est grâce à son engagement qu’a pu être concrétisée avec la création de la CPI,

l’idée d’une juridiction internationale permanente.

On ne peut pas tolérer que les Etats et les hommes qui les dirigent se situent au-delà du

droit international ni accepter les crimes de guerre, contre l’humanité, les génocides, mais il

ne faut pas non plus confondre la CPI avec le « chevalier » désintéressé de l’ordre mondial,

allant de par le monde établir par l’épée une justice équitable et indépendante.

Au vue des solutions apportées, dans le cas du Darfour, les illusions suscitées par

l’entrée en vigueur du Statut semblent loin. D’une part, parce que la CPI est, aujourd’hui,

caractérisé par une grande dépendance à l’égard des Etats Nations, à cause de l’action

relativement encadrée du procureur et du rejet, durant les négociations, du principe de

primauté sur les juridictions nationales. D’autre part, parce qu’on est bien obligé de

reconnaître que seules des situations africaines ont jusqu’à présent été déférées au Procureur,

trois par les Etats et une, le Darfour, par le Conseil de sécurité à travers la résolution 1593. Le

Procureur a beau tenter d’éloigner les critiques en évoquant sa préoccupation pour les

situations de la Colombie, de l’Afghanistan ou de la Géorgie, aux yeux d’une majorité

d’Africains, cette situation démontre la partialité d’un instrument au service des grandes

puissances. La situation des Etats-Unis face à la juridiction ne peut que confirmer les

soupçons.

Ces éléments, la limite de compétence, les artifices juridiques et procéduraux, les

accords d’impunités invitent à un bilan réaliste.

Dans ce cas, on ne saurait ignorer pour la compréhension du problème et l’action de

ses différents protagonistes, plus ou moins directs, les aspects économiques et géopolitiques

de la situation, le rôle fondamentale que jouent le pétrole soudanais, la taille et la position

stratégique du plus grand pays d’Afrique.

Le célèbre général britannique, Charles George Gordon, au milieu du 19ème siècle,

affirmait : « celui qui tient le Soudan tient en main la clé des portes de l'Afrique. »

Une question particulière m’est apparue au cours de ce travail : quelle part de

responsabilité peut-on attribuer aux acteurs « externes » aux conflits dans la dégradation

d’une situation déjà critique ?

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L’impatience du bureau du Procureur, d’une certaine partie des politiques, des

médias, des organisations de sensibilisation, est l’une des causes fondamentales de la division

de la communauté internationale. Plus de mesure serait nécessaire. Il y a lieu de se méfier de

tous ceux qui souhaitent une explication d’ensemble trop simple ou qui exigent une action

spectaculaire, sans se préoccuper des effets pervers, voire contraire aux fins prétendument

poursuivies. L’enfer est pavé de bonnes intentions.

Les acteurs externes au conflit, l’ONU, la CPI ou les ONG, doivent calculer et peser,

dans leurs actions, les avantages qu’ils peuvent apporter et les risques qu’ils encourent et

qu’ils font courir. Très souvent, on invoque le besoin urgent d’intervention pour taire tout

débat. Ce qui ne veut naturellement pas dire qu’il suffira de débattre pour que la situation se

règle par miracle ; toute action responsable doit reposer sur des bases solides et fiables.

La résolution du conflit au Darfour reste et restera une question difficile et complexe

dans les années à venir, pour les ONG, pour la CPI, pour les Nations Unies, et pour les

premiers concernés, les soudanais.

Rien n’indique que la méfiance de Khartoum envers la CPI puisse évoluer

favorablement dans un avenir proche. Aussi longtemps que le gouvernement d’Omar Al

Bachir bénéficiera du relatif soutien de certains membres importants de la communauté

internationale, aucune initiative ne sera prise pour coopérer pleinement avec la CPI.

Confrontée à des problèmes d’une extrême complexité, la communauté internationale

a cru trouver dans une justice pénale internationale la méthode de leur résolution. Mais le

déploiement du mécanisme judiciaire a entrainé une judiciarisation du mode de gestion du

conflit, et on peut se demander si l’option choisie de saisir la CPI ne rend pas impossible une

solution politique. Ce dont le Darfour a le plus besoin c’est d’une paix juste entre les parties

en lutte. Leur marginalisation internationale ne peut être une solution. Ils sont essentiels à la

résolution du conflit et à la pacification du pays. On ne peut pas non plus, me semble-t-il

ignorer les potentialités économiques d’un pays immense aux ressources riches et variées.

Dans l’état actuel des choses, afin d’atténuer les critiques adressées par les pays

africains aux grandes puissances, qui poursuivraient uniquement leurs intérêts en s’abritant

derrière la défense des grandes causes « humanitaires », et du droit international, une

réforme de l’ONU et de la CPI apparait de plus en plus indispensable.

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La réforme des Nations Unies fait l’objet depuis plusieurs années d’une réflexion.

Pourtant si tous les Etats conviennent de la nécessité d’une réforme, certaines puissances

semblent ralentir une évolution qui leur serait défavorable. Si l’Afrique bénéficiait d’un siège

permanent au Conseil de sécurité, les choses seraient elles différentes ? Mais lequel ? Les

ambitions africaines sont-elles à la hauteur de leurs statuts ?

La CPI fait l’objet d’une révision, depuis le 31 Mai et ce jusqu’au 11 Juin 2010, à la

conférence de Kampala, qui, contrairement au mandat d’arrêt dirigé à l’encontre du Président

soudanais, est très peu couverte médiatiquement. C’est une occasion à ne pas manquer

d'identifier les moyens d'améliorer la coopération entre la Cour et les Etats membres et

d’approfondir l’idée d’une justice internationale, aussi indépendante et impartiale que

possible.

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- « Affaire Al Bashir, La Chambre d’appel demande à la Chambre préliminaire I de statuer à nouveau sur la charge de génocide » Communiqué de presse du 3 Février 2010, Cour Pénale internationale, Darfour (Soudan) disponible sur le site http://www.icccpi.int

- « La CPI délivre un mandat d’arrêt à l’encontre du Président soudanais Omar Al Bashir », Communiqué de presse du 4 Mars 2009, Cour Pénale internationale, Darfour (Soudan) disponible sur le site http://www.icccpi.int

- « Une Cour mondiale soutenue dans le monde entier, L'ONU, la CPI et le Conseil de sécurité », Coalition pour la Cour Pénale Internationale, Article consulté le 12 Décembre 2009 sur le site http://www.iccnow.org.

- « Sudan Islamists use Darfur as Battleground », Reuters Agency, 22nd September 2004.

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- « Darfur Violence : Demographic Catastrophe Study », Agence France Presse, 1er octobre 2004.

- « In Darfur, From Genocide to Anarchy », Washington Post, 28th August 2007.

- « Darfour : le cri d’alarme de Moreno Ocampo », Article publié le 08/12/2007 sur le site de Radio France International, http://www.rfi.fr

- « Sudan, Oil and Human Rights », Human Rights Watch report, September 2003, www.hrw.org/reports/2003/sudan1103/index.htm.

- « UN Clears Sudan of Genocide in Darfur », Associated Press, Article consulté le 31 Janvier 2005.

- «Médecins sans Frontières Challenges US Darfur Genocide Claims », Mediamonitors, Article consulté le 5 octobre 2004 sur le site www.mediamonitors.net.

- « Small Arms Survey », International Crisis Group, 2007, Article disponible sur le site www.crisisgroup.org

- « China’s growing Role in UN Peacekeeping », International Crisis Group: Asia Report n°166, April 17th 2009.

- « Ban salue des progrès vers la paix ces derniers mois », Centre d’actualité des Nations Unies, Darfour, Article lue en ligne le 14 Mai 2010 sur le site http://www.un.org

- Ban Ki Moon, « A Climate Culprit in Darfur », The Washington Post, The 17th of June 2007.

- « Soudan : Le gouvernement veut attirer des investissements étrangers dans le secteur agricole ». Nouvelles Afrique, Article consulté le 02 Février 2010 sur le site http://www.nouvelle-afrique.com.

- « The US Secretary of State Colin Powell has said the killings in Sudan's Darfur region constitute genocide », British Broadcasting Corporation (BBC), Thursday, September 9th 2004.

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R apports d’organisations et d’institutions internationales

- Rapport spécial. Mission d'évaluation FAO/PAM des récoltes et des disponibilités alimentaires. 15 février 2006

- Rapport de synthèse, Programme des Nations Unies pour l’environnement, Évaluation environnementale post-conflit du Soudan.

- Ranking of Military and Police Contributions to UN Operations, Monthly Summary of Contributors of Military and Civilian Police Personnel 2006 – 2009.

- UN Mission's Summary detailed by Country, Monthly Summary of Contributors of Military and Civilian Police Personnel 2006 – 2009.

- Advertising Standards Authority Adjudications, the 8th August 2007, chided Save Darfur Coalition and the Aegis Trust (SDC & AT), “for breaching “standards of truthfulness” in its use of the figure for its UK advertising campaign”. http://www.asa.org.uk

- World Investment Report 2009: Transnational Corporations, Agricultural Production and Development, CNUCED.

Réunion du Comité d’experts de la troisième réunion annuelle conjointe de la Conférence des ministres de l'économie et des finances de l'Union africaine et de la Conférence des ministres africains des finances, de la planification et du développement économique de la Commission économique pour l'Afrique, Mars 2010.

- Report of the International Commission of Inquiry on Darfur to the United Nations Secretary- General, United Nations, January 2005.

- Canada, Bibliothèque du Parlement, La Cour Pénale Internationale, Histoire, Rôle et Situation actuelle, Laura Barnett, Division des affaires juridiques et législatives. Révisé le 4 novembre 2008.

- Darfur Humanitarian Profile, Nations unies, Khartoum, No. 34, Juillet 2007.

- CNUCED, World Investment Report 2009: Transnational Corporations, Agricultural Production and Development.

- EBEL E. Robert, Report of the Center for Strategic International Studies, Energy and National Security program, Energy and Geopolitics in China, November 2009.

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- Rapport du groupe de travail sur la conférence de révision de la CPI; Proposition Belge d’amendement visant à incriminer 1) le fait d’employer du poison ou des armes empoisonnées; 2) le fait d’employer des gaz asphyxiants, toxiques ou similaires, ainsi que tous liquides, matières ou procédés analogues; 3) le fait d’utiliser des balles qui s’épanouissent ou s’aplatissent facilement dans le corps humain, telles que des balles dont l’enveloppe dure ne recouvre pas entièrement le centre ou est percée d’entailles.

T extes légaux

- Statut portant création de la Cour Pénale Internationale adopté le 17 Juillet 1998 à Rome et entré en vigueur le 1er juillet 2002 conformément à l'article 126 de ce dit Statut.

- Résolution 50/46 portant création du Comité Préparatoire pour une nouvelle Cour Pénale Internationale adopté par l’assemblée générale des Nations Unies le 11 décembre 1995.

- Résolution 1593 (2005) renvoyant l'examen du conflit au Darfour à la Cour pénale internationale adoptée par le Conseil de sécurité à sa 5158e séance, le 31 mars 2005.

- Résolution 1564 (2004) concernant le rapport du Secrétaire général sur le Soudan adoptée par le Conseil de sécurité à sa 5040e séance, le 18 septembre 2004.

- Résolution 1706 (2006) qui autorise la mission des Nations Unies au Soudan à prendre la relève de l’union africaine au Darfour adoptée par le Conseil de sécurité à sa 5519e séance, le 31 août 2006.

- Résolution 1769 (2007) qui autorise le déploiement d’une opération hybride union africaine/nations unies au Darfour adoptée par le Conseil de sécurité à sa 5727e séance, le 31 juillet 2007.

E ntretiens réalisés   et échanges de courriers électroniques:

- Entretien téléphonique et correspondances électroniques entre le 4 Septembre et le 11 Septembre 2009 avec Roland Marchal, chercheur au Centre National de Recherche Scientifique et à l'Institut d'études politiques de Paris, spécialiste de la corne de l’Afrique.

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- Entretien réalisé le 25 Janvier 2010 avec Karima Hammadi, Chargé d’Opérations et coordonnatrice des opérations au Soudan. Direction Générale, MSF Belgique.

- Entretien réalisé le 25 Janvier 2010 avec Liesbeth Schockaert, Humanitarian Advisor, International Public Law Analysis Unit, General Direction MSF Belgique. Annexes.

- Entretien réalisé le 12 Novembre 2009 avec Wintgens Sophie, Assistante-Doctorante du Chargé de Cours Sebastian Santander, Domaine de recherche ; Puissances émergentes et multipolarisme.

- Entretien réalisé le Jeudi 3 Septembre 2009 avec Olivier Corten, professeur ordinaire à l'U.L.B., Conseil et avocat devant la Cour internationale de Justice dans plusieurs affaires et en particulier, au nom de la République démocratique du Congo, dans l’affaire des Activités armées sur le territoire du Congo (R.D.C. c. Ouganda).directeur de la Revue belge de droit international.

- Entretien téléphonique et correspondances électroniques avec Eric David, professeur émérite de l’Université de Bruxelles, Spécialiste de la Cour Pénale Internationale, Président de la Commission consultative de droit international humanitaire de la Croix-Rouge de Belgique (sect. francophone) depuis 1996.

- Entretiens téléphoniques et correspondances électroniques avec Noémie Blaise, assistante en droit pénal et chargée de cours aux Facultés Universitaires Notre-Dame de la Paix, Lauréate du Prix du Corps Consulaire de la Province de Liège (Edition 2008) dans le cadre de son mémoire de DEA portant sur le conflit du Darfour et les réactions de la communauté internationale.

- Entretien réalisé le Jeudi 11 Mars 2010 avec Patrick Wautelet, Chargé de cours à l’Université de Liège au Département de droit International, Professeur invité, EDHEC Business School (Lille-Nice) – droit des contrats internationaux et droit du contentieux international privé.

- Entretien réalisé durant le mois de janvier 2010 avec Philippe Vincent, Chargé de cours adjoint à la Faculté de Droit de Liège, Membre de la Société belge de droit international. Membre de l'Association internationale de droit économique. Directeur de la collection Droit international des éditions Larcier.

- Entretiens téléphoniques et correspondances électroniques avec Eric Florence, Maitre de conférences et chargé de cours à l’Université de Liège. Professeur de langue invité au Collège d’Europe (International Relations and Diplomacy Studies Department),

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année Enseignant (maître assistant) en langue chinoise moderne à l’Institut Supérieur des Traducteurs et Interprètes (ISTI).

- Entretien réalisé le 14 Septembre 2009 avec Verjans Eric, Chargé de cours à l’Université de Liège, chef de travaux au département de sciences politiques de l'Université de Liège.

- Entretiens, échanges téléphoniques et correspondances électroniques entre Juin 2009 et Mai 2010 avec Bob Kazadi Kabamba, Chargé de cours adjoint au Département de sciences politiques, Faculté de Droit, Université de Liège), Maître de Conférences à l’Université de Liège, Expert international auprès de la Cour pénale Internationale, Chaire du monde africain de l'Université Catholique de Louvain (Belgique).

- Entretien téléphonique et correspondances électroniques entre le 17 Septembre et le 22 Septembre avec Kerry Pickett, chargée d’informer et de renseigner sur la CPI.

Les cartes

- La carte 1: « La zone de conflit »  Disponible sur le site http://www1.american.edu/TED/ice/images4/kamcampsmap.gif

- La carte 2: CNUCED, World Investment Report 2009: Transnational Corporations Agricultural Production and Development, fig. III.14

- La carte 3: « Les groupes ethniques du Darfur », dans TUBIANA Paul J, « Le Darfour, un conflit identitaire? », Afrique contemporaine, n°214, 2005, p. 166.

- La carte 4 : « La frontière entre le Soudan et le Tchad » disponible sur le site http://www.lib.utexas.edu/maps/sudan.html?p=print

- La carte 5: « Le Darfour »: Darfur Maps and Satellite Imagery, the map is produced by the U.S. Central Intelligence Agency, available on http://www.lib.utexas.edu/maps/sudan.html.

- La carte 6: « La MINUAD », Department of Field Support Cartographic Section UNITED NATIONS July 2009.

- La carte 7 : « Les différents propriétaires de concessions gazières et pétrolières », US Agency for international development, map of the UN cartographic section.

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S ites internet consultés

- http://www.un.org

- http://www.operationspaix.net

- http:// www.sd.undp.org

- http://ftp.fao.org

- http://www.lib.utexas.edu/maps/sudan.html

- http://www.crisisgroup.org

- http://www.unctad.org

- http://news.bbc.co.uK

- http://www.usinenouvelle.com

- http://www.nouvelle-afrique.com

- http://www.icccpi.int

- http://www.hrw.org

- http://www.vigilsd.org

- http://www.iccnow.org

- http://www.unep.org/conflictsanddisasters/

- http://www.unsudanig.org

- http://blogs.ssrc.org/sudan/

- http://revuedeslivres.net/

- http://www.monde-diplomatique.fr/

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- http://web.worldbank.org

- http://www.cred.be/

- https://www.cia.gov

- http://allafrica.com/

- http://www.cairn.info/

- http://www.cairn.info/

- http://www.archives.gov/

- http://sudan.gov.sd/ar/

- http:// www.sudantribune.fr

- http://www.marc-lavergne.com

- http://www.pca-cpa.org

- http://www.africa-union.org

- http://europa.eu/pol/cfsp/index_fr.htm

- http:// www.csis.org

- http://www.reuters.com

- http://www.diploweb.com

- http://www.ifri.org

- http://www.iris-france.org

- http://www.tlfq.ulaval.ca/axl/afrique/soudan.htm

- http://blog.alexandredelvalle.com

- http://blogs.cfr.org/asia/

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- http://www.conflit.org

ACRONYMES :

- CNUCED : Conférence des Nations Unies sur le Commerce et le Développement

- CPI : Cour Pénale Internationale

- CRED : Centre for Research on the Epidemiology of Disasters

- IDE/IED : Investissements Directs Étrangers

- JEM : Mouvement pour la Justice et l’Egalité

- MUAS : Mission de l’Union africaine au Soudan (Darfour)

- ONU : Organisation des Nations Unies

- OMP : Opérations de Maintien de la Paix

- OPEP : Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole

- PAM: Programme alimentaire Mondiale/

- PMA : Les Pays les Moins Avancés

- PNUD : Programme des Nations Unies pour le développement

- SLM/SLA : Mouvement de Libération du Soudan/Armée de Libération du Soudan

- TPIY : Tribunal pénale internationale pour l’ex-Yougoslavie

- TPIR : Tribunal pénale internationale pour le Rwanda

- UNAMID : Mission des Nations Unies et de l’Union africaine au Darfour

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