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L’agriculture familiale peut-elle assurer la sécurité alimentaire de l’Afrique subsaharienne ? Par Pierre Jacquemot

L’agriculture familiale peut-elle assurer la sécurité …...insuffisants. La sécurité alimentaire et nutritionnelle demeure un défi considérable pour le présent. Comme la

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L’agriculture familiale peut-elle assurer la sécurité alimentaire

de l’Afrique subsaharienne ?

Par Pierre Jacquemot

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PierreJacquemotL’agriculturefamilialepeut-elleassurerlasécuritéalimentaire

del’Afriquesubsaharienne?

Lasous-alimentationaffecteunquartdelapopulationenAfriqueausudduSahara.Etlestauxdemalnutritionaiguëparmilesenfantsdépassentsouventlesseuilsd’alertede15%. Le problème est ancien et les progrès obtenus ces dernières années sontinsuffisants.Lasécuritéalimentaireetnutritionnelledemeureundéficonsidérablepourleprésent.Commelapopulationdusous-continentvadoublerd’ici2050,pouratteindre2,2milliardsd’habitants,illeseraencoredavantagepourl’avenir.

La sécurité alimentaire est assurée quand toutes les personnes, à tout moment, ontéconomiquementetphysiquementaccèsàunealimentationsuffisante, sûreetnutritive,qui satisfait leurs besoins nutritionnels et leurs préférences alimentaires afin de leurpermettre demener une vie active et saine.Cette définition universellement reconnue,énoncéepar leConseilmondialde l’alimentation,metainsienavantquatredimensions:l’accèsàunequantitésuffisanted'alimentspouravoirunecroissancenormale,unequalitésanitaire et nutritionnelle des aliments, le respect des préférences alimentaires, enfin larégularitédeleuraccèsetdeleurdisponibilité.

LalenteurdesprogrèsenAfriquesubsaharienneestattribuéeàlafaibleproductivitédel’agriculture, à la forte croissance de la population et à souvent aux effets induits del’instabilité politique ou la récurrence des conflits. Les différences de situation sontimportantes et les performances obtenues dans les pays connaissant des situationspolitiques favorables laissentpenserqu’il estpossibled’améliorer la sécuritéalimentairede façon durable et pérenne grâce à des systèmes de gouvernance, des capacitésinstitutionnellesetdesmesuresstructurellesetsectoriellesadaptées.Maissurtoutgrâceàuneagriculturepaysanneperformante.Telestlesujetdecetarticle.

Commentlemonderuralafricain,majoritairementconstituédepetitesexploitationsetquiconcentreencore60%delapopulationactive,peut-ilcontribuerparsaproductionàcettesécuritéalimentaire?Commentlesmarchéslocauxetrégionauxpeuvent-ilsparveniràsatisfaireaumieuxlesdemandestanturbainesquerurales?Plusieursétudesapportentdes enseignements utiles sur les mutations en cours. On peut en retenir desenseignementsréunissousdixthèmes.

Reconnaîtrelaplacecentraledel’agriculturepaysanne.Les aires culturales reflètent les choix des sociétés paysannes devant la diversité des

milieux,d’où latypologiedesgéographes:Afriquedestroupeaux,Afriquedesgreniersetdelahoue,Afriquedespaniers,Afriquedesbananiersetdeseuphorbes.Maispratiquementpartout,lagrandemajoritédesexploitationsagricolesestorganiséesurlabasedelapetiteexploitation familiale qui cohabite avec des enclaves agro-industrielles, tournées versl’exportation et dont le nombre a augmenté depuis 2000, en même tempsqu’apparaissaientdenouvellesspéculations(agrocarburants,horticulture).

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L’agriculture familiale, paysanne et communautaire, occupe un demi-milliard depersonnes. Elle est caractérisée par la prégnance de l’organisation lignagère et parl’étroitesse des liens entre activités sociales et activités économiques. Elle est de taillemodeste, mais elle assure de 80% à 90% de l’offre agricole. Elle présente plusieursavantages: auto-emploi, gestion directe du risque alimentaire par l’autoconsommation,absencedecoûtsdetransaction,connaissanceintimedumilieunaturel…Enretour,elleestfortement vulnérable, tant aux conditions du marché qu’aux aléas climatiques. Ce quil’amènedeplusenplusàs’ouvriràl’innovation.

Créditphoto,Gret

Dès que le réseau le permet, la téléphonie mobile s’installe, rompant l’isolement,apportantdesinformationssurlamétéo,lesprix,lesmarchés…Dèsquel’énergiedevientdisponible, grâce par exemple à une plateforme solaire multi-usages, une multituded’activitésdeviennentpossibles,commelaréfrigérationoulamisesousvidedesaliments,la soudure pour les équipements agricoles, mais aussi la couture, le stockage desmédicaments…

La capacité de cette agriculture à absorber une fraction des nouveaux arrivantsdépendra de la viabilité économique des exploitations, ce qui suppose qu’elle soit enmesured’affronterdiversenjeuxcommeceluide laproductivitédutravailetde laterre,celuide l’accèsaucréditetauxmarchésurbains,celuide laconstitutiondecapacitésdestockagepour luttercontre lespertesaprèsrécolte,maispar-dessustoutceluienamontdelasécurisationfoncière,leseulmoyend’impliquervéritablementlapaysanneriedansladurée, convaincue qu’elle est alors capable d’œuvrer pour son bien-être et celui desgénérationsfutures.

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L’agroécologie,quis’inscritcommeonleverraplusloindansletempslong,reposetrèslargementsurlacontinuitédel’actiondespaysans.Or,c’estd’abordparuneconcurrencesur la maîtrise du foncier que se manifeste le face-à-face entre l’agro-industrie etl’agroécologie paysanne.Depuis quelques années, on assiste à l’appropriation croissantepar les États, les sociétésminières, les spéculateurs, les sociétés agroalimentaires et depuissantes élites locales des terres, forêts, pâturages, et autres ressources descommunautésquinemaîtrisentpaslesoutilsjuridiquesnilesréseauxpermettantdefairefaceàcespuissantsacteurs.Lefoncierest,onlesait,ungravesujetcontroversé.Ill’estsurdeuxplans.D’abordceluide la reconnaissancedesdroits locaux«coutumiers», souventenchevêtrés, une question complexe au cœur des débats actuels sur les réformes despolitiques foncières. Ensuite celui demaîtrise du processus des acquisitions de terres àgrande échelle (land grabbing) qui a pris une grande dimension depuis une quinzained’annéesetquis’estinstallédansl’agendainternational.

Augmenterl’offredeproduitsalimentairessainsetnutritifsLes dynamiques agricoles de toute l’Afrique subsaharienne à l’horizon 2050 peuvent

être établies sur les projections de la FAO. La progression de la demande en produitsagricolesalimentairesprévuepourl’Afriquesubsaharienneàl’horizon2050seraentoutevraisemblance la plus forte parmi celles de toutes les régions du monde. Elle seramultipliée par 2,6 par rapport à 2016. En contrepartie, le rendementmoyen en caloriesalimentaires végétales par hectare cultivé restera très modeste: environ 23000kcal/ha/jouren2050,bienloindelamoyennemondiale(32200kcal/ha)etplusencoredela moyenne de l’Asie ou de l’Europe (plus de 40000 kcal/ha). Au final, l’Afriquesubsahariennedevraitvoirdoublersondéficitnetencaloriesalimentairesvégétales(prèsde700Gkcal/jouren2050,alorsqu’elleavaitunexcédentnetde70Gkcal/jouren1961).

L’hypothèse souvent retenue d’une productivité constante de l’agriculture dans lesprochaines décennies est hautement discutable s’il n’y a de rupture dans le modèletechnique. En effet, l’impact du dérèglement climatique seraa priori négatif. Le rapportAfrica’sAdaptationGap duProgrammedesNationsUniespour l’environnement (PNUE),signalequ’un réchauffementd’environdeuxdegrésCelsiusentraîneraitd’ici lemilieudusiècleunebaissedelaproductionde5%pourlemaïs,de15%pourlesorgho,etde10%pour le mil. Si le réchauffement dépassait les 3°C, toutes les régions actuellementproductricesdecéréalesse révéleraient inadaptéesàce typedecultures.Reconnaissonsqu’ilrègneunegrandeincertitudesurl’ampleuretlanatureexactedesimpactsduclimatsur l’agriculture. On pourrait tout aussi bien observer des phénomènes inverses danscertainesrégions:uneréductiondeszonesaridesenAfriqueaustraleetuneaugmentationdesprécipitationsdanslesHautsPlateaux,enÉthiopienotamment.Cequiestcertain,c’estqueleclimatvaimposerl’inventiond’unenouvelleagronomie.

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Lacroissancepasséede laproductionagricoleenAfriqueausudduSaharas’expliqueprincipalementparl’expansiondessurfacescultivéesetparl’intensificationdessystèmesdeculture,etnonparuneaméliorationàgrandeéchelledelaproductivité.Silenombredetravailleursagricolesaprogressé,laproductivitépartravailleurn’aaugmentéquede1.6%enAfriqueaucoursdes30dernièresannées,contreparexemple2.5%enAsie.Lesous-continentétantgénéralementconsidérécommeunerégionricheenterres,lapoursuitedel’expansion des surfaces cultivées au cours de la décennie à venir peut ne pas semblerposerproblème.Toutefois,leszonesruralessonttrèshétérogènesetbienqu’unegrandepartie des terres y demeure inutilisée ou sous-utilisée, une part considérable de lapopulationruralevitdansdeszonesd’agriculturefamilialequisontdensémentpeupléesetoù les terresmanquent. Une bonne partie des terres sous-utilisées est concentrée dansrelativement peu de pays et, à ce jour, entre la moitié et les deux tiers des terresexcédentaires sont des forêts. La conversion de ces terrains boisés en terres agricolesauraituncoûtenvironnementalconsidérable.L’augmentationdelapopulationruraleetlapression foncière qui en découle ont amené de nombreux pays africains à cultiver lesterresenpermanence,sibienquelesterresenjachèredisparaissentmassivementdansleszones densément peuplées. La proportion de terres en jachère par rapport au total desterresagricolesenAfriqueadiminué,passantde40%en1960àenviron15%en2015.Cemode d’exploitation ininterrompue ne poserait pas de problème si les engrais, lespratiques d’amendement des sols et les autres investissements dans l’expansion dessurfaces cultivées étaient raisonnablement employés et s’accompagnaient d’unapprentissage des méthodes d’amélioration de la fertilité des sols. L’exploitationininterrompuedesterreset l’absencederotationdesculturesépuisent lesressourcesencarboneorganiquedusol,quidevientalorsmoinsréactifauxapplicationsd’engrais.

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La disponibilité effective en terres est donc un facteur contraignant, sachant que lespolitiques foncières actuelles accroissent souvent les inégalités enmatière de propriétéfoncière, et que dans certains cas, elles pourraient rendre plus difficile l’expansion dessurfacescultivéesdansleszonesd’agriculturefamilialedensémentpeuplées.Sachantaussique les villes en pleine croissance se développent sur des terres arables et«potentiellement cultivables» et que la population urbaine d’Afrique subsahariennedevraitapprocherlemilliardd’ici2050.Danslemêmetemps,lapopulationactiveagricoleatoutes leschancesd’augmenterelleaussid’icicetteéchéance.Lessurfacesdisponiblespar travailleurde l’agriculturepourraientainsipasserd’unemoyenned’unpeuplusd’unhectareàenviron0,7hapar individu.Avecdes situations trèsdifférentes selon lespays,avecunedisponibilitéen2050quivarieraitd’environ28haenAfriquedusudàmoinsde0,2haauRwandaetauBurundi,siondevait limiterl’agricultureauxzoneshorsforêtsetespaces protégés. Dans certaines zones arides conjuguant la pression du changementclimatiquesurleurszonescultivéesetunepressiondémographiqueforte,commeauNigerauBurkinaFasoouauMalawi, la surfacemiseencultureparactif se réduiraitàenviron0,6ha.

D’autres pays en revanche pourraient maintenir des surfaces par actif supérieures à2,5has’ilsdéveloppaientleurirrigationàhauteurdupotentieldontilsdisposent,commece fut le cas dans les pays duMaghreb les plus septentrionaux. La réponse aux limitesfoncièresetauxcontraintesclimatiquessesitueeffetpourpartiedanslasécurisationdelaproduction par l’irrigation. Le potentiel d’évolution est grand. Moins de 3% des terressubsahariennessontactuellementirriguées,contreenviron40%enAsie.OnlestrouveenAfriquedu Sud, à l’OfficeduNiger (Mali), dans lamoyenne valléedu fleuve Sénégal, auSoudan(barragedelaGezireh),auMozambique(périmètredeChkowe).Lacultureirriguéese développe aussi en dehors des grands aménagements, à l’échelle locale, parl’aménagement de petits barrages dans les bas-fonds, de forages de puits et par ladiffusiondanslesvillagesdepompesàmoteur,àtractionouàpédales.Depuislesannées1980,géréelocalementparlesusagers,l’irrigationsediffuseavecuncertainsuccès,dansle cadre de périmètres maraîchers de contre-saison notamment, au prix d’uneaugmentationdestempsdetravailetdelamobilisationd’unemain-d’œuvrefamilialeousalariée.

Tableau1.Terresarablesetterresirriguées(enmillionsd’hectares).Situationsetprojections.Afriquesubsaharienne

Terresirriguées Terresarables Partdesterresirriguées1961-1963 2,5 133 1,9%1989-1991 4,5 161 2,8%2005-2007 5,6 190-230 2,4-2,9%2030 6,7 275 2,4%2050 7,9 300 2,6%Source,Durand-LasserveetLeRoy,2012.

Mettreenavantlesbénéficesdel’intensificationagroécologiqueLacapacitédesagricultures familialesàprendre leviragede l’intensificationconstitue

désormaisunenjeuparticulièrementcrucialdanslecontextedémographiqueafricain.

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L’utilisationd’intrantsenrichis reste insuffisante.Laconsommationd’engraisd’Afriquesubsaharienne ne représente que 1% de la consommation mondiale et, selonl’International fertilizer development center (IFDC), ce faible niveau est notammentresponsable de la stagnation des rendements par rapport au potentiel, ainsi que de ladégradationprogressivedelafertilitédessolscultivés:ceux-ciperdentenmoyenne22kgd’azote, 2,5kg de phosphore et 15kg de potassium chaque année.Dans ces conditions,l’intensificationconstitueundesobjectifsprincipauxde lamodernisationde l’agricultureafricaine.

Si chacuns’accordesur l’impératifd’une intensification, lesvoiespouryparvenir fontl’objet de controverses. Intensification traditionnelle, avec forte augmentation del’utilisationd’engrais?Ou intensificationagroécologiqueafindemaximiser lesprocessusbiologiquesdefixationducarboneetdel’azoteetdeconservationdelafertilitédessolsetdeseaux?Lasecondeoptionadenombreuxadeptes.Pourdebonnesraisons.

L’agroécologieapportedessolutionsens’inspirantdufonctionnementdelanaturepourrégénérer les sols appauvris par l’érosion et l’aridité. Elle utilise les gains que l’on peutattendrede lamaîtrisedumilieunaturel (sol,eau,pratiquesculturales).Sesapplicationssontmultiples.Ainsilesculturesaupieddesarbresrequièrentmoinsd’apporteneaugrâceà l’ombrageetbénéficientdecetengraisnaturelqueconstituent les feuilles tombéesausol. Les résultats de l’agroforesterie sont probants dans les zones arides. Au Niger, lespaysansmultiplientlesplantationsd’acacias,véritables«usinesàengraisvert»etàleurspiedscultiventdeslégumineuses,avecunemultiplicationdesrendementspar2,5.Leneemestaussiunarbredehaiedontleseffetsinsecticidessontreconnus.L’acaciaalbida,delafamilledes légumineuses,enrichit lesolenazoteet,enattirant lebétail, ilconcentre lesdéjectionsauxalentours.Lepoisd’Angole(Cajanuscajanvarindica)estunelégumineusearbustiveà l’origined’une«petite révolution»dans l’Androymalgache.Lesgrainessontconsommées par la population au même titre que le haricot. Quand les sols sont trèsdégradés, les paysans implantent une mini-forêtde cette plante et quand le sol peutencoreêtrecultivé,lespaysanslesplantentenbrise-ventendoublerang.Achaquesaison,lesfeuillesmortescontribuentàcompléterlabiomassedanslaparcelle.Enfindevie,ilestcoupéetlestigesserventdeboisdechauffetrèsrecherché.

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Tableau2.Avantagescomparésdel’agroécologie

Agricultureindustrielle Agroécologie Valeur ajoutée del’agroécologie

Intrants (semences, engrais)onéreux et itinérairestechniquesexogènes

Intrants moins onéreux etdurablementplusefficaces

Activité globalement plusrémunératrice

Risque d’épuisement dessolsetpertedebiodiversité

Enrichissement naturel dessolsetdelafertilité

Meilleur rendement net àl’hectare

Risquedegaspillagedel’eau Usagecontrôlédel’eau Optimalité dans l’usage del’eau

Risque de pollutionenvironnementale

Protection naturelle de labiodiversité

Maintien d’unenvironnement sans dangersanitaire

Dépendance envers uneseulespéculation

Diversification agricole surunemêmesurface

Sécurité en termes derécoltesetderevenus

Dépenseenversuneoudeuxentreprises étrangères pourlesintrants

Relativeindépendancesurlecycledeproduction

Maîtrise du cycle deproduction et relativeindépendancefinancière

La technique du «semis direct» rencontre de nombreux adeptes. Le principe est

simple: lepaysansèmesurlesolnonretournéetrecouvertd’unelitièrederésidusdelarécolteprécédente,cequipermetdepréserverlesmicro-organismesetl’humidité,toutenprévenantl’érosion,àladifférenced’uneterretroptravailléeetexposéeauruissellement.

L’économie de l’eau est également source de bonnes pratiques. Les bandes devégétation ou les terrasses que l’on trouve sur les pentes des plateaux malgachesfavorisent l’infiltration de l’eau de pluie dans les sols et limitent le ruissellement à lasurface qui est à l’origine du lessivage et de l’érosion.AuBurkina Faso, en creusant desmicrobassins(connuslocalementsouslenomdezaï)dansuneterredévitalisée,puisenlesremplissantdematièresorganiquesetenlebordantd’uncordonpierreuxlescultivateurssontcapablesde revitaliser les solsetd’améliorer le stockagedeseauxsouterrainesafind’accroîtreleurproductivité.

Entretenirlabiodiversitédesespacescultivésoffreégalementdesmoyensefficacesdelutte contre les insectes ravageurs des cultures, tout en réduisant les épandagesd’insecticides de synthèse. Ainsi au Kenya, des rangées de desmodium, une plante quiattirelesinsectespiégésparlamatièregluantequ’elleproduit,quadrillentleschampsdemaïs sur quelques milliers d’hectares. De plus, le desmodium sert à nourrir le bétail,augmentant ainsi la production de lait.Toutes ces méthodes permettent a priori deconcilierquatreéléments: lahaussede laproduction, lecoûtde l’innovation, lamaîtrisetechniqueetenfinlapréservationdelabiodiversité.Maislagénéralisationdecespratiquesn’estpaslinéaire.Letempsjoueunrôleconsidérabledansladiffusiondestechniquesdel’agroécologie:tempsd’expérimentation,d’apprentissage,depropagation.Ilfautsouventfairedusur-mesureafindebienmaîtriser les interactionscomplexessols-plantesettenircompte des usages agricoles locaux. L’une des difficultés tient au fait que ces pratiquessont pour la plupart coûteuses en travail. La transformation de biomasses végétales enfumieretcompostenestunexemple.Mêmepourlesexploitationséquipéesencharrette,

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elleimpliquedutempsdetravailencollectedesrésidusdecultures,entransport,enmiseentasetparfoisenarrosagepourunrésultatàcourttermeconsidéréparlesagriculteurscommelimitésionlecompareàceluiobtenuparl’apportde100kg/had’engraisminéral.Les stratégies d’amélioration de la productivité du travail mises en place par lesagriculteursces20dernièresannéesnesontpasipsofactocompatiblesavecl’adoptiondecertaines innovations agroécologiques. La culture attelée bien maîtrisée et toujoursdemandée par les agriculteurs permet de réduire la pénibilité du travail surtout pourl’entretiendes cultures (sarclagesetbuttagesmécaniques).Or il s’avèreque les culturesassociées recommandées par les promoteurs de l’agroécologie sont difficilementcompatiblesaveclamécanisationdessarclagesetdesbuttages.Lesagriculteursneveulentlogiquement pas revenir aux travaux d’entretien manuels, longs et fastidieux. Certainesinnovations d’amélioration de la fertilité des sols nécessitent plusieurs années pour êtrerentabilisées, ce qui pose une difficulté économique difficilement surmontable pour lesexploitationsdisposantd’uneépargnelimitée,sansaccèsaucréditdemoyentermeetnerecevantpasdesubventionspourl’améliorationfoncière.

En pratique, l’évolution des modes de production est souvent séquentielle: d’abordaugmentationdessuperficiescultivées,ensuiteaugmentationdelafréquenced’utilisationdes sols, pouvant aller jusqu’à la suppression de la jachère. Le cas des Waluguru enTanzanieesttypique.Avantlesagriculteurspratiquaientlaculturesurbrûlis,alorsqueles

densitésdepopulationnedépassaientpas15hab/km2.Puislapressiondémographiquelesa obligés à changer radicalement leurmanière de procéder. Ils sont alors passés à uneagriculturepermanente, fondéssur les labourset la jachère,avecutilisationde fumures,d’engrais de synthèse, de lisiers de porc, de terrasses et d’irrigation. L’espace estprogressivementdevenu le grenier àharicotsde la Tanzanie. L’intensificationaenoutrepermis le développement de la riziculture inondée, adaptée aux fortes densités depopulation.

Les agriculteurs sont d’autant plus sensibles aux nouveaux thèmes techniques del’agroécologieetdelapréservationdesressourceslorsqu’ilsconstatentquelesinnovationsgénèrentuneaugmentationtangibledeleursrevenusetuneaméliorationvisibledeleursconditionsdevie.Unelutteantiérosiven’aparexempledechancesd’êtreappropriéequesielleapporteuneaugmentationdesrendementsetunesécurisationdelaproduction.Lanécessité d’accorder, dans tout projet de développement rural, la première place aurevenureste incontournable,notammentceuxquivisent laresponsabilisationaccruedesproducteurs.

Point d’angélisme. La transition agroécologique n’est pas une affaire simple. Elleimpliquera de lever des contraintes externes. Elle souffre cruellement d’une absence depolitiquespubliqueset lesÉtatsafricains restent focalisés sur lemodèlede la révolutionverte.Danslamesureoùl’agroécologierenvoieàdesenjeuxglobauxdepréservationdesécosystèmes locaux et d’atténuation des effets des changements climatiques, ilconviendrait au contraire de reconnaître l’engagement des agriculteurs et de rémunérerpardessubventionscibléeslesservicesqu’ilsrendentpourlasauvegardedebienspublics(lessols,lesressourceseneauetlabiodiversité).

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RendrelescampagnescapablesdeconquérirlesmarchésurbainsOn s’éloigne de plus en plus d’une situation où l’alimentation des ruraux était

essentiellement assurée par leur production. La plupart des petits exploitants restentsouvent des acheteurs nets de produits alimentaires. Les ménages ruraux d’Afrique del’Ouest achètent en moyenne la moitié des aliments qu’ils consomment et le marchéalimentaire intérieurpèsepour lamêmeproportiondans lemarchéalimentairenationaldenombreuxpays.Lesystèmealimentaireruralestàprésentlargementmonétisé,cequisignifie que les ménages, y compris les agriculteurs pauvres, sont devenus, pour leursécuritéalimentaire,dépendantsdesmarchésetdesprix,etpasseulementdesniveauxdeleurpropreproductionalimentaire.

Cette monétisation tient à diverses raisons. Certes des situations d’enclavementextrêmepersistent,maislamajoritédescampagnesestassezbienreliéeparlestransportsencommun.Leséconomiess’imbriquent, lescirculationss’intensifientet, localement, leslimites entre le rural et l’urbain s’estompent. L’émergencedebourgs et depetites villesaccompagnent la densification des campagnes. L’urbanisation revêt dans une largemesure, la formede«villagesurbains»oùunepartiedes«rurbains»vitd’activitésnonagricoles (artisanat agroalimentaire, artisanat de construction, réparation, commerce,transport,éducationsanté,services,etc.).

De nombreuses enquêtes mettent en évidence l’importance et la vitalité de laproductionetdesfilièresagroalimentaireslocalesenréponseàlahaussetendancielledelaconsommationalimentaireurbaine.Enmêmetemps,l’adoptiondesmodesdevieurbainss’accompagnedechangementsdansleshabitudesalimentaires.Onassisteàunebaissedelaconsommationdescéréalesauprofitdelaviande,dupoisson,desfruits,des légumes,deshuilesetdesalimentstransformés. Ilsreprésententàprésent lamoitiédesdépensesalimentaires desménages urbains. La demande de produits prêts à consommer est unetendanceobservéedansl’ensembledescatégoriesderevenusetdeszones.Ellesetraduitparunefortedemandedeproduitspréparésetpar ledéveloppementdesrepasachetésdanslarue.Suivantcestendances,lesactivitéspost-récoltenonagricolesdel’économiedel’alimentation telles que la transformation, la logistique et la vente au détail, sedéveloppentrapidement.

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Créditphoto,GretAlors que les débats sur la sécurité alimentaire sont souvent focalisés sur les seules

céréales, ces produits représentent cependant moins de la moitié de la consommationalimentaire.Enmilieuurbain, lesproduitsautresquecéréalesettuberculesreprésententlesdeuxtiersdesdépensesdesménages,mettantenavantlerôleéconomiquedesfilièresmaraîchères ou de productions animales (produits laitiers, produits de pêche etd’aquacultureetproduitscarnés).

Pour autant, la conquête du marché domestique n’est pas partout et toujours uneaffaireaisée.LeSénégalestuncasintéressant.L’Étatentenddepuislongtempsassurersonautosuffisanceenrizàlabasedel’alimentationpourdenombreuxSénégalais.Maisiln’yparvientpas.SaproductionenprovenancedelavalléeduFleuveSénégal,del’Anambéetde laCasamanceest insuffisantepar rapportà lademande intérieure.Durant lesannées2010, letauxdecouverturemoyens’estsituéautourde30%(600000tonnesdepaddy,équivalentà390000tonnesderizblancproduitespouruneconsommationdeplusd’unmilliondetonnesderizblanc).LesimportationsenprovenancedeThaïlande,duVietnam,d’Inde, de Chine, du Brésil et d’Argentine sous forme de brisures parfumées étaient en2017responsablesde16%dudéficitdelabalancecommerciale.Desprogrèsnotablesontpourtant été enregistrés au niveau des itinéraires techniques et à celui de latransformationenrizblanc.Maisilssontinsuffisantsparcequ’entravéspardespolitiquescontradictoires.Entoute logique, lesmargesdesproducteurssonttrèssensiblesauxprixpratiqués.Or le fait le rizn’estquasimentpasprotégéauniveaudesentréespar leTEC-CEDEAOetquelesimportationsbonmarchésontprivilégiéesparl’Étatpourrépondreàlapressiondesconsommateursurbains, lesmargesdesproducteursetdestransformateurslocaux sont toujours insuffisantes pour constituer une incitation.On se trouve là devant

MAPS 189

Maximum Output ValueUS$201–US$300

US$301–US$468

US$469–US$580

US$581–US$907

US$908–US$1,128

US$1,129–US$1,349

US$1,350–US$1,597

US$1,598–US$1,881

US$1,882–US$2,729

Map A4.3.1 Maximum Potential Value of Output for Africa (US$ per hectare)

Source: Fischer and Shah 2010.

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deuxobjectifsdifficilementconciliables:réaliserl’autosuffisanceàlongtermeaubénéficedesrurauxetrépondreàcourttermeàlapressiondesclassesurbaines.

Conforterlaplacedel’agriculturepériurbaineLe monde rural ne peut prétendre à l’exclusivité. La ville approvisionne la ville.

L’agricultureurbaineconstitueleprincipalgrenieragricoledeplusieursvillesafricaines,endehors des céréales, en assurant une part importante de leurs besoins en légumes etautresproduitsagricoles.EnAfrique,quelque40%descitadins«participentàuneactivitéagricole,sousuneformeouuneautre»(FAO,2017).LaplusgrandepartiedeslégumesàfeuillesconsommésàAccra,Bangui,Brazzaville,Ibadan,KinshasaetYaoundé–entoutplusde22millionsd’habitants–estproduiteparl’agricultureurbaineetpériurbaine.ÀDar-es-Salam, c’est 90% de la demande en légumes qui est assurée par cette agriculture. ÀKampala,c’est70%delademandeenviandesdevolaillesetœufsquiestsatisfaiteparlaville. Autre exemple, à Dakar, cette activité couvre à hauteur de 75% la demande enlégumesetsacomposanteavicolereprésenteuntiersdelaproductionnationale.Lamêmetendanceestobservéedanstouteslesvillesd’Afriquesubsaharienne.

L’agriculture péri-urbaine englobe des activités diverses qui vont de l’aquaculture àl’élevage et de l’horticulture à l’agroforesterie. Certaines activités sont concentrées enzone péri-urbaine (élevage), alors que d’autres sont pratiquées dans le tissumême desvilles (maraîchage). Tous les lieux sont investis: trottoirs, arrière-cours, jardins, fossés.ÀAntananarivo,lesvergersfamiliauxs’insinuententrelesimmeubles.L’aquaculturequantàelle dépend de la présence d’étangs, de ruisseaux, d’estuaires, de lagons, tandis quel’agroforesterie se pratique davantage en présence de ceintures vertes. Pour ce vasteéventaild’activités,lesagriculteursadoptentetadaptentdestechnologiesconvenantauxenvironnements urbains, dont l’ «agriculture verticale», hors sol dans des récipientsentassés verticalement, vaporisés en permanence de solutions nutritives (aéroponie,hydroponie),

CréerdesopportunitésdeconsolidationdeschaînesdevaleurlocalesLaclassificationdesalimentsconsommés,selonleurdegrédetransformationetletype

d’entreprisesquilesproduisent,permetd’évaluerlastructuredusecteuragroalimentaire.Lesecteurdesmicroentreprisesetdespetitesetmoyennesentreprises,majoritairementtenues par les femmes, intervient majoritairement dans la commercialisation, latransformation,ladistributionetlarestauration.Peureconnuparlespouvoirspublics,cesecteurfournitaumoinslequartdelavaleurdelaconsommationàl’échelledespays,etprès de 30% dumarché alimentaire urbain. Il valorise surtout des produits locaux qu’iladapte aux modes de vie urbaine et au pouvoir d’achat limité et fractionné d’uneimportante partie de la population. Il contribue à construire une culture alimentairevalorisantàlafoislestraditionsruralesetinventantdesidentitésspécifiquementurbaines.Maisilestsurtoutunimportantpourvoyeurd’emplois.

Prenonslecasdumanioc.SaforteexpansionauNigeriaestliéeàlademandepourlesproduitstransforméstelquelegariquiestunfast-foodtrèsadaptéàlademandelocale,surtout pour les consommateurs à faible revenu. De nouvelles technologies pour leséchageet la transformationdumaniocenproduitssemi-finissontapparuesàproximitédeschamps.Latransformations’estensuiterapidementdéveloppéeàunniveauartisanal

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oumicro-industriel.500centresdemicro-transformationet120petitesentreprisesontétéconstruits entre2005 et2015 à l’aide de divers projets visant à produire de la farine dehautequalité.AuGhana,demanièreproche,latransformationaétésoutenueparl’Etatàtravers la mise en place de différentes structures de conseils (Gratis, Food ResearchInstitute, Rural technology service centres) dans toutes les régions du pays, formant etmettantenréseaulesprofessionnelsdelatransformation.

Créditphoto,Jacquemot

L’organisationdesfilières,dominéesouventparlesecteurinformelàtouteslesétapes(de la production à la consommation, en passant par la transformation, le transport, lestockage) nécessite des appuis spécifiques et la recherche de solutions techniques etorganisationnelles innovantes, tout en prenant en compte des attentes desconsommateurs, notamment des nouvelles classes moyennes urbaines, en termes dequalitéetdesécuritésanitaire.Laquestionopérationnelleestcelledelarationalisationdumoded’organisationde la filièreetde l’intensificationdesrelationsdeservicesentre lesacteurs.Unestratégieefficacedefilièreappliquedescritèresdecoopération/partenariatetde systèmesde certificationetdenormespourgagnerencoûtsde transaction, créerdes relations d’entraide entre acteurs et entre territoires, ou par exemple réaliser unéquilibre régional en fonctiondes contraintes locales (ressources internes, dimensiondumarché).

MettreenplaceuncréditagricoleetruralélargiPourse transformer, lesagricultures familialesontbesoind’investiret, souvent, faute

de ressources propres suffisantes, d’accéder à des services financiers adaptés: crédit,épargne,assurances.Orcesservicesfinanciers,et l’offredecréditenparticulier, restent

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défaillantsfaceà lademandedesagricultures familiales. Enmoyenne5%des crédits àl’économievontà l’agricultureenAfrique.Lesvolumesfinanciersdisponiblessontfaiblesauregarddel’ampleurdelademandeet ilsseconcentrentsurducréditdecourtterme.Les crédits demoyen terme et de long terme pour l’investissement et l’innovation fontdéfaut.

Lesbanquescommercialessontpeuprésentesdanslesecteurruraletlesinstitutionsdemicrofinanceoffrentdesproduitsetdesvolumespeuadaptés.Lestauxd’intérêtproposéssont souvent difficilement compatibles avec le niveau de rentabilité des activitéspaysannes.L’offredeservicesfinanciersestpeucompatibleaveclanaturesystémiquedesbesoinsdefinancementdesagriculturesquicombinentdesproductionsagricolesvivrièreset commerciales, différentes formes d’élevage et souvent des activités non agricoles(école, santé, aménagements fonciers…). Alors que les ménages agricoles ont besoind’accéderàunegammedecréditsau largespectre, les institutions financièrespeinentàdiversifierleuroffrefinancièreetlimitentfortementlespossibilitéspourunmêmeménagedecombinerdifférentscrédits,carellesjugentquec’esttroprisquéetcomplexeàgérer.

Àl’exceptiondequelquesinstitutionsdemicrofinanceetdecertainesbanquesrurales,les personnels des institutions financières sont peu familiers avec les réalités desagriculturesfamiliales.Lesdécideurspolitiqueset lespartenairestechniquesetfinanciersorganisent leur action autour de quelques concepts dominants — la finance de filière,l’assurance agricole, l’entrepreneuriat agricole— qui gagneraient à être confrontés à lacomplexitédesréalités.

Une largemobilisation,associant lesorganisationsagricoles,estdoncaujourd’huiunecondition forte pour construire, à l’échelle des territoires, une politique de financementdesagriculturesfamiliales.Desexemplesdebonnespratiquessontutiles.CrééesauNigeren1991, lesassociationsvillageoisesd’épargneetde crédit (AVEC)montrentqu’il existedesoptionsalternatives.Lesmembresépargnentàdesintervallesréguliersetprêtentdesfonds suivant les conditionsdéterminéespar le groupe. Elles se sont répanduesdans39pays,essentiellementafricains.Ellesoffrentdevastespossibilitéspouraider les jeunesàépargner de l’argent afin de l’investir dans l’agriculture et d’accéder au crédit, tout enbénéficiant d’accompagnement et d’accès à l’information à travers un groupe. LesAVECpourraientaider les jeunesdeszonesruralesàse lancerdans l’agricultureet lessecteursnonagricoles.

Latéléphoniemobileoffredanscertainescirconstances lapossibilitéd’étendre l’accèsaux services financiers vers les zones rurales reculées. Les transactions sont ainsi plusrapides:leversementd’unpetitcréditpeutprendreplusieurssemaines,contreseulementuneàdeuxheuresavecuncomptemobile.LeKenyaaétépionnerenlamatièreavecM-Pesa(argentenswahili),crééen2007parSafaricometdontlestransactionstraitéessontéquivalentes à celles de toutes les banques du pays. En 2016, il comptait plus de 20millions d’utilisateurs, soit un Kenyan sur trois,On connaît aussi l’essor des nombreusesplates-formesmutualisantlesinformationsindispensablessurlamétéo,surlesmarchésetsurlesprix.FarmDriveoffreuneapplicationkenyanequiproposeunoutild’évaluationdesdemandeurs de crédit. Ceux-ci remplissent des informations relatives à leur exploitation(surface,rendements, intrantsutilisés)et,surcettebase,FarmDriveélaboredesrapports

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permettantdeconfirmerounonlasolvabilitéfuturedespaysansemprunteurs.Lafintechse déploie aussi ailleurs. En Ouganda, Ensibuuko permet à des coopératives d’offrir desservicesfinanciersmobilesàleursmembresgrâceàuneapplicationmobile,MoBis(MobileBanking& information software). Les agriculteurs consultent leurs relevés de compte eteffectuent des demandes de transactions financières depuis leur téléphone. Elles sonttraitéesauniveaude lacoopérative,surunserveur informatiqueoùsontnumérisées lesdonnéesbancaires.D’autresservicesmobilesnesontpasàproprementparlerdesservicesbancaires,maisfacilitenttoutautantl’accèsaucrédit.

Diversesapprochessedéveloppent,seconcentrantsur le financementdes intrants, lefinancementde lacampagneagricole,ouencore lefinancementde lacommercialisation.Laplupartdecesapprochescontribuentaurenforcementdesliaisonsentrelesacteursdela filière avec pour enjeu une meilleure sécurisation des approvisionnements et lesdébouchés sur les marchés locaux ou régionaux. Certains projets ont pour objectif defournirunappuidirectaudéveloppementdesbanquescommercialesetdesinstitutionsdemicrofinance.

Gérerl’instabilitédesmarchésalimentairesLa volatilité des prix intérieurs des produits alimentaires est un problème récurrent

dansdenombreuxpaysafricains.Ellereprésenteunrisquepourlasécuritéalimentairedesménages qui dépensent une grande part de leurs revenus dans l’alimentation, ainsi quepourlesfoyersdontlesrevenusdépendentdel’agriculture.

Dans les années1980 et1990, la doctrine internationale dominante pour faire face àl’instabilité chronique des prix alimentaires était de ne pas intervenir et de laisser lemarchéjouersonrôle.Ilfallaitseulementtraiterlesconséquencesdel’instabilitépardesinstruments assurantiels privés et les crises par l’aide d’urgence. Ce choix permettaitd’instaureruneprotectiondifférenciéeselonlespréférencesetlesbesoinsdesopérateurséconomiques.Maisladoctrinen’apaseulerésultatescomptéenAfrique:lacrisede2005auNiger,puiscellegénéraliséede2008ontfrappédepleinfouetlesménagespauvresenraisondutrèsfaibledéveloppementdesinstrumentsdecouverturedesrisques.

Avec le temps, l’opposition entre stabilisation des prix et correction des effets del’instabilitéaperdudesonacuité.Unconsensuss’estprogressivementdégagésurl’idéedecombiner les instrumentsetdemettreenplacedesdispositifsdegestionde l’instabilitédesprixalimentaires.Stabiliser lesprixnesuffitpascar ilest impossibled’empêcherdesfluctuationsminimes;or,unehaussemêmemodiqueduprixdesproduitssensiblespeutavoir des effets dévastateurs sur les conditions de vie desménages pauvres. Il est doncnécessairedelesassisterpardesaidesd’urgenceetd’aideràleurrecapitalisationpardesfiletsdesécuritépluriannuels.Parailleurs, les instrumentsdecouverturedesrisquesontunrôlecomplémentaireàjouer.Lespolitiquesdestabilisationquilaissentfluctuerlesprixau sein d’une bande plus ou moins largepeuvent s’avérer intéressantes pour lesproducteurset lescommerçants (couverturedu risque récolteetdu risqueprix résiduel)comme pour l’État (couverture de l’instabilité budgétaire induite par les interventionspubliques).

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CréerlesconditionsdelaconquêtedumarchérégionalLe marché intrarégional est vital pratiquement pour tous les pays africains. Si les

entravessont levées,onpeutpenserquelacroissancedémographiqueaidant, lemarchédes produits vivriers sera davantage tiré par une demande domestique et régionalepotentiellement forte que par les exportations hors d’Afrique. Cette perspective reposelargement sur la progression de l’intégration régionale – même si elle est encoreinsuffisante dans les six régions privilégiées par l’Union africaine - et sur la capacité desÉtats à surmonter un certain nombre de difficultés dans lamise enœuvre effective deszonesdelibre-échangeetdesunionsdouanières.

Contrairementàuneidéereçue,lemarchéalimentaireintérieurestpourtouslespays,y compris les gros exportateurs de produits agricoles comme la Côte d’Ivoire ou leCameroun, nettementplus importants que lesmarchés à l’exportation. C’est ainsi qu’enmilieuurbain, dans cesdeuxpays, les céréales importéesne représententque20%desdépensesalimentaires totales.Untel résultatsignifieque,pour lesproducteursagricolesde la région, les débouchés commerciauxque représententpotentiellement lesmarchésintérieurs de leur pays sont bel et bien nettement supérieurs à ceux des marchésinternationaux.Cetteévolutionreposesurlesavantages/inconvénientscomparésdesdeuxoptionscommerciales.

Tableau3.Avantagesetinconvénientsdesdeuxtypesdemarchés

Commercepourlemarchémondial CommercepourlemarchérégionalAvantagesetopportunités AvantagesetopportunitésSpécialisationorganiséesurlabasedesavantagescomparatifsFavoriselaconcurrenceetsupprimelesrentesPermetl’accèsauxtechnologiesmodernesPermetl’accèsauxdevises

Marchépotentiellementenfortecroissanceavecl’urbanisationRéductiondescoûtsdetransportAdaptationàlademandeprocheRégions au pouvoir de négociationcomparablePermetdegarderlavaleurajoutéedanslarégion

Inconvénientsetrisques InconvénientsetrisquesPeudetransformationlocaledesproduitsexportésDépendanceforteauxintrantsimportés,donccontraintededevisesMarchés dépendants de la croissanceextérieureSensibleàlafortevolatilitédescoursSpécialisationappauvrissante

MarchésencorefragmentésRisquedeconstitutionderentesrégionalesparimport-substitutionPrérequis rarement rencontrés:transparencedesnégociations,fluiditédeséchanges,levéeseffectivesdesbarrières,qualitédesinfrastructuresdetransport.

Les politiques régionales peuvent efficacement accompagner le renforcement des

échangesdeproduitsalimentaires,Telleestparexemplel’ambitiondelapolitiqueagricolecommune (ECOWAP) adoptéepar les 15paysmembres de la Communauté économiquedesEtatsdel’Afriquedel’Ouest(CEDEAO).

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Tableau4.PrincipalesproductionsetdestinationsdesproduitsagricolesdespaysdelaCEDEAO(2017)

Source,OCDE-BAD

Plusieurs changements interviennent aujourd’hui en faveur de l’élargissement desmarchés régionauxen Afrique de l’Ouest tout particulièrement: la mise en placed’instruments tels que la Réserve Régionale de Sécurité Alimentaire, la montée enpuissance des réseaux d’opérateurs (Borderless alliance, interprofessions, etc.). Lesorganisationsde la sociétécivileportentaujourd’huidesenjeux régionauxauxcôtésdesinstitutions régionales et exercent une pression sur les Etats. Ces progrès, largementimputablesauxchangementsdesrapportsdeforceentre lesacteurssontporteursd’uneplus forte intégration des économies agricoles et des échanges, dans l’intérêt del’ensembledelarégion.

LePDDAAL’initiativeafricainelaplusprometteuseestsanscontesteleProgrammedétaillépourle

développementdel’agricultureenAfrique(PDDAAouCAADPenanglais).ILs’agitduvoletagricoleduNouveaupartenariatpourledéveloppementdel’Afrique(NEPAD),unambitieuxprogramme de l’Union Africaine. Adopté en 2003, le PDDAA fournit un cadre destiné àguider les stratégieset lesprogrammesd’investissementnationaux,maisaussià faciliterune meilleure cohérence et une plus grande harmonisation des initiatives dedéveloppement agricole et rural prises enAfrique. Il repose sur quatre piliers: la gestiondurable des terres et des eaux, l’accès auxmarchés, l’approvisionnement alimentaire etenfinlarechercheagricole.LePDDAAsedéclineauniveaunationaletauniveaurégional.Ils’appuiesurdesdocumentsappelés«compacts»signéspartouteslespartiesprenantesde

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centrée sur la demande nationale pour les productions alimentaires ou sur les débouchés extra-africains pour les cultures commerciales de rente, les logiques de développement agricole nationales valorisent encore trop peu le potentiel qu’offre l’espace régional tant sur le plan du marché que sur le plan de la gestion de la sécurité alimentaire. Une aide centrée sur le cadre national. Les Etats ayant globalement négligé le financement public du secteur agricole, l’aide internationale joue dans ce domaine un rôle majeur, qu’il s’agisse des pays ou des institutions régionales. Or, la majorité des agences d’aide, bi ou multilatérales, privilégient le cadre national pour structurer leurs interventions. Lorsqu’elles appuient explicitement les programmes régionaux, elles privilégient les domaines politiques, les domaines liées à l’intégration économique et commerciale, ou des programmes multi-pays qui ne concernent pas l’ensemble de la région, plusieurs agences d’aide privilégiant ses « pays de concentration ». Dans tous les cas, le volume des ressources mobilisées pour la région est considérablement moindre que les appuis délivrés dans le cadre de la coopération avec les pays. Par exemple, la Commission européenne engage l’essentiel des ressources du FED au niveau national. Alors qu’elle dispose d’une capacité de programmation conjointe et complémentaire au niveau régional, les procédures et les modalités d’organisation font que, dans la pratique, les programmations sont disjointes et peu raisonnées en termes de complémentarité et de synergies. Allant avec la programmation et l’évaluation de l’aide, l’expertise raisonne, elle-aussi dans le champ restreint de l’espace national.

La faiblesse des connaissances. Les dimensions régionales sont généralement très peu prises en compte dans la gestion des connaissances portant sur les agricultures nationales. La faiblesse des analyses en termes d’avantages comparatifs régionaux, qui pourrait partiellement fonder des choix de spécialisation sont très rarement disponibles car ils nécessitent des suivis approfondis des coûts de production et de transaction qui ne sont effectués que ponctuellement et partiellement en raison des carences des systèmes nationaux d’information. Les plans de développement des filières sont généralement fondés sur des diagnostics qui se réduisent aux marchés nationaux (ou internationaux) mais font l’impasse sur les marchés sous régionaux. Les dispositifs d’information régionaux privilégient quant à eux l’agrégation des données nationales et apportent peu de valeur ajoutée pour comprendre le fonctionnement régional des économies agricoles et alimentaires. Les échanges commerciaux sont quant à eux fortement minorés dans les statistiques officielles en raison de l’importance des flux informels non enregistrés et des pratiques de corruption aux frontières. Malgré de multiples tentatives, il n’existe pas de matrice générale des échanges de produits agroalimentaires au sein de l’espace régional, permettant une analyse fine de leur contribution aux économies agricoles locales et à la sécurité alimentaire. Au final, la faible visibilité de l’importance des dynamiques régionales pour les économies nationales ne facilite pas une bonne prise en considération par les décideurs nationaux.

Principales productions et destinations des produits des différentes économies agricoles nationales

Produits alimentaires Produits de rente Autoconsommation et Marché national Marché régional Exportation hors CEDEAO

Bénin Maïs, riz, tubercules, huile de palme Maïs, ré-export riz Ananas, coton, noix de cajou Burkina Faso Mil, sorgho, maïs, riz, bétail, niébé Bétail, maïs-sorgho, oignons Coton, karité, sésame Cap Vert Banane, maïs, haricot, Pêche Côte d’Ivoire Maïs, riz, tubercules, plantains Maïs, huile de palme, tabac Cacao, café, banane, ananas,

hévéa, coton, bois Gambie Riz, mil, sorgho, maïs, Arachide,

tubercules, bétail, pêche Ré-export riz

Ghana Tubercules, maïs, riz, sorgho, pêche, bétail

Maïs, huile de palme

Cacao, karité, hévéa, noix de coco

Guinée Riz, maïs, tubercules, pêche Huile de palme, pommes de terre

Agrumes, hévéa, bois, cacao, café

Guinée Bissau Riz, maïs, mil, tubercules, haricot, arachide, fruits Noix de cajou

Liberia Riz, maïs, huile de palme, tubercules, pêche Hévéa, cacao, café

Mali Mil, sorgho, maïs, riz, canne à sucre, bétail, pêche Maïs, mil, riz, bétail Coton, karité

Niger Mil, sorgho, riz, bétail, arachide, dattes Oignons, poivrons, souchet, riz, niébé, bétail

Nigeria Maïs, mil, sorgho, riz, tubercules, huile de palme, agrumes, karité, soja, bétail, pêche

Maïs, mil, sorgho, tubercules, huile de palme Hévéa, cacao, bois

Sénégal Mil, sorgho, riz, tomate, oignons, pomme de terre, patate douce, tubercules, bétail, pêche

Maïs, riz Arachide, légumes, coton

C. Les ambigüités et les incohérences de l’intégration régionaleUne faible articulation des niveaux régional et national. La mise en œuvre de l’Ecowap passe par les niveaux national et régional, avec un principe de subsidiarité. En pratique, l’analyse des processus d’élaboration de ces politiques et

l’articulation de ces niveaux permet de comprendre les difficultés d’intégration. Le programme régional et les programmes nationaux ont été conçus simultanément, le premier selon les priorités définies par la Cedeao, les seconds

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l’exercice(secteurpublic,secteurprivédontlesorganisationsdeproducteurs,sociétécivileetbailleursdefonds).Textedélibérémentcourt,lescompactsrassemblentlesengagementsdes signataires sur leur implicationet leurparticipationdans leprocessus.Sur cettebasesontdéfinisdesprogrammesd’investissementagricoleappelésPNIA lorsqu’ils concernentles pays et PRIA pour les communautés économiques régionales. Des tables-rondesavalisent lesdocuments. L’harmonisationdes textesestassuréeparun systèmede revue«post-compactPDDAA»auxniveauxcontinental, régionaletnational.Laphasesuivanteconsiste à organiser desbusinessmeetingspourmobiliser des financements auprèsde lacommunauté internationale. Les projections d’investissement des pays sont souventirréalistes. Comment atteindre 6% de croissance du secteur, sachant que les ressourcespotentielles d’investissement tout comme les capacités nationales d’absorption sontlimitées?Répondreà cette interrogation est déterminantpour le réalismede ce typedeprogrammationsvolontaristes.

Faireduterritoirel’espacepertinentdelastratégieLuttercontrelafaim,améliorerlasécuritéalimentaireetnutritionnelleestl’objectifn°2

parmilesobjectifsdudéveloppementdurableadoptésenseptembre2015parlesNationsunies. Dans le même mouvement, le territoire, comme espace pertinentdelaprogrammationstratégique,revientau-devantdelascèneafricaine.Ladémarchequimet en avant l’écosystème territorial permet en effet de mieux identifier les modesd’organisation des filières agricoles à privilégier, de trouver des économies d’échelle,d’organiser les marchés, de coller au mieux aux préférences des consommateurs, demettre en valeur les mérites de la gestion en commun des ressources naturelles (eau,foncier, pâturage, biomasse…), d’échanger sur les technologies de transformation, detrouver lesmoyensdeluttecontre lesbioagresseursoucontre lesespèces invasives,etc.L’approchespatialepermetderaisonnerencycles(cycledeviedel’exploitation,cycledel’eau,cycledel’énergieetcycledesmatériaux)etenécosystème(servicesécosystémiques,gestiondesdéchets,gestiondesfluxcentréesurlacohérenceéconomique),pourproduire(par exemple des semences), pour rendre divers services aux agriculteurs familiaux (parexemple en santé humaine et animale), pour créer des solidarités (par exemple dans lagestion des inondations), ou encore pour se connecter efficacement aux politiquespubliques.

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(Source,Gret,2017)

Lesoutilssediversifient.Depuis ledronejusqu’auxsatellites.Latélédétectionoffredemultiples possibilités de caractérisation et de mesure des dynamiques territoriales, enparticulierdans les zonespeuaccessibles. Lamodélisationest sollicitéepour faire le lienentrelesdynamiquesobservéesetlesdiversesconnaissancesàl’œuvresurleterritoireparexemplepourétudierleseffetsduruissellementsurunbassin-versantenHauteGuinéeousurl’agroécosystèmedubassincotonnieràl’ouestduBurkinaFaso.Parcequ’ilestuncadred’action collective au sein duquel s’identifie une communauté d’intérêt et d’action, leterritoireest tout à la fois espacedeprogrammation,un vecteurdedéveloppement, unécosystème d’innovation et d’évaluation et une arène de régulation au regard dudéveloppementdurabledel’agriculturepaysanneetdessystèmesd’alimentation.

En fin de compte, il apparaît clairement que les cadres globaux et spatiaux sont aumoinsaussidéterminantspour laréussited’unestratégiedesécuritéalimentaireque lesparamètresmicroéconomiquesmaîtrisés au niveau des exploitations, des projets et desfilières. Cela relève de l’évidence lorsque l’on constate qu’il est toujours difficile deconcilierdifférentsobjectifsde lapolitiquedeconquêtedumarchéintérieur:stimuleretdiversifier l’offre, certifier sa qualité nutritive, s’ajuster au pouvoir d’achat desconsommateurs,assurerl’équilibredelafilière,minimiserlescoûtspourl’État.L’idéeestmoins de tenter un calcul d’optimisation que de définir un cadre de cohérence où l’ontentede tester,par itérations successives,en fonctionducomportementdesagents, lesimpactsdedifférentssystèmesdeprixsur lescomptesdesproducteurs,desagentsdelafilière,lesconsommateurs,del’Étatetdelabalancedespaiements.

Projet d’amélioration des filières 1

Pistes pour l‘amélioration

Vision des acteurs : amélioration de la filière

et des systèmes de production Territoire

Evaluer les besoins et

contraintes

Analyse de la filière

Analyse des marchés et avantages compétitifs

2

3 4 5

6

Planification des actions

Facilitation des activités pour l‘amélioration des filières

Méthode d’identification des besoins de renforcement des systèmes de production et des filières

Analyse besoins

d‘autoconsommation

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