40
Le magazine de la vie circassienne bruxelloise — n°2 — trimestriel — janvier mars 2015 L’AGRÈS L’IRRÉSISTIBLE ÉLAN DE LA ROUE CYR POLITIQUE CULTURELLE LAANAN ET MILQUET : L’INTERVIEW « CIRQUE » LE LIEU LE CHAPITEAU : ET SI ON REMETTAIT LES VOILES ?

L’AGRÈS POLITIQUE CULTURELLE LE LIEU · Le magazine de la vie circassienne bruxelloise — n°2 — trimestriel — janvier mars 2015 L’AGRÈS L’IRRÉSISTIBLE ÉLAN DE LA ROUE

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Le magazine de la vie circassienne bruxelloise — n°2 — trimestriel — janvier # mars 2015

L’AGRÈSL’IRRÉSISTIBLE ÉLAN

DE LA ROUE CYR

POLITIQUE CULTURELLELAANAN ET MILQUET :

L’INTERVIEW « CIRQUE »

LE LIEULE CHAPITEAU : ET SI

ON REMETTAIT LES VOILES ?

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33 numéros parus + 3 hors série en anglais

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Déployé en rues, en salles ou sous chapiteaux, la 23e édition de La Piste aux Espoirs promet de grands moments conviviaux, drôles et surprenants. Des artistes de tous horizons s’installent dans la cité, déambulent en fanfare, font résonner les lieux, emmenant fans et badauds d’un univers à l’autre. Venez profiter avec nous de ces 6 jours de festival !

SOUS CHAPITEAUMaintenant ou jamais, Circa TsuïcaHet Nieuw Programma - Nouveau programme, Circus MarcelCarte Blanche à Mômes Circus

EN SALLELe Poivre Rose, Cie du Poivre RoseLes Chevaliers, OkidokExtension, Cirque InextrémisteO temps d’O, Cie BarolosoloCordes, Alexis RouvreHom(m), Loïc FaureChez moi circus, Didier André Entre nous et Petit Frère (étape de travail), Cie Carré Curieux

EN RUELes Insubmersibles, Cie Un de Ces 4L’arbre nomade, Cie des Quatres saisonsLe Cirque Démocratique de Belgique, Cie Pol & FreddyOisoh!, Cie Paris BénaresLa Fanfunambule (Fanfare détournée), Cie Les Passeurs de Rêve

LA PISTE, C’EST AUSSI…Des expositions, des soirées musicales, des moments de convivialité, autour d’un verre ou le temps d’un repas à la Halle aux Draps sur la Grand-Place, le coeur du festival.

* Programmation sous réserve de modification.

Éd.

res

p. :

Mai

son

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cul

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Tour

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Frèr

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750

0 To

urna

i / G

raph

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lagi

l

INFOS : +32 (0)69 25 30 [email protected] des Frères Rimbaut,7500 Tournai (B)www.lapisteauxespoirs.com

Avec l’aide de nombreux bénévoles et sponsors.

En partenariat avec Mômes Circus, la Salle La Fenêtre et Le Prato.Dans le cadre de la programmation cirque de la maison de la culture de Tournai www.maisonculturetournai.com, et du “Plôt, Pôle Cirque Lille-Tournai”

Programme détaillé disponible dès fin janvier 2015* aussi sur www.lapisteauxespoirs.com

F E D E R

04/0309/03

www.lapisteauxespoirs.com

23e édition Tournai (BE)

D’ARTISTES

FESTIVALINTERNATIONAL

DE CIRQUE

SMELLS LIKE CIRCUSà Vooruit & De Expeditie, Gent 14 > 18.01.2015I NFO : www.circuscentrum.be/smellslikecircus

I NFO& T ICKETS : www.vooruit.be

Cie Nuua © Jan Castermans

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WOLUBILISCours Paul-Henri Spaak 11200 Woluwe-Saint-LambertBelgique

WolubilisUN SUCCÈS

PLANÉTAIRE!

© V

. Re

mis

e

Traces

Les 7 doigts

de la main

6-7 fév. '1502 761 60 30 – wolubilis.be

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C!RQ EN CAPITALE | 5

’art ne pourra pas changer le monde – rendre tout le monde heureux, enrayer l’exclusion, déraciner la logique du pro8t qui empoisonne le genre humain, remettre la balle dans le canon, stopper la haine qui camou:e la peur vertigineuse de vivre libre. Non, face à ce Goliath, l’art, avec sa petite fronde, semble bien dérisoire.

Ce deuxième numéro de «  C!RQ en CAPITALE  » propose de voir les choses dans l’autre sens. Et si, justement, dans l’intimité de nos cœurs, l’art permettait de cimenter nos bases, d’équiper nos consciences, de ne pas se sentir seuls, de faire groupe non pas pour gueuler, détruire ou souffrir, mais pour construire, rencontrer, parler, écouter, rire, pleurer, se disputer avec joie, ne pas être d’ac-cord, aimer ? Et si l’art nous permettait de « vivre », en8n ?

Loin des notions de rentabilité, de commerce ou de consommation, on sent qu’une nouvelle conscience est agissante un peu partout sur Terre. Elle œuvre à différents niveaux : environnement, agricul-ture, échange de savoirs, entreprise coopérative. Elle n’est pas sûre d’elle, ni de ses modèles, mais elle est convaincue d’une chose  : nous ne devons pas abandonner nos rêves à d’autres qui en déci-deraient pour leur béné8ce. En cirque aussi, ce mouvement existe. Il a dépassé la poignée de rêveurs pour atteindre une vraie com-munauté de bâtisseurs. Au quatre coins du monde, ce mouvement de « cirque social », né au milieu des années 80, travaille avec des personnes que la société – ou la situation géopolitique – exclut. Le résultat est bouleversant. « Au Brésil par exemple, nous travaillons avec des jeunes qui vivaient dans la rue. Ça prend du temps, mais ils se rouvrent comme des fleurs. Le cirque leur rend confiance en eux-mêmes et en l’autre, parce qu’il est collaboratif », explique Michel Lafortune, coordinateur du Cirque du Monde, le vaste programme social du Cirque du Soleil.

A Bruxelles, on parle près de 150 langues et on compte plus de 160 nationalités. La ville forme un patchwork culturel dont le discours le plus bruyant souligne plus volontiers les frottements que l’in-croyable richesse. Ce trésor existe. Encore faut-il vouloir le trouver : il ne s’achète pas, il se construit. Nous sommes allés à la rencontre de quelques-uns de ces « bâtisseurs » pour qui les arts de la piste sont le levier vers une plus grande cohésion entre les habitants. Par le geste, l’appui ou le porté, le cirque crée du « lien », au sens propre. « C’est par son corps qu’on fait société », estime Eleftérios Kechagioglou, le directeur du Plus Petit Cirque du Monde (France), dans l’interview qu’il nous a accordée.

De toute évidence, le cirque fait du bien au corps. Il pourrait égale-ment aider à bâtir et à assouplir le corps social. Et donc changer le monde, quand même, un peu ?

É D I T O

06 Picto

PETITE HISTOIRE DU CIRQUE CONTEMPORAIN À BRUXELLES

10 Actus

LA VUE LARGE D’XS ET L’EMPREINTE DE “TRACES”

12 Le cirque vu par...

ELVIS POMPILIO

13 Dans la gueule du lion

MANGER OU ÊTRE MANGÉ, TELLE EST LA QUESTION

24 Politique culturelle

LAANAN ET MILQUET : L’INTERVIEW “CIRQUE”

28 Salto avant

PARLEZ-VOUS CIRQUE ?

30 L’agrès

LA ROUE CYR

32 Le lieu

LE CHAPITEAU : LA TOILE OU LA TUILE ?

35 Le Bruxellois du bout du monde

VINCENT SCHONBRODT, UN RIGGER AU BRÉSIL

36 Agenda

À VOIR, À FAIRE, À DÉCOUVRIR

LE CIRQUE, CORPS SOCIAL

14

SOMMAIRE

LAURENT ANCION, Rédacteur en chef

Dossier

u lililililiononononon

© B

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UIN

LIT

T

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NOTRE CIRQUE, TOUTE UNE HISTOIRE !

6 | C!RQ EN CAPITALE

Nu

it d

es

te

mp

sN

uit

d

Le « cirque contemporain », à Bruxelles, c’est un peuple de passionnés, capables d’inventivité et de débrouille. Mais bon sang, comment s’est-il constitué ? Depuis les Mérovingiens jusqu’à après- demain, un peu d’Histoire pour ne pas mourir idiot, en 36 étapes et autant d’étoiles.

Par LAURENT ANCION

Illustrations FLORE FIGUIÈRE

PICTO

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C!RQ EN CAPITALE | 7

!

650

En nos régions, les

Mérovingiens, un

peu jaloux, tentent

de ressusciter les

jeux du cirque, dis-

parus avec l’Empire

Romain. C’est un

méga-<op.

1015

Première mention de « Bruoc-

sella », un port sur la Senne

où convergent marchands

et acrobates. Peu après, les

comtes de Louvain et de

Bruxelles bâtissent un premier

château sur la colline du

Coudenberg. Des jongleurs y

égayent les soirées d’hiver en

l’absence de télévision.

Les prémices du cirque naissent

avec les numéros de sauteurs

de cordes (ancêtres des équili-

bristes), d’escamoteurs (futurs

magiciens) et de montreurs de

bêtes (plus tard les dompteurs

de fauves). Dans des loges de

bois et de toile, ils amadouent la

foule sur la Grand-Place.

165

0

Premier contact de la ville avec le « cirque moderne » : en tournée, l’Anglais Philip Astley, fondateur de cet art nou-veau, choisit le manège du Parc

Royal pour y installer ses numé-ros équestres et acrobatiques.

Il y déclenche une véritable « circomania », vite imitée.

1787

Porté par la vague folk, Stanislas (de son vrai

nom Philippe André) crée le « Cirque

du Trottoir », du « nouveau cirque » qui réunit

les genres et séduit les foules. L’équipe mêle

la danse sud-américaine (zapateo, bombos,

boleadoras) avec Michou Meugens et Juan

Saavedra, le mime avec Jean-Louis Danvoye,

la musique folk avec Aline et Louis Spagna,

la jonglerie avec Vincent Wauters, le jazz

avec Pierre Coulon et Jean-Paul Laurent,…

L’énorme succès de la troupe ouvrira

le chemin à plusieurs générations de

circassiens, jusqu’à aujourd’hui.

1979

Construction du Cirque Royal,

rue de l’Enseignement, inspiré

du Cirque d’Hiver de Paris. Cet

ouvrage gigantesque, avec des

écuries pouvant héberger 110

chevaux et des gradins prévus

pour 3.500 spectateurs, sera

totalement rénové en 1952

et adoptera sa forme actuelle.

1878

Après Dimitri et

Savary, le Théâtre

140, pionnier de

l’audace, invite « Le

Cirque imaginaire »

de Victoria Chaplin

et Jean-Baptiste

Thierrée.

1976

g. jongl s y

es soirées d’hiver en

nce de télévision.

La concurrence de nouveaux médias, l’augmentation des

coûts de tournée et l’évolution des loisirs conduisent au déclin du cirque « classique ». En pa-

rallèle, l’esprit de Mai 68 change la façon de voir les pistes : c’est

le « nouveau cirque », sans animaux et à taille humaine.

Années 70

et adoptera sa forme actuelle.

1984

Une partie de la

troupe du Cirque

du Trottoir s’envole

pour le Québec

et participe à la

création du Cirque

du Soleil

au Canada.

L’âge d’or du cirque moderne

(devenu classique ou tradi-

tionnel) amène tous les grands

cirques à émerveiller les

« ketjes » bruxellois. Même le

vrai Buffalo Bill joue du lasso,

à côté d’innombrables familles

bruxelloises de cirque, rois et

reines des (é)toiles.

De 1900 à 1950

ux ntation des ’évolution t au déclin  ». En pa-

68 change tes : c’est

sans umaine.

nnel) amène tou

cirques à émerv

« ketjes » bruxell

vrai Buffalo Bill jou

à côté d’innombrab

bruxelloises de ci

reines des (é)t

Passionné par la jonglerie et la pédagogie,

Vincent Wauters crée l’Ecole Sans Filet,

d’abord sous l’égide du Cirque du Trottoir

puis très rapidement de façon autonome.

Les premiers ateliers visitent les Halles de

Schaerbeek, la Galafronie, l’Ecole des Domi-

nicaines,… Les formations se diversijent et

créent un véritable appel d’air : la demande

explose. En 1987, l’école s’installe au « 104

chaussée de Boondael », à Ixelles. Le lieu, vé-

ritable « bouillon de culture », sera l’incuba-

teur d’une foule de projets et de rencontres

déterminantes pour la suite de l’histoire.

1981

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8 | C!RQ EN CAPITALE

Le groupe de « L’Impasse des

Loubards », formé par de jeunes

mordus de l’Ecole Sans Filet

sous la houlette de Lisbeth

Benout et Anne Van Ermengem,

fait des ravages. Parmi eux,

on retrouve Hèdi et Ali Thabet,

Mathieu Moerenhout, Mark

Dehoux,... Ils sont toujours

mordus aujourd’hui !

1989

Les arts du cirque au

programme des maternelles

et des primaires ? C’est le pari

audacieux du « Cirquétudes »

au Centre scolaire du Souverain

à Auderghem, popularisant

des mots jusque-là méconnus

comme « circomotricité ». Vingt

ans plus tard, le succès ne s’est

pas démenti.

1993

1999

A la Cocof (Région de Bruxelles-Ca-

pitale), le Ministre Didier Gosuin

réunit les aides en faveur du cirque en créant une

ligne budgétaire spéciVque.

Bruxelles 2000, Ville européenne

de la Culture, forge un axe

« cirque » puissant et durable :

spectacles d’écoles supérieures

internationales aux Halles, Arts

Sauts à Tour & Taxis, nouvelles

créations (« Calcinculo » de

Feria Musica, « Turbulences » de

la Compagnie Catastrophe), ...

2000

Quelques acharnés lancent une

« Maison du Cirque », lieu ras-

sembleur d’un secteur en pleine

(r)évolution. (Sur)chargé d’es-

poirs cosmopolites, de l’Esac à

la Villette ou à la création de la

Fédécirque, ce chaînon man-

quant de la Vlière circassienne

refermera ses portes en 2013.

2009 à 2013

L’Enac (Ecole Nationale des Arts du Cirque),

devenue Esac (Ecole Supérieure des Arts du

Cirque) en 1999, est ofVciellement reconnue

par la Communauté Française comme 17e

école supérieure des Arts. L’institutionna-

lisation de l’Esac répond à la nécessité de

promouvoir un enseignement supérieur artis-

tique spéciVque au cirque, au même titre que

les arts plastiques, la musique, le théâtre ou

le cinéma. Par sa formation pointue, l’école

gagne très rapidement une reconnaissance

mondiale, conVrmant Bruxelles parmi les

capitales du cirque.

2003

En septembre, Bruxelles

découvre le Cirque Plume avec

« Spectacle de Cirque et de

Merveilles ». Le chapiteau est

dressé place Van Meenen, avec

la complicité de la Commune

de Saint-Gilles et de l’« asbl

Trapèze » lancée en avril de la

même année par Philippe de

Coen et Jean Palacy.

1989

Lancée par l’Ecole Sans Filet et

Philippe de Coen, « La nuit du

trapèze volant » métamorphose

les Halles de Schaerbeek et

démontre que les techniques

aériennes sont contemporaines.

En conclusion d’un stage donné

par le maître français

Jean Palacy, un spectacle

emmène le public au 7e Ciel.

198

7

Le cirque : un art ofFciel ! Ça a l’air

technique, mais c’est fondamental.

Le nouveau Décret-cadre de la Communauté

Française sur « la reconnaissance

et le subventionnement des secteurs

professionnels des Arts de la Swcène »

nomme ofVciellement le cirque comme

un art de la scène – donc subsidiable. Au

départ, le projet de Décret évoquait les arts

de la rue et forains sans mention circas-

sienne. La pression d’opérateurs bruxellois

va faire graver le cirque sur les tablettes,

le plaçant (institutionnellement) sur un

pied d’égalité avec la danse

ou le théâtre.

1999

Après quelques

années nomades,

notamment à

l’Arsenal (VUB),

l’Ecole de Cirque

de Bruxelles arrive

à Tour & Taxis,

où elle réside

aujourd’hui.

2001

rd’hui !

1999

PICTO

Quelqu

« Mai

semble

a p

va faire graver le

le plaçant (ins

pied d’ég

ou

2004

La Fedec (Fédéra-

tion européenne

des écoles de

cirque profession-

nelles) s’installe

à Bruxelles. Elle

compte aujourd’hui

55 organisations et

26 pays.

20

06

Création de

« Hopla !,

la Fête des arts

du cirque de

Bruxelles », au

parc de Bruxelles

puis au quartier

Sainte-Catherine,

au cœur de la

Capitale.

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C!RQ EN CAPITALE | 9

Rénovées, les

Halles rouvrent

avec Que-Cir-Que,

af4rmant la spé-

cialisation « cirque

actuel » de l’équipe

Philippe Grombeer

& Anne Kumps.

Ce fut un jardin de roses, puis

une école. Cultivé par deux

Philippe (de Coen et Delfosse)

et la Commune de Saint-Gilles,

un écrin de verdure devient « Le

Théâtre de la Roseraie », un

espace de création, propice aux

rencontres, aux échanges

et aux aventures

collectives.

Catherine Magis, entourée d’une joyeuse

bande d’artistes de cirque, inaugure l’Espace

Catastrophe aux anciennes Glacières de

Saint-Gilles. Baptisé alors « espace d’accueil

et d’échanges, d’entraînements et de for-

mations, de création et de représentations,

inspiré des arts du cirque et destiné aux

artistes professionnels » (ouf), le lieu est un

des pionniers en tant que structure « multi-

fonctions » en Europe : on s’y entraîne, on s’y

(in)forme, on y réside le temps d’une création,

on y croise d’autres fous pour rêver

des aventures nouvelles...

1995

1994

Après avoir

commencé par

du jonglage en rue

avec des jeunes

du quartier,

Vincent Bouzin

lance le projet so-

cial Cirqu’Con;ex

à Anderlecht.

1996

L’Ecole Sans Filet achève son aventure et donne naissance à deux structures distinctes : l’Ecole de Cirque de Bruxelles, centrée sur la pédagogie, et l’Ecole Nationale des Arts du Cirque, une formation artistique de deux ans qui s’installe à Auderghem sous la conduite de Lisbeth Benout.

1996

2009

Après 20 ans à la

barre, Fill De Block

et Nanou Peters

con4ent leur

Atelier du Trapèze

(Schaerbeek) à

Nicolas Eftimov et

créent un atelier en

Drôme.

2014

L’utilisation

des animaux sau-

vages est interdite

dans les cirques

en Belgique, pion-

nière : seules la

Grèce et l’Autriche

ont fait de même.

2014

Après 12 éditions,

le Festival Pistes

de Lancement,

créé en 1998 par

l’Espace Catas-

trophe, devient le

Festival UP!

et envahit la ville.

En juillet, le Carré Curieux

cartonne à « Midi-Pyrénées

fait son cirque en Avignon », en

collaboration avec le Théâtre

des Doms, « Vitrine sud » de

notre création contemporaine.

D’autres compagnies sises à

Bruxelles monteront ensuite sur

le pont, y gagnant une précieuse

visibilité.

2010

Des bâtiments prêts à sortir de

terre, des rénovations espé-

rées, une année du cirque – qui

sait ? –, un rêve de fédération

du secteur,... Les pistes ne

manquent pas pour démontrer

aux Mérovingiens que notre

cirque a l’avenir devant lui.

A vous d’écrire la suite !

Feria Musica installe ses

« Liaisons dangereuses »

aux Halles, premier spectacle

du duo Philippe de Coen -

Benoît Louis. « C’est un art

nouveau qu’ils inventent ici.

Un art qui les rapproche

du Cirque Plume, de la Volière

Dromesko ou de Zingaro »,

s’enthousiasme « Le Soir ».

1997

1996

« Cirk’Alors! », à l’Espace

Catastrophe, est un délire pour

l’époque : 29 représentations,

près de 5.000 spectateurs.

Le cirque s’allie à la musique,

avec les Frères Brozeur, dans

une mise en scène d’Anne Van K

et avec la complicité chorégra-

phique de France Perpète.

1998

Les Argonautes

présentent

« La Toison

d’orgue » au Ren-

contres de Huy :

« L’un des tabacs

les plus mémo-

rables du cru ! »,

s’écrie « Le Soir ».

1995

ovées, les

Ce fut un jardin de roses, puis

la conduite de Lisbeth Benout.

2009En juillet, le Car

une mise en scè

et avec la complicité chorégra

phique de France Perpète.

A l’horizon

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10 | C!RQ EN CAPITALE

Le chi!re

PLUIE DE NEZ ROUGES POUR LE DROIT À L’ENFANCESilvia Rodriguez Gimenez

Chez nous, un enfant sur quatre vit dans

la pauvreté. Le 23 novembre dernier, 1000

nez rouges ont déferlé sur les statues de

20 villes du monde, dont Bruxelles, pour

sensibiliser au droit à l’enfance. Un clin

d’œil des Clowns et Magiciens Sans Fron-

tières pour nous rappeler que ces person-

nages illustres ont tous été des enfants,

et que nous avons tous besoin de rire et

d’amour. Manneken-Pis, bien entendu, n’y

a pas échappé !

1000

Stages

AU CARNAVAL, DÉMASQUEZ-VOUSFlavie Gauthier

Vous avez toujours rêvé de plonger dans

l’univers du cirque ailleurs qu’assis sur des

gradins ? Vous mourrez d’envie d’expérimen-

ter une technique différente de la vôtre ? Les

congés de Carnaval sont une bonne occasion

de découvrir sous un autre regard les disci-

plines circassiennes. Enfants comme adultes

ont l’embarras du choix face aux propositions.

Pour les plus jeunes, l’Ecole de Cirque de

Bruxelles propose dès 4 ans des ateliers de

circomotricité à Saint-Gilles et à Tour et Taxis.

Les formateurs s’adaptent à tous les niveaux.

« Cela permet aux enfants de jouer avec du

matériel de cirque et d’évoluer dans un décor

très différent de ce qu’ils connaissent à l’école

ou en club de sport », souligne la coordinatrice

des stages de l’ECB, Fanchon Paumen. A partir

de 6 ans, ils peuvent explorer une technique de

cirque particulière. Toboggan asbl, implantée

à Uccle et Woluwé, ainsi que le Mikado Club, à

Woluwé et Watermael-Boitsfort, intègrent la

jonglerie, les assiettes, le diabolo, l’équilibre,

le trapèze dans leurs stages « multisports ».

Toboggan asbl invite également les 6-12 ans

à l’exploration artistique et créative avec la

confection de décors et de balles de jonglerie,

bâton du diable, accessoires, etc.

Et les adultes ? Rendez-vous à l’Espace Catas-

trophe. Le programme de formations « Jeu(X)

de Piste » se décline en 13 stages de 15 heures

(et un de 30 heures), ouverts à tous. On peut y

apprendre par exemple à jouer avec les mains

lors du stage « Danse des Signes & Jeu(X)

de Doigts » (photo), proposé par Christelle

Dubois et Sophie Leso. Selon Catherine Magis,

directrice artistique de l’Espace Catastrophe,

c’est la formation idéale pour les personnes

qui appréhendent l’acrobatie. « On commence

avec une plus petite partie du corps. Le stage

donne aussi un aperçu de la langue des signes

de façon ludique. Christelle et Sophie utilisent

les signes pour les faire résonner avec des

disciplines comme la danse, l’équilibre, le mime,

la jonglerie,… ». Le stage « De l’acro à la danse

et vice-versa », avec Quintijn Ketels, met en

avant une autre façon d’explorer le mouvement

en mêlant acrobatie et chorégraphie. « Le point

fort de nos programmes, c’est la rencontre de

plusieurs disciplines, la recherche d’une autre

expression de soi, le rapport à l’autre, le déH et

la prise de risque », conclut Catherine Magis.

Pour l’offre de stages au Carnaval (du 16 au 20/02), voir l’Agenda en pages 36 et 37.

Spectacle

DES “TRACES” QUI FONT DATELaurent Ancion

Virtuosité, fraîcheur, adrénaline et humour : avec « Traces », la compagnie québécoise des 7 Doigts

de la Main est en train de marquer une génération de spectateurs. Déjà présenté la saison dernière

à Wolubilis, le spectacle y revient début février. La demande n’est pas que locale, elle est planétaire :

créé en 2006, « Traces » a été joué 1700 fois devant 900.000 spectateurs dans 25 pays et près de 200

villes à travers le monde. Comment expliquer pareil succès ? « C’est un des premiers shows qu’on a

créés, il y a sans doute une jeunesse et un sentiment d’urgence qui sont extrêmement sincères », nous

explique Sébastien Soldevila, l’un des « 7 Doigts », coach acrobatique du spectacle. « On ne raconte

pas une histoire : on la vit. On a voulu exprimer le désir de vivre, de laisser une trace ». Des sentiments

visiblement universels, puisque cet enchaînement effréné de roue Cyr, double mât chinois, bas-

cule ou diabolo acrobatique est appelé à continuer sa route. « On ne force jamais la poursuite des

tournées », note Sébastien. « Mais il se fait que jusqu’à présent, la demande des théâtres, le désir des

interprètes et notre envie ont coïncidé ». Si tout le monde est d’accord...

« Traces », les 6 et 7/02 au Théâtre Wolubilis, Cours Paul Henri Spaak, 1, 1200 Woluwe-St-Lambert, 02 761 60 30, www.wolubilis.be. Egalement le 13/02 au Centre culturel d’Arlon, www.maison-culture-arlon.be.

ACTUS

© VALÉRIE REMISE

© AMANDINE DOOMS

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Lieu

VENT NOUVEAU À LA VÉNERIESilvia Rodriguez Gimenez

La Vénerie a une nouvelle directrice : Barbara Coeckelberghs quitte

la Bellone et succède à Thomas Prédour, devenu conseiller au Cabinet

Milquet. On connaît la sensibilité circassienne du Centre culturel de

Watermael-Boitsfort : deux réjouissantes créations s’y jouent d’ailleurs

très prochainement, « Hom(M ) » de Loïc Faure et « CQFD ? » du Cirque

Barbette. La nouvelle directrice maintiendra-t-elle ce goût du cirque ?

« Je suis sensible aux projets ‘tout public’ et pluridisciplinaires qui per-

mettent de rassembler les générations et les publics. Le cirque y parvient

très bien », af[rme-t-elle. « La saison 2015-2016, la première où j’entrerai

en jeu, veut respecter les acquis tout en offrant un regard moderne,

notamment à travers la recherche ». Barbara Coeckelberghs se réjouit

également de « l’énorme succès du cirque » lors de la Fête des Fleurs,

qu’on retrouvera au mois de mai prochain. Un vent nouveau qui con[rme

la Vénerie dans ses envies de créations et d’audace.

Festival

LE CIRQUE, UN ART TRÈS NATIONALLaurent Ancion

Le cirque est-il un art « en devenir » ou dialogue-t-il d’égal à égal avec

les autres arts de la scène – le théâtre, la danse, la marionnette ? Au

Festival XS, dont la cinquième édition envahira tous les recoins du

Théâtre National à la [n du mois de mars, la réponse ne fait pas un pli.

« Toutes ces approches ont leur place sur une scène nationale. Pour

être franc, je ne me pose même pas la question ! », lance Alexandre

Caputo, fondateur et programmateur de XS. Depuis ses débuts en

2011, ce festival pluridisciplinaire dédié aux spectacles courts (de 5 à

25 minutes) joint le geste à la parole, en collaborant avec des artistes

de cirque passionnants : Alexander Vantournhout, Ali et Hèdi Thabet,

Nickolas Van Corven et Lola Devault-Sierra,... « Dans les arts de la scène,

les frontières entre les genres s’estompent. Je m’en réjouis », poursuit

le programmateur. « Dans sa mise en jeu des corps, le cirque rejoint l’un

des fondamentaux du théâtre : la prise de risque ». Et c’est bien ça qui

intéresse le festival, espace d’audace et d’expérimentation, fenêtre

joyeuse sur la complexité du monde. Cette année, il ne faudra pas rater

Aurélien Oudot (photo), piquant contorsionniste tout

juste diplômé de l’Esac, et le duo formé par

Pierre Meunier et Raphaël Cottin, qui nous

serviront un « Buffet à vif » à la hache et

au culot. Mais dépêchez-vous : le menu

d’XS est toujours pris d’assaut.

Festival XS, les 26, 27 et 28/03, au Théâtre National, bld Emile Jacqmain 111-115, 1000 Bruxelles, 02 203 53 03, www.theatrenational.be.

Echo d’ailleurs

L’AIR PUR DE LA PISTE AUX ESPOIRSCatherine Makereel

Nonante kilomètres. C’est ce qu’af[che le compteur entre Bruxelles

et Tournai. Pour certains, c’est traverser la moitié latérale de la

Belgique. Pour d’autres, plus enthousiastes, c’est faire un saut de

puce quand il s’agit d’aller découvrir La Piste aux Espoirs, biennale

tournaisienne qui compense largement votre empreinte carbone par

la bouffée d’air pur de sa programmation. Tout a commencé en 1988

par un concours circassien pour artistes amateurs. Au [l des années,

le succès grandissant du festival a transformé La Piste aux Espoirs

en rendez-vous plus pointu sans sacri[er au côté festif de ren-

contres entre jeunes compagnies professionnelles, jeunes artistes

des écoles de cirque et jeunes amateurs des écoles de loisirs. S’il y

a toujours une pointure pour marquer l’évènement – cette année, ce

seront les Français de Circa Tsuïca avec « Maintenant ou jamais » –

le festival se fait principalement l’hôte de compagnies belges que la

Maison de la Culture de Tournai accueille en résidence de création.

C’est ainsi que l’on pourra découvrir une étape de travail de Carré

Curieux avec « Petit frère » (photo du bas), mais aussi les nouvelles

créations des Okidok (« Les Chevaliers »), ou du Poivre Rose (photo

du haut). En rue, en salle ou en chapiteau, La Piste aux Espoirs fait la

part belle à nombre d’artistes couvés chez nous : Loïc Faure, Alexis

Rouvre, la compagnie Un de ces Quatre ou encore Pol et Freddy et

leur inénarrable « Cirque Démocratique de la Belgique ». S’il est

impossible de détailler ici toute la programmation, on peut insister

sur la dimension conviviale de cette Piste aux Espoirs qui invite la

crème du cirque belge tout en la frottant à son ancrage plus local :

pour ses 25 ans, l’école Môme Circus a carte blanche pour inviter

d’autres écoles du pays pour un explosif concours de numéros. Si ces

écoles n’ont pas peur de traverser le pays, il est peut-être temps de

vous y mettre.

La Piste aux Espoirs du 4 au 9/03 à Tournai, 069 25 30 80, www.lapisteauxespoirs.com.

© KAILAI CHEN

©MARIANNA DE SANCTIS

© SACHA CALOUSSIS

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J’ai toujours aimé le Cirque et j’en veux pour preuve

que mon premier costume de carnaval était un

costume de clown. Je devais avoir dix ans tout au

plus et j’étais très ?er de ce costume que j’avais

entièrement réalisé moi-même. Il était blanc et or.

Et bien sûr le chapeau était particulièrement réussi.

Je dirais même magni?que ! Ceci est peut-être

banal mais je me souviens tellement précisément

de ce costume que je ne puis parler du Cirque sans

l’évoquer.

Pour moi, aller au Cirque signi?ait et signi?e

« amusement, drôlerie, bizarrerie ». Mais il y a aussi

cette idée que l’on ne sait pas ce qui va se passer.

A la surprise s’ajoute une impression de danger ! Les

acrobates, les ?lets que l’on tend et les dresseurs…

Chaque fois, on sait et on ne sait pas ce qui va se

passer ! Tout cela est impressionnant et émouvant.

Et puis il y a aussi les couleurs ! Les couleurs de ces

costumes délirants qui, illuminés par des éclairages

intelligents, sont magni?ques et caractéristiques de

chaque métier : les jongleurs, les équilibristes, les

cavaliers, de telle manière que l’on sait tout de suite

à qui l’on va avoir affaire. Pour un enfant, ce sont des

repères charmants car on n’est pas perdu et l’on peut

apprécier d’autant plus l’inattendu.

Je crois que dans certaines de mes créations, on

retrouve cette idée du Cirque. J’ai fait par exemple

des chapeaux dont la décoration pourrait faire

penser à l’intérieur d’un chapiteau et j’ai sûrement

inconsciemment fait référence aux costumes des

dompteurs avec leurs brandebourgs.

J’ai également toujours aimé au cinéma les ?lms

sur le Cirque, que ce soit avec Charlie Chaplin ou

Federico Fellini comme metteur en scène, ou avec

cet acteur génial qu’était Danny Kaye dans les

années 50. J’ai également un beau souvenir du cirque

miniature qu’avait imaginé Alexander Calder, avec

ses automates et ses petits personnages.

J’aime le spectacle en général et mes dé?lés (que

je n’ai pas la prétention de comparer au Cirque)

sont des spectacles remplis de surprise. Je pense

qu’il y a peut-être eu une in_uence car si je devais

caractériser le Cirque, je dirais que c’est aussi un

dé?lé beau et coloré qui illumine les yeux des petits

mais aussi des grands.

Le cirque vu par…

POMPILIO ELVIS

BIO XPRESSElvis Pompilio,

né à Liège en 1961

et installé à Bruxelles

depuis 1987, est un

chapelier célébré

internationalement.

Son talent coiffe

les stars (Madonna,

Harrisson Ford,

Sharon Stone, Amélie

Nothomb) et les têtes

(déjà) couronnées.

« Sans chapeau »,

estime-t-il,

« on n’est pas -ni ».

© L

UC

PR

AE

T

REGARD

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DANS LA GUEULE DU LION

aune, rouge, 42 mètres de diamètre, des gradins pour 1200 personnes  : le chapiteau Bouglione ne passe pas ina-perçu, à quelques dizaines de mètres de l’Atomium, là où «  Tziganes  », le nouveau spectacle de la troupe, se propose de nous dégeler les mirettes en ce dimanche de pré-hiver. « Ça sent la bête » (sic), commente une specta-trice en pénétrant sous la vaste toile. D’abord, ça sent plutôt le pop-corn.

Ensuite, ça ne sent plus tant la bête que ça  : suite à la loi du 28 févier 2014, les cirques et expositions itinérantes n’ont plus le droit d’utiliser des animaux sauvages en Belgique.

Jusqu’il y a peu, Alexandre Bouglione présentait un numéro de dressage rare en Europe, avec un cortège de pumas, panthères et jaguars. Le temps a fait le reste : ce dimanche, il dirige, à la double chambrière, quatre chameaux à bosses molles.

Perroquets volants au-dessus des gradins, lamas sympathiques (on dirait des moutons), chiens plutôt zinneke (on apprendra qu’ils viennent de la S.P.A.), cheval et poney  : la ménagerie a quelque chose de familier qui, sans réconcilier avec l’exercice, en diminue l’apparente cruauté. On évoquera plus rapidement le traitement réservé à l’humain, sexisme évident et costumes rikiki pour les dames, lancer de couteaux d’un autre âge et, à souligner, prouesses acrobatiques franchement convaincantes, pour répondre à Théo : « Oui bon mais alors, qu’ont-ils fait de leurs bêtes sauvages ? » (bien qu’il avait oublié la question, trop occupé à admirer « Laserman » le clou du spectacle qui manie les faisceaux sur de la techno).

Fauves qui peutManger ou être mangé : tel est le principe de la chaîne alimentaire. Telle est aussi la loi des spectacles qui vivent principalement des recettes de billetteries (et de pop-corn donc). Pour Alexandre Bouglione, la nouvelle loi est tout d’abord... «  une bonne nouvelle  »  : elle a écarté la concurrence étrangère. Les « gros » cirques venus d’Allemagne ou de France – où l’usage des fauves est toujours permis – ne peuvent plus jouer sur notre territoire. Dans les faits, Bouglione était l’un des derniers cirques à avoir des animaux sauvages «  à demeure  » sur le sol belge.

J

Manger ou être mangé, telle est la question

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Le premier numéro du magazine se faisait l’écho de la loi belge interdisant l’usage des animaux sauvages dans les cirques. Théo, 15 ans, m’ennuie1 avec une question assez pertinente : « Mais alors, qu’est-ce qu’ils ont fait avec ? ». Il fallait consulter l’oracle : Bouglione.

Texte & Illustration LAURENT ANCION

On l’ignore souvent, mais les troupes « louaient » fréquemment les numéros de fauves, venus d’Angleterre ou des Pays-Bas : ils n’avaient tout simplement déjà plus de fauves du tout – ils les em-pruntaient.

Chez Bouglione, il restait deux éléphants et trois jeunes tigres, nés au cirque. Ils broutent tranquillement aujourd’hui au Monde Sau-vage d’Aywaille. Les vielles panthères sont mortes « en paix » en 2013, au cirque. « Nous sentions le vent venir  », explique Alexandre Bouglione. « Je pense que nos animaux étaient bien, mais c’est mieux comme ça. On n’arrivait plus à suivre toutes les exigences des nouveaux règlements. Il ne faut pas se voiler la face, les bêtes sont mieux au zoo, elles ont plus de place ».

Sous la pression du temps, les mentalités changent. Ne reste plus qu’à faire évoluer un autre animal  : l’Homme (et son ma-chisme scénique). Mais on dit qu’il a la dent dure.

1. Il a bien le droit, je suis son père.

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17 Une conscience mondiale

18 Le regard d’ Eleftérios Kechagioglou

20 Le cirque remet la marge au centre

21 Le corps réapproprié

22 Des châteaux (comme) en Espagne

23 Khalid, l’art au cœur

Environ 150 langues et 160 nationalités : Bruxelles évoque parfois une tour de Babel. Comment s’entendre et s’écouter ? Avec le corps pour langage principal, le cirque démontre une incroyable capacité à la rencontre et à la solidarité. Au quatre coins de la ville, on y croit dur comme fer.

Un dossier de CATHERINE MAKEREEL, FLAVIE GAUTHIER,

LAURENT ANCION, LAURENCE BERTELS et PAULINE DE LA BOULAYE

© ANDREA MESSANA

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Sans jamais y mettre explicitement l’accent, Cirqu’Con;ex af=che

clairement ses objectifs : le dépassement et l’estime de soi,

l’activité physique qui redonne au corps une place privilégiée, l’activité

de groupe qui favorise l’entraide.

vant toute chose, il convient de désamorcer un malentendu. Aussi noble soit la cause du « cirque social », son intitulé crée le malaise. Parler de « cirque social » n’est-il pas d’emblée stigmatisant ? N’est-ce pas désigner ceux qui le pratiquent comme des « cas sociaux », avec tout l’imaginaire péjoratif que cela charrie ? Certes, le cirque social s’est développé, depuis le milieu des années 80, comme outil d’intervention auprès de publics en difGculté : populations immigrantes, jeunes en situation précaire, malades du sida, femmes maltraitées, etc. Certes, il s’est bâti une solide réputation avec des projets spectaculaires, tendance humanitaire, dont l’association Phare Ponleu Selpak ou le programme Cirque du Monde du Cirque du Soleil qui sont allés repê-cher des gamins des rues, au Cambodge ou au Maroc, pour les raccrocher, par le cirque, à un meilleur avenir1.

Mais le cirque social, tel qu’il se pratique chez nous, à Bruxelles, endosse une dimension plus citoyenne que sauveuse de vies. Al-truiste, oui, caritative, non ! Son approche est plus souterraine, dis-crète et modeste que ne pourrait le laisser penser le terme « cirque social. » A l’Ecole de Cirque de Bruxelles, à Molenbeek, on préfère parler de « Cirque de Quartier ». Chez Cirqu’ConVex, dans la com-mune d’Anderlecht, on préfère insister sur un cirque de « cohésion sociale ». D’ailleurs, dans les locaux de Cirqu’ConVex, situés dans le quartier de Cureghem, l’humeur n’est ni à la commisération phi-lanthropique ni au discours sociologique mais à l’amusement, tout simplement. A l’échange, à la convivialité et au dépassement de soi. On y croise des enfants ou des adultes, de « 8 à 88 ans », aux proGls joyeusement différents rejoignant le cours de monocycle,

Par CATHERINE MAKEREEL

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la séance de capoeira, ou la salle dédiée à l’aérien. On y ren-contre un groupe d’enfants, venus d’une école des devoirs voisine avec son animatrice voilée, ou des jeunes ;lles du quartier, en leg-ging et tee-shirt branchés, venues perfectionner leur technique au cerceau. Les animateurs y travaillent aussi bien avec des centres culturels que des AMO (Accueil en Milieu Ouvert), aussi bien avec des écoles primaires que des centres d’alphabétisation.

Bien sûr, certains publics sont plus fragiles que d’autres. Le lundi, Chantal Vanden Bemden, animatrice à Cirqu’ConHex, délocalise son atelier à Schaerbeek auprès d’un groupe de primo-arrivants. Pour eux, le cirque est avant tout un moyen de tâtonner le français et de trouver leur place dans un groupe soudé, alors que la vie les a mis temporairement à la marge. Et puis, ici et là, il y a ces petits miracles qui, malgré tout, drapent d’héroïsme le travail effectué par le cirque social. Les animateurs ont vu passer des adolescents deve-nus accrocs aux ateliers pendant que tout s’écroulait autour d’eux, des jeunes en situation catastrophique, déscolarisés ou exclus de leur logement, qui ont trouvé dans le cirque une inattendue planche de salut pour se remettre à Hot. Quelles que soient les dif;cultés

(sociales, économiques, scolaires), le cirque tient souvent du phare dans la tempête. Parce qu’elle impose régularité et discipline, la piste prodigue une ligne précieuse quand la vie, au contraire, déraille.

L’entraide reste le mot d’ordreSans jamais y mettre explicitement l’accent, Cirqu’ConHex af;che clairement ses objectifs  : le dépassement de soi, l’estime de soi, l’activité physique qui redonne au corps une place privilégiée, l’ac-tivité de groupe qui favorise l’entraide et l’esprit citoyen. Ce soir-là, dans l’atelier aérien de Chantal, pas question d’utiliser ces grands mots. Tout commence par une prise de parole libre, une petite pa-pote pour dire comment on se sent, quelles sont les envies parti-culières pour le cours. Après un petit échauffement, les enfants, de 8 à 16 ans, se lancent dans un dé; collectif : ensemble, ils doivent comptabiliser une centaine de ;gures imposées – renversé, cochon pendu, noisette – au trapèze, tissu ou cerceau. Même quand chacun travaille sur un objectif personnel, l’entraide reste le mot d’ordre. L’un coache sa camarade sur une nouvelle compétence. Une autre fait la démonstration à une débutante de la clé de pied au tissu aé-

Envol de diabolo à l’occasion d’« Embarquement Immédiat ». Depuis 2002, cet événement réunit toutes

les énergies du quartier Maritime, à Molenbeek.

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’est plus qu’une mode, c’est un

mouvement. Et s’il ne changera pas

la planète, il pourrait bien y aider.

Partout autour du monde, grandit l’évidence

de l’utilité du cirque dans sa dimension sociale.

De très sérieux programmes européens (comme

Erasmus+) apportent leur soutien à cet élan de

plus en plus structuré. Parmi ceux-ci, le réseau

Caravan réunit douze écoles de cirque, de la

Finlande (Sorin Sirkus) à la Belgique (Ecole

de Cirque de Bruxelles). Caravan chapeaute

notamment le projet Circus Trans Formation, qui

vise à établir la juste pédagogie pour la formation

à un métier nouveau : « animateur en cirque

social ». « Je pense que l’outil est universel,

il parle à tous », observe David Mason, fondateur

du Mobile Mini Circus for Children

en Afghanistan. Du cirque, à Kaboul ? « Des

enfants qui rasaient les murs se mettent à

rayonner sur la piste », ajoute-t-il, à l’occasion

d’une visite d’échange à Bruxelles. « Il ne peut y

avoir de concurrence entres les initiatives.

La planète est géante, c’est génial si on colla-

bore », estime la Québécoise Karine Lavoie,

formatrice au Cirque du Monde, le programme

international lancé par le Cirque du Soleil

en 1995. « Rêvons à des formations ensemble,

partageons nos outils », lance-t-elle. L’idée

du « cirque social » est visiblement appelée

à grandir, parce qu’elle porte la foi du collectif.

LAURENT ANCION

www.caravancircusnetwork.eu.

une consciencemondiale

rien. « Le cirque, tout le monde peut en faire, qu’on soit instruit ou pas, qu’on parle français ou pas », observe Chantal. « Le cirque, c’est aider les autres, être conscient de ses capacités, travailler dur pour arriver à du résultat, dépasser ses peurs, l’inconnu ». Sur ces mots, on entend une jeune Zlle s’écrier : « J’ai réussi ! ». Chantal sourit : « Qu’est-ce que c’est gai ! ».

Fluidifier les liens humainsSi ce mercredi-là, le cours est d’une [uidité exemplaire, l’anima-trice reconnaît qu’elle se heurte parfois à des obstacles culturels dans ce quartier majoritairement maghrébin  : «  On fait face, par-fois, à des garçons qui ne veulent pas donner la main aux Jlles ou inversement. Mais, ce ne sont encore que des enfants, et souvent, par le jeu, on réussit malgré tout à créer ce contact physique ». Dans bien des cas, le cirque sert surtout à [uidiZer les liens humains. « Quand on travaille en école primaire, on se rend souvent compte que le cancre de la classe est le meilleur en cirque et on voit alors s’illuminer le visage du prof qui, jusque-là, ne pouvait plus le voir en peinture », sourit Caroline Detroux, directrice de Cirqu’Con[ex.

A l’Ecole de Cirque de Bruxelles, le Cirque de Quartier s’est aussi fait une place de choix, à tel point qu’on y dispense une formation aux animateurs de maisons de jeunes pour les aider à inclure le cirque dans leurs activités. « Parmi eux, il y en a qui sont à fond sur le foot, le théâtre ou l’impro. Avec le cirque, on leur donne simple-ment un outil supplémentaire », résume Cécile de Meersman, for-matrice en cirque social. « Je leur apprends des techniques de base en acrobatie ou en porté, des éléments facilement transposables dans leur structure. Je leur donne une matière qu’ils peuvent utiliser telle quelle et qui donne des résultats rapides pour la dynamique de groupe. L’avantage, avec le cirque, c’est que chaque enfant peut trouver sa place. En foot, si tu es nul, tu restes souvent sur le banc. Mais en cirque, tu peux être bon en jonglerie, en équilibre, en aérien, en jeu, en danse  ». Attention, tout n’est pas rose au royaume du cirque social. « C’est un domaine où il y a beaucoup d’irrégularités. On a beau travailler sur la notion d’engagement, ce n’est pas tou-jours facile d’impliquer les jeunes et les associations du quartier sur la durée. C’est parfois décourageant. Mais ça fait partie de l’adapta-tion nécessaire ». Un bémol bien vite effacé par les petites victoires quotidiennes, quasi invisibles, à Tour et Taxis où jeunes et vieux, personnes handicapées et valides, milieux défavorisés ou pas, se côtoient par le cirque. Ou comment atteindre le cœur par le corps.

1. Parmi ces initiatives internationales, signalons également « Clowns et Magiciens Sans Frontières Belgique », vigoureuse association née en 2001 de la rencontre entre Sylvain Sluys, Stéphane Georis et Kevin Brooking. Site : www.cmsf.be.

Parce qu’elle impose régularité et discipline, la piste prodigue une ligne précieuse quand la vie, au contraire, déraille. Le cirque tient du phare dans la tempête.

Cirqu’ConNex, 16 rue Rossini, 1070 Anderlecht, 02 520 31 17, www.cirqu-con[ex.be.

Cirque de Quartier, Ecole de Cirque de Bruxelles, 11 rue Picard, 1000 Bruxelles, 02 640 15 71, www.ecbru.be.

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Eleftérios Kechagioglou dans les locaux du Plus Petit Cirque du Monde,

à Bagneux, en France : la conviction du cirque comme levier social. Quand le contexte social est difficile, c’est le corps qui est le premier en danger, estime Eleftérios Kechagioglou, fondateur du réseau Caravan. Le cirque, ludique et colla-boratif, peut aider à se réconcilier avec soi-même et avec l’autre, dans un alliage unique de rire et de risque.

Propos recueillis par CATHERINE MAKEREEL

L’école buissonnière pour tous Fondée il y a dix ans, l’école de cirque néerlandophone « Circus Zonder

Handen » est implantée dans neuf quartiers : Molenbeek, Schaerbeek,

Saint-Gilles, Saint-Josse-ten-Noode, les Marolles, Koekelberg, Bruxelles-

centre et, depuis septembre 2014, Laeken et Etterbeek. La coordinatrice

Veerle Bryon a créé Circus Zonder Handen avec une volonté sociale très

marquée. « À l’époque, je voulais que le cirque, sous tous ses aspects, soit accessible à tous. Je rêvais d’une mixité sociale dans les cours.  On a commencé par le centre-ville de Bruxelles avec deux cours par semaine ouverts à de jeunes Bruxellois de différentes origines. Petit à petit, les organisations sociales d’autres quartiers nous ont sollicités ». Aujourd’hui,

Circus Zonder Handen dispense 33 cours par semaine dans ses neuf

antennes, pour les jeunes de 6 à 15 ans, ainsi qu’en son lieu de base, dans

le centre de Bruxelles, à partir de 4 ans jusqu’à l’âge adulte. Circus Zonder

Handen a aboli trois barrières : \nancière, les prix des cours sont \xés selon

les revenus des parents ; l’éloignement, en se déplaçant dans chaque

quartier ; et la communication, en diffusant l’information via les structures

sociales et les écoles. F.G.

Circus Zonder Handen, Chaussée de Merchtem 9, 1080 Molenbeek-Saint-Jean,

0471 45 47 94, www.zonderhanden.be.

S’épanouir dans les airsLe trapèze volant fascine tout le monde, adultes, jeunes et enfants.

Trapèze asbl l’a bien compris depuis son installation en 1989 dans

le gymnase et le préau de l’Ecole 4, sur la place Bethléem à Saint Gilles.

ProQtant des regards admiratifs des jeunes de l’école, l’association a décidé

d’organiser des ateliers pour les élèves de 5e et 6e primaires.

« Nous proposons une pédagogie alternative fondée sur l’apprentissage

du trapèze », détaille Philippe de Coen, trapéziste et fondateur

de la Compagnie Feria Musica. « Faisant appel à la solidarité, à la complé-

mentarité des forces et des talents de chacun, les arts du cirque

et particulièrement le trapèze volant permettent aux jeunes de développer

un sentiment d’appartenance à un groupe et à un projet. Parce qu’elles

laissent la place à la créativité et au dialogue tout en exigeant ténacité,

persévérance, discipline et solidarité, les techniques de cirque donnent

l’occasion aux jeunes de s’exprimer et de repositiver l’image qu’ils ont

d’eux-mêmes ». Parallèlement, en partenariat avec les associations

de quartier, 120 à 150 jeunes Saint-Gillois de 10 à 28 ans participent

aux cours et stages de l’asbl. FLAVIE GAUTHIER

Trapèze asbl, chaussée de Forest 176 A, 1060 Saint-Gilles, 02 537 56 81.

© OLIVIER RAVOIRE

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ormé aux sciences politiques et aux relations internationales, Eleftérios Kechagioglou se destinait à être diplomate. A 25 ans, le jeune homme, originaire de Grèce, plaque tout pour vivre de l’écriture. Un jour, il découvre le trapèze en voyant le Flm «  Les ailes du désir  » de Wim Wenders et décide de se lancer dans le cirque, en compagnie de sa femme. Puis, nouveau changement de cap  : pédagogue au Plus Petit Cirque du Monde, à Bagneux, dans la banlieue de Paris, il en devient directeur en 2007 et le transforme en

Centre des Arts du Cirque et des Cultures Emergentes. C’est dans ce cadre qu’il fonde le réseau Caravan avec douze écoles de cirque européennes ayant comme vocation le cirque social, dont l’Ecole de Cirque de Bruxelles. Soutenue par la Commission européenne, cette association œuvre à la formation des formateurs en cirque social.

Comment définir le cirque social aujourd’hui ?

Le cirque social a autant de déFnitions que de contextes dans lesquels il s’applique. C’est un cirque au service du lien social, du développement des individus, de l’insertion par une activité artis-tique. L’idée est d’envisager le cirque non pas comme une Fnali-té, mais comme un moyen pour aller à la rencontre des jeunes ou moins jeunes, de développer le contact et la mixité sociale.

Le cirque social est-il « infaillible » ?

C’est un art ludique, fédérateur, qui inclut des jeunes ou des moins jeunes, de cultures différentes. Ce n’est pas compétitif et on se prend au jeu facilement. De ce point de vue-là, ça marche. Après, est-ce que ça marche pour transformer l’individu ? Là, on touche à des questions plus complexes. Le cirque n’est qu’une pierre à l’édiFce et ne peut évidemment pas résoudre tous les problèmes socio-économiques. On peut dire que ça marche quand on voit des jeunes se reconstruire, retrouver de la motivation, de la conFance en eux, du lien avec les autres. Sur les 200 projets importants me-nés durant les 20 dernières années, nous avons pu en mesurer les bénéFces. Il est maintenant nécessaire de capitaliser sur cette expérience, d’établir des méthodologies. On doit pouvoir dépasser ce premier stade ludique et constructif avec le jeune en difFcul-té pour aller plus loin, en professionnalisant le jeune par exemple,

L’Esac sort de ses murs à AuderghemChaque année aux alentours du 20 février, les rues d’Auderghem sont

envahies par un drôle de carnaval. La Parade du printemps est née il y a

huit ans, à l’initiative croisée de la Maison des Jeunes et de l’Esac, rejoints

par de nombreuses associations de la commune. « Avant cela, il n’y avait

pas d’événement culturel gratuit », explique Martin Winance, ani m ateur

social. « L’idée de départ était de faire participer les personnes migrantes,

justes arrivées, à une sorte de ‘rituel local’. Le côté spectaculaire du cirque

permet d’amener facilement les gens dans la rue et leur donner l’envie

de participer. Les habitants d’Auderghem tissent des liens avec les

étudiants de l’Esac. L’école s’intègre ainsi dans une dynamique de quartier ».

En parallèle, la Maison des Jeunes offre une scène aux étudiants lors

de la Fête de la Jeunesse, en septembre. Au moins trois numéros sont

présentés chaque rentrée aux habitants d’Auderghem. Les étudiants

de l’Esac ont ainsi la possibilité de toucher un autre public, sans doute peu

habitué aux salles de spectacles. F.G.

Lien entre public et artistes à MolenbeekDans le cadre de sa participation au Festival UP! (la Biennale Internationale

de Cirque organisée par l’Espace Catastrophe), la Maison des Cultures

de Molenbeek tisse des liens entre artistes et spectateurs. En 2014,

les participants d’un atelier d’écriture pour adultes en alphabétisation ont

été invités à observer les répétitions du spectacle « B-Orders », avec Ashtar

Muallem et Fadi Zmorrod, du Palestinian Circus, pour en tirer un texte sur les

émotions et sentiments. Ensuite, Ashtar et Fadi ont été dans des structures

d’alphabétisation pour parler de leurs disciplines et de leurs parcours. Pour

clôturer ces rencontres, un repas palestinien, organisé en collaboration avec

la Maison de la Femme, a été le prétexte à d’autres rencontres. « Par ailleurs,

le spectacle “Wonders” de la Compagnie Side-Show a permis de réaliser

une exposition en collaboration avec des ateliers créatifs de la Maison

des Cultures, des formateurs d’ATD Quart Monde, de jeunes voisines et la

scénographe Aline Breucker. Une découverte enthousiaste et sous un angle

différent d’un spectacle de cirque contemporain pour notre quartier ! »,

précise Christelle Lauvaux, programmatrice à la Maison des Cultures. F.G.

en créant de l’emploi. On aura alors atteint la prochaine étape, où le cirque n’est pas juste un outil de cohésion mais devient un outil d’insertion.

Quels sont les principaux atouts du cirque dans un travail

social ?

Dextérité, motricité Fne, capacités physiques, jeu  : le cirque offre une palette diverse pour travailler avec des publics différents. Par exemple, quand une personne est en surpoids, elle peut accrocher par la jonglerie ou le clown. Avec le cirque, il ne faut pas de pré-alable académique, à l’inverse du théâtre et de la musique. Il ne faut pas avoir baigné dans un certain milieu social pour faire du cirque. Ça s’apparente au sport mais c’est plus ludique, ce n’est pas compétitif. Et puis surtout, il y a le rire et le risque. Le rire, c’est ce cercle où on peut s’amuser. Les autres ne sont pas nos adversaires mais notre appui. On pratique l’autodérision pour se « décentrer » et mieux se connaître soi-même. Et puis, le risque intéresse les jeunes dans une société qui essaie justement de réduire le risque. Au cirque, on essaie de maîtriser le risque pour se mesurer à soi-même. Pour ne pas se faire mal, il faut se protéger, en mettant un tapis ou en demandant l’aide d’un partenaire qui va vous parer.

Qu’est-ce qui di'érencie le cirque d’autres approches ?

La question du corps. C’est par son corps qu’on fait société. Quand le contexte social est difFcile, c’est le corps qui est le premier en danger. Ça peut se traduire par une situation de dépendance, de l’obésité, des rapports d’agressivité. Là où il y a de l’agressivité, le rapport au corps n’est pas simple. Avec le cirque, beaucoup d’ac-tions passent par un toucher fonctionnel, le porté par exemple. On apprend à toucher l’autre pour le protéger, le porter. Le cirque vous met dans des situations impossibles ou improbables. Du coup, il nous met tous au même niveau. Quand on doit se tenir en équilibre sur deux mains, c’est difFcile. Cela restaure de l’égalité sociale dans le groupe. Cela remet sur le même plan les bons et les mauvais élèves, ceux issus de milieux favorisés ou défavorisés. Et puis, il y a le cercle : le cirque est né de la piste. Les spectateurs sont en cercle. Il n’y a pas de frontalité, on est tous ensemble. Ça crée un autre lien entre les gens.

La Maison des Cultures et de la Cohésion Sociale de Molenbeek-Saint-Jean, rue Mommaerts 4, 1080 Molenbeek-Saint-Jean, 02 415 86 03, www.lamaison1080hethuis.be Palestinian Circus : www.palcircus.ps – Compagnie Side-Show : www.side-show.be

Pavillon asbl, 3 rue de la Stratégie, 1160 Auderghem, 02 733 66 58, sur Facebook : « Le pavillon asbl » – www.esac.be

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ar essence, le cirque serait créateur de lien, surtout sous chapiteau, en sa forme circulaire qui met chacun

sur pied d’égalité et transforme le spectateur en acteur. Mais qu’en pensent plus précisément les intervenants

aux «  Journées La Scène  » organisées au Brass, Centre culturel de Forest, les 6 et 7 novembre derniers, par le ma-

gazine français « La Scène », en partenariat avec Présence et Action culturelles et « C!RQ en CAPITALE » ?

Autour d’un même feu et d’une question (« Le cirque, un ac-célérateur de cohésion sociale ? ») étaient réunis Jessika Devlie-ghere, codirectrice de l’Ecole de cirque de Palestine, Antoine Rigot,

Le cirque est-il un « accélérateur de cohésion sociale » ? C’était l’une des questions posées aux « Journées La Scène », en novembre dernier. La réponse ? En Palestine comme à Bruxelles ou ailleurs, le cirque est invité à jouer un rôle majeur, par sa capacité à revitaliser les périphéries et à favoriser les échanges. L’endossera-t-il ?

Par LAURENCE BERTELS

Un carnaval printanier et solidaire A Molenbeek, le Centre Communautaire Maritime et la Maison des

Cultures s’associent pour le Festival Carnaval Maritime, dont la première

édition a eu lieu en mars 2014. Le but ? Attirer les enfants et jeunes

adultes de 6 à 25 ans sans distinction d’âge, de genre, d’origine et de

culture pour l’organisation d’un « carnaval de quartier », chaque prin-

temps. L’idée a été inspirée par un groupe de jeunes du quartier Maritime,

bien motivés par Braz (Venceslau Augusto de Oliveira), maestro de la

capoeira et travailleur social de rue. C’est grâce à sa discipline de

prédilection et aux percussions brésiliennes qu’il a su les fédérer. Ils

forment aujourd’hui la fanfare Molenbloco. L’Ecole de Cirque de Bruxelles,

qui fait aussi partie du quartier Maritime, participe à la parade, au même

titre que d’autres associations sociales et comités d’habitants. Grâce à

son approche socioculturelle, sportive et éducative, le Festival Carnaval

Maritime souhaite poursuivre le développement de ces dynamiques,

locales et accessibles à tous. F.G.

Le Centre Communautaire Maritime, rue Vandenboogaerde 93, 1080 Molenbeek-Saint-Jean, 02 421 16 00, www.ccmaritime.wordpress.com

Du cirque pour les ZinnekeLors de la Zinneke Parade 2014, les deux zinnodes « Gri-Gri » et « Vertigo »

ont mis le cirque au cœur de leur projet. L’asbl wallonne « Nez coiffés » fait

partie de l’aventure de « Gri-Gri ». L’équipe mène des projets cirque dans

les écoles à Spy. Le responsable, Bernard Hesbois, propose des ateliers

autour du monocycle, de la jonglerie ou des échasses et convainc les

jeunes. « On travaille en collaboration avec les professeurs. On part du

cirque pour amener les élèves en dif8culté à s’intéresser au théâtre et à la

lecture. Ils peuvent ensuite venir plus facilement aux ateliers cirque tous les

samedis après-midis. C’est dans ce cadre-là qu’on prépare la Zinneke ». La

zinnode « Vertigo » est, elle, animée par Cirqu’conlex qui travaille avec le

Foyer des Jeunes des Marolles. Bilal Chuitar, le coordinateur, emmène

régulièrement les enfants à l’Espace 16 Arts pour les ateliers et stages.

« Nous avons décidé de participer à la Zinneke pour la première fois cette

année. Vertigo proposait un travail sur des plateformes, mêlant jonglerie et

boules d’équilibre. Le cirque motive les jeunes, même si ça représente un

gros investissement de temps ». F.G.

Zinneke Parade, Place Masui 13, 1000 Bruxelles, 02 214 20 07, www.zinneke.org.

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Voir la ville d’un peu plus haut, sur une boule d’équilibre :

la zinnode Vertigo invite le cirque dans la rue

lors de la Zinneke Parade en mai 2014.

os corps nous appartiennent-ils ? C’est fou

tout ce qui concerne notre corps et nous

échappe : les codes vestimentaires, l’alimen-

tation que nous lui administrons, ce qu’en pensent

les médecins quand il faut le soigner. Loin des abus

de pouvoir sur les corps qu’engendrent les guerres ou

les totalitarismes, nous devons rester vigilants : cela

conditionne nos comportements et restreint notre

liberté. C’est ce qu’historiens et philosophes nomment

le « corps social ».

Les artistes de cirque sont maîtres de leur corps. D’où

leur esprit libre. Car en dépassant les limites corpo-

relles, ils abattent de nombreuses frontières mentales.

L’assouplissement corporel libère. La dislocation, la

contorsion, le renversement des corps ne sont pas

des positions dites normales. Il y a quelque chose de

subversif et libérateur pour le public.

Le cirque n’est pas un soin palliatif pour amuser un

« corps social » moribond. C’est bien plus grave, bien

plus digne. Le cirque sème l’idée de co-opérer : fonder

un autre corps social à partir des corps hétérogènes,

sans exclusion. Il représente une utopie : s’approprier

son corps, quel qu’il soit, décider de l’alimentation,

des soins qu’on lui porte ; l’envisager comme un tout

et non, morcelé par le pouvoir politique, dénaturé par

les industries agro-alimentaires ou segmenté par la re-

cherche médicale. Et puis, se porter les uns les autres

au lieu de se diviser.

Ce corps n’est pas éternel. Nous sommes tous

précaires. C’est notre seul bien commun sur terre.

PAULINE DE LA BOULAYE

co-fondateur en 1996 de la Compagnie Les Colporteurs avec Agathe Olivier, Myriam Stoffen, directrice de la Zinneke Parade, et Jan Rok Achard, ancien directeur de l’Ecole nationale de Cirque de Mon-tréal. Une belle palette pour des témoignages a priori très éloignés et pourtant concordants. Selon l’expression de Laurent Ancion, médiateur de la rencontre, le cirque aurait bien cette capacité de « remettre la marge au centre ». Il sufYt de voir la curiosité, l’agita-tion parfois, l’envie suscitée par la seule arrivée du chapiteau sur la place du village. Une dynamique se met en route, l’imaginaire s’em-balle et les langues se délient avant que les corps, en rangs serrés sur les bancs de bois, se frôlent et se réchauffent. « Ce chapiteau dont Annie Fratellini soulevait la toile pour laisser entrer les gamins qui ne savaient pas payer leur place », nous précise Antoine Rigot.

Lien social ? Il s’agit presque d’une évidence à l’écoute du récit émouvant de Jessika Devlieghere venue rappeler la notion d’ur-gence en Palestine, un pays où la déshumanisation est perma-nente et où la cohésion sociale est un des plus grands déYs. Créer un cirque dans une région comme celle-là est certes une gageure, mais le déY en vaut la peine  : il donne, ni plus ni moins, une voix aux Palestiniens, une chance de parler au monde. « La relation au corps est très rare, là-bas. Surtout pour les Blles », explique Jessi-ka Devlieghere. «  Il leur faut plusieurs semaines pour s’ouvrir à de nouveaux liens. Elles éclatent de rire dès qu’elles se touchent, telle-ment elles sont gênées. Le cirque permet aux jeunes Palestiniens de parler avec leur corps ». Et ce langage corporel, inhérent au genre, crée le lien lui aussi. Ce n’est pas Antoine Rigot qui nous contredira, lui le circassien talentueux dont le corps a changé suite à un grave accident, en 2000, un plongeon malheureux en eaux trop peu pro-fondes. Très soutenu par l’équipe, à force de travail et de volonté, il a repris le chemin de la création. « Quand on est handicapé, on se sent exclu. J’ai porté un autre regard sur toutes les formes d’exclusion », témoigne-t-il. « J’ai eu envie de travailler avec des plus jeunes et de leur demander quel regard ils portent sur tout cela ».

Des envies, Antoine Rigot en a d’autres et non des moindres. « Nous travaillons sous chapiteau et sommes souvent contraints de ré-duire la durée de notre séjour, pour des raisons Bnancières. En in-ventant de nouveaux modèles de Bnancement, on parvient à rester plus longtemps. On donne des ateliers, on rencontre les gens… et cela crée un public nouveau, y compris pour le partenaire culturel qui nous invite ». Dans le même esprit, Jan Rok Achard souligne les spéciYcités du chapiteau, toujours lui, en l’opposant à ces théâtres parkings où l’on arrive à 15 heures pour reprendre la route vers 23 heures, à bord du camion. «  Le chapiteau implique des contacts avec la population. Avant d’arriver, il faut demander des permissions aux administrations. C’est une autre façon de s’associer aux habi-tants. Ils viennent voir ce qui se passe. Et puis il y a l’espace qui est convivial, avec le bar et la possibilité de prendre le lunch avant ou après le show ».

Semblable et différente, depuis l’an 2000, la Zinneke Parade crée elle aussi un lien social. Comment le nier ? A chaque édition de la biennale, des amateurs travaillent avec des artistes professionnels sur des zinnodes (des parades du cortège) pendant près de deux ans, dans les dix-neuf communes de Bruxelles. C’est une vraie mise en lien de diverses communautés qui, au jour le jour, manquent de lieux ou de projets pour se rencontrer. « La mise en lien se fait au niveau local, régional, national et international. Mais aussi entre la ‘bande de potes’ des comités de quartier, entre les partenaires et les artistes, reconnus ou non. On casse les frontières, on rencontre un voisin qui était un ancien chanteur d’opéra et on se réapproprie l’es-pace public  », explique la directrice Myriam Stoffen. Preuve, une fois encore, que le cirque, ici dans la rue, ouvre les portes, les fe-nêtres et surtout, les barrières. Qu’elles soient visibles ou pas.

Le cirque ou la possibilité d’un autre corps

social

© PHILIPPE CLABOTS

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Imparable métaphore de la cohésion sociale, les Castellers de Cata-logne construisent des pyramides humaines où chacun a sa place, peu importe l’âge et le muscle. A Bruxelles, l’idée se construit tous les jours et culminera en mai 2015.

Par LAURENT ANCION

ertains parlent de cohésion sociale. D’autres la bâtissent à mains nues. Kris Kaerts, grands cheveux au vent et bien dans ses sandales, fait partie de ces constructeurs. En 2012, il mettait en scène « Cros-sing », une pièce de théâtre mu-sical joué par de jeunes Roms, à l’église du Béguinage. Depuis un an, cet homme féru d’arts martiaux a un nouveau rêve  :

construire des châteaux, comme en Es-pagne. Des «  pyramides humaines  » qui passent immanquablement par la ren-contre et la collaboration. «  La tradition catalane des ‘castellers’ implique toute une population. Là-bas, certaines tours hu-maines vont jusqu’à 10 étages et mobilisent des centaines de personnes pour y arriver », s’épate-t-il. Son objectif  : présenter une grande parade aux Abattoirs d’Anderlecht, le 25 mai 2015. Des numéros rassemblant une foule de circassiens et d’artistes culmi-neront avec un château de 7 étages bâtis par 150 habitants bruxellois de tout âge et provenance. C’est le déS « Kastelli ».

Le comble, c’est qu’il va y arriver. Le pro-jet multiplie les entraînements et les sor-ties à Bruxelles (Molen Canal, PicNic The Streets, Plazey Festival,...). Un soir, on est allé rejoindre Kris sur le parvis de l’église Saint-Jean-Baptiste de Molenbeek, où il répète tous les vendredis, avec les enfants de la place et des adultes réguliers. Marta Meix et Jonas Mertens partagent son rêve. Elle est acrobate et danseuse catalane, il est musicien et animateur au Foyer asbl, à Molenbeek. Ensemble, ils sont en train de soulever des montagnes, porté par un cre-do : « Peu importe les forces et les faiblesses de chacun : tout le monde a sa charge et sa place dans ce type de construction  », sou-ligne Jonas, qui travaille régulièrement avec les jeunes. « C’est du lien social à l’état brut ! Le fait d’entrer en contact pour porter et supporter les autres te permet de dépas-ser tes a priori. Et une fois que tu es monté là-haut, l’expérience augmente ta conJance envers les autres en général. Quand tu re-descends, tu n’es plus tout à fait le même. Parce qu’ici, on dépend tous les uns des autres ».

Sur le parvis Saint-Jean-Baptiste, à Molenbeek, Marwane, 8 ans, s’essaie aux châteaux catalans : « J’adore monter ! », s’écrie-t-il. En mai prochain, c’est 150 grimpeurs que réunira le projet « Kastelli ».

© BAUDOUIN LITT

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C’est bien ce qui intéresse Marwane, 8 ans au compteur : « J’adore monter ! », s’exclame-t-il avec ses belles dents qui poussent et sa ceinture de force. « Quand je n’ai pas encore con6ance, je demande au grand d’essayer au sol et je vois s’il sait me tenir ». Au baromètre des sourires, les «  Kastelli  » sont adoptés. « Toute ma famille a grandi là », m’explique Fatima, 9 ans, en pointant du doigt le pre-mier étage d’une épicerie, en bord de place. « Je regardais souvent par la fenêtre et j’avais trop envie d’essayer. Je suis contente. J’es-père que maman voudra bien que je revienne vendredi prochain ».

La confiance à petits pasMétaphore en chair et en muscle de l’inté-gration de chacun à un groupe, la pyramide humaine n’est pas qu’un vœu pieu ou un feu d’artiKce : sa construction implique un travail sur soi, sur le regard des autres, sur ses habitudes. « Dans un premier temps, ce n’est pas évident pour les jeunes de se tou-cher, de se regarder dans les yeux ou d’ac-cepter de ‘ne pas y arriver’ face au groupe », observe Jonas. «  Il faut du temps pour se faire con6ance. On commence à petit pas, avec des exercices de contact, des jeux de devinette en se dessinant sur le dos. On ap-prend à s’approcher, à pouvoir se toucher ». Visiblement, la patience et l’écoute ont bien musclé l’équipage, y compris ceux qui restent en bord de piste : « J’aime bien voir

ma 6lle participer aux châteaux », sourit une maman. Le contact et le mélange auraient pu la heurter  ? «  Franchement, j’aimerais qu’il y ait plus d’endroits où on peut faire des choses ensemble, 6lles et garçons, des grands et des petits. Il ne faut pas croire que dans notre quartier, on se renferme. Et s’il y a des gens qui trouvent ça bizarre, hé bien c’est qu’ils ne sortent pas assez ! ».

On la laisse sur un éclat de rire et on poursuit les exercices. Pour les adultes, les ateliers du vendredi se terminent immanquablement à La Rose Blanche, un café molenbeekois qu’il faudrait songer à classer. « On y a même déjà fait des châteaux », rigole Kris. Si le cirque se travaille même au bar parallèle, c’est qu’il n’y a pas de temps à perdre  : chaque endroit compte pour trouver des adeptes.

P O R T R A I T

Projet Kastelli : un projet participatif de « Samenlevings-opbouw Brussel » avec comme partenaire principal Foyer asbl (Molenbeek) qui a lancé le premier groupe belge de Castellers. Parmi les autres partenaires : De Piano fabriek, PLOEF!, Cultureghem, KA Geeraardsbergen... Infos au 02 411 74 95. Facebook : Castellers Bxl Foyer

as de châteaux sans base solide. A Molenbeek,

les « castellers » peuvent visiblement compter sur

Khalid El-Azzimani, 17 ans, qui allie une formation

de maçon au CEFA (Centre d’Education et de Formation en

Alternance) de la rue de la Poste et un projet de construction très

personnel : une vie dont le ciment est l’art et l’entraide. « Ici, à

Molenbeek, c’est rare qu’un jeune fasse de l’art, de la musique,

du cirque. Ce n’est pas assez viril. Tout ce qui est sport de combat

ou foot, c’est accepté. Mais le reste... ». Khalid, lui, a une convic-

tion en béton. « Je fréquente la maison de quartier depuis mes

9 ans. J’ai fait tous les projets ! Sports, karaté, projets vidéo, photo

et maintenant radio – on revient d’un voyage à Montréal, c’était

génial. Je fais aussi du funambulisme et du trapèze à l’Ecole

de Cirque ».

Parmi ses talents, Khalid peut aussi ajouter ses capacités

d’animateur : entre les ballons de foot et les dérapages de vélos,

le parvis de l’église nécessite parfois un peu d’autorité. « C’est

un village ici », rit le jeune homme. Il rêve, à ses 18 ans, de se faire

engager par la maison de quartier – le Foyer asbl qui, dit-il, l’a

« mis dans l’art ». « Maçon, ce n’est pas le métier que j’avais en

tête quand j’étais petit. Mais ma famille a besoin de sous pour le

moment ». Il raconte vite, sans s’apitoyer, un papa en Kn de vie,

un frère décédé à la Kn de l’été, une maman à soutenir, un grand

frère qui a choisi une vie dans laquelle Khalid ne se reconnaît pas.

« C’est une année dif6cile. Ma mère tient le coup pour l’instant…

Je ramène l’argent de mon apprentissage. Mais je n’ai pas toujours

l’impression d’avoir une vie de jeune ».

« Ecrire, faire du funambulisme ou des châteaux, ça me plaît.

J’ai l’impression de pouvoir exprimer des choses que je ne dis pas

dans la vie normale. Avec le Cirque de Quartier, j’ai traversé le

canal sur le 6l. Ça me fait un peu rêver. Dans ma tête, je me dis :

‘Je veux et je peux’. C’est comme les textes que j’écris : je ne sais

pas dire pourquoi c’est important pour moi, mais je sais que ça

change tout ».

Effet de levier, Khalid a du mal à voir certains potes rester

les bras croisés. « Quand je les vois traîner dans le quartier, fumer

des pétards, avec leurs parents qui les laissent aller dormir à 1h

du matin, ça m’énerve ! Je leur dis de se bouger, qu’il y a plein

de trucs mieux à faire ». Trois jeunes l’ont déjà suivi à l’Ecole

de Cirque. « Un a lâché. Deux autres ont continué ». Vaillance et

patience sont certainement le secret des bâtisseurs de fond.

LAURENT ANCION

Sur le >l au-dessus du canal avec l’Ecole de Cirque de Bruxelles : « Je veux et je peux ».

Khalid, l’art au cœur

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Qui décide du sort du cirque en Belgique francophone ? Deux dames fort connues. Joëlle Milquet, à la Fédération Wallonie-Bruxelles, et Fadila Laanan, à la Cocof, s’occupent (entre autres) de culture et d’enseignement. A ce titre, elles règnent aussi sur le cirque. Et sont prêtes à quelques acrobaties.Interviews croisées en six questions.

Par CHRISTIAN JADE et LAURENT ANCION

Photos JONATHAN STEELANDT

Fadila & Joëlle

LES ESPOIRS DE LA PISTE ?

Joëlle Milquet, au siège du Gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles.

’une, Fadila Laanan, a tenu dix ans comme Ministre de la Culture de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Elle est actuellement Ministre-Pré-sidente du Collège de la Cocof, l’exécutif bruxellois

francophone, avec la culture et l’enseigne-ment dans ses attributions. L’autre, Joëlle Milquet, présidente du CDH pendant douze ans, Vice-Première Ministre de plusieurs gouvernements fédéraux, est depuis juil-let 2014 Vice-Présidente de la Fédération Wallonie-Bruxelles et dirige également l’en-seignement obligatoire et la culture. Les deux dames disposent donc d’un levier solide pour faire la pluie et le beau temps, notamment sur nos chapiteaux. Il était donc

tentant de poser les mêmes questions aux deux principales sources de Rnancement du cirque pour notre communauté. D’où il res-sort, vous verrez, qu’il serait utile qu’elles accordent leurs violons, en des accords qu’elles veulent majeurs pour le secteur.

Bruxelles dispose d’une excellente école supérieure de cirque, l’Esac, qui attire donc un grand nombre d’étudiants étrangers. Et après l’école, on se débrouille comment  ? « Débrouille » est le mot-clé pour dérouler notre écheveau de questions : en addition-nant les petites subventions, mendiées ici et là, les opérateurs font des miracles. Mais le cirque contemporain, qui mêle tous les arts de la scène et attire les foules, peut-il se contenter de subventions disséminées,

qui atteignent à peine 1,5% des subven-tions du théâtre ?

Le décret de 1999, qui régit les Arts de la scène, place le cirque dans un secteur mixte, fort peu rémunéré, le mêlant aux arts forains et aux arts de la rue. Faut-il changer le décret ? Ou du moins regrouper son Rnan-cement de manière claire, avec des règles qui le sortent de son insécurité ? Comment lui donner plus de visibilité  ? Par une aide accrue à l’international ou par un festival prestigieux  ? Faut-il l’introduire plus visi-blement dans l’enseignement secondaire pour soutenir les vocations ? EnRn quel est le rôle social du cirque, notamment dans l’éducation permanente du citoyen ? Ça vole trop haut ? Voyez nos excellences atterrir !

POLITIQUE CULTURELLE

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Fadila Laanan Il est à mon sens urgent de consolider, de structurer et de renforcer le secteur des arts circassiens. Le décret est évidemment un outil possible pour y parve-nir, mais d’autres pistes pourraient être en-visagées, dans le cadre d’une concertation entre la Fédération Wallonie-Bruxelles et la Cocof. Remarquons aussi qu’en Fédération Wallonie-Bruxelles, le cirque est rattaché aux arts de la rue et aux arts forains. Or, il faut veiller à tenir compte des spéciFcités liées aux arts circassiens. J’ai en tout cas l’intention d’augmenter encore les moyens budgétaires dévolus aux arts du cirque, au départ de la Cocof.

Joëlle Milquet Je comprends le besoin de stabilité des opérateurs et nous examinons actuellement le budget pour y répondre. Nous avons la volonté politique de les sou-tenir. Reste à déFnir avec eux les modalités de ce soutien. Cela pourrait être une alloca-tion de base à laquelle on ne pourrait plus toucher, ce qui les stabiliserait. Il faut leur donner des «  cadres structurants  » et non plus facultatifs. Ces cadres sont à coordon-

ner avec les autres pouvoirs publics, dont la Cocof. Nous devons nous concerter pour établir le plus grand nombre possible de sy-nergies et éviter le saupoudrage.

Par contre, je ne pense pas qu’un nouveau décret soit une réponse adaptée. Toute ma politique est basée sur l’interdisciplinarité et non sur le compartimentage. Le cirque est lui-même un mélange de plusieurs disciplines. Je suis pour une logique collective entre de nombreuses disciplines proches et interconnectées. Mais je répète qu’à l’intérieur du décret actuel sur les Arts de la Scène, je suis tout à fait ouverte aux demandes Fnancières du secteur.

Fadila Laanan Il est en effet impératif que les pouvoirs publics veillent à accompagner la carrière des jeunes diplômés qu’ils forment par ailleurs. J’ai d’ailleurs pris par le passé de nombreuses mesures en ce sens, comme l’octroi de bourses de formation, d’études, de voyage ou encore les aides à la diffusion des services du Ministère de la Culture et de WBI. Il y a enfin quelques initiatives couronnées de succès comme le Festival UP! (anciennement Pistes de Lancement) organisé par l’Espace Catastrophe en faveur de la Jeune Création. Il faudra évidemment renforcer ces différents dispositifs, et je prendrai langue avec ma Collègue Joëlle Milquet pour aborder cette question importante.

Ce qui m’interpelle par ailleurs aujourd’hui, c’est le fait qu’à l’Esac, peu d’étudiants viennent de Belgique. Ceci s’explique par le fait qu’il n’existe pas chez nous de formation spéciFque pour se préparer à l’examen d’entrée, qui est de très haut niveau. Nous devons donc également nous atteler à former nos propres étudiants, aFn qu’ils puissent accéder eux aussi à cette formation de réputation internationale.

Joëlle Milquet A l’Esac, la majorité des étudiants viennent d’autres pays. Si cela témoigne de l’excellence de l’école, il faut trouver des moyens de « doper » la fréquen-tation pour nos jeunes francophones. Mais le premier objectif est en effet d’offrir à nos jeunes des capacités de job. A Bruxelles, ma priorité est de construire le projet de métropole sur des initiatives culturelles nouvelles, notamment sous forme d’un grand événement qui intégrerait le cirque et serait facteur d’emplois – je m’en expli-querai plus loin.

Indépendamment de la vitrine d’un festival international, il faudrait que les nouveaux contrats-programmes (théâtres et centres culturels) mentionnent plus explicitement une prio-rité à accorder à la conquête d’un jeune public et à une aide aux jeunes compagnies émergentes, dont les compagnies circassiennes. Le but  : leur donner une activité régulière, récurrente et diversifiée, hors festival. On pourrait inciter les théâtres et centres culturels les plus richement dotés à ouvrir leur programmation et à « partager » davantage leur aide Fnan-cière avec les jeunes compagnies, y compris bien sûr celles qui se centrent sur les arts du cirque.

Avec l’Esac, la Belgique dis p ose d’une

école supérieure artistique consi-

dérée comme l’une des meilleures

au monde. Cependant, la vie profes-

sionnelle qui attend ensuite les cir-

cassiens diplômés reste fortement

soumise à la «  débrouille  ». Quelle

stratégie allez-vous mettre en place

pour soutenir la professionnalisation

du secteur ?

Chez nos voisins européens, et

également en Flandre, le cirque

a pris un large essor en tant que

genre à part entière. Chez nous,

il y a un morcellement du secteur

entre de multiples compétences

politiques. Ne serait-il pas ju-

dicieux de réunir les intentions

bruxelloises ou de la Fédération

Wallonie-Bruxelles à travers un

décret spécifique ?

Fadila Laanan et un éclat de rire, à son bureau de la Cocof, boulevard du Régent.

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Joëlle Milquet Je suis disposée à revoir le programme des Hu ma nités artistiques ou celui des ac a démies pour y introduire des éléments circassiens, au même titre que les disciplines déjà proposées. Un dossier est actuellement à l’étude au Conseil Général de l’Enseignement se-condaire. Il faudrait également discuter avec Jean-Claude Marcourt [Ministre de

l’Enseignement Supérieur à la Fédération Wallonie-Bruxelles] des diplômes « cirque » dans l’Enseignement supérieur. Pour le Secondaire, je précise que je ne suis pas favorable à une spécialisation précoce excessive qui cloisonnerait trop vite les jeunes : il s’agit d’inscrire le cirque dans l’éventail des pos-sibilités, pas comme un chemin unique.

Joëlle Milquet Nous avons dégagé 700.000 euros supplémentaires pour l’enveloppe globale d’aide à la création des Arts de la Scène, dont 50.000 euros pour le cirque, les arts de la rue et les arts forains, qui passent donc de 305.000 à 355.000 euros. Hormis le CAS (Centre des Arts Scéniques), qui recevra 100.000 euros, les autres sec-teurs (théâtre, musique, danse, etc.) recevront tous cette même somme. Proportionnellement, l’opération est donc avantageuse pour les «  petits secteurs  » faiblement subsi-diés comme le cirque. En outre – et je ne dis pas ça pour faire plaisir au secteur ! –, il faut, dès 2015, augmenter les subven-tions au cirque et au secteur jeune public, prioritaires pour moi, via les « aides facultatives » non encore attribuées.

Fadila Laanan Je suis convaincue que des «  Humanités Cirque  » pourraient aujourd’hui rencontrer un grand succès, notamment parce qu’elles permet traient de répondre aux besoins en formation de nos étudiants pour entrer à l’Esac. Nous devons nous concerter à ce sujet avec la Ministre de la Fédération Wal-lonie-Bruxelles pour mettre sur pied un projet cohérent en la matière. Des initiatives ont déjà eu lieu par le passé : au début des années 90, l’Ecole de Cirque de Bruxelles a mené un projet en partenariat avec l’Athénée Charles Janssens, mais l’expérience a dû s’interrompre faute de moyens. Il convien-drait d’analyser au préalable ces initiatives, pour en tirer enseignement.

En Fédération Wallonie-Bruxelles, où les

subventions cumulées du cirque repré-

sentent un budget 65 fois plus petit que

celui du théâtre, comme à la Cocof, les

moyens du cirque ne sont guère propor-

tionnels au «  boom  » du secteur. Avez-

vous l’intention de corriger ce décalage ?

Joëlle Milquet

Fadila Laanan Il ne faudrait pas sous-évaluer les moyens liés aux arts du cirque  : les Halles de Schaerbeek, par exemple, sont ainsi généreuse-m ent soutenues par la Fédération Wallonie-Bruxelles, notamment pour

leur saison « Cirque », et par la Cocof, via leur fonctionnement. Cela étant, il serait juste de réévaluer les moyens dévolus au secteur, même si aujourd’hui celui-ci s’organise de plus en plus de façon transversale, et donc « poly-subsidiée ».

Je rêve d’un grand événement annuel. Bruxelles doit devenir la capitale européenne du secteur.

Pour combler le manque actuel

dans la filière d’enseignement, trait

d’union entre les formations pour la jeu-

nesse et les études supérieures, êtes-

vous prêtes à soutenir le développe-

ment d’ « Humanités Cirque » dans le

secondaire ?

POLITIQUE CULTURELLE

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Joëlle Milquet Notre cirque dispose d’atouts de taille, avec des lieux de formation et de créa-tion, une école supérieure de renommée mondiale et d’excellentes compagnies. Parmi les ini-tiatives qui me tiennent particulièrement à cœur, je veux défendre le projet d’un grand événement annuel circassien (et des arts de la rue), qui ferait de Bruxelles la capi-tale européenne du secteur – je défen-dais déjà cette idée dans mon programme culturel 2006 pour la Ville de Bruxelles, en tant qu’échevine. On pourrait y montrer les créations de nos compagnies et inviter des équipes internationales. J’en ai discuté avec Sven Gatz, mon homologue Namand au Mi-nistère de la Culture, pour arriver à un Qnan-cement commun et à une participation des circassiens néerlandophones. Pour arriver à ce grand événement, il faut évidemment aider davantage les jeunes compagnies (et pas seulement de cirque) en Fédération Wallonie-Bruxelles, pour éviter qu’elles soient condamnées à la «  débrouille  », et collaborer entre pouvoirs publics.

Fadila Laanan Pour moi, le cirque est vraiment un secteur en pointe à (et pour) Bruxelles  : je veux être à l’écoute des propositions qui vont dans le sens de son développement et de son rayonnement collectif. Dans cet esprit, en plus de l’initiative de magazine « C!RQ en CAPITALE » que nous avons choisi de soutenir – et qui est une réponse constructive au déQ lié à la sup-pression de la Maison du Cirque –, nous serons tout à fait ouverts aux projets mettant en lu-

mières les poten tialités artistiques et culturelles du cirque dans les pro-chaines années. Si on veut soutenir le cirque dans son développement, il ne s’agit pas seulement d’augmenter les moyens Qnanciers, en laissant chaque acteur travailler dans son coin. Il faut dépasser les frontières, que ce soit entre secteurs ou entre instances de pouvoir, envisager des passerelles et travailler de façon transversale. Il est selon moi néces-saire d’avoir des accords de fonds avec la Fédération Wallonie-Bruxelles et avec la Région.

Fadila Laanan Il est difficile pour moi de répondre à cette question, dans la mesure où je ne dispose pas des compétences liée à la Cohésion sociale. En revanche, je considère le lien entre culture et cohésion sociale extrêmement puissant. Le soutien que j’apporte aux projets culturels dans leur ensemble a dès lors nécessairement pour but de renforcer cette cohésion à Bruxelles. Je considère les opérateurs circassiens comme des acteurs majeurs de la mise en œuvre de nos politiques culturelles, en ce qu’ils défendent des valeurs essentielles : le dépassement individuel et collectif, l’esprit d’équipe.

Joëlle Milquet En soutenant les CEC (Centres d’Expression et de Créativité), je réponds déjà à un de ces objectifs. Mais j’estime également qu’il est nécessaire de recibler les objectifs en ma-tière d’Education permanente, dont le contenu est parfois devenu obsolète. Les thèmes doivent être réactualisés pour correspondre aux urgences sociales. Exemple : pour éviter la discrimination, il faut privilégier des for-mations à internet et éviter la « fracture numérique ». Dans cette volonté de réactualisation, je crois que le cirque peut apporter de la cohésion sociale par son langage universel : il touche à l’émotion et a un grand pouvoir fédérateur.

Avec la disparition récente de la Maison du

Cirque, le secteur a perdu une occasion de

se fédérer. Quels projets seriez-vous prêtes

à soutenir pour favoriser la force collective

du secteur et sa visibilité  ? Une nouvelle

fédération  ? Un grand événement rassem-

bleur ? Une aide accrue aux tournées inter-

nationales de nos compagnies ?

Aux quatre coins du monde, à l’uni-

versité comme sur le terrain, le

« cirque social » est en plein dévelop-

pement. Seriez-vous prêtes

à encourager cette dimen-

sion sociale du cirque, à

travers l’aide à l’emploi,

l’éducation permanente, la

cohésion sociale ?

Les opérateurs circassiens sont des acteurs majeurs de la mise en œuvre de nos politiques culturelles.Fadila Laanan

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e cirque est peut-être le seul langage commun aux habitants de cette Terre. Sans limite d’âge. Sans exclusion. On le trouve sur tous les continents. Si chaque discipline a ses propres règles, toutes s’ax-ent autour de trois fondamentaux  : le corps, le mouvement dans l’espace et l’objet. Ce lan-gage permet de parler de l’essentiel : l’amour, la peur, la mort. Trois piliers d’une vie humaine.

Le langage du cirque est-il lié au mythe de Babel ? La légende dit que les hommes parlaient une seule et même langue et que cela leur a permis de s’unir pour construire ensemble une tour si haute qu’elle rejoignait le ciel, domaine autrefois réservé à Dieu. Pour af-faiblir ces hommes trop ambitieux, Dieu aurait décidé de leur faire parler des langues différentes.

Face à un spectacle de cirque, on découvre un langage souvent non-verbal qui passe par la peau, la respiration, le corps en action et les émotions. Curieusement, vous le comprenez sans le connaître. Explo-ration d’une langue qui fait cercle et nous réunit.

Par PAULINE DE LA BOULAYE

SALTO AVANT

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AU CŒUR DU CERCLELe cirque, lorsqu’il est un lieu, prend la forme imaginaire de la tour de Babel : un cercle provisoire reliant le ciel et la terre. Et, même quand la piste ronde n’est pas de mise, le cercle contin-ue de hanter le cirque, tel un archétype : balles, roues, cerceaux, tournées, cycles.

LA DOULOUREUSE QUÊTE D’APESANTEURLe cirque est un langage difBcile. L’ap pren tissage technique est plus qu’astreignant. Equilibrisme, ac ro batie, contorsion, magie, jon glerie, numéros aériens, clown  ; toutes ces disciplines sont liées au corps. Toutes parlent à travers lui. Par exemple, l’équi-libriste met son corps en déséquilibre, ce qui entraîne un mou-vement propre et des postures inédites. Il repousse sans cesse les limites en s’aidant d’objets qui offrent toujours plus de déBs : un Bl, une échelle ou un vélo. Tout son travail consiste à livrer une sorte de lutte avec soi-même dans la recherche du « geste im-possible  ». Même chose pour les acrobates avec leur bascule, leur mât, leur roue. Certains délivrent leur lutte sans objets. Rien qu’avec le sol et l’espace, qu’ils explorent seuls ou avec d’autres. C’est le cas du trio de la RuspaRocket, une Italienne, un Suisse et un Belge. Dans « La Geste », ils évoluent sur un tas de terre meuble et déstabilisante : « On passe des journées à refaire des 2gures. Pour ne pas les perdre, on doit habiter tout près les uns des autres, répéter le plus souvent possible. C’est ça la spéci2cité du cirque. Des techniques extrêmement contraignantes qui de-mandent du temps d’apprentissage, de l’entraînement. En trois ans, tu apprends 20 2gures ».

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UN LANGAGE ARTISTIQUELe trio de la RuspaRocket précise : « En plus, nous cherchons à faire une 2gure différente des autres : originale. Relier l’intellect au geste : ça se vit, c’est le travail artistique, de recherche d’ex-pression ». C’est là qu’arrivent l’enchaînement des mouvements, la succession des tableaux, le déploiement d’un univers avec ses propres matières, textures visuelles, sonores.

Il ne s’agit pas d’un habillage démonstratif, mais d’exprimer une véritable intériorité. Le metteur en scène et pédagogue Philippe Vande Weghe explicite : « Pour les Argonautes1, si le spectateur se dit  : ‘ça m’a touché et en plus, il a fait ça !’, alors on a réussi à faire oublier la technique. Le geste est au service de ce qui se passe, quitte à s’effacer. C’est la magie du cirque ».

La recette de cette alchimie du geste et de la pensée, c’est le secret de tout artiste. Le poète espagnol Federico Garcia Lorca nomme cela le « duende »2 : « Ça n’est pas une question de facul-té, mais de véritable style vivant ; c’est-à-dire, de sang ; de très vieille culture et, tout à la fois de création en acte ».

UN LANGAGE FUSIONNELŒuvre d’art totale, le cirque emprunte aussi à tous les autres langages artistiques (musique, cinéma, danse, arts visuels). Rap-pelons que le cirque qu’a engendré le XVIIIe siècle européen est le fruit d’une audacieuse hybridation entre art équestre, savoir issu de la haute école militaire, et arts forains perpétrés sur les foires. Depuis, on nomme « nouveau cirque » cet ovni qui absorbe tout ce qui lui est contemporain ; comme le cinématographe au début du XXe siècle. Un siècle plus tard, à Bruxelles, la RuspaRocket, comme beaucoup d’autres jeunes compagnies, fait appel à des regards extérieurs (danseurs, dramaturges) et se Blme pour voir « ce que ça renvoie ».

LE CORPS COMME CONDITION HUMAINELe langage du cirque est étrange, décalé, hors-normes et pour-tant «  ça renvoie  » à quelque chose que nous faisons tous les jours, c’est-à-dire  : surmonter à chaque instant de notre vie la prochaine situation qui se présente à nous. La recherche du geste impossible fait écho à notre condition humaine. « Le cirque parle de ces choses, mais sous un angle qui surprend », souligne Phi-lippe Vande Weghe, qui met actuellement en scène un spectacle sur la relation à l’autre3. Pour Vladimir Couprie, un des quatre de Carré Curieux, le cirque joue avec la peur : «  La peur est humaine. Il y a différentes peurs : la peur de se faire mal, la peur d’être humi-lié, la peur de ne pas réussir, la peur de ne pas plaire, la peur de ne pas être compris... Le public peut ressentir de la peur face à une 2gure périlleuse par exemple ».

D’où la sensation de respirer avec les artistes. Car au cirque, on retient son soufce, on rit, on pleure, souvent les deux à la fois. Rarement le public vit un spectacle avec autant d’empathie  : précieux corps-à-corps avec une création en acte.

1. Philippe Vande Weghe est professeur de jonglerie, accompagnateur de projet personnel à l’Esac, co-fondateur de la compagnie des Argonautes (créée en 1993) et metteur en scène.

2. « Jeu et théorie du Duende », conférence du poète Federico Garcia Lorca, en 1933, éditions Allia, 2010.

3. « Entre d’eux », compagnie les Argonautes, création les 24 et 25/04, aux Halles de Schaerbeek.

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ur sa carte d’identité, la roue Cyr se pré-sente co mme un tube en forme de cercle, souvent en inox, ro-buste et plutôt léger. L’agrès pèse de 10 à 16 kg, est démon-table et peut carré-

ment se transporter dans un (grand) sac. Selon certaines sources, l’invention de la roue comme outil acrobatique remonterait aux temps de la dynastie chinoise Tang, vers l’an 700. L’objet disparaît ensuite tota-lement des pratiques, pour ressurgir sous différentes variantes, dont la roue «  alle-mande  » (deux grands cercles métalliques reliés par des petites barres intérieures) au début du XXe siècle. En 2003, Daniel Cyr, cofondateur du Cirque Eloize (Québec), pré-sente une recherche nouvelle et popularise à nouveau l’agrès, qui acquiert son nom. Depuis, la mode a fait le reste : on voit des roues dites « Cyr » partout et la technique est enseignée dans la plupart des écoles supérieures de cirque à travers le monde.

Peu de prérequis sont nécessaires. Un bon sens de l’équilibre et de l’acrobatie, ainsi qu’une bonne condition physique, facilitent

La

roue cy

r

la rencontre avec la roue qui se déplace dans l’espace allègrement. On y entre et tournoie seul ou à plusieurs. La chorégraphie joue à l’inZni. Seuls bémols : les sols glissants sont à proscrire, de même que la rocaille bien sûr, qui entrave la ]uidité. Pour le reste, l’usage a quelque chose d’intuitif : « Une fois qu’on a compris la roue en mouvement, c’est facile comme le vélo : ça ne s’oublie pas ! », assure – sérieusement – le circassien Maxime Py-thoud. «  Au début, la tête tourne, puis ton corps s’adapte. En fait, c’est plus facile que la jonglerie (où tu as toujours une chance sur cinq de voir une balle tomber) et moins dangereux que l’acrobatie (où les coups sont plus durs). Cela me fait penser aux sensa-tions d’un sport extrême, comme le surf. On tournoie dans des positions hallucinantes à une grande vitesse de rotation, mais c’est un vertige sécurisant ». Un agrès sans risque ? « Il est limité : s’écraser les doigts ou envoyer la roue n’importe où ».

Partir en transeContaminé par le cirque dès son plus jeune âge, formé à la jonglerie, à l’acrobatie et au main-à-main, c’est à 17 ans que Maxime Py-thoud a ]ashé sur la roue Cyr. Il l’a décou-verte avec le Cirque Eloize, invité à L’Elas-

tique Citrique, l’école de ses parents, à Nyon, en Suisse. « J’ai travaillé seul pendant un an avant de me présenter à l’Esac où il n’y avait pas encore de roue Cyr. J’ai travaillé pendant trois ans sous l’œil extérieur de Sven Demey, gymnaste de formation, qui a une vision dy-namique du corps. Peu de Sgures et de tech-niques existaient. Nous disposions des pas de base  : tourner la roue, sortir les jambes, lâcher un bras, être en suspension, grimper... Mais il fallait aller plus loin, inventer des S-gures et des enchainements ».

Considéré comme l’un des « maîtres du genre  », Maxime Pythoud tourne actuelle-ment avec le Cirque Plume («  Tempus Fu-git  »), ainsi qu’avec sa première création personnelle, (« Respire »), un duo avec Ales-sandro Maida à la boule d’équilibre. «  La roue me permet d’explorer des décalages, de jouer ‘à contre-courant’, de tournoyer sur des envolées musicales. On peut carrément par-tir en transe avec cet agrès ! La roue reste un art expérimental. Il est essentiel de chercher par soi-même, sans se gaver des vidéos du genre qui abondent sur le Net ».

Car aujourd’hui, la roue Cyr est « à la mode ». «  Avec un risque de saturation des mêmes Sgures », regrette Alexander Vantournhout,

Agrès récent, la roue Cyr n’a même pas 15 ans ! Ce grand « cerceau » à taille humaine tourne sous l’impulsion de son manipulateur... et fait tourner bien des têtes. Indiscutablement à la mode, la technique est abordable pour les acrobates dans l’âme, dont le cercle grandit sans cesse.

par NURTEN AKA et LAURENT ANCION

Maxime Pythoud en 2009 lors d’« Exit 8 », le spectacle de sortie de l’Esac.

L’AGRÈS© ANDRÉ BAUMECKER

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M O D E D ’ E M P L O I

DEMI-PIROUETTE DANS LE SENS DE LA ROUE

Diplômé de l’Esac, puis de Parts (l’école de la chorégraphe Anne Teresa De Keersmaeker), Alexander Vantournhout est l’auteur d’une série de spectacles qui le place en proue du cirque de recherche. Face à l’objectif de Jonathan Steelandt, il réalise et analyse pour nous une « demi-pirouette ».

Propos recueillis par L.A. Photos JONATHAN STEELANDT

un autre virtuose qui marie danse contem-poraine et roue Cyr (lire ci-contre). La solu-tion ? Inventer son propre langage. « La roue est avant tout une question d’équilibre  », explique Claudia Franco, qui « adore prati-quer la roue en robe » (et en grande Anesse). « Après, c’est de l’entraînement. Comment investiguer la technique dès que la base est acquise ? C’est le plus difCcile, comme pour tout agrès de cirque. Cela demande de la patience et l’écoute de son corps. Heureuse-ment, la roue Cyr est une nouvelle discipline sans technique Cgée et rigoureuse. Si ‘You-Tube’ est un bon prof, l’agrès donne la liberté au circassien d’en faire une technique per-sonnelle au gré de ses mouvements et de sa recherche ».

Alors, toupie or not toupie ? De l’avis géné-ral, la roue a l’avenir devant elle si elle ne tourne pas en rond et continue à se réin-venter.

Alexander Vantournhout tourne actuellement avec « Caprices » : le 21/01 à Turnhout, le 30/01 à Beveren-Waas, le 7/02 à Tilburg (NL), le 21/02 à Koksijde, le 27/02 à Lokeren, le 20/03 au Festival Spring de La Brèche, à Cherbourg (F),... Voir www.alexandervantournhout.be.

1

Je démarre et tourne

sur un axe vertical, puis

j’éloigne mon bassin de cet

axe. Ce déséquilibre amène

l’accélération, comme quand

dans un tournant à vélo.

2

Je lâche le bras gauche

et la jambe droite, le tronc

et la jambe gauche formant

l’axe. La roue poursuit son

accélération. Mon corps

se tord en « spirale ».

3

Je récupère la roue avec

la main gauche pour garder

la vitesse. La jambe droite,

en « retard » car éloignée

de l’axe, poursuit la demi-

pirouette spiralée.

4

J’ouvre davantage la jambe

droite vers le côté pour

amorcer la décélération.

La main gauche opère

une touche douce, pour ne

pas changer la direction.

5

La pirouette s’achève

en descendant, comme en

danse. Le pied droit efQeure

presque le sol. Le point

de gravité descend : sans

relance, la roue s’arrête.

L’ŒIL DU MAESTRO

Sven Demey, gymnaste de formation, est

un des premiers enseignants de la roue

Cyr à Bruxelles, auteur en 2007 d’un manuel

pédagogique consacré à l’agrès. Professeur

à l’Ecole Supérieure des Arts du Cirque (Esac),

il a formé plusieurs circassiens-pionniers,

tels que Maxime Pythoud, Alexander Van-

tournhout ou Ghislain Ramage « qui ont à leur

tour inspiré toute une génération et prennent

la relève en élargissant la roue à d’autres

idées, techniques et approches ».

« Oui, la roue Cyr est populaire, accessible

à un grand public et exige un bon sens de

l’équilibre », conArme l’entraîneur. « La tech-

nique n’appartient à personne. C’est ce qu’on

‘fait avec’ qui compte. Sur le web, on trouve

beaucoup de partages sur cette discipline.

C’est une bonne chose pour l’apprentissage de

la technique. Tant pis pour ceux qui essayent

juste de copier, de ‘faire sans être’ ».

Dans l’œil du maestro ? « Un bagage gymnique

et/ou dansant peut aider. Le début est toujours

un peu difCcile à cause des rotations et du

déséquilibre constant. Au moment où on trouve

son équilibre dans ce déséquilibre, la fête des

possibilités inCnies peut commencer ».

« Respire », à voir le 20/02 au Centre culturel ‘C-mine’, à Genk, www.c-minecultuurcentrum.be. Le 29/03 au Centre culturel Stroming, à Berlare, www.berlare.be. Infos : www.circoncentrique.com.

Où voir de la roue Cyr prochainement à Bruxelles ? « Traces » de la Compagnie Les 7 Doigts de la Main, les 6 et 7 février au Théâtre Wolubilis, www.wolubilis.be.

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l est loin le temps où les frères Pinder rachetèrent un grand bout de voile de bateau pour y façonner leur pre-mier chapiteau, en 1854. Aujourd’hui, la grande majo-rité des compagnies de cirque créent leurs spectacles en version « frontale » et les diffusent dans les circuits culturels « en dur » : théâtres ou centres culturels. Tou-tefois, quelques irréductibles restent très attachés à la toile. Et ils sont rejoints par de nouveaux explorateurs, rêvant à un mode sociétal particulier, nomade, fusion-

nant vie privée et vie artistique. Ces projets de vies (au pluriel) sont bâtis sur un besoin de (re)construire d’autres liens avec les publics, avec une force qui peut œuvrer à la cohésion sociale1.

Alors, en ce début de XXIe siècle, le chapiteau vivrait-il une seconde jeunesse  ? Bon nombre d’exemples prouvent que oui – malgré la longue liste des déXs à relever.

En deux spectacles à peine, Fabiana Ruiz Diaz et Giacomo Costan-tini sont passés de la rue au théâtre, puis au chapiteau. Non qu’ils étaient insatisfaits de la diffusion de leurs deux premiers spec-tacles, « Scratch and Stretch » et « 20 Decibel ». C’est le contexte qui ne leur convenait plus. « En tournée, quand on passe d’un théâtre à l’autre, le contact avec le public n’est pas le même », résume Gia-como. « Il faut à chaque fois changer de cadre, intégrer de nouvelles règles ». Un peu comme quand on se retrouve dans la maison de quelqu’un d’autre…

Si c’est à Saint-Gilles, en 2007, que la compagnie El Grito a vu le jour, Giacomo avait déjà l’expérience du cirque, une expérience teintée de « traditionnel », vécue en Italie et dans l’est de l’Europe. « Ce qui m’intéressait, c’était la possibilité de créer un cirque qui se-rait comme une bulle sociale. Voilà pourquoi j’ai choisi de vivre dans une communauté, une toute petite communauté nomade ». Ils sont quatre chez El Grito : les deux frères Costantini, Fabiana et Dome-nico, le technicien. Le chapiteau, construit en mars 2011, fait 18 mètres de diamètre. De quoi accueillir 250 personnes. « Nous fai-

ON REMET LES VOILES ?Malgré la complexité des règlements communaux et les défis techniques, de jeunes compagnies font à nouveau le pari du chapiteau. Cet élan d’itinérance renoue avec la volonté de proximité et l’engagement citoyen. La vénérable « toile » sera-t-elle le nouvel atout du cirque contemporain ?

Par DIDIER STIERS

ILe chapiteau induit un rapport particulier au public : les specta-teurs entrent dans l’univers de notre spectacle, et encore plus, dans notre lieu de vie.

Fabiana Ruiz Diaz et Giacomo Costantini, de la compagnie El Grito, au sommet de leur propre rêve de toile.

LE LIEU

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C!RQ EN CAPITALE | 33

sons du cirque contemporain au niveau de l’esthétique, des spec-tacles. Pour le reste, c’est complètement à l’ancienne : monter et dé-monter le chapiteau, conduire les camions, tout ce fonctionnement reste complètement artisanal ».

« La société occidentale est devenue de plus en plus individualiste, consumériste », analyse Giacomo. « Nous le ressentons aussi dans notre secteur. C’est pour s’en protéger et trouver de l’autonomie que nous avons voulu créer cette bulle sociale, familiale ».

Des collaborations nouvellesLe Collectif Malunés, dont le premier spectacle « Sens dessus des-sous » a largement tourné en Belgique et à l’étranger, vient de s’ou-vrir au Cnancement participatif, dans le but d’acquérir un chapi-teau et y créer leur prochain spectacle. «  Le chapiteau induit un rapport particulier au public », explique le Collectif malinois. « Avec le chapiteau, le public entre dans l’univers de notre spectacle, et encore plus, dans notre lieu de vie. Le chapiteau nous permettra d’être autonomes. Nous le mettrons également à disposition

onter un chapiteau dans l’une des

19 communes de la Région de

Bruxelles-Capitale ? Mieux vaut (bien)

se renseigner au préalable ! Nous sommes en

Belgique : pourquoi faire simple quand on peut

faire compliqué ? Si l’occupation de l’espace

public sans autorisation est interdite, les rè-

glements et procédures en la matière peuvent

différer d’une commune à l’autre. Et dénicher

l’info adéquate n’est pas forcément évident

partout, même à l’heure d’Internet ! Suivant le

pouvoir local, on étudiera la question sous l’angle

« organisation d’événement », « spectacles »

ou « manifestations publiques », quand ce n’est

pas carrément sous celui de « taxes ». Rappe-

lez-vous : nous sommes en Belgique…

Quelques communes ne font pas dans le détail :

pas de chapiteau sur les places de Jette

et Forest ! Là au moins, c’est simplissime. Il en

va de même à Berchem Sainte-Agathe, avec une

exception appréciable : le partenariat entre les

centres culturels de la commune (le Fourquet

et De Kroon) a permis l’installation du chapiteau

du Magda Clan (2012) et du Cirque Pardi! (2013)

dans le cadre du Visuel Festival Visueel.

A Ganshoren, Saint-Gilles, Saint-Josse-ten-

Noode ou Koekelberg, ce n’est ni oui ni non.

Comme dans d’autres communes, il faut intro-

duire une demande auprès de l’Administration,

demande qui sera traitée par le Collège des

Bourgmestres et Echevins, qui rendra ensuite

sa décision.

Mais, bon, Cnalement… Qui décide quoi ? Et com-

ment ? Ça dépend… A Molenbeek-Saint-Jean,

c’est le service « Signalisation » qui examine

les demandes et présente le dossier au Collège.

A Schaerbeek, le verdict revient au Bourgmestre

qui aura d’abord consulté la police. A Auderghem,

on se réfère directement au règlement général

de police. Et à Anderlecht, où intervient le service

des « Fêtes et des Cérémonies », il existe un

règlement-redevance qui s’applique aux spec-

tacles sous chapiteau. Une saine lecture ! On y

apprendra notamment à combien s’élève le droit

d’emplacement : 65€ par jour, si l’installation fait

plus de 15 mètres de diamètre (ou de côté). Et

pour le montage, pas la peine de s’y mettre avant

6h ou après 22h.

L’épreuve du Collège est réussie ? Redevance

acquittée ? Ce n’est pas Cni : il faudra encore

s’assurer que les conditions générales – et le cas

échéant, particulières – édictées par le Siamu

(Service d’Incendie et d’Aide Médicale Urgente

de la Région) soient bien remplies. Il faudra aussi

faire agréer le montage du chapiteau et des

installations connexes, etc.

Votre patience déterminera si le cirque sous

chapiteau, en 2014, est une douce utopie ou une

réalité accessible. D.S.

AVANT D’ENTRER

EN PISTE…

© CRISTIANO COINI

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« UN APPEL À TOUS LES BOURGMESTRES »

En 200 ans de cirque, la légendaire famille Bouglione

a vu monter et démonter plus d’un chapiteau...

Regard – nuancé – sur la toile, avec Alexandre.

Comment définiriez-vous le chapiteau ?

C’est plus qu’un lieu de travail. C’est notre sanctuaire !

Sous le chapiteau, on fait tout : on vit, on répète, on

s’entraîne, on joue... Même les plus jeunes parmi nous

ont appris leur métier sous le chapiteau.

Vous avez encore connu les modèles en toile,

avant le plastique…

La toile a disparu dans les années 70. Je me rappelle de

mon père et de ses frères qui n’avaient pas conEance

dans le plastique, dans sa résistance, alors que Ena-

lement, c’est plus solide que la toile. Celle-ci avait son

charme mais aussi ses inconvénients. Tous les ans, mon

grand-père devait l’enduire d’un produit pour assurer

l’étanchéité...

Comprenez-vous ces jeunes compagnies

qui font le choix du chapiteau et reprennent

la route ?

Je comprends très bien. On revient, en quelque sorte, à

l’essence-même du cirque : son itinérance. Mais le gros

problème qui va se poser, et là je lance un appel à tous

les bourgmestres de Belgique même s’il existe aussi

ailleurs en Europe, c’est celui des emplacements qui

disparaissent. On a besoin de parkings ? On enlève un

cirque ! Les grands chapiteaux ne disparaîtront pas par

manque de public mais par manque d’emplacements !

Tous les ans, on perd quand même 5 ou 6 lieux

possibles. Il y a certes des cirques qui dégradent les

emplacements et à cause desquels les bourgmestres

n’en veulent plus du tout. Et il y en a d’autres qui

s’installent pour deux, trois, cinq ans, d’où une certaine

lassitude du public. Cela remet en cause les chapiteaux

en général et c’est regrettable, parce que les tournées

font vivre beaucoup de monde.

Propos recueillis par D.S.

pour divers événements, concerts, projections, spectacles… ». Au moment de mettre sous presse, le projet était en phase de Enan-cement, notamment par la plate-forme participative KissKissBank-Bank, avec un succès dépassant les espérances.

C’est que l’autonomie coûte cher, à tous égards. «  Un chapiteau reste une structure fragile », reprend Giacomo Costantini. « Et puis, notre groupe lui aussi doit tenir, malgré tout. Le cirque, c’est toute la journée, tout le temps. Quand un spectacle n’a pas bien marché ou qu’un gros souci survient, cela a des implications dans tout ce qu’est la compagnie. Et nous sommes aussi confrontés à la variété des règlements communaux ».

Pour surmonter le parcours d’embûches (lire à la page précédente) et pour pouvoir dresser la toile, la plupart des compagnies de cirque contemporain sont aujourd’hui accueillies à l’invitation de structures culturelles, dans le cadre de festivals ou de programma-tions de saison, souvent en partenariat avec les pouvoirs locaux. A l’écoute des choix artistiques des programmateurs et des compa-gnies, ces structures culturelles mettent en place des dispositifs spéciEques, souvent très ambitieux, pour accueillir ces chapiteaux : installation des charrois, aide au montage et démontage, création d’un environnement propice à la vie des membres de la compagnie sur le lieu, scénographies adaptées pour l’accueil des publics. Une vraie collaboration qui permet d’aller plus loin que les règlements communaux, tout en les intégrant.

Pour les autres, ceux qui – intrépides – marchent encore à l’auto-production, c’est toujours un incroyable parcours du combattant. Peu importe que ces cirques soient « traditionnels » ou « contem-porains ». Aux prescriptions communales souvent contradictoires s’ajoutent une foule de règlementations qui peuvent varier de pays à pays  : normes de construction non harmonisées, politiques di-verses en matière de prévention incendie, variations étonnantes pour les règles relatives aux capacités d’accueil du public.

Peut-être l’heure est-elle venue de rêver un « espace » particulier à Bruxelles ? D’autres capitales s’y sont lancées avec succès, comme à Paris où, depuis 1990, « L’Espace Chapiteaux » du Parc de la Vil-lette est le lieu éminent de diffusion du cirque contemporain. La toile n’est pas qu’un lourd charroi : elle est aussi, visiblement, l’un des tremplins vers demain.

1. Lire également l’article « Le cirque remet la marge au centre », en page 20Ci-contre et en haut clous du spectacle et coups de masse aux Turbulentes, le Festival des Arts de la Rue du Valenciennois (Vieux-Condé), en mai 2013.

LE LIEU

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LE BRUXELLOIS DU BOUT DU MONDE

evez les yeux et observez le mouvement des trapézistes. S’ils se lâchent en toute liberté, c’est qu’ils se sentent en sécurité. Derrière les installations techniques se cachent de vrais acrobates, aux mêmes compétences aériennes que les artistes. C’est le travail du «  rigger  » Vincent Schonbrodt. Armé d’un baudrier, d’un casque et d’un gilet Fuorescent, il escalade les échafaudages et monte les cordages pour

les spectacles de cirque. Son métier spéciHque à ce milieu pro-vient de l’anglais « to rig », qui en français signifie tout simplement « installer ».

Le Schaerbeekois d’origine est installé à Rio de Janeiro où il a fondé sa propre compagnie de rigging. « J’exerce autant dans le monde du spectacle, que sur les plateformes pétrolières et avec les entreprises énergétiques », nous ex-plique-t-il par-delà les océans. En ce moment, il est à Lima au Pérou, où il donne des cours aux techniciens du Cirque du Soleil. Il inspecte les gréements de l’entreprise canadienne. « Une fois par an, on vient véri=er leurs outils ».

La passion des hauteursÀ Rio ou au Pérou, Vincent est reconnu comme un rigger expérimenté. Une légitimité acquise après avoir parcouru presque toute la planète. Initié aux techniques aériennes à l’Atelier du Trapèze, à Bruxelles, il quitte sa Belgique na-tale à 20 ans pour étudier à l’Ecole Nationale de Cirque de Montréal. À la Nn de sa formation, le jeune trapéziste part rejoindre l’équipe du spec-tacle « O » produit par le Cirque du Soleil à Las Vegas. Un accident du genou l’oblige à prendre un tournant dans sa carrière. Après une brève parenthèse dans le secteur de l’aviation, il atter-

rit dans les coulisses. « Le Cirque du Soleil m’a rappelé pour faire l’installation de leur show ‘KÀ’ présenté au MGM Grand à Las Ve-gas », explique-t-il. Très vite, le trapéziste reconverti proNte de sa parfaite connaissance des airs pour s’imposer chez les voltigeurs de l’ombre. Vincent dirigera notamment une équipe de quinze rig-gers sur la tournée du spectacle « Corteo », toujours pour le Cirque du Soleil.

« Dans le monde du spectacle, beaucoup de riggers viennent de l’es-calade. Ce serait dur de faire correctement ce métier avec le ver-tige ! », analyse-t-il. « On est parfois dans des théâtres de 60 mètres de haut. Quand il s’agit de forer un trou, suspendu à des cordages, c’est plus compliqué que sur une échelle. Mes capacités acquises en tant que trapéziste me servent en milieu acrobatique. Par exemple, savoir comment un être humain se comporte dans les airs permet de

fabriquer un matériel ergonomique adapté ».

Après quinze années au service du cirque de Guy Laliberté, le globe-trotter a Nni par se po-ser. « J’avais un emploi du temps très chargé, 80 heures par semaine. Il y a trois ans, j’ai voulu faire autre chose. J’ai alors créé ma propre compagnie, ‘Vertical Rigging Solutions’. J’avais aussi envie de me tourner vers l’enseignement. Il n’y a aucune école de rigger. On apprend sur le terrain. C’est pourquoi, dans nos formations, il y a des cours de sauvetage et de travail en hauteur, des cours pour éviter les chutes, etc. ».

Aujourd’hui à 41 ans, Vincent a donc mis de côté ses valises pour s’occuper de son nouveau bébé professionnel... et de sa petite Nlle brésilienne. Il aimerait faire partie de l’équipe technique pour la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques de Rio en 2016. Un prochain challenge pour ce rigger habitué à gravir les échelons sans frémir.

Technicien de haute voltigeNé à Schaerbeek, Vincent Schonbrodt exerce le métier de « rigger » au Brésil et ailleurs en Amérique latine. L’ancien trapéziste a mis sa passion des airs au service des circassiens sous les feux des projecteurs : c’est lui qui, dans l’ombre, assure leur sécurité.

Par FLAVIE GAUTHIER

Dans le monde du spectacle,

beaucoup de riggers viennent de

l’escalade. Ce serait dur de faire correctement ce métier avec le vertige !:

Premier de cordée : Vincent Schonbrodt installe des accroches en Ardèche, à l’Atelier du Trapèze de Fill De Block et Nanou Peeters.

© D.R.

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AGENDA

Pour +gurer dans le prochain Agenda de C!RQ en CAPITALE (avril > juin 2015), merci de nous envoyer vos informations par e-mail à [email protected] pour le 31/01/2014.

Janvier Février Mars 2015

EXPOSITION

Vernissage : 11/01 à 14h

Du 11 au 31/01

Clowns & Magiciens sans frontières  Retours de missionsPhotographies & Projection de 7lms // (Gratuit)

→ Le Cercle des Voyageurs

CRÉATIONS EN CHANTIERPrésentations d’étapes de travail

16/01 à 17h

Léger Démêlé Cie À Sens Unique (France)

→ Espace Catastrophe

23/01 à 17h

La BizouterieThéâtre du Laid Cru (France)

→ Espace Catastrophe

30/01 à 17h

Manor HouseSebastian Kann & Natalie Oleinik (Etats-Unis/Belgique)

→ Espace Catastrophe

21/02 à 20h30

Try-Art CaféSoirée composée de plusieurs projets en cours de création

→ Cellule 133

13/03 à 17h

Sto Arrivando! Zenhir (Italie)

→ Espace Catastrophe

28/03 à 20h30

Try-Art CaféSoirée composée de plusieurs projets en cours de création

→ Cellule 133

SPECTACLESj a n v i e r

Création

23 & 24/01 à 20h30

HOM(m)Loïc Faure (Belgique)

→ La Vénerie / Espace Delvaux

f é v r i e r

Avant-Première

2/02 à 20h30

Two for TeaCie La Main à la Patte (Belgique)

→ Théâtre 140

2 & 3/02 à 20h

T’as ma paroleBaladeu’x (Belgique)

→ CC Jacques Franck

3/02 à 14h30

Solo DueLes Argonautes (Belgique)

→ Halles de Schaerbeek

Dans le cadre de Propulse, vitrine des Arts de la Scène

Séance réservée aux professionnels du spéctacle

4/02 à 16h45

La Geste La RuspaRocket (Belgique)

→ Halles de Schaerbeek

Dans le cadre de Propulse, vitrine des Arts de la Scène

Séance réservée aux professionnels du spéctacle

6/02 à 20h30 7/02 à 15h & 20h30

TracesLes 7 Doigts de la Main (Québec)

→Théâtre Wolubilis

7/02 à 20h30

Cabaret CirqueTourbillon de techniques circassiennes

→ La Roseraie (sous chapiteau)

9/02 à 20h30

Nos Limites Radhouane El Meddeb, Matias Pilet & Alexandre Fournier (France)

→ Halles de Schaerbeek

Création

26, 27 & 28/02 à 20h30

CQFD ?Cirque Barbette (Belgique)

→ La Vénerie / Espace Delvaux

m a r s7/03 à 20h30

Untitled_I will be there when you dieAlessandro Sciarroni (Italie)

→ Halles de Schaerbeek

16/03 à 20h30

VielleichtCie Happés – Mélissa Von Vépy (France)

→ Halles de Schaerbeek

19 & 20/03 à 20h30

AcrobatesStéphane Ricordel & Olivier Meyrou (France)

→ Halles de Schaerbeek

27/03 à 20h30

JoséphinaCie Chaliwaté (Belgique)

→ GC De Kroon

FESTIVAL26, 27 & 28/03

Festival XS Festival pluridisciplinaire et ouvert

Côté cirque, retrouvez Aurélien Oudot avec « Think but feel » (Création) et Pierre Meunier & Raphaël Cottin avec « Buffet à vif »

→ Théâtre National

PORTES OUVERTES17/01 de 14 à 17h

Portes Ouvertes @ Cirqu’ConflexRencontre avec les animateurs, ateliers ouverts, goûter participatif, rires & bonne humeur

→ Cirqu’Concex

30, 31/03 & 1/04

Cours Ouverts @ Jeu(x) de PisteLes participants ouvrent leurs Cours du Soir aux regards des autres

→ Espace Catastrophe

© YOUNES MOHAMMAD

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AUTRES STAGESAdultes

Du 2 au 13/02

Trilogie du Rire : « Jeu, Objets et Accidents »Avec Micheline Vandepoel (Pour pros, semi-pros & amateurs)

→ The Open Space

Adultes

Du 23 au 27/02

Méli-Mélo Complice : tout l’art de la di&érenceFrançoise de Gottal & Catherine Magis

→ Espace Catastrophe

Adultes

Du 16 au 27/03

Trilogie du Rire : « le Rire »Avec Micheline Vandepoel

(Pour pros, semi-pros & amateurs)

→ The Open Space

Le magazine de la vie circassienne bruxelloise

www.cirqencapitale.be

Édition Espace Catastrophe asbl Rue de la Glacière, 18 1060 Bruxelles - 02 538 12 02 [email protected]

Éditeur responsable Benoît Litt

Rédacteur en chef Laurent Ancion

Comité éditorial Nurten Aka, Laurent Ancion, Philippe Grombeer, Christian Jade, Virginie Jortay, Benoît Litt, Catherine Magis, Catherine Makereel, Laurent Raphaël

Ont collaboré à ce numéro

Équipe rédactionnelle Nurten Aka, Laurent Ancion, Laurence Bertels, Pauline de La Boulaye, Flavie Gauthier, Christian Jade, Catherine Makereel, Silvia Rodriguez Gimenez, Didier Stiers

Illustrations Flore Figuière, Laurent Ancion

Recherche images Daniel Mottard, Laurent Ancion

Photographes André Baumecker, Sacha Caloussis, Kailai Chen, Philippe Clabots, Cristiano Coini, Marianna De Sanctis, Amandine Dooms, Frédérick Guerri, Baudouin Litt, Dragan Markovic, Andrea Messana, Younes Mohammad, Sylvie Moris, Luc Praet, Olivier Ravoire, Valérie Remise, Jonathan Steelandt—

Graphisme

www.ekta.be

Impression Hayez Imprimeurs

Tirage 4.000 exemplaires

Abonnements Juliette Leseultre

Publicité Claire Geyer

Trimestriel

N° 2 : janvier > mars 2015

N° ISSN 0772-2680

A venir

N° 3 : avril > juin 2015 N° 4 : juillet > septembre 2015

(Numéro allégé avec les agendas

de l’été et de la rentrée)

N° 5 : octobre > décembre 2015

© Espace Catastrophe 2014 – Tous droits

de reproduction réservés. Les articles publiés

n’engagent que la responsabilité de leurs auteurs.

Réalisé avec le soutien de la COCOF

CARNET D’ADRESSES

Action SportCentre Sportif – Av Salomé 2 1150 Woluwe-St-Pierre 02 734 94 16 - www.actionsport.be

CC Jacques FranckCh de Waterloo, 94 – 1060 Saint-Gilles - 02 538 90 20 www.lejacquesfranck.be

Cirqu’Conflex Rue Rossini 16 1070 Anderlecht - 02 520 31 17 www.cirqu-connex.be

Ecole de Cirque de Bruxelles02/640 15 71 www.ecbru.be

Tour & Taxis : Rue Picard, 11 1000 Bruxelles

Saint-Gilles : Rue de Belgrade, 120 – 1060 Saint-Gilles

Espace CatastropheRue de la Glacière, 18 1060 Saint-Gilles 02 538 12 02 www.catastrophe.be

GC De Kroon Rue J.B. Vandendriesch, 19 1082 Berchem-Sainte-Agathe 02 482 00 10 – www.gcdekroon.be

Les Halles de SchaerbeekRue Royale Ste Marie, 22b 1030 Schaerbeek 02 218 21 07 - www.halles.be

La Roseraie Ch d’Alsemberg, 1299 1180 Uccle - 02 376 46 45 www.roseraie.org

La Vénerie - Espace DelvauxPlace Keym 1170 Watermael-Boitsfort 02 672 14 39 –www.lavenerie.be

Le Cercle des VoyageursRue des Grands Carmes, 18 1000 Bruxelles – 02 514 39 49 www.lecercledesvoyageurs.com

Théâtre 140Avenue Plasky, 140 1030 Schaerbeek 02 733 97 08 www.theatre140.be

Théâtre NationalBd Emile Jacqmain, 111-115 1000 Bruxelles - 02 203 53 03 www.theatrenational.be

Théâtre WolubilisCours Paul Henri Spaak, 1 1200 Woluwe-St-Lambert 02 761 60 30 - www.wolubilis.be

The Open SpaceCh de Vleurgat, 15 - 1050 Ixelles [email protected]

Toboggan ASBL02 731 11 96 www.tobogganasbl.be

Ecole Saint-Joseph : Ch de Waterloo, 1190 – 1180 Uccle

Centre Imagine : Chemin des Deux Maisons, 71 1200 Woluwe-Saint-Lambert

Cellule 133/ Try-Art CaféAv Ducpétiaux, 133a 1060 Saint-Gilles [email protected] www.tryartcafe.com

STAGES DE CARNAVAL (du 16 au 20/02)

Adultes (+ 16 ans)

Jeu(x) de Piste13 stages de 15 heures // 1 stage de 30 heures

10h à 13h // 14h30 à 17h30 // 19h à 21h

→ Espace Catastrophe

Kids (6-12 ans)

Action-Sport→ Centre Sportif de Woluwe-Saint-Pierre

Kids (- 4 ans)

Ateliers de cirque→ Ecole de Cirque de Bruxelles

Site de Tour&Taxis

Kids (6-12 ans)

Techniques de cirque→ Ecole de Cirque de Bruxelles

Site de Saint-Gilles

Kids (4-12 ans)

Cirque & MultisportsCirque/Eveil sportif (4-5 ans) Cirque Minisports (6-8 ans) Cirque/Multisports (9-12 ans) Cirque/Exploration créative (6-8 ans & 9-12 ans)

→ Toboggan ASBL

Kids (- 8 ans)

Multi-Cirque→ Cirqu’ConUex

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La SACD accueille le cirque sous toutes ses formes et le soutient dans toute sa diversité.

La SACD est une société de gestion de droits

d’auteurs gérée par et pour les auteurs.

Ses services :

Protéger les droits et intérêts individuels et collectifs des auteurs.

Autoriser l’utilisa-tion de leurs œuvres et percevoir les droits qui en découlent.

Assurer une intégra-tion progressive des auteurs dans les relations professionnelles.

Ses o%res :

Fournir un accompa-gnement professionnel et des conseils juridiques, sociaux et fiscaux spécialisés.

Promotionner les auteurs et leurs créations par les bourses, les prix… et l’action culturelle.

Donner accès à la communauté belge et internationale de créateurs.

Pour tout savoir sur la SACD n’hésitez pas à contacter: 

Béatrice Buyck Service des Auteurs — T +32 (0)2 551 03 42 — F +32 (0)2 551 03 71 — [email protected]

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akan

Jan

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Maison des Auteurs

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JEU(X) DE PISTEFormations aux Arts du Cirque pour ADULTES

STAGES DE CARNAVAL 16 > 20.022015

INTERVENANTS : Enrico Astegiano [Les Cliquets], Mariana de Sanctis [Cie Bonsaï],Jérôme d’Orso [Les Art’s Felus], Christelle Dubois [Cie Si J’y Suis], Gaëtan Dubrion [L’Art Mât Gauche], Lucia Fusina [Cie Bonsaï], Gaspard Herblot [La Générale d’Imaginaire, Cie Scratch], Quintijn Ketels [Cie Side Show], Sophie Leso [Cie Te Koop], Jenny Rombai [Cie du Pain Perdu], Micheline Vandepoel & Jordi L Vidal.

10 > 13h 14h30 > 17h30 19 > 22h

13 STAGES DE 15 heures & 1 STAGE DE 30 heures

INFOS & INSCRIPTIONST 02/538 12 02 - E [email protected] WWW.CATASTROPHE.BE

18, Plage Flagey (Bte 13)1050 Bruxelles02/219 39 08

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BARDAF dans l’Quartier - LaekenMini-Cirque en tournée dans les quartiers

Les Bruxellois font l’Cirque - LaekenStages et découverte des Arts du cirque

Apéro Funambule au canal - YserSpectacle Place Bockstael - Laeken

Cirques en fête - Quartier Sainte CatherineSpectacles & animations

AVRIL 2015

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