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1973-02-04 EXCURSUS Excursus Jacques Lacan Intervention dans une réunion organisée par la Scuola freudiana, à Milan, le 4 février 1973. Parue dans l’ouvrage bilingue : Lacan in Italia 1953-1978. En Italie Lacan, Milan, La Salamandra, 1978, pp. 78-97. (78 Or la question écrite… Puisqu’on me l’a transmise… pour l’instant c’est plus commode, je la lis : « Votre discours procède de ce qu’on peut saisir dans l’expérience analytique, comme il devrait se passer pour tout discours véritablement analytique ». Il y a donc une question qui m’est posée par mon expérience analytique – dit-il – et que je vous propose : « Il me semble saisir, pour autant que l’on peut, l’inconscient comme lieu de l’émotion (entre parenthèses : jouissance, angoisse) en quelque sorte innommable. L’on pourrait peut-être dire qu’il y a une tendance à la limite où toute relation, ou bien articulation, va disparaître. Je trouve pour moi difficile de concevoir cette homogénéité-limite dans son articulation avec l’articulable, à savoir, entre guillemets, avec une certaine imprécision terminologique, de l’innommable avec le nom ». C’est une question dont, en somme, je comprends très bien qu’on me la pose à propos, justement, de ce que j’ai dit ce matin. Ceci ressort évidemment de l’idée qu’on se fait, qu’on croit pouvoir se faire, de ce qu’on appelle d’habitude, au moins en français, et ceci depuis un temps court… de ce qu’on appelle l’affect. Il s’est trouvé en somme au début de ce siècle, des gens pour penser, s’imaginer, que les mots, ce n’étaient que des mots, et que tout ce qu’on pouvait enregistrer par une action psychothérapique, c’était quelque chose qui relevait… qui relevait de je ne sais quoi d’ineffable, justement… au dire de ceux qui voulaient expliquer comment il pouvait bien se passer quelque chose par ce rapport qu’on a appelé depuis, avec beaucoup d’insistance, la « relation médecin- malade ». Il fallait absolument en somme que ça ressorte d’une sorte de thaumaturgie, de miracle ; pour expliquer l’étrange, enfin, l’inhabituel (79) de cette action de la parole, il fallait recourir à cette idée, que c’était par l’intermédiaire de quelque chose qui n’a jamais été défini – parce qu’après tout l’affect, à part ceci, que ça c’est pas intellectuel, on n’en saisit pas bien la définition ; enfin, justement, il s’agit de choc, de modification du type… du type qu’on appelle émotionnel, c’est-à-dire de quelque chose qui peut se traduire par une modification du rythme cardiaque, par exemple, ou de la tension artérielle… enfin, c’est des choses qui en effet surviennent, c’est bien connu, dans l’émotion… Freud, quand il a fait son article sur Die Verdrängung, le refoulement, a distingué le contenu de ce qu’il appelle pour lui idéique, et qui n’est pas soutenable d’autre chose que d’un support signifiant… a bien marqué quelque chose qui est écrit tout bonnement dans son texte : 1

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Lacan - Excursus

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Intervention dans une runion organise par la Scuola freudiana, Milan, le 4 fvrier 1973

1973-02-04 Excursus

Excursus

Jacques Lacan

Intervention dans une runion organise par la Scuola freudiana, Milan, le 4 fvrier 1973. Parue dans louvrage bilingue: Lacan in Italia 1953-1978. En Italie Lacan, Milan, La Salamandra, 1978, pp. 78-97.

(78Or la question crite Puisquon me la transmise pour linstant cest plus commode, je la lis:

Votre discours procde de ce quon peut saisir dans lexprience analytique, comme il devrait se passer pour tout discours vritablement analytique. Il y a donc une question qui mest pose par mon exprience analytique dit-il et que je vous propose: Il me semble saisir, pour autant que lon peut, linconscient comme lieu de lmotion (entre parenthses: jouissance, angoisse) en quelque sorte innommable. Lon pourrait peut-tre dire quil y a une tendance la limite o toute relation, ou bien articulation, va disparatre. Je trouve pour moi difficile de concevoir cette homognit-limite dans son articulation avec larticulable, savoir, entre guillemets, avec une certaine imprcision terminologique, de linnommable avec le nom.

Cest une question dont, en somme, je comprends trs bien quon me la pose propos, justement, de ce que jai dit ce matin. Ceci ressort videmment de lide quon se fait, quon croit pouvoir se faire, de ce quon appelle dhabitude, au moins en franais, et ceci depuis un temps court de ce quon appelle laffect.

Il sest trouv en somme au dbut de ce sicle, des gens pour penser, simaginer, que les mots, ce ntaient que des mots, et que tout ce quon pouvait enregistrer par une action psychothrapique, ctait quelque chose qui relevait qui relevait de je ne sais quoi dineffable, justement au dire de ceux qui voulaient expliquer comment il pouvait bien se passer quelque chose par ce rapport quon a appel depuis, avec beaucoup dinsistance, la relation mdecin-malade. Il fallait absolument en somme que a ressorte dune sorte de thaumaturgie, de miracle; pour expliquer ltrange, enfin, linhabituel (79)de cette action de la parole, il fallait recourir cette ide, que ctait par lintermdiaire de quelque chose qui na jamais t dfini parce quaprs tout laffect, part ceci, que a cest pas intellectuel, on nen saisit pas bien la dfinition; enfin, justement, il sagit de choc, de modification du type du type quon appelle motionnel, cest--dire de quelque chose qui peut se traduire par une modification du rythme cardiaque, par exemple, ou de la tension artrielle enfin, cest des choses qui en effet surviennent, cest bien connu, dans lmotion

Freud, quand il a fait son article sur Die Verdrngung, le refoulement, a distingu le contenu de ce quil appelle pour lui idique, et qui nest pas soutenable dautre chose que dun support signifiant a bien marqu quelque chose qui est crit tout bonnement dans son texte: cest savoir que ce qui est refoul, cest bel est bien quelque chose de lordre de lordre du signifiant: il y a un mot qui est l, repouss par le tissu mme de la phrase, et cest, de lmergence de ce mot, qui nest pas impensable, cest de la rmergence de ce terme que quelque chose dans la phrase se complte et en somme lui donne un tout autre sens.

Il discute, nest-ce pas, la question de laffect, cest savoir si a ne serait pas laffect qui serait refoul. Il en discute, il est assez frappant et plutt la faveur de mon interprtation, que

la faon dont il tranche, cest tout le contraire cest qu ces mots qui recouvrent un certain mot-clef, ces mots reste associ un affect qui en est tout fait distinct.

Je veux dire que ce qui se produit dans le texte mme, puisquon peut lappeler ainsi, de la vie psychique dans la nvrose cest justement ceci: que des mots qui en apparence dcidaient une cogitation sur le monde, qui en apparence ne ncessiteraient pas un affect

Pour exemplifier ce que jappelle loccasion affect, il y en a un qui est bien caractristique, et dautant plus caractristique quaprs tout cest Freud qui la mis en valeur: cest ce quil appelle lUnheimlicheit, cest--dire, ce quon a traduit, ce quon peut traduire, en franais je ne sais pas comment le faire en italien le sentiment dtranget.

Le sentiment dtranget est prcisment quelque chose qui se distingue dapparatre propos de choses qui, dun premier aspect, sont des plus communes, des (80)plus ordinaires, des plus familires: et cest a, ce trait que se signale un certain sentiment quil sagit l justement, de choses pas familires du tout tout coup, propos de choses quon sait bien tre familires Cest quelque chose qui sans doute est un affect, mais qui nest nullement refoul.

Cest propos dun texte, dun texte articulable que le phnomne se produit. Et cest la rsurgence, enfin, lvocation, loccasion par la divination, lintuition, mais lintuition guide, dj, par une certaine une certaine habitude, enfin, un certain savoir, il faut bien le dire, du psychanalyste, que le psychanalyste peut de temps en temps russir ce coup, qui est, enfin, vraiment familier.

Je vous lai dit ce matin, enfin, linterprtation des rves cest pas autre chose.

Le psychanalyste, dans une certaine priode dor de lexprience analytique cest par lintroduction dun mot qui change tout le sens de la phrase, quil rsoudra ce qui tait l, affect en quelque sorte errant, mais pas refoul du tout.

Freud, malgr tout, le dit de la faon la plus simple: sil y a quelque chose qui nest pas refoul, qui reste errant, cest justement laffect.

Cest au contraire de la dcouverte de ce qui dans larticulable un articulable qui nest pas toujours articul, qui nest pas toujours la porte du psychanalyste, nest-ce pas cest au niveau de larticulable la chose, avec un support parfaitement signifiant, que se justifie, si on peut le dire, secondairement ce qui tait affect.

Cest l tout de mme une nuance importante, nest-ce pas la personne donc qui a crit ces quelques lignes je vous remercie, nest-ce pas, parce que cest une question trs intressante, et quil faudrait videmment illustrer par des exemples, mais je veux en rester, parce que nous avons quand mme un temps mesur, je veux en rester laccentuation de ce dont il sagit.

Freud lui-mme l-dessus est trs clair: cest de quelque chose dont lirruption lirruption du refoul est quelque chose qui est beaucoup plus li, dans le texte de Freud, au support verbal.

Quand on limagine du dehors, la caractristique du refoulement est toujours un affect, qui, si je puis dire, lui, est l prsent Dans quelque sorte de nvrose quil sagisse, laffect est l.

(81)On ne peut pas dire que la nvrose obsessionnelle, par exemple, ne soit pas charge daffect il se manifeste tout instant. Ce qui est trs, trs profondment voil, cest une articulation, par exemple un vu de mort qui, lui, ne lest pas, daucune faon, articul, et il est vident que ce nest pas en lnonant, purement et simplement, que lanalyste peut le mettre en valeur.

Contrairement ce qui se passe dans un certain nombre dautres cas, o le refoulement est beaucoup plus simple, et o la simple supplance dun mot change tout fait le sens dune phrase et y introduit de la faon la plus crue un vu un vu de satisfaction qui est compltement paradoxal, parce que le sujet ne sait rien de ce quil demande vraiment. On le fait sapercevoir de ce qui est vraiment son vu.

Je parle du vu, je veux dire de quelque chose qui est tout fait capable de sarticuler. Entre le vu et le dsir, je vous lai dit ce matin, il y a un monde.

Il ne suffit pas de faire le vu de quelque chose pour savoir quel dsir a rpond; et linterprtation, cest videmment au niveau du dsir quelle se situe. Mais la simple restauration-restitution de la demande dans sa teneur est quelque chose qui restitue laffect, quel quil soit, ce quon appelle ici lmotion restitue lmotion sa place. Il faut tout de mme dire ceci: cest que, mis part certains moments exceptionnels, une analyse ne se passe pas, ne sopre pas par une srie de ces coups motionnels.

Quand on a un peu lexprience de lanalyse, cest tout de mme pas a, cest trs diffrent.

Donc ce nest pas laffect qui est refoul: cest toujours quelque chose qui est de lordre du signifiant.

Le signifiant, dailleurs, ce nest pas simplement le nom Le verbe cest tout autant quelque chose, nest-ce pas: non seulement a lest, mais a lest dune faon capitale.

Pour tout dire: sil y a lieu de centrer quelque part lattention, cest sur des noncs comme ceux qui se trouvent dans Freud, articuls sous le titre, par exemple, de Ein Kind wird geschlagen, ce quon traduit en franais, comme on peut, par On bat un enfant.

Lisez cet article cest l quand mme quon touche du doigt ce quil en est du fantasme.

Je nai pas parl ce matin du fantasme, parce que je (82)ne pouvais pas tout mettre, comme a, dans un mme sac. Enfin, cest malgr tout la limite du temps qui limpose.

Ein Kind wird geschlagen: quest-ce qui en fait la valeur rotique?

Freud signale avec une trs grande prcision, dans quel cas, chez quel sujet, il a vu la prvalence rotique savoir ce en quoi un fantasme, qui est celui dun enfant battu, peut en quelque sorte soutenir lattirance rotique.

Cest un texte dont il faut bien dire que la nouveaut est tout fait tranchante lpoque o il sort: qui avant Freud a jamais os remarquer quun dsir, pour quil merge de quelque chose qui est profondment li lexcitation sexuelle, se supporte dune scne imagine, dont il dveloppe en quelque sorte toutes les variations possibles.

savoir: supposer que cette scne ne soit pas seulement imagine, quelle ait eu un support dans lexprience passe du sujet, elle est quoi? Je vous passe les diffrences intermdiaires, mais enfin il y a un intermdiaire tout fait essentiel: cest celui qui se rapporte lamour du pre. Lenfant qui est battu, cest lenfant dont le pre montre quen fin de compte il est peu de chose auprs de celui qui justement fantasme, de celui qui est tmoin de ce chtiment.

Cest une dialectique une dialectique, quoi?, des plus prcaires, et dautant plus prcaire que Freud cest au temps de son analyse du fantasme comme tel, releve dans cinq ou six cas de fantasmatisations chez des malades cette histoire du pre, il avoue quen fin de compte on ne la fait resurgir jamais. Cest simple, hein?

la fin, cest quand mme le sujet lui-mme qui est en cause, se dissimulant derrire lanonymat justement pour rpondre la personne qui ma pos le problme lanonymat parce que le nom, en fin de compte, cest bien le nom propre.

Ce on cache quelque chose, qui se montre avoir un rapport trs troit avec la jouissance en tant que la jouissance, de toutes celles qui sont lies au corps, celle qui va le plus prs de la jouissance l je fais attention parce que je veux viter les glissements celle qui va le plus prs de la jouissance de lacte sexuel. Et (83)lacte sexuel, a ne veut pas dire quil est fond sur un rapport qui serait en quelque sorte inscrit dans le rapport des corps: cest justement en tant que cette jouissance est l, cest le cas de le dire, ineffablement, mais ineffablement au sens o justement il sagit dune impossibilit du dire, que rien dans aucun dire ne rpond ce qui dans Freud lui-mme, nest-ce pas, est maintenu de la mythologie de lros, de lros comme unissant.

Sil y a quelque chose de dcevant au sens premier que javais voqu ce matin, il ny a rien de plus dcevant que ce quon appelle le rapport sexuel. Cest trs prcisment quil tourne court, quil a une fin, et quau-del de cette fin, dailleurs, il a un certain nombre deffets, deffets seconds: pas chez les deux partenaires, il y a un certain nombre dactes seconds chez lun des partenaires, chez la femme. Et cest trs prcisment en tant quinvinciblement les partenaires restent deux, quil est tout fait faux de le mettre, ce rapport sexuel, sous le chef dun ros qui serait caractris par je ne sais quel apptit universel de la fusion en un. Sil y a quelque chose qui ne fait pas un, cest trs videmment ltreinte sexuelle.

Il est vident que jai d y mettre ce matin un autre accent, et que pour dire quil ny a pas de rapport sexuel, il faut centrer a quelque part. Et si je le centre au niveau de leffet du langage, cest trs prcisment en ceci: que ce que le langage instaure, situe, introduit dans le monde, cest quelque chose dont il nest pas mauvais de lappeler, de le qualifier dcriture.

Le langage est toute cette accumulation, ce cumulus de jouissance que jai voque ce matin et qui semble concentr comme sur des pointes, des pics, enfin, il y a aussi des effets de pluie, des effets de ravinement, nest-ce pas, dans cet ordre dans cet ordre, si vous me permettez un jeu de mots que permet le franais: cest que ce que nous touchons, ce que lexprience nous laisse dans la main depuis le temps que a se passe, cest lcrit-vain mais en deux mots.

Ce dont il sagit, cest bien l o je me pose la question: est-ce que ce que jai essay de supporter par des symboles quasi-algbriques, enfin, ce que jappelle lobjet petit a, ou ce que je dsigne de ce grand A, de ce grand A barr en plus, et pris comme tel pour signifiant, cest--dire ce lieu de lAutre, dans lequel toute une pense traditionnelle situe situe quoi? enfin, ltre (84)suprme, un mythe autant dire comme nous ne savons pas du tout quest-ce cest que ltre, ltre porte de notre main enfin toi toi en quoi vous croyez tre. Tant mieux pour vous. Si jen tais aussi sr que vous, je ne serais pas analyste, hein?

Ce que lanalyse nous rvle, cest justement lissue, la sortie de ce mythe de ltre de ce mythe de ltre qui na vraiment pas dautre support que celui que lui a donn la pense cartsienne. Cest vident quil y a quelque chose dirrductible dans la pense: mais rien que l et partir du moment o, cette pense, nous sommes loin de compltement la couvrir et pour cause parce que cest bien plutt le jou ou mme comme jai dit ce matin, le joui que nous sommes partir de ce moment-l on voit bien que ltre est quelque chose qui un tant soit peu se drobe. Il y a une chose trs certaine, cest quil ny a pas de trace dans la pense freudienne, dune association de ltre avec linconscient.

Freud, quand il a tent de substantialiser, dans sa seconde topique, ce dont il sagit, il a appel linconscient le a.

Mais cest a quil y a de frappant, cest que le a ne moufte pas. La confusion du a et de linconscient est tout fait impossible.

Le a, quoi quait pu en faire un certain nombre desprits imaginatifs, Groddeck y compris, le a cest le non-tre.

Si a a quelque part rapport avec linconscient, cest justement en tant que le a cest pas du tout pareil.

Le a, en fin de compte, cest justement limpensable, cest linstant de mort, et cest bien ce quil a os aussi mettre la limite.

Alors, il y a quelque chose qui me parat digne dtre relev dans cette question qui vient de mtre pose, cest que, lmotion, on y met l deux catgories: la jouissance dune part, et puis langoisse.

Est-ce que vraiment: jamais personne a mis la jouissance sous la catgorie de lmotion, hein?

Cest trs trange, nest-ce pas, ce glissement thorique.

Lmotion, cest quelque chose qui se traduit par un choc suivi dondes, quelque chose qui vient vient frapper, dinhabituel, et puis pendant un certain temps a vibre, a se perptue. Jamais personne na (85)mme os et Freud ne parle pas dmotion, il parle de tension, nest-ce pas. Le principe du plaisir est cens tre support par une tension, par le fait quune tension est trop leve, et a entrane une raction de drobade, de fuite soit en avant soit en arrire quimporte.

Cette tension, cest quelque chose qui est tout de mme considr comme beaucoup plus fondamental que cette irruption passagre qui se caractrise du terme dmotion.

Je suis l plutt en train de dblayer, nest-ce pas, je vous donne quelques indications enfin, jessaye quand mme de vous donner un vocabulaire Ce vocabulaire, bien sr, il dpend lui-mme dune certaine articulation des phnomnes: dans un tableau que javais prsent il y avait un certain nombre de termes o lmotion intervenait, mais la condition de la distinguer de lmoi, de la distinguer de lempchement, de la distinguer de lembarras, qui sont aussi des termes qui ont leur sens prcis et leur valeur. Cest une notion confuse que dy englober quelque chose comme la jouissance.

La jouissance est trs spcifiquement lie lexistence du corps Cest le fait de ltre parlant quil puisse y avoir ce que jappellerai, proprement parler, abus de cette possibilit de jouissance Abus ne veut rien dire que spcifiquement jouissance: abus ici est prendre comme ple oppos dans ce que jai voqu ce matin des deux versants de lutendum de ce qui est fait pour servir et du fruendum cest--dire de ce dont on jouit.

Quil y ait, chez ltre parlant parce que nous navons pas proprement parler de tmoignage ailleurs, notre connaissance: il ne semble pas que les animaux sauvages soient si cruels, si cruels que le chat qui est incontestablement une dpendance de lhomme le chat jouit sans doute, mais comment le savoir, de la souris avec laquelle il se livre un certain nombre de jeux de pattes Mais enfin, pour ce qui est de prendre, selon la formule de Sade, partie du corps du prochain pour objet de sa jouissance Dailleurs l on ne sait plus o est le sujet, si cest lactif ou le passif, et cest en a que la jouissance, et la jouissance quil faut appeler par son nom, la jouissance sadique, se manifeste pour ce que jai dit ce matin, pour la supplance la plus proche de ce qui supposerait que la jouissance sexuelle soit une jouissance unitive.

(86)Il est bien clair que la jouissance sadique nest pas une jouissance unitive, mais a nous entranerait un tout petit peu loin, a nous entranerait trs nettement ceci: cest quil suffit de lire Sade Sade Sade est tel dans ses imaginations la verge de Dieu, si vous me permettez cette vocation Cest en fonction de ce tiers, enfin, quil excre, mais quil avoue servir, que la jouissance sadique stablit. Elle est donc loin dtre ce quelque chose quon essaie de nous dire en le mettant sous le chef de je ne sais quelle agressivit pure et simple comme si ltre humain tait si agressif.

On na jamais massacr son prochain que pour son bien, hein?

Cest tout de mme pas pour rien que la psychanalyse a qualifi de lambivalence ce quon appelle en gnral lamour: cest toujours par amour quon tue son prochain.

Alors la jouissance sadique, a na rien faire avec une espce de jeu parodique, qui montre que pour certains il est ncessaire, pour baiser, de saider un peu avec des images.

Et cest naturellement, comme toutes les images, emprunt la volont divine.

Cest pour le bien que tout a se fait.

On dirait quil y a le masochiste Enfin, nous en parlerons une autre fois.

Cest un petit plaisantin, le masochiste. Il a trouv quelque chose de particulirement fin, et quand il est du type Sacher-Masoch cest--dire quand il est un homme selon toute apparence, nest-ce pas le fait quil remette laffaire la femme condition, bien sr, que a ne soit pas trop fort, et puis, surtout, que ce soit des tortures morales lui sait, en somme, peu prs, ce que cest que la jouissance.

Mais il la mordille, enfin il en touche les bords Tout a ne va jamais trs loin, cest pas plus srieux cest pas plus srieux que enfin, que quelque chose qui quand mme fait lassiette.

Lassiette de tout a est ce quon appelle en gnral lamour.

Voil un petit livre, comme a, que javais apport parce que javais pens pourquoi pas? si javais eu ici un autre type de runion que celle que jai eu ce matin Javais apport un petit livre qui sappelle: Le (87)problme de lamour au Moyen ge. Cest paru en 1908, dun certain Abb Rousselot. a prouve quvidemment que les bonnes traditions, enfin, quoi quon en pense, ne flchissent jamais jamais dans lglise, nest-ce pas?

Moi, jai entendu parler du thomisme ds que je suis arriv ladolescence, et Dieu sait quon en faisait ce moment-l grand cas, mais alors que jtais tout bb il y avait dj des gens qui parlaient trs trs bien du thomisme, et qui sapercevaient trs bien de ce que cela voulait dire: savoir quil ny a pas de thorie de lamour qui soit fondable, qui soit sense, qui ait une cohrence logique, qui ne se fondt pas, cette thorie de lamour, sur lamour de soi, cest--dire ce quon appelle en gnral lgosme.

Labb Rousselot voudrait bien que ce ne soit pas si triste, mais il est forc de reconnatre quon ne peut dire quelque chose de cohrent sur lamour que sur la base dune extension de lamour de soi: cest--dire quen somme, Saint Thomas, il ntait absolument pas idiot, ceci prs quil tait probablement un peu hypognital. Enfin, Saint Thomas sest tout de mme aperu, pour des raisons trs fondes, sarticulant sur Aristote nest-ce pas, que le velle bonum alicui, cest--dire le vouloir du bien quelquun, a veut dire en somme prendre son affaire en main, cest--dire se le soumettre. Et aprs tout cest quand mme une dimension tout fait tangible des exigences de lamour, que a aboutisse ceci: que a ne peut que converger avec lamour que mrite ltre suprme, puisque cest lui le souverain bien.

On peut, en suivant le fil de sa nature propre, cest--dire en somme voulant dabord soi-mme du bien on ne peut que confluer dans cette bonitude puisque le terme existe en latin dans cette bonitas universelle.

Mais je ne sais pas ce quil vous en semble, vous rappeler les choses que vous pouvez entendre non seulement tous les coins de rue, mais aussi dans tous les coins dglise quoique, pour linstant, enfin, on y mette un peu de sourdine, nest-ce pas, puisque le cur ny est plus.

Il est certain que ce nest plus tellement pour des raisons idologiques quon extermine son prochain. Je ne dis pas que tout a constitue un progrs. Mais je crois que les gens qui se sont entre-tus dans les guerres de (88)religion, aimaient vraiment leur prochain: cest probablement une des formes les plus tangibles de ce quon appelle lamour. Cest pas du tout du sadisme, a na rien faire.

Le sadisme cest un supplment, cest quelque chose tout fait dun autre ordre: a vise le dsir, a na rien faire avec lamour.

Lamour, lui, vise ltre, et il faut bien dire que, comme la trs bien dit, accentu, marqu Freud, lamour est narcissique parce quil ny a pas dautres supports donner au terme de ltre.

Ce quil y a de plus videmment fcheux, dans lexistence de ltre parlant, cest quil est anthropomorphe.

Il est anthropomorphe pour ce qui est de lautre, cest--dire quil suppose que lautre a la mme entropie que la sienne. a le mne loin.

Il y a un glissement, nest-ce pas, il y a un glissement: nous nen sommes plus l.

Lamour, en fin de compte, au point o nous en sommes, lamour cest des petites affaires personnelles, enfin: tout fait spcialement on ne sait vraiment pas pourquoi cest celui-l qui fait plus de bruit, lamour entre homme et femme par exemple mais a fait du bruit parce que cause cause des crits-vains.

Cest tout aussi dramatique entre hommes, ou entre femmes. Enfin, l il sagit de ltre, il ne sagit plus de la jouissance, cest une tout autre affaire, mais il est tout de mme intressant de voir qu la bonne poque de lamour parce que il y a une poque o lon en a fait grand tat les philosophes narrivaient pas en sortir, en tous cas par le motif du souverain bien.

Quand le cher Saint Thomas sempare dAristote, il est foutu, il peut pas prserver lautonomie divine: cest lextension cest lextension de lamour de soi qui motive lhommage au souverain de lunivers.

On sent bien lembarras que a donne quiconque essaye dapprocher larticulation de lamour dans une doctrine substantialiste, nest-ce pas?

Il est certain que ce nest pas supportable, et dailleurs tous ceux qui avaient un petit peu plus de couilles au cul que Saint Thomas, savoir un personnage aussi dmoniaque que Saint Bernard, ou Hugues de Saint Victor il y en avait quand mme qui en avaient, ceux-l parlent dautre chose. Il leur faudrait que (89)lamour soit extatique, cest--dire quil y en ait deux et quon sexplique. Enfin, a cest trs difficile soutenir, cest trs difficile soutenir et cause dune identification insuffisante de ce que cest que lAutre proprement parler eh bien, ils en restent je ne sais quel dialogue drisoire avec la suprmatie divine, dont le fil est tout fait perceptible.

a nous mnerait un peu loin, si je disais ce que jen pense.

Il y a quand mme eu dans la suite un certain nombre de personnes senses, qui se sont aperues que que le comble de lamour de Dieu, a devait tre de lui dire si cest ta volont, damne-moi, cest--dire exactement le contraire de laspiration au souverain bien. a veut tout de mme dire quelque chose: mise en question de lidal du salut, au nom justement de lamour de lAutre. Cest partir de ce moment-l que nous rentrons dans dans le champ de quoi? dans le champ de ce que a devrait tre lamour, si a avait le moindre sens.

Seulement, cest partir de ce moment-l que a devient absolument insens, et cest a lintressant: cest de sapercevoir que quand on est entr dans une impasse, quand on arrive au bout, cest le bout.

Voil, cest le bout et cest justement a qui est intressant parce que cest l quest le rel.

Et a a quand mme une extraordinaire importance, que dans ce champ, et pas seulement dans celui-l, on ne puisse rien dire sans se contredire.

Alors au nom de a, cest trs facile de reconnatre dans ce que je viens de dire, quon ne peut rien dire sans se contredire le principe de contradiction: a veut dire que quand Freud dcouvre linconscient et quil dit linconscient ne connat pas le principe de contradiction Et au nom de a, voil tous les analystes librs de dire la moindre chose de sens sur quoi que ce soit, puisque la suprme ralit cest linconscient et que linconscient arrtez-vous l, trois points disent-ils: [in falsetto] il ne connat rien la logique, pourquoi? Parce que Freud a dit quil ne connaissait pas le principe de contradiction. Mais les logiciens aussi savent que, le principe de contradiction, on sen fout. Ils essayent mme de construire une logique o on nait pas user de principe de contradiction [] sans principe de (90)contradiction il ny a plus moyen de rien dire.

a ne veut pas dire pour autant que linconscient ne relve pas de la logique, sil est tiss par le langage, sil est structur comme un langage.

Ce quon a faire de mieux cest se rompre ce quon appelle enfin, quand on essaye de la construire, une logique. Enfin, comme a, cest trs bien, vous savez, la logique dAristote cest tout fait initiateur, cest mme gnial Bon, ceci dit, enfin, a pouvait tre perfectionn, a pouvait devenir plus srieux, disons.

Il y a quand mme une renaissance de la logique qui a fait ses preuves, il faut bien le dire, et qui est trs intressante, justement pour permettre de cerner dune faon articulable, les contours de limpasse Cest pas trs difficile de sapercevoir de choses qui ont le plus troit rapport avec ce que jappelais, pour linstant, limpasse de lamour dans la thorie des ensembles Enfin, je me suis exerc a, mais je ne suis pas le seul, je me suis aperu quil y a un type pas mal du tout dont jai fait la connaissance Rome, qui a rappliqu je ne sais pas do, de lAmrique du Sud, pour fonctionner Rome, et qui sintresse beaucoup la thorie des ensembles. a lui semble, tout fait, convenir lexplication de Freud. Il ne me doit rien, hein? Cest plutt un type intelligent il sappelle Matte Blanco

Enfin, on sgare un peu en tout a. a veut dire que plutt, enfin, je vous livre, comme a, des aperus du genre conversation familire, de faon arer un peu latmosphre.

Confondre motion et affect, cest tout fait injustifi.

Affect, quest-ce que a veut dire? Cest absolument pas clair. Cest un mot, dailleurs, de construction tardive et de la plus grande prtention.

Il y a un certain nombre de fonctions qui se produisent du fait que lhomme habite le langage et que

[] le dpart, nest-ce pas, de la grande posie, enfin [] ce rapport fondamental qui stablit par le langage et quil faut tout de mme pas mconnatre: cest linsulte.

Linsulte, cest pas lagressivit, linsulte cest tout autre chose, linsulte cest grandiose, cest la base des (91)rapports humains, nest-ce pas comme le disait Homre Vous verrez que chacun prend son statut des insultes quil reoit.

Quest-ce que a veut dire dessayer de camoufler a avec je ne sais quelle peinture, comme a, rostre, appeler a lmotion.

Non, les tres humains vivent dans le langage, et le langage, cest fait pour a.

Alors, avec le temps on llabore, mais ce nest pas une raison pour renier do lon part.

Langoisse, elle est foutue dans la mme parenthse. Cest un tout autre tabac.

Comme les saints sen sont aperus ils ont appel a: crainte sans objet.

Cest pas bte cest pas bte.

a veut dire: sans objet reconnu.

Puisque la notion mme dobjet implique cette dimension de la reconnaissance, cest--dire quelle est essentiellement conventionnelle: nest dobjet que ce qui est objet pour nous tous, qui sommes ensemble ici dans cette salle.

Malheureusement, tous les objets ne sont pas aussi faciles saisir que cette chaise ou ce bord de table o je suis.

Il y en a qui ne sont pas moins des objets partir du moment o on les a reconnus; et cest a que je me suis efforc, en dfinissant cet objet que jai appel lobjet petit a [ride] faute de trouver mieux.

Cest absolument indispensable manier ce que jai appel ce matin la pulsion partielle.

Lobjet petit a, cest quelque chose qui se drobe mais que lanalyse a fini par accrocher, et cest ce rapport tout fait radical qui tourne qui tourne autour du sein s-e-i-n , qui tourne aussi autour de lexcrment, et puis autour aussi de deux autres objets possibles qui sont tout fait capitaux, qui sont nommment ce quon appelle le regard et aussi bien la voix.

Il est clair quils ont ceci de commun: dtre, au moins pour les trois premiers, lis quelque chose qui palpite, un orifice, un bord, et que l il se produit quelque chose qui est un accomplissement de la jouissance de la pulsion partielle. Cest l quon peut arriver en dessiner le contour.

Freud la fait dune faon qui est incroyable, immortelle.

(92)La distinction de la source, de la Quelle, de la pousse, du Drang, du but et de lobjet qui se ne confondent pas, du Ziel et de lObjekt qui sont diffrents, cest l, enfin, quelque chose de tout fait gnial et qui mrite soi tout seul ce quil faut bien appeler par son nom et ce que seule, justement, la logique mathmatique nous permet daborder, savoir une topologie.

savoir quelque chose dont le schma, le support, le contour nest nulle part perceptible, mais seulement constructible et constructible logiquement.

La fonction qui joue ici, ce dont il sagit, savoir lobjet petit a, tait videmment de premire urgence voquer dans ce dont je vous parlais ce matin, parce que cet objet petit a, je lai appel petit a parce que cest linitiale en franais de ce quon appelle lautre: ceci prs, que justement ce nest pas lautre, cest pas lautre sexe, cest lautre du dsir, cest ce qui fait la cause du dsir, cest ce qui fait que les gens, en somme, malgr quil ny ait pas le moindre rapport sexuel chez ltre parlant, les gens continuent se reproduire, si vous me permettez le mot, en quelque sorte par erreur.

Ce qui les fait dsirer, ce qui est la cause de leur dsir, a sest recoup, a sest confirm, a sarticule logiquement: cest cet objet petit a qui les fascine si je puis mexprimer ainsi , enfin, cest cet objet petit a qui leur permet justement ce que Freud oppose lamour narcissique sous la forme de lamour objectal, ceci prs, que ce nest pas du partenaire, de lautre sexu, ce dont il sagit: cest dun fantasme.

Cest videmment trs grave, hein? Cest trs grave, mais on ny peut rien.

Il suffit davoir analys un certain temps un certain nombre de personnes, pour tout de mme prendre lide que la cause du dsir cest toujours un peu ct de ce que a croit viser.

Vous me direz: cest pas grave, si lon continue tout bonnement faire des petits des petits, qui sont des petits a hein? Comme cest comme a quil sont dsirs, cest a quils trouvent.

Et quand un tre humain descend dans ce bas monde, le supposer venir des hautes sphres, l o les mes sont et do elles descendent, quand ils arrivent en bas ils sont dj des petits a, cest--dire quils sont dj lavance conditionns par le dsir de leur parents.

(93)Cest a qui est le grave cest a qui est le grave parce que cest titre de petits a quils entrent dans la ralit ce quon appelle la ralit, la ralit sur laquelle se fonde le principe de ralit, cest--dire ce qui est cens juste titre donner tout lappareil de la matrise, du moi, du moi fort dont jai parl ce matin eh bien, quand ils entrent dans la ralit ils jouent le jeu il jouent le jeu de ce qui fait la ralit anthropomorphe, cest savoir: le fantasme.

Tout ce qui pour chacun de nous constitue la ralit, la ralit dont on ne peut pas ne pas tenir compte, la ralit de la concierge, la ralit du copain, la ralit du voisin, la ralit de du fait que vous tes l mcouter, Dieu sait pourquoi, enfin: tout a cest du fantasme.

Il ny a aucune autre raison aucun de vos actes prsents, passs comme futurs, que du fantasme, hein?

Vous vous croyez obligs de faire des trucs qui ressemblent ce que fait le voisin.

Laccs au rel, ce nest pas commode en raison de a. Heureusement, dans les coins o lon sy attendrait le moins, savoir au niveau o lon dconne si bien, dans la logique, il arrive de temps en temps quon serre les choses dun peu plus prs, dun peu plus srieux et, Dieu merci, il y a l la mathmatique, et alors on arrive sapercevoir de ce que je vous ai dit tout lheure, cest--dire quil y a des impasses.

Limpossible, il nest que l que nous pouvons avoir une petite ide de ce qui serait un rel qui ne serait pas fantasmatique. On ne voit pas autrement o nous pourrions en avoir la moindre ide.

Cest donner une trs grande porte cet appareil, de premier abord si dcevant, quest le langage.

Le langage signifie, et comme chacun sait, a va pas loin.

On peut mme lui donner quelque chose qui aille au-del de la signification, cest--dire essayer de lui donner un sens: et la vrit on na encore jamais rien trouv de mieux que de lui donner le sens de la jouissance.

Mais enfin a tourne, tout a, assez court pour qu se fier son seul pouvoir dcriture, sa puissance formelle lui, le langage, qui nest pas tout fait la mme que celle de la Gestaltheorie, on arrive des paradoxes.

(94)Cest a, cest a do nous pouvons prendre une toute petite ide que a pourrait bien avoir un rapport avec le rel.

En tout cas, cest tenter cest tenter, bien sr, pour les spcialistes.

Jai beaucoup interrog les mathmaticiens sur le sujet de ce do ils prennent leur jouissance.

La jouissance qui se prend dans une formalisation logico-mathmatique, je ne peux pas dire que a ne me dise pas, moi, quelque chose.

Mais cest justement parce que je suis un de ces dangereux spcialistes dont je vous parlais tout lheure: je ne peux pas trs bien dire laquelle.

Mais il y a une chose certaine: cest quil ny absolument pas moyen de soutenir le discours analytique, de le soutenir je veux dire de le justifier, si vous ntes pas un de ces dangereux spcialistes, parce que sans a cest absolument intolrable: cest une position absolument abjecte, je dois le dire lusage de ceux qui sont ici qui sont peut-tre tents de devenir analystes. Ne faites pas a: cest une position abominable, on vous prend pour de la merde, vous savez?

Je parle naturellement de celui dont vous recevez la demande: pour celui-l vous nexistez pas, hein? Tout au plus vous serez la cause de son dsir Quest ce que vous en ferez, hein? Enfin, cest pas des trucs faire, mais pour sen apercevoir avant dtre pris parce quune fois quon y est on y reste, surtout quand on est bien dans un fauteuil cest mieux den savoir un peu davance. Et enfin, pour en sortir, pour garder une petite ombre dexistence, il faut plutt tre de ceux qui sintressent la logique.

Voil. Dailleurs, absolument impossible de faire passer un examen cet gard, parce que la logique elle-mme [] cest maintenant que a se joue on peut esprer, partir du moment o lon a labor la notion dindcidable, comme logique, on peut quand mme esprer y voir peut-tre un peu plus loin.

Comme on ne sait pas lavance par quel biais un analyste, ou celui qui sera install comme tel, saura se rgler sur ces niveaux qui sont rigoureux et certains Bon, il faut bien laisser entrer un peu de monde. Et puis, aprs tout, je ne vois pas pourquoi je men sentirais tellement responsable: parce que sils ne seront pas (95)analystes, ils seront employs ou peut-tre mme, je ne sais pas, guideurs de peuple, ils feront toutes sortes de choses qui ne sont pas pires, mais qui ne sont pas mieux non plus. Simplement, il faut savoir lavance que cest pas une position trs confortable, et surtout tout fait inhabituelle, et que la rduire des choses dj connues, par exemple des fonctions que je viens de nommer, les guides ou les employs, a va pas bien, a tourne pas rond.

cet gard le problme de la formation des analystes est trs important.

Pour faire des analystes, videmment, il faut ne pas prendre nimporte qui, parce que nimporte qui nest pas capable dentrer par la grande porte dans une analyse, simplement parce quil croit en avoir besoin

[Il discorso si interrompe per il cambio del nastro]

Entrer dans lanalyse la vrit cest cause de a, pour que ce mtier ait un peu de srieux, que jai essay simplement de transmettre mon exprience: parce que, nimaginez surtout pas que tout ce que japporte l et pour ces pauvres petits signes algbriques dont je parlais tout lheure que a soit de la thorie.

Pour tous ceux, tout au moins, qui sy mettent, qui coutent, enfin, qui se laissent quand mme l-dessus un petit peu clairer: a sert uniquement la pratique.

Lobjet petit a, bien sr, il nest pas l, ni nulle part, mais cest dj pas mal, en lappelant comme a, de pas croire, de pas pouvoir croire quon va le rencontrer.

Cest pas parce quon ne le rencontre pas quon ne rencontre pas ses effets, et ses effets fantasmatiques.

Ceux qui sont un peu forms couter ce que je raconte a les aide, cest le moins quon puisse dire: a, le petit a, aide a leur sert quelque chose.

Il y a des gens qui il y a un type, comme a je vais vous le raconter parce quil nest pas l, il nest srement pas l, et je ne peux pas le raconter Paris parce quil sy reconnatrait. Il est venu me voir, il ma dit: Bonjour, je viens vous voir je ne vous parle pas de ses antcdents parce que vous le reconnatriez, vous pourriez la rigueur un dentre vous pourrait le reconnatre bon, il me dit, oui: Je viens vous voir parce que, dabord, je vais vous dire ce que je pense: vous navez pas fait la thorie. Je lui ai dit: Jai jamais cru a [ride] jai jamais cru une chose pareille.

Enfin, jai pas comment, parce que, quand mme, il (96)faut laisser les gens parler, quand ils viennent demander quelque chose.

Javais pas fait la thorie

Cest ce que je suis en train de vous expliquer, justement, cest que je ne fais pas de la thorie, que je nai pas une nouvelle conception de lhomme, quoi que ce soit de ce que je suis en train de vous articuler ce qui fonctionne dans un discours qui ne ressemble aucun de ceux qui lui sont contemporains, savoir ce que jappelle le discours du matre, ou le discours universitaire, ou le discours de lhystrique. Bon, alors il ma dit aprs: Deuxime chose parce que a lui a coup, naturellement, la chique que je lui dise que je nai jamais pens faire la thorie.

Il ma dit: Je voudrais savoir ce que vous pensez de ceci: cest que si je me fais analyser par vous mais alors vous laurez parce quil ne se doutait pas un seul instant, ce cher homme, que ce quil me dirait, cest avec a que je la ferais. Parce que ctait, enfin, manifestement quelquun qui, lui, croyait avoir des vues thoriques. Il avait dj assez approch lanalyse pour avoir lui sa petite contemplation du discours analytique.

Bon.

L-dessus il na pas pouss plus loin, enfin, ce quil avanait.

Je lui ai dit simplement que, en effet, je lattendais l nous tions au pied du mur, mais enfin, quil fasse comme il lentendait, sil croyait que je lui droberais la thorie analytique

Enfin cest a quon a faire dans tout un certain champ.

Jai eu pendant des temps des gens qui mcoutaient le matin, comme a, quand je faisais mon sminaire, et puis qui se trouvaient en analyse avec moi, et le soir ils cumaient l sur mon divan parce quils disaient que je leur avais coup lherbe sous les pieds.

Cest savoir, quil est clair que si ce ntait pas lev tout fleuri de ma bouche, a naurait pu fleurir que dans la leur.

Cest un niveau trs intressant, a, de la demande, et de la demande de formation analytique, et dont la dimension, je crois, doit tout fait chapper ceux qui sont dans le discours universitaire.

Je veux dire que le discours universitaire est install de faon telle [] lide de lespce de passe qui fait (97)qu se confier quelquun on lui donne des lumires qui soient en quelque sorte inondantes, dfinitives Cest bte incontestablement, mais justement les dimensions de la btise sont infinies, et elles ne sont pas assez interroges.

Je crois quen fin de compte, cest a la grande originalit enfin, pour tre vraiment bien fonctionner comme analyste il faudrait la limite arriver se faire plus bte que de nature soi-mme.

Moi je ne peux pas my efforcer, vous comprenez, parce que comme a, cest pas mon fort Mais cest en a quil y a de lespoir une ressource: le salut si je puis dire en tant que ce mot soit quelque chose qui ait pour moi un sens bien consistant peut nous venir peut-tre du fond mme de la btise qui sait, hein?

Cest de l peut-tre quun nouveau soleil pourrait se lever sur notre monde, qui est un tout petit peu, comme a, trop emptr par une exploitation, il faut bien le dire, du dsir.

Je dois dire que a fonctionne.

Vous voyez: je continue, je me laisse entraner.

Il faut que je marrte.

Lexploitation du dsir, cest la grande invention du discours capitaliste, parce quil faut lappeler quand mme par son nom.

a, je dois dire, cest un truc vachement russi.

Quon soit arriv industrialiser le dsir, enfin on ne pouvait rien faire de mieux pour que les gens se tiennent un peu tranquilles, hein? et dailleurs on a obtenu le rsultat.

Cest beaucoup plus fort quon ne le croit: heureusement il y a la btise, hein?, qui va peut-tre tout foutre en lair ce qui ne sera pas plus mal parce quon ne voit pas o tout a conduirait autrement.

Bon. Enfin, en voil assez sur langoisse et sur la jouissance.

Jai quelque autre chose encore

Quelle heure est-il?

Six heures et demie

Je nai rpondu bien sr qu une question, mais tant pis, lautre sera pour demain, parce que moi, jai maintenant envie daller faire un petit tour chez mon libraire milanais

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