2
40 pratique conseil Actualités pharmaceutiques n° 518 Septembre 2012 L’acné est une maladie de peau très fréquente chez les adolescents. Malgré son absence de gravité, cette pathologie peut avoir des conséquences psychologiques importantes. Associée à une surproduction de sébum, l’acné nécessite des mesures d’hygiène et des traitements locaux souvent longs et parfois contraignants. Elle disparaît dans la majorité des cas à l’âge adulte. L’ acné est une dermatose inflam- matoire des follicules sébacés. C’est une maladie extrêmement fréquente puisqu’elle affecte 90 % des ado- lescents. Seulement 20 à 30 % de ces cas nécessitent le recours à un avis médical tandis que pour 1 % des personnes tou- chées (3 à 4 % chez les hommes et 0,4 % chez les femmes), la prise en charge s’avère compliquée. L’acné débute généralement aux approches de la puberté. Les lésions folliculaires, carac- téristiques, sont précédées de la survenue d’une séborrhée. L’acné devient manifeste à 12 ans en moyenne chez les filles et 13 ans en moyenne chez les garçons. L’évolution est spontanément régressive dans la majorité des cas : le problème est généralement résolu avant l’âge de 20 ans chez les hommes alors que la maladie peut se prolonger chez les femmes. Ceci peut s’expliquer par la prise de contraceptifs estroprogestatifs ou l’usage de produits cosmétiques gras qui pourrait contri- buer à pérenniser les lésions. Plusieurs types de lésions pour une même maladie L’acné est une maladie du follicule pilo- sébacé dont la physiopathologie implique trois étapes : – une hypersécrétion sébacée ; – la formation de lésions rétentionnelles secon- daire à l’obstruction du canal folliculaire ; – la formation de lésions inflammatoires dans lesquelles Propionibacterium acnes prolifère et joue un rôle important. Le visage est la zone la plus constamment atteinte, le dos, le cou et la partie anté- rieure du thorax pouvant également être concernés. La séborhée est la condition préalable au développement des lésions acnéiques. La peau a un toucher gras, surtout sur le nez, le front, les joues et la région thoraci- que supérieure. La séborrhée affecte aussi le cuir chevelu et, plus rarement, les conca- vités des pavillons auriculaires. Associées à cette séborhée, différentes lésions cuta- nées élémentaires peuvent être décrites. Les comédons sont les “points noirs” ou petits bouchons cornés de 1 à 3 mm situés dans les orifices des follicules sébacés. Ils siègent dans les zones les plus sébor- rhéiques, y compris dans les conques auriculaires. Ils sont faciles à expulser par la pression des doigts ou d’un tire-comé- don et ne sont que rarement le siège de phénomènes inflammatoires. Les microkystes sont de petites élevu- res blanches (“points blancs”) de 2-3 mm, siégeant préférentiellement sur les joues et le menton. Ils correspondent à l’accumu- lation de sébum et de kératine mélangés à des colonies bactériennes. Ils peuvent s’ouvrir et évoluer comme des comédons ou être le siège d’une rupture de leur paroi dans le derme et de phénomènes inflam- matoires aboutissant à la constitution des papules et pustules. Les papules sont des lésions inflam- matoires, d’un diamètre inférieur à 5 mm, généralement issues d’un microkyste, se pré- sentant comme des élevures rouges, fermes, quelquefois douloureuses, évoluant vers la résorption ou la formation de pustules. Les pustules sont généralement des papulo-pustules à la partie apicale desquelles apparaît un contenu purulent de couleur jaunâtre. Les nodules sont des lésions inflammatoires de diamètre supérieur à 5 mm, profondes, évoluant souvent vers la formation d’abcès, la rupture et la formation de cicatrices. Sémiologie de l’acné Les lésions élémentaires de l’acné peu- vent être de deux sortes : – rétentionnelles, correspondant à des fol- licules pilo-sébacés distendus, caractéri- sées par la présence de comédons et/ou de microkystes ; L’acné , conseils et prise en charge officinale © Fotolia.com/JPC-Prod

L’acné, conseils et prise en charge officinale

  • Upload
    nicolas

  • View
    215

  • Download
    3

Embed Size (px)

Citation preview

40pratique

conseil

Actualités pharmaceutiques n° 518 Septembre 2012

L’acné est une maladie de peau

très fréquente chez les

adolescents. Malgré son absence

de gravité, cette pathologie

peut avoir des conséquences

psychologiques importantes.

Associée à une surproduction

de sébum, l’acné nécessite

des mesures d’hygiène et des

traitements locaux souvent longs

et parfois contraignants.

Elle disparaît dans la majorité

des cas à l’âge adulte.

L’acné est une dermatose inflam-matoire des follicules sébacés. C’est une maladie extrêmement

fréquente puisqu’elle affecte 90 % des ado-lescents. Seulement 20 à 30 % de ces cas nécessitent le recours à un avis médical tandis que pour 1 % des personnes tou-chées (3 à 4 % chez les hommes et 0,4 % chez les femmes), la prise en charge s’avère compliquée. L’acné débute généralement aux approches de la puberté. Les lésions folliculaires, carac-téristiques, sont précédées de la survenue d’une séborrhée. L’acné devient manifeste à 12 ans en moyenne chez les filles et 13 ans en moyenne chez les garçons. L’évolution est spontanément régressive dans la majorité des cas : le problème est généralement résolu avant l’âge de 20 ans chez les hommes alors que la maladie peut se prolonger chez les femmes. Ceci peut s’expliquer par la prise de contraceptifs estroprogestatifs ou l’usage de produits cosmétiques gras qui pourrait contri-buer à pérenniser les lésions.

Plusieurs types de lésions pour une même maladieL’acné est une maladie du follicule pilo-sébacé dont la physiopathologie implique trois étapes :– une hypersécrétion sébacée ;– la formation de lésions rétentionnelles secon-daire à l’obstruction du canal folliculaire ;

– la formation de lésions inflammatoires dans lesquelles Propionibacterium acnes prolifère et joue un rôle important.Le visage est la zone la plus constamment atteinte, le dos, le cou et la partie anté-rieure du thorax pouvant également être concernés.La séborhée est la condition préalable au développement des lésions acnéiques. La peau a un toucher gras, surtout sur le nez, le front, les joues et la région thoraci-que supérieure. La séborrhée affecte aussi le cuir chevelu et, plus rarement, les conca-vités des pavillons auriculaires. Associées à cette séborhée, différentes lésions cuta-nées élémentaires peuvent être décrites. Les comédons sont les “points noirs” ou

petits bouchons cornés de 1 à 3 mm situés dans les orifices des follicules sébacés. Ils siègent dans les zones les plus sébor-rhéiques, y compris dans les conques auriculaires. Ils sont faciles à expulser par la pression des doigts ou d’un tire-comé-don et ne sont que rarement le siège de phénomènes inflammatoires. Les microkystes sont de petites élevu-

res blanches (“points blancs”) de 2-3 mm, siégeant préférentiellement sur les joues et le menton. Ils correspondent à l’accumu-

lation de sébum et de kératine mélangés à des colonies bactériennes. Ils peuvent s’ouvrir et évoluer comme des comédons ou être le siège d’une rupture de leur paroi dans le derme et de phénomènes inflam-matoires aboutissant à la constitution des papules et pustules. Les papules sont des lésions inflam-

matoires, d’un diamètre inférieur à 5 mm, généralement issues d’un microkyste, se pré-sentant comme des élevures rouges, fermes, quelquefois douloureuses, évoluant vers la résorption ou la formation de pustules. Les pustules sont généralement

des papulo-pustules à la partie apicale desquelles apparaît un contenu purulent de couleur jaunâtre. Les nodules sont des lésions inflammatoires

de diamètre supérieur à 5 mm, profondes, évoluant souvent vers la formation d’abcès, la rupture et la formation de cicatrices.

Sémiologie de l’acnéLes lésions élémentaires de l’acné peu-vent être de deux sortes :– rétentionnelles, correspondant à des fol-licules pilo-sébacés distendus, caractéri-sées par la présence de comédons et/ou de microkystes ;

L’acné, conseils et prise en charge officinale

© F

otol

ia.c

om/J

PC

-Pro

d

41 pratique

conseil

Actualités pharmaceutiques n° 518 Septembre 2012

– inflammatoires, superficielles (papules et pustules) et profondes (nodules).Ces lésions peuvent laisser des cicatri-ces atrophiques définitives, des cicatrices hypertrophiques ou encore des macules érythémateuses, le plus souvent transitoi-res et/ou pigmentées.

Traitement de l’acnéLe traitement de l’acné fait d’abord appel à une hygiène parfaite, mais aussi à des mesures complémentaires qui peuvent être conseillées au comptoir, au même titre que certaines plantes et souches homéopathiques. La prise en charge de l’acné passe par

le respect strict de règles d’hygiène de la peau. De plus, il doit être formellement déconseillé de presser ou de gratter les boutons au risque de voir se développer des cicatrices irréversibles, parfois ines-thétiques, ou de provoquer des poussées inflammatoires.La toilette quotidienne ou biquotidienne doit être réalisée au moyen de gels ou de pains dermatologiques sans savon : Mousse lavante douce® (La Roche Posay), Exfoliac NC anti-acnéique® (Merck), Boréade crème lavante anti-acnéique® (Noviderm), Diacneal émulsion® (Avène), Bactopur gel nettoyant® (Lutsine), Skinset lactomousse dermonettoyante 2 en 1® (Vichy), Purif AC® gel nettoyant (Roc). Par ailleurs, une crème adaptée à la peau acnéique (Diacnéal®, Clean Ac®, Hyséac® peau à tendance acnéique, Keracnyl PP®) peut être appliquée après la toilette sur une peau bien sèche.

Il peut être conseillé d’effectuer, deux à trois fois par semaine, des soins gom-mants et désincrustants doux qui per-mettent de réaliser un peeling superficiel affinant la couche cornée : Exfoliac désin-crustant®, Hyseac masque gommant®, Bactopur exfoliant®, Normaderm®.L’utilisation de maquillage est possible si celui-ci est adapté à la peau acnéique, tout comme l’application sur les imperfections d’un soin teinté spécifique : Hydrafnia®, Lutsine teintée®, Exfoliac teintée®, Bioderma fluide matifiant teinté®. En revan-che, les produits alcoolisés ou antisepti-ques sont déconseillés car inefficaces et parfois irritants et/ou sensibilisants. Chez les hommes, le rasage doit être limité aux occasions où cela est indispensable. Avant, un lavage est nécessaire pour assouplir la peau et ensuite, l’application d’un baume après-rasage sans alcool peut être utile.Bien que de nombreuses personnes imagi-nent que l’exposition solaire améliore l’acné, il n’en demeure pas moins que si les lésions semblent s’atténuer dans un premier temps, le soleil peut déclencher une poussée, visi-ble plusieurs semaines après. Il convient donc de conseiller une protection solaire efficace à l’aide de crèmes hydratantes adaptées aux peaux mixtes (Cleanance® Avène à base de Cucurbita pepo et gluco-nate de zinc).Si la plupart des traitements utilisés dans la prise en charge de l’acné sont délivrés sur prescription médicale (encadré 1), certaines spécialités (Brevoxyl®, Curaspot®, Pannogel 5 %®) à base de peroxyde de benzoyle (faiblement dosées) peuvent être

proposées sans ordonnance. Le peroxyde de benzoyle agit en réduisant la production de sébum et en inhibant la mutliplication de Propionobacterium acnes. En cas d’utilisa-tion par voie locale, l’exposition au soleil est déconseillée en raison d’un risque de photosensibilisation.

Des mesures complémentaires peuvent être recommandées. Le zinc (Effizinc®, Rubozinc®, Granions de Zinc®) posséderait une action anti-inflammatoire sur les follicules pileux. Il aurait ainsi un intérêt dans les formes mineures à modé-rées de l’acné. Il est à noter que la prise de zinc doit se faire à distance d’autres médicaments (cyclines, quinolones, anti-acides) et qu’une surconsommation de zinc (plus de 40 mg par jour) peut exposer à des effets indésirables.Souvent considérés comme bénéfiques dans la prise en charge de l’acné, les compléments alimentaires à base de levure de bière, de vitamine B5 et les pro-biotiques sont parfois conseillés malgré l’absence d’études scientifiques rigoureu-ses démontrant leur efficacité. La prise en charge homéopatique de

l’acné, en particulier juvénile, peut s’envi-sager. Ainsi, le pharmacien peut conseiller Selenium metallicum 9 CH en cas de microkystes ou de points noirs, Eugenia jambosa 5 CH si les microkystes sont infectés et douloureux, Kalium bromatum 7 CH s’ils sont localisés sur la face, la poi-trine et les épaules, Sulfur iodatum 15 CH pour calmer l’inflammation.L’apparition de cicatrices limitées, de petite taille, de couleur violette (Antimonium tartaricum 9 CH) ou ché-loïdes, boursouflées et disgracieuses (Graphites 15 CH) peut également être prise en charge.Afin d’améliorer les fonctions d’élimination de la peau et de réguler les états sébor-rhéiques, la bardane (Elusane Bardane®) et la pensée sauvage (Elusane Pensée sauvage®) sont conseillées. �

Nicolas Clere

Pharmacien, Angers (49)

[email protected]

Déclaration d’intérêts : l’auteur déclare ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.

Encadré 1. Focus sur le traitement médical de l’acné La prise en charge de l’acné repose le plus souvent, en l’absence d’évolution malgré les dispositions

habituelles, sur une prescription médicale. Les principaux médicaments prescrits sont :

– le peroxyde de benzoyle à 10 % sous la forme de crème, lotion ou gel ;

– les antibiotiques locaux à base de clindamycine ou d’érythromycine ;

– les antibiotiques oraux (tétracyclines), pendant quelques mois, dans les cas où l’acné résiste

aux traitements antibiotiques locaux, de nombreux effets indésirables (photosensibilisation notamment)

limitant toutefois leur utilisation ;

– la trétinoïne et l’isotrétinoïne, dérivés de vitamine A, qui exigent une surveillance médicale accrue en raison

de nombreux effets indésirables tels que sécheresse oculaire et cutanée, photosensibilisation, douleurs

musculaires, hypercholestérolémie et hypertriglycéridémie. De plus, en raison d’un risque majeur de malformations

congénitales chez le fœtus, toute femme sous traitement devra utiliser deux méthodes de contraception fiables.