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La Croix d’Einstein Gautier DEPAMBOUR, Chérazade GHALIFA et Galatée HÉMERY 1

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La Croix d’Einstein

Gautier DEPAMBOUR, Chérazade GHALIFA et Galatée HÉMERY

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IntroductionNous sommes trois élèves du lycée Louis-le-Grand, en Première et en Terminale S, et passion-

nés par la physique. En nous donnant la possibilité de participer aux Olympiades de Physique,c’est l’occasion rêvée de mener un projet à la manière des chercheurs. Nous n’avons donc pashésité à nous lancer dans l’aventure. Depuis la classe de Seconde, nous sommes intéressés parl’astrophysique en particulier : nous étions donc d’accord pour faire un projet dans ce domaine.Nos recherches furent longues. Après avoir contacté un grand nombre de chercheurs de l’IAP(Institut d’Astrophysique de Paris) pour savoir si nos idées pourraient prendre forme, nous avonsdécidé d’étudier un phénomène de lentille gravitationnelle particulier, appelé la Croix d’Einstein.Chance inouïe : un quasar, une galaxie et notre Terre sont presque parfaitement alignés ! Autantdire tout de suite que, très intrigués, nous nous sommes penchés sur ce phénomène, en élaborantle plan d’étude suivant : d’abord introduire les notions concernées, en mettant l’accent sur ladéviation des rayons par un corps massif (décrite par la relativité générale), ensuite calculerà partir de spectres les vitesses de la galaxie et du quasar, puis les distances respectives quiles séparent de la Terre, pour ensuite calculer l’angle de déviation des rayons lumineux issus duquasar passant près de la galaxie. Nous montrerons alors que cet angle est trop petit pour que lesrayons puissent atteindre la Terre. Ainsi nous en tirerons des conséquences de taille, expliquéesdans le dossier. Pour mieux comprendre les phénomènes en jeu, nous avons mis en place desexpériences, qui en rendent compte, pour en fait aboutir à un résultat très semblable à la Croixd’Einstein.

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Table des matièresIntroduction 2

1 Approche préliminaire 41.1 Les trous noirs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4

1.1.1 Qu’est-ce qu’un trou noir ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 41.1.2 Brève description . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4

1.2 Galaxies et matière noire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 51.2.1 Les Galaxies . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 51.2.2 La matière noire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6

2 Les mirages gravitationnels 72.1 Quelques notions relativistes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 72.2 Déviation des rayons lumineux par une lentille gravitationnelle . . . . . . . . . . 8

3 La Croix D’Einstein : Conséquences d’un alignement quasi-parfait 103.1 Principe de la spectroscopie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10

3.1.1 Spectre électromagnétique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 103.1.2 Spectres de raies et spectres continus . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 103.1.3 Spectre d’un atome, l’hydrogène . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10

3.2 Effet Doppler-Fizeau : calcul de vitesse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 123.2.1 L’effet Doppler-Fizeau . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 123.2.2 Le spectre du quasar : vitesse et Redshift . . . . . . . . . . . . . . . . . . 133.2.3 Le spectre de la galaxie : vitesse et Redshift . . . . . . . . . . . . . . . . . 14

3.3 La loi de Hubble : calcul de distances . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 173.3.1 La loi de Hubble . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 173.3.2 Distance Terre – quasar . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 173.3.3 Distance Terre – galaxie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18

3.4 Calcul de l’angle de déviation d’un rayon lumineux provenant du quasar . . . . . 193.4.1 Angle de déviation attendu . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 193.4.2 Calcul de l’angle de déviation en fonction de la masse de la galaxie . . . . 203.4.3 Interprétations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21

4 Modélisation de la Croix d’Einstein 224.1 Montage de départ . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22

4.1.1 Matériel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 224.1.2 Montage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22

4.2 L’anneau d’Einstein . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 234.2.1 Montage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 234.2.2 Analogie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23

4.3 Phénomène d’amplification . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 244.3.1 Montage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 244.3.2 Analogie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24

4.4 La Croix d’Einstein . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 254.4.1 Montage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 254.4.2 Analogie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25

Conclusion 26

Remerciements 27

Bibliographie 28

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1 Approche préliminaire

1.1 Les trous noirs

1.1.1 Qu’est-ce qu’un trou noir ?

Les trous noirs sont des objets dont l’existence est déduite de la théorie moderne de lagravitation, la relativité générale, et qui fournissent une explication convaincante à un ensemblede phénomènes astrophysiques. Ce sont des régions de l’espace où règne un champ gravitationnelsi fort que rien ne peut s’en échapper ; ni un objet matériel, ni même un rayon lumineux. Legéologue anglais John Michell et le mathématicien français Pierre Simon du XVIIIème siècleaffirmaient ainsi que : « Rien n’interdit de penser qu’il existe dans l’Univers des étoiles tellementmassives que la vitesse de libération à leur surface soit supérieure à la vitesse de la lumière. »Aujourd’hui nous sommes pratiquement certains de l’existence des trous noirs, bien que noussoyons toujours en peine de les décrire avec toutes les lois qui régissent la physique. L’expression« trou noir » est due à l’américain John Wheeler en 1968.

1.1.2 Brève description

On représente l’espace-temps par un cadrillage, dont les lignes sont appelés géodésiques.Lorsqu’on place un objet (de la matière) dans celui-ci, le quadrilage se courbe, comme une toiled’araigné quand on y pose un objet. Plus la matière est dense, plus l’espace-temps est courbéet plus les trajectoires des particules sont courbées elles aussi. Imaginons que l’on puisse com-primer progressivement une étoile : la masse de l’étoile reste constante, mais comme son volumediminue, sa densité augmente. Passée une certaine densité, la courbure de l’espace-temps esttelle que les photons émis par la surface suivent des trajectoires qui les ramènent à la surface. Iln’est donc plus possible pour la lumière de s’échapper de cette région de l’espace : un trou noirapparaît !

La relativité générale impose qu’une fois le seuil critique franchi, la gravitation est si forteque rien ne peut plus l’empêcher de causer l’effondrement complet de l’étoile sur elle-même.Toute la matière se trouve ainsi comprimée en une zone ponctuelle de densité infinie, nomméesingularité. Cette idée nous montre que la physique actuelle rencontre ses limites.

Le seuil critique de formation d’un trou noir est généralement exprimé sous la forme du rayonde Schwarzschild, physicien allemand qui utilisa la relativité générale pour étudier la structurede l’espace-temps au voisinage d’une étoile. Ce rayon ne dépend que de la masse de l’objet con-sidéré et vaut 3 km dans le cas du Soleil (16 mm dans le cas de la Terre !). Ainsi, on pourrait enprincipe transformer le soleil en trou noir à condition de le comprimer dans une sphère de moinsde 3 km de rayon. Mais pas de panique : le destin du Soleil n’est pas de devenir un trou noir. . .

Comme il n’y a pas de moyen de sortir du trou noir, il existe de fait une frontière entrel’intérieur et l’extérieur du trou. Cette frontière, appelée horizon des événements est une sphèrefictive de rayon égal au rayon de Schwarzschild. Elle délimite une zone de l’univers avec laquelletoute communication est impossible, c’est-à-dire qu’on ne peut ni recevoir de message en prove-nance de cette zone, ni voir ce qui s’y passe.

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Ci-dessous, une image extraite de la modélisation d’un voyage au cœur d’un trou noir parAlain Riazuelo, astrophysicien à l’IAP. Cette image est très intéressante car y figure le phénomènede lentille gravitationnelle que nous allons traiter. Dans le cas de la Croix d’Einstein, c’est unegalaxie qui dévie les rayons lumineux : mais il ne faut pas oublier qu’il y a au centre de cettegalaxie un trou noir, comme d’ailleurs dans un grand nombre d’autres galaxies. L’exemple iciest celui du trou noir situé au centre de notre galaxie : on peut observer la Voie Lactée, dont lesrayons des étoiles nous parviennent directement, mais aussi près du trou noir une autre imagede la galaxie, dite image « fantôme » car les rayons des étoiles ont été déviés par le trou noiravant de nous atteindre.

1.2 Galaxies et matière noire

Nous pensons aujourd’hui que 85% de la matière dans l’univers serait d’une nature différentede celle que nous connaissons. Cette matière ne rayonne pas : elle est noire.

1.2.1 Les Galaxies

Les étoiles se rassemblent par milliards en immenses essaims, les galaxies, dont il existe deuxgrands types, les galaxies elliptiques et les galaxies spirales. Les indices en faveur de l’existencede la matière noire sont plus nets pour les galaxies spirales.

Une galaxie spirale comme la Voie lactée se présente comme un disque très fin de quelquescentaines d’années-lumière d’épaisseur pour plusieurs dizaines de milliers d’années-lumière dediamètre. On remarque que les étoiles se rassemblent au centre (à proximité du trou noir !) etque leur densité diminue très vite, exponentiellement, vers la périphérie. En effet, une galaxien’est pas un objet parfaitement « lisse », il existe des régions un peu plus vides ou un peuplus denses, comme les bras spiraux, et ces irrégularités se traduisent par des variations de lu-minosité. La radioastronomie nous a amené à découvrir l’existence entre les étoiles de vastesnuages d’hydrogène, qui peuvent se fragmenter, se condenser pour alors former de nouvellesétoiles. La quantité de matière formée environne celle qui est sous forme d’étoiles. La vitessedes nuages comme celle des étoiles peut être mesurée grâce à l’effet Doppler, et les observationsconfirment que le disque des galaxies spirales tourne sur lui-même à une vitesse de l’ordre de 100à 300 km/s, d’autant plus élevée que la galaxie est grande et lumineuse. Chaque étoile, commechaque nuage de gaz est ainsi en équilibre entre la force centrifuge et l’attraction gravitationnellede toute la matière située à l’intérieur de son orbite. Comme la densité des étoiles et du gazdiminue rapidement du centre à la périphérie d’une galaxie, il est facile de prévoir que la vitessede rotation doit augmenter presque linéairement dans la partie centrale très lumineuse, avantde diminuer ensuite. Cette diminution est képlérienne : elle correspond à la vitesse des planètesautour du Soleil selon la troisième loi de Kepler.

Quant aux nuages de gaz, il s’agit essentiellement d’hydrogène monoatomique. Cet hydrogèneatomique émet un rayonnement radio et l’intensité de son émission est proportionnelle à sa den-sité, qui est donc directement mesurable. Une petite fraction de cet hydrogène est chauffée àproximité des étoiles, ionisée (les atomes perdent leur électron) et émet un rayonnement lu-mineux. Ces « régions H II », comme disent les astronomes, ne passent donc pas inaperçues.Il existe donc une autre forme de matière qui accélère les étoiles. Le problème est que, quanti-tativement, il ne s’agit pas d’une composante mineure, mais bien de la composante dominante

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des galaxies : la masse totale de cette matière invisible (qui n’est pas de l’hydrogène ionisé) estcinq à dix fois plus grande que celle des étoiles ! Si on sait cela, c’est parce que cette matièreest trahie par l’effet gravitationnel qu’elle produit. En effet, il existe un désaccord flagrant entrela distribution de la matière visible et la distribution de la matière invisible, dite matière noire(nous y reviendrons), responsable des vitesses de rotation des galaxies. Autrement dit, la matièreinvisible modifie le mouvement de la matière visible, que nous détectons par des moyens baséssur la lumière.

Les galaxies spirales ne sont pas les seules galaxies, de nombreuses autres ont une formeelliptique, en particulier dans les amas de galaxies. Ces dernières sont les plus pauvres en gazet leur trajectoire est plus complexe que celle des étoiles (quasi circulaire) dans le disque desspirales. Pourtant les vitesses de ces étoiles sont nettement plus élevées que le justifierait ladistribution de luminosité (qui diminue du centre vers la périphérie) et ceci implique ici encorequ’une fraction dominante de la masse des galaxies elliptiques est due à la matière noire.

1.2.2 La matière noire

Comme nous l’avons vu, la matière noire est omniprésente au sein des galaxies. La questionest de savoir de quoi elle est faite, question qui reste ouverte à l’heure actuelle.

La première hypothèse, que nous avons déjà laissé entendre, est de dire que matière noire etmatière lumineuse ne sont peut-être pas de nature totalement différente. L’astronome FrançoiseCombes suggère que la matière noire des galaxies est de la matière noire sous une forme peuvisible. Supposons qu’il existe beaucoup d’hydrogène dans les galaxies mais qu’il ne soit ni sousforme atomique, ni sous forme ionisée mais sous forme de molécules H2. Dans l’espace interstel-laire, il est un des principaux constituants des « nuages moléculaires » dans lesquels naissent lesétoiles, mais cet hydrogène moléculaire est très difficile à détecter car il n’émet presque aucunrayonnement. On imagine donc l’existence dans les galaxies d’un immense halo d’hydrogènemoléculaire se transformant progressivement vers le centre, là où la densité este le plus forte,en hydrogène atomique et en étoiles. Comme la formation d’étoiles se fait au détriment de l’hy-drogène, on s’attend à ce que les galaxies les plus lumineuses les plus riches en étoiles, soientles plus pauvres en hydrogène. Et si la matière noire est de l’hydrogène moléculaire, les galaxiesles plus lumineuses doivent être aussi celles qui ont le moins de matière noire. L’observationdes mouvements des étoiles et des nuages de gaz indiquent que la partie lumineuse des galaxiesn’est que le sommet d’un iceberg et que l’essentiel de la matière noire se trouve dans un halo dematière noire beaucoup plus diffus mais aussi plus vaste. Les mouvements des rares étoiles quise trouvent en dehors du disque galactique, ainsi que ceux des amas globulaires et des galaxiessatellites indiquent que ce halo a l’allure d’une sphère quelque peu aplatie englobant le disquegalactique et s’étendant même au-delà sur plusieurs années-lumière. Cette dimension est com-parable aux distances entre galaxies, ce qui signifie que les halos de matière noire des galaxiesse rejoignent et fusionnent.

Bien que ce soit certainement l’hypothèse la plus courante et la plus naturelle, il en existed’autres. On a successivement envisagé les poussières interstellaires, les trous noirs, les astéroïdes,les planètes errantes, les étoiles noires, brunes, rouges, ou blanches. Les nuages d’hydrogènemoléculaire restent une possibilité pour les galaxies, mais ce ne doit être qu’une partie infimede cette matière. Les physiciens postulent donc l’existence de nouvelles particules, mais cela nepermettra pas de résoudre le problème de la constitution de la matière noire si nous ne sommespas capables de détecter ces particules. Si la matière noire est constituée de particules inconnues,elles doivent être présentes depuis le big-bang sans s’être désintégrées, elles n’émettent aucunelumière, n’interagissent pas avec la matière (ou trop faiblement), et doivent être lourdes (pourêtre froides lors de la condensation des galaxies).

Une chose est sûre, c’est que la découverte d’une particule de matière noire serait un événe-ment considérable dans l’histoire de la physique, et en particulier la physique du XXIème siècle.

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2 Les mirages gravitationnels

2.1 Quelques notions relativistes

x

y

0 −→i

−→j

P

θ

Pour expliquer les mirages gravitationnels, nous avons besoin de quelques notions issues dela relativité générale. Nous allons retrouver, ici, l’équation différentielle régissant la fonctionu(θ) = 1

r(θ) lorsque P, un objet ponctuel de masse m (éventuellement nulle), est soumis auchamp gravitationnel d’un objet massif de masse M placé au centre attracteur O. On utiliseles coordonnées polaires de l’objet. Rappelons que la trajectoire reste dans le plan, car il s’agitd’une force centrale qui s’exerce sur l’objet. P a pour coordonnées dans le repère polaire (−→er ,−→eθ )a pour coordonnées (r,θ).

La vitesse de P s’exprime ainsi :

−→vP = dr

dt−→er + r

dt−→eθ

L’accélération de P s’exprime sous la forme :

−→aP = [d2r

dt2− r(dθ

dt)2]−→er + (rdr

dt

dt+ r

d2θ

dt2)−→eθ

Selon la relativité générale, la force centrale est la résultante de deux forces : la forcede gravitation newtonienne −→FN et une force correctrice, dite perturbatrice, dont on admettral’existence et la formule : −→FR :

−→FN = −G

Mm

r2−→er

−→FR = −3G

Mσ20

c2mr4−→er

où σ0 est le moment cinétique de la particule (constant).En utilisant l’expression de l’accélération, avec u = 1

r , on obtient, grâce au principe fonda-mental de la dynamique :

−m(σ0m

)2u2(d2u

dθ2 + u) = −GMmu2 − 3GMc2

σ20mu4

soit :d2u

dθ2 + u = GM(mσ0

)2 + 3GM u2

c2

où G est la constante de gravitation universelle et c la vitesse de la lumière dans le vide.

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2.2 Déviation des rayons lumineux par une lentille gravitationnelle

Les rayons lumineux, comme les objets massiques, voient leur trajectoire (a priori rectiligne)modifiée par le passage à proximité d’un corps massif, de masse M . Dans le cas des photons(particules quantiques associées à l’onde lumineuse), pour comprendre la déviation des rayonslumineux, on peut assimiler les photons à des corps massifs, sujets à la force d’attraction grav-itationelle et à un terme correctif, ainsi l’équation différentielle vue précédemment est vérifiée.Dans le cas d’un photon, pour simplifier les calculs, on considère que sa masse est nulle et queson moment cinétique ne l’est pas, on a alors :

d2u

dθ2 + u = 3GM u2

c2

À titre d’exemple simple, on peut vérifier qu’en l’absence de corps massif (M = 0), la tra-jectoire du photon est rectiligne :d2u

dθ2 + u = 0 est une l’équation linéaire homogène du second ordre qui admet comme solutiongénérale les fonctions de la forme u = Acos(θ) +Bsin(θ).

Si pour θ = 0 on pose r = Rm, soit A =1Rm

, et u(π

2) = 0 soit B=0, alors l’équation polaire de

la trajectoire est r(θ) =Rm

cos(θ) ce qui correspond bien à l’équation polaire d’une droite.

On va maintenant résoudre de manière approchée l’équation différentielle dans le cas général,pour justifier la déviation des rayons lumineux. On pose une variable réduite Z = Rmu où Rmest la distance minimale d’approche du photon et du corps massique (on considère souvent que

c’est le rayon, ou ce qui s’y apparente, du corps) et K = 3GM

c2Rmtel que K << 1 L’équation

devient alors :d2Z

dθ2 + Z = KZ2

K << 1 nous permet de justifier que Z(θ) soit proche de cos(θ), comme dans le cas précédent enl’absence de gravitation, donc de rechercher une solution de la forme Z(θ) = cos(θ) + KZ1(θ).En remplaçant Z dans l’équation précédente, on obtient :

d2Z1dθ2 + Z1 = cos2(θ) + 2KZ1cos(θ) +K2Z2

1

En faisant l’approximation K << 1, on obtient :

d2Z1dθ2 + Z1 = cos2(θ) = 1

2(1 + cos2θ)

La solution de cette équation différentielle est :

Z1(θ) = 12 −

16cos(2θ) = 2

3 −13cos

On obtient finalement, en remplaçant l’expression de Z1(θ) dans Z(θ) :

Z(θ) = cos(θ) +K(23 −

13cos

2(θ))

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Pour déterminer les asymptotes de la trajectoire du photon, on détermine la trajectoirerectiligne suivie par le photon quand r, la distance entre le photon et le corps massif, tend vers+∞. Cela correspond à u = 0 donc Z = 0. On va déterminer la valeur de θ correspondante,c’est à dire l’angle au départ, puis à l’arrivée. On obtient une équation du second degré en θ :

cos(θ) +K(23 −

13cos

2(θ)) = 0⇔ −Kcos2θ + 3cosθ + 2K = 0

L’une des solutions est supérieure à 1 donc on obtient :

cos(θ) = 3−√

9 + 8K2

2K

Les solutions approchées de cette équation sont :

θ1 = (π2 + 23K) et θ2 = −(π2 + 2

3K)

Ce qui nous permet d’écrire la déviation totale D du photon :

D = (θ1 − θ2)− π = 43K = 4 GM

c2Rm

Exemple historique :Pour un rayon lumineux rasant le soleil, la déviation prévue par ce calcul est de 1,75 secondes

d’arc. C’est la valeur prévue par les calculs d’Einstein, qui fut confirmée expérimentalement lorsd’une éclipse solaire en 1919.

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3 La Croix D’Einstein : Conséquences d’un alignement quasi-parfait

3.1 Principe de la spectroscopie

3.1.1 Spectre électromagnétiqueLa lumière a une vitesse constante dans l’espace de 299 792 458 m/s. Chaque onde élec-

tromagnétique ou lumineuse est caractérisée par sa longueur d’onde λ qui est le produit de lavitesse de la lumière par la période de l’onde. La lumière visible ne représente qu’une petitepartie du spectre électromagnétique qui répertorie toutes les ondes ainsi :

Longueurd’onde λ

λ < 5pm 5pm à 10nm

10 à 400nm

400 à 800nm

800 nm à100 µm

100 µm à1 mm

1 mm à 1m

1 m à 33km

λ >33km

Type Rayons γ Rayons X Ultraviolet Lumièrevisible

Infrarouge Térahertz Micro-ondes

Ondes ra-dio

Basse én-ergie

3.1.2 Spectres de raies et spectres continus

Il existe trois types de spectres : les spectres d’émission continus, les spectres de raies d’émis-sion, et les spectres de raies d’absorption. Un spectre d’émission continu est émis par une sourcethermique : on chauffe un corps qui émet alors des ondes électomagnétiques. Si, en revanche, onexcite un atome ou un ion, ce dernier émet de la lumière formée d’un certain nombre de raiesmonochromatiques : c’est un spectre de raies d’émission, et il est discontinu. Si un faisceau delumière blanche traverse un gaz transparent, un certain nombre de raies monochromatiques sontabsorbées et on obtient un spectre de raies noires, dit aussi spectre de raies d’absorption. Si lefaisceau traverse un liquide transparent, ce sont des bandes de lumière qui sont absorbées. Lestrois types de spectres peuvent se superposer dans certains cas.

3.1.3 Spectre d’un atome, l’hydrogène

Caractéristiques des raies atomiquesChaque atome possède un spectre d’émission qui lui est spécifique. Par conséquent, si on

connaît un spectre d’émission de raies, on peut en déduire l’atome qui l’a émis. De même, lesraies d’absorption du spectre de raies noires d’un atome lui sont spécifiques. Lors de l’obtentiond’un spectre de raies atomiques avec un spectrophotomètre numérique, on obtient une courbed’intensité en fonction des longueurs d’ondes. On observe des pics d’intensité qui correspondentaux valeurs des longueurs d’ondes des raies.

La largeur naturelle des raies est très petite, de l’ordre de 0,0002 nm. Cependant, les condi-tions d’observation, notamment la température, créent un élargissement. On mesure, par con-vention, la largeur de la raie à la moitié de son intensité maximale.

Formule de RydbergJohannes Rydberg (1854-1919), un physicien suédois, présenta en 1888 une formule, qu’on

nomme formule de Rydberg qui exprimait toutes les longueurs d’onde des raies du spectred’émission.

= RH( 1n2 −

1m2 )

avec une constante positive, appelée en son honneur constante de Rydberg et notée RH et n etm deux entiers naturels tels que n < m .

On peut expliquer cette formule à l’aide du modèle de Bohr. Chaque raie serait le résultatde l’émission d’un photon qui se produit quand l’électron passe d’une orbite extérieure, la m-ième,vers une orbite plus intérieure, la n-ième. En effet, le photon qui est émis porte un certainquantum d’énergie, dont va dépendre la fréquence du rayonnement émis. En effet, l’énergie∆EH correspondant à un saut de l’électron de l’atome d’hydrogène est égale à la différence

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entre l’énergie de l’état initial et l’énergie de l’état final :

∆EH = Em − En

Or l’énergie de l’électron se déplaçant sur l’orbite n est définie ainsi selon Bohr :

En = − mee4

8ε20h2n2

∆EH = − mee4

8ε20h2m2 − (− mee4

8ε20h2n2 )⇔ ∆EH = mee4

8ε20h2 ( 1n2 −

1m2 )

De plus, d’après Planck, l’énergie du photon est égal à la fréquence f de l’onde électromagnétique,multipliée par la constante h de Planck, donc :

f = mee4

8ε20h3 ( 1n2 −

1m2 )

De plus, on sait que la longueur d’onde est le quotient de la vitesse de la lumière sur la fréquencede l’onde, c’est pourquoi on retrouve la formule de Rydberg :

= mee4

8ε20h3c( 1n2 −

1m2 )

En combinant la formule de Rydberg et cette équation, on obtient :

RH = mee4

8ε20h3c

Les constantes sont les suivantes :- ε0, la permittivité du vide- e, la charge élémentaire- h, la constante de Planck- me, la masse inerte de l’électronOn trouve RH = 2, 1× 10−18J , ce qui correspond à 0, 01097nm−1.

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3.2 Effet Doppler-Fizeau : calcul de vitesse

3.2.1 L’effet Doppler-Fizeau

L’effet Doppler est un phénomène que nous pouvons percevoir dans la vie quotidienne.Lorsque, dans la rue, une ambulance s’approche de nous, le son de la sirène est plus aigu quelorsque l’ambulance s’éloigne de nous. Au niveau des ondes sonores, cela se traduit par le faitque quand l’ambulance s’approche de nous, les ondes sonores qu’émet la sirène sont comprimées,donc ont une fréquence plus élevée ; à l’inverse, quand l’ambulance s’éloigne de nous, les ondessonores émises par la sirène se retrouvent étirées, donc elles ont une fréquence moins élevée : c’estpourquoi le son que nous percevons nous semble plus grave dès que l’ambulance s’éloigne de nous.On définit alors la relation suivante, avec v la vitesse de la source par rapport à l’observateur :

∆NN

= v

vson

N est la fréquence du son émis par la source, ∆N est la variation de la fréquence du son, etvson est la vitesse du son dans l’air (environ 330 m/s). Ainsi, si la source se rapproche, v eststrictement positif ; si la source s’éloigne, v est strictement négatif.

Or il se passe exactement le même phénomène avec la lumière. La longueur d’onde d’uneonde lumineuse émise par une source mobile dépend de la position de l’observateur : si lasource s’approche de l’observateur, celui-ci mesurera une longueur d’onde plus petite qu’unautre observateur dont la source s’éloigne, qui mesurera alors une longueur d’onde plus grande.Comme pour le son, on définit la relation :

∆λλ

= v

c

λ est la longueur d’onde émise par la source théoriquement, ∆λ est la différence entre lalongueur d’onde observée et la longueur d’onde théorique, c est la célérité de la lumière et vreste la vitesse de la source.

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3.2.2 Le spectre du quasar : vitesse et Redshift

Grâce à l’effet Doppler-Fizeau dont nous venons de parler, nous allons pouvoir estimer lavitesse du quasar et la vitesse de la galaxie, et savoir si l’un et l’autre s’approchent ou s’éloignede la Terre. Les spectres que nous allons présenter sont issus d’une publication scientifiquede Huchra (ancien astronome américain) et de ses collaborateurs, datant de la découverte de laCroix d’Einstein (mai 1985). Voici sans plus tarder la portion de spectre que nous allons étudier ;elle présente la raie Lyman-alpha, qui est une raie propre à l’atome d’hydrogène. La série deLyman correspond à n = 1 et le alpha correspond à m = n+ 1 = 2.

La longueur d’onde de la raie d’absorption Lyman-alpha du spectre du quasar est, en neconservant que 3 chiffres significatifs compte-tenu de la précision du spectre :

λLy−αQuasar = 3, 27.10−7m

Or grâce à la formule de Rydberg, nous connaissons la valeur théorique de la longueur d’ondede la raie Lyman alpha ; à savoir :

λLy−α théorique = 1, 216.10−7m

L’écart entre les deux valeurs n’est pas du tout négligeable, et c’est lui qui va nous permettrede connaître la vitesse du quasar. Calculons d’abord cet écart en valeur algébrique :

∆λQuasar = λLy−αQuasar − λLy−α théorique

∆λQuasar = (3, 27− 1, 216).10−7 = 2, 05.10−7m

On peut immédiatement remarquer que DλQuasar est positif. On a donc un important décalagevers les grandes longueurs d’onde, c’est-à-dire un décalage vers le rouge. On peut d’ores et déjàen déduire que le quasar s’éloigne de nous. Mais à quelle vitesse ?Utilisons la relation de Doppler présentée plus haut :

∆λλ

= v

c

Par produit en croix puis par application numérique, on obtient successivement :

vQuasar = ∆λQuasar × cλLy−α théorique

vQuasar = 2, 05.10−7 × 299 792 4581, 216.10−7 = 5, 05.108 m.s−1

Problème ! Le vieil Einstein se retourne dans sa tombe : un objet massif qui se déplace bienplus vite que la lumière ! C’est une hérésie : la formule de l’effet Doppler « classique » ne convient

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pas. Et après recherche, en effet, nous comprenons que le décalage en longueur d’onde est tropgrand pour être traité avec la physique classique. Nous devons utiliser l’effet Doppler relativiste :sans faire de paragraphe sur la relativité restreinte d’Einstein (1905), qui serait trop substantiel,nous rappelons que cette théorie s’applique aux objets dont la vitesse est proche de celle de lalumière. Quant à la formule de l’effet Doppler relativiste, qui s’applique pour les objets dont lavitesse est supérieure ou égale à 0,1c, soit 30 000 km/s environ (et les autres, mais on se contented’utiliser la formule plus simple), elle s’exprime par :

δλ =√

1 + v/c

1− v/c

avec δλ =λobs

λthéorique, λobs étant la longueur d’onde de la raie observée sur le spectre. Puisque

nous cherchons la vitesse du quasar, exprimons v en fonction de c et δλ :

δλ2 = 1 + v/c

1− v/c

δλ2 − δλ2 × vc

= 1 + v

c

v(1 + δλ2

c) = δλ2 − 1

v = c× δλ2 − 1δλ2 + 1

Remarque : l’élévation au carré ne pose aucun problème, puisque la racine est positive etque nous prenons δλ positif également. L’application numérique nous donne :

vQuasar = 299 792 458×( 3,27

1,216)2 − 1( 3,27

1,216)2 + 1= 2, 27.108 m.s−1

Certes, c’est une vitesse très grande ; mais elle ne va pas à l’encontre de la théorie de larelativité restreinte. De plus, cette valeur proche de celle de la lumière (76 % !) traduit le faitque le quasar se situe très, très loin de nous.

3.2.3 Le spectre de la galaxie : vitesse et Redshift

Intéressons nous désormais au spectre de la galaxie. Nous allons étudier une portion de cespectre, comprise entre 320 nm et 760 nm :

En particulier, la longueur d’onde de la raie H + K (il s’agit d’une raie du calcium) est de 410nm sur ce spectre. Malheureusement nous n’aurons pas plus de précision sur cette valeur : nousne conserverons là aussi que trois chiffres significatifs. Or on peut connaître la valeur normale

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de la longueur d’onde de cette raie à partir du spectre du Soleil. Serge Koutchmy, chercheurémérite à l’IAP et spécialiste du Soleil, nous indique que les longueurs d’onde des raies H et Kse situent entre 390 et 400 nm. Voici la portion du spectre solaire contenant ces raies (spectrequi comporte des millions de raies !) :

Le site Bass2000 est très pratique : en effet, en cliquant sur le spectre, on peut connaître lalongueur d’onde des deux raies H et K :

Ainsi, nous avons d’après ce spectre :

λH� = 396, 9 nm et λK� = 393, 4 nm

Les raies H et K sont relativement proches, mais elles ne sont pas confondues comme dansle spectre de la galaxie : en réalité, elles sont certainement distinctes aussi dans le spectre de lagalaxie, mais celui-ci n’est pas suffisamment précis pour que nous puissions nous en apercevoir.De ce fait, nous allons calculer la vitesse de la galaxie d’une part en utilisant λH� , et d’autrepart λK� . Puis nous ferons une moyenne des deux valeurs obtenues, ce qui au final va nous don-ner une vitesse convenable. On peut légitimement se demander si, pour établir la vitesse de lagalaxie, il faut se servir de la relation « classique » de l’effet Doppler, ou comme précédemmentde la relation relativiste. Tout dépend du décalage. Calculons justement les deux décalages quinous intéressent :

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D’une part :

Dλ1 = λHGalaxie − λH�

Dλ1 = (4, 10− 3, 969).10−7 = 1, 31.10−8 m

Et d’autre part :

Dλ2 = λKGalaxie − λK�

Dλ2 = (4, 10− 3, 934).10−7 = 1, 66.10−8 m

Les valeurs de décalages sont ici beaucoup plus faibles ! La formule de l’effet Doppler «classique » s’applique donc sans problème. D’où les deux vitesses de la galaxie calculées à partirdes deux raies :

v1Galaxie = ∆λ1 × cλH�

v1Galaxie = 1, 31.10−8 × 299 792 4583, 969.10−7 = 9, 82.106m/s

Et de même :

v2Galaxie = ∆λ2 × cλK�

v2Galaxie = 1, 66.10−8 × 299 792 4583, 934.10−7 = 1, 27.107m/s

On en déduit donc la vitesse apporximative de la galaxie :

vGalaxie = v1Galaxie + v2Galaxie2 = 1, 13.107m/s

Nous allons voir que cette valeur est très satisfaisante dans la partie suivante. . .

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3.3 La loi de Hubble : calcul de distances

3.3.1 La loi de Hubble

Cette loi, extrêmement utile en astrophysique, relie la vitesse d’une galaxie (ou d’un objetastronomique) avec la distance qui la sépare de la Terre, selon l’égalité :

V = HD

Où V est la vitesse de l’objet considéré, D la distance entre cet objet et la Terre et H la con-stante de Hubble. Longtemps, l’erreur sur cette constante a été importante : on pensait qu’elleétait environ égale à 100 km.s−1.Mpc−1, avec une marge d’erreur de 50 %. C’est cette valeurqui est utilisée par Huchra dans son article. Mais aujourd’hui, on sait avec plus de certitude quecette constante est à peu près égale à 73 km.s−1.Mpc−1 (même si ce n’est encore qu’une valeurapproximative). C’est donc cette valeur plus « contemporraine » que nous allons utiliser pournotre étude.

La loi de Hubble est directement associée à l’expansion de l’Univers : la taille de l’Universaugmente constamment, ce qui fait que les distances entre les différents objets qui le composentsont de plus en plus grandes à mesure que le temps passe. On comprend ici que le temps joueaussi un rôle : en effet, l’expansion de l’Univers était plus rapide quand celui-ci était plus petit.Autrement dit, plus l’Univers est grand, plus sa vitesse d’expansion diminue. La constante deHubble n’est donc pas vraiment une « constante » proprement dit car elle varie au cours dutemps ; cela dit, à notre échelle, cette variation est imperceptible !

Grâce à cette loi, nous allons pouvoir calculer la distance entre la Terre et le quasar, puis ladistance entre la Terre et la galaxie, en partant des valeurs de vitesse que nous avons trouvéesprécédemment ; même si, par la suite, c’est surtout la distance entre la Terre et la galaxie quiva nous intéresser.

3.3.2 Distance Terre – quasar

Nous avons donc montré que le quasar d’éloigne de nous à la vitesse de 2, 27.108 m/s. Cettevitesse étant très élevée, c’est-à-dire assez proche de la vitesse de la lumière, on est en droit dese demander si la loi de Hubble est valable. Et en effet, nous vérifions que même pour de tellesvitesses, elle reste valable. Nous pouvons donc sans plus attendre l’appliquer ; la distance entrela Terre et le quasar s’exprime par :

DT−Q = vQuasarH

DT−Q = 2, 27.108

73 = 3, 1.106 pc = 3, 1.103 Mpc

Sachant que 1 mégaparsec vaut environ 3, 1.1022 mètres, et que 1 année-lumière vaut environ9, 5.1015 mètres, on peut aussi écrire :

DT−Q = 9, 6.1025 m

DT−Q = 1, 0.1010 al

Le quasar est donc situé aux confins de l’Univers, à environ 10 milliards d’années-lumière denous !

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3.3.3 Distance Terre – galaxie

Revenons à présent à notre galaxie. Nous avons établi qu’elle s’éloignait de nous à la vitessede 1, 13.107 m/s, d’après nos propres calculs. En appliquant la loi de Hubble, on détermine ladistance D qui sépare la Terre de la galaxie :

DT−G = vGalaxieH

DT−G = 1, 13.107

73 = 1, 5.102Mpc

Sachant que 1 mégaparsec vaut environ 3, 1.1022 mètres, et que 1 année-lumière vaut environ9, 5.1015 mètres, on peut aussi écrire :

DT−G = 4, 7.1024 m

DT−G = 4, 9.108 al

Dans l’article de John Huchra cité plus haut, la distance Terre-galaxie vaut 118 Mpc. Mais àcette époque, la constante de Hubble était moins précise qu’aujourd’hui : manifestement, Huchraa pris H = 100 km.s−1.Mpc−1. Si l’on prend à la place H = 73 km.s−1.Mpc−1, valeur reconnueaujourd’hui, en utilisant la valeur de 118 Mpc pour la distance Terre-galaxie, on obtient :

DT−G = 10073 × 1, 61 Mpc

Et dans une publication scientifique plus récente (2010), un groupe d’astronomes associé àVan de Ven trouve une distance Terre-galaxie de 155 Mpc.

Quant à nous, nous avons trouvé par nos propres moyens 1, 5.102 Mpc pour cette distance.L’écart relatif avec la valeur de Huchra est de 7 %, et celui avec la valeur de Van de Ven est de 3%. Ce qui prouve que la vitesse que nous avons trouvée pour la galaxie est proche de sa vitesseréelle, même si cette vitesse réelle reste inconnue précisément.

Enfin, on peut se donner un idée du rapport entre les deux distances déterminées, afin de serendre mieux compte de la disposition des objets astronomiques considérés les uns par rapportaux autres :

DT−QDD−G

= 20

Ainsi, la galaxie est 20 fois plus loin du quasar qu’elle ne l’est de la Terre. Nous ne pourronspas monter une expérience respectant le rapport des distances ; mais cela importe peu, car cequi compte, c’est d’utiliser une source qui émet des rayons lumineux parallèles entre eux, choixque nous allons justifier au début de la partie suivante.

Désormais, avec les informations dont nous disposons, nous allons pouvoir étudier la déviationdes rayons lumineux qui proviennent du quasar.

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3.4 Calcul de l’angle de déviation d’un rayon lumineux provenant du quasar

3.4.1 Angle de déviation attendu

Dans un premier temps, nous allons évaluer la valeur en radian de l’angle de déviation néces-saire pour qu’un rayon lumineux issu du quasar et rasant le noyau de la galaxie atteigne laTerre.

Remarque liminaire très importante : Jusqu’à nouvel ordre, nous allons considérer que lenoyau de la galaxie est sphérique, avec une masse répartie équitablement. Nous verrons alorsque nous devrons remettre en cause ces hypothèses, ce qui nous permettra de comprendre lastructure du noyau de la galaxie et de montrer l’existence de la matière noire.

Autre remarque : Nous allons considérer que les rayons lumineux provenant du quasar ar-rivent près du noyau de la galaxie parallèles entre eux. En Seconde, lorsque nous avons calculéle diamètre de la Terre par la méthode d’Eratosthène, nous avons déjà considéré que les rayonslumineux provenant du Soleil arrivaient parallèlement sur Terre, car la distance entre la Terreet le Soleil (une unité astronomique) est très grande devant leurs diamètres. Ici, le quasar esttellement loin que les diamètres du quasar ou de la galaxie sont très négligeables devant la dis-tance qui les sépare. Ce qui justifie l’initiative de prendre les rayons parallèles entre eux.

Faisons un schéma très simplifié d’un rayon issu du quasar, dévié par le noyau de la galaxieet atteignant la Terre. Bien sûr, ce schéma ne respecte pas les proportions (il faudrait que lespages de notre mémoire fassent quelques centaines de milliers de kilomètres de largeur !). Anoter aussi que l’angle de déviation figuré est très schématique : le rayon n’est pas dévié aussibrutalement que cette représentation pourrait le laisser penser. Pour alléger le schéma, nousn’avons pas représenté le téléscope placé sur Terre. Voici le dit schéma :

où αatt est l’angle de déviation du rayon lumineux attendu,β le diamètre apparent du noyau de la galaxie,DT−G la distance qui sépare la Terre de la galaxie,DG est le diamètre du noyau de la galaxieet RG le rayon du noyau de la galaxie (comme le rayon rase le noyau de la galaxie, on peutconsidérer que la distance qui sépare la terre de la trajectoire du rayon s’il n’était pas dévié estégale au rayon du noyau de la galaxie).

Nous cherchons donc à connaître pour le moment αatt. Nous connaissons DT−G puisquenous l’avons calculée dans la partie précédente. On trouve dans la littérature scientifique que

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l’écart entre deux images opposées du quasar est d’environ deux secondes d’arc. En mesurantla longueur de la tache lumineuse représentant la galaxie sur une image de la Croix d’Einstein,on pourrait trouver une valeur correcte du diamètre apparent du noyau de la galaxie (environ 1seconde d’arc). Mais nous avons trouvé dans l’article de G. Van de Ven et al. la véritable valeurde ce diamètre apparent : 0,89 seconde d’arc. Ainsi, pour être le plus précis possible, nous allonsprendre β = 0, 89′′. Cet angle est évidemment suffisamment petit pour faire l’approximationβ = tanβ. Nous pouvons désormais calculer le diamètre du noyau de la galaxie, en années-lumière pour commencer :

tanβ = DG

DT−G⇒ DG = DT−G × tanβ

D’où, en convertissant β en degrés :

DG = tan( 0, 893600)× 4, 9.108 = 2, 1.103 al

Ce qui donne tout juste 2, 0.1019 mètres. On en déduit le rayon du noyau de la galaxie :

RG = DG

2 = 1, 0.1019 m

Nous avons comparé cette valeur avec d’autres galaxies, comme la Voie Lactée. De nosrecherches, il s’avère que c’est une galaxie assez petite, mais l’ordre de grandeur semble toutà fait acceptable (pour comparaison, le diamètre apparent de la Voie Lactée est 1,4 fois plusgrand).Nous sommes à présent en mesure de calculer la valeur de αatt :

tanαatt = RGDT−G

⇒ αatt = arctan( RGDT−G

) = 0, 45′′

Ce qui nous donne en radian :αatt = 7, 8.10−3rad

3.4.2 Calcul de l’angle de déviation en fonction de la masse de la galaxie

Maintenant, nous allons déterminer la valeur de l’angle de déviation à l’aide de la formuleétablie à la fin de la partie 2, puis nous allons la comparer avec la valeur de l’angle de déviationattendu.

Nous savons donc qu’un rayon lumineux rasant un corps de masseM et de rayon R est déviéd’un angle tel que :

D = 4GMc2R

en prenant R pour distance minimale d’approche le rayon du corps qui fait dévier le rayon.Le problème est de trouver la masse de la galaxie, en considérant en première approximation,

que la masse de la galaxie est concentrée dans son noyau. Et c’est encore dans l’article de Vande Ven, décidément très complet, que nous l’avons trouvée :

MG = 1, 54.1010 ×MS

MS étant la masse du Soleil (1, 99.1030 kg). Il ne reste plus qu’à faire l’application numériquepour trouver la valeur de l’angle de déviation en fonction de la masse visible du noyau de lagalaxie et de son rayon :

α = 4× 6, 68.10−11 × 1, 54.1010 × 1, 99.1030

299 792 4582 × 1, 0.1019 = 9, 1.10−6rad

D’où le rapport :αattα

= 7, 8.10−3

9, 1.10−6 = 8, 6.102

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3.4.3 Interprétations

Une chose est certaine : si l’angle de déviation d’un rayon rasant le noyau de la galaxie estde 9, 1.10−6 rad, le rayon n’atteindra jamais la Terre (c’est un angle beaucoup trop faible !). Ondevrait en effet trouver une valeur plus de 800 fois plus grande.

Et pourtant, ce résultat semble conforme avec la Croix d’Einstein ! Expliquons pourquoi.Assurément, la cause de l’écart entre αatt et α n’est pas à chercher du côté du rayon du noyau

de la galaxie. La valeur de ce rayon n’est peut-être pas très précise, mais elle ne peut pas être800 fois plus petite que la valeur réelle ! Il suffit de regarder une image de la Croix d’Einsteinpour s’en convaincre. Donc elle ne permet pas d’expliquer cet écart.

En revanche, l’explication réside dans la masse de la galaxie. Rappelons que nous avons émisl’hypothèse que la répartition de la masse dans la galaxie est homogène. Ce n’est manifestementpas le cas : en effet, si la masse était à peu près équitablement répartie, nous observerionsun anneau d’Einstein. Mais dans la Croix d’Einstein, on observe quatre images du quasar : ladéviation des rayons lumineux n’est donc pas la même à différents endroits de la galaxie. Onpeut ainsi supposer que la masse visible de la galaxie est concentrée en cinq points : au centre,car dans tous les documents que nous avons lus, les scientifiques s’accordent pour dire qu’il existeun trou noir au centre de cette galaxie, mais aussi en quatre endroits correspondant aux quatreimages que nous pouvons voir du quasar. Ces images du quasar sont fortement amplifiées, ce quiest un autre paramètre très utile pour discuter de la masse et de la taille de l’objet responsabledu lentillage. Finalement, les cinq points correspondraient aux cinq taches observées.

Cela dit, même si l’on suppose qu’il existe quatre endroits à la périphérie de la galaxie où lamasse est concentrée, il semble impossible que celle-ci soit suffisante pour dévier autant les rayonslumineux. Ce qui nous amène à postuler l’existence d’une autre forme de matière, invisible : lafameuse matière noire.

Les astrophysiciens de la NASA sont parvenus à cartographier la matière noire. En effet, enobservant les images d’étoiles lointaines, ils se sont rendus compte que la matière visible n’étaitpas du tout suffisante pour dévier les rayons lumineux provenant de ces étoiles. En cherchantsur le site de la NASA, on trouve un article datant du 20 août 2007 faisant partie de la série« Astronomy Picture of the Day » qui représente la distribution de la matière noire dans unamas de galaxies :

Les couleurs sont bien sûr de fausses couleurs : le rouge représente la matière visible, et lebleu représente la matière noire. On constate que, dans cet amas, la matière noire se situe enpériphérie. En tout cas, la matière noire ne semble pas présente aux centres des galaxies. Onparle d’ailleurs de halo de matière noire.

Ainsi, si l’on fait le lien avec la Croix d’Einstein, la matière noire se situerait autour dunoyau de la galaxie. Si tel est le cas, alors cela pourrait expliquer le manque de masse nécessaireà la déviation du rayon lumineux rasant le noyau de la galaxie et arrivant sur Terre.

Ce dont on peut être certain, c’est que l’Univers nous réserve encore beaucoup de surprises. . .

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4 Modélisation de la Croix d’Einstein

4.1 Montage de départ

4.1.1 Matériel

Le montage de départ est celui qui nous servira pour les trois expériences d’analogie quenous allons présenter. Nous utilisons donc :

– un rétroprojecteur, représentant le quasar ;– un diaphragme, pour réduire le faisceau lumineux émis par le rétroprojecteur ;– un filtre bleuté que l’on place devant le faisceau lumineux émis par le rétroprojecteur, pourcorriger le spectre d’émission ;

– un doublet de lentilles de longueur focale 80 mm et un écran, en guise de téléscope.Nous avons choisi d’utiliser un rétroprojecteur pour plusieurs raisons. D’une part, il est

composé d’une lampe à iode, qui permet d’avoir un éclairage continu, comme le quasar. Nousavons eu besoin de placer un filtre bleuté, car il émettait plus dans le rouge. Ainsi nous avonsun spectre plus "équilibré", une lumière très blanche. D’autre part, la lumière qu’il émet est trèsforte, et permet ainsi de mieux observer ce qu’il se passe. Et le rétroprojecteur est un outil solideet sûr qui pouvait rester allumé longtemps pendant que nous faisions nos expériences.

Le doublet est une association d’une lentille convergente et d’une lentille divergente. Il com-pense les abérrations chromatiques et permet d’avoir une image propre et nette sur l’écran quel’on place à 80 mm, sa distance focale.

4.1.2 Montage

Le montage représente le cas fictif où la lumière du quasar ne rencontre aucun obstacle avantd’arriver au téléscope placé sur Terre. Nous obtenons un petit point comme image, que l’onpourra comparer avec ce que nous obtenons avec les autres expériences. Le montage de départsert ainsi de montage "témoin".

Notre téléscope Notre quasar

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4.2 L’anneau d’Einstein

4.2.1 Montage

De notre montage de départ, nous allons créer un montage permettant d’obtenir un anneaud’Einstein. Pour cela, nous avons utilisé des verres, dont nous avons coupé le pied. Nous pouvons,selon les verres, utiliser soit le pied, soit le verre sans pied. Nous positionnons le verre entre lerétroprojecteur et le doublet (plus proche du doublet, pour obtenir une image.) Le verre réfractela lumière du rétroprojecteur de manière à ce que l’image obtenue soit un cercle : les bords finsdu verre se comportent comme une lentille convergente, alors que le centre du verre, plus épais,se comporte comme une lentille divergente.

Une "lentille gravitationnelle" Image de l’anneau d’Einstein

4.2.2 Analogie

L’anneau d’Einstein correspond à une situation où les rayons sont déviés de manière ho-mogène. Nous assimilons le gradient d’indice du verre à la masse, plus ou moins importante,des astres qui dévient les rayons lumineux. Notre expérience correspond donc au cas fictif oùles rayons lumineux du quasar sont déviés par une lentille gravitationnelle dont la masse estrépartie de façon homogène, ce qui n’est pas le cas de la Galaxie.

Cette expérience nous montre que les rayons lumineux sont déviés autour du point prévupar le montage de départ. Dans le cas que nous étudions, les rayons lumineux sont aussi déviésautour du centre prévu. En effet, si les rayons lumineux émis par le quasar n’étaient pas déviés,on aurait un point confondu avec le centre de la galaxie, puisque ceux-ci sont alignés. Bien sûr,avec un verre, la déviation est nécessairement invariante par rotation, car le verre admet un axede symétrie de rotation, donc on obtient un cercle, et pas une croix (quatre points). Pour obtenirune croix, il faudrait modifier le verre.

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4.3 Phénomène d’amplification

4.3.1 Montage

On reprend notre montage de départ, et cette fois-ci, nous plaçons une lentille convergenteavec un morceau de ruban adhésif rouge, placé en son centre entre le rétroprojecteur et ledoublet. Ainsi, l’image obtenue (que nous n’avons pas réussi à prendre en photo) est un disque,donc on peut dire que le rayon du disque est plus grand, très brillant. Cela montre un phénomèned’amplification : en effet, après ajout de la lentille, on a un disque plus étendu et plus intense.Au milieu de notre disque, on observe un point rouge. La lentille joue le rôle de la galaxie et lepoint rouge est son centre.

Notre Galaxie

L’image obtenue avant l’ajout de la lentille est de ce type :

Après ajout de la lentille, en respectant à peu près le rapport entre les deux, nous obtenons :

4.3.2 Analogie

Ici, nous obtenons la configuration réelle où le quasar, la galaxie et le téléscope sont alignés.Le but de cette expérience est de montrer que l’image du quasar est amplifiée par la galaxie. Eneffet, la galaxie "récupére" une grande quantité de rayons lumineux et les fait converger, commela lentille. C’est pour cela que l’on observe des images très brillantes sur Terre. Le phénomènede lentillage est non seulement un phénomène de déviation des rayons, mais aussi un phénomèned’amplification.

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4.4 La Croix d’Einstein

4.4.1 Montage

À partir du montage précédent, nous allons tenter d’obtenir une Croix d’Einstein. Nousavons remarqué que lorsqu’on colle un bout de ruban adhésif sur la lentille, le dessin du bout deruban adhésif apparaît sur l’image. Il suffit donc de coller des bouts de ruban adhésif de façonà obtenir quatre points et le centre de la galaxie :

4.4.2 Analogie

Cette expérience est l’analogie la plus proche de la Croix d’Einstein. Même si nous n’avons pasde déviation de rayons lumineux comme dans la première expérience, qui correspondait mieuxà la réalité. Nous observons le phénomène d’amplification par une lentille, que nous modifionspour la rendre hétérogène comme la galaxie de façon à avoir une croix.

Nous avons donc reproduit la Croix d’Einstein, avec une expérience d’analogie. Nous avonsbien le rétroprojecteur, la lentille et le doublet alignés, comme le quasar, la galaxie et le téléscopesur Terre. La lentille a en effet une double action sur la lumière émise par le rétroprojecteur : unphénomène d’amplification et une déviation des rayons lumineux. Cela nous permet d’obtenirune image analogue à celle du quasar :

Image obtenue à l’aide d’un téléscope du VLT, tirée des archives de l’ESO

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ConclusionNotre étude de la Croix d’Einstein, phénomène si exceptionnel, nous a permis de comprendre

deux éléments, qui constituent finalement les résultats de notre recherche :

– la structure de la galaxie, l’objet central, influe sur la déviation des rayons lumineux ; eneffet, le fait d’obtenir quatre images du quasar nécessite une répartition particulière dela masse (visible, dans un premier temps), ce qui laisse penser que cette structure est iciplutôt complexe ;

– la masse visible de la galaxie, quelle que soit sa répartition, semble malgré tout insuffisantepour dévier les rayons lumineux de telle sorte à ce que ceux-ci atteignent la Terre. C’estpourquoi nous postulons l’existence de la matière noire, dont on ne connaît aujourd’hui pasgrand chose, mais qui apparaît néanmoins comme la solution la plus plausible au problèmedu manque de matière.

Mais notre projet ne s’arrête pas là. Nous espérons vivement avoir l’occasion de le poursuivre,avec au programme :

– une autre preuve de l’existence de la matière noire, par l’étude de la vitesse de rotation dela galaxie sur elle-même, en faisant d’autres mesures sur les spectres dont nous disposons(les largeurs de raies, en particulier) ;

– des améliorations à notre expérience de modélisation pour la rendre encore plus réaliste ;– des ajouts à l’expérience, comme une lampe spectrale à hydrogène dont nous disposons(qui permettrait d’expliquer plus en détail la technique de la spectroscopie). Aussi, il ex-iste d’autres phénomènes liés à la Croix d’Einstein que M. Koutchmy nous propose demodéliser, ce qui rendrait l’expérience plus complète.

Nous sommes en effet très attachés à ce projet, et nous sommes très motivés pour aller plusloin, dans cette ambiance très conviviale qui existe depuis le début. La Croix d’Einstein ne nousa pas encore livré tous ses secrets. . .

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RemerciementsNous tenons tout particulièrement à remercier M. Koutchmy, chercheur émérite à l’Institut

d’Astrophysique de Paris, qui a eu la gentillesse de nous aider sur notre projet : nous lui ensommes extrêmement reconnaissant. Sans lui, ce projet n’aurait jamais pu se faire. Ce fut unvéritable plaisir de recevoir ses mails attentionés et de discuter avec lui dans son bureau de cesujet tout à fait excitant.

Nous souhaitons également remercier très chaleureusement notre professeur de Physique-Chimie, M. Faye, qui nous a emmenés au VLT il y a deux ans et qui nous a transmis sa passionpour l’astrophysique, avec tout le dévouement qui lui est propre. C’est grâce à lui que nousparticipons aux Olympiades, et nous espérons lui avoir fait honneur avec ce projet.

Nous remercions également M. Mouttou, professeur de Physique-Chimie, qui, par la richessede ses cours, nous a guidés, en nous transmettant ses grandes connaissances.

Un grand merci aussi à Gurvan Magadur, qui a pris de son temps pour nous assister dansl’élaboration de ce projet, ainsi qu’à tous les chercheurs de l’IAP qui ont répondu à nos mailset qui nous ont guidés dans nos recherches ; nous pensons à M. Montmerle, M. Colombi, M.Gavazzi, M. Petitjean, Mme. Gerbaldi, M. Friedjung, M. Zorec, M. Lasota, M. Hébrard, Mme.Vangioni, M. Pichon, M. Brax, M. Boissé, et surtout M. Fort, M. Bovy, M. Mellier et M. Mail-lard, dont le bureau est situé juste à côté de celui de M. Koutchmy ! Nous tenons à les citer tous,car c’est l’un des plus beaux souvenirs des Olympiades : le contact avec tous ces chercheurs quiont décidé d’apporter bénévollement leur contribution à notre projet.

Avec la participation de notre camarade Alix Deleporte.

De gauche à droite : Serge Koutchmy, Chérazade Ghalifa, Michel Faye, Galatée Hémery,Gautier Depambour

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BibliographieEn grande partie :

– Astronomie et astrophysique, Cinq grandes idées pour explorer et comprendre l’Univers, Séguinet Villeneuve, De Boeck Université, 2002

Aussi :– L’Encyclopédie du Ciel et de l’Espace, explorer et comprendre l’Univers, Gallimard Jeunesse,2003

– Le Ciel, 100 questions pour comprendre le système solaire, les étoiles et les galaxies, éditionsAtlas, 2009

Articles scientifiques :– John Huchra et al., A new unusual gravitational lens, 1985, extrait de "The AstronomicalJournal", volume 90, numéro 5

– Glenn Van de Ven et al., The Einstein Cross : Constraint on dark matter from stellardynamics and gravitational lensing, 2010

Internet :– Wikipédia.org (nous avons recoupé néanmoins les informations obtenues sur le site)– le site de la NASA.

Références de certaines images :– page de garde : http ://www.astr.ua.edu/keel/agn/qso2237.gif

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