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L'adaptation des pratiques agricoles et des systèmes agraires au Changement climatique Diagnostic d’un territoire rural au Chili, dans la région de l’Araucanie, au sein d’une zone d’agriculture familiale paysanne Mapuche LA ZONE D’ETUDE J’ai choisi comme terrain d’étude pour mener à bien ma recherche une petite zone d’agriculture familiale paysanne Mapuche. Elle se situe à cheval sur deux communes, les communes de Padre Las Casas et Vilcun, elles-mêmes localisées dans la Neuvième Région chilienne, la région de l’Araucanie, au Sud du Chili. Dans la commune ressortent les secteurs d’activités liés à l’agriculture, l’élevage, la chasse et la sylviculture avec une grande proportion de la population économiquement active, où l’agriculture de minifundium prévaut sur toutes les autres activités. Le secteur agricole et sylvicole ne constitue pas seulement la base de l’économie régionale, mais il détermine aussi les caractéristiques du développement industriel (Municipalidad Padre Las Casas, 2012). Il s’agit d’une zone rurale pauvre, avec une forte concentration de population

L'adaptation des pratiques agricoles et des systèmes ... · indigène Mapuche.La zone d’étude regroupe ð communautés indigènes répertoriées par la ONADI. Il s’agit d’un

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L'adaptation des pratiques agricoles et des systèmes agraires au Changement climatique

Diagnostic d’un territoire rural au Chili, dans la région de l’Araucanie, au sein d’une zone

d’agriculture familiale paysanne Mapuche

LA ZONE D’ETUDE

J’ai choisi comme terrain d’étude pour mener à bien ma recherche une petite zone d’agriculture familiale paysanne Mapuche. Elle se situe à cheval sur deux communes, les communes de Padre Las Casas et Vilcun, elles-mêmes localisées dans la Neuvième Région chilienne, la région de l’Araucanie, au Sud du Chili.

Dans la commune ressortent les secteurs d’activités liés à l’agriculture, l’élevage, la

chasse et la sylviculture avec une grande proportion de la population économiquement active, où l’agriculture de minifundium prévaut sur toutes les autres activités. Le secteur agricole et sylvicole ne constitue pas seulement la base de l’économie régionale, mais il détermine aussi les caractéristiques du développement industriel (Municipalidad Padre Las Casas, 2012). Il s’agit d’une zone rurale pauvre, avec une forte concentration de population

indigène Mapuche. La zone d’étude regroupe 40 communautés indigènes répertoriées par la CONADI. Il s’agit d’un territoire qui constitue actuellement une zone de conflits, notamment liés à la terre. A mon arrivée, la région était décrétée en situation d’urgence du fait d’un déficit hydrique, une expression politiquement correcte pour parler de sécheresse. Ceci a pu déclencher des actions se soutien de la part des organismes de développement agricole comme l’INDAP, comme notamment la distribution d’aliments pour le bétail ou l’attribution de bons exceptionnels de 100 000 pesos (environ 140 euros) aux agriculteurs dans le besoin. Les Mapuche ont survécu culturellement à de nombreux envahisseurs, les Incas, les Espagnols, les colons européens, l’Etat chilien et actuellement l’économie néolibérale et la mondialisation. Ils se sont adaptés, s’intégrant à des modèles sociaux et économiques, profitant des rares ouvertures sociales, économiques et culturelles que ceux-ci leur ont permis (VIVALLO, 2011). A présent on peut se demander quelles vont être les stratégies d’adaptation face au changement climatique. C’est pourquoi cette zone présente un bon ter-rain d’étude dans le cadre du thème des systèmes agraires et leur relation avec le changement climatique.

LES IMPACTS DU CHANGEMENT CLIMATIQUE AU NIVEAU DE LA REGION DE L’ARAUCANIE

Un des effets, considéré comme positifs par l’ODEPA (dépendant du ministère de l’Agriculture), que présente le changement climatique pour l’agriculture nationale, est le déplacement et l’élargissement des zones de cultures vers le sud du pays, permettant à la production des espèces hortofruticoles dans des zones où traditionnellement elles ne pouvaient être produites. Cependant on peut se demander de ce qu’il adviendra des communautés indigènes qui occupent actuellement ces zones agricoles. On peut ainsi prévoir une recrudescence des conflits fonciers dans la région, qui sont déjà légion du fait de l’histoire agraire (couple latifundio/minifundio).

La sécheresse affecte fortement la région. Il s’agit de l’été le plus sec de ces dernières décennies. La Direction Météorologique déclara que la région de l’Araucanie présente un

déficit de pluies de 98%. Ce qui confirme qu’il s’est agit de l’un des été les plus chauds et secs de ces 50 dernières années.

L’augmentation des feux de fôret est également en train d’affecter la région. Ils l’affectent maintenant toute l’année, même les mois d’hiver. De plus, à cause de la sécheresse, des milliers d’arbres sont morts sur pied et sont donc très combustibles ce qui fait qu’à la moindre provocation ils prennent facilement. Autre phénomène encore peu commun il y a quelques années, les incendies provoqués par une tempête sèche. La tombée d’un rayon sur un arbre sec entraîne le démarrage d’un incendie, et étant entouré par des plantes en stress hydrique la combustion est plus rapide. C’est ce qui s’est passé fin mars 2015 avec la réserve China Muerte et le Parc National Conguillio où ont été consommés plus de 3000 ha dans la région de l’Araucanie (SMITS, article el dinamo, mars 2015).

DESCRIPTION GENERALE DU SYSTEME AGRAIRE

Il s’agit d’une zone d’agriculture familiale de subsistance et de type minifundiaire. Les systèmes se basent sur de la polyculture-polyélevage et de la sylviculture avec un outillage majoritairement manuel, et/ou appel à prestation de service pour réaliser le travail agricole. Il s’agit donc de systèmes peu moto-mécanisés. La pluriactivité est une caractéristique clé de ce système. Les agriculteurs vendent leur de force de travail afin de pouvoir diversifier leurs sources de revenu et pouvoir capitaliser. On assiste également à des transferts de main d’oeuvre entre systèmes de production au sein de la zone à certaines périodes de pointe. Par ailleurs on peut la qualifier d’agriculture pluviale, car il existe peu de systèmes d’irrigation et qui sont pour la plupart basiques et peuvent couvrir une très faible surface. Quant aux circuits de commercialisation, ils sont complètement informels. La vente se fait pas vente directe au sein de l’exploitation (panneaux) ou en allant livrer directement les produits aux clients qui en ont fait la demande, ce qui nécessite de s’être constitué tout un réseau privé. Il y a donc un profond manque d’organisation de filières de commercialisation et de formalisation de chacune des petites entreprises individuelles, ou « auto-entreprises » comme on dirait en France (vente de produits artisanaux en laine, de produits transformés, etc.).

EFFETS DU CHANGEMENT CLIMATIQUE DANS LA ZONE D’ETUDE

Les évolutions du climat sont multiples

Tout d’abord il y a une modification des saisons, elles ne sont plus autant marquées avec une disparition de l’automne et du printemps. Il y a une modification importante dans le régime des précipitations, tant dans l’intensité que dans la distribution des pluies. Il y a de cela deux générations il pleuvait régulièrement tout au long de l’année, c’est-à-dire qu’il pouvait pleuvoir au printemps et en été. Aujourd’hui, par exemple, il pleut beaucoup sur un temps très court et après il ne va plus pleuvoir pendant de nombreuses semaines. L’hiver était très dur, avec beaucoup de pluies, de tempêtes et de vent, que ce soit de jour ou de nuit. Un climat d’automne était normalement composé de brouillard et de froid. En ce qui

concerne les gelées, elles pouvaient se présenter jusqu’aux mois d’octobre, maintenant il arrive qu’il y en ait en décembre. Mais depuis environ 4 ans, il y a beaucoup de soleil, de chaleur, et il pleut très peu en comparaison avec le climat des dernières décennies. Le soleil est « fort » et assèche les fruits des arbres, les prairies (surtout le trèfle) et les produits du potager et de la chacra. Enfin les jours sont considérés comme étant plus courts.

Egalement il y a une augmentation importante de la fréquence des sécheresses. Auparavant, il était de coutume de subir une sécheresse environ tous les 10 ans (une en 1998, une en 2008). Cependant, depuis cette dernière sécheresse, la commune en subit une presque tous les ans et elles sont de plus en plus graves. La région connait la sécheresse depuis 4 ans de suite. Depuis 2010, les agriculteurs sont dans l’obligation de faire une demande d’eau à la Municipalité (Solicitud de Agua) pour se fournir en eau de consommation, car leurs puits s’assèchent. Certains puits se sont également asséchés pour la première fois cette année. Ces dernières années ces demandes et distributions se faisaient seulement pour les 5 mois d’été, mais depuis l’année dernière certains en font la demande toute l’année.

On note également l’apparition de nuisibles, comme les guêpes qui nuisent aux fruits depuis une vingtaine d’années.

Les conséquences sur les systèmes de production

Les écosystèmes sont affectés. Avant la zone était pleine de pichantales (zones humide avec une végétation particulière), et aujourd’hui ils se sont asséchés ou ont été mis en exploi-tation pour l’agriculture. Certaines espèces de milieux humides comme le conquillo, qui étaient utilisées dans les constructions ou autres, ont quasiment disparues. Par ailleurs, le changement climatique a également un impact sur des espèces sauvages et qui sont récoltées par les machis de la zone d’étude. Pour pouvoir préparer leurs remèdes contre les maladies, les machis ont pour coutumes d’aller cueillir les plantes médicinales pour ensuite les sécher et les travailler. Le problème c’est qu’à l’heure actuelle on n’en trouve quasiment plus dans la zone des communautés étudiées. Il faut ainsi aller les chercher plus loin dans la commune, voire en planter dans les potagers pour les cultiver.

Les Itinéraires techniques sont adaptés. On note l’avancée de la date de semis de certaines cultures ainsi que des changements dans les variétés cultivées. Cela est dû au fait que les produits et donc les semences des potagers ont été séchés lors des dernières sécheresses, par conséquent les producteurs n’ont plus rien à ressemer pour l’année suivante. C’est ainsi que se perdent des variétés traditionnelles sélectionnées dans la zone d’étude par les agriculteurs, et que ces derniers deviennent dépendant des semences certifiées distribuées par les programmes de développement et vendues par les commerçants d’intrants agricoles.

Une forte fluctuation des prix. Les aléas climatiques comme les sécheresses, en affectant la production et les rendements, jouent un rôle important sur les marchés et dans la formation des prix agricoles locaux. Par exemple la sécheresse a affectée la production de semences de pommes de terre, avec une diminution importante du rendement. Il devient alors difficile de s’en procurer dans la zone et les prix sur le marché en sont impactés avec une forte hausse. En ce qui concerne le marché du bétail, le fait que les prairies sont asséchées, voire que certaines ne donnent plus, influe sur la production du bétail qui est

alors sous-alimenté. L’alimentation des animaux se pose alors comme un des problèmes majeurs de la zone. Ceci affecte forcément le marché et voit une diminution importante des prix à cette époque de vente forcée de leurs animaux par les agriculteurs, qui ne peuvent plus les nourrir. Différentes stratégies s’opèrent alors comme vendre une partie de son troupeau faute d’avoir de quoi l’alimenter, l’emmener pâturer sur une par- celle louée dans un fundo ou ailleurs, acheter des aliments à ceux qui en vendent, etc. Apparaissent ainsi des relations de dépendance et de hiérarchie entre les producteurs de la zone.

Une différenciation plus marquée entre les agriculteurs. Ainsi on observe qu’il existe une différenciation au sein des agriculteurs. Certains vont être beaucoup plus affectés que d’autres. Le critère de différenciation majeur est celui de l’accès à l’eau et aux infrastructures d’irrigation. Ceux qui ont un problème d’accès à l’eau et ne possèdent pas d’irrigation sont fortement affectés comme expliqué ci-dessus. Cependant, il s’avère que ceux qui ont ces systèmes d’irrigation le sont dans une moindre mesure, selon la superficie qu’ils peuvent irriguer. Ceux qui souffrent le plus sont donc les petits paysans non entièrement dédiés à l’agriculture et qui n’ont pas les moyens d’investir dans l’irrigation pour leurs cultures.

PREMIERES PISTES D’ADAPTATION ET DE MITIGATION AU CHANGEMENT CLIMATIQUE

Diversité signifie durabilité

Si on pense le changement climatique comme un risque alors, pour éviter les catastrophes naturelles, il faut jouer sur la vulnérabilité, le changement climatique étant déjà un fait présent et inévitable. Pour limiter la vulnérabilité, il est nécessaire de réintroduire de la variabilité et de la diversité génétique autant dans les espèces cultivées que naturelles, la biodiversité s’est perdue du fait de l’orientation par les politiques publiques des systèmes de production paysans vers la vente. Les agriculteurs qui dépendent d’une seule culture ou d’une industrie unique sont vulnérables aux changements technologiques, aux marchés internationaux et aux phénomènes naturels. Les plus vulnérables sont les familles qui ne cultivent plus pour leur subsistance et dépendent des revenus des cultures de rente pour acheter leurs aliments (CONADI, MUNOZ, 2015). On assiste à une érosion génétique qui évolue à un rythme sans précédent dans l’histoire de l’humanité. On aurait perdu approximativement 90% de la diversité biologique agricole au début du siècle dernier pour les principales cultures (CONADI, MUNOZ, 2015). Par exemple, la quinoa a presque disparue de la région, mais sauvée par un pro-gramme de l’INDAP en 2005. Sauver, multiplier et semer les semences paysannes locales

Dans la zone d’étude la majorité des agriculteurs utilisent des semences certifiées achetées chez les commerçants de Temuco ou distribuées par les programmes d’assistance technique. Bien que ces semences présentent des avantages comme leur pureté et leur qualité, elles sont chères, non adaptées aux conditions pédoclimatiques de la zone, ne peuvent exprimer tout leur potentiel génétiques du fait des conditions difficile (sols, climat) et sont non reproductibles car sont hybrides. Ainsi, les semences paysannes présentent les avantages d’être plus adaptées du point de vue de leur mitigation du changement climatique car sont le fruit de sélections massales réalisées depuis des générations par les agriculteurs de la région. En effet, leur multiplication est simple, leur résistance et surtout résilience aux évènements climatiques de la zone, type sécheresses et gelées, est élevée et enfin elles permettent de pro-duire de nombreux aliments pour l’autoconsommation. Exemples de semences et espèces animales traditionnelles de la zone à préserver :

Legumbres : Poroto araucano ; Porotos pallares (blancs, noirs, violets, café) ; poroto señorita ; Poroto cabrita ; Poroto caballero ; Poroto riñon ; Poroto perdrix

Céréales : Quinoa morada ; Quinoa amarilla ; Blé colmillo de perro (résistant au champignon Tilletia foetida) ; Blé capel ; Mais 7 corridas ; des variétés de mais doux

Légumes : Blette (acelga) morada de tallo ; Blette jaune ; Fève (haba) noire ; Fève eau douce (agua dulce)

Arbres fruitiers : Pomme citron ; Pomme tête d’enfant (cabeza de niño) ; Cerise coeur de pigeon (corazón de paloma, jaune ou rouge) ; pèches ; poires ; groseilles ; Fraise Fragaria chilensis blanche (résistante à la virosis et très bonnes propriétés organolep-tiques)

Animaux : Porc Duroc aux yeux colorés (très rustique, produit plus de viande que de graisse, met le double de temps que les espèces actuelles pour grossir) ; Bovin overo negro ; chevaux chilote (de petite taille, apportés par les espagnols) ; mouton chilote (noires), brebis Safolck (produit uniquement de la viande), brebis Hunshaller (produc-tion de viande et laine) ; poule araucane ou Collunca (la poule originaire de la zone, qui pond des oeufs bleus) Certaines espèces de la zone ont déjà quasiment disparues : le chicharro (sorte de

lupin), le garbanzo (une sorte de haricot), les lentilles, la arveja freezer, le haricot Sofia, la pomme de terre chilote, la pomme de terre morron, des variétés de pêches, la cerise noire, la pomme citron et le blé zenteno. Jouer sur les races d’animaux et les variétés cul

L’exemple des porcs : Aujourd’hui les porcs blancs européens sont légions dans la zone, et ont été implantés du fait de leur plus grande prolificité. Mais il y a à peine quelques dizaines d’années étaient présentes des races locales sur le territoire. Aujourd’hui les porcs sont beaucoup plus fragiles face au changement de température et au climat et tombent plus facilement malade. De plus ils ont besoin de plus d’aliments et d’aliments plus énergétiques pour croître de la même manière. Par conséquent cela pose problème dans un contexte de sécheresse récurrente et de manque d’accès aux ressources fourragères. Apprendre à travailler et gérer les prairies pour qu’elles soient plus productives

Aujourd’hui, par manque de pâturage et de ressources fourragères, certains éleveurs se voient dans l’obligation de laisser leurs animaux plusieurs mois sur les terres des fundos, car ils possèdent de meilleures structures d’irrigation et ont une meilleure gestion de leurs prairies. Aujourd’hui certains PDTI font des parcelles de démonstration de pairies en association Avoine fourragère-Trèfle rose-Ray Grass (paysage de résidus de récolte semés en herbe). Cette association permet d’augmenter les ressources fourragères, sans avoir besoin de plus de surface. C’est l’intensification de la production des prairies. Le trèfle rose ne se pâture pas, on en fait du foin. Cependant, une part importante des agriculteurs de la zone n’exploitent pas leurs parcelles de façon optimale en ne semant pas de prairies, du fait du manque de capital et/ou de temps à y consacrer. Il existe un programme de récupération des sols, qui promeut le chaulage des sols, quoi sont acides et donc empêche l’implantation de prairies. Pour pouvoir postuler aux projets de prairies, il faut d’abord avoir des sols aptes. Le problème est que les communautés ne se sentent pas concernées par ce problème et ne s’intéressent pas à ces programmes. Problème de l’eau : Récolter et accumuler pour pouvoir irriguer

Le problème n’est pas le manque d’eau, car il y en a en excès à certaines périodes. On alterne entre périodes d’excès et de déficit hydrique. Le problème se pose sur comment récolter et accumuler l’eau. Aujourd’hui il existe de nombreuses technologies qui pourraient être mises en place dans la zone, comme des récipients accumulateurs à côté des serres, des canaux, des gouttières et canalisations, etc. Il existe des projets en cours de la CONADI et de l’INDAP mais ils sont insuffisants et ne sont pas accessibles à tous. Pour postuler aux projets INDAP il faut avoir des « Derechos de Agua ». Pour postuler à certains projets du gouvernement ré-gional cela n’est parfois pas nécessaire. Les communautés sont donc exclues de certains projets car n’ont pas ces Derechos de Agua. Limiter les plantations de bois exotiques et replanter avec du bois natif (nativo)

Les espèces natives ont la réputation parmi les producteurs locaux de capter l’eau, tandis que les plantations assèchent la zone. Par exemple on peut nommer comme espèces le Canelo, le Maqui, le Chilco et la Nalca. Il faudrait replanter avec des plantes natives pour pouvoir récu-pérer l’eau dans les lieux où naissent les sources. Une nouvelle politique agricole d’adaptation et non plus de réaction ?

A la place des plans d’urgence, qui vont finir par être activés tous les ans, il faudrait redéfinir les lignes de travail des programmes de développement locaux et leur donner les moyens pour affronter ce changement climatique, entre autres. Il faudrait adapter des lignes de travail au niveau régional et non plus au niveau national. Il pourrait être intéressant d’expérimenter l’intégration de contrats d’assurances adaptés aux petits agriculteurs dans les politiques et programmes de développement, et notamment au sein de l’INDAP, qui propose déjà des crédits adaptés aux agriculteurs. Impulser le développement de coopérative pour faire face à la volatilité des prix et marchés

Le travail en coopérative permettrait aux producteurs de ne plus être à la merci des prix des ferias paysannes et des commerçants. Cependant il existe peu de coopératives actuellement au Chili, du fait de l’histoire. Les agriculteurs Mapuche ont beaucoup de mal à travailler ensemble, il y a un important manque de confiance et d’expérience de travail et de gestion en commune. Le Ministère du Développement Social est en train d’impulser une politique de formation de coopératives. Pratiques et technologies basées sur l’agro-écologie pour mitiger les effets de la sécheresse

1. Une bonne gestion des sols, dont l’objectif est de les enrichir en matière organique et de le garder toujours couverts, permet à l’eau de pénétrer dans le sol. Ainsi on récupère plus d’eau de pluie stockée dans le sol, et on limite l’érosion et la perte de l’horizon superficielle du sol en limitant le ruissellement. Un sol riche en matière or-ganique résiste beaucoup mieux à l’érosion générée par la pluie et retient mieux l’eau ainsi que les éléments minéraux, donc le rend plus fertile.

2. La construction de canaux le long des lignes de niveau, c'est-à-dire perpendiculaires à la pente, permet également de récupérer l’eau de pluie et ainsi limiter son ruissellement et l’avoir à disposition pour irriguer. En effet on peut faire arriver l’eau des ca-naux au niveau d’un puit d’accumulation. On va ainsi former des terrasses plus ou moins étroites selon l’intensité de la pente On solutionne à la fois les problèmes d’érosion et on accumule plus d’eau dans le sol.

3. La « récolte » de l’eau de pluie. Pour cela il existe de nombreuses technologies. On peut citer les puits d’accumulation. On installe des tuyaux qui récupèrent l’eau qui ruisselle de la parcelle et l’amène au niveau du puit. Un système de siphon permet alors d’irriguer d’autres parcelles. Egalement on peut construire des gouttières au niveau des habitations, gouttières qui amènent l’eau jusqu’à un puit. Pour récupérer cette eau on peut utiliser un moteur manuel, ce qui permet de diminuer les dépenses en électricité.

4. L’implémentation de parcelles en système sylvo-agropastoral, au niveau des zones les plus en pente, avec quelques arbres fourragers, permet également de limiter la perte d’eau. Les arbres peuvent servir pour différents usages. Ils peuvent être fourragers pour l’alimentation des animaux ; ils permettre un transfert vertical de fertilité (TFV) ; les légumineux aident à la fertilisation en azote ; les autres peuvent être utilisés pour le bois d’oeuvre ou le bois de chauffage. On peut citer comme exemple d’arbre fourrager et légumineux le Tagasaste. Une parcelle en système sylvo-agropastoral permet ainsi de générer une diversité importante de produits sur un espace réduit, notamment du bois, de la viande, de la laine, des fleurs, des services écosystémiques, etc. On arrive ainsi à intensifier le système en augmentant sa productivité physique. Ainsi les sys-tèmes

agroforestiers sont des systèmes mitigateurs des effets du changement clima-tique. Les arbres sont les « amortisseurs » du système. Si une année est sèche, il va dé-livrer de l’ombre aux cultures et limiter l’évapotranspiration ; s’il y a beaucoup de ge-lées l’arbre va diminuer ses effets, etc.

CONCLUSION ET PERSPECTIVES D’AVENIR

LE CHANGEMENT CLIMATIQUE, UN FACTEUR PARMI D’AUTRES DANS LE DEVELOPPEMENT AGRAIRE DE LA ZONE D’ETUDE

L’aspect changement climatique est seulement un des facteurs qui orientent le développement agraire du territoire étudié. En effet, les politiques publiques de développement impulsées par les acteurs institutionnels tels que l’INDAP (Institut de Développement Agraire) et la Municipalité sont clés car il s’agit de territoires très intervenus. Cette intervention est en partie due au fait que le territoire étudié est une zone de communautés indigènes Mapuche. Par conséquent plus de programmes et d’institutions sont impliqués comme notamment la CONADI (Corporation Nationale de Développement Indigène). Par ailleurs, les prix et le marché sont d’autres facteurs importants de développement. Enfin, l’histoire et notamment l’époque de la « Pacification de l’Araucanie » ont joué un rôle clé dans ce qu’est la situation agraire actuelle des communautés indigènes en figeant le facteur de production qu’est la terre pour ces populations, et qui se trouve être aujourd’hui un des facteurs limitant de la production agricole de la zone. C’est cette limitation, ainsi qu’un manque important de capital, qui favorise la vulnérabilité au changement climatique.

En effet, un des problèmes majeurs auquel sont confrontés les agriculteurs de la zone

d’étude est celui de la récurrence des sécheresses ces dernières années. Mais seulement les agriculteurs les plus modestes, qui ne peuvent investir dans des infrastructures d’irrigation, se voient affectés par cet aléa climatique. Le problème n’est pas un manque d’eau. La zone en est plutôt bien pourvue du fait de deux fleuves qui l’entourent ainsi que des sources qui émanent de la chaîne de colline qui la borde au Sud. Ainsi la difficulté est son bel et bien son accès, qui pourrait notamment être facilité par l’intermédiaire des politiques publiques et d’une volonté des institutions. Le problème actuel étant que les politiques publiques de soutien aux agriculteurs en cas de crise climatique sont seulement des mesures de court et moyen terme, de réponse à la crise, mais aucune politique avec une vision de développement de long terme face à ce changement climatique n’est pour l’instant développée. On peut évoquer notamment un besoin de réforme en ce qui concerne les derechos de agua, ainsi que la nécessité de réaliser des études hydrogéologiques pour localiser les sources d’eau, etc., ainsi que le développement d’une administration de veille météorologique qui serait dédiée à avertir les agriculteurs de la venue d’une gelée, etc.

UN TERRITOIRE RURAL PAYSAN TRES INTERVENU MAIS QUI PRESENTE QUELQUES PISTES D’ADAPTATION PROPRES AU CHANGEMENT CLIMATIQUE

D’après les témoignages recueillis, cette zone d’agriculture familiale paysanne Mapuche est très intervenue. Il s’agit d’un territoire recouvert entièrement par l’action des programmes de développement ruraux locaux. Beaucoup des traditions et de pratiques ancestrales Mapuche ont été perdues au cours du temps. Aujourd’hui une grande majorité des membres des communautés appartiennent à un de ces programmes de développement, qui prônent pour la plupart un développement vers une production à plus grande échelle et tournée vers la commercialisation, basé sur les dernières technologies agricoles comme les semences certifiées. Cependant, il existe toujours quelques pratiques paysannes qui constituent de bonnes voies d’adaptation au changement climatique :

La résilience des systèmes de production se base sur leur diversité. Ainsi, le fait que l’ensemble des systèmes de production identifiés soient tous des systèmes de polyculture-polyélevage et ne dépendent pas uniquement d’une ou deux production est un gage de leur résilience face aux aléas climatiques et du marché. Il faut donc tenter de préserver au maximum ce type de pratique, pour préserver la sécurité alimentaire des agriculteurs ;

Le travail et l’organisation communautaire est également une bonne voie de développement. En effet, les agriculteurs les moins affectés par les dernières sécheresses dans la zone d’étude sont ceux qui ce sont associés pour l’exploitation et l’utilisation en commune du canal d’Itinento, au nord de la zone d’étude ;

La préservation, multiplication et échange des semences traditionnelles locales, qui constituent le matériel génétique le mieux adapté aux conditions pédoclimatiques de la zone d’étude est également une action importante. Le fait est, qu’actuellement, il existe toujours quelques-unes de ces semences dans la zone d’étude. Cependant la plupart sont gardées « honteusement » par quelques femmes de la zone, qui sous estiment leur potentiel et pensent qu’elles sont mal vues du fait de l’orientation données par les programmes de développement. Par conséquent, en s’appuyant sur l’exemple de la « Red de Semillas Libres del WallMapu », il faudrait récupérer cette pratique ancestrale qu’est le Trafkintu, ou troc, ou échange entre les agriculteurs. Au cours de ces rencontres il ne s’agit pas seulement d’un échange de semences, mais également d’un partage de connaissances, de pratiques et la création de liens sociaux plus forts au sein des communautés.

LES LIMITES IDENTIFIEES A UNE DYNAMIQUE POSITIVE DE DEVELOPPEMENT AGRAIRE DURABLE ET INTREGRATIF

Les décisions politiques sont centralisées, et il y a un manque de participation et de concertation avec les communautés. Il y a une absence de dialogue avec l’agriculture fami-liale paysanne, une transmission des connaissances à sens unique, des techniciens aux agriculteurs. Les programmes de développement présentent des politiques de clientélisme et de subventions. Il faudrait développer un dialogue de savoirs, car on a un décalage entre les recommandations techniques et les particularités de la région.

Un des problèmes qui génère la situation de pauvreté actuelle au sein du territoire

est la faible disponibilité en terre qui limite le revenu des communautés. Le manque de terres est la principale restriction des communautés. Il serait ainsi nécessaire une réforme

des politiques foncières, notamment celles réalisées par la CONADI. En effet, les demandes que l’organisation reçoit dans le cadre des postulations pour les subsides pour l’achat de terres sont tellement nombreuses, qu’à l’heure actuelle l’attribution de ces subventions se fait au tirage au sort. Il est également évident que, dans les systèmes de production des communautés, il y a un manque de capitalisation dans les infrastructures comme les étables, les barrages, les moyens de conservation des sols, l’infrastructure d’irrigation, un germoplasme de qualité, les machines, les équipements, les outils et le matériel de travail (VIVALLO, 2011). Ainsi les limites au développement des systèmes de production, sur lesquels il faudrait agir sont : la superficie des exploitations ; la faible accessibilité aux infrastructures et équipements modernes ; le manque de connaissances techniques ; la mauvaise qualité de l’eau et du sol ; et un bas niveau d’éducation ce qui limite le « transfert technologique ».

En effet, le fait est qu’actuellement, cette campagne à la périphérie de la ville est en

train d’être occupée comme dortoir d’une partie des employés de la ville. La majorité des jeunes ne vivent pas de leur terre, mais vivent grâce à un emploi d’employé, dans les entreprises. Par conséquent, il faut agir pour que qu’ils continuent d’être des agriculteurs et ne se transforment pas en habitants ruraux.

Une autre difficulté se situe au niveau de l’absence d’organisation de circuits de

commercialisation structuré. Tout est fait de manière personnel et informelle. Il faudrait ainsi favoriser un travail coopératif entre les producteurs de la zone.

Il faudrait reconsidérer également l’éducation et la formation au sein des écoles

d’agronomie de la région. Il n’y a pas d’enseignement sur l’agriculture familiale paysanne Mapuche, qui constitue pourtant la réalité de l’agriculture de la région. Les futurs professionnels agronomes n’ont pas la formation ni les outils pour comprendre l’agriculture et la culture Mapuche. On pourrait donc implémenter des cours d’anthropologie agricole, de sociologie de l’alimentation, et de Mapuzungun (langue mapuche) etc. Les professionnels, du fait de leur formation, tentent d’imposer un autre modèle d’agriculture non adapté aux conditions auxquelles sont confrontées les communautés Mapuche. Il est nécessaire de considérer la culture pour comprendre les Systèmes de Production. On assiste ainsi à une « érosion » de la culture et de la cosmovision des communautés.