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L'ADAPTATION INSTITUTIONNELLE DE LA RUSSIE POSTSOVIÉTIQUE : ENTRE FAITS ET THÉORIES Anne-Marie Crétiéneau De Boeck Supérieur | Innovations 2007/2 - n° 26 pages 11 à 27 ISSN 1267-4982 Article disponible en ligne à l'adresse: -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- http://www.cairn.info/revue-innovations-2007-2-page-11.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Pour citer cet article : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Crétiéneau Anne-Marie, « L'adaptation institutionnelle de la Russie postsoviétique : entre faits et théories », Innovations, 2007/2 n° 26, p. 11-27. DOI : 10.3917/inno.026.0011 -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour De Boeck Supérieur. © De Boeck Supérieur. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. 1 / 1 Document téléchargé depuis www.cairn.info - National Chung Hsing University - - 140.120.135.222 - 13/04/2014 03h01. © De Boeck Supérieur Document téléchargé depuis www.cairn.info - National Chung Hsing University - - 140.120.135.222 - 13/04/2014 03h01. © De Boeck Supérieur

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L'ADAPTATION INSTITUTIONNELLE DE LA RUSSIEPOSTSOVIÉTIQUE : ENTRE FAITS ET THÉORIES Anne-Marie Crétiéneau De Boeck Supérieur | Innovations 2007/2 - n° 26pages 11 à 27

ISSN 1267-4982

Article disponible en ligne à l'adresse:

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------http://www.cairn.info/revue-innovations-2007-2-page-11.htm

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Pour citer cet article :

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Crétiéneau Anne-Marie, « L'adaptation institutionnelle de la Russie postsoviétique : entre faits et théories »,

Innovations, 2007/2 n° 26, p. 11-27. DOI : 10.3917/inno.026.0011

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L’ADAPTATIONINSTITUTIONNELLE DE LA

RUSSIE POSTSOVIÉTIQUE :ENTRE FAITS ET THÉORIES

Anne-Marie CRÉTIÉNEAUUniversité de Poitiers

Centre d’Études sur le Développement Économique et SocialLab.RII (EA 3604)

[email protected]

Quinze ans après la mise en œuvre du Consensus de Washington, l’interpré-tation des changements institutionnels s’avère délicate en Russie. Avec desperformances plus faibles et des évolutions spécifiques dans ses institutionssociales et économiques, et dans leurs interrelations, ce pays présente unmode de régulation particulier et des perspectives qui divergent sensible-ment de celles des pays ayant intégré l’Union européenne (UE).

Aucune économie postsocialiste n’a connu l’émergence instantanée desinstitutions de marché promise par l’optimisme libéral impulsé par la théorienéo-classique standard et tous ces pays ont affronté des obstacles et réorientéleur politique de réforme pour faciliter les changements institutionnels. Par-tout les transformations structurelles ont été freinées quand elles n’ont pasété simplement formelles. Quant aux comportements et mentalités desagents, ils n’ont nulle part évolué comme le présupposait la stratégie d’uneéconomie de marché « fournie clés en main ». La Russie se distingue dans cemouvement global vers l’économie de marché parce qu’elle connaît uneadaptation institutionnelle difficile à interpréter et qui suscite des interroga-tions dans le champ de la théorie économique.

D’un côté, certaines évolutions en Russie évoquent un développemententravé des institutions d’une économie de marché « pleinement élaborée »ou « fonctionnant bien », et peuvent même caractériser un relatif sous-déve-loppement. D’un autre côté, la Russie postsoviétique dispose d’atouts et,parmi ceux-là, les capacités d’adaptation dont la société fait preuve. Unesimple lecture en termes de résistances aux changements ne convient pas ici,

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car l’évolution des institutions y est spécifique, notamment par son caractèreendogène. Ceci explique que la Russie soit devenue un champ d’investiga-tion privilégié pour les néo-institutionnalistes en quête d’expérience inéditede changements institutionnels majeurs.

Ces tendances fortement contradictoires de l’économie et de la sociétérusses sont au fondement de notre problématique. Les deux caractérisationsantithétiques du développement institutionnel se présentent en effet simulta-nément dans l’économie russe, d’où les difficultés d’interprétation des chan-gements d’une part, et l’apport potentiel à la recherche théorique d’autre part.L’idée que nous développons est que les capacités d’adaptation institution-nelle peuvent produire un développement socio-économique différent de ceuxhabituellement retenus dans les analyses économiques. Nous nous interroge-rons donc d’abord sur la flexibilité institutionnelle, que seule la littératureéconomique non orthodoxe accepte de reprendre comme hypothèse de tra-vail, pour ensuite essayer de mieux saisir cet autre développement.

UNE FLEXIBILITÉ INSTITUTIONNELLE QUE TENTENT D’ANALYSER LES THÈSES « NÉO-INSTITUTIONNALISTES »

En général la littérature sur les économies en transition insiste sur les freinsinstitutionnels que rencontrent les réformes. Pourtant la société russe peutfaire preuve d’innovation institutionnelle, même si celle-ci est exclue deschangements attendus par les économistes réformateurs de l’approche « néo-classique standard ». Cette flexibilité institutionnelle doit être replacée dansson contexte historique et analysée à la lumière des thèses dites néo-institu-tionnalistes et régulationnistes, approches qui seront donc évoquées ensuite.

La société et l’économie russes peuvent faire preuve de flexibilité institutionnelle

Revenons d’abord sur le postulat de rigidités institutionnelles qui a con-traint, et contraint encore, l’analyse des économies en transition et empêched’y déceler des mouvements spontanés d’ordre institutionnel. Paradoxale-ment, l’œuvre de l’économiste hongrois Kornai (1984, 1996, 2000) semblefournir autant d’éléments en faveur de l’hypothèse de flexibilité que du pos-tulat de rigidités s’agissant des institutions des économies socialistes puispostsocialistes, et c’est toutefois le second qu’il mettra en avant. Bien qu’il pré-tende mener une analyse positive, les « causes institutionnelles profondes » àl’origine des phénomènes caractéristiques du système communiste ne sont

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que l’antithèse de celles visées par la transition. Cette approche des change-ments institutionnels s’est très répandue dans le milieu des années 1990. Ellese qualifie parfois de néo-institutionnaliste ou d’évolutionniste, brouillantainsi les interprétations théoriques, et est indissociable de l’approche du(dys)fonctionnement de l’économie socialiste.

Déjà le postulat de « rupture » permet d’opposer l’économie socialisteavec ses rigidités à l’économie postsocialiste susceptible de flexibilité. Ensuiteviennent les désillusions provoquées par le Consensus de Washington, et leconstat que les marchés n’émergent pas spontanément. On décèle un videinstitutionnel entre la fin de la coordination bureaucratique et la création ducadre nécessaire pour des mécanismes autorégulateurs marchands. Les com-portements et mentalités deviennent objets d’étude alors que l’analyseapprofondit sur les difficultés que rencontrent les transformations structurel-les. Au milieu des années 1990 on reconnaît qu’il y aura autant de transi-tions que de pays et que la culture locale est un argument entrant dans lafonction de transition. Mais le postulat du manque de flexibilité persiste et la« masse critique » de changements exigerait un « big-bang institutionnel »(Grosfeld, 1995). Lichtenstein (1996) a vivement critiqué cette positionprétendument néo-institutionnaliste qui en vient à vanter l’économie capi-taliste de marché générant des comportements et des mentalités socialementsouhaitables. Les institutions de l’économie de marché se trouvent réduitesà des instruments de rationalisation des comportements. Et c’est l’ordresocial visé qui permet d’apprécier leur efficience. L’examen de la réalité éco-nomique et sociale russe invite cependant à ne pas conclure hâtivement surla question du mouvement ou de l’inertie des institutions.

Sur certains plans, la théorisation n’est pas si éloignée des réalités, pourdeux raisons : 1) en postulant l’efficience et la flexibilité des institutions del’économie de marché, on repère facilement celles qui sont inefficientes àcause des sentiers de dépendance et des irréversibilités ; 2) cette théorisationn’étant pas indépendante des réformes économiques appliquées, l’économiesocialiste puis postsocialiste est décrite à l’aune des réformes qu’elle subit etde leurs effets observables, comme l’illustre l’analyse de Kornai (2003). Surbien d’autres plans les phénomènes observés sont toutefois loin de confirmerla théorisation. D’abord l’économie soviétique n’était pas planifiée mais cen-tralement gérée. Les entreprises ont toujours disposé d’une marge d’autono-mie car les activités de production sont de facto décentralisées et, dans cesystème, l’unité assume une fonction sociale importante. Durant la transi-tion, où il est question de durcir sa contrainte budgétaire en risquant lafaillite, l’entreprise vise naturellement sa survie et mobilise tous les moyensd’y parvenir.

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Ensuite, les relations horizontales, importantes dans l’économie soviéti-que, ont été négligées dans les théorisations. Pourtant, même sous Brejnev,la société n’a pas été immobile (Naishul, 1993). Cette capacité d’adaptation afait émerger des institutions permettant à la population de survivre et a sauvél’économie de la faillite dans les années 1980-90. Le droit coutumier s’étaitfortement développé et le pouvoir de la base sur la planification accentué dèsles années 1960. Cette dérégulation spontanée donne une économie de mar-ché particulière car administrée, et où la monnaie n’est pas une vraie monnaiemarchande. La transition a détruit les obligations contractuelles, désorganisél’économie et la société, et stoppé le développement socio-économique spon-tané (ibid.). Pour Pouliquen (1994), les rapports horizontaux sont importantscar ils forment les assises essentielles de la dépendance verticale, ce qui per-met d’administrer l’économie. Cette représentation s’oppose à l’idée que leseul remède puisse être l’introduction ou le renforcement de l’autorégulationmonétaire-marchande.

Enfin, la spécificité et les difficultés de la monétisation de l’économie russemontrent le décalage entre la représentation dominante d’une Russie caracté-risée par des rigidités institutionnelles et des path dependencies d’une part, et lesressorts de l’adaptation de la société russe d’autre part. Les modes de finance-ment des activités économiques dans les années 1990 témoignent de pratiquesinnovantes. A côté du non-paiement, la grande diversité des moyens de règle-ment non monétaires est frappante. En Russie le troc regroupe « tout unensemble de formes d’échange selon lesquelles la marchandise est utiliséecomme moyen de paiement » (Ould-Ahmed, 2004). Il s’est fortement déve-loppé dans les années 1990 pour régler dettes, salaires, impôts… L’émergencede ces monnaies privées ne pouvant servir que dans un nombre restreintd’échanges suggère une démonétisation de l’économie. Ces moyens alternatifsimaginés par les acteurs pour leurs activités nous amènent à trois constats :

– Au tout début de la transition la dette interentreprises (DIE) s’accu-mule. C’est une des modalités d’ajustement des entreprises qui débou-che sur la gestion du risque systémique. Si au niveau microéconomique,la DIE est un substitut au financement bancaire, au niveau macroéco-nomique, elle est souvent interprétée comme un substitut à une créa-tion monétaire.

– La rémanence des règlements sous des formes non monétaires alorsque les causes apparentes en ont disparu, montre que le troc (au senslarge) assure une fonction d’instance de paiement et de financementalternative (ibid.). L’innovation institutionnelle persiste alors que letroc n’est pas spécialement le fait des anciennes unités productives, oudes moins performantes. Il est organisé sous la forme d’un réseau et lesavantages qu’il procure aux entreprises membres sont tels qu’apparte-

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nir à ce système de paiement privé constitue un investissement qui apris un caractère irréversible.

– Le troc s’est développé sous l’effet des politiques monétaires restric-tives et du comportement spéculatif des banques. Sous l’angle dyna-mique, il peut être paradoxalement interprété comme réaffirmant lecaractère monétaire de l’économie (ibid.).

Sur le plan sociologique, pour survivre les ressorts sont multiples et s’ap-puient sur la tradition communautariste russe et l’esprit collectiviste héritédu communisme (Rousselet, 1996). Les stratégies appliquées par la popula-tion russe paupérisée telles que l’autoproduction alimentaire ou l’entraide(en argent, en nature, ou en travail) constituent des réponses socialementadaptées aux nécessités de la subsistance humaine. Elles participent d’un cer-tain développement et ne sont pas de simples résurgences temporaires d’unesociété traditionnelle, agraire et « sous-développée », contrairement à cequ’affirme Rousselet en 2005.

La grille d’analyse et les présupposés théoriques viennent toujours con-traindre la lecture et l’interprétation de la réalité socio-économique. Petr(1990) avait introduit une distinction judicieuse relativement à la réformede l’économie soviétique : elle est soit contrainte par l’idéologie, soit évolu-tionniste. Dans ce dernier cas, elle est de type instrumentaliste car, partantd’une analyse approfondie des problèmes, elle débouchera sur des solutionsimpliquant des modifications profondes dans le système, mais elle est incer-taine en termes de résultat. Des approches ont cherché à saisir le change-ment institutionnel en s’inscrivant dans cette optique, mais ne sont pas lesplus connues.

Les thèses relatives au changement institutionnel dans le cadre de cette transformation postsocialiste

Une réforme évolutionniste risque de se heurter au processus même d’évolu-tion de la société ; le constructivisme institutionnel présente de son coté uneforte contradiction, flagrante lors de la mise en œuvre des thérapies de choc.Des thèses alternatives sur le changement institutionnel insistent sur cettecontradiction et mènent une critique du constructivisme institutionnel et del’ingénierie économique et sociale. Elles s’intéressent aux dynamiques trans-formatrices et aux différents types d’économies capitalistes de marché. Nousallons voir que, bien que tous les économistes s’accordent sur le poids desinstitutions, la recherche dans ce domaine n’est encore qu’exploratoire etque les grilles générales restent peu adaptées aux spécificités russes.

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Critique du constructivisme institutionnel et limites de l’ingénierie économique et sociale

Dès 1992 la question de changement institutionnel se pose. La libéralisationest censée instaurer les conditions initiales pour que les marchés concurren-tiels émergent. Cette stratégie suppose un laisser faire institutionnel puisquel’autorégulation par les marchés permet la réallocation des ressources versles meilleures utilisations tout en transformant les structures productives.Fondamentalement la cohérence théorique d’une telle stratégie est assuréepar un présupposé d’ordre historique : émergeant spontanément les marchésn’ont pas à être construits. L’argument historique peut toutefois être retourné :le laisser faire en Europe occidentale n’a pu faire émerger les marchés quedans la mesure où ces économies présentaient déjà un ensemble particulierde dispositions institutionnelles ; c’est ce dispositif institutionnel qu’il con-vient donc de créer préalablement (Clague et Rausser, 1992).

Boyer (2001) insiste sur le fait que nous ne disposons que d’approches« kaléidoscopiques » pour saisir la « grande transformation russe ». Notam-ment, partant de l’hypothèse que la Russie présente des mécanismes demême nature que ceux des économies occidentales 1, nous prétendons savoirquelles sont les institutions qui lui sont indispensables. Or, la maturation desinstitutions du capitalisme s’est échelonnée sur plusieurs siècles, et certaines,comme le droit, la comptabilité et le système de crédit, constituent un ter-reau fondamental sans lequel il ne peut y avoir stabilité et bon fonctionnementde l’ensemble de l’édifice institutionnel. Enfin ce n’est pas un « bolchevismedu marché » qui crée la synergie entre la logique du pouvoir politique et lalogique économique visée par les réformes. Dans l’approche socio-historiqueles marchés sont des constructions sociales sophistiquées car ils sont le faitdes acteurs eux-mêmes, de leurs interactions, et émergent dans des condi-tions historiques précises. Dans le contexte de la transition russe, l’Etat pour-rait être l’instituteur du marché, s’il est en mesure d’exercer un pouvoircoercitif et incitatif instituant la logique marchande ainsi que le respect desdroits et des engagements. Ceci montre la faiblesse de l’analyse habituellequi veut que l’ordre social visé soit un Etat minimal (antinomie Etat/mar-ché) mais que le passage à l’économie de marché soit un projet politiqueimposé au niveau du gouvernement (antinomie constructivisme/ordre par lemarché).

Les références théoriques ne permettent pas de distinguer les différentesthèses en présence à propos du changement institutionnel des économies

1. On retrouve pour les économies en transition le schéma implicite qui domine les analyses dudéveloppement : ces économies soit sont à un stade antérieur ou inférieur dans le développementsocioéconomique, soit présentent une forme pathologique de l’économie développée.

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postsocialistes. Dès 1992, Poznanski souligne « l’activisme étatique » en vuede restaurer l’économie capitaliste. Ne serait-il pas plus évident de se fier aumécanisme de marché ? Car les marchés permettent également la créationd’institutions sociales et du cadre institutionnel approprié pour les activitésdes individus. En intervenant, l’Etat risque de bloquer le processus d’innova-tion institutionnelle (Murrell, 1992). Cette lecture évolutionnaire, « puriste »des théories libérales, s’oppose à l’idée qu’une institution sociale soit détruite(destruction prétendument créatrice) parce que « communiste » ou autoritai-rement créée car « capitaliste » (supposée efficace). Il y a paradoxe dans l’ap-proche dominante entre une méthode de transformation qui veut un Etat fortet le fait que la transformation vise un Etat minimal. La question de savoir sile capitalisme doit être imposé aux sociétés est fondamentale dans les scien-ces sociales.

Si la transition consiste en des changements institutionnels exogènes, lerisque est grand de ne pas atteindre l’objectif recherché. D’abord, dans l’opti-que de la transformation, « une forte volonté politique requiert le concoursactif de la société » (Wagener, 1998). Ensuite, la prise en compte des institu-tions ne peut réduire la transition à un processus de « construction des insti-tutions ». C’est une démarche ambitieuse qui conduit à appliquer à unesituation complexe des schémas « adaptés à des situations non complexes » ;le résultat est une perte de prise sur les évènements (Delorme, 1999). Enfin,le développement institutionnel endogène a été peu étudié dans la penséeéconomique. La grille de Hayek (1995) en constitue une exception notoire.Il distingue l’ordre spontané ou endogène de l’ordre exogène, construit, etrend compte ainsi de l’émergence d’institutions, et des logiques à l’œuvredans toute société à partir des motivations que sont la subsistance, le pouvoiret l’avoir.

Dynamiques transformatrices et institutions des économies capitalistes de marché

Grande a été l’illusion que le package de mesures du Consensus de Washingtonfournirait l’économie de marché clés en main (Crétiéneau, 2002). Deuxconstats s’imposent dans le milieu des années 1990. D’abord, ce modèle nepeut produire partout la même configuration institutionnelle. On reconnaîtla diversité des trajectoires (Sapir, 2005) et la possibilité d’un arrangementinstitutionnel durablement sub-optimal. D’autre part, ce modèle de transi-tion produit un « capitalisme sauvage ». Or, pour qu’une économie de mar-ché « fonctionne bien » (Haddad, 1996), il faut davantage qu’un dispositifinstitutionnel pour des marchés efficaces dont une infrastructure pourl’innovation, un développement du capital humain, et une combinaisonjudicieuse de l’équité avec l’efficacité.

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Les tenants de la théorie néo-classique « standard », comme les adeptesd’une approche néo-institutionnaliste, ont reconnu le poids des institutionspour expliquer les divergences dans les dynamiques de croissance entre leséconomies postsocialistes. Des facteurs comme la gouvernance, la libertééconomique, la stabilité politique, le degré de risque-pays ou la corruptionont été pris en compte. Des travaux prennent en considération l’étendue durespect des lois et des règles. L’approche par l’effet de sentier cherche à intégrerl’articulation entre les institutions et le contexte politique. Notamment lalégitimation du pouvoir devient une condition nécessaire pour que les droitset règles soient respectés et les contrats honorés.

La diversité des trajectoires nationales exprime la combinaison spécifiquequ’obtient chaque pays avec ses éléments institutionnels hérités et les nou-velles institutions créées sur le modèle occidental. Magnin (1999) dresse unetypologie des différents capitalismes, dont un capitalisme postsocialiste pré-sentant un certain nombre de caractéristiques aux niveaux des systèmes pro-ductif et financier, du « compromis socio-économique » et de l’Etat. Parmiles traits distinctifs majeurs se trouvent les relations de propriété et le méca-nisme de crédit. Bien qu’exclue par l’auteur, la Russie est concernée par lastructure originale du capital (frontières entre propriétés publique et privée),l’importance des réseaux, le poids de l’Etat, de l’économie informelle, le sec-teur bancaire peu concurrentiel, entre autres. L’importance des institutionss’est imposée dans l’analyse empirique mais l’approche des néo-institution-nalistes reste en général académique et encore méconnue des gouvernants.De leur côté, les représentants du Consensus de Washington (Williamson,2004) reconnaissent l’importance du changement institutionnel dans latransformation économique en négligeant cependant le fait que, pour mettreen place un noyau institutionnel, il est indispensable d’en déterminer les formesconcrètes.

La réponse néo-institutionnaliste veut surmonter les difficultés de défini-tion et de caractérisation concrète des institutions. La définition des institu-tions de North est souvent retenue : les institutions sont les règles du jeudans une société, et, plus formellement, les limitations au libre compor-tement des individus imposées par la société et déterminant les relationsinterindividuelles. Elles ont donc beaucoup d’impact sur les interactionséconomiques, sociales et politiques. Dans leurs interrelations, les institu-tions sont, chacune, renforcées par les autres arrangements institutionnelsde la société, et l’efficacité est appréciée au niveau de l’ensemble (Berrou etCarrincazeaux, 2005). Cinq secteurs institutionnels sont distingués : le mar-ché des produits, le marché du travail, le système financier, le système deprotection sociale et le système éducatif. Redek et Susjan (2005) insistent

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sur les produits du passé que constituent les institutions dans les économiesqui sortent du communisme : le système légal, les droits de propriété, le sys-tème financier et tout un ensemble constitué de facteurs culturels, reli-gieux…, sans oublier le pouvoir de l’Etat. On a là un cadre institutionneladapté au passé et loin d’être en accord avec les nécessités du présent.

En prenant comme indicateur le durcissement de la contrainte budgé-taire (Maurel, 2006), la situation russe apparaît dramatique, avec au moinstrois obstacles interdépendants : le développement du troc, la sélectionadverse par les banques, le non-respect du droit des propriétaires. SelonOleinik (2005), une attention particulière accordée au niveau de confianceet au type d’autorité fait ressortir un niveau de confiance institutionnel etgénéral très faible et un pouvoir de type politico-économique. En appliquantune grille polanyienne, c’est à d’autres niveaux que seront repérées d’autresspécificités de la transformation russe : outre le problème de la monétisation,la commercialisation des moyens de production est incomplète, la terre n’estpas un bien privé au sens plein, et la relation de dépendance entre le travailet le salaire n’est pas effective. Au total, ces institutions de base n’étant pasconsolidées, les rapports marchands sont limités par d’autres relations socia-les (réciprocité…) et l’économie de marché au sens de Polanyi est toujoursen construction (Sanchez-Andres et March-Poquet, 2002).

UNE ÉCONOMIE DE SUBSISTANCE VIABLEFONDANT UN « AUTRE » DÉVELOPPEMENT

L’évolution des faits considérés habituellement significatifs pour juger dudéveloppement socio-économique d’un pays n’indique pas qu’une dynamiquevertueuse de développement se soit enclenchée. Certains phénomènes sug-gèreraient même une voie de sous-développement. Pour beaucoup la périodede transition s’est surtout traduite par un effondrement économique, un chô-mage de masse, une montée de la pauvreté, de la corruption et un accroisse-ment des inégalités, engageant le pays dans une voie qui n’était pas cellesouhaitée. Pourtant les perspectives ne sont pas si sombres, et les tendancesobservées depuis 1999 confirment que la société russe a su faire émerger uneéconomie de survie viable, certes difficile à saisir avec la grille classique, maisqui peut fonder un « autre » développement. Dans les paragraphes qui sui-vent sur les entreprises, les ménages et les relations économiques, on montreque la mise en œuvre de stratégies pour survivre produit une grande incerti-tude sur l’évolution du cadre institutionnel.

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Le rôle social des entreprises

Depuis le début de la transition l’implication sociale des entreprises a connutrois phases. Du début au milieu des années 1990, les entreprises cherchentspontanément à se concentrer sur leur fonction économique et abandonnentdes actifs du secteur social aux municipalités. A partir de 1997-1998 etjusqu’en 2000, c’est la décision de maintenir ces actifs qui s’impose. Enfin,depuis 2000 le choix fait par les dirigeants d’entreprise est de mettre envaleur ces infrastructures sociales. Les entreprises adopteraient à ce moment-là une stratégie de développement et ne seraient plus dans une simple luttepour leur survie. On peut aussi, de façon plus large, rattacher cela au con-texte politique (tension entre les oligarques et l’Etat) et y voir une stratégied’adaptation du côté des oligarques. Pour un certain nombre de firmes, ils’agit d’une véritable stratégie sociale (Lapina, 2006), bien qu’il n’y ait pas demodèle défini qui inspirerait l’entreprise socialement responsable.

Des entreprises mènent des actions de type externe qui concernent leurenvironnement (entretien de certains équipements, implication dans desactions de bienfaisance, etc.) et améliorent leurs relations notamment avecles autorités locales. Mais on ne peut pas dire qu’il y ait encore institution-nalisation de ces actions. Pour ce qui est de la dimension interne de l’actionsociale, l’entreprise fixe elle-même ses priorités et ses orientations. Entrel’octroi de compensations monétaires (santé) et la préservation des infras-tructures sociales difficile à maintenir en raison des coûts élevés (culture,sport, vacances), c’est la politique sociale mixte que choisit la majorité desgrandes entreprises (ibid.). Il est peu évident d’interpréter ce choix lié aussi àl’impossibilité de transférer ou vendre certaines infrastructures sociales, etaux attentes des salariés (avantages en nature). Il ne reflète pas un modèle etil est le fait de dirigeants qui s’avouent souvent contraints d’adopter une tellepolitique, et ne sont pas persuadés des bienfaits du paternalisme. Au niveaudes priorités l’entreprise concentre son action sur la formation profession-nelle à cause des restructurations et d’un marché du travail défaillant (insuf-fisance d’offre de travail qualifié). Il n’est pas dit que ce paternalismeraisonnable se répande mais l’idée fait son chemin chez les managers et pro-priétaires qu’une politique sociale bien élaborée et en coopération avec lesautorités « peut contribuer à la bonne marche des affaires » (ibid.).

Les stratégies de survie des individus et des ménages

La mise en œuvre de stratégies par les individus et les familles pour survivren’est pas propre à la Russie. De telles pratiques se sont répandues partoutdans le monde à partir des années 1980. Et on retrouve toujours les mêmestraits caractéristiques majeurs (Crétiéneau, 2005). Mais c’est un phénomène

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qui a été accentué en Russie. Le fait de « compter sur soi-même » qui corres-pond au principe de self-reliance (autonomie) acquiert une dimension politi-que marquée dans un pays où la rupture du contrat paternaliste par l’Etats’est conjuguée à une réelle ré-appropriation de l’initiative privée 2, et où lalutte pour la survie au quotidien vient se greffer sur des tendances et des pra-tiques portées en germe dans la société. On ne peut donc réduire ces pratiquesà des stratégies d’adaptation temporaires dues au recul de l’Etat-providence.Ce ne sont pas non plus des résurgences d’un passé lointain parce que l’ima-gination et la créativité mobilisées quand il est question de subsistance peu-vent réinventer les moyens de survie. Et la subsistance n’est jamais purementmatérielle ni exclusivement économique, que ce soit dans ses buts ou dans sesmoyens. Les relations tout comme l’ensemble des savoirs et savoir-faire consti-tuent des moyens de survie au moins aussi importants que des moyens maté-riels ou des ressources monétaires. Dans un contexte de manque de liquidités,pour la continuité des activités, les modes de financement et les activités éco-nomiques se sont diversifiés (Crétiéneau, 2006). En Russie, où la populationest bien plus sensible à des droits économiques qu’aux droits politiques(Désert, 2003), l’accès à la terre pour les plus démunis a été facilité. En 2003,plus de la moitié des familles russes disposent d’une parcelle de terre pourproduire pour soi-même et ses proches des biens alimentaires. Ajoutons l’exer-cice d’une activité, principale ou en sus, au noir ou « grise », ainsi que tous leséchanges et relations informels, et nous avons là une économie qui vientcontredire les théories économiques sur la monnaie et les marchés.

L’exemple de l’alimentaire illustre l’existence de solutions « non mar-chandes », alors que la monnaie (nationale) est encore une monnaie totalemais coexiste avec des monnaies privées, comme le troc, et des rapports deréciprocité et de solidarité. L’économie russe est à la fois une économiemonétaire et une économie du don. Seule une approche polanyienne del’institution et du développement monétaire permet d’éclairer ce constat(Crétiéneau, 2006). Dans cette optique, il est possible qu’au sein d’unemême société il y ait pluralité des modes de paiement, et une économie orga-nisée largement sur des échanges en nature n’est pas nécessairement vouée àla stagnation. L’existence de monnaie ne prouve pas l’existence de marché.Dans l’économie rationalisée, l’intégration sociale des individus se fait parles marchés, et c’est le « contrat » qui régit les rapports interindividuels. Lesactivités de survie limitent l’étendue de la régulation marchande dans lasociété, mettent en avant le statut, et dessinent une économie enchâssée dansle social. Les réseaux informels se développent selon une logique qui n’estpas celle de l’économie marchande, même si c’est en rapport avec celle-ci.

2. Mespoulet (2005) insiste sur ce phénomène déjà initié sous Gorbatchev, très spécifique dansle cas de la société russe.

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Trois points sont à soulever à propos des pratiques de survie 3. Le premierest l’importance de la famille. Elle fait naturellement le lien entre l’individuqui se rabat sur l’auto-assistance et la community self-reliance, puisque la stra-tégie appliquée par la famille va s’intégrer dans un réseau d’échanges. L’indi-vidu n’est pas perdu de vue mais l’auto-organisation produit un développementde la communauté (qui définit ses problèmes et élabore des stratégies pour yrépondre) (Crétiéneau, 2005). Et l’entraide familiale se renforce quand lasituation économique devient difficile.

Le second point est la différence de nature entre l’auto-organisation desindividus pour la survie et l’action collective organisée par la « sociétécivile ». La première est fondamentalement politique, car « faire sans l’État »,c’est facilement « faire contre l’État ». Une majorité de Russes affirment qu’ilest impossible de ne pas enfreindre la loi (Désert, 2003). Toutes les pratiquesde survie font émerger des contre-pouvoirs spontanés. Alors que lorsque la so-ciété civile se mobilise pour faire valoir la nécessité de répondre aux besoinshumains qui ne sont pas satisfaits par les marchés, elle produit des formes ins-titutionnelles (associations…) pour donner une résonance politique aux pro-blèmes sociaux, et ce n’est pas encore le cas en Russie (Mespoulet, 2005).

Le dernier point porte sur la position à adopter dans un objectif de déve-loppement économique. On a ici quatre a priori puissants démentis par lesfaits : (1) celui qui veut que les activités de survie soient contraintes alorsque de plus en plus de personnes dans une situation non objectivementextrême y recourent ; (2) celui qui les réduit à de la simple subsistance maté-rielle alors qu’il y a production de lien social et satisfaction de besoinshumains non matériels ; (3) celui qui confond autonomie et autarcie alors quel’extension des microactivités est source de développement local ; (4) celuiqui distingue la stratégie de survie de la stratégie d’investissement alors quel’auto-emploi, la pluriactivité (choisie), les très petites entreprises, leséchanges sans monnaie, l’entraide, les financements solidaires… sont autantde moyens 4 combinés en réalité servant directement un objectif de dévelop-pement humain et socialement soutenable (immoralité de certaines prati-ques à part).

L’institutionnalisation des relations économiques informelles

La Russie postsoviétique est un terrain d’observation privilégié pour les stra-tégies de survie des ménages et l’économie dite informelle, car elle boule-

3. Mespoulet (2005) en fait une description assez détaillée pour la Russie.4. Les migrations (internes ou externes) en font partie.

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verse des conceptions bien établies. Ses bonnes performances après avoirtraversé un cataclysme productif et une crise financière aiguë peuvent signi-fier que les règles de l’économie de marché (occidentale) sont en voie d’ins-titutionnalisation. Le renforcement du droit dans les relations économiques(Code pénal, Code du travail, réforme fiscale par exemple) a réussi à modi-fier les pratiques socioéconomiques sans pour autant faire reculer sérieuse-ment celles fondées sur les relations de confiance personnelle. Ce n’est plusune dichotomie qu’on observe, mais souvent une conjugaison, voire uneconvergence, entre les pratiques formelles transparentes, et les pratiquesinformelles (Rousselet, 2005). Dans les relations de travail par exemple, unerègle consistant à verser une partie de la rémunération au noir (en espèces ouen nature) devient stable et s’institutionnalise (Kossals et Ryvkina, 2003).« L’institutionnalisation de l’économie de l’ombre s’analyse comme la reconduc-tion […] de comportements informels stables et reconnus par l’ensemble desacteurs de cette économie ». Un certain nombre de pratiques se combinent etdonnent naissance à des institutions économiques. Ces pratiques compren-nent (1) des activités illicites devenues courantes (racket), (2) des normesde comportements informels (faux en écriture), (3) des relations économi-ques régulières « couvertes par des représentants de l’ordre public » (corrup-tion) et (4) la création d’organisations pour soutenir les activités illégales(officines…). Pour que cette économie informelle s’érige en système, elledoit se structurer, faire émerger des normes spécifiques de comportement, decoopération et d’organisation. Et c’est ce qui s’est produit même si les formesémergentes se sont diversifiées, et que certaines ont disparu.

La prolifération et l’institutionnalisation de pratiques et activités infor-melles dans la Russie postsoviétique ne sont pas que la conséquence d’unprogramme de réformes mal adapté et/ou mal appliqué. Il existe des raisonssociales profondes. La rupture avec l’Etat et même la “phobie de l’Etat”, quisuppose d’échapper à son contrôle dans ses activités, est une motivationimportante et répandue. La deuxième raison tient au tandem particulierfonctionnaire/entrepreneur qui a émergé dans le milieu des affaires (Ibid.).Dans un contexte où l’initiative privée devait se renforcer et les prérogativesde l’Etat diminuer, les fonctionnaires-bureaucrates ont su tirer profit de leursavantages et inciter entrepreneurs et hommes d’affaires à développer les pra-tiques informelles. Enfin, une dernière raison est la démission de l’Etat dansle domaine social et ses fonctions régaliennes, renforçant ainsi l’économiecriminelle (plus efficace). Dans le domaine social les règles officielles ne sontsouvent qu’une vitrine pour l’extérieur.

Au total, ce sont donc deux grandes catégories de formes institutionnel-les qui ont émergé (ibid.) : (1) des structures, activités et relations nées desporosités et des insuffisances de l’économie officielle : production clandes-

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tine, circulation illégale de marchandises et de capitaux, détournement defonds budgétaires, pots-de-vin… Et tous les secteurs d’activités sont concer-nés, y compris l’éducation et la médecine ; (2) Une seconde catégorie d’ins-titutions émerge en terrain « vierge » indépendamment des institutionséconomiques officielles, et regroupe des pratiques de « protection », de com-missions occultes… Ce n’est pas la seule stabilisation des formes à traversleur acceptation par les mœurs qui détermine leur devenir (par exemple sesoustraire à l’impôt est considéré « normal »), la détermination du pouvoirpolitique face à ces formes peut contrecarrer leur institutionnalisation(Rousselet, 2005).

CONCLUSION

La voie de développement socioéconomique qui se dessine dans la Russiepostsoviétique est « autre » par rapport à celle suivie par les économiesd’Europe centrale et orientale. Elle est « autre » que celle promise par leConsensus de Washington. La trajectoire que suit la Russie est faite dedémonétisation de l’économie, de cataclysmes (productif et financier), depaupérisation, d’exacerbation des inégalités et de délitement social, de ladéfaillance de l’Etat social, de la délégitimation du pouvoir politique, dunon-respect des droits, de la corruption et de la criminalité. Ce sont desaspects importants répandus dans les pays en développement qui peuventplonger une économie dans le chaos. La crise de 1998 a bien fait ressortircette profonde fragilité et cette grande instabilité de l’économie russe. Maisles évolutions constatées à partir de 1999 ne corroborent pas la thèse de lavoie du « sous-développement ». Depuis le début de la transition la sociétérusse a fait preuve de grandes capacités de résilience et d’adaptation. L’imagequ’elle donne est celle d’une économie de subsistance, à tous niveaux, viabledans le sens où elle consolide ses bases pour évoluer, mais où le pouvoir poli-tico-économique peut jouer un rôle déterminant.

La prudence invite donc à ne pas spéculer sur les tendances en matière dedéveloppement socio-économique. D’abord, la Russie constitue aujourd’huiun champ d’investigation privilégié pour les courants dits néo-institutionna-listes, régulationnistes ou évolutionnistes, mais on ne peut saisir l’adaptationinstitutionnelle qu’« entre faits et théories ». Les travaux, de plus en plus nom-breux sur le rôle des institutions dans le développement, n’offrent pas encorede théories pertinentes pour éclairer sur les changements institutionnels deséconomies postsocialistes. Une piste (Hodgson, 2006) consisterait, à repartirde la définition des institutions, abandonner la distinction formel/informel etréserver d’emblée à l’auto-organisation une place dans l’analyse qui reflète lephénomène majeur qu’il est en réalité. Ensuite, dans le prolongement de

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l’approche comparative des systèmes économiques soucieuse des institutions(Gedeon, 1997), des travaux ont exploré deux pistes qui ne se sont pas révé-lées jusque-là très fructueuses : « l’économie politique » dans une versioninstitutionnelle (Roland, 2002 ; Marangos, 2005) et la « transformation dela science économique » sous l’effet de la transition postsocialiste. Les ensei-gnements tirés des réformes invalideraient la théorie néo-classique et feraientprogresser la connaissance d’une économie supposée « bien fonctionner ». Leproblème reste le constructivisme qui vise un futur « théoriquement certain »,alors que dans une perspective évolutionnaire, le changement institutionnelest le produit des actions des individus et ne peut s’abstraire de la totalité queconstitue le social. Enfin, une autre piste (Abalkin, 1994) est de rompre avecla conception dominante réductrice du développement socioéconomiquequi s’est enfermée dans l’alternative « plus d’Etat ou plus de marché » avecl’idée que dans les deux cas l’ordre social se doit d’être construit. Sortir decette conception serait peut-être un préalable pour mieux décrypter leschangements institutionnels en Russie.

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