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Lundi 18 décembre 2006 - Palais du Luxembourg L’Entreprise Générale, vecteur de progrès technique et d’innovation

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Lundi 18 décembre 2006 - Palais du Luxembourg

L’Entreprise Générale, vecteurde progrès technique

et d’innovation

Bernard HUVELINPrésident EGF.BTP

Résumé de l’ouverture de Bernard HUVELIN,Président d’EGF.BTP :

A près l’image de l’entreprise géné-rale, ses divers modes de relationsavec le monde extérieur, le partena-

riat public/privé à deux reprises et les apportsde nos entreprises en tant qu’actrices impor-tantes de la vie économique et sociale, il était

important de consacrer l’une des Rencontresde la Construction au progrès technique, à lafois comme un acquis et comme une ambitionpour l’avenir et comme garantie de cette crois-sance recherchée par tous, entreprises et col-lectivité.

Bertrand FABREDirecteur desRédactions, Le Moniteur

Introduction de Bertrand FABRE Directeur des Rédactions, Le Moniteur :

L es entreprises générales, du faitmême de l’intégration des fonctionsqui les caractérisent, sont à même de

produire innovations techniques, progrès etperformances. Ces rencontres sont organiséescette année autour de deux tables rondes. Lapremière s’intitule « L’innovation en mar-che», cette innovation qui se rencontre notam-ment dans quelques grandes infrastructuresspectaculaires. N’oublions pas pour autant

que germe aussi, dans la vie quotidienne desentreprises générales, une multitude d’innova-tions, notamment sur les chantiers, à tous lesniveaux de responsabilité. Moins spectaculai-res en elles-mêmes, elles sont néanmoins,mises bout à bout, une source puissante deprogrès permanent. La seconde table rondes’intitulera donc « Les progrès au quotidien »

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1ère table ronde : L’INNOVATION EN MARCHE

LE PONT DE RION ANTIRION

« Lors de séismes, des fusibles permet-tent un déplacement latéral avec desvérins hydrauliques amortisseurs qui

freinent le déplacement »

Hubert BAURDirecteur de l’Ingénierie

et des Moyens Techniquesde Vinci Construction

Grands Projets

L e pont de Rion Antirion est le lienfixe entre le continent européen et lePéloponnèse, dans une zone sismique

avec une échelle Richter de 7, des plaques tec-toniques qui se vont se rapprocher d’environdeux mètres selon la prévision du contrat.Nous avons donc conçu un système de fonda-tions avec inclusion de tubes de 2 mètres dediamètre, battus sur 40 mètres de profondeurdans les sédiments au fond du détroit, couron-nés par une couche de glissement pour lessemelles destinée à dissiper une bonne partiede l’énergie sismique venant du substratum.Le tablier, d’environ 74 000 tonnes est sus-pendu d’une culée à l’autre sur 2 250 mètresde long. En période normale, il est comme unebalancelle au bord d’une piscine, suspenduuniquement par des haubans et tenu aux extré-mités par des bielles de deux mètres. Il a falluconcevoir des joints de chaussée autorisant un

souffle de 1,20 mètre de chaque côté. Pourque le tablier ne se déplace pas latéralementavec le vent, il est bloqué transversalement auniveau des appuis des pylônes et sur lesculées. Lors de séismes, des fusibles permet-tent un déplacement latéral avec des vérinshydrauliques amortisseurs qui freinent ledéplacement, de l’ordre de 2,60 mètres dans lesens transversal et de l’ordre de plus ou moins2,50 mètres dans le sens longitudinal du pont.Il a donc fallu inventer des déviateurs de façonà ce que, au moment du séisme, les torons nesoient pas blessés. Ce genre d’exercice n’a étéfaisable que parce que les ingénieurs de véri-fication, de bon niveau, se sont comportés enpartenaires.

Bertrand FABRE : “Cet ouvrage tellementinnovant dans sa conception et sa réalisa-tion a obtenu il y a quelques mois, le pre-mier Grand Prix National de l’Ingénierieremis solennellement par DominiquePerben à Messieurs de Maublanc etTeyssandier. Une autre innovation dansun genre tout à fait différent, ce sont lesgradins mobiles du Stade de France.Historiquement, c’était le Stade de Francelui-même qui était mobile avant d’avoirfinalement été implanté en Seine-Saint-Denis ! Maintenant, il est tout à fait sta-ble et immobile. En revanche, ses gradinssont mobiles ; un petit film va vous mon-trer comment. Pour le commenter : JeanBard, membre du consortium Maître d’ou-vrage, et Aymeric Zublena, un des mem-bres prestigieux de l’équipe d’architec-tes.”

Le pont de Rion Antirion3

LES GRADINS MOBILES DU STADE DE FRANCE

« Nous avons beaucoup travaillé avec lesarchitectes sur ce sujet »

L e principe des gradins mobiles per-met de transformer le Stade de Franced’un stade de football ou rugby de 80

000 places en un stade d’athlétisme de 75 000places - ne perdant donc que 5 000 places -cette transformation nécessitant le déplace-ment de 20 000 places, soit l’équivalent duStade Charlety ! L’opération avait été tardive-ment lancée par l’Etat en conception, réalisa-tion et exploitation. Pendant que les architec-tes travaillaient ardemment sur la conceptionglobale de l’ouvrage, les techniciens desentreprises réfléchissaient à la méthode possi-ble de déplacement des gradins. Nous avons

Jean BARDPrésident de la DélégationTechnique d’EGF.BTP trouvé des solutions innovantes et assez com-

plexes, puisqu’il s’agissait dans un premiertemps, de descendre 3 000 m2 de dalles de 7mètres, afin de libérer la place nécessaire, unrecul de 15 mètres des gradins, par élémentsde 700 tonnes, glissant sur coussins d’air.Nous avons beaucoup travaillé avec les archi-tectes sur ce sujet et j’aimerais qu’AymericZublena, l’un des grands architectes qui agagné le concours, nous parle des transforma-tions nécessaires du projet suite à notre prin-cipe et à notre procédé de gradins mobiles, dela coopération qu’il y a eu entre l’entrepriseset les architectes, et enfin, qu’il nous dise si ceprincipe a été repris dans d’autres pays pourd’autres stades.

Aymeric ZUBLENAArchitecte

“La solution adoptée au Stade de Francedemeure encore totalement originale à

ce jour.”

C ette solution, qui paraît évidenteaujourd’hui, ne nous est pas tout desuite venue à l’esprit. Il y en avait en

fait une autre, que nous avions poussée assezloin. Elle consistait à créer une plate-formesupport de pistes en surélévation de 6 à 7mètres au dessus de la pelouse. Cette hypo-thèse posait de cependant un véritable pro-blème, car les pistes risquaient de ne pasrépondre à toutes les exigences d’homologa-tion. Il fallait donc réfléchir une géométrie dustade tenant compte de la solution qu’avaitproposé Jean Bard. Car si ces gradins s’étaientdéplacés en suivant un système rayonnant,nous aurions eu des vides entre chaque secteurde 1500 places. Nous avons donc été obligésde concevoir un principe de déplacement «encrabe» des gradins. C’était assez compliqué,

ce que le film n’a pas eu le temps de montrer.Les relations avec le groupement ont étéexcellentes, malgré certains conflits passagersportant sur l’esthétique, la géométrie ou lescoûts, mais l’équipe, dans son ensemble, s’estenrichie de ces confrontations. Enfin cettetechnique de déplacement est-elle transposa-ble ? Il se trouve que depuis, avec mes

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connaissance, il n’y a qu’un seul exemple degradins mobiles : un stade de base-ball auxEtats-Unis, mais le déplacement n’est pas toutà fait le même car l’ensemble des gradinspivote comme un ciseau autour d’un axe,modifiant ainsi la configuration de l’aire dejeu. La solution adoptée au Stade de Francedemeure encore totalement originale à ce jour,mais je suis convaincu qu’elle s’exportera.

confrères, nous avons étudié deux stades de80 000 places, l’un à Istanbul, et l’autre àAlexandrie qui se termine, et un troisième, de45 000 places, à Suwon en Corée. Sur aucunde ces trois stades nous n’avons adopté cettedisposition. Ces pays sont très axés « football» et « rugby », avec une grande communionavec les joueurs, ce qui pousse à la conceptionde stades rectangulaires de type anglais. A ma

LES TUNNELS IMMERGES

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Philippe JACQUETDirecteur de la Direction

Technique du Groupe EGIS,Président du RGCU

“L’innovation réside donc dans l’associa-tion de deux techniques que nous

maîtrisons.”

V ous avez là une vision globale duprocédé, c’est-à-dire de la construc-tion d’un tunnel immergé qui pré-

sente pas mal d’avantages par rapport à laméthode traditionnelle. D’abord on peutréduire au minimum la partie à creuser pourlancer le tunnel. A l’avant, nous avons la par-tie tunnelier ou simili-tunnelier qui nous aservi à avancer le long de la rivière préalable-ment préparée par dragage. L’innovation viseà compenser les deux inconvénients de laméthode traditionnelle, c’est-à-dire la néces-sité d’une darse qui prend beaucoup de place,et la gêne apportée à la navigation par la flot-taison des caissons. L’avantage de Timby,c’est qu’avec les tunneliers que nous avonsbeaucoup utilisés dans des terrains meublessous nappe aquifère, il est possible de fabri-quer le tunnel sous l’eau, avec des voussoirspréfabriqués qui vont être serrés les uns contreles autres par précontrainte. L’innovationréside donc dans l’association de deux techni-ques non innovantes en elles-mêmes, maisque nous maîtrisons : la technique des tunne-liers et la précontrainte. Notre méthode est

plus économique que la méthode tradition-nelle pour l’environnement car elle ne néces-site pas de réaliser une darse pour fabriquerplusieurs caissons avant de la noyer pour lesemmener en flottaison à leur emplacementdéfinitif. Nous n’encombrons pas le lit de larivière et nous ne gênons pas la navigation.Nous gagnons plusieurs mois. Tous les dispo-sitifs sont étudiés et désormais connus. Notrespécialiste Bouygues des tunnels, PierreLongchamp, en a eu l’idée le premier. Il doitêtre associé au projet, ainsi que Herrenknechtavec qui nous travaillons à mettre en pratiquecette innovation.

Source Bouygues Construction

L’OPÉRATION CAPITAL 8

Jean-Marie TRITANTDirecteur Général du PôleBureaux d’UNIBAIL

“L’unité technique verticale de climati-sation est une innovation technique

dont l’originalité est de s’intégrer dansle meneau de façade.”

C apital, c’est pour Paris - la Capitale- mais c’est aussi, pour la notion d’ac-tif, le capital social, et 8, c’est pour le

8ème arrondissement. Capital 8 est une opéra-tion de restructuration de 2500 m2 de bureauxque nous avons restructurés dans l’ancienSiège d’EDF acquis en 2001 et sur lequel nousavons travaillé avec les architectes ElizabethNaud et Luc Poux et le Groupe Eiffage. LePrésident Huvelin le disait : dans une opéra-tion, il y a des grandes et de petites innova-tions. Dans une opération de restructuration, ily a beaucoup de petites innovations. Capital 8a été une opération pour laquelle il a falluénormément réfléchir, à la fois avec nosbureaux d’études et l’entreprise générale carnous avions la contrainte particulière d’unefaible hauteur libre sous plafond dans unimmeuble conçu dans les années 60.

L ’unité technique verticale de clima-tisation est une innovation techniqueque nous avons développée avec OTH

et les architectes, et peaufinée avec SNSH.L’appareil de climatisation, de 0,65 m par 0,28m et de 1,10 m de hauteur, d’une puissance de2800 watts, fonctionne avec de l’eau glacéepour le rafraîchissement et des batteries élec-

triques pour le réchauffement de l’air. Son ori-ginalité est de s’intégrer dans le meneau defaçade, ce qui non seulement limite sonimpact sur la surface des bureaux, mais encoren’entame pas la faible hauteur sous plafonddont nous disposions. Les prises d’air enfaçade renouvellent l’air en soufflant directe-ment dans les bureaux, sur chaque trame d’unmètre trente cinq. La réduction du réseauaéraulique limite ainsi les risques de pollutiondes réseaux et facilite l’intervention directedans chacun des bureaux. Dans l’opérationCapital 8, nous avons installé 1300 UnitésTechniques Verticales de climatisation, régla-bles individuellement.

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LA RECHERCHE COLLECTIVE

“La recherche multi-acteurs est souventun outil adapté.” Michel RAY

Directeur Scientifique etTechnique du GROUPE EGIS

Président du RGCU

J ’aurais d’abord une réaction par rap-port à ces grandes réalisations innovan-tes qui sont impressionnantes, tant par

les défis techniques relevés que par la qualitédu management de projets complexes qui afait réussir ces grands chantiers, et ceci dansdes délais souvent extrêmement contraints.Concernant le Réseau Génie Civil et Urbain :Si les innovations développées par l’entre-prise sont - et resteront - une base essentielle,je vois certains défis, certaines circonstances,où la recherche pluri-acteurs est l’outil adapté.

Premier exemple : Innover exige sur cer-tains sujets de commencer par décloisonnernotre chaîne d’acteurs de l’amont à l’aval. Parexemple, depuis 2005, un projet intitulé «Projet furtif » pour diminuer la gêne des usa-gers dans les grands chantiers sous circula-tion, rassemble un grand maître d’ouvrage,deux très grandes entreprises, un maître d’œu-vre et deux laboratoires publics.

Deuxième exemple : Certains sujets, stratégi-ques par leur nature, peuvent commencer àêtre abordés par le domaine précompétitif.C’est le cas du projet « Communique » dontle consortium rassemble les trois entreprisesleaders et deux ingénieristes sur la maquettevirtuelle 3D pour la conception en génie civilet l’ingénierie concourante.

Enfin troisième exemple : En France, dansnotre secteur, l’investissement public R&Dest aujourd’hui de 0,8 % du chiffre d’affairesglobal, et l’investissement privé est estimé àenviron 0,2 %. Sur certains sujets d’innova-tion, on peut additionner ces forces. C’est unedes règles du jeu de l’appel à projet ANR «Programme Génie Civil et Urbain 2007 » quisera lancé début 2007.

J e voudrais mentionner deux nouveau-tés : Premièrement, les pôles de compé-titivité, et notamment le pôle de compé-

titivité Ville et Mobilité Durable incluant lebâtiment et l’énergie, créé il y a environ un an.Il rassemble plus de soixante membres dontdes grandes entreprises, des PME, des indus-triels, des laboratoires publics, des organismesd’enseignement et de nombreuses collectivi-tés locales de la région parisienne qui sont nosmaîtres d’ouvrage. L’effet «cluster» peutmodifier profondément les processus d’inno-vation. Dans un contexte de forte compétitionintersectorielle pour les crédits publics, il meparaît vraiment important que les acteurs pri-vés notre secteur s’y engagent avec force. En2006, ce pôle a mobilisé plus de 30 millionsd’euros de R&D, ce qui n’est pas habitueldans notre secteur.

Deux mots sur les opportunités du sep-tième Programme Cadre : Plusieurs centai-nes de millions d’euros vont être consacrésà nos secteurs de 2007 à 2013. Certainspays, comme l’Espagne par exemple, pré-voient d’y être extrêmement actifs. Il y ades domaines où nos innovations sontactuellement bien placées ou en pointe etl’ensemble des présentations de tout àl’heure l’illustre parfaitement. Il faut main-tenant que nous soyons aussi bien placésdans les offres gagnantes au septièmePCRDT. Il y a de vraies opportunités mais ilfaut être conscients qu’il y a de vraiesmenaces. La plateforme européenneConstruction a profité du dynamisme fran-çais pour la préparation du septièmePCRDT et plusieurs grandes entreprises yont été très actives. Nous devons ensembletransformer l’essai.

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L’INNOVATION EST L’IMAGE DE LA PROFESSION

“L’innovation peut contribuer à séduire uncertain nombre de jeunes, c’est une

formidable vitrine.”

J e suis particulièrement surprisaujourd’hui de voir qu’un certain nom-bre de choses sur lesquelles on avait des

avancées relativement intéressantes, sont par-fois oubliées ou ont du mal à se faire reconnaî-tre. J’ai le souvenir par exemple que le motd’entrepreneur était très attaché aux travauxpublics et au bâtiment. C’est bien que leMEDEF nous l’ait pris, car c’est bien une desvaleurs de ce monde de l’entreprise, avec savolonté d’entreprendre et d’innover.L’innovation est un pilier fondamental pourpouvoir se développer. Aujourd’hui, on cher-che à attirer davantage de jeunes vers nosmétiers, c’est l’un des problèmes majeurs decette profession. L’innovation peut contribuerà séduire un certain nombre de jeunes, c’estune formidable vitrine. On est toujours subju-gué par les prouesses techniques, de nature àpouvoir attirer les jeunes vers nos métiers.C’est surtout de nature à nous permettre dedévelopper nos entreprises à l’extérieur, cequ’elles ont d’ailleurs complètement réussi àl’international. Ce n’est pas un hasard si cesentreprises de travaux publics réalisentaujourd’hui le tiers de leur chiffre d’affaires àl’international et si aujourd’hui, nous sommesparmi les leaders mondiaux dans ce domaine.

Le vrai challenge pour les entreprises de tra-vaux publics françaises, est de pouvoir conti-nuer à innover demain. La valeur du travail estconnue mais la valeur de l’innovation doits’élargir à des domaines différents, si on veutqu’elle dure. Dans le domaine de l’environne-ment et du développement durable, pourquoine pas imaginer demain, des infrastructuresHQE comme dans le bâtiment ? Les innova-tions peuvent concerner la réhabilitation et la

rénovation des différentes infrastructures,construites à 80 % après-guerre. On fera doncforcément appel à l’innovation. Il est grandtemps qu’on reconnaisse que nos entreprisescontribuent à la croissance de ce pays. C’estmême l’un des seuls secteurs aujourd’hui quicrée cette croissance, qui crée de l’emploi neten France. Si on veut pouvoir toujours s’ap-puyer sur ce secteur du BTP, il va bien falloirqu’il puisse bénéficier de davantage de créditsde recherche.

Il ne faut pas avoir peur de marier les grandesentreprises et les laboratoires nationaux, deprivilégier la recherche appliquée plutôt quela recherche fondamentale, même si celle-ciest aussi importante. Nous avons pu faire pas-ser un certain nombre de messages auprès dugroupe de parlementaires européens et obtenircertains amendements. Au travers des pôles decompétitivité, de l’ANR et du 7ème PCRD,nous avons la possibilité d’avoir davantage decrédits qu’auparavant. En tout cas, c’est lesouhait auquel j’aspire et cela me paraît néces-saire pour que ce secteur d’activité demeure,pour nos entreprises, un secteur phare dans lacroissance de l’économie française.

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Patrick BERNASCONIPrésident de la FNTP

2ème table ronde : LES PROGRÈS AU QUOTIDIEN

LES RÉNOVATIONS DES COLLÈGES EN ÉTÉ

Philippe BONNAVEDirecteur Général des

Entreprises France et Europede Bouygues Construction

“L’’Entreprise Générale est tout à fait perti-nente pour répondre aux problématiques

des clients ».

A travers ces images - un film intro-ductif présentant les innovationstechniques et opérationnelles - on

voit que l’Entreprise Générale peut répondre àcertaines problématiques aigües de nosclients, notamment la problématique de réno-vation des collèges. Ce sont des établisse-ments sensibles, dont la rénovation est parfoiscomplexe. Devoir déplacer les élèves pendant

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une longue période crée une vraie difficulté.Je crois que l’Entreprise Générale est la seulecapable de répondre à cette problématique, àla grande satisfaction de nos différents clientsdans le domaine. Cela montre que dans nosrégions, même sur des sujets modestes parrapport à ceux qu’on a vu tout à l’heure,l’Entreprise Générale est tout à fait pertinentepour répondre aux problématiques des clients.

Ligueil - Collège Maurice Genevois -

Montrichard - Collège Joachim Du Bellay -

L’OFFRE CONCERTANCE

François-Xavier ANSCUTTERDirecteur Général de SpieBatignolles

“Nous avons vraiment pu mesurer lacapacité formidable de cette offre à

dégager un maximum de valeur dans leprojet même du client.”

D epuis tout à l’heure, nous parlonsde progrès et d’innovation.L’innovation commerciale qui est

l’objet de ce petit film, est importante elleaussi. L’offre Concertance de Spie Batignollesa pris maintenant une véritable consistance etreprésente plus de 60 projets pour un peu plusde 800 millions d’euros de chiffre d’affaires.De quoi s’agit-il ? Les schémas classiquesdans la construction sont des chaînes d’inter-venants parallèles ou successifs, qui intervien-nent dans le cadre de cahiers des chargesfigés, sans ouverture et qui ne favorisent niinnovation ni créativité. Dans cette juxtaposi-tion d’entreprises, ce que le client va gagner,l’entreprise va le perdre et réciproquement.

Notre syndicat EGF défend l’entreprise géné-rale et c’est la base indispensable à un regardmoderne sur la construction qui permet decréer avec nos clients, des équipes intégréesdont le seul objectif sera de rechercher defaçon partenariale, le maximum de création devaleur pour le client.

C’est cette stratégie qui est à la base de l’offreConcertance, avec trois objectifs de fond : Lepremier est de rechercher très en amont - là oùc’est le plus efficace - le maximum de créationde valeur, par des optimisations techniques,financières, organisationnelles, fonctionnellesou autres. Le second est de fonctionner enéquipe-projet intégrée, comprenant le client,l’ingénierie ou l’architecte et les partenairesclés du projet, afin de maximiser la valeurajoutée.

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Le troisième enfin est de fonder ce partenariatsur la transparence, avec un vrai contrat deconfiance dont l’idée est de faire que lesobjectifs et les enjeux du client, soient ceux del’équipe projet.

Trois conditions sont nécessaires à cette offre:Tout d’abord il faut un état d’esprit partenarialbasé sur la confiance, créatif, et qui rechercheen permanence l’intérêt du client. Ensuite, ilfaut un savoir-faire qui permette de conduirel’équipe projet à rechercher le maximum decette valeur au cœur même des projets. Nousles développons au sein de notre propre insti-tut de formation, l’Académie SpieBatignolles, qui dispense chaque année, plu-sieurs milliers d’heures de formation à cesujet. Enfin, il faut des processus de fonction-nement rigoureux, précis et écrits. Depuis plu-sieurs années maintenant, nous avons vrai-ment pu mesurer la capacité formidable decette offre à dégager un maximum de valeurdans le projet même du client.

ECO-CONSTRUCTION ET DÉVELOPPEMENT DURABLE

“Dans le domaine de l’Eco-conception, lesyndicat EGF.BTP s’est particulièrement

mobilisé.” Jean-Jacques LEFEBVREDirecteur Général des

Grands Travaux d’Unibail

L e futur Siègei n t e r b r a n c h e sd’Eiffage à Lyon,

sera un bâtiment à énergiepositive, caractérisé parune isolation par l’exté-rieur renforcée et des vitra-ges à faible émissivité.

Projet phare Unibail - Architecte Tom Mayne

L ’Eco-conception, le Développementdurable, l’Eco-construction, devien-nent des impératifs de plus en plus

forts en France. La construction en Francec’est aujourd’hui 40 % de la consommationd’énergie, 20 % des émissions de gaz à effetde serre et 30 millions de déchets de chantierpar an. La plupart des acteurs ont un rôleimportant à jouer et l’Entreprise Générale estl’un de ces acteurs. Dans le domaine de l’Eco-conception, le syndicat EGF.BTP s’est parti-culièrement mobilisé et a créé des ateliers etdes groupes de travail. Il est force de proposi-tions.

La première étape versl’Eco-conception, a été ladémarche HQE, initiée en1996, avec la consommationénergétique, la gestion desdéchets et les nuisancessonores. On est aujourd’huiaux limites , c’est une cultureminimale. Il manque uneconception d’ensemble dubâtiment. Les réglementa-tions thermiques prennentactuellement le relais parcequ’on constate le réchauffe-ment de la planète et qu’ilfaut contrôler les gaz à effetde serre. D’où la RT 2005,plus volontaire, et des objec-tifs précis : division par 4des émissions de gaz à effetde serre d’ici 2050 et réduc-tion de 40 % des émissionsen 2020. Deux labels com-

plètent cette réglementation : Le HPE 2005qui correspond à une consommation effectiveinférieure de 10 % à la consommationconventionnelle, et le THPE 2005 encore infé-rieure de 10 %. En France, nous avons pris duretard en Eco-conception, par rapport àl’Allemagne, à l’Autriche où 3000 logementsont été construits dans chacun de ces pays en2005. Aux Etats-Unis, les chiffres sont aussiparlants. Le Japon dispose d’un atout de tailleavec des logements légers en matériaux légerset la moitié du parc de logements a une duréede vie maximum de trente ans. 60 000 loge-ments individuels sont équipés de panneaux

photovoltaïques. En France,la démarche de bâtiments àénergie positive commenceà faire son chemin. Avec ceconcept, les immeubles doi-vent s’auto-suffire en éner-gie, grâce notamment auxcapteurs solaires photovol-taïques, aux climatiseurssolaires, aux climatisationssur pompes à chaleur ther-male, aux pompes à chaleursur nappe et aux micro-éoliennes en toiture.

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L a protection de la façade sud estobtenue par des brise-soleils inclinésrevêtus de panneaux photovoltaïques,

et la façade ouest est respirante avec des sto-res extérieurs intégrés. La production dechaud/froid est supportée à 100% par unepompe à chaleur sur nappe et le renouvelle-ment d’air est à double flux. Le surcoût de cesinstallations, estimé à 25%, peut être amorti.

Je viens d’arriver chez Unibail et j’ai puconstater que tous les partenaires des projetssont assujettis à une charte environnementale.Unibail a pris des paris pour l’avenir. Voilà leprojet du cabinet Morphosis dont le concep-teur est Tom Mayne. Deux grandes innova-tions dans ce projet : la liaison avec les bâti-ments existants, Le CNIT, construit en 1955,et l’Arche de la Défense qui a été construitepar Bouygues en 1989, et un noyau en bétonarmé qui est relayé par une structure métalli-que alors que les tours mixtes sont assez raresen France.

Il y a également un éco-squelette en acier àhaute performance qui supportera la double-peau composée de châssis et d’un manteau

curviligne en inox non éblouissant qui per-mettra de faire des économies d’énergie. Leséoliennes en toiture fourniront une partie del’énergie nécessaire au bâtiment, notammentpour la ventilation naturelle.

LA CONVIVIALITÉ DES CHANTIERS

Bertrand FABRE :

O n est vraiment dans l’écologie puisqueles éoliennes font une forêt, mêmequand elles sont sur le toit d’un gratte-

ciel ! Je passe la parole à Marc Gossé sur larénovation de l’Académie diplomatique et nousallons visionner un extrait d’un film réalisé parl’entreprise Bhur Ferrier Gossé qui est la pluspetite entreprise générale d’EGF.BTPpuisqu’elle compte une soixantaine de salariés.Je me permets tout de même d’ajouter, à titrepersonnel, que Bhur Ferrier Gossé fait partie deces entreprises de gros œuvre et de maçonne-rie qui font l’aristocratie de la construction. Cefilm montre un travail minutieux pour l’entre-prise, valorisé par les échanges et la convivia-lité développée avec tous ses partenaires, danstoute leur diversité. En fait d’innovation, noussommes donc dans l’innovation relationnelle ethumaine.

“Quand ils partiront à la retraite, ilsauront quelque chose à transmettre.”

Marc GOSSEPrésident de Buhr FerrierGossé

B hur Ferrier Gossé est spécialisée enréhabilitation de gros œuvre à Paris eten Ile-de-France. L’Académie diplo-

matique est un chantier réalisé pour ICADEavec l’architecte en chef des monuments his-toriques Jean-Loup Robert. L’innovation dansce film, quatrième d’une série, est de laisserun souvenir, une mémoire, à tous ceux qui ontparticipé au chantier : Chef de chantier, com-

mis, responsables, ouvriers, patrons… Il y aeu 300 copies de ce film car c’était un groschantier pour nous. Quand ils partiront à laretraite, laissant leur bureau ou leurs archives,ils auront quelque chose à emporter, à trans-mettre. Ce document est, pour l’entreprise,une forme de reconnaissance et de respectpour le travail accompli en équipe, et de par-tage de succès pour chacun.

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L’ENTREPRISE GÉNÉRALE, SOURCE DE SÉCURITÉ

“Le défi, c’est que les salariés des entre-prises sous-traitantes ne soient pas plusexposés aux risques que leurs propres

salariés.”

L ’entreprise est avant tout constituéed’hommes et de femmes au travail.Les services de prévention de la CRA-

MIF n’ont pas pour mission principale defaire de la prévention – ça, c’est le rôle du chefd’entreprise – mais bien de la promouvoir.Pour cela, nous réalisons des travaux d’ingé-nierie, des études techniques, médicales ou deprocédés de fabrication, ainsi que des guidesde bonnes pratiques et des recommandationsque nous soumettons à l’approbation des par-tenaires sociaux. Le conseil individualisé auxentreprises et la formation sont aussi dévolusaux contrôleurs de sécurité. Amener les entre-prises à maîtriser leurs risques est le but, avecl’objectif final de faire baisser le nombre et lagravité des accidents du travail et des mala-dies professionnelles. Je vous propose troispoints pour savoir si l’entreprise générale estbien un vecteur de progrès :

J ’ai comparé les contrats « clés enmain » et les contrats par lots séparés.Il n’y a aucun doute, et tous les contrô-

leurs de sécurité sont d’accord. Si on prenaitdeux chantiers rigoureusement identiques,celui réalisé par une entreprise générale aurait,statistiquement parlant, moins d’accidents dutravail que celui qui serait réalisé en lots sépa-rés. La gestion de la co-activité, c’est-à-direde tous les intervenants sur un chantier, estassurée par une coordination techniqueincluant la sécurité et la préservation de lasanté. L’Entreprise Générale doit assurer cettecoordination technique entre tous les interve-nants.

Le deuxième point, c’est l’entretien et lamaintenance d’ouvrage dans un contrat ordi-naire, par rapport à des contrats en conces-sions, voire en PPP où l’Entreprise Généraleest amenée à prendre un engagement sur du

plusieurs dizaines d’années.Les risques concernés sontceux dus aux interventionsultérieures sur l’ouvrage. Ilest clair que quand ces inter-ventions ultérieures sur l’ou-vrage ont été pensées etconçues en amont, les sala-riés qui vont intervenir surl’ouvrage pendant dix, vingt,ou quarante ans, prendrontsans aucun doute moins derisques. Là aussi, le conceptd’entreprise générale est bienvecteur de progrès pour lessalariés qui interviennent surles ouvrages.

Françis LEMIREIngénieur Conseil à la

CRAMIF

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Le dernier point concerne lespersonnels propres et les sous-traitants. L’entreprise généralea un savoir-faire général, maiselle doit faire attention à l’ex-cès de sous-traitance en cas-cade qui génère une sur-co-activité très difficile à gérer.La statistique des accidents dutréavail montre que l’indice defréquence du BTP baisse demanière importante, mais enréalité au même rythme que lamoyenne générale de l’indicenational. On peut aussi consta-ter qu’aujourd’hui le salariéd’une entreprise de BTP, est exposé au mêmerisque qu’un salarié «ordinaire moyen» den’importe quelle entreprise professionnelle ily a cinquante ans. Il y a donc encore beaucoupde progrès à faire ! Le second graphe donneles statistiques 2005 de l’Ile-de-France, avecune répartition par taille d’entreprise. Le tauxd’accidentologie le plus élevé est atteint dansles entreprises qui comptent entre dix et cin-quante salariés. Avec 300 salariés et plus, l’in-

dice de fréquence est de l’ordre de 26, c’est-à-dire entre 15 et 30. Ça veut dire que les sala-riés des entreprises générales, le plus souventimportantes en effectifs, subissent une exposi-tion aux risques bien moindre que pour lessalariés des petites entreprises qui sont biensouvent leurs sous-traitants. Quand je disaistout à l’heure qu’il fallait éviter la sous-trai-tance en cascade, c’était par rapport à cela.

Jean BARD, en tant que Président de la Délégation Technique d’EGF.BTP :

« Ces missions qui nous donnent des prérogatives sur l’ensemble des corps d’état, nous donnent aussi des devoirs »

S i vous avez regardé travailler unartisan, vous pouvez vous rendrecompte que les hommes du bâtiment

sont débrouillards. Ils règlent immédiatementtous les petits problèmes qui se posent sur unchantier et c’est là que commence l’innova-tion au quotidien.

Sur des sujets plus importants, le contextegénéral est favorable à l’innovationpuisqu’elle se situe de temps en temps à l’in-terface entre deux corps d’état. MonsieurLemire, j’ai écouté vos propos avec grandplaisir, parce qu’ils prouvent qu’une organisa-tion avec une unité de direction est plus favo-rable à la sécurité. Nous en sommes tousconvaincus, la force des entreprises générales

étant d’avoir un représentant permanent d’unbout à l’autre du chantier.

Il faut aussi savoir que l’unicité de comman-dement, est également favorable au respect dela qualité et si l’on peut dire, au développe-ment durable. Ces missions qui nous donnentdes prérogatives sur l’ensemble des corpsd’état, nous donnent aussi des devoirs. Lesyndicat EGF.BTP a comme grand souci designer des chartes dans toutes les régions avecles représentants des autres entreprises – deschartes de bonne conduite et de bonne coopé-ration - de façon à ce que nos chantiers sedéroulent dans un climat serein pour tous, lesgrands comme les petits.

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“Les entreprises générales tirent lesautres vers l’innovation.” Jean-Pierre ROCHE

Vice-président de laFédération Française du

BâtimentT out d’abord, je crois qu’une entre-prise, générale ou pas, grande oupetite, a aujourd’hui l’obligation d’in-

nover, et c’est là que la FFB les accompagne.En matière technique, en matière de sécurité,en matière d’environnement, notamment dansle développement durable et dans l’élimina-tion des déchets. Le client qui est le deman-deur et qui nous oblige de toute façon à inno-ver. Il y a des cas de figures ou les chefs d’en-treprise vont vers l’innovation et on l’a vuaujourd’hui au travers des témoignages.D’autres entreprises laissent le train passer, sedisent qu’elles attendent des jours meilleurs,ou s’accrochent à d’autres wagons commepeut l’être l’Entreprise Générale qui, en inno-vant, tire d’autres entreprises vers l’innova-tion. La demande gouvernementale oblige lesentreprises à innover et notamment en matièred’environnement. Jean Bard évoquait leschartes des entreprises générales avec lesentreprises sous-traitantes. Je pense que c’estun grand progrès que les grandes entrepriseset les plus petites puissent travailler ensembleet non pas comme cela a été dit tout à l’heure,ce que je regrette, travailler sous un mode decorporatisme. Je crois qu’il n’y a de corpora-tisme ni dans un camp ni dans l’autre. La FFBreprésente la totalité des entreprises et en estfière. L’innovation apportée par l’entreprisegénérale, est un atout qui peut aider les petitesentreprises à innover.

A la FFB, nous avons un Plan derecherche et de développement, dontJean Bard fait partie, qui cherche en

permanence à faire avancer les entreprises.Chaque année, nous lançons des recherches.Cela représente un budget supérieur à 2,2 mil-lions d’euros, en incluant ce qu’amènent lespartenaires. Cela sert réellement l’innovationet le bâtiment futur. La demande porte aussisur la qualité et je reviens sur la sécurité.Venant de la région Rhône-Alpes et je ne saispas si ces statistiques tiennent compte de tou-tes les contraintes, sachant aujourd’hui que lesaccidents du travail portent essentiellementsur les déplacements. Or les salariés des peti-tes entreprises ne se déplacent pas commeceux des grandes entreprises générales. Il fautsavoir que la sécurité est au cœur de toutes lesentreprises, pas seulement générales.Beaucoup d’organisations professionnelles sesont lancées dans l’organisation du transportet des trajets pour aider les salariés à mieuxsavoir se déplacer.

Après tout ce que j’ai entendu, je dirais qu’au-jourd’hui, l’entreprise générale est un vecteurimportant de l’innovation et de l’avenir duBTP. Il y a une fierté à appartenir à ces magni-fiques corps de métier. Je suis persuadé queles entreprises générales ont aujourd’hui biencompris l’intérêt qu’elles peuvent tirer d’unpartenariat avec les entreprises sous-traitan-tes. Nous regrettons ces sous-traitances encascade dont vous parliez tout à l’heure et quinuisent énormément à l’image du bâtiment.

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Le pont de Rion Antirion

16 Le viaduc de Colagne

J e voulais compléter ce qu’à dit Jean-Jacques Lefebvre tout à l’heure surl’Eco-conception. Je crois que nous

avons a un très grand rôle à jouer dans ledéveloppement durable. Je pense quel’Entreprise Générale a un rôle vis-à-vis de sespartenaires, en termes de sécurité, d’environ-nement et de qualité de tenue des chantiers.Nous avons aussi un rôle important à jouerdans d’autres domaines, comme la féminisa-tion de la profession. On pourrait se mobiliser

Bertrand FABRE : Nous allons mainte-nant écouter Michel Serres. Je rappelle quevous êtes Philosophe, écrivain et membrede l’Académie Française où vous avez suc-cédé à Edgar Faure. A la différence de laplupart des philosophes, vous savez parlerde la philosophie avec des termes qui l’as-sortissent d’une beauté, d’une chaudelumière. C’est votre marque très person-nelle. Inutile de vous dire à quel point lesgens du BTP – tous ceux qui sont ici – ontété émus quand ils ont su que Michel Serress’intéressait à leur profession et aux infra-structures dont la charge symbolique estune des plus fortes que l’on puisse imagi-ner, c’est-à-dire les ponts.

François-Xavier ANSCUTTER:“Une observation qui vient du terrain.”

J ’ai été intéressé par ce que disait FrancisLemire sur le lien entreprise Générale etnombre d’accidents. Vous savez notre

lutte chez Spie Batignolles contre les acci-dents du travail, avec cette recherche de zéroaccident partout. Nous avons remarqué quetoutes nos opérations Concertance ont prati-quement toutes zéro accident. Il y a un lien quiest difficile à analyser mais, au fond, noussommes certains que cette façon de travaillerde manière très intégrée et très en amont, estextrêmement favorable à la qualité des rela-tions entre les hommes et notamment à leurcapacité de ne pas avoir d’accidents. C’est uneobservation qui vient du terrain.

Philippe BONNAVE:“Il y a trop peu de femmes dans notre

profession.”

davantage sur ce thème et être un peu plusexemplaire. Il y a trop peu de femmes dansnotre profession. On cherche beaucoup demonde en ce moment et je crois que c’est unvrai thème d’avenir.

“L’Entreprise Générale, c’est la compétence,

l’innovation et l’organisation.”

Viaduc de Millau

J ’ai longuement visité le chantier dudétroit de Corinthe. J’ai beaucoup lu leshistoriens grecs et je savais qu’il y avait

dans le détroit, beaucoup de villages engloutisdès le 5ème ou 6ème siècle avant Jésus-Christ, par des tsunamis géants, des tremble-ments de terre considérables. Déjà dansl’Antiquité, ce terrain était donc connucomme impossible à ponter. Ce chef d’œuvren’en est que plus extraordinaire.

J’ai distingué dans mon livre, les pontscomme vous les construisez et d’autres pontsque j’appellerais des ponts doux – un peucomme la distinction entre le « hard » et le «soft ». C’est la distinction entre le pont objet,le pont objectif en béton et en acier et le pontdoux, le pont de la relation, le pont émotif, lepont intellectuel, bref le pont humain de larelation entre les êtres. A propos de cette dis-tinction que je fais dans le livre, vous avezlonguement parlé d’innovation et d’entreprisegénérale.

Je voudrais essayer de définir ce que sont réel-lement une entreprise générale et l’innovation.Je crois qu’il peut y avoir des inventions et desinnovations sur des objets – vous l’avez d’ail-leurs montré – et qu’il peut aussi y avoir desinnovations sur les relations entre les objets,entre les hommes et les objets et entre leshommes. Ce sont des opérations que j’appel-lerais organisationnelles.

Ce que j’admire dans l’entreprise générale,c’est non seulement votre compétence enmatière objective c’est-à-dire votre compé-tence et vos innovations en matière d’objetsmais surtout, vos compétences en matièreorganisationnelle. Ce que j’admire lorsque jeprends l’avion, c’est l’objet technique en lui-

même extraordinairement sophistiqué, maispeut-être bien que j’admire encore plus lacapacité organisationnelle d’une ligneaérienne. Composer ensemble la complexitédes hommes et de leurs formations, les bâti-ments pour les avions, la maintenance, leshoraires, les aéroports, la connexion entre lesvols, etc. Plus la capacité à anticiper et gérerles problèmes et les accidents qui commevous le savez, ne peuvent jamais être ramenésà zéro.

Par conséquent, cette capacité organisation-nelle appartient précisément à l’EntrepriseGénérale. Les innovations portent donc sur lesobjets et sur ces relations, ces organisations.L’Entreprise Générale est un chef d’œuvred’organisation. Mais il y a une troisième sortede ponts qui m’intéresse encore plus. Ce sontceux que j’ai appelé les ponts vifs, c’est-à-direles ponts qui font le vivant.

Michel SERRESPhilosophe, membre de

l’Accadémie Française

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Du coup, sur l’innovation, je voudrais prendreun peu de recul avec vous et voir ce qu’estvraiment l’histoire de l’innovation.

Les premières techniques sont des machinessimples – les treuils, les leviers, la roue, etc.Au moment où ces machines deviennent pluscomplexes et donnent lieu à des moulins,interviennent peu à peu au cours des siècles,ce qu’on appelle des révolutions. La révolu-tion industrielle est survenue parce que s’estintégré à ces machines simples et à ces machi-nes complexes, le moteur. Il y a eu tout d’uncoup, une croissance de la complexité dansl’innovation technique. A ce moment-là, lacomplexité étant arrivée, interviennent deuxou trois autres révolutions importantes : larévolution électrique à la fin du XIXème siè-cle, la révolution électronique au milieu duXXème siècle et la révolution atomique et onpourrait sans doute en rajouter d’autres.

Au fur et à mesure que les révolutions avan-cent, les objets prennent une complexité crois-sante et de ce fait, entrent ensemble dans dessystèmes de plus en plus complexes où inter-vient l’organisationnel. Où précisément lesinnovations douces commencent à devenirplus importantes que les innovations sur lesobjets eux-mêmes. C’est là qu’interviennentles réelles innovations des entreprises généra-les mais je ne vous ai pas brossé l’histoiretechnique simplement pour rire. Je voudraismaintenant la mettre en parallèle avec uneautre histoire, l’évolution du vivant. L’histoire

18Viaduc de Millau

des techniques a environ deux millénaires etdemi d’âge tandis que l’histoire du vivant à3,8 milliards d’années. Elle commence avecl’apparition sur cette planète d’une moléculeétrange qui s’appelle l’ARN et qui s’est miseà se dupliquer. C’est ça, l’innovation majeuredu vivant.

Voilà une évolution qui est une croissance decomplexité. Or l’innovation technique a unpeu le même profil d’évolution. Il y a unecroissance de complexité dans les outils quevous utilisez mais la vraie croissance de com-plexité n’est pas celle des outils. C’est celle del’entreprise générale qui connecte à la fois desoutils, des hommes, des théorèmes, des étu-des, etc. Ça, c’est précisément et profondé-ment ce que l’on observe dans le mondevivant. Le monde vivant va de complexité encomplexité et lorsqu’il atteint le niveau d’unefourmi, d’un termite, d’un chimpanzé, d’unbonobo ou d’un être humain, il donne nais-sance à une complexité encore supérieure,celle de la société.

Revenons à vos innovations techniques d’en-treprises générales. En tant qu’entreprisesgénérales, avez-vous conscience qu’au-jourd’hui, nous sommes en train de vivre unévènement majeur ? Cette croissance de com-plexité vient en effet de donner lieu à unecomplexité supérieure dont je voudrais vousfaire prendre conscience. Vous devez raison-ner dans un nouveau type de complexité. Vousne pouvez plus innover sur un outil si cetteinnovation comporte un non-progrès dans uneinnovation voisine. Vous ne pouvez plus vouscontenter d’une innovation technique si ellemet en jeu la sécurité. Vous ne pouvez plusvous contenter d’une innovation si elle met enjeu l’écologie. Vous voyez ? Il faut avoirmaintenant à l’esprit le fait que les innova-tions sont entrecroisées. Ça, c’est le génie del’Entreprise Générale. L’Entreprise Générale

CONCLUSION DE BERNARD HUVELIN

du fait qu’elle est dans l’organisationnel, doitpenser à un niveau supérieur, celui de l’entre-croisement des innovations. Vous ne pouvezplus innover ici si cette innovation est unerégression là. Vous devez tempérer les innova-tions pour que l’intégralité des innovationssoit maximisée et non pas penser l’innovationanalytiquement par degré. Aujourd’hui, ce quiest important, c’est l’entrecroisement et nonplus seulement les innovations isolées.

Pour finir, je voudrais bien dire que l’innova-tion principale que vous avez à réaliseraujourd’hui, c’est celle de la mixité. Ce sera lecas quand j’aurais devant moi une assistancenormale, c’est-à-dire avec des hommes et desPeut-être que quand il y aura des femmesparmi vous, les tours auront des profils plusesthétiques !

E n six ans de Rencontres de laconstruction, nous avons essayé defaire le tour de l’entreprise générale…

Le volet d’aujourd’hui, en s’attaquant auxaspects plus techniques de nos métiers, avaitpour ambition de montrer comment par néces-sité mais aussi par devoir, nous mettions auservice du projet en général, des compétencesd’un niveau un peu supérieur à la moyennedes entreprises qui nous entourent.L’innovation n’est bien sûr pas l’apanage denos entreprises et cela a été dit tout à l’heure.Nous savons bien que les entreprises du sec-teur, quelles que soient leur taille et leur spé-cialité, contribuent à ce progrès permanent.Notre profession garde sans doute un peu trop,

auprès de l’opinion publique au sens large,c’est-à-dire en incluant certains donneursd’ordre publics et privés, une image un peufigée qui la tient à l’écart des immenses pro-grès technologiques tels qu’ils apparaissentdans beaucoup d’autres domaines. Noussavons tous ici que cette image ne cadre pasavec la réalité. Au travers de nos discussionsd’aujourd’hui, quand on voit de quoi nosentreprises sont capables lorsqu’elles sontface à des défis mais aussi à quel point l’ima-gination au quotidien est présente sur noschantiers, on comprend mieux pourquoi cer-tains défis deviennent réalisables, et pourquoila qualité augmente de façon très visible.

En ce qui me concerne, je voudrais donner unprix tout particulier au film de Marc Gosséque j’ai trouvé absolument génial dans le trai-tement de la convivialité mais surtout dans ladéfense et la présentation du travail bien fait– ces artistes en train de peindre le faux mar-bre ou les rosaces – et le mélange avec laconvivialité.

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M a première conclusion sera donctout simplement d’affirmer quel’innovation . Le deuxième constat,

au sujet de la R&D, se rapporte à l’un de nosplus vieux chevaux de bataille. Je veux parlerde la propriété industrielle et intellectuelle desidées que nous avons le devoir de développerpour améliorer notre savoir et la satisfactionde nos clients. Nous étions jusqu’à un passéassez récent, dans une situation qui incitait lesentreprises à cacher et donc à rejeter l’imagi-nation, crainte du plagiat instantané. Des pro-grès ont été faits avec une certaine généralisa-tion dans les textes français et européens de lanotion de confidentialité des offres. C’est unmieux, mais nous savons qu’il nous fautencore nous battre, non seulement pour quece principe soit reconnu et appliqué dans tou-tes les situations, mais aussi pour qu’on puisseenfin arriver à donner un statut juridique à lapropriété intellectuelle dans nos métiers. Sil’on veut réellement nous voir progresser pluset plus vite au service de la croissance collec-tive, il faut des solutions équitables à ce diffi-cile problème.

EGF.BTP - 9 rue La Pérouse - 75116 Paristél : 01 40 69 52 78 fax : 01 47 20 76 [email protected] - www.egfbtp.com

« Deux siècles d’entreprise générale et deprogrès dans la construction », le livred’EGF.BTP, a été distribué aux participants.

A près cette rapide conclusion surl’image de nos métiers et sur cettenotion fondamentale de la protection

des idées, je terminerai par un troisièmeconstat plus directement lié au rôle qui nousincombe à nous, entreprises générales, pourlesquelles nous devons être conscients de laresponsabilité globale. Les sujets de ce soirsont d’abord naturellement un problèmed’hommes. Sachez que parmi les adhérentsd’EGF.BTP, nous sommes tous conscients dela nécessité que ce vaste mouvement de latransmission des connaissances et des compé-tences, soit poursuivi et amplifié. Nous som-mes tous conscients que notre avenir, danstous les domaines, est lié à notre capacité àorganiser et à optimiser cette bonne circula-tion de l’expérience qui conduit à donner l’en-vie et le goût d’innover et de créer. Je ne doutepas que, sous des formes très variables selonles cultures de nos entreprises, ce mouvementsoit déjà en route.

Laissez-moi simplement conclure avec unesorte de rappel général. L’idée maîtresse qu’ilm’est toujours apparu nécessaire de défendredepuis plus de six ans à la présidenced’EGF.BTP et par là même, à cette tribune desRencontres de la Construction, c’est la reven-dication forcenée au droit d’être intelligent.C’est la revendication du droit de mettre cetteintelligence au service du progrès individuelet collectif. C’est la revendication que lapalette de nos compétences soit utilisée dansson intégralité. Convenez que cette revendica-tion du droit à l’intelligence a bien été le filrouge de nos Rencontres de la Construction et

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