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Journal de thérapie comportementale et cognitive (2011) 21, 17—23 ARTICLE ORIGINAL L’affirmation de soi revisitée pour diminuer l’anxiété sociale Reviewing self-confidence in order to reduce social anxiety Camille Lefranc ¸ois a,,b , Aurélie Van Dijk a,b , Marie-Héloïse Bardel a , Jacques Fradin a,b , Farid El Massioui a,b a Laboratoire de psychologie et de neurosciences, institut de médecine environnementale, 157, rue de Grenelle,75007 Paris, France b UFR de psychologie, laboratoire de cognition humaine et artificielle (CHArt), université Paris 8 Vincennes-Saint Denis, 2, rue de la Liberté, 93526 Saint-Denis cedex, France Disponible sur Internet le 22 d´ ecembre 2010 MOTS CLÉS Affirmation de soi ; Anxiété sociale ; Thérapie comportementale et cognitive ; Jeu de rôle Résumé Un comportement non assertif est souvent observé chez des individus souffrant d’anxiété sociale. Les thérapies comportementales et cognitives proposent notamment aux sujets phobiques sociaux une méthode d’affirmation de soi basée sur le jeu de rôle. L’objectif de ce travail est d’étudier les effets d’un nouvel exercice cognitif et comportemental de jeu de rôle sur l’affirmation de soi et l’anxiété sociale. Cet exercice est basé sur l’interprétation de deux rôles caricaturaux opposés : un personnage présentant un défaut de confiance en soi, et un autre présentant un excès de confiance en soi. Trente-huit individus présentant des troubles d’anxiété sociale ont participé à l’étude. Les résultats mettent en évidence, à l’aide de ques- tionnaires, une diminution de l’anxiété sociale (Liebowitz) et des troubles de « soumission » définis d’après l’observation clinique et une revue de littérature (« inventaire de positionne- ment grégaire » [IPG] conc ¸u pour l’étude) suite à la pratique quotidienne des exercices pendant une semaine. Aucune évolution n’a été mise en évidence pour les scores obtenus au question- naire d’affirmation de soi (Rathus) ce qui pourrait être attribué aux limites psychométriques de celui-ci. Les études futures analyseront notamment l’effet de ces exercices sur le long terme à l’aide de nouveaux outils d’évaluation. © 2010 Association franc ¸aise de thérapie comportementale et cognitive. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Travail présenté au 41 e congrès de l’EBBS : Lefranc ¸ois C, Fradin J, El Massioui F. (septembre 2009). Self-assertion and primitive gregarious positioning: the emergence of a neurocognitive behavioral therapy? Poster pour le 41st European Brain and Behavior Society Meeting, 13—18 septembre, Rhodes Island, Grèce. Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (C. Lefranc ¸ois). 1155-1704/$ – see front matter © 2010 Association franc ¸aise de thérapie comportementale et cognitive. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.jtcc.2010.11.003

L’affirmation de soi revisitée pour diminuer l’anxiété sociale

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Page 1: L’affirmation de soi revisitée pour diminuer l’anxiété sociale

Journal de thérapie comportementale et cognitive (2011) 21, 17—23

ARTICLE ORIGINAL

L’affirmation de soi revisitée pour diminuerl’anxiété sociale�

Reviewing self-confidence in order to reduce social anxiety

Camille Lefrancoisa,∗,b, Aurélie Van Dijka,b, Marie-Héloïse Bardela,Jacques Fradina,b, Farid El Massiouia,b

a Laboratoire de psychologie et de neurosciences, institut de médecine environnementale,157, rue de Grenelle,75007 Paris, Franceb UFR de psychologie, laboratoire de cognition humaine et artificielle (CHArt), université Paris 8 Vincennes-Saint Denis,2, rue de la Liberté, 93526 Saint-Denis cedex, France

Disponible sur Internet le 22 decembre 2010

MOTS CLÉSAffirmation de soi ;Anxiété sociale ;Thérapiecomportementale etcognitive ;Jeu de rôle

Résumé Un comportement non assertif est souvent observé chez des individus souffrantd’anxiété sociale. Les thérapies comportementales et cognitives proposent notamment auxsujets phobiques sociaux une méthode d’affirmation de soi basée sur le jeu de rôle. L’objectifde ce travail est d’étudier les effets d’un nouvel exercice cognitif et comportemental de jeu derôle sur l’affirmation de soi et l’anxiété sociale. Cet exercice est basé sur l’interprétation dedeux rôles caricaturaux opposés : un personnage présentant un défaut de confiance en soi, etun autre présentant un excès de confiance en soi. Trente-huit individus présentant des troublesd’anxiété sociale ont participé à l’étude. Les résultats mettent en évidence, à l’aide de ques-tionnaires, une diminution de l’anxiété sociale (Liebowitz) et des troubles de « soumission »définis d’après l’observation clinique et une revue de littérature (« inventaire de positionne-ment grégaire » [IPG] concu pour l’étude) suite à la pratique quotidienne des exercices pendantune semaine. Aucune évolution n’a été mise en évidence pour les scores obtenus au question-

naire d’affirmation de soi (Rathus) ce qui pourrait être attribué aux limites psychométriques decelui-ci. Les études futures analyseront notamment l’effet de ces exercices sur le long termeà l’aide de nouveaux outils d’évaluation.© 2010 Association francaise de thérapie comportementale et cognitive. Publié par ElsevierMasson SAS. Tous droits réservés.

� Travail présenté au 41e congrès de l’EBBS : Lefrancois C, Fradin J, El Massioui F. (septembre 2009).Self-assertion and primitive gregarious positioning: the emergence of a neurocognitive behavioral therapy? Poster pour le 41st EuropeanBrain and Behavior Society Meeting, 13—18 septembre, Rhodes Island, Grèce.

∗ Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (C. Lefrancois).

1155-1704/$ – see front matter © 2010 Association francaise de thérapie comportementale et cognitive. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.doi:10.1016/j.jtcc.2010.11.003

Page 2: L’affirmation de soi revisitée pour diminuer l’anxiété sociale

Hence, subsequent studies will analyse the long-term effects of our role-playing technique,with a larger population and using present and new measurement tools.

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Cllbdlvdrccpsccdlàpction d’un individu sur cet axe le « positionnement social »ou « positionnement grégaire » (PG) en référence à sa signi-fication phylogénétiquement très archaïque, organisant lestroupeaux et groupes sociaux primitifs. Nous avons divisé

© 2010 Association francaisMasson SAS. All rights reser

ntroduction

ien entre comportement assertif et anxiétéociale

e comportement assertif permet à une personne « d’agiru mieux dans son intérêt, de défendre son point de vueans anxiété exagérée, d’exprimer avec sincérité et aisancees sentiments et d’exercer ses droits sans dénier ceux desutres » [1]. Les troubles de l’assertivité se traduisent parn excès ou un défaut de ce type de comportement : unxcès d’affirmation de soi (au détriment des autres) peutonduire parfois à des comportements violents ou manipu-ateurs ; à l’inverse, un défaut notable d’affirmation de soieut se traduire par des comportements inhibés, une faibleonfiance en soi, et conduire éventuellement à une dépres-ion [2,3]. Il semblerait que ces derniers types de troublesoient comparables à ceux observés chez les patients souf-rant de phobie et d’anxiété sociales [4,5]. Dans ce cadre,rower et al. ont développé la théorie psychobiologique duang social [5]. Cette théorie suggère que l’anxiété socialeerait déclenchée par les mécanismes impliqués à l’origineans les comportements de soumission. Ces comportementse soumission auraient été destinés, d’un point de vue phy-ogénétique, à maintenir une hiérarchie sociale primitive.e tels comportements s’avèreraient pathologiques chez

’homme.

ctivité cérébrale, dominance/soumission etnxiété sociale

maral [6] évoque également l’association « troubles de’assertivité/anxiété et phobie sociales » en analysant’activité d’une zone cérébrale : l’amygdale. Cette zone esteconnue, chez l’animal, comme étant liée aux processuse reconnaissance de sa position par rapport à autrui, enermes de rapport de force. Ces processus de reconnaissancee sa position sont relatifs au traitement des expressionsaciales, des expressions vocales, du comportement postu-al, de l’odeur (sudation, hormones), etc. [7]. La destructionilatérale des amygdales entraîne par ailleurs la disparition

otale des comportements de violence sociale, de crainteu de méfiance, que ce soit chez l’être humain (maladie’Urbach-Wiethe, [8]) ou chez certains autres mammifères7,9,10]. Une étude [11] a également montré qu’une abla-

nc

thérapie comportementale et cognitive. Published by Elsevier

ion de l’amygdale provoque chez des singes Rhésus mâlesne incapacité à se réinsérer dans leur groupe d’origine ouans un autre, faute de pouvoir émettre ou reconnaître lesignes sociaux et hiérarchiques. Amaral [6] suggère donc que’amygdale puisse être impliquée dans des troubles de typehobie et anxiété sociales. L’équipe de Yoon [12] confirmeette hypothèse lors d’une étude mettant en évidence, enmagerie1, une activité d’une région de l’amygdale plusntense chez des patients phobiques sociaux comparative-ent à des sujets sains. D’autres travaux montrent une

aible activité du cortex préfrontal, associée à une sur-ctivité de l’amygdale, du thalamus et du gyrus temporalédian droits chez une population de meurtriers, compara-

ivement à des sujets sains [13,14].

roubles du positionnement grégaire

onsidérant ces différentes observations, nous supposons unien entre des comportements de soumission/dominance,’assertivité et des troubles tels que l’anxiété et la pho-ie sociales. Ces différents comportements impliquent sansoute, d’après la littérature, l’activité de l’amygdale. Dea même facon qu’en psychiatrie [15], nous avons pu obser-er que ces troubles comprenaient des comportements etes représentations de soi par rapport à autrui très sté-éotypés. Nous avons alors classé, d’après nos observationsliniques et la littérature [1—3,16,17], l’ensemble de cesomportements et représentations cognitives sur un axeroposant les comportements de dominance et de soumis-ion de part et d’autre de cet axe. La représentation suret axe suppose un continuum entre ces deux types deomportements, l’intermédiaire entre ces deux extrêmeséfinissant une absence de ces troubles. Il semblerait quea position intermédiaire soit une position plus favorable

l’acquisition d’un comportement assertif, tandis que lesositions extrêmes, sur cet axe, apparaissent difficilementompatibles avec l’assertivité. Nous avons appelé la posi-

18 C. Lefrancois et al.

KEYWORDSSelf-confidence;Social anxiety;Cognitive andbehavioural therapy;Role-playing

Summary Non-assertive behaviour is often observed in social phobia. Consequently, cognitiveand behavioural therapies for social phobia consist largely of social skills training and assertivetraining, mostly using role-playing. The aim of this paper is to study the effects of a new role-playing intervention technique on self-confidence and social anxiety. The intervention consistedin playing two caricatured and opposite roles. The first one was a submissive role, and the secondwas a dominant role. Thirty-eight participants completed the Liebowitz social anxiety scale(LSAS ; Liebowitz, 1987) and the Rathus assertiveness schedule (RAS ; Rathus, 1973). Our resultsshowed a lesser social anxiety level after a one-week period of daily role-playing. Assertivenesslevel however remained the same, probably due to psychometrical limitations of the tool.

1 IRMf : imagerie par résonance magnétique fonctionnelle : tech-ique d’imagerie cérébrale destinée à mettre en évidence l’activitéérébrale.

Page 3: L’affirmation de soi revisitée pour diminuer l’anxiété sociale

L’affirmation de soi revisitée pour diminuer l’anxiété sociale

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Trente-huit individus volontaires ont participé à l’étude et

Figure 1 Graduation des comportements de soumission et dedominance [16,17].

cet axe en 11 niveaux d’intensité et de manifestation deces comportements (Fig. 1) allant de −5 (comportementsde soumission extrême ou PG le plus bas) à +5 (dominanceextrême ou PG le plus haut), en passant par 0 (neutralitédu PG, absence de comportements dits de soumission oudominance).

Un traitement des troubles du positionnementgrégaire ?

Ayant observé, notamment chez l’humain, que soumis etdominants exécutent fréquemment des « rituels compor-tementaux » (par exemple : s’excuser sans raison, cédersa place à autrui, être d’un perfectionnisme anxieux etscrupuleux ou au contraire s’arroger des droits, s’imposer,déstabiliser autrui, etc.) et produisent des commentairesintérieurs propres à chaque niveau d’intensité (se sentir cou-pable, indigne de la place qu’on occupe, ou au contraire sesentir constamment lésé ou humilié, pas assez imposant,pas assez « prédateur ») nous avons fait l’hypothèse que cesstéréotypes pouvaient non seulement être symptomatiquesdu positionnement mais avoir aussi un rôle actif dans sonmaintien. Nous avons supposé qu’une inversion des rôlespourrait permettre un traitement des troubles associés à lasoumission (comprenant notamment l’anxiété sociale, etc.).Nous avons alors élaboré des exercices comportementaux etcognitifs sous forme de jeux de rôles caricaturaux.

L’observation clinique tend alors à montrer que le PGd’un individu se maintient à un niveau moyen comme s’ilétait sous l’influence d’un phénomène d’autorégulation

intrinsèque [16,17]. Un individu présentant, par exemple,un niveau moyen de soumission −2 d’après notre échelled’évaluation, pourra manifester des fluctuations cycliquesentre −3 et −1. Cela implique que l’intensité de soumis-

o(ch

19

ion d’un individu diminuera lors d’un événement heureuxu agréable, mais qu’il se produira comme un effet rebonduelques heures ou jours plus tard selon les individus. Cetffet rebond semble faire revenir l’intensité de soumissionson niveau moyen initial, indépendamment de tout événe-ent extérieur. Ce retour du PG à un niveau moyen pourrait

voir pour but de maintenir ce positionnement de l’individu,onc la stabilité sociale. À l’inverse, un évènement négatifeut provoquer momentanément une augmentation de laoumission puis un retour au niveau initial, indépendammente toute amélioration de la situation. Les exercices dits deG que nous proposons permettent de pallier les troubles deoumission et augmentent le PG (diminuant ainsi le niveaue soumission) progressivement et suffisamment pour qu’il’y ait pas de retour au niveau moyen initial (prévention de’effet rebond) et ce pendant le temps nécessaire pour unouveau positionnement.

Les techniques thérapeutiques les plus répandues etisant à traiter ce type de trouble sont des méthodese thérapie comportementale et cognitive. Ces thérapiesombinent la plupart du temps plusieurs méthodes tellesue l’exposition aux situations phobogènes, la relaxationppliquée, l’affirmation de soi, la restructuration cogni-ive, pour les plus connues. La méthode d’affirmation deoi propose notamment un entraînement aux compétencesociales et un entraînement à l’acquisition d’un comporte-ent assertif. Cette technique vise à observer, reproduire

t finalement intégrer un comportement assertif par appren-issage d’un modèle [18]. L’individu constituerait de cetteacon de nouvelles représentations associées aux situa-ions d’exposition sociale. Cependant, certains patients sontésistants à ce type de thérapie.

Le présent travail vise à évaluer l’impact des exercicese PG. Ces exercices ont été créés d’après l’hypothèseue les mécanismes sous-jacents à l’anxiété sociale et àa phobie sociale seraient en lien avec des symptômes deoumission excessive [6]. Une première évaluation favo-able de ces exercices nous permettrait à l’avenir deomparer l’efficacité de tels exercices à l’efficacité desechniques de TCC classiques, et notamment vis-à-vis desujets résistants à ces dernières méthodes. Pour cetteré-étude, nous avons donc comparé l’évolution de deuxroupes de sujets présentant des caractéristiques d’anxiétéociale, de défaut d’affirmation de soi et de soumission,’un réalisant des exercices proposés quotidiennement,’autre pas. Notre hypothèse est que le groupe de sujetsyant effectué les exercices verra ses symptômes diminueru terme de la période thérapeutique. Comparativement,ous supposons que le groupe contrôle ne montrera pas’évolution des symptômes au terme de la semaine expé-imentale.

éthode

articipants

nt été répartis en deux groupes : un groupe expérimentalGE) (huit femmes et dix hommes) ayant réalisé des exer-ices de jeux à deux rôles et un groupe contrôle (GC) (cinqommes et 15 femmes) n’ayant effectué aucun exercice. Les

Page 4: L’affirmation de soi revisitée pour diminuer l’anxiété sociale

20 C. Lefrancois et al.

Tableau 1 Moyennes et écarts-types relatifs à l’âge, aux niveaux d’anxiété sociale, d’affirmation de soi et de soumissionobservés avant l’expérience (t0), pour chacun des deux groupes.

Âge Anxiété sociale(Liebowitz)

Affirmation desoi (Rathus)

Niveau desoumission (IAPG)

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Groupe contrôle (n = 20) 31,3 (12,5) 61,Groupe expérimental (n = 18) 31,6 (10,8) 64,

eux groupes sont homogènes en termes d’âge, d’anxiétéociale, de niveau d’affirmation de soi et de PG (Tableau 1).

atériel

es questionnaires’échelle d’anxiété sociale de Liebowitz (Liebowitz socialnxiety scale [19]). L’échelle de Liebowitz est un ques-ionnaire d’hétéroévaluation mesurant l’anxiété sociale etroposant au sujet 24 situations. Pour chaque situation, leujet doit donner son niveau d’anxiété et d’évitement dansne situation d’interaction et de performance sociale, deà 3. L’anxiété sociale correspond à la somme des scores’anxiété et d’évitement, mais il est également possible deonsidérer ces scores séparément.’échelle d’affirmation de soi de Rathus (assertivenesschedule [20]). L’échelle de Rathus est un questionnaire’autoévaluation mesurant l’affirmation de soi. Elle pré-ente 30 situations et comportements de la vie couranteour lesquels le sujet doit indiquer s’il se reconnaît de faconlus ou moins caractéristique dans ces types de situations etomportements. Le sujet répond selon une graduation allante −3 à +3.’inventaire de positionnement grégaire (IPG). L’IPG estn questionnaire d’autoévaluation comprenant 24 questionsestinées à évaluer l’intensité des comportements de sou-ission et 26 questions destinées à évaluer l’intensité des

omportements de dominance. Les réponses à ces ques-ions sont graduées de 0 à 3. Les réponses relevées sontn termes de niveau de PG (de −5, soumission extrême,+5, dominance extrême) et d’intensité d’expression des

omportements relatifs à ces niveaux (en pourcentage). Ceuestionnaire n’a pas été validé et constitue seulement unutil à titre indicatif pour cette pré-étude.

es exercices thérapeutiques de positionnementrégaire (exercices de PG)es exercices consistent à jouer consécutivement deuxôles. Chacun des rôles dure environ une à deux minutes. Ilst demandé au sujet d’axer ces exercices sur une situationu un objet particulier qui lui pose problème (par exemple,ne personne ou un type de situation avec lesquels il peuttre mal à l’aise).

Le premier exercice consiste à caricaturer un person-age soumis (en position couchée et recroquevillée) en pleinffolement, exprimant tout ce qu’il redoute, s’agitant dans

ous les sens, mais peu crédible aux yeux du sujet lui-mêmethéâtralisation). Nous demandons à l’individu de jouer ceersonnage comme s’il était un dominant qui imiterait etidiculiserait de facon plus ou moins grossière un individuoumis dans un accès d’affolement. Cet exercice est sou-

Uopgd

,6) −9,9 (20,7) 69,82 (45,79),8) −10,8 (20,1) 86,28 (47,60)

ent générateur de rire et permet d’induire, par son excès,ne prise de recul.

Le second exercice consiste à jouer un personnage domi-ant et caricatural (debout, torse bombé), moqueur voireruel à l’égard du personnage joué en premier. Nous avonsu observer que le jeu de ce personnage est facilité etmplifié dès lors qu’il est précédé du premier jeu deôle : il semble que celui-ci permette une forme « d’effetalancoire » ou d’effet rebond facilitant la réalisation duecond jeu de rôle. Ce second rôle aurait comme une fonc-ion « antidote » des comportements liés à la soumission,t pourrait solliciter les territoires antagonistes, impliquésans les comportements de dominance, au niveau de zonesérébrales telles que les noyaux basolatéraux de l’amygdale10].

rotocole expérimental

roupe expérimental’étude durait huit jours durant lesquels chaque sujet devaitffectuer les exercices de PG une fois par jour. Chaque sujetu GE a été évalué à deux reprises : le premier jour avantes premiers exercices de PG et le dernier jour après laernière séance d’exercices. Chaque évaluation durait enoyenne une demi-heure et comprenait la passation des

rois questionnaires : l’échelle de Liebowitz, l’échelle deathus puis le questionnaire IPG. Les exercices ont été mon-rés aux sujets le premier jour d’expérience puis effectuésar chacun d’entre eux en séance individuelle encadréear un psychothérapeute. Durant les six jours suivants, lesujets étaient appelés quotidiennement et suivis par télé-hone pour la réalisation de leurs exercices. Chaque séance’exercices a duré de deux à quatre minutes. Le dernier jour,e psychothérapeute rencontrait à nouveau chaque sujetour la dernière séance d’exercices et pour une nouvelleassation de questionnaires.

roupe contrôlee GC a été évalué deux fois à six jours d’intervalle aveces mêmes questionnaires que le GE (questionnaires de Lie-owitz, Rathus, IAPG). Les sujets témoins n’ont effectué nintendu parler des exercices de PG entre ces deux rendez-ous.

ésultats

ne Anova à mesures répétées a été menée sur les scoresbtenus aux échelles d’affirmation de soi, d’anxiété et dehobie sociales, et de PG. Nous avons considéré un facteurroupe à deux modalités (GE ; GC) et un facteur session’évaluation (sessions avant et après). Nous avons égale-

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L’affirmation de soi revisitée pour diminuer l’anxiété sociale 21

Figure 2 Niveaux d’anxiété sociale du groupe expérimental (GE) et du groupe contrôle (GC) évalués avant (t0) et après (t1)

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expérience, à l’aide de l’échelle de Liebowitz. *ET : écart-type

ment effectué une analyse de corrélation entre les donnéesobtenues à l’aide des différents questionnaires.

Effets des exercices de positionnement grégairesur la phobie sociale

L’analyse statistique montre une interaction significa-tive entre les facteurs groupe et session d’évaluation[F(1,36) = 7,83 ; p < 0,01]. Le GE montre en effet une diminu-tion significative du score de phobie sociale après huit joursd’exercices thérapeutiques [F(1,17) = 9,78 ; p < 0,01] tandisque le GC ne montre pas de différence entre les deux ses-sions d’évaluation (Fig. 2).

Nous retrouvons les mêmes effets en ce qui concerneles sous-scores d’anxiété sociale et d’évitement, à savoirqu’il y a une interaction entre les facteurs groupe et sessiond’évaluation pour l’anxiété sociale [F(1,36) = 6,21 ; p < 0,02]et pour l’évitement [F(1,36) = 6,40 ; p < 0,02]. L’analyse au

sein du GE montre alors une différence significative entreles deux sessions d’évaluation, allant dans le sens d’unediminution de l’anxiété sociale [F(1,17) = 10,83 ; p < 0,004] etd’une diminution de l’évitement [F(1,17) = 6,72 ; p < 0,02], etce exclusivement pour le GE.

lciee

Figure 3 Niveaux de soumission du groupe expérimental (GE) eexpérience, à l’aide de l’IPG.

ffets des jeux à deux rôles sur l’affirmation de soi

’Anova n’a pas mis en évidence d’effet significatif des exer-ices de PG sur le niveau d’affirmation de soi, évalué à l’aidee l’échelle de Rathus.

ffets des exercices de positionnement grégaireur les symptômes de soumission décrits par’inventaire de positionnement grégaire

’Anova a montré une interaction entre les facteurs groupet session d’évaluation [F(1,36) = 12,1 ; p < 0,001]. Nous avonslors observé que seul le GE présentait une évolution signi-cative du niveau de soumission, allant dans le sens d’uneiminution [F(1,17) = 10,43 ; p < 0,005] (Fig. 3).

orrélations entre questionnaires

ous rappelons que ces corrélations concernent également

’IPG, qui n’a pas encore fait l’objet d’une validation psy-hométrique. Ces corrélations sont donc présentées à titrendicatif. Nous avons pu observer une corrélation positiventre le niveau de phobie sociale (échelle de Liebowitz)t le niveau de soumission (inventaire de PG) (r = 0,65 ;

t du groupe contrôle (GC) évalués avant (t0) et après (t1)

Page 6: L’affirmation de soi revisitée pour diminuer l’anxiété sociale

2

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< 0,05). Nous avons également constaté des corrélationségatives entre le niveau d’affirmation de soi (échellee Rathus) d’une part, et les niveaux de phobie socialer = −0,60 ; p < 0,05, échelle de Liebowitz) et de soumissionr = −0,41 ; p < 0,05, échelle de Rathus) d’autre part. L’étudees corrélations entre évolutions (différences entre avant etprès semaine expérimentale) des résultats aux question-aires montrent également une corrélation positive entre’évolution des niveaux de phobie sociale (Liebowitz) ete PG (IPG) (r = 0,74 ; p < 0,0005) ; une corrélation négativentre l’évolution des niveaux de confiance en soi (Rathus)t de PG (IPG) (r = −0,40 ; p = 0,013) ; une corrélation néga-ive entre les niveaux de phobie sociale (Liebowitz) et deonfiance en soi (Rathus) (r = −0,59 ; p < 0,0005).

iscussion

es scores à l’échelle de Liebowitz montrent que lesxercices de PG permettent de diminuer l’expression deymptômes d’anxiété et d’évitement sociaux. Les résultatsettent en évidence une diminution significative des symp-

ômes de la dimension de phobie sociale, à la suite d’uneemaine d’exercices thérapeutiques pour le GE, tandis qu’ils’évoluent pas pour le GC.

Les scores à l’échelle de Rathus, en revanche, neontrent pas de différence significative entre l’avant et

’après semaine expérimentale, quel que soit le groupe.’échelle de Liebowitz ayant malgré tout permis d’observerne évolution quant à la manifestation des symptômesour le GE, nous avons supposé que les résultats observésvec l’échelle de Rathus étaient moins imputables à unebsence d’effet des exercices en eux-mêmes qu’à la qua-ité de mesure de l’échelle. Nous avons donc mieux étudiées caractéristiques de l’échelle de Rathus. Une premièreypothèse est que les symptômes relatifs à l’affirmation deoi et décrits par l’échelle de Rathus n’entrent pas danse concept de soumission/dominance. Il est possible éga-ement de supposer qu’une semaine d’exercices soit uneurée insuffisante pour pouvoir mettre en évidence une dif-érence du degré d’affirmation de soi à l’aide de l’échelle deathus. En effet, cette échelle comprend un nombre moins

mportant de questions (30 questions) que les échelles deiebowitz (48 questions) et IPG (50 questions) et peut, dee fait, être moins sensible au changement que les autreschelles.

Par ailleurs, les questions de l’échelle de Rathus pré-entent un caractère général, portant exclusivement sur lesomportements observables et constatables de l’individu,andis que les questions de Liebowitz et de l’IPG se réfèrentgalement au caractère émotionnel et aux cognitions de’individu par rapport à son comportement. De cette facon,l se peut que l’échelle de Rathus n’intègre pas les indi-idus pouvant passer outre leurs émotions et leurs peursociales d’un point de vue comportemental mais moins d’unoint de vue émotionnel. Ce serait, par exemple, le cas’un individu qui parviendrait à dire ce qui ne lui convient

as ou à manifester son opinion, mais ce au prix d’unoût émotionnel significatif. Ces caractéristiques pourraientxpliquer un manque de sensibilité de l’échelle de Rathus.l est à noter que l’étude psychométrique de l’échelle deathus [20] a révélé une cohérence interne significative

Lcre

C. Lefrancois et al.

eulement pour 24 des 30 items qui la composent, et uneelative hétérogénéité de cet outil pour lequel trois facteursrincipaux ont été isolés. L’équipe de Bouvard [21] a égale-ent constaté une très faible corrélation entre l’échelle deathus, d’autres échelles de phobie sociale et le question-aire des peurs de Marks [22]. Ainsi, l’absence d’effet desxercices sur l’affirmation de soi pourrait être attribuée auxaractéristiques psychométriques de l’échelle de Rathus.

L’IPG n’a pas fait l’objet d’une validation psychomé-rique et n’a été proposé aux sujets qu’à titre indicatift exploratoire. L’utilisation de cet inventaire impose ainsine réserve quant à l’interprétation des résultats qui enécoulent. Nous pouvons cependant noter que les résultatsaissent observer une diminution significative de l’intensitée soumission du GE à l’issue d’une semaine d’exercicesuotidiens. L’intensité de soumission du GC, en revanche,e montre pas de changement significatif à l’issue de’expérience. Nous remarquons également les corrélationsignificatives des évolutions avant—après entre les diffé-ents questionnaires utilisés. Ces résultats laissent penserun lien entre les symptômes de PG tels que nous les avonséfinis, les symptômes de phobie sociale et la confiance enoi.

Ces différents résultats amènent donc à supposer un effeténéfique des exercices de PG sur des troubles relatifs à unrofil de soumission tel que nous l’avons décrit (Fig. 1), etur la phobie sociale. Les résultats liés à l’impact de cesxercices sur l’affirmation de soi sont moins encourageants.ependant, les propriétés de l’échelle de Rathus conduisentrevoir la question en utilisant à l’avenir une échelle deesure de l’affirmation de soi présentant des qualités psy-

hométriques différentes.

onclusion

es résultats de cette première étude exploratoire nous per-ettent d’envisager une deuxième étude, plus ambitieuse.

n effet, il serait intéressant d’approfondir ce cadre deecherche en estimant l’effet potentiellement placebo ouawthorne de tels exercices, mais également en comparant

’effet des exercices de PG traitant la soumission à l’effete thérapies classiques et destinées à traiter les troubles dehobie sociale et d’affirmation de soi. Il serait nécessairee réaliser ce type d’étude sur une population plus impor-ante et une durée plus longue, et d’explorer d’autres outils’évaluation (potentiellement plus conformes à ce que l’onouhaite évaluer que l’échelle de Rathus). Par ailleurs, unetude en IRMf permettrait d’envisager les liens potentielsntre l’apparition de tels comportements et l’impact desxercices de PG sur l’activité de l’amygdale. Ce mêmeype de projet pourrait être réalisé pour évaluer les effets’exercices de jeux de rôles miroirs sur l’agressivité et desymptômes dits de « dominance » pathologique.

onflit d’intérêt

’auteur déclare participer à des interventions (essaisliniques, travaux scientifiques, activités de conseil, confé-ences, colloques) pour l’entreprise Institut de médecinenvironnementale, Paris.

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[concept changes in assertive training groups: A pilot study. Acta

L’affirmation de soi revisitée pour diminuer l’anxiété sociale

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