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2 Tageblatt Samstag, 6. April 2019 • Nr. # THEMA GESCHICHTE Il a placé ce projet dans le contexte plus large de l’augmen- tation de la population des pro- chaines décennies et de l’évolu- tion d’autres friches dans le pays. Il a appelé au courage politique pour transformer ces friches en quartiers écologiques et pour re- lier ici ce qui était avec ce qui est et ce qui sera. Donc d’intégrer l’histoire du site dans les planifi- cations. L’histoire d’une usine mais aussi de ses relations avec les villes d’Esch et de Schifflange, avec l’Alzette et la Dipbach, avec les mines à ciel ouvert au Lallingerberg et au Galgenberg, les réserves naturelles Pudel et Brill. L’histoire écrite par les hommes sur ce site, dont un mo- ment central de la grève générale contre l’occupant nazi le 31 août 1942. Permettez-nous donc d’évo- quer quelques aspects de l’his- toire de cette usine, par laquelle commençait, il y a 150 ans, le dé- placement du centre de gravité économique du centre vers le sud du pays et le (premier) boom dé- mographique de la ville d’Esch et du Bassin minier. L’usine sidé- rurgique d’Esch-Schifflange mise en service en 1871 était exploitée en compte à demi par la Société des forges d’Eich, Metz & Cie ainsi que par la Société anonyme des mines du Luxembourg et des forges de Sarrebruck, dont l’usine sidérurgique se trouvait à Bur- bach en Sarre. Par convention datée du 18 septembre 1871, les maîtres de forges Victor Tesch (pour Bur- bach) et Norbert Metz (pour les forges d’Eich), d’ailleurs liés par d’étroits liens familiaux, étaient convenus que l’usine comporte- rait quatre hauts-fourneaux ré- partis en deux groupes, que les dépenses d’établissement se- raient supportées à frais com- muns et que les charges et les bénéfices seraient partagés. L’usine d’Esch-Schifflange ne disposait donc pas de raison so- ciale propre et les installations de production les plus importantes étaient doublées, ce qui en cas de mésentente entre les deux partenaires ou de difficultés éco- nomiques aurait autorisé sans trop de difficultés la séparation des biens et installations de production. Il s’agit là d’une particularité qui reflète bien la prudence en affaires des fonda- teurs et qui confère à la „Metze- schmelz“ – c’est ainsi que les Eschois ne tardaient pas à désigner l’usine pour la distin- guer de l’usine de Terre-Rouge dite „Brasseurschmelz“ – une cer- taine originalité au niveau de la gestion des entreprises sidérurgi- ques de l’époque. Dès avant la conclusion de cet accord, Norbert Metz avait acquis sur le ban des localités d’Esch-sur-Alzette et de Schiff- lange 23 ha de terrains ainsi que le château de Berwart. L’empla- cement de la future usine se trou- vait à proximité immédiate des exploitations minières du Lallin- gerberg et du Galgenberg. C’est sur un plateau près de la ligne des chemins de fer qu’est construite l’usine. L’avenir appartient aux grandes usines intégrées Le premier haut-fourneau fut mis à feu le 10 octobre 1871, les trois autres suivirent à un rythme rapproché et en 1875 la produc- tion atteignit déjà 100.000 t de fonte. Les quatre hauts-four- neaux produisaient jusqu’en 1911 de la fonte de moulage (pour les fonderies) ainsi que de la fonte d’affinage (pour les fours à puddler), puis à partir des an- nées 1880 de la fonte Thomas (pour les aciéries Thomas). Les Metz-Tesch avaient égale- ment fixé à l’usine d’Esch-Schiff- lange un double objectif de pro- duction: une moitié de la produc- tion était affectée à l’approvision- nement en fonte à bon marché de l’usine sarroise de Burbach, l’au- tre moitié était commercialisée par Metz & Cie, pour être placée pour l’essentiel sur les marchés du Zollverein, en particulier auprès des producteurs de fer puddlé et d’acier Thomas de Rhénanie-Westphalie. L’usine était dirigée conjointe- ment par l’un des gendres de Victor Tesch, l’ingénieur Hubert Muller-Tesch, et par Léon Metz, fils d’Auguste Metz, premier gé- rant de l’entreprise portant le même nom; le premier supervi- sant les exploitations minières, le second prenant en charge la di- rection de l’usine sidérurgique. Les deux familles de maîtres de forges demeuraient au château de Berwart à proximité immédiate de l’usine. Quatre décennies après sa fondation, il s’avéra que l’usine à fonte d’Esch-Schifflange n’était plus vraiment rentable et que sa technique de production était dé- passée. La mise au point de puis- santes machines à gaz de haut- fourneau avait en effet révolu- tionné la technique de produc- tion sidérurgique à la fin du 19 e siècle. L’utilisation maximale et rationnelle des gaz de haut-four- neau, par leur transformation en force motrice, rendait possible la production en circuit énergétique fermé. L’avenir appartenait aux gran- des usines intégrées, comportant hauts-fourneaux, aciéries et lami- noirs. L’usine de Burbach profita sans tarder de cette innovation technique et augmenta sa capa- cité de production de fonte en mettant sous feu des hauts-four- neaux de grande capacité, ce qui l’amena à réduire considérable- ment son approvisionnement en fonte à Esch-Schifflange après le tournant du siècle. Au retard technologique s’ajoutait l’effondrement des prix de vente de la fonte au début du 20 e siècle. Vers 1910 la moderni- sation d’Esch-Schifflange était devenue une question d’urgence absolue et divers projets furent étudiés. Lorsque la direction de Burbach élabora un premier plan de modernisation, d’ambition fort modeste, Emile Mayrisch, directeur de l’usine sidérurgique de Dudelange, saisit l’occasion pour soumettre un plan de mo- dernisation d’une toute autre en- vergure. Le projet de Mayrisch se foca- lisait sur la question énergétique, c.-à-d. sur l’utilisation optimale des gaz de haut-fourneau comme source de la force motrice action- nant à peu près toutes les machi- nes et installations de produc- tion. Il envisageait la transforma- tion de l’usine à fonte en usine sidérurgique intégrée avec aciérie et laminoirs, projet réalisé au même moment de l’autre côté de la ville d’Esch, à Belval, par la Gelsenkirchener Bergwerks-AG. En comparaison du plan élaboré par Burbach, ce plan très ambi- tieux tablait sur une augmentation considérable des capacités de pro- duction d’Esch-Schifflange, un abaissement du prix de revient du produit fini d’à peu près 20%, donnant à la fin un bénéfice net de l’usine multiplié par huit. Modernisation de la „Metzeschmelz“ et fondation de l’Arbed Un plan de modernisation de cette envergure n’était cependant réalisable qu’au prix d’investisse- ments substantiels que les pro- priétaires de l’usine n’étaient plus en mesure d’assurer par auto- financement. Le recours à l’em- prunt obligataire devenait indis- pensable. Mayrisch, promoteur déclaré du projet de fusion des trois sociétés de Burbach, Eich et Dudelange, ne faisait nullement mystère de son intention d’utili- ser la question du lancement d’un emprunt obligataire pour faire avancer le dossier de la fusion. Etant donné que l’usine d’Esch- Schifflange ne disposait pas de raison sociale propre, le recours à l’emprunt était impossible en l’état. Ne restait donc que le choix entre la constitution d’une nou- velle entreprise conférant une raison sociale à Esch-Schifflange et celui de la fusion des sociétés mères de Burbach, Eich et Dude- lange. C’est finalement cette der- nière option qui l’emporta pour aboutir à la fondation de l’Arbed à la fin octobre 1911. La moder- nisation de l’usine d’Esch-Schiff- lange constitua ainsi un puissant motif pour hâter la fusion de Burbach-Eich-Dudelange. Un emprunt obligataire à 4% d’un montant émis de 20.000.000 francs pour faire face aux dépen- ses occasionnées notamment par la construction de l’usine d’Esch- Schifflange fut levé par l’Arbed en 1912. Les travaux de modernisation furent engagés en étendant l’usine en contre-bas du plateau des installations de 1871, sous la direction de l’ingénieur allemand Hubert Hoff, précédemment chef du service électromécanique à l’usine de Dudelange. Il était en- visagé de construire une usine in- tégrée basée pour sa force mo- trice sur l’emploi des gaz de haut- fourneau. Ces gaz, avant utilisa- tion, étaient épurés par voie sè- che. Une partie du gaz était brû- lée dans cinq chaudières multi- tubulaires. La vapeur produite actionnait quatre turbines de 4.000 kW chacune et une turbine de 15.000 kW, fournissant le courant triphasé de 3.100 volts. Quatre soufflantes MAN à gaz produisaient le vent pour les hauts-fourneaux. Une cinquième soufflante MAN pouvait marcher soit en parallèle avec la soufflante MAN de réserve à l’aciérie, soit en parallèle avec les soufflantes des hauts-fourneaux. Pour le lancement de la planification urbanistique des 62 ha de la friche d’Esch-Schifflange il y a une semaine, Claude Turmes, ministre de l’Aménagement du territoire et de l’Energie, a prononcé un discours remarquable. La Metzeschmelz, quelle histoire! L’histoire du temps présent Denis Scuto, Jacques Maas Photo: archives Editpress Photo aérienne du site d’ArcelorMittal Esch-Schifflange en 2014: jeudi, quatre équipes d’urbanistes ont présenté leur vision d’un quartier qui relie le site à Esch, à Schifflange, à l’Alzette et au Lallingerberg et qui donne une nouvelle vocation aux éléments clé de l’ancienne usine (laminoirs, aciérie électrique, tour de refroidissement, château d’eau, station de pompage ...)

L’histoire du temps présent La Metzeschmelz, quelle histoire! · 2019-04-06 · tandem de 10.000 CV. Les divers trains furent mis en service suc-cessivement au cours de la deuxième

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Page 1: L’histoire du temps présent La Metzeschmelz, quelle histoire! · 2019-04-06 · tandem de 10.000 CV. Les divers trains furent mis en service suc-cessivement au cours de la deuxième

05.04.19 20:52:25 [Teilseite 'Premium 2' - EditPress | Editpress | Tageblatt | Tageblatt | Premium] von yschumacher (Color Bogen)

2 TageblattSamstag, 6. April 2019 • Nr. #THEMA GESCHICHTE

Il a placé ce projet dans lecontexte plus large de l’augmen-tation de la population des pro-chaines décennies et de l’évolu-tion d’autres friches dans le pays.Il a appelé au courage politiquepour transformer ces friches enquartiers écologiques et pour re-lier ici ce qui était avec ce qui estet ce qui sera. Donc d’intégrerl’histoire du site dans les planifi-cations. L’histoire d’une usinemais aussi de ses relations avecles villes d’Esch et de Schifflange,avec l’Alzette et la Dipbach, avecles mines à ciel ouvert auLallingerberg et au Galgenberg,les réserves naturelles Pudel etBrill. L’histoire écrite par leshommes sur ce site, dont un mo-ment central de la grève généralecontre l’occupant nazi le 31 août1942.

Permettez-nous donc d’évo-quer quelques aspects de l’his-toire de cette usine, par laquellecommençait, il y a 150 ans, le dé-placement du centre de gravitééconomique du centre vers le suddu pays et le (premier) boom dé-mographique de la ville d’Esch etdu Bassin minier. L’usine sidé-rurgique d’Esch-Schifflange miseen service en 1871 était exploitéeen compte à demi par la Sociétédes forges d’Eich, Metz & Cieainsi que par la Société anonymedes mines du Luxembourg et desforges de Sarrebruck, dont l’usinesidérurgique se trouvait à Bur-bach en Sarre.

Par convention datée du 18septembre 1871, les maîtres deforges Victor Tesch (pour Bur-bach) et Norbert Metz (pour lesforges d’Eich), d’ailleurs liés pard’étroits liens familiaux, étaientconvenus que l’usine comporte-rait quatre hauts-fourneaux ré-partis en deux groupes, que lesdépenses d’établissement se-raient supportées à frais com-muns et que les charges et lesbénéfices seraient partagés.

L’usine d’Esch-Schifflange nedisposait donc pas de raison so-ciale propre et les installations deproduction les plus importantesétaient doublées, ce qui en cas demésentente entre les deuxpartenaires ou de difficultés éco-nomiques aurait autorisé sanstrop de difficultés la séparationdes biens et installations deproduction. Il s’agit là d’uneparticularité qui reflète bien laprudence en affaires des fonda-teurs et qui confère à la „Metze-schmelz“ – c’est ainsi que lesEschois ne tardaient pas àdésigner l’usine pour la distin-guer de l’usine de Terre-Rougedite „Brasseurschmelz“ – une cer-taine originalité au niveau de lagestion des entreprises sidérurgi-ques de l’époque.

Dès avant la conclusion de cetaccord, Norbert Metz avaitacquis sur le ban des localitésd’Esch-sur-Alzette et de Schiff-lange 23 ha de terrains ainsi quele château de Berwart. L’empla-cement de la future usine se trou-vait à proximité immédiate desexploitations minières du Lallin-gerberg et du Galgenberg. C’estsur un plateau près de la ligne deschemins de fer qu’est construitel’usine.

L’avenir appartientaux grandesusines intégrées

Le premier haut-fourneau futmis à feu le 10 octobre 1871, lestrois autres suivirent à un rythmerapproché et en 1875 la produc-tion atteignit déjà 100.000 t defonte. Les quatre hauts-four-neaux produisaient jusqu’en1911 de la fonte de moulage(pour les fonderies) ainsi que dela fonte d’affinage (pour les foursà puddler), puis à partir des an-nées 1880 de la fonte Thomas(pour les aciéries Thomas).

Les Metz-Tesch avaient égale-ment fixé à l’usine d’Esch-Schiff-lange un double objectif de pro-duction: une moitié de la produc-tion était affectée à l’approvision-nement en fonte à bon marché del’usine sarroise de Burbach, l’au-tre moitié était commercialiséepar Metz & Cie, pour être placéepour l’essentiel sur les marchésdu Zollverein, en particulierauprès des producteurs de ferpuddlé et d’acier Thomas deRhénanie-Westphalie.

L’usine était dirigée conjointe-ment par l’un des gendres deVictor Tesch, l’ingénieur HubertMuller-Tesch, et par Léon Metz,

fils d’Auguste Metz, premier gé-rant de l’entreprise portant lemême nom; le premier supervi-sant les exploitations minières, lesecond prenant en charge la di-rection de l’usine sidérurgique.Les deux familles de maîtres deforges demeuraient au château deBerwart à proximité immédiatede l’usine.

Quatre décennies après safondation, il s’avéra que l’usine àfonte d’Esch-Schifflange n’étaitplus vraiment rentable et que satechnique de production était dé-passée. La mise au point de puis-santes machines à gaz de haut-fourneau avait en effet révolu-tionné la technique de produc-tion sidérurgique à la fin du 19e

siècle. L’utilisation maximale etrationnelle des gaz de haut-four-neau, par leur transformation enforce motrice, rendait possible laproduction en circuit énergétiquefermé.

L’avenir appartenait aux gran-des usines intégrées, comportanthauts-fourneaux, aciéries et lami-noirs. L’usine de Burbach profitasans tarder de cette innovationtechnique et augmenta sa capa-cité de production de fonte enmettant sous feu des hauts-four-neaux de grande capacité, ce quil’amena à réduire considérable-ment son approvisionnement enfonte à Esch-Schifflange après letournant du siècle.

Au retard technologiques’ajoutait l’effondrement des prixde vente de la fonte au début du20e siècle. Vers 1910 la moderni-sation d’Esch-Schifflange étaitdevenue une question d’urgenceabsolue et divers projets furentétudiés. Lorsque la direction deBurbach élabora un premier plande modernisation, d’ambitionfort modeste, Emile Mayrisch,directeur de l’usine sidérurgiquede Dudelange, saisit l’occasion

pour soumettre un plan de mo-dernisation d’une toute autre en-vergure.

Le projet de Mayrisch se foca-lisait sur la question énergétique,c.-à-d. sur l’utilisation optimaledes gaz de haut-fourneau commesource de la force motrice action-nant à peu près toutes les machi-nes et installations de produc-tion. Il envisageait la transforma-tion de l’usine à fonte en usinesidérurgique intégrée avec aciérieet laminoirs, projet réalisé aumême moment de l’autre côté dela ville d’Esch, à Belval, par laGelsenkirchener Bergwerks-AG.En comparaison du plan élaborépar Burbach, ce plan très ambi-tieux tablait sur une augmentationconsidérable des capacités de pro-duction d’Esch-Schifflange, unabaissement du prix de revient duproduit fini d’à peu près 20%,donnant à la fin un bénéfice netde l’usine multiplié par huit.

Modernisationde la „Metzeschmelz“et fondation de l’Arbed

Un plan de modernisation decette envergure n’était cependantréalisable qu’au prix d’investisse-ments substantiels que les pro-priétaires de l’usine n’étaient plusen mesure d’assurer par auto-financement. Le recours à l’em-prunt obligataire devenait indis-pensable. Mayrisch, promoteurdéclaré du projet de fusion destrois sociétés de Burbach, Eich etDudelange, ne faisait nullementmystère de son intention d’utili-ser la question du lancement d’unemprunt obligataire pour faireavancer le dossier de la fusion.Etant donné que l’usine d’Esch-Schifflange ne disposait pas de

raison sociale propre, le recours àl’emprunt était impossible enl’état.

Ne restait donc que le choixentre la constitution d’une nou-velle entreprise conférant uneraison sociale à Esch-Schifflangeet celui de la fusion des sociétésmères de Burbach, Eich et Dude-lange. C’est finalement cette der-nière option qui l’emporta pouraboutir à la fondation de l’Arbedà la fin octobre 1911. La moder-nisation de l’usine d’Esch-Schiff-lange constitua ainsi un puissantmotif pour hâter la fusion deBurbach-Eich-Dudelange. Unemprunt obligataire à 4% d’unmontant émis de 20.000.000francs pour faire face aux dépen-ses occasionnées notamment parla construction de l’usine d’Esch-Schifflange fut levé par l’Arbeden 1912.

Les travaux de modernisationfurent engagés en étendantl’usine en contre-bas du plateaudes installations de 1871, sous ladirection de l’ingénieur allemandHubert Hoff, précédemment chefdu service électromécanique àl’usine de Dudelange. Il était en-visagé de construire une usine in-tégrée basée pour sa force mo-trice sur l’emploi des gaz de haut-fourneau. Ces gaz, avant utilisa-tion, étaient épurés par voie sè-che. Une partie du gaz était brû-lée dans cinq chaudières multi-tubulaires. La vapeur produiteactionnait quatre turbines de4.000 kW chacune et une turbinede 15.000 kW, fournissant lecourant triphasé de 3.100 volts.Quatre soufflantes MAN à gazproduisaient le vent pour leshauts-fourneaux. Une cinquièmesoufflante MAN pouvait marchersoit en parallèle avec la soufflanteMAN de réserve à l’aciérie, soiten parallèle avec les soufflantesdes hauts-fourneaux.

Pour le lancement de laplanification urbanistiquedes 62 ha de la friched’Esch-Schifflangeil y a une semaine,Claude Turmes, ministrede l’Aménagement duterritoire et de l’Energie,a prononcé un discoursremarquable.

La Metzeschmelz, quelle histoire!

L’histoire du temps présent

Denis Scuto,Jacques Maas

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Photo aérienne du site d’ArcelorMittal Esch-Schifflange en 2014: jeudi, quatre équipes d’urbanistes ont présenté leur vision d’unquartier qui relie le site à Esch, à Schifflange, à l’Alzette et au Lallingerberg et qui donne une nouvelle vocation aux éléments cléde l’ancienne usine (laminoirs, aciérie électrique, tour de refroidissement, château d’eau, station de pompage ...)

Page 2: L’histoire du temps présent La Metzeschmelz, quelle histoire! · 2019-04-06 · tandem de 10.000 CV. Les divers trains furent mis en service suc-cessivement au cours de la deuxième

05.04.19 20:52:39 [Teilseite 'Premium 3' - EditPress | Editpress | Tageblatt | Tageblatt | Premium] von yschumacher (Color Bogen)

Le haut-fourneau n° II fut re-construit et sa capacité de pro-duction portée à 250 t/24 h. Deuxnouveaux hauts-fourneaux demême capacité (HF n° V et VI)furent adjoints au n° II et les troisnouveaux hauts-fourneaux furentmis à feu successivement entremars et juillet 1913. L’aciériecomposée de deux mélangeurs de800 tonnes de capacité unitaire etde quatre convertisseurs Thomasde 20 t d’enfournement fut miseen service le 2 juillet 1913.

La disposition des laminoirsfut conçue de manière à permet-tre leur extension facile à la foisdans le sens de la longueur etdans celui de la largeur. Les lami-noirs comportaient un train bloo-ming réversible, un train trio de500 mm, un groupe de 3 trains àfers marchands de 365, 300 et260 mm et enfin un train à fil avecbobineuses servant au laminagede fils de fers de 250 à 285 mm,tous les trains étant actionnés pardes moteurs électriques, à l’ex-ception du blooming dont lescylindres étaient actionnés parune machine à vapeur doubletandem de 10.000 CV. Les diverstrains furent mis en service suc-cessivement au cours de ladeuxième moitié de l’année 1913.Les halles de finissage et de char-gement prolongeaient les hallesdes trains de laminage.

Le programme de fabricationadopté par la direction généralede l’Arbed pour Esch-Schifflangevisait la fabrication de fers mar-chands, de profilés standardiséset de fil de fer (fil machine),future spécialité de l’usine. Laréalisation du plan de modernisa-tion de l’usine de 1911-1913 avecses grands laminoirs signifia enfin de compte pour ArbedEsch-Schifflange l’établissementd’une usine entièrement nouvelleamorçant une deuxième phasedans le développement du siteindustriel.

L’histoirecomme ressource,non comme coulisse

C’est dans ce laminoir queHenri Adam et Eugène Biren,deux des organisateurs de lagrève contre l’enrôlement forcéde jeunes Luxembourgeois dansla Wehrmacht, ont travaillé, unegrève soulignée dans le discoursdu ministre. Henri Adam n’a passeulement actionné la sirène aulaminoir le 31 août 1942 à 18 hpour y lancer la grève qui avaitcommencé le matin à Wiltz, maisil a travaillé au laminoir depuis samise en service en 1913.

Né en 1894, arrivé à l’âge de 4ans d’Anspach cet ouvrier alle-mand devenu apatride a déjà jouéun rôle important dans les grèvesde juin 1917 et de mars 1921.Voilà pourquoi il fut menacéd’expulsion et voilà pourquoi sademande de naturalisation ne futpas acceptée. En 1942, il sacrifiesa vie pour la liberté d’un Etat quin’a pas voulu l’adopter commeLuxembourgeois. Il passe la pre-mière nuit après son arrestation,le 9 septembre 1942, dans unecellule du commissariat de policeà Esch.

L’antifasciste italien Luigi Pe-ruzzi, arrêté le même jour et em-prisonné avec lui, décrit dans ses„Mémoires“ l’attitude impres-sionnante de cet homme qui restedebout toute la nuit: „Parmi nousil y avait l’ouvrier héroïque quiactionna la sirène donnant lesignal de la grève générale du 31août. Je fus frappé par sa manièrede rester toujours debout. Il semaintenait avec les coudes ap-puyés transversalement sur lesbarreaux en fer de notre cellule.Dans cette première et uniquenuit qu’il resta avec nous, il dor-mit ainsi. Même si sur les partiesdécouvertes de son corps, on nevoyait aucune trace de sévices,j’imaginais que les parties recou-

vertes ne devaient être qu’uneseule plaie. Ce fut pendant cettepremière nuit de ma vie (de pri-sonnier) que j’appris combien onpeut souffrir sans perdre la di-gnité. Ce fut également la pre-mière expérience de solidaritépour celui qui souffre davan-tage.“

Henri Adam est décapité deuxjours plus tard à Cologne. EugèneBiren est fusillé dans les bois au-tour du camp SS de Hinzert (prèsde Trèves) avec 19 autres grévis-tes. Le directeur luxembourgeoisde l’usine d’Arbed Esch-Schiff-lange, Mathias Koener, ne survitpas aux conditions de détention àHinzert et meurt en mars 1943.

Aussi dans ce domaine, l’his-toire de cette usine occupe uneplace à part sur le plan local etnational. Un site industriel quientre en 1912/13 dans unedeuxième phase. Avec les lami-noirs y naissent ces „cathédrales“en acier qui ont coupé le souffledes quatre teams urbanistiquesinternationaux. Des équipes quiont présenté avant-hier, aprèsune semaine de planificationcréative et participative, leur vi-sion pour le quartier futur. Desvisions où le patrimoine indus-triel et la structure historique dusite ne sont pas rabaissés au rangde coulisse, mais sont utiliséscomme ressources pour imagineret aménager la vie et le travail dedemain.

Une nouvelle page del’histoire de la „Metzeschmelz“

est en train de s’écrire sous nosyeux, après l’ère pionnière quisuit 1871, après la grande moder-nisation de 1911-1913, après lanouvelle extension du site dansles années 1950-1960 avec laconstruction de nouveauxhauts-fourneaux, d’un train la-

miné marchand et d’un train à fil,après la mise en service de lapremière aciérie électrique dupays en 1994 avec ses problèmesenvironnementaux, enfin après ladécision de Lakshmi Mittald’arrêter l’aciérie électrique et lacoulée continue à Esch-Schiff-

lange au profit d’ArcelorMittalDuisburg.

Vivement la suite de l’histoirede ce site unique!

TageblattSamstag, 6. April 2019 • Nr. # 3THEMA GESCHICHTE

Lauschtertoch dem De-nis Scuto säiFeuilletonum Radio100,7, allDonnesch-

deg um 9.40 Auer (Rediffu-sioun 19.20) oder am Audioar-chiv op www.100komma7.lu.

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Ce dessin montre bien le doublement des installations de production sur le plateau le long de la ligne de chemins de fer Esch -Luxembourg. Des installations visibles sur ce dessin ne subsistent aujourd’hui que les halles de coulée du premier groupe dehauts-fourneaux. L’usine a été construite d’après les plans de l’ingénieur-conseil Jean-Baptiste Kintzelé. Reproduction photogra-phique d’un tableau du dessinateur munichois Robert Wedel de 1889. Vue du sud vers le nord.

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L’usine modernisée après 1913 avec les deux nouveaux hauts-fourneaux et, 6 mètres en-dessous de la ligne des hauts-fourneaux,les autres installations nouvelles: l’aciérie, les laminoirs, le château d’eau et la station de pompage (sur territoire de Schifflange).A l’avant-plan, à droite, le dépôt de scories, la centrale électrique et le premier château d’eau, le château des Metz-Tesch et lesvillas des ingénieurs devant l’Alzette, rue de Luxembourg. A l’arrière-plan, à droite, les mines du Lallingerberg, à gauche lescolonies ouvrières de Schifflange. Reproduction photographique d’un tableau du dessinateur parisien Georges Peltier (années1920). Vue du nord vers le sud.

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Le laminoir à fers marchands d’Arbed Esch-Schifflange en 1913

Voir aussi p. 28