L'Allemagne et le contrôle parlementaire des services de Renseignement

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    ______________________________________________________________________

    LAllemagneet le contrle parlementaire

    des services de Renseignement______________________________________________________________________

    Thorsten Wetzling

    Octobre 2010

    Comit dtudes des relations franco-allemandes

    NNoottee dduu CCeerrffaa 7788

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    LIfri est, en France, le principal centre indpendant de recherche,dinformation et de dbat sur les grandes questions internationales. Cr en1979 par Thierry de Montbrial, lIfri est une association reconnue dutilitpublique (loi de 1901).

    Il nest soumis aucune tutelle administrative, dfinit librement ses activits etpublie rgulirement ses travaux.

    LIfri associe, au travers de ses tudes et de ses dbats, dans une dmarcheinterdisciplinaire, dcideurs politiques et experts lchelle internationale.

    Avec son antenne de Bruxelles (Ifri-Bruxelles), lIfri simpose comme un desrares think tanksfranais se positionner au cur mme du dbat europen.

    Les opinions exprimes dans ce textenengagent que la responsabilit de lauteur.

    Cette Note du Cerfaest publie dans le cadre du Dialogue davenir franco-allemand , un projet men en coopration par le Comit dtudes des

    relations franco-allemandes de lInstitut franais des relations internationales,la Deutsche Gesellschaft fr Auswrtige Politik et la

    Directeurs de collection : Louis-Marie Clouet, Hans Stark

    ISBN : 978-2-86592-782-1 Ifri 2010 Tous droits rservs

    Site Internet : Ifri.org

    Ifri-BruxellesRue Marie-Thrse, 21

    1000 Bruxelles BELGIQUETel :+32(0)22385110Fax:+32(0)22385115

    Email : [email protected]

    Ifri27 rue de la Procession

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    Rsum

    Au cours des dernires annes, la place du Renseignement dans lapolitique de scurit contemporaine, ainsi que les enjeux quil repr-sente pour la dmocratie, se sont considrablement accrus. Pourtant,le grand public connat trs peu lorganisation des services descurit au niveau national et europen et les procdures par les-quelles les dmocraties sefforcent de contrler la gouvernance duRenseignement moderne1.

    Cet article aborde cette problmatique en examinant commentle Parlement allemand a mis en uvre son devoir de contrle duRenseignement en enqutant sur trois cas spcifiques. Dans le cadredes affaires BND en Irak , Murat Kurnaz et Khaled El-Masri, leprincipe de responsabilit na t que faiblement favoris, voire a parmoment t empch, par laccroissement du contrle exerc sur lagouvernance du Renseignement.

    Mots-clefs : gouvernance du Renseignement, contrle, responsa-bilit, Allemagne

    Auteur

    Thorsten Wetzling, titulaire dun doctorat de l'Institut universitaire dehautes tudes internationales et du dveloppement (IHEID) Genve, a soutenu sa thse en fvrier 2010 : il y examine les effortsrcents des parlements europens en vue d'tablir la responsabilitdes gouvernements dans le cadre des politiques de contre-terrorisme.

    Il a galement travaill au Centre des tudes de scurit de lIfri(Paris) et l'Institut universitaire europen (EUI) (Florence). Il bnfi-cie actuellement d'une bourse postdoctorale de l'Office allemandd'changes universitaires (DAAD), et est chercheur invit la RANDCorporation (tats-Unis).

    Par ailleurs, Thorsten Wetzling a tudi les aspects juridiques des r-formes du secteur de scurit pour le Geneva Centre for the Demo-cratic Control of Armed Forces (DCAF) et a enseign l'IHEID lestudes de scurit, les thories des relations internationales et l'co-nomie politique internationale.

    1 Lexpression gouvernance du Renseignement recouvre non seulement lactiondes services de Renseignement mais aussi lorientation et lusage du Rensei-gnement par le pouvoir excutif.

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    Sommaire

    INTRODUCTION ..................................................................................... 3

    Vers une tude plus systmatique du contrle parlementairedes services de Renseignement ............................................................ 4

    LE PRINCIPE DE RESPONSABILITE EN MATIERE DE RENSEIGNEMENT :TROIS AFFAIRES ALLEMANDES .............................................................. 7

    Cas n1. En 2003, lAllemagne a-t-elle fourni aux tats-Unisdes renseignements utiles aux oprations militaires ? ....................... 8

    Cas n2. Y a-t-il eu complicitdans le transfert injustifi de Khaled El-Masri ? .................................. 8

    Cas n3. Le maintien de Murat Kurnaz hors dAllemagne ................... 9

    UNE SAISINE ALEATOIRE..................................................................... 11

    Un contrle patrouille de police ou sonnette dalarme ? ...... 11

    Demande de clarification ou sanction ? .............................................. 13

    Des ressources limites ........................................................................ 15

    Un mandat trop imprcis ...................................................................... 16

    LES DIFFICULTES DE LENQUETE PARLEMENTAIRE .............................. 18

    Un accs restreint linformation ........................................................ 18

    Une enqute intense mais politise ..................................................... 21

    Limpartialit et la sensibilit aux facteurs externes ......................... 22

    Des rsultats indiscutables, mais insatisfaisants ............................. 23

    Une matrise de la procdure de facto restreinte .............................. 24

    VALUATION ET PERSPECTIVES DU CONTROLE DU RENSEIGNEMENT .... 25Les principaux facteurs facilitateurs et contraignants ...................... 26

    CONCLUSION...................................................................................... 28

    BIBLIOGRAPHIE .................................................................................. 30

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    Introduction

    La responsabilit gouvernementale quant aux activits des servicesde Renseignement a rarement t au cur des proccupations duParlement allemand (Bundestag). Pourtant, laccumulation inditedaccusations suffisamment crdibles a chang la donne en 2005, enparticulier via une prsomption de complicit de lAllemagne dans laguerre dIrak et le programme de transferts extraordinaires desuspects supervis par la Central Intelligence Agency (CIA) Extraordinary Rendition Program. Ces allgations accrditant lidedune puissante collusion entre la classe politique allemande etlappareil de Renseignement ont pouss le Bundestag prparer unelongue srie dauditions en dcembre 2005. En fvrier 2006, leComit permanent de contrle du Renseignement (Parlamen-tarisches Kontrollgremium, PKG) a produit un rapport spcialprsentant les rsultats de son enqute (Deutscher Bundestag,2006). Ensuite, la demande dune minorit qualifie, le Bundestag amis en place une commission denqute ad hoc (Untersuchungs-ausschuss) pour poursuivre les investigations avec des prrogativeset des ressources diffrentes. Au cours des trois annes qui suivirent,

    cette commission a interrog plus de 140 tmoins. En outre, elle arendu public de nombreux entretiens et un rapport substantiel(Deutscher Bundestag, 2009).

    Au regard de lhistoire du contrle du Renseignementallemand, jusqualors pauvre en vnements (Hansalek 2006, Hirsch1996), il sagit l dune volution notable. Auparavant, face desaccusations mettant en cause les activits de Renseignement, laraction privilgie du Bundestag consistait voter de lgersamendements la loi sur les modalits de son contrle. Le lgislateurentendait ainsi exprimer son irritation au sujet dun mfait potentiel,tout en vitant de faire la lumire sur le contenu des accusations.Lnervement initial cdait le pas un dsintrt bienveillant, avantquun autre scandale ne suscite une nouvelle raction de lopinionpublique. En consquence, avant 2005, le contrle des activits deRenseignement en Allemagne ne mrite pas de chapitre particulierdans lhistoire des relations entre les pouvoirs lgislatif et excutif.

    Si la question de la responsabilit gouvernementale en matire deRenseignement est, depuis, devenue une question politique digne

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    dintrt et mme dterminante, quelles en sont les retombes2 ?Cette tude, qui porte sur trois affaires dampleur nationale, sefocalise sur lobjectif du contrle, cest--dire sur linstauration dunprincipe de responsabilit du gouvernement face au Parlement. Plusconcrtement, lanalyse vise mettre en lumire les relations entrelintensification du contrle (input) et les rsultats en termesdidentification des responsabilits (output) : laccroissement ducontrle a-t-il renforc ou bien limit, voire nui, la responsabilisationde lappareil de Renseignement allemand ?

    Vers une tude plus systmatique du contrleparlementaire des services de Renseignement

    La connexion entre le contrle et la responsabilit est centrale pourmieux comprendre les politiques modernes du Renseignement, maiselle doit tre aborde de manire plus systmatique3. En gnral, lalittrature scientifique sur le sujet (voir Tsang, 2006, Bruneau etBoraz, 2007, Born et Leigh, 2005, Krieger et al., 2007, Johnson,2006) est soit trop descriptive, soit trop normative4. En se focalisantde manire croissante sur lanalyse des lments observables delaction [de contrle] (Wooten, 2009) plutt que sur ce quexprimentles lois crites, les chercheurs peuvent clairer les sentes desprocessus contemporains de contrle du Renseignement et ainsifournir des comptes rendus moins impressionnistes.

    En dpit de leur filiation naturelle, le contrle et la

    responsabilit signifient deux choses diffrentes : alors que lecontrle du Renseignement5 se rfre aux pratiques par lesquellesdes personnes extrieures la communaut nationale du

    2 Un contrle intensifi et prolong des activits de renseignement suscite la foisdes sentiments positifs et ngatifs. Dun ct, il contribue mieux informer le publicsur la question de la gouvernance du Renseignement, limite les risques de pratiquesnfastes lavenir et accrot lestime des citoyens pour le Parlement. Dun autre ct,il accentue les risques de fuites, dessoufflement du contrle et daugmentation des

    dpenses publiques.3Voir (Wetzling, 2010a) pour une discussion plus dtaille du cadre de recherche.4 La rcente compilation de bonnes pratiques et de cadres institutionnels pour lagouvernance du renseignement en matire de contre-terrorisme (Scheinin, 2010) estun bon exemple dun texte plus normatif sur le sujet. Voir (Wetzling, 2010b) pour uneapprciation critique.5 Le contrle parlementaire est, bien entendu, lune des cinq niveaux distincts desurveillance par lesquels les dmocraties occidentales soumettent les services deRenseignement une surveillance formelle et informelle. De plus, un contrle interneest effectu par les services de Renseignement, le contrle de lexcutif, le contrle

    judiciaire et la surveillance externe par les mdias et les institutions de la socitcivile.

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    Renseignement surveillent les services de Renseignement, laresponsabilit en mesure les rsultats, sur la base de standardsdvaluation6.

    De faon gnrale, un compte rendu doit tre tabli par une

    autorit extrieure, le processus dvaluation devant ressembler une interaction sociale o une partie cherche des rponses ou unerectification et o lautre partie rpond, et o ces demandespermettent daffirmer des droits de supriorit sur ceux qui doiventrendre des comptes (Mulgan, 2003). Il est difficile de mesurer lesrsultats obtenus en matire de responsabilit, en particulier parcequil sagit dune notion si populaire, complexe et conteste (Dubnickand Justice, 2004, Mulgan, 2000, Weisband and Ebrahim, 2007). Encherchant un critre spcifique dvaluation, on est confront desstandards apparemment contradictoires et la difficult quaucunpoint de vue unique ne suffit pour dresser une carte de lespace dela responsabilit (Dubnick and Justice, 2004)7. En concevant la

    responsabilit comme la somme de trois phases distinctes etgalement importantes, le cadre dvaluation tabli par lauteur (cf.tableau 1) intgre ces diffrents standards en une structure uniquesans diluer les points de vue individuels ni introduire de contradictionsinhrentes majeures. Chaque phase intgre des lments desdiffrentes logiques dvaluation quoiqu divers degrs de priorit.

    6Selon J. Aberbach, le contrle est la revue des actions des services, agences etcommissions fdraux, et des programmes et politiques quils grent, y compris larevue qui seffectue pendant la mise en uvre des programmes et politiques, ainsique leurs retombes (Aberbach, 1990). Par contraste, la responsabilit exprime

    comment de bons ou mauvais contrleurs obligent le pouvoir excutif et/ou lesmembres des services de Renseignement tenir une srie de standards, jugentsils ont tenu leurs responsabilits au regard de ces standards, et imposent dessanctions sils dterminent que ces responsabilits nont pas t prises (Grant andKeohane, 2005).7 La responsabilit est tout dabord le degr selon lequel des instancesdmocratiquement lgitimes contrlent le comportement de lexcutif et incitent lesacteurs excutifs modifier ce comportement conformment leurs prfrences(standard dmocratique). Ensuite, la responsabilit exprime la mesure dans laquellelactivit de contrle rduit les abus et privilges du pouvoir excutif (standardconstitutionnel). Enfin, la responsabilit est un outil pour contraindre les acteursexcutifs tenir leurs promesses (standard cyberntique) (Bovens et al., 2008).

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    Tableau 1. Cadre intgr dvaluation de la responsabilit

    Critre dvaluation Indicateurs de bonne performance

    Phase I : Saisine de linstance de contrleMandat Le mandat denqute est clair, complet et ralisable Les attributions de linstance stendent tous les services

    allemands de RenseignementRessources Le cas est confi des enquteurs qualifis Ceux-ci disposent de suffisamment de temps et de moyens

    dinvestigation

    Flux dinformations Surveillance des contrles de police

    Ractions

    Interprtation partage de la notion de responsabilit Interprtation partage de la gravit des allgations spcifiques demalfaisanceSoutien sincre aux efforts de clarification

    Phase II : Enqute

    Dcision Linstance peut prendre elle-mme les principales dcisionsprocdurales

    Accs linformation Un accs prompt et large aux dossiers et aux tmoinsIntensit Les membres de linstance se rencontrent ou tiennent des sances

    avec une srie de tmoins potentiels de manire frquente Les membres peuvent obtenir et vrifier linformation quils reoivent.En cas de restrictions excessives daccs linformation, dinformationincomplte ou trompeuse, ils peuvent utiliser des moyens alternatifs.

    Impartialit Les reprsentants de lopposition disposent de suffisamment detemps/de droits pour mener lenqute Linstance intgre des preuves et/ou des vues extrieures

    Rsultats Lenqute produit des rsultats qui permettent linstance de serapprocher de ltablissement de la responsabilit politique

    Phase III : Retombes

    Rapport final Le rapport contient une valuation claire, complte et publique de laconduite du gouvernement/de lagence Il offre une rponse la question de la responsabilit dugouvernement/de lagence

    Sanctions Linstance spcifie les problmes qui doivent tre corrigs Le Parlement veille la mise en uvre des mesures correctivesrequises

    Viabilit et rformes Il ny a pas de signe de rechute dans les conduites dcries Le travail de linstance inspire un dbat public sur les nouveauxoutils/mcanismes de responsabilit destins amliorer les pratiquesnationales Suite aux rsultats de lenqute, les rgles de surveillanceinsuffisantes sont changes

    Source : (Wetzling, 2010a)

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    Cas n1. En 2003, lAllemagne a-t-elle fourniaux tats-Unis des renseignements utiles auxoprations militaires ?

    Au moment o les forces de la coalition se prparaient la guerrecontre lIrak, lancien chancelier Gerhard Schrder ne cessait das-surer quil ny aurait aucune participation [allemande], ni directe, niindirecte (Gouvernement, 2003). A posteriori, il est apparu que leBundestag ignorait que des agents du BND taient prsents Bagdad peu avant le dbut de la guerre. Pourtant, lAdministrationamricaine exprima sa gratitude aux agents allemands qui avaienttransmis au commandement central des tats-Unis de prcieuxrenseignements appuyant leurs oprations de combat en Irak(Rapport du gouvernement allemand 2006, p. 27). Les affirmations de

    quelques journalistes et hauts responsables amricains selonlesquelles le BND avait recueilli et confirm des renseignementsutiles aux frappes de la coalition contre les forces irakiennes (Goetz,Rosenbach, Stark 2008)9 portrent un coup la crdibilit de lapolitique trangre allemande. Par la suite, le gouvernement a justifile dploiement dagents allemands sur le terrain via la ncessit,dans un contexte de crise internationale, dobtenir des informationspar des moyens propres. Le principal enjeu de responsabilit dans cecas rside dans la mystification du peuple allemand au regard delimplication de son pays dans la guerre.

    Cas n2. Y a-t-il eu complicitdans le transfert injustifi de Khaled El-Masri ?

    Le terrible parcours de Khaled El-Masri a t lobjet de nombreuxcrits10. Ce citoyen allemand a t confondu avec un autre individu(nomm Al-Masri) suspect dtre un terroriste et a t victime duntransfert exceptionnel et de tortures entre janvier et mai 2004. Aprssa libration, El-Masri entreprit des poursuites judiciaires qui dbou-chrent sur 13 mandats darrt lencontre dagents de la CIA postsen Allemagne. La Cour suprme des tats-Unis rejeta la plainte au

    motif de protger le secret dtat. Pourtant, de manire concomitanteaux procdures judiciaires et enqutes engages par lAssembleparlementaire du Conseil de lEurope et par le Parlement europen,les membres du Bundestag exprimrent leur trouble quant lhistoire

    9 Certaines allgations taient trs concrtes. Par exemple, selon un rapport, lappuioprationnel allemand la coalition a conduit une frappe arienne ayant caus lamort de douze personnes innocentes (Deutscher Bundestag 2006).10 Par exemple, voir Priest 2005, Fisher 2008, Conseil de lEurope 2007.

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    dEl-Masri. Alors que les derniers doutes sur la crdibilit desaccusations portes contre lui svanouissaient, plusieurs questionsfirent naturellement leur apparition : comment Khaled El-Masri avait-ilpu se retrouver dans cette situation dramatique ? Les servicesallemands de Renseignement avaient-ils eu connaissance de sonenlvement et quels efforts avaient-ils entrepris pour venir au secoursdu ressortissant allemand ? La principale question de responsabilitdans cette affaire renvoie lobligation du gouvernement allemand deprotger lintgrit physique de ses citoyens.

    Cas n3. Le maintien de Murat Kurnaz horsdAllemagne

    Le gouvernement allemand a longtemps soulign lincompatibilit ducamp de dtention de Guantanamo avec le droit international huma-nitaire et a donc appel sa fermeture. Toutefois, le processus dci-sionnel en matire de Renseignement est loin de reflter de faonindubitable cette position, largement partage par la population. Lecas de Murat Kurnaz veille un soupon : citoyen turc n et lev enAllemagne, il a t gard en dtention prs de cinq annes par lestats-Unis dabord Kaboul puis Guantanamo. Moins dun anaprs son arrestation, des officiers du Renseignement allemands sesont dplacs secrtement Cuba11. Avant quils ne repartent, leurscollgues amricains leur auraient offert de relcher rapidementKurnaz. La ralit de cette offre reste sujette caution. Lancien

    coordinateur du Renseignement et ministre des Affaires trangres,Frank-Walter Steinmeier, la dmentie, mais deux anciens fonc-tionnaires du gouvernement ont confirm, durant les auditions me-nes par la commission denqute, la vracit de cette offre. Le Par-lement europen, sappuyant sur des informations dorigine institu-tionnelle et confidentielle , a galement dclar que le gouverne-ment allemand avait refus la proposition amricaine en 2002 delibrer Murat Kurnaz de Guantanamo (Parlement europen, 2007).Le 29 octobre 2002, la runion hebdomadaire relative au Renseigne-ment la Chancellerie traita de la raction adopter face au pro-bable retour de Kurnaz en Allemagne. Il fut dcid lunanimit demaintenir lindividu hors des frontires allemandes12. Kurnaz dut alors

    11 Ceci a t rapport pour la premire fois en 2003 (Stark 2003) et confirmultrieurement par le ministre allemand de lIntrieur.12 Une note confidentielle publie par le Frankfurter Rundschauen 2007 dresse laliste des diffrentes dmarches entreprises par le gouvernement fdral allemandpour empcher Kurnaz de regagner le territoire. Cela a par exemple consist demander le passeport de Kurnaz aux services amricains de Renseignement ouencore dtruire son permis de sjour en Allemagne, pourtant valide. De surcrot, legouvernement fdral a fait pression sur le Land de Brme pour annuler sonautorisation de rsidence. Pour cela, il a pris argument du paragraphe 44 de la loi surles trangers pour affirmer que cet individu, tant rest plus de six mois hors du

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    subir quatre annes supplmentaires de captivit et sortit de Guanta-namo en aot 2006 seulement. Le principal enjeu de responsabilitrside ici dans la posture et les dcisions du gouvernement.

    pays, avait perdu son droit dy rsider. Lobstacle pos par lisolement et les torturessubis Guantanamo sa capacit de demander le prolongement de permis futvolontairement ignor (Parlement europen, 2007).

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    Une saisine alatoire

    Dans une premire phase, comment les affaires ont-elles t prisesen compte par les parlementaires chargs du contrle ? Commentceux-ci ont-ils ragi et, par la suite, mis en avant la question de laresponsabilit dans les activits de lappareil de Renseignement ?Les problmatiques des ressources financires et humaines ladisposition de chaque instance de contrle et des contours de leurmandat doivent galement tre abordes.

    Un contrle patrouille de police ou sonnette dalarme ?

    Selon les principes dgags par McCubbins et Schwartz dans leurfameux concept du contrle du type patrouille de police , la qualitdun contrle se mesure laune du critre d addition responsabledes capacits daction et de ractivit (Bovens 2006, P. 29). Ainsi, de sa propre initiative, le Parlement examine un chantillon des

    activits de ladministration en vue de dtecter et de remdier auxinfractions aux objectifs lgislatifs et, par lexercice dune surveillance,prvient de telles violations (McCubbins et Schwartz, 1984).Idalement, les contrleurs doivent reprer une infraction ou unlment douteux grce leur propre investigation, de prfrence peude temps aprs les faits. Le prsident du PKG confirmait dailleurscette ide : Pour tre efficace, le contrle parlementaire doitrassembler des informations rapidement. Apprendre de la presselexistence dun comportement suspect dune administration constitue mes yeux une marque dinefficacit de notre part (Expert 5)13.

    Si deux journalistes amricains tiennent du Pentagone que le

    BND a apparemment contribu au succs du service amricain deRenseignement militaire (Defense Intelligence Agency, DIA) dans saprparation des oprations militaires Bagdad et aux alentours de lacapitale irakienne, le Bundestag navait quant lui aucune ide de

    13 Lauteur a men une douzaine dentretiens semi-structurs avec des contrleursallemands, des greffiers et des chercheurs travaillant au sein de la commissiondenqute ad hocou du PKG. Ces entretiens sont dsigns sous un terme gnriqued Expert suivi dun numro distinguant la personne interviewe.

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    cette affaire ni connaissance de lintervention du BND dans le dossierirakien avant sa rvlation au grand public en janvier 2006. Commetout le monde, il a appris les activits du BND par voie de presse,trois ans aprs les faits.

    En ce qui concerne la deuxime affaire, le gouvernementprtend nen avoir eu connaissance quaprs la libration dEl-Masri,en juin 2004. Bien que certains tmoins aient dj affirm que le BNDet le ministre des Affaires trangres taient informs de larrestationdun citoyen allemand ds la fin 2003 et le dbut 2004 (avant donc saremise en libert), le PKG ne sest pench sur laffaire quaprs sarvlation fracassante la tlvision allemande. Le gouvernement ainform le PKG du dossier le 16 fvrier 2005 (Deutscher Bundestag2006, p. 4), sa demande, lequel est donc intervenu plus dun anaprs la couverture mdiatique, nationale et internationale, delaffaire14.

    Le cas de Kurnaz est plus complexe. Au dpart, luniquelment rvl par Der Spiegelen novembre 2003 (Stark 2003) tait linterrogatoire de Kurnaz par des agents de Renseignementallemands. Nanmoins, cest seulement au cours de linvestigation duPKG que fut porte la connaissance du public loffre amricaine derelcher Kurnaz et les efforts du gouvernement allemand pourempcher son possible retour en Allemagne. En ce qui concernelinterrogatoire conduit par les services de Renseignement allemands Guantanamo, le Parlement navait, une fois de plus, pas t tenuinform. Toutefois, en avril 2007, selon lun des tmoins entendus parla commission denqute ad hoc, le PKG avait t exhaustivementinform du cas Kurnaz, plusieurs semaines aprs la premire

    rvlation du Spiegel. Si lon en croit le secrtaire dtat auprs duministre de lIntrieur, le gouvernement fdral avait transmis enrponse une requte de nombreux documents originaux ausecrtariat du PKG le 9 janvier 2004. Extraits de dossiers dtenus parle BND, le Service allemand de renseignement intrieur (Bundesamtfr Verfassungsschutz, BfV) et diffrents ministres, ces documentsconcernaient linterrogatoire, lvaluation de la menace formuleconscutivement et les dcisions affrentes (Gebauer et Stark 2007).

    Ceci a des implications stratgiques plus larges qui appellentun dcryptage approfondi. Aprs avoir t informs, les contrleursnont exprim aucune indignation. Ont-ils chou percevoir le

    caractre politiquement explosif de cette affaire alors quils auraientpu tre bien plus secourables au prisonnier oubli ? taient-ils tenusde garder le silence aprs avoir t informs ? Le dput vert Hans-Christian Strbele (membre du PKG et de la commission denqutead hoc) fut parmi les rares contrleurs qui admirent avoir dcid dene pas aborder laffaire en dehors du PKG (Walraff, 2007). Il justifia

    14 Laffaire a t rvle publiquement pour la premire fois le 9 janvier 2005 par leNew York Times(voir van Natta 2005).

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    ce choix en expliquant quil aurait t illgal de faire tat deschanges tenus au PKG en dehors de son enceinte. premire vue,cela semble une excuse facile la faiblesse du contrle. On peutestimer que les membres du PKG, sils staient sincrement mus,auraient fait pression sur le gouvernement.

    Toutefois, y regarder au plus prs, ce contrle dugouvernement huis clos comporte des failles systmatiques.Lapparition du cas Kurnaz en est une dmonstration clairante. Pourrappel, les contrleurs ont t informs par le gouvernement dudplacement dagents du BND Guantanamo, de leur valuation durisque pour lAllemagne reprsent par le suspect et du refusconscutif du gouvernement daccorder cette personne le droit deregagner le territoire allemand. partir de l, les membres du PKGtaient tenus de respecter le secret. La seule solution viable pour lePKG dans son ensemble (et non pour chacun des membres)consistait publier une valuation officielle, qui requiert cependant

    une majorit des deux tiers. Or, selon les personnes interviewes, untel consensus nmerge que rarement au sein du PKG (Experts 5 et3). De surcrot, un tel rapport doit se limiter critiquer la politique decommunication du gouvernement. En dautres termes, il ne peutcontenir des dtails sur le comportement sanctionn. Bien entendu,lventualit dun tel rapport ne suscite nulle inquitude du gouver-nement : ce document a peu de chances de voir le jour et, si ctait lecas, le gouvernement naurait rien en craindre.

    En consquence, les contrleurs progressistes sont peuencourags intensifier leur activit. cet gard, certains pourraientjuger naturel pour un parlementaire attach ltat de droit de ne pas

    trop simmiscer dans les secrets dtat. Ce dispositif favorise un con-trle de type sonnette dalarme plutt que patrouille de police ,lequel, paradoxalement, pourrait tre plus effectif au regard des con-traintes poses par la loi allemande. En comparaison du vritablecontrle de type patrouille de police , qui sattache tudier di-verses pistes en restant indiffrent leurs origines, cela est bel etbien sous-optimal. En revanche, lintrt du contrle augmente consi-drablement quand la rvlation des dlits prsums en matire deRenseignement provient de la presse. En effet, le gouvernement nepeut plus maintenir le secret sur une information dj renduepublique.

    Demande de clarification ou sanction ?

    Comment les contrleurs ont-ils assur leur mission une fois laffairemise sur la place publique ? La gense dune affaire pralablementau dbut de lenqute, autant que la posture des contrleurs sur laproblmatique de la responsabilit en matire de Renseignement,influencent la volont de linstance sinvestir dans sa mission decontrle. Le fait marquant est ici le consensus des contrleurs sur les

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    lments requis pour faire valoir le principe de responsabilit dans lesactivits de Renseignement. De plus, la publicit des dlibrationsaccordait aux affaires cites un caractre de gravit.

    Quand on leur demande de dfinir le principe de responsa-

    bilit, la plupart des personnes interviewes distinguent responsabi-lits politique et juridique. En outre, elles insistent sur la ncessit declarifier plutt que de sanctionner. En revanche, le dsaccord estnotable sur les consquences attendues de lventuelle rvlation demfaits. Pour certains, le Parlement na pas vocation imposer, ou indiquer, au gouvernement les sanctions prendre, tandis que pourdautres les membres du PKG peuvent, lors des runions huis closavec le gouvernement, prner des sanctions concrtes. la questionde savoir sils avaient souvenir davoir vu un membre du gouverne-ment ou des services de Renseignement subir les consquencesdun manquement ses obligations en matire de contrle, seule unedes personnes interviewes a fait rfrence une mesure disci-

    plinaire prcise (Expert 11). La majorit dentre elles ont indiqu nepas avoir connaissance de quelque consquence que ce soit, tandisque quelques autres ont refus de rpondre.

    Sans surprise, tous les contrleurs interrogs taient daccordsur la ncessit de mettre le Parlement en position de pouvoirrellement clarifier les accusations portes contre le gouvernement.Nanmoins, leurs opinions variaient sur les lments requis pour uneinformation suffisante. Par exemple, sur le problme des dficits deresponsabilit de facto15, le greffier du PKG a soulign de manirepertinente que le systme allemand tait fond sur le principe de laBringschuld (cest--dire lobligation incombant au gouvernement

    dinformer linstance charge du contrle). Au premier abord, celapeut sembler percutant, mais il convient de regarder lenvers de cettergle : de manire expresse, le PKG na pas lobligation de recher-cher linformation. Ainsi, selon le greffier, le principe de la Bringschuld requiert la confiance (Expert 8).

    Quelles ont t prcisment les ractions des contrleurs faceaux trois affaires en jeu ? Pour ce qui est de laffaire El-Masri, on peutsupposer quaucune dmarche naurait t entreprise sans laparution dun article dans le Washington Post en dcembre 2005.Toutefois, partir de l, lattention du public est passe de laresponsabilit des tats-Unis celle du gouvernement allemand

    dans les preuves infliges cet homme. Nombre dhommes poli-tiques parlrent dune attaque porte contre la souverainet alle-mande et ltat de droit (Westerwelle) et rappelrent lobligation in-

    15 De tels dficits se creusent par exemple quand des activits de Renseignementchappent la fois la vigilance de forums nationaux chargs dvaluer lesresponsabilits (gnralement parce que les parlementaires nationaux ne disposentpas du droit de prendre connaissance dinformations transmis par un tiers auxservices nationaux) et celle de comits de niveau international (qui dtiennent desprrogatives encore plus faibles que leurs homologues nationaux).

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    combant au gouvernement de porter assistance aux ressortissants dupays. Tous les parlementaires saccordrent sur le fait que laccusa-tion porte contre lancien gouvernement tait grave et ncessitaitdtre examine compltement. Ils apprciaient pareillement lall-gation selon laquelle le BND avait aid la DIA dterminer des cibles Bagdad et dans les alentours. Le PKG a qualifi ceci de reprocheloquent requrant une clarification urgente (Bundestag 2006,p. 10). De surcrot, les dbats parlementaires qui suivirent les publi-cations dans le Washington Post (affaire El-Masri) et dans le Sd-deutsche Zeitung (affaire du BND Bagdad) taient ponctus dap-pels venant de lensemble des partis mettre de ct les aspectspoliticiens et assumer la mission de contrle du gouvernement attri-bue au Bundestag.

    Pour rsumer, bien quun consensus se ft dgag au sein dela classe politique pour juger les accusations graves et dignes dunexamen urgent, aucun accord ntait apparu sur les conditions et

    limites du contrle exercer.

    Des ressources limites

    Pour russir dterminer les responsabilits, le PKG a naturellementbesoin de ressources financires et humaines. En comparaison decelles du Congrs amricain, ses moyens semblent bien modestes.Le PKG dispose seulement dun petit secrtariat et de neuf membres,lesquels doivent procder eux-mmes aux recherches sans avoir la

    libert de se faire aider par des collgues ou des assistants. tantdonn la multiplicit des fonctions qui leur sont attribues au seindautres commissions du Bundestag (sans tenir compte des missionsde conseil assures dans le secteur priv), ils nont ni le temps ni lesressources pour effectuer correctement leur travail. On peut ga-lement douter de lindpendance de certains dentre eux vis--vis dupouvoir excutif16.

    Un aperu des ressources de la commission denqute ad hocnamliore pas ce constat. En dehors de ses pouvoirs dinvestigationplus larges (voir tableau 2), elle bnficie dun apport par chaqueparti politique dassistants investigateurs. Du coup, la quantit totaledes ressources financires et humaines consacres llucidationdes affaires sen trouve augmente. Pour autant, son fonctionnementtait ici globalement assur par trois petits partis et leurs assistants,au demeurant forts comptents.

    16 On peut prendre pour exemple la carrire, classiquement sinueuse, du dput auBundestag Bernd Schmidbauer, ancien coordinateur du renseignement et ancienmembre du PKG.

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    En ce qui concerne lexpertise des contrleurs sur les ressortsdu maniement du secret dtat, il convient de noter quau cours de lalgislature 2005-2009, sept juristes, dont deux anciens magistratsprovenant de hautes juridictions, ont t contrleurs des activits deRenseignement.

    Un mandat trop imprcis

    Le mandat de contrle fixe lagenda du travail denqute. En outre, onpeut, pour le dfinir, considrer sa dimension verticale (le mandat doittre suffisamment clair, global et doit pouvoir tre effectivement misen uvre) et sa dimension horizontale (il sapplique lensemble dela communaut du Renseignement) (cf. Born et Leigh 2005, p. 84).

    Le mandat du PKG nest pas un bon modle. Il exigeseulement du gouvernement quil linforme globalement des activitsdes trois services fdraux de Renseignement mais ne spcifie pasdans quelle mesure ces informations doivent tre transmises :

    Le gouvernement fdral doit fournir au PKG uneinformation globale sur les activits gnrales des [troisservices de renseignement fdraux], ainsi que sur lesoprations dune importance particulire. Si le PKG ledemande, le gouvernement fdral doit galementlinformer des autres oprations (PKGrG, art. 2)

    17.

    Au vu de lambigut de ce dispositif lgal, le gouvernementdispose dune forte marge dapprciation pour choisir de faire rapport

    sur une activit plutt que sur une autre. De surcrot, la loi relative aucontrle ne donne aucune indication sur le niveau de dtail requisdans les rapports. La loi ne donne pas mme des exemples de ceque sont des oprations dune importance particulire . En cons-quence, cest lorganisme contrl qui, dans la pratique, dtermine lecaractre important ou non dune affaire.

    Le mandat de la commission denqute ad hoc rsulteclairement dintrts politiques varis. Le Bundestag a adopt unmandat denqute exceptionnellement dense, dfinissant 44 ques-tions appelant des rponses. La commission, partir davril 2006, atravaill plus de trois ans sur cinq cas significatifs mettant en cause le

    principe de responsabilit en matire de Renseignement. Mais il taitclair depuis le dbut quelle ne disposait pas des ressources suf-fisantes pour uvrer correctement. Afin de promouvoir le principe deresponsabilit dans les activits de Renseignement, il aurait mieuxvalu laisser la commission se concentrer sur les problmes les plussignificatifs, au lieu de surcharger son agenda.

    17 Parlamentarisches Kontrollgremium Gesetz(PKGrG) : loi sur le comit decontrle parlementaire [en matire de renseignement] .

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    Toutefois, cela est dmontr ci-dessous, la mise sur pieddune commission denqute charge de la gouvernance duRenseignement a amlior les perspectives dun contrle accru desdcisions gouvernementales les moins visibles.

    Tableau 2. Les diffrents pouvoirs dinvestigation de la commissiondenqute ad hocet du PKG

    Commission parlementaire ad hoc Comit permanent de contrle durenseignement (PKG)

    Champ decomptences

    Toutes les institutions fdrales Seulement les trois services fdraux deRenseignement

    Recherchede la preuve

    Peut mettre des rquisitions de preuvetrs larges. Le gouvernement doit fournirrapidement les dossiers demands et diresils sont complets

    Pas de droit rechercher la preuve ;

    Le gouvernement doit informer le PKG(Bringschuld).

    Sanctionsprocdurales

    Le code pnal allemand sapplique auxfaux tmoignages et au manquement lobligation de se prsenter devant laCommission

    Pas dobligation de dire la vrit nidobligation formelle de se prsenterdevant le comit sa demande

    Publicit Par dfaut, les auditions sont publiques etla Commission dcide si des sessions incamerasont ncessaires

    Toutes les runions se font huis clos

    Source : Loi allemande sur les comits denqute parlementaires et loi allemande surle contrle du renseignement.

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    Les difficultsde lenqute parlementaire

    Pour une instance de contrle, laccs linformation est essentiel.Sans accs suffisant, elle ne sera pas en mesure dmettre un jugement incontestable sur lopportunit des actions du gouverne-ment. Bien que la qualit et la dimension de laccs du PKG d-pendent de la coopration du gouvernement, il serait trop simple de

    le dclarer le priv de toute marge de manuvre. Il faut doncexaminer lintensit et linvestissement du PKG pour tablir la vrit.Une enqute a plus de chances daboutir si linstance de contrleassume son mandat de manire impartiale et si elle prte attentionaux opinions et rvlations provenant de lextrieur. De plus, laqualit de lorganisme en charge de lenqute est un indicateurimportant. Sur ce point, il est utile dexaminer les dcisions prisesdans le cadre de la procdure denqute. Le Parlement les prend-ilindpendamment du gouvernement ? La meilleure manire dvaluerla capacit dlucidation du forum est de considrer les indices etrsultats quil a lui-mme obtenus. Les contrleurs pourront samlio-rer sils tirent les enseignements dinvestigations rcentes.

    Un accs restreint linformation

    La lgitimit du gouvernement est la mesure de lintensit ducontrle que le Parlement exerce sur lui. Si le contrle parlementaireest limit ou rendu inoprant, la lgitimit du gouvernement sentrouve rduite dautant (Dreier 2006). En principe, il ny a pasdinformation si secrte quelle ne puisse tre transmise au Parle-ment (Schulte 2003). Toutefois, la Loi fondamentale allemande

    reconnat le droit pour le gouvernement de protger ses sources etde jouir dun domaine exclusif de comptence , dans lequel lescontrleurs ne peuvent simmiscer. Quand les intrts rentrent enconflit, rendant un arbitrage ncessaire, la Cour constitutionnelle(Bundesverfassungsgericht) distingue les cas o linformation deman-de concerne des activits en cours et ceux o le gouvernement adj fini dagir ou de prendre ses dcisions. Tous les cas posant leproblme de responsabilit en matire de Renseignement relvent dela seconde catgorie et concernent tous un gouvernement prcdent.Dans de telles situations, la Cour a estim que le droit du Parlement tre inform prvaut par principe sur la possibilit laisse au

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    gouvernement de garder pour soi des informations (Bundes-verfassungsgerichtsent scheid, n 67, p. 100).

    Les droits largis de la commission denqute ad hoc ontclairement facilit les requtes sur les cas Kurnaz et El-Masri. Dans

    le cadre de ces affaires, les contrleurs parlementaires ne sont paspenchs uniquement sur les dossiers du BND. Dans le cas du Kurnazpar exemple, ils ont galement examin des dossiers de la policefdrale criminelle (Bundeskriminalamt, BKA) et de la police crimi-nelle de Brme. Ils voulaient ainsi connatre le niveau et lorigine desconnaissances du gouvernement avant sa dcision relative audanger potentiel reprsent par Kurnaz. Dans le cas dEl-Masri, lesenquteurs rclamrent des dossiers dtenus par les services deRenseignement des Lnder puisquil y avait eu des changes directsavec des officiers de liaison amricains au sujet des visiteurs ducentre multiculturel de Neu Ulm (Bavire). lvidence, les prro-gatives limites du PKG taient insuffisantes pour exercer un contrle

    sur des problmatiques aussi nouvelles et impliquant plusieursniveaux dadministration. tant donn que la frontire entre lactionpolitique et les activits de renseignement traditionnelles est de plusen plus tnue, la commission denqute tait mieux arme. Commeelle en avait le droit, elle a exig plusieurs centaines de dossiersprovenant de nombreuses administrations charges des questions descurit.

    Pourtant, les rgles relatives la protection du secret envigueur au sein du Bundestag ont servi le pouvoir excutif dans lestrois affaires en question18. Pour empcher la commission ad hocdaccder certains dossiers, le gouvernement a gnralement

    utilis trois dispositions lgales, en vertu desquelles il peut refuser ladivulgation dune information qui relve de son domaine exclusif decomptence, qui ne relve pas du mandat denqute ou qui mettraiten danger lintrt public si elle tait rvle. En vertu de la loi sur lescommissions denqute parlementaires, le gouvernement peut eneffet invoquer une de ces exceptions en motivant sa dcision.

    Le dpt dune plainte pour violation de la Constitution auprsde la Cour constitutionnelle est requis pour contester la dcision dugouvernement ne pas transmettre une information. cet gard, lespouvoirs apparemment consquents de la commission ad hocmontrent leur faiblesse, en particulier quand il sagit dun contentieux

    relatif au processus dcisionnel en matire scuritaire. Il paratnormal pour un gouvernement de vouloir empcher la divulgationdune information susceptible dtre utilise contre lui. Toutefois,quand le refus du gouvernement sappuie sur des motifs juridiquesfragiles, la commission denqute devrait pouvoir recourir uninstrument fiable et rapide lui permettant de faire valoir son intrt

    18 Les droits et obligations du Bundestag relatifs au traitement des informationsgouvernementales sensibles sont dicts dans la Geheimschutzordnung (GOBT).

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    mais ce nest malheureusement pas le cas : pendant les enqutes, legouvernement sest content dinvoquer lexistence dun motif lgalsans fournir de justifications prcises ses frquents refus (Ewer2007). Une minorit qualifie a engag une procdure contre legouvernement devant la Cour constitutionnelle, laquelle jugea incons-titutionnels ces refus en bloc du gouvernement. Il est toutefoisdcevant que cette dcision nait t rendue quen juillet 2009, cest--dire plus de deux ans aprs le dpt de la plainte, et, de maniresuspecte, trois semaines aprs que la commission ad hoceut renduson rapport final. Ainsi donc, le gouvernement avait gagn du temps un avantage stratgique dterminant tant donn lattention ph-mre des mdias et le dlai fixe au cours duquel les comits den-qute sont actifs. Les commissions nmettent que peu de requtesde preuves et, chaque refus de divulgation du gouvernementncessitant un arbitrage de la Cour constitutionnelle, le rapport deforce entre le Parlement et le pouvoir excutif est nettement

    lavantage du second.Laudition de lancien ministre de lIntrieur Otto Georg Schily,

    le 23 novembre 2006 par la commission denqute fournit un exempleloquent des restrictions daccs linformation dans le cadre delaffaire El-Masri. Le contrleur Wolfgang Neskovic la interpell surles dcisions prises en connaissance de lerreur commise audtriment du citoyen allemand. Mais le ministre a refus de rpondre,invoquant sa propre interdiction de communiquer sur des affairesrelevant du domaine exclusif de comptence du gouvernement. Il est souligner que linterprtation de cette disposition juridique qui aprvalu ce jour-l est celle dO. G. Schily (donc celle de la partiesoumise au contrle).

    Dans le cas Kurnaz, la capacit de la commission ad hoc rechercher des preuves tait encore plus limite. Les difficultscommencrent avec la lenteur toute particulire que le gouvernementa accorde au traitement des demandes de transmission de certainsdossiers. Une fois les documents reus, il restait aux contrleurs vrifier que le gouvernement ne continuait pas cacher certainesinformations. Tche mal aise pour des personnes ne sachant pas quoi est cens ressembler le dossier dans son tat complet.

    Dans laffaire Kurnaz, nous avons constat que despages entires avaient t retires de certains dossiers.Le gouvernement, alert sur ce problme, a expliqu queces pages navaient rien voir avec le mandat du comitdenqute (Expert 3).

    Afin dexaminer la pertinence de lvaluation des risquesposs par des terroristes prsums, il serait normal que lescontrleurs aient accs, quatre ans aprs les faits, aux documentsayant servi de base aux dcisions du gouvernement.

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    Prcisment sur la question de savoir en quoi Kurnaztait considr comme une menace, nous avons entendudouze tmoins, mais nous navons reu aucune notecrite. Le gouvernement a sans cesse affirm queKurnaz tait une menace pour la scurit de lAllemagne,

    mais nous navons pu mener bien notre enqute surcette importante question. Nous navons pu vrifier quedes raisons fortes justifiaient linquitude au sujet de cetindividu et, si tel tait le cas, qui les a exposes qui,quand et comment (Expert 3)

    19.

    Quand lenqute sest porte sur les activits du BND en Irakdurant la guerre en 2003, des dossiers ou tmoins importants sontrests inaccessibles. En outre, la dimension des accs autorissntait pas compatible avec lexercice dun contrle significatif(Blechschmidt, 2008). Ainsi, il est arriv que des dossiers ne soientmis disposition que pour des dures trs courtes, sans possibilit

    de prendre des notes. Certains documents taient crits dans unstyle tellement lourd quils taient incomprhensibles pour lescontrleurs.

    En sus de la ncessit de se battre pour obtenir desinformations disponibles au niveau national, le PKG et la commissionad hoc navaient aucune chance daccder une informationnappartenant pas (ou prsente comme telle) au gouvernementallemand, et notamment celles manant des services secrets etgouvernements trangers ou conjointes.

    Une enqute intense mais politise

    Lenqute fut, sans aucun doute, intense. En janvier 2009, la com-mission ad hocavait tenu 123 sessions et mis plusieurs centainesrequtes de preuve. Souvent, lors dune mme session taient enten-dus trois ou quatre tmoins et chaque audition pouvait durer plusieursheures. Certains tmoins, dont Franck-Walter Steinmeier et le direc-teur du BND, Ernst Uhrlau, ont fait plusieurs apparitions devant lacommission (Deutscher Bundestag 2009, p. 47).

    On peut tout autant critiquer les membres de lopposition sigeant la commission que ceux de la majorit. Les premiers ont eu tendance exploiter des fins partisanes les droits spcifiques dont ils taienttitulaires. Par exemple, dans laffaire El-Masri, alors quen septembre2007 la commission avait achev son enqute aprs 75 auditions(Expert 10), les membres de lopposition avaient au dpart projetdentendre 225 tmoins. Un contrle aussi excessivement zl aurait

    19 De plus, de nombreux dossiers qui auraient pu permettre de clarifier les souponsnourris lencontre de Kurnaz ont disparu lors du dmnagement du BND de Munich Berlin (voir Der Spiegelet le Berliner Zeitungle 20 fvrier 2007).

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    abouti un gchis de ressources publiques et, vraisemblablement, davantage de confusion que de clarification. Pour leur part, lesmembres issus des partis au pouvoir nont pas manifest un granddynamisme. La procdure de capture rgulatrice a mis cela envidence. En vertu de cette rgle, lorsque le gouvernement refuse dedivulguer une information contenue dans un dossier, il doit indiquerdans quelle mesure les documents transmis et appartenant cemme dossier sont lacunaires. Dans laffaire Kurnaz, alors mme queles dossiers taient manifestement incomplets, le gouvernement najamais fait de dclaration sur ltat dexhaustivit de ceux-ci. Bien quecela et t un moyen de mettre une pression supplmentaire sur legouvernement, les membres de la commission issus de la majoritrefusrent dutiliser leur prrogative de les dclarer incomplets. Leprsident de la commission sest content dinformer le gouverne-ment de labsence de certains documents, ce qui a suscit deschanges pistolaires supplmentaires entre son secrtariat et les

    ministres (Expert 3).

    Limpartialit et la sensibilitaux facteurs externes

    La commission denqute a apport deux amendements sonmandat20 qui lui ont permis de prendre en compte les nouvellesinformations surgissant au cours de linvestigation. Nanmoins, unesimple modification du mandat de contrle ne suffit pas assurer le

    succs de lenqute. De mme, des changes indits ont eu lieuentre ses membres et des organismes de contrle internationaux. Onpeut par exemple noter la visite Berlin de parlementaires europensmembres de la Commission temporaire sur l'utilisation allgue depays europens par la CIA pour le transport et la dtention illgale deprisonniers. Ceci a constitu une nouveaut. Pourtant, les contrleursallemands nous ont signifi leur rserve sur la qualit des changes : Nous navons pas beaucoup appris de ces discussions. En toutcas, sur les affaires sur lesquelles nous enqutons, le Parlement et leConseil de lEurope ont eu un accs moindre aux informations. Aufinal, nous avons pu obtenir quelques lments sur les transfertsextraordinaires en Europe mais cela est dun intrt limit pour nos

    activits de contrle ici Berlin (Expert 3).La commission a manifest de lintrt pour les points de vue

    extrieurs, mais ils se sont avrs dune aide limite pour lenqute.Pour autant, elle na pas activement recherch les informations

    20 Ces amendements concernaient en particulier les cas Kurnaz et Khafagy.

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    quelle aurait pu obtenir de certains journalistes, enquteurs inter-nationaux et organismes de dfense des droits de lhomme21.

    Des rsultats indiscutables,mais insatisfaisants

    Lenqute a-t-elle dmontr des mfaits de la part du gouver-nement ? Clairement, les enqutes indites et quasi simultanes surdes affaires mettant en cause le principe de responsabilit dans lesactivits de Renseignement ont port des informations sur les m-thodes de travail et lorganisation des services de Renseignementallemands un degr de publicit impensable avant dcembre 2005.

    Dans le cas de Kurnaz, ltude des dossiers ministriels et les

    auditions de membres du gouvernement ont rvl que, dans unrapport, les agents ayant interrog Kurnaz Guantanamo se disaient certains 99 % de labsence de menace pour les intrtsallemands, amricains et israliens pose par la libration de cetindividu (Amnesty International, 2007). Ceci a amen exiger destmoignages, pour le moins drangeants, de la part des dirigeantsdes services de Renseignement allemands afin de comprendrepourquoi le gouvernement avait nanmoins maintenu linterdictionpour Kurnaz de rentrer sur le territoire. En sus de la note classifiesur les dtails de la runion la Chancellerie le 29 octobre 2002, celaa fait la lumire sur les moyens utiliss par le gouvernement pourprotger la scurit de lAllemagne.

    Dans laffaire BND et Irak , les contrleurs ont dcouvertde nombreux dtails sur les changes (indirects) dinformations entreles agents du BND en Irak et le commandement central amricain auQatar. Ceci a permis de dresser un bilan trs prcis des changes duRenseignement : au total, il y a eu 95 changes dinformations entrele sige du BND et ses homologues amricains. Dans ces 95changes, seuls 9 concernaient des non-cibles de nature hu-maine . Mais le BND a fourni 29 reprises des lments dun trsgrand intrt militaire (comme la localisation de la Garde rpublicaineet de dpts de munition mobiles, voir Deutscher Bundestag 2009,p. 977 sqq). Il sagissait galement de la transmission de documen-

    tation photographique sur les dommages causs par des frappesariennes destines appuyer les calculs tactiques. En comparaisondu silence gard sur cette affaire dans le rapport du PKG de 2006, il

    21 cet gard, un modle a t le British All-Party Parliamentary Group onExtraordinary Rendition (APPG), qui a exerc une pression constante sur lacommission britannique du renseignement et de la scurit en rendant publiquesmoult informations dans des affaires mettant en jeu le principe de responsabilit.

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    sagit dune rvlation fracassante, bien que noye dans les der-nires pages consacres aux opinions divergentes.

    Dans le cas dEl-Masri, lenqute a montr que le gouver-nement navait pas pleinement inform le Parlement de sa connais-

    sance de lenlvement dun citoyen allemand en Macdoine. Lors delaudition dun tmoin, un fonctionnaire du BND a dit au jury avoirsurpris, en dcembre 2003, une conversation mentionnant la dten-tion dun citoyen allemand. Nanmoins, les trs longues auditions destmoins nont pas permis de dterminer si et quand les hauts res-ponsables du pays avaient t informs. Puisque le gouvernement selimitait avouer uniquement ce quil ne pouvait plus nier, la com-mission sest retrouve plusieurs reprise devant limpossibilit detrancher entre la parole de lun et celle de lautre. Bien quelle naitpas pu surprendre le gouvernement en flagrant dlit de mensonge,elle est parvenue le faire apparatre dsempar et dsorganis.Pourtant, malgr les centaines de requtes de preuve, le temps et les

    ressources indites consacrs par les contrleurs ces affaires, lestenants et les aboutissants de la politique en matire de Rensei-gnement aprs le 11 septembre 2001 demeurent un mystre pour lescitoyens et, malheureusement aussi, pour leurs reprsentants.

    Une matrise de la procdurede facto restreinte

    la diffrence du systme britannique, le Parlement allemand

    nomme les membres des instances charges du contrle du Rensei-gnement, lesquelles rendent un rapport aux dputs et non augouvernement. En consquence, cest le Bundestag seul qui dcidecomment formuler, structurer et rendre public les rapports. De mme,le gouvernement ne peut intervenir dans lagenda et la liste destmoins entendus. Le Bundestag dtermine seul quels soupons dedlit il va examiner et quand il le fera. Pourtant, bien que le Parlementdcide quand, combien de fois et quelle personne il souhaiteauditionner, il na aucun moyen de remettre en cause linterprtationfaite par le tmoin dune disposition lgale le dispensant de rpondre certaines questions. Ainsi, lheure de dterminer les rsultatsproduits par les tmoignages, les contrleurs furent confronts leur

    relative impuissance. Par consquent, leur matrise de lenqute sentrouvait de factotrs rduite.

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    valuation et perspectivesdu contrle du Renseignement

    Que le gouvernement ait commis ou non une irrgularit dans uneaffaire de Renseignement, le Parlement doit produire un rapport clair,exhaustif et public de ses activits de contrle. En cas dinfraction dugouvernement, on peut lgitimement attendre de lui quil indique son agent (le pouvoir excutif) les problmatiques requrant un mode

    nouveau de traitement et quil surveille la mise en uvre dessolutions prconises. De plus, si le gouvernement ou ladministrationradoptait rapidement un comportement prcdemment sanctionn,cela serait le signe dune faiblesse profonde du processus decontrle. En outre, il convient dvaluer la pertinence des rformesproposes en matire de contrle lissue du travail denqute. Cesrformes cherchent-elles rellement pallier les faiblesses ducontrle ou bien sont-elles de simples mesures cosmtiques ?

    La commission denqute a rendu son rapport final en juillet 2009. La plupart des contrleurs avaient pris leur temps pourrflchir aux trois affaires en question. Ils ont tous finalement

    convenus que si la Cour constitutionnelle avait rendu son audacieusedcision sur la lgalit du maintien du secret par le gouvernementavant la dissolution de la commission, cela aurait aid laction de laminorit qualifie (Expert 2 et 3). Malheureusement, la Cour narendu son jugement, favorable aux plaignants, quen juillet 2009(aprs la remise du rapport de la commission).

    En ce qui concerne les consquences de lenqute, les pointssuivants mritent dtre soulevs : dabord tous les experts interrogsont prdit que le rapport final ne tiendrait pas le gouvernement pourresponsable dans les trois affaires en jeu cette intuition sest vri-fie. Bien que la commission denqute ait clairement mis jour de

    nombreuses irrgularits en matire de Renseignement (voir supra),les contrleurs taient trop diviss pour dclarer unanimement legouvernement fautif. Ensuite, le fait que le gouvernement ait continu ngliger ostensiblement le PKG22 renforce la ncessit de rformeren profondeur le systme allemand de contrle des activits de

    22 En 2008, le gouvernement fdral na pas inform le comit de son utilisation duBND et des deniers publics pour obtenir de manire illgale des informations sur desexils fiscaux allemands.

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    Renseignement. Pour la premire fois dans lhistoire, le lgislateurallemand a admis la ncessit dintroduire, de manire permanente,des mcanismes de type patrouille de police dans le contrle desactivits de Renseignement (Bachmeier 2008). Ainsi, malgr dessignes de retour des pratiques gouvernementales nfastes23, letravail de la commission a dynamis le dbat sur la rforme dusystme de contrle du Renseignement.

    Les principaux facteurs facilitateurset contraignants

    Ltude des trois affaires mettant en cause le principe de respon-sabilit de lappareil de Renseignement laisse apparatre des dfail-lances majeures dans les activits de contrle du Bundestag.

    On ne peut qumettre un constat globalement sombre. Laquantit impressionnante de limitations son pouvoir de contrleexplique la faiblesse des rsultats dans chacun des cas. Les facteursde contrainte ont pes nettement plus que les facteurs facilitateurs.Deux facteurs contraignants en particulier ont nui la qualit ducontrle :

    il existe de fait une asymtrie des pouvoirsentre lexcutif et le Parlement lorsquil sagit de fairevaloir le principe de responsabilit dans la sphre duRenseignement. En consquence, mme dans la situ-ation improbable o il ferait face un bloc parlemen-taire unanime et dtermin, le pouvoir excutif disposede moyens suffisants pour chapper ses plus fortesobligations en matire de contrle. Ainsi, lors de len-qute, le gouvernement sest retranch derrire lestrois motifs lui permettant de refuser au Parlementlapplication de son droit tre inform ;

    en second lieu, notre analyse montre que laprocdure parlementaire de contrle a t constam-ment politise. Larticle a expos plusieurs exemplesde chamailleries partisanes et de blocages procdu-

    raux au sein du PKG. Celui-ci, dans son rapport de2006 sur les affaires en question, na mme pas

    23 Par exemple, une affaire despionnage de journalistes allemands par le BND aparticulirement suscit lattention de la commission denqute. En 2008, uneallgation similaire a t de nouveau formule. Le BND sest vu reprocher davoirespionn les changes de courrier lectronique entre un journaliste du Spiegelet unmembre du gouvernement afghan. Le directeur du BND, de manire tout faitinhabituelle, a exprim des excuses publiques.

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    essay de se retrancher derrire un prtendu impratifde scurit. Il sest content daffirmer que lesaccusations avaient t suffisamment examines alors qu lvidence ce ntait pas le cas. Tandis quela crdibilit du systme de contrle a souffert, lacommission denqute nest quant elle pas parvenue rtablir la confiance des citoyens. En fait, elle semblestre enlise dans les conflits entre majorit etminorit.

    Toutefois, le travail de la commission denqute aura gale-ment des rpercussions positives. Le caractre plus approfondi desrapports du PKG et de la commission denqute rend difficile unretour au mode prcdent de contrle fond sur le principe de la non-publicit.

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    Conclusion

    Alors que les scandales staient multiplis entre 2005 et 2009, lesallgations sont restes ltat de soupons non vrifis. Pourtant, ilserait simpliste daffirmer que leffort de contrle a t un pur gchisde largent des contribuables. La commission denqute a mis en vi-dence nombre de dfaillances dans les activits de Renseignementde lappareil dtat. Elle a de ce fait jet le discrdit sur le travail duPKG et sensibilis les citoyens la ncessit dune procdure decontrle continue et plus approfondie. La longue enqute a donnlieu la publication de multiples protocoles et rapports. Ceux-ci pour-ront servir de base de prochains travaux universitaires examinantde manire plus critique lopportunit manque dinterroger la perti-nence du secret dtat. En limitant la capacit des gouvernementsfuturs de se soustraire leurs responsabilits, la Cour constitu-tionnelle a aussi contribu laccroissement progressif de la qualitdu contrle des activits de Renseignement.

    Lanalyse a cependant mis en lumire ltonnante accumu-lation de limites imposes au contrle. Celles-ci dmentent lexem-plarit, auparavant clame par certains experts nationaux et inter-

    nationaux, du systme allemand de contrle du Renseignement.Lexamen spar des diffrentes phases a montr que de nombreuxfacteurs censs faciliter ltablissement des responsabilits ne fonc-tionnaient pas ou plutt quils ntaient pas efficaces dans lesmoments cruciaux. Il convient de noter que la recherche des respon-sabilits a t moins entrave par la multiplication des tmoignagesmanant de sources nationales et la part dinformations dtenues pardes organismes trangers que par la faible dtermination duBundestag face au manque de coopration du gouvernement. Cestprincipalement ce facteur qui a empch les contrleurs de distinguerles allgations fondes de celles qui taient injustifies. cet gard,lespoir initial de faire respecter, sous le contrle du Parlement, leprincipe de responsabilit dans la sphre du Renseignement estrest insatisfait du moins court terme. En ralit, ces parlemen-taires expriments qui prtendaient publiquement pouvoir fairetriompher la vrit ont tromp leurs lecteurs. Du coup, la lgitimitdu BND, en thorie fonde sur le contrle parlementaire effectif deson travail, est srieusement remise en question.

    Il est donc temps de formuler des ides plus audacieusesvisant surmonter les conflits partisans dans le domaine si sensiblede la politique scuritaire. Tant que rien ne sera fait pour rendre laprocdure de contrle plus neutre, les propositions de rforme

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    risquent de napporter que des amliorations marginales au rgimeglobal de responsabilit. tant donn la tendance gnrale remettreen cause la notion de secret, il parat ncessaire dinsrer dans lesystme allemand de contrle ad hocun dispositif souple de rgle-ment des litiges. cet gard, la pratique au sein de la commissioncanadienne Arar est exemplaire : pendant le temps de lenqute, un juge spcial a examin la lgalit des refus du gouvernement dedivulguer des informations.

    En outre, le statut de principal contrleur du Parlementpeut tre remis en cause. Le respect du secret dtat, que lesmembres issus de la majorit ont invoqu de multiples reprises,sest quasiment transform en politique de lautruche. Dun autrect, les membres les plus actifs dans la conduite de linvestigation,cest--dire les contrleurs appartenant lopposition, ont surcharglagenda de lenqute et ont saisi chaque occasion dinterroger lesmembres du gouvernement, nuisant ainsi galement au processus.

    Prcisment parce que ces conflits dintrt semblent souvent in-vitables, on devrait rflchir, aussi en Allemagne, faire passer lecontrle des services de Renseignement sous lgide dune commis-sion externe (mandate par le Parlement). Une telle pratique, mise enuvre en Belgique et en Norvge, a donn de trs bons rsultats. Ilne sagit naturellement pas de destituer le Parlement de ce rle decontrle mais den lgitimer laction non seulement travers la miseen uvre de ce contrle, mais aussi par le biais des rsultatsobtenus.

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    Le Cerfa

    Le Comit dtudes des relations franco-allemandes (Cerfa) a tcr en 1954 par un accord gouvernemental entre la Rpubliquefdrale dAllemagne et la France. LIfri, du ct franais, et la DGAP,du ct allemand, en exercent la tutelle administrative. Le Cerfabnficie dun financement paritaire assur par le Quai dOrsay etlAuswrtiges Amt ; son conseil de direction est constitu dunnombre gal de personnalits franaises et allemandes.

    Le Cerfa a pour mission danalyser les principes, les conditions etltat des relations franco-allemandes sur le plan politique, cono-mique et international ; de mettre en lumire les questions et lesproblmes concrets que posent ces relations lchelle gouverne-mentale ; de trouver et de prsenter des propositions et des sugges-tions pratiques pour approfondir et harmoniser les relations entre lesdeux pays. Cette mission se traduit par lorganisation rgulire derencontres et de sminaires runissant hauts fonctionnaires, expertset journalistes, ainsi que par des travaux de recherche mens dansdes domaines dintrt commun.

    Hans Stark assure le secrtariat gnral du Cerfa depuis 1991.Louis-Marie Clouet y est chercheur et responsable de la publicationdes Notes du Cerfa et des Visions franco-allemandes . NeleWissmann travaille au Cerfa comme assistante de recherche et estcharge de mission dans le cadre du projet Dialogue davenir .