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Presses Universitaires du Mirail El cartel de los corridos prohibidos by Carlos VALBUENA ESTEBAN Review by: Jacques GILARD Caravelle (1988-), No. 86, L'Amérique latine et l'histoire des sensibilités (juin 2006), pp. 332-334 Published by: Presses Universitaires du Mirail Stable URL: http://www.jstor.org/stable/40854277 . Accessed: 16/06/2014 03:31 Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at . http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp . JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact [email protected]. . Presses Universitaires du Mirail is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Caravelle (1988-). http://www.jstor.org This content downloaded from 91.229.229.210 on Mon, 16 Jun 2014 03:31:03 AM All use subject to JSTOR Terms and Conditions

L'Amérique latine et l'histoire des sensibilités || El cartel de los corridos prohibidosby Carlos VALBUENA ESTEBAN

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Presses Universitaires du Mirail

El cartel de los corridos prohibidos by Carlos VALBUENA ESTEBANReview by: Jacques GILARDCaravelle (1988-), No. 86, L'Amérique latine et l'histoire des sensibilités (juin 2006), pp. 332-334Published by: Presses Universitaires du MirailStable URL: http://www.jstor.org/stable/40854277 .

Accessed: 16/06/2014 03:31

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Bolaño. Mythe qui semble trouver un écho dans la « vraie vie » et dans le rôle de « fondateur » littéraire qu'on lui reconnaît d'ores et déjà.

Carla FERNANDES Université de Toulouse-Le Mirail

Carlos VALBUENA ESTEBAN.- El cartel de los corridos prohibidos.- Bogota, Printer Colombiana, 2006.- 386 p.

Le livre de Carlos Valbuena Esteban se présente comme un récit et comme un témoignage. Le récit retrace les péripéties du « terrain » effectué par l'auteur pour une recherche qui aboutira, dans un tout autre registre, à la soutenance d'une thèse académique. Et il devient témoignage en raison de la spécificité de cette recherche : étudier la production et la diffusion de ces chansons très particulières que sont les corridos dits prohibidos conduit à la fréquentation d'un monde tout aussi particulier de paroliers, compositeurs, musiciens et promoteurs, à un contact physique avec l'atmosphère de violence du moyen Magdalena et à l'expérience directe du « conflit » que vit la société colombienne. Car ce n'est pas la moindre originalité de ce livre que de porter sur la réalité de la Colombie actuelle alors que, s'agissant du genre poético-musical corrido et des problèmes que certaines chansons ont eus récemment avec les autorités, le profane penserait plutôt au Mexique. Le livre montre comment le narcocorrido mexicain des années 1970 et 80 a servi de lointain catalyseur à la formation ou affirmation d'un corrido colombien qui a conquis en peu d'années (le premier disque pressé à Bogota est de 1997) une autonomie et une identité. La guerre colombienne de la cocaïne et quelques figures délinquantes célèbres, comme Rodríguez Gacha et Escobar, ont certes contribué à ce que le narcocorrido du Nord mexicain soit bien reçu dans le pays, mais l'ensemble du « conflit » colombien a inspiré et nourri le mouvement du corrido désormais autochtone : les prétentions des trafiquants, la guérilla, les paramilitaires, les séquestrations, la corruption des politiques, les bouffées de nationalisme, la culture de la coca, les déplacés etc. sont autant de thèmes qui ont pris de l'importance et n'ont laissé qu'une part modeste aux coups d'éclat des grands délinquants (« ... una dosis de política, secuestros, corrupción, extradición, es decir meternos lentamente en el drama de todos los colombianos. El conflicto... », dit un producteur de disques, p. 324). Au point que certaines de ces chansons, qu'un lettré jugerait larmoyantes et bassement commerciales, ont été adoptées par les paysans du Putumayo protestant contre l'épandage de défoliants sur leurs plantations de coca. Et au point, aussi, que des compositions provenant des FARC comme des autodéfenses ont pu être proposées à l'éditeur musical des corridos prohibidos. Celui-ci, selon l'auteur, avait aspiré à « construir una poesía noticiera local, con escenarios, personajes e historias verdaderas » (p. 15), « algo que el narcocorrido mexicano nunca tuvo: una épica nacional, el romancero fronterizo de las Guerras de la Cocaína » {ibid.), « la otra versión de la guerra aquella que el ejército y la gran prensa preferían callar » (p. 43).

Au long du récit que l'auteur fait de sa recherche sur le terrain comme dans la partie finale d'entretiens avec les acteurs du phénomène poético-musical (p. 229-382), ressort le souci des artistes et des commerciaux de chercher et trouver des histoires à raconter, puis à mettre en vers et en musique, et l'importance qu'ils accordent à leur véracité. Ce qui fait que certains drames

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tardent à être chantés : on attend que la vérité se fasse jour parce que, tôt ou tard, quelqu'un parlera (ce fut le cas pour l'assassinat de Luis Carlos Galán, survenu en 1989 et chanté bien des années plus tard). Ce souci de véracité - d'une certaine forme de véracité, que cultivait déjà au XVIIF siècle le romancero dit « vulgaire » - est à rattacher au sens profond de l'adjectif prohibidos. Depuis la Real Cédula de Charles III qui, le 21 juillet 1767, défendait « por punto general que se puedan imprimir pronósticos, romances de ciegos y coplas de ajusticiados », les autorités ont souvent voulu interdire cette poésie « vulgaire » sous le prétexte d'une atteinte au bon goût et aux bonnes moeurs (argument qui fut en 1798 celui du poète et bureaucrate Meléndez Valdés dans son Discurso sobre la necesidad de prohibir la impresión y venta...). On a donc souvent interdit, en vain. Ou au moins empêché la diffusion radiophonique, comme ce fut le cas au Mexique avec le narcocorrido, tout aussi vainement. Pour les artistes et producteurs colombiens, ces corridos ne sont « interdits » que dans la mesure où ils formulent des émotions et des opinions populaires qui n'ont aucune possibilité de s'exprimer dans les médias. Comme les romances de ciegos de jadis, ils véhiculent une contestation qui ne peut émerger, obscurément, que par le biais de la mélodie et du vers.

Le récit et le témoignage font ressortir cette continuité en bien des moments. C'est la thèse qui sous-tend le projet de l'auteur et que celui-ci ne développe pas (telle n'était pas la finalité du livre), quoiqu'il la formule clairement en une occasion : partant d'une citation de Julio Caro Baroja, il affirme que le producteur phonographique « es continuador de un oficio que, a mediados del siglo XIX, ya practicaba don Rafael García Rodríguez. Desarrollos tecnológicos mediante, sus CD equivalen a los pliegos de cordel que RGR producía y distribuía a principios del siglo XIX desde su imprenta, en la Calle de la Librería de la muy andaluza ciudad de Córdoba » (p. 70). Dans ce cadre solidement fixé, le récit de l'aventure suscite constamment l'intérêt, et la réflexion du lecteur trouve à s'exercer à chaque page. Sous la naïveté élémentaire ou grandiloquente des paroliers et interprètes, qui sont souvent les mêmes personnes, sous la roublardise et l'opportunisme évidents de l'éditeur, on est sans cesse confronté aux schémas très identifiables d'une vieille tradition. Le livre se constitue en « trace » durable, celle d'un moment de la chanson narrative en langue espagnole, et devrait donc persister comme référence dans la bibliographie spécialisée.

Trois brèves remarques pour finir. En premier lieu, on doit pouvoir résoudre, au moins en partie, les interrogations sur le corrido « Juan sin tierra », adapté dans le maquis par un membre des FARC (p. 176) : certes, une interprétation du Chilien Víctor Jara a dû fournir sa pâture à ce guérillero, mais la base de Jara et la clé du problème semblent se trouver dans le catalogue discographique du Chant du Monde (le 33 tours « Chants de la Révolution mexicaine », du début des années 1960, interprété par Jorge Saldaña et présenté par Max-Pol Fouchet, LDX-S-4309). Ensuite, l'allusion au MAS (Muerte a Secuestradores) semble faire peu de cas de la chronologie historique (p. 205). Enfin, une question s'impose au lecteur mais n'est jamais abordée dans le livre : l'existence d'un substrat colombien a-t-elle facilité l'accueil fait au narcocorrido mexicain ? La dénomination corrido et le genre poético-musical ne sont pas une affaire seulement mexicaine : ils viennent de l'Andalousie du XVIIF siècle, où le romance (comme encore aujourd'hui dans le flamenco) était appelé corrido, et

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ont existé dans toute l'Amérique de langue espagnole. Le Llano, aussi bien en Colombie qu'au Venezuela, connaît le nom et pratique le genre - parfois sous la forme maintenue du romance à l'ancienne. On peut se demander si cette persistance aurait, d'une façon ou d'une autre, favorisé l'entrée des narcocorridos mexicains. Au niveau de la culture et de la société colombiennes, ce pourrait être une réactivation. Si on élargit le regard à l'ensemble des pays de langue espagnole, c'est d'une constante de la poésie orale qu'il faut parler. Le livre en est, de toute façon, une intéressante illustration.

Jacques GILARD Université de Toulouse-Le Mirail

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