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L'Anacrouse dans la musique moderne

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  • V^ 0- /. 31, n 2. .-llleyrelto.

    8-nq 7-4-

    sans anacronsc.

    3EFd F-f=7=- ^ ^^^^Ces espcces d anacrouses sont innombrables.

    Anacrouses accessoires. Dans la meme phrase, dans la memo strophe,elles sont tantot employees, tantot delaissees. On dirnit quo 1 auteur n y atlacheaucune importance. Erreur ! quand on les examine de pros, on distingue le role

    qu ellcs jouent et leur raison d etre. Ex. :

    BEETHOVEN. Adagio. Op. 2, n 1 3.

    "

    1^"^ Dtcaite. Dccatttfr.

    .f- f--

    ^ife=^-^^-

    1-^fe

    Decapite. Decaude.

    i

    Les premiers rythraes n ont pas d anacrouse; les 3 et 4e

    en out chacun une.

    Pour quelle raison ? Remarquez dans le texte original que le 3e

    rythme presenteune contexture ascendante et que la mesure est plus chargee de notes, pluslourde. L anacrouse s/^lui donne comme un coup d eperon, lui imprime uncertain elan, un leger accelerando et crescendo

    1. II en est de meme de 1 ana-

    crouse si du rythme suivant. Ces deux anacrouses jouent un role analogue acelui que remplissent les prefixes dans la grammaire : elles prennent de la forcemi detriment de la note suivante. Evidemment dans le mot reviens

    ,

    re prcndde la force et vicns en perd. Tout cet, adagio est une pure merveille.

    Dans les 7 et 9 mesures, 1 anacrouse est sijncopee et joue le double role

    \. Tracez entre les deux portees une ligne ascendante au-dessous du chant en suivant sadirection et une lig/ie descendante au-dessus de la basse cela vous donnera le signe du crescendo - . Lc plus souvent, ce procede nous indique le dijnainiiine, c est-a-direle crescendo ou le diminmndo iiu on doit employer pour rendre le passage .

  • 10

    d anacrouse et d ictus anticipc ; le rtjthme final n a ni tele ni queue. C est un

    rythrne a la fois decapite et decaude; comme tel, il engendre Vagitation au com

    mencement et un rallcntando a la fin. L executant se jette sur ses noles initiales

    comme uu noye sur la perche qu on lui tend.

    Nous avons respecte la mesure indiquee par Beethoven, quoiqu elle nous

    paraisse defectueuse; la note forte, 1 ictus final du rythme y coincide conti-

    nuellement avec le 2C temps, le temps faible, le leve. Selon nous, il faudrait trans

    former au moins mentalcment chacune des mesuresa 2/4indiquees par Beetho

    ven en 2 mesures a 2/8. Alors 1 idee musicale penetrerait mieux dans le senti

    ment, 1 accent rythmique acquerrait toute sa predominance. La mesure indiquee

    par Beethoven donne des monopodies ; la mesure a 2/8 produirait des dipodies.C est surlout a partir de la 6 mesure que la mesure a 2/8 s impose. Voyezun exemple analogue ecrit correctement dans \ Allegro vivace de la senate,

    op. 78, de Beethoven.

    Dans [ Adagio de la senate pathetique, nous trouvons deux anacrouses quiparaissent accessoires.

    Examinons la 2" strophe en fa mineur de cet Adagio; elle commence par uneanacrouse :

    Est-ce bien une anacrouse accessoire, ou une note && jonction, comme lesnotes qui terminent la 1 strophe ?

    Notes de jonction.

    II ne faut pas confondre les notes de jonction avec \essoudwes. Les premieresservent d echelle, d escalier pour monter ou descendre un theme d un etage aun autre, d un diapason superieur a un inferieur, de I alto au soprano, de la

    basse au tenor, etc. Selon nous, cette triple croche ^ est une anacrouse motriced appocjiaturc, analogue a celles que nous avons rencontrees a la fin de laMarseillaise, aux mots : Aux armes ! etc. Elle a pour but d imprimer a la

    phrase suivante force, intensite, elan.

    Dans la 3 e strophe du meme Adagio, I anacrouse suivante se trouve uneseule fois :

  • - 11

    Chopin, Mazurka, op. 7, n 2, emploie 1 anacrouse toutes les huit mesures

    comme note initiale de la phrase. On rencontre Ires souvent cette sorte d ana-

    crouse.

    Anacrouses brod6es, fleuries. Elles servent d ornement et imprimentaux rythmes une grande cohesion en comblant les vides qui resulteraient de

    leur suppression. De plus, elles apportent a la phrase grace et legerete :

    au lieu de

    BEETHOVEN. Op. 26.

    CHOPIN. Polonaise. Op. 26, n"

    3 w^E-

    au lieu de

    Cette anacrouse formant un grupctlo = est mal ecrite dans toutes les editions

    que nous connaissons et produit un eiFet boiteux, desagreable ; le la qui la com

    mence devrait tomber sur la quatrieme croche de I accompagnement et non

    apres.

    En verite, Chopin abuse de cette sorte de notes d agrement; elles donnent a

    quelques pages de ses 03uvres une allure de minauderie.

    CHOPIN. Prelude n" 15, A" mesure.

    Est-ce une anacrouse brodee ou une soudure ? A coup sur, a la 4emesure de

    la phrase finale, elle joue le role de soudure.

    BEETHOVEN. Op. 10, n" 2, phrase en re]

    7. Allegretto.

    Beethoven, dans 1 allegretlo de cette sonate, n emploie ce yrupelto qu uneseule fois, a la 4

    emesure : trois fois il emploie 1 anacrouse sans note d agre

    ment.

  • BEETHOVEN. In tempo d un Menuetto

    iDix fois de suite, Beethoven ecrit 1 anacrouse sans broderie ; la onzieme et

    l,i douzieme fois, il 1 accompagne d un grupetto. Pourquoi ? Voyez aussi

    les dernieres mesures du Largo appassionato de la sonate, op. 2, n 2, de

    Beethoven.

    Anacrouses motrices. - - Elles se divisent en deux classes : anacrouses

    acceleratrices et anacrouses suspcnsives. Les unes comme les autres, si Ton

    olieit a leurs incitations, jettent une perturbation dans le mouvemont generald un morceau : elles Vaccelerent ou le ralenlissent.

    Anacrouses acceleratrices. Elles exercent leur action surlout dans les

    morceaux a mouvement lent ou modere. On les distingue aisemenl a leur forme.

    Generalement, elles presentent des groupes de notes ayant un dessin, une con

    texture ascendante, ou bien elles forment des groupes de notes repetees, comme

    1 anacrouse initiale de la Marseillaise.

    Ces groupes de notes provoquent surtout 1 elan quand leur premiere note

    tombe sur la 2 partie d un temps. Cela s explique facilement : ces sortes d ana-

    crouses sont privees du point d appui qu offre la 1" partie d un temps. De la une

    certaine inquietude, une certaine agitation nerveuse analogue a celle qu eprouveun baigneur perdant pied, qui se traduit par un accelerando. De plus, monter,au physique comme au moral, c est lulter, depenser une plus grande force ;

    repeter, c esiinsistcr, c est s animer, surtout au commencement d une phrase.En un mot les anacrouses acceleratrices servent de tremplin, de coup de fouet

    pour imprimer a une phrase une allure decidee, de 1 elan et de l animation.

    BEETHOVEN. Sonate palhetique, Rondo.

    WEBER. Invitation d la valse.

    7 --

    MENDELSSOHN. Rondo capriccioso.

    V-

  • 13 -

    Anacrouses suspensives. - - Comme les anacrouses acceleratrices, elles

    exercent leur action surtout dans les morceaux a moiivement lent ou modere.

    Ellcs se presentent sous des aspects tres varies, generalement comme notes

    aigues, point culminant au commencement d une strophe, comme note voisine

    digue ou voisine (/rave dans le grupetto, etc. Les notes des anacrouses suspen

    sives jouent le role de freia, de crampon. D une part, les artistes s y cram-

    ponnent instinctivement ; ils semblent craindre. de les lacher, afin d eviter une

    chute precipitee; car, au physique comme au moral, descendre, c est subir une

    attraction vers un point inferieur, et la descente est d autant plus rapide que

    la pente offre moins d obstacles, d asperites. D autre part, on eprouve du plaisira occuper une position elevee et a s y maintenir!...

    CRAMER. 31 Etude, edition Billow.

    rail.

    CHOPIN. Nocturne, op. M, n" 2. Anacrouse initiale de la strophe cn/ mill.

    En realit6, c est une mesure a 6/8. L accent melrique tombe sur le re \ du

    3 C temps. II devrait etre precede d une barre de mesure.

    SCHUBERT. Impromptu./Ts

    En realite, a la main droite, c est une rnesure a 9/8.

    CHOPIN. False en re ? au finale.

    rait. vite.

    A la reprise, Rubinstein et Billow faisaient un arret sur le fa, anacrouse, quisuit le re

    \>,

    note finale de la 2 C strophe.

    rail. vile.

    De meme, Rubinstein el Biilow s arretaienl sur le la \>, anacrouse initiale de la

    3 e strophe, et imprimaient force et vitesse a la phrase.

    Generalement, sur les anacrouses ayant une contexture descendante, on ne

  • - 14 -

    ralentk pas; cependant, dans les mouvemenls moderes, quandelles sont excep-

    tionnellemenl doubles, triples, ou caraclerisees par un accident, %ou b, ou

    presentant une espece de recrudescence, d insistance, onralcntil tant soil peu.

    BeETHOVE.x. Senate, op. 2, n 1. Minuetto.

    Sur le / simple, 2 mesure, on ne ralentit pas ; sur les sol, fa, anacrouse

    double, 4 mesure, on fait un leger ralentissement, sur solfr, fa, 6 mesure de la

    2 strophe, on fait un ralentissement plus prononce, car ce solb n est pas seule-

    ment anacrouse aigue, il est aussi notepathetique, modale mineurede sij,, c esl-

    a-dire note destructive du mode majeur.

    CHOPIN. Op. 7, 2, 8 mesure, 2 strophe.

    rail.

    MENDELSSOH.V. Hondo capriccioso.

    rail.

    Voyez aussi I introduction de YInvitation a la valse de Weber et I anacrousea la 8 C mesure du 6 1" prelude de Chopin.

    Fait curieux : le peuple, sans instruction musicale, ralentit sponlanement sur

    les a-nacrouses aif/ues exceptionnelles . Exemples :

    Ma Normandie, par Frederic BERAT, 3 mesure, a la fin.

    rail.

    1. Nous donnons ici, a noire honte et a simple lilre dc curiosite, un exemple bien vulgaired une anacrouse aigue excepiionnelle, a laquelle nous devons peut-fitre 1 impulsion de nos travaux

    didactiques et, en parliculier, de nos rechcrches sur I anacrouse. Nous enlendions Lefebure-Welyjouer les Cloches du Moiiasttre.

    i^\

    .f

    ^=

    Musique sous les yeux, nous constations que rauteur ralentissait sur le sol \>, 4, mesure. Cet ut pour nous une revelation! la petite ponune de Newton..., qu on nous pardonne ce rapprochement. Pourquoi cet arret et cette force sur la dcrniere note d unc mesure finale de periode? Leprofesseur ne nous donnait pas une raison satisfaisante. Nous avons cherche et voici ce que nousavons trouve : c est une anacrouse exceptionnelle, suspensive, aigue; elle apparlient a ce quisuit et non a ce qui precede. Notre curiosite eiait evei/lee et n a cesse depuis de nous sue/-

  • 15 -

    A oeV, canlique catholileur flu mourement do la main doit etre

    plus grande, afin que le choc produit soil plus fort; aussi avons-nous marque le si

    do la i" et le do de la 2" mesure par un chevron - on v accompagne d une barre

    horizontal. Cette barre ( \ d apres II. Ilerz, qui, IP premier, en a fail usage,indique que la note doit etrc frappee avec une certaine lonrdenr, par un mouve-

    nient du bras: avant-bras, poignet, main et doigts ne doivent former qu imc

    piece, sans articulation du poignet ni des doigts. La figuration exacte, la voici:

    Tout cela rend rait la lecture fastidieuse et ne serait guere pratique. Aussi,

    I execution est-elle le plus souvent abandonnee au sentiment, disons-le franche-

    ment, a 1 arbitraire de I executant; car, dans aucune methode, on netrouvecles

    indications suffisantes a ce sujel1

    . La profusion des signes que nous employonsserait simplement ridicule, si Ton devait 1 appliquer a tont un morceau; nous les

    employons simplement pour essayer de peindre ce que nous sentons et cc quela raison nous dicte. Nous osons esperer que, lorsqu il nous aura hi et compri-s,le lecteur produiva spontanemenl et sans le secours des siynes graphiques les

    phenomenes que nous tachons de rendre visibles. Nous savons de reste que,

    plus on met de signes, moins 1 eleve y fait attention. II n etait pas moins ntile

    d attirer Fattention du lecteur snr les diJIicultes que peutoffrir Tceuvre en appa-vence la plus facile.

    La Sonatine dont nous venons d extraire cet exemple ne nous donne pasline idee de la surhumaine inspiration qui anime les grandes ceuvres de Beetho

    ven, rnais elle prouve, plus que toute autre de ses Senates, la sensibilite exqnisede son sentiment du ry thine et des anacrouses, la finesse et la delicatesse excep-tionnelles de sa technique an piano, la morbidesse de son louche. Peut-etre ses

    critiques ct biographes ne seronl-ils plus aussi etonnes de trouver la Sonatine,

    Op. 49, precedant immediatement sa grande Sonate Op. 53 !...

    On nous accusera peut-elre d enlrer dans des details Irop minulieux, tropsubtils. Nous n ecrivons pas pour ceux auxquels Bulow a donne le nom si doux,si poelique et si pictural de musicastres ; nous ecrivons pour des artistes, pourceux qui cherchent a aifiner le sentiment musical si susceptible de culture, de

    perfectionnernent, comme toule aulre faculte dont Dieu a done I homme.Combien de fois n avons-nous pas enlendu affirmer par des critiques ponti-

    1. Nous avons publie dans la Vierteljahrschrift fiir die Musikwissenschaft, page 516, unarticle concenuiiil les proceiles d execution.

    A.NACROUSES- 3

  • - 34

    fin ut que lei ou lei artiste jouail Beethoven, Chopin, Schumann, etc.,dans la

    perfection. Helas! nous les avons entendus,ces artistes, et constate que, pour

    ineriler cette reputation, il leur iiianquait settlement1 intelligence de la phrase,

    la connaissance, Fintuition des promtis de mecuiiisme, e est-a-dire des moyens

    techniques que la phrase exige pour revelersa portee psychique, enfin, le senti

    ment des rythmes et des anacrouses .

    Les sujets que nous aliens aborder sunt les plus difficilcs denoire travail. 11s

    exigent de 1 executant un ensemble de facultes qui sontle don rare de quelques

    artistes de race : uu sentiment delical du rythme, un esprit d observation exercc

    a 1 analyse, le don de la sagacite et du discernement. Helas! nous sentons toute

    noire impuissance pour fournir a 1 executant des regies precises, un guide sur,

    qui puissent 1 aider a rendre certaines notes, certains groupesde notes, confor-

    mement a 1 esprit et al intenlion qui aniraaient 1 auteur etalesfaire comprendrea 1 auditeur. Nous devrions done abandonner ces sujets a des musicolo-

    gues, clisons a des psychologues plus savants, plus competents que nous. Ajou-tons que ce sont des cas rares ou 1 interpretation est livree, sinon a 1 arbi-

    traire, du moins au gout, au sentiment personnel de I lnterprete. 11 n est done

    pas etonnant que les plus grands artistes que nous ayons entendus aient dii-

    fere totalement dans la rnaniere de rendre et d accentuer certains passages,

    certains groupes, que nous allons examiner. Certes, nous le savons, le senti

    ment, du rythme saisit dans une spontaneite infaillible 1 esprit vrai de 1 idee nui-

    sicale contenue dans ces groupes, mais nous ne devons pas compler sar le

    sentiment de 1 executant, noire etude ayant precisement pour but tie siyi/ileer j>a>-

    la raison aux defaillances da sentiment.

    Ayons done recours a la logique et a 1 observalion: elles fmiront bien parnous fournir quelques indices, quelques luinieres, qui puissent nous guider dans

    ce labyrinths obscur.

    1. Us ne jonaient meme pas en mesure. Us prenaient grand soin de faire coincider la note quisuit un trait avec le coup qui marque la mesure ou le temps siiivnnts, mais ils iravaient auounsouci de rendrc pour ainsi dire visible a I oreille, par une aceenluation claire, rationnelle, qui eniasse comprendre la division, le fractionneraent, les notes fonnnni les groupes inlenncdiaires destraits. Que de tois nous avons entendu massacrer la Fanlainie chromatique de Bach. la Sonalc,op. 53, de Ueethoven, la Sonate en la ? de Weber, les Xoclurn.es dc Cliupin, eto., etc., par uneaccentuation melrique fausse, detestable. Taiiiuonrineiirs doues d une dexterite, d une virtuositeverliginenses, mais sans ame, sans expression, auxquels Liszt preferait justeinent 1 liabilete et leclianne des pianos mecaniques . Le public, bon niouloii de Panurge, ii y entend goutte et n enapplaudit pas moins a oulrance! Et les critiques, faute d avoir la musique sous les yeux, n en sonlguen! plus avanct s! Couibien doit-on se mefier dt; loute critique! Tout coinple rendu musical,non base sur la connaissance du njtlnne, de Yanacrouse et des procedes d execution, n estqu une (Buvrc d huaginatiou ct de fantaisie, siiion un aete d cxtreme bienvevllance ou de camaraderie.

  • Tout, d abord, comphUous les principes quo nous avons poses pages 6 et 7 :

    1 Quoad il s agit de musique classiqm 1 , il taut se conformer aux. indicationsde 1 aulenr; done, si possible, se procurer les editions originates des oeuvres

    de Bach, Mozart, Haydn, Beethoven, Weber. Dans Ic cas contraire, choisir les

    editions qui out le moins subi les manipulations, nous n osmis pas dire les ou

    trages dcs reviseurs.

    2" Teuir comple de Vattraction que les notes exercent les lines sur les aulres,

    du repos plus ou moins complet que la derniere note d un rylhme, d un groupede sons npporle a 1 oreillt:, en un mot tenir compte de la satisl action que la reso

    lution d un accord dissonant apporte an sentiment.

    3 Examiner si la contexture du rytlime qui suit eslascendanteou descendant

    et s assurer s il renferme des notes, diezes ou bemols, qui puissent determiner des

    modulations ou des changements de mode; ne pas oublier la force, Vaccelerando,

    ou le rallentendo, qu une note considered comme anacrouse est susceptible

    de communiquer an rytlime suivant.

    4 L anacrouse doit se trouver dans la mesnrc a Ictf/uelle appartient la note

    finale du njtltmc precedent. Elle doit etre einise par 1 aspiration du soulfle et

    stdvie d une barre de mesitrc.

    5 Generalement les anacrouses n ont pas d accontpagitemeiti propreet passent

    sur celui qui accompagne les notes finales du rylhme precedent. Le plus sou-

    vent, les anacrouses afiectent une allure plus legere et plus gracieuse que le

    commencement des rythmes decapites qui, au contraire, orit une marche hesi-

    lante, lourde, inquiele. Cette inquietude resulte de 1 absence du temps fort, de

    1 ictus initial qui sert de point d appui a 1 arceau rythmique, ce qui engendreune espece de suffocation

    1.

    \. Les rylhmes decapites sont appeles par les inusiciens frangais : mesures d contre-temps.Ce phenomene de suffocation etait si bien connii dt>s anciens theoriciens franfais, qu ils ontdonne le nom de soupir au silence qui se trouve a la place d une note au commencement d uneniesure contenant un rythrae thetii|ue. Malheureusement, ils out generalise cette epithete et I ontappliqueea tous les silences remplacant des noires, croches, duubles-croches, etc. De la les noras

    baroques d soupir, demi. quart, /iititiime de soupir, etc., deuouiinationsqui pourraient cunvenir

    aux inorceaux con amore. Remarquez, en passant, combien, a partir de la croche, le signe dusilence est pictural; il indique la vuleur, la duree que la note aurail si elte etait presents.Elle ttbsente, le signe est prive du son : done il indique seulenient un silence et non la louche a

    frapper. Selon nous, on devrait dire : silence d une ronde, d une blanche, d une noire ; employerA autres signet pour le silence de la ronde et celui de la blanche el conserver pour la noire labarre comrae unite de temps. Cette barrefractionnee rationnellement fournit a merveille le

    signe du silence valant une croche, un demi ou un tiers de temps; une double croche, valant un

    quart ou un sixieme de temps; une triple croche, valant un huitieme de temps, etc. Enlevez les

    notes et vous aurez les silences qui leur correspondent :

    n--

    - - r - b^ C-- : Phn " - . F n~n n j"t ........ " *** I I M etc.

  • 6 La premiere note, d uu njtlnue decapiledoit se trouver dans la mesure qni

    suit edle oil ye truuue la note finale du njlkme precedent: elle doit elre emiso

    immedialcmenl, aprcs I expiration du souffle et precedeed uue barre de mesure.

    Les indices suivauts peuvent etre Ires utiles pour distinyuerles njlhmes ana-

    crousiques des rythmes decapites. Chautezla phrase soumise a votre examenjlc

    plus souvent si, instinctivement,vous la commencez par une aspiration, elle

    sera anacrousique; si elle commence parune expiration, c est un rythme l/wti-

    que decapite ayant pour ictus initialun silence. Ce simple fait peut aussi guider

    le violouiste dans le choix de ses coups d archet et le joueur d instrumenta vent

    dans remission du souffle. Bien entendu, ces indices ne sont pas absolus. Des

    necessites propres a I instrument peuvent cxiger des modificationsdans les coups

    d archel aussi bien que dans remission du souffle. Enfin, in cauda te/Frequem-ment c est la derniere note d une strophe qui fournit la clef du secret : Ires sou-

    vent cette note sert a la fois A ictus final et de note initiate a cette strophe.

    Voyez le Scherzo de la sonate en la b de Weber, YAlleyro de la senate, Op. 28,

    de Beethoven, etc.

    Guide par ces principes, nous allons risquor une repouse aux questions qui

    vont suivre. Toutes les fois qu on nous offrira une solution meilleure, plus

    rationnelle, nous 1 accepterons avec reconnaissance. Qu on n oublie pas quec est pour la premiere fois que ce sujet si important, ame du rythme et de 1 in-

    terpretation, comme disait Billow, est sournis a la meditation des musicians!

    D ailleurs : Errare humanum est!Des nialins, appeles par Biilow, musicaslres, nous out objecte bien des fois:

    Votre theorie ne s applique qu au piano ! Non ! elle s applique a la musiqm!Les rythmes et les anacrouses sont les memes, quel que soit 1 instrument quiles

    interprete, comme la phrase grammaticale reste la meme, quelle que soit la

    personne, homme, femme ou enfant qui la declame ! Ponctuation, inflexions,

    accents, chaleur et mouvements de I ame restent identiques.COMMENT PEUT-ON DISTINGUEK si une note, a la fin d un njtltme feminin, est

    finale de ce rythme, ou si c est une soudure, ou enfin si elle est la note iniliale d une

    anacrouse? Considered sous chacun de ces trois aspects, la note exigeum accentuation tout autre. Le cas est done d une tres grande importance ; car de cette

    accentuation depend le sens de 1 idee musicals et la facilite de la comprendre!Voici un exemple celebre, qui contient deux cas douteux. Que de fois n a-t-il

    pas ete mis a la torture !

    BEETHOVEN. Sonate, op. 13. Adagio.**

  • Si Beethoven avail ecrit comme suit :

    le donle ne serail pas possible; cela fornierait un rythme thetique ferninin com

    post de deux mesures : ce re ? serait sans force ni duree el devrail etre delica-

    tement enchaine et enleve en meme temps que le mi ? qui le precede.Mais, puisque Beethoven a mis ce re ? croche a la fin de la deuxieme mesure,

    c est qu il ne vent pas qu on le premie pour note finale du rythme, ni comme

    anacrouse et qu il le considere comme note d& passage, comme une espece de

    soudure rythmique, ce qui lui enleve toute importance et produit un rythme ter-

    mine sur le mi \> de la 4 1 mesure.Considere comme anacrouse, il preadrait 1 accerit rythmique et imprimerait

    aux notes suivanles de Felan et une force excessive; et cela d autant phis que

    leur contexture esl ascendants et qu elles fonnent un monvement coniraire avec

    la baste, le chant rnontant, la basse descendant, et que le re jj, clans 1 accompa-

    gnement, determine une modulation en mi \>. Ce re ?, considere comme ana

    crouse, produirait le meme effel que le si \ double croche a la fin de la 2 me

    sure de VAdagio de la sonale op. 2, n" 3, de Beethoven que nous avons cite page 9.

    Le mi % de la 4emesure de 1 Aclagio de 1 Op. 13 exige encore plus de reflexion.

    Est-ce une anacrouse on une soudure? Car, comme note etrangere a 1 harmo-

    nie, il ne peut elre note finale du rythme. II est certain que, considere comme

    anacrouse, ce mi \ imprimerait a la fin de la strophe une vitesse qu il faut eviter.

    Beethoven, le plus souvent, considere ces sortes de notes chromaliques comme

    soudnres et les lie a la note precedente. Exemple:BEETHOVEN. Senate, op. 10, n" 1. Adagio.

    mII va sans dire que, si cette note chromatique a la fin d un rythme eslprecedee

    d un silence, elle prend 1 accent d une anacrouse. Voyez Chopin, Noclunies,

    Op. 32, ne

    "l et2.

    Cette note chromatique a la fin d un rythme est Ires frequente el accompa-

    gnee lanlot par un crescendo, lanlot par un diminuendo.

    JeJz

    X. Romance sans paroles n"x

  • AS

    Voyez aiiss t les n* 9, 16, etc. Le "2* do \, croche, est-ce la fm des notes qui

    precedent ou le commencement de celles qui suivent? lei, c estla necessitequiva nous donncr la reponse. Evidemment, pour faire sonner cette note, il faut

    lever le doigt, quitter la touche: aussitot un silence s intercale et la note, bon

    gre, mal gre, prendra de la force et produira refTet d une anacrouse. Jl est

    incroyable que Mendelssohn ait ecrit cette phrase a 4 temps. Dans toutes les me-

    sures, 1 accent tombe sur le troisieme temps. Elle devrait etre ecrite comme suit :

    Cela donne des rylhmes anacrousiquesde deuxmesures, c est-a-dire des dipo-dies anacrousiques.

    Pourquoi, chez Mendelssohn, ceLte persislance a ecrire dans une fausse me-

    sure? Puisque les mesures a 2, a 3 et a 4 temps existent, pourquoi ne pas ecrire

    chaque phrase dans celle qui convient a son rythme et qui rend 1 idee musicale

    immediatement comprehensible? Et Mendelssohn a ete appele impeccable!quand continuellemcnt il peche centre le rythme, cette troisieme personne dela Trinite musicale, comme disait Billow, et cela, meme dans ses Fugues et Ora

    torios !

    CHOPIN. Koclurne, op. 15, n i.

    -f- f F S< - 1

    Evidemment, ce Nocturne devrail etre ecrit, au moins pour la main gauche,a 9/8; il n y a pas une seule mesure qui ne contienne 9 croches a la basse. -

    Le I" mi, dans la 6 mesure, que nous avons surmonte d une croix, est-il notefinale d un rythme feminin, ou note iniliale d une anacrouse? II ne pent etrefinale d un rylhme feminin, car // ne fait pas partie integrante de I accord si-re-

    fa qui 1 accompagne. Comme anacrouse, il prendrait une force impulsive quinerepondrait nullement au caractere tranqidlle, simple, indique par Chopin.Done, c est une note de passage, une soudure njthmique faible, et 1 accenttombe sur le re qui suit, note iniliale d une anacrouse exceptionnelle.

    CHOPIN. Nocturne, op. 32, n" i.

    Jiu_

    Les mi, dans les 2 9 et 4 mesures, marques d une croix, sont-ce des notesqui terminent des rythmes feminins, des soudures rythmiques ou des ana-crouses ? Le mi, a la fin de la 2 e mesure, etant suivi a peu pres par les memes

  • notes qui forraent la 1rn

    mcsure, qui n est pas precedes d une anacrouse, et le

    rythme suivant ne contenant ni dessin ascendant, ni modulation, nous le traite-

    rons comme soudurc rytlnnique sans force, et cela d autant plus qu il ne peutetre re-garde comme note finale d un rythme feminin, ne faisant pas partie de

    1 accorcl fa-la-do qui 1 accornpagne. Le mi de la 4 mesure etant suivi d nn

    rythme a dessin ascendant et contenant line modulation en ri; $, nous le regar-derons comme anacrouse et le ferons preceder d nn petit silence; il imprimeraforce et elan an rv thine snivant.

    *f

    Oserions-nous le dire ? La premiere fuis quo nous avons entendu jouer ce

    Nocturne, c etait par une eleve de Leschetizki; elle faisait des soudures partout.Nous sentions, nouspressentions que le mi de la 4

    ?mesure etait une anacrouse!

    Notre sentiment ne nous a pas trompe; car, 13 mesures plus loin, Chopin sanc-

    tionne notre impression en faisant preceder ce mi d un silence, qui lui imprimele role d anacrouse :

    (Riu.ow) CRAMER. Etude n" 50.

    Modulat. en ut miu. morlulat. on re raaj.

    Biilow regarde les notes n; jf et fa -J, croches dela 2 mesure, comme soudure;selon nous ces deux notes forment une anacrouse. Combien nous regrettonsque eel excellent et illustre ami ne vive plus ! Comme il serait heureux de voirachevee notre ccuvre, a laquelle il s interessait si vivement ! Lui, qui regardaitle rythme comme la troisieme personne de la Trinite musicale; lui, si terrible,

    quand il s agissait de combattre les erreurs rythmiques, cause de toutes lesdillormites et defectuosites de 1 execution musicale

    ,

    au lieu de se froisser,nous temoignait la plus vive reconnaissance, quand nous lui signalions ce quenous croyions etre des fautes dans les editions des ceuvres qu il avail revisees,lui, le maitre des maitres. Fait des plus curieux : dans son edition des Etudesde Cramer, il numerote les mesures de 5 en 5 : 5, iO, 15, etc., sans s occupersi ces chiffres coincident avec la fin des periodes !....

    1. Chose curieuse, en dehors de la logique musicale qui fait desirer au musicien le moins hiendoue line suite de notes comme pendant a une suite de notes entendues. une antithese a unethese, il existechez les artistes une faculte qui leur fait pressen ir et prevoir de loin certains failsd une delicatesse, d une subtilite incroyables. Ht51as! les coiupositeurs modernes font tout aunionde pour ne pas satisfaire ces desirs harmoniques et melodiqiies, qu ils remplacent par desimprecus. des soubresauts sans tete ni queue. C est fort, c est malin, c cst riche et surtout pascomniun!... Ils traitent leurs auditeurs comme les maratres traitent leurs enfants; ils ont faim etdemandent du pain : une claque! Ils desirent, ces chers auditeurs, une note qui satisfasse leuraitente et procure un rcpos a leur sentiment : un accord d une faussete, d une durete endiablee,qui de>onte leur desir et leur logique, est applique to leur oreiile! C est beau et surtout pas banal!

  • - 40

    Void deux exemplcs auxquels Rubinstein et Biilow, les deux plus grands

    pianistes que nous ayons eu le bonheur d entendre et de connaitre personnellf-

    nient, out donne urie interpretation toute differente, 1 une dicte"e par le senti

    ment, 1 autre par le raisonnement, 1 ime subjective, I autre objective. Qui I aiinii!

    cru? Biilow, 1 apntre du rythme, jouait comme suit :

    CHOPIN. Ma-urka n 16. op. 24, n 3.

    La phrase commence par une anacrouse qui persiste jiisqu a la fin. Des Je

    2 e rythme, Biilow abandonnait 1 anacrouse et regardait le do qui termine la

    2e mesure comme note finale d un rythme feminin. Les trois rythmes suivants,il les regardait comme theliques et y laissait dorniner Vaccent metriqne

    Rubinstein, subjectif, fanlaisiste s il en fut, conservait 1 auacrouse initiale et

    interpretait comme suit :

    Biilow terminait les rythmes sur un accord parfait, Rubinstein, sur un accord

    de 7 e de dominante.

    Dans la charmante phrase en re Me la Mazurka, op. 50, de Chopin, Biilow,au contraire, traitait et accentuait la derniere note de chaque mesure commeanacrouse et faisait des rythmes d une mesure, des monopodies. Rubinsteinfaisait des rythmes feminins ct laissait. AominerYaccent metriqne.

    BilLOW.

    llUBINSTEltl.

    Biilow jouait comme 1 indiquent les coules superieurs, Rubinstein acoen-tuait conformement aux coules inferieurs. Lequel de ces deux incomparablesartistes avail raison ? Tons les deux suivaient le precepte de Liszt : 11 ne faut

    pusjoiier, il faut chanter du piano, plus que cela, il faut declamer ! Nous noussouvenons de 1 enthousiasme avec lequel cette delicieuse Mazurka de Chopin,interpreted par Biilow, dans un concert donne par lui a la salle Pleyel, a eteaccueillie, bissee, trissee ; on 1 aurail entendue toute la nuit; la salle etait elec-

    trisee, et cela a la fin du concert dans lequel il avail joue, entre aulres, lesSonates de Beethoven, op. 31, n 3, et op. 53, avec cette impeccabilite qui le

  • - 41

    caraclerisait. Nous etions a cote du professeur Deluborde, qui etait aussi en-

    fievre que nous.

    Cela prouve que les artistes out tort de se produire exclusivcmenl avec des

    oeuvres de longue haleine ct de grande difficulte. Des perles melodiques, comme

    les Ma/.urkas, les Preludes de Chopin, une foule de pages de Schumann, etc.,

    interpretees par des artistes dignes de ce nom, prodnisent infmiment plusd cfTet, ineme sur un public raffine.

    Ces deux grands artistes differaient dans d autres oeuvres, par exempt dans

    1 interpretation de V Alleyrello de la Sunate, o/i. 10, nn

    5, de Beethoven; 1 un

    laissail senlir 1 anacrouse de deux en deux mesures, 1 aulre laissait dominer

    1 accent metrique.A QUOI PEUT-ON RECONNAh RE ET DiSTiXGUER si un (jroupe de sons a la fin

    d nn rylhme forme une anacrouse, ou si c est unc, soudnre d exclamation, on- si

    ce son des notes de remplissacje ?

    Generaleinent, les anacrouses ont une tendance plus forte a sincorporerdans le njthme sidvant que les soudures declamatuires, dont le role est surtoutde jeter un dernier cri de I rime, -de servir de moyen de cohesion, de lien, pourenchainer deux periodes, deux phrases, et pour donner aux differents membresd une construction musicale toute Tunite desirable.

    Cnoi i-\. j\ocliirne. oji. 37. n" I.f.enlo.

    (Voyez aussi, dans le meme iXocturne, la soudure en syncopes qui suit la note

    linale du Trio en mi 7.) La basse, sous la derniere mesure de cet exemple,indique que c est une soudnre d exclamation ou dedamatoire : soudure pathi-

    /fque admirable, peignant d une rnaniere saisissante 1 explosion douloureuse,

    le gemissement d un cceur oppresse. Supprimez-la et la phrase perd toute sa

    merveilleuse beaute. La meme soudure se trouve dans le Nocturne, op. 62,n 2, de Chopin. Mais, les plus belles qne nous commissions sont les suivantes :

    CIIOPI.V. Marche fun&bre, trio.

    ^-^ -

    Voici uu dernier exemple pour terminer ce paragraphe. Nous le declarons,

    longtemps nous n y avons rien compris. Le deplacement des accents metriques

  • 42

    et rythrniques, racoon! do T de dominante den- suv la 2 e moitiedu 1"

    temps

    de la -I" mcsure, revenanl a la fin de la 4" racsiire >0iw anacrouse, Ic ,?/snr

    1 avant-derniere note tie la 2C mesure accompagne d un crescendo, les notes

    formantrnnacrou.se initialc commencant sur la 2 nioitie du 2" temps, et, ; i la

    =^^SE^^^^^^^^^^^^^^-^-- =- =- L rrfTP

    ii:t. fin. ret. ict. initial.

    \. Klimlwortli met un accent sur le do[;

    cela pi-ouve qu il regardait cette note comme ana-

    crouse, comme appartenant au rythme suivant. II aurait du en faire une croche separee; telle

    (|u il 1 ecrit, c est une soudnre. L accent qu il ini-i sur le do ^ contredit la maniere d ecrire qu ilemploie.

  • ^ . ^

    iutrud. tlevenaat thesis, an.icr. rit.

    L nbsence d accompagnemeiit sous les deux premieres mesures laissemit

    supposer que Chopin les considerail cornrae anacrouse. Or, comme chacune est

    precedee d une barre de mesure, cette cireonstance leur retire le caractere

    d anacrouse. Ces deux mesures forment une espece ^introduction, un pointd exclarnation, un appel ayant pour but d attirer 1 attentiou sur ce qui suit. Elles

    sont analogues aux gestes et mouvcments que fait une personne qui bailie,commencant par une aspiration et finissant par une trainee sur Texpiration. An

    fond, elles ne sont pas absolument necessaires; cependant, si on les supprimait,le morceau paraitrait manquer de tele et son debut provoquerait un certainetonnernent .

    Remarquez que, comme introduction, ces deux mesures pourraieut etre rem-

    1. 11 faut done bien se garder du prendre pour anacrouses certaines notes, mesures et triilesqui se trouvent partois en tele des morceaux : ce sont des inti eductions, des points d ejccluma-tion, d interrogation, qui ont pour but de reveiller 1 atlenlion; ils ne font pas partie de la phraseet pourraient etre supprimes sans grand inconvenient. Examples : 1" mesure de 1 adagio de laSonate, op. 32, n" 2, de Beethoven; IPS deux accords en tele de I example cite de Brahms,page 16, t le trille qui commence la false, op. 31, de Chopin, etc.

  • 17

    i*^ r* 1. 1

    placees p;ir line suite de / ; crochet *** *y ou >*, qui rempliraient le

    ineme role d invitation, d incitatiun, do mise en train, que les deux premieresmesures du prelude n 17, cite page 49. Plus que cela ! Supprime/ la ^

    c me-

    sure, gardcz seulement le [a j, blanche pointee, , ., doinirtunte de la gammcdans laquelle le Prelude est ecrit, il.est tellement impregne d attraction, d ap-

    pellation, qu il sui firait a lui servir, sinon de tete, du moins t__J -J MJ

    B-o-n-d-u-r-e .

    K. o - * * JL.u

    R- i

    K.

    r P f *-*r 7ucresc.

    thdtiqae.

  • K. ES

    R.

    Q I , tei?> Jjl ,s*-

    _^--*!/ Lru*^

    !

    ..^.-

    R.

    ;; rf/;. cresc.

    K.

    R.

    /

    j^^r^r^j^^

    _^JH->

    I I I_

    meiio J1 8

    __

    .,.

    -^-^r r ! -- ~tr_^^,_,_i^s

    j^,--^nn r^

    snt/o

    1. Rubinstein suppritnait ces deux temps.

  • 53 -

    jtSLu-J., -^ lJ=?5r?3$^^^^p&^&Jiig^ggf^^^- *. _/ -j I : _. ^ i_ - J (f LT_ , f i 1 Izr-1^-

    * ^- a -- - qui commence cette 3" mesure et qui a 1 air de servir Rictus initial

    au ler

    rythme. Chopin, en le groupant avec les notes qui forment le chant sous

    la barre-temps J~"^ J"7"3> la queue en 1 air, ne semble pas le considerer comme

    appartenant simplement a 1 accompagnement, mais vouloir aussi lui imprimer lecaractere de note initiale du rythme, ce qui en ferait un rythme thetique. Klincl-

    worth, en mettant au commencement de ce 1" rvthrne un sol, prolongs sur le

    2 e temps (nous ne savons pas pourquoi, d autant plus qu il ne le fait que pour le1" rythme), augmente encore le caractere thetique de ce rythme; car, malgre lesilence qu il met au-dessus, ce sol, dans la partie du soprano, produira sur1 auditeur I effet d un ictus. - - A partir du 2" rythme, tous les rythmes quicomposent la 1" phrase, jusqu a la 19

    e

    mesure, sont decapites par hi prolongation de la note finale du rythme precedent sur I ictus suivant. Chopin nous

    parait avoir raison quand il indique la mesure a 6; 8 ; mais il a cu tort de ne

    pas la remplacer par une mesure a 12/8 a partir de la 27 mesure jusqu a la35

    ,

    etc.

    C est sous la discipline de rythmes decapites que Biilow executait ce Prelude.

    Rubinstein, au contraire, imprimait au 1" rythme le caractere d anacrouse; il

    ne jouait que la 2 mesure de I introduction et regardait comme ecrit a 12/8 lecommencement du Prelude.

    Ouvrons ici une parenthese. A la 6" mesure des lextes de Chopin et de

    Klindworth, il y a un accent sur le ml v et le fa. Ce fa est-il la note finale

  • 54

    d un njtlnne fi minin wasmlinise ou est-ce uneanacrouse servant Xictus anli-

    cipdl ?En tout cas, Rubinstein le considerait comme un rythmefeminin

    mascu

    linise, puisqu il traitait la mesure suivante comme anacrouse; Chopinet Klmd-

    wortlt eux-memes semblent lui donner raison, car, a la derniere reprise du

    theme initial, ils n accentuent et ne prolongent plus ce fa.

    Revenons a Rubinstein. II jouait ce Prelude sous la discipline dela mesure

    12/8, comme nous 1 avons deja dit, jusqu a la 19< mesure, ou les rythmesdevien-

    nent thetiques. Mais, aftn d eviter une mesure incomplete,\\ changcait de mesure

    deja a la 18". A partir de In, il subissait le joug de la mesurea 6/8 jusqu a la

    27 mesure ; puis, durant 8 mesures du texte original,il jouait a 12/8, puis de

    nouveau a 6/8 jusqu a la 35" mesure ; en un mot, il changeait la mesure indiquce

    quand elle ne repondait plus a la contexture des njlhmcs. Cest ainsi qu il altt-r-

    nait les mesures 6/8 et 12/8 jusqu a la fin.

    II est certain que 1 execution de Rubinstein imprimait a cePrelude une svel-

    tesse, une elegance extraordinaire*; en un mot, une expression delicieuse,d un

    caractere chantant, qui manquait a 1 execution correcte, mais moins poetiquede

    Biilow. Rubinstein, subject if, charmait;Bulow,ofy ectf/, instruisait; fun sentait,

    1 autre raisonnait, disent les critiques. Nous sommes en contradiction avec

    1 opinion qu on a generalement de Rubinstein. Certes, il avail unsentiment du

    rythme et de 1 accent pathetique d une exquise delicatesse.Mais nous savons

    aussi qu il apportait a 1 etude des ceuvres qu il executait un soin raisonne tres

    minutieux. II ne livrait rien au hasard de 1 execution: il se rendait compte de

    toutes les incitations que subissait son sentiment. Ce qui a peut-etre porte

    Rubinstein a considerer In 1" mesure du chant comme anacrouse, c est Vac-

    cord de l e de dominante dont elle est accompagnee; car cet accord imprimeau commencement des phrases un caractere ^aspiration, d elan et non d ex-

    piralion, de repos.Faisoas encore quelques remarques. Les deux premieres periodes de ce

    Prelude sont composees de hull mesures a 6/8; la 3% qui commence au sol%,en contient neuf, c est-a-dire un nombre impair...

    Pourquoi?Parce qu a la 6e mesure de cette periode, il y a une ellipse ou

    suppression d une mesure, c est-a-dire contraction de 2 mesures en une

    seule. Le sol $, note initiate de cette mesure, est en merne temps note finale du

    rythme precedent. II coincide avec la 1" note de la progression chroma liquedescendante qui se trouve aux 6, 7

    eet 8" mesures de cette periode. La 8 et

    avant-derniere mesure contient des elements essentiellement pathetiques : le

    1" temps, exceptionnellement, contient 3 notes; il s y determine en outre une

    1. Voyez page 27.

  • modulation ea mi majciir, elements qui jettent sur la fin de cette phrase unetres grande sonorite, accompagnee d un rallcnlcndo.

    Rcmarqnons enfin 1 analogie qui existe entre la fin de ce Prelude et celle dun 1 1 : la note finale dn Prelude que nous venons d analyser sc trouve sur la

    tonique, a la 12" mesure de la derniere periode; ensuite vient la Coda, que

    Chopin a sentie indispensable ; elle aussi expire, languissante, sur la mcdiante,sur un accord de quarte et sixte, qui a 1 air de s enchainer a la \" mesure duchant...

    WEBER. Minuetto capriccioso presto assai de la Sonate en la 7, Op. 39.

    Quel est le violoniste qui, de prime abord, altaquerait le la \> aigu par un

    poussp, 1 anacrouse ne lui sautantpas aux yeux?Nous n allons pas fatiguer nos lecteurs par une analyse trop detaillee, trop

    minutieuse de cet exemple. L interpretation que nous en donnons, c est Plante

    qui nous 1 a reveleejil la tenait lui-meme de Liszt. Neanmoins, nous allonschercher a la legitimer et a en donner brievement 1 explication. Rappelons seule-ment: 1 qu m temps dans un mouvement lent produit le meme effet qu unemesure dans un mouvement rapide et vice versa (Voyez page XI et Traite deI Expression, page 16); 2

    J

    que la note finale d un rythme et la note initiate de1 anacrouse du rythme suivant doivent se trouver dans la meme mesure (Voyezpage 35); 3 in Cauda lux!

    Maintenant, chantez ce Scherzo; battex la mesure indiquee a 3/4 et vous verrez

    qu il n en resulte qu un tapotage vide de sens: instinctivement vous reunirez les3 noires de chaque mesure dans un seul mouvement de la main, c est-a-direque vous transformerez les mesures en temps. Quelle mesure cela nous donnera-t-il?Ce sont les ictus qui vont nous 1 indiquer.

    Quelle est la note initiate du \" rythme? C est le 5 re 7 noire J. Les 4 premiers re i> ne font pas partie du 1" rythme ; on pourrait meme les supprimer sila strophe n etait pas repitee; mais le l

    etre ?, qui pourrait bien remplir toute

    la mesure, est une ellipse; il sert de note finale a la soudure, a la fin de la stro

    phe, en meme temps que de note initiale au morceau. Ces 4 re 7 jouent un roleanalogue a celui des 3 re noires de VAllegro de la Sonate Op. 28 de Beethoven :ce sont des notes d introduction, d exclamation comme 1 accord qui se trouve entele de 1 exemple de Brahms, page i 6 et les notes qui commencent le i7 Prelude

  • 56

    de Chopin, page 49. Oil se irouve V ictus final de ce 1" rythme? C est le mi ?

    blanche Jde la 5" mesure. Combien y a-t-il dc mesures en Ire cet ictus et la note

    initiale du rythme? Quatrc. Done, cela formera une mesure a 4 temps.

    Afin de rendre 1 ecriture plus lisible, plus synoptique, nous allons remplacer

    les noires du texte original par des croches : nous obtieudrons, jusqu a 1 ictusiinal mi v, 4 groupes de 3 croches, autrement clit une mesure a 15/8.A 6/8, 1 anacrouse sauterait aux yeux; mais nous aurions une perturbation a

    la [[ mesure du texte original, un vide d une mesure. Avec 12/8, au contraire,tout devient clair, comprehensible ; 1 ide e musicale se degage, frappe les yeuxet le sentiment. Le tout nous offre des monopodies anacrousiques feminitiesmasculinisees syncopees*. Eh bien! sur le violon, ces anacrouses doivent etre

    attaquees par un pousse de 1 archet.

    r rythme, fen), niasc. * rvthmp.

    Note initiaJe, ictus anacroase.final ct note elliptique.

    3* rythrae, fern.

    ictus svucope. auacrorue.final.

    4e ryttxrae, fern. 5C rythme,

    ictus final. anacr. ictus,

    fera. 6C rythme, fein. masc.

    auacr. ictus, (i ) anacr. trillee.

    7 e rythmo, fim. S e rj thme,

    syncope, anacr. ictus. anacr. ictus, syncope, aaacr.

    masc. feminise. Qe rythme, fern, mase. I0e rytUme, fein. nasc. 11 rythme,

    "ff-XV4 -> - -L ~^-JW /-^T" ZvT

    " ~

    i ^~"c; c ^^^h^^-pv^r *~~^*"^5*~^7 -u -t" ^-H : .

    &S3E=^= =^^=-S-^===t=^^-^l::^^~~^=ictus. aaacr. letus. syncope. anacr. ictus. syncope, anacr. trillcc.

    1. Evidemment, cette enonciation est Lien longue. II faudrait trouver une serneiologie plusrationnellc, plus courte, analogue a celle dunt on se sert en cliirnie, pour enoncer brievement laforme, la longueur et les caracteres des diflferents rythmes. Rn attendant, celte enonciation estnecessaire pour se former une image nette, complete, de la forme de ce rythme.

    2. La syncope, non prectdte d un silence, d la Jin d un rythme, n est pas forte, n est pasaccentuee

    ;c est une simple prolongation de la note finale, afin d eviter un trop long silence.

    Voyez 22% 23% 24% 25", 2G", 27 et 28 mesures dans le Presto de la sonate Op. 27, n 2, deBeethoven.

  • 57

    12 e rythine, f-Jm. ma.sc.

    ictus. syncopo. anuc.r. ictus. floudurc.

    Nous savous que 1 anacrouse, comine nombre metrique, apparticnt a lamesure dans laqitelle elle se trouve et non a la mesure qui suit. Voyez page 2.

    Dans la mesure a-12/8, 1 anacrouse, du 3" rythrae de ces Minuctto, saule aux

    yeux; de meme, on voit instanlanement que le 1" rythme est anacrousique et

    non dt capitc: car il commence an 2etiers du 2* temps. C est un rythme feroinin,

    rendu fort par la syncope.Le 2 e rythme est la reproduction exacte du l

    er

    ,

    un ton plus haut; c est un

    rythme masculin; son ictus final est suivi d un silence, qui vaut 1 temps, auquelsuccede 1 anacrouse du jythrne suivanl: ce fait sufn rait pour prouver que lamesure 6/8 serait fausse in Cauda lux et que la mesure a 12/8 s impose.

    Les 2 premiers rythmes forment une espece de phrase interrogative, formulee

    par un vieux grognon ; le 2e

    rythme est la transposition du 1" a la secoude

    superieure; c est une espece de recrudescence dans le grognement, a laquelle

    repond le theme proprement clit, qui commence a 1 anacrouse, sur le / > aigu,4e temps du 2

    e

    rythme. Ce theme forme une periode de quatre rythmes syncopesa 12/8. La note finale de la l

    ro

    periode, en se prolongeant sur le 2e

    temps,

    usurpe la place des 3 premieres notes de 1 anacrouse, qui cette fois ne com

    mence que sur le 2etiers du 3 P temps.

    La soudure qui suit le la (, note finale du dernier rythme de la strophe, se

    resout, comme nous 1 avons deja dit, sur le re 7 qui commence ce Minuetto.

    Beethoven, Allegro, Op. 28, met la note finale de la soudttrc qui terrnine lal re volta, immediatement apres la soudure et renvoie a la 2

    e

    mesure en tele de1 Allegro. Weber renvoie la note finale de la soudure, qui suit le la 7, notefinale de la slrophe, an premier re \> de la premiere mesure du Minuetto; ilaurait pu aussi bien renvoyer a 1 ictus final du 2

    e

    rythme. Le tout produit des

    rythmes anacrousiques syncopes de ] mesure a 12/8. Le 2a

    rythme seul estmasculin. La l re volta termine en la \> majeur: ce n est qu une fin suspensive.Pour terminer d une maniere definitive, la phrase a besoin de la tonique ini-tiale re\>: done les notes qui suivent le la \>, dans la derniere mesure, formentune espece de soudure codalc, qui ramene a la tonique re y. La fin de la strophe,apres la 2

    e

    volta, est enchainee au commencement du Scherzo.Telle est 1 explication que nous donnons de cette inerveille musicale.

    II nous semble inutile de donner d autres exemples. Les cas sont innombra-bles. Nous sornmes d ailleurs convaincu que celui qui aura etudie notre travail

  • - 58

    et s en sera bicn penetre ne se heurtera a aucune difficulte insurmontnble, c/

    cherchanta serendre compte des diffcrcnts pMnomenes rythmiques qu il rencon-trera sur son cliemin. II aura pleine et entiere conscience de ses agissenients ;sa curioslte sera stimulee, et grande sa jouissance de faire chaque jour des decoa-vertes nouvelles. II sera penetre d adrairatioa pour la puissance creatrice du

    sentiment musical, qui saisit spontanement les phenomenes les plus subtils elles plus complexes. Son admiration pour les genies dont il cherche a comprendreles ceuvres n en sera que plus grande. II sera convaincu aussi des difficulty s

    immenses que les compositeurs rencontrent souvent dans la realisation de leurs

    conceptions.il n y a pas longtemps quelecelebrecompositeurnorvegien Sindiugnous a avoue, avec une franchise charmante : Composer n est rien, mais ecrii-e

    dans la mesure qui rend exactement ce qu on a concu, c est difficile ! Oui,c est difficile ! Quand nous etudions les dernieres senates de Beethoven, cer-taines oeuvres de Schumann, de Chopin, etc., en voyantl accumulation des notessur une seule portee generate de 11 lignes, la complexite de leurs roles, la mul-

    tiplicite des parties; quand nous pensons aux efforts de reflexion, de science, de

    genie qu il a fallu pour peindre, pour realiser sur le papier les inspirations, les

    evolutions psychiques qui se deroulaient dans leur imagination creatrice, nous

    sommes confondus, saisis d etonnement et d admiration pour la puissance intuitive du sentiment, appele par Linne le 6" sens, le sens divin, et qu on pourraitappeler la vision de 1 invisible , les rayons X de notre etre psychique.En verite, il nous semble que celui qui a conscience des phenomenes eton-

    nants que nous venons de passer en revue doit eprouver des sensations plusin tenses, des jouissances esthetiques et intellectuelles plus profondes, que celui

    qui compose ou joue simplement par instinct, sans s en rendre compte.C est notre recompense et notre bonheur, apres avoir consacr quarante ans a

    1 etude du rythme, tie comprendre les oeuvres des maitres et d avoir 1 espoir de

    pouvoir contribuer a les faire comprendre aux autres.Nous donnons, pour terminer, une lisle de morceaux sur lesquels le lecteur

    pourra exercer sa sagacite et son esprit de discernement. Qu il n oublie pas quela mesure indiquee en tete n est pas immuable, qu elle change, au contraire,souvent, comme nous 1 avons vu dans 1 exemple de Mendelssohn, page 22, etdans le Prelude 17 de Chopin. De plus, tres souvent, les formes des rytluneschangent; des njtlimes anacrousiques font place a des rythmes thetiques et viceversa. Evidemment, quand la contexture rythmique change, la mesure aussidoit changer.

  • PROBLEMES

    Mozart. Sonale en la maj., Minuelto. La 5 mesure, sans accompagnement,est-ce une anacrouse ou le commencement d un rythnie thctique? La l

    cc me

    sure de la 2 e phrase, en si min., est-ce le commencement d un rythme thetiqueou une anacrouse? Phrasez, ponctuez ce Mtnuelto!... Examinez si la mesure

    indiquee est bonne ou non, voyez Finegale longueur des periodes et leur irregular! te.

    Mozart. 1" Sonale en re (Edition Peters). Le l"r

    accord, est-ce une excla

    mation ou la note initiate du \" rythme? Ce qui est certain, c est que le fat a la

    4e mesure est note finale de la 1" periode; Ie3e

    etle4e temps qui suivent forment

    anacrouse: done les 3 et 4* temps de la 1" mesure doivent etre regardes aussicomme anacrouse. Le re de la 7 e mesure est ellipse, note finale d un rythme et

    note initiale du rythme suivant. Divin Mozart! si nos jeunes et savants composi-leurs modernes etudiaient seulement tes Sonnies au point de vne du rythme etde 1 anacrouse, ils ne les mettraient pas au rancart...

    Beethoven. Sonafe pathetique, Adagio, derniere mesure de lasoudure quiprecede la rentree du theme primitif :

    :fcfr *

    -2=^ frjf ff^ 3 t^r^? ~^~l.

    Le dernier re best-il aaacrouse ou note finale d un rythme feminin? Ne devrait-il pas plutot se trouver au commencement du 3

    e

    temps, sur le silence de la

    basse? Billow 1 affirmait.

    Allegro motto de la meme sonate. Pourquoi Beethoven a-t-il intercale les me-sures 39, 40 et 41 qui ne sont pas absolument necessaires?L /l//^rotout entierne devrait-il pas etre ecrit a 4 lemps, en reunissant 2 mesures en une? A4 temps, les anacrouses deviennent d une puissance pathetique extraordinaire.

    Chopin. - - Prelude n" 15. Pourquoi la 19 mesure? Prelude n 25. -

    i" Nocturne. Est-il bien anacrousique, et jusqu a quelle mesure? Nocturnes,Op. 32, 2, Op. 62, n" 1.

  • 60

    Schumann. -- Etude symphonique, OIL 13, ire

    variation. Quel role doubl.

    triple, jouent les deux croches sol ;, fa if, reinplacant a la fin de la 40 mesui t4 doubles croches? Sont-elles notes finales d ua rylhme fcminin, anacrouse ov

    soudure?

    Ouand on aura analyse ces morceaux, il nous semble que la curiosite de no*lecteurs sera assez eveillee, et leur esprit d observation sufllsamment exerc

    pour leur permettre d aborder avec profit 1 etude rythmique de n importe queHiceuvre musicale.

    Le lecteur a du etre frappe des nombreux changements de mesure que nou?avons operes durant notre Etude. Peut-etre merne croit-il que nous avons misdfla passion a critiquer des corapositeurs qu ils aimcnt et admirent a juste litre.Loin de nous cette pensee ! Nous le repetons: la gloire de ces maitres est au

    dessus de nos critiques ; ils ont ete victimes de theories fausses. De plus, les loissur lesquelles la concordance entre la mesure et le rythme est basee n existaienl

    pas : or, si nul ri est cense ignorer la loi, il faut au moins qu elle existe; malheu-

    reusement, ces lois n orit ete formulees pour la premiere fois que dans le TrailL

    du Rijthme musical que nous avons public en 1883. Tous les grands musiciem*les sentaient, mais ils ne savaient pas I importance que la formule metriqiieemployee cxerce sur notre entendemenl et sur la comprehension de I idee musicale: c est pourquoi leur maniere d ecrire est si souvent en contradiction avecleur sentiment. Les plus grands compositeurs auxquels nous avons fait des observations a ce sujet, nous repondaient invariablement : Vous avez raison! nousn avons pas pense a cela. C est qu ils n en sentaient pas le besoin; leur senti

    ment, avec une spontaneite fulgurante, leur faisait saisir et comprendre I idee,le sens spirituel de leur inspiration, meme Iravestie sous unfatix veternent. Mais,

    pour le commun des mortels, prives du sentiment musical, cette intuition

    divine, c est autre chose: ceux-la ont besoin qu on mette pour eux la lumieredans la lanterne.

    C est done pour obvier a ces inconvenients et pour reagir contre ces erreurs

    que nous ajoutons a notre travail sur 1 Anacrouse le chapitre de la Concordanceentre la mesure et le rythme, avec le desir que les principes qu il renferme pen >trent partout ou Ton s occupe de musique, enparticulier dans les Conservatoireset Ecoles. Nous regardons ce chapitre comme le plus important et le plus utilede nos travaux didactiques. II est indispensable pour comprendre les autres.

    La fausse idee, repandue partout, que le 3e

    temps de la mesure est fort, qu il

    y a des mesures fortes et des mesures faibles, qu il y a identite entre les mesuresa Set a 4 temps, a eu des consequences si desastreuses, qu on ne sauraitjamaisIrop les combattre.

  • 61

    Helas! il ne suffit pas de lire ce petit travail; il faut que le lecteur s en assi-

    mile Ics priiiripes ; il faut qu il en soil sature; il faut, comme disait notre

    regrette ami, Victor Wilder, qu ils circulent en nous avec les globules de notre

    sang. Gombien de fois n avons-nous pas eu le regret de constaler que des com-

    positeurs, des eltives, des amis, enthousiastes de nos travaux, ecrivaient dans

    une fausse mesure apres comaie avant nous avoir lu ; cc qui nous inspirait les

    doutes les plus serieux sur rulilite et 1 efficacite de notre cnseignement : quandle sentiment se tail, 1 appel au cerveau est bien peu efficace. Brillat-Savarin a

    dit : On nait rotisseur, on devient cuisinier! D Boileau plus poetiqnement adit : On nait poete,on devient versificaleur! I/attention est le reveil de Fame!

    Done, lecteur, pretez toute volre attention an petit travail, par lequel nous

    terminons cette fitude, ecoutez ce que vous jouez, analysez vos impressions et

    sensations, puis appliquez les regies.

  • CONCORDANCE

    ENTRE LA FISSURE ET LE. RYTHME

    Le rythme est 1 agent, le vehicule au moyen duquel la musique penelredans notre entendement. C est le rythme qui transforme une suite de sons

    ft sans lien logique, en une entile esthetique et en fait une idee musicale, ua

    element intelligible, transportant ainsi cette succession de notes tin domaine

    purement sensorial dans celui de 1 intelligence : c esl lui qui spiritualise la

    musique.Voila les affirmations qu on attribue aux Grecs, nos maitres dans les Beaux-

    Arts. Que les Grecs aient tenu ce langage, le fait nous importe peu : nous1 acceptons pour vrai. A nous de le prouver. A notre tour, nous affirmons quec est Vaccentuation rythmiqite qui rend la musique intelligible et jette la lumiere

    inlcllecluelle sur une suite de sons. Sans accentuation, rythmique rationnelle,conforme au sens spontane resultant des attractions qu exercent les sons d un

    groupe les uns sur les autres, sans mise en relief, au moyen de sons plus forts,des elements constitutifs de la musique, la succession des notes reste inintelli-

    gible, depourvue de sens. Le tableau musical ressemble alors a une palette chargeede couleur, mais qui n offre aux regards aucune composition, aucune idee. Une

    telle musique peut chatouiller les oreilles, mais ne peut rien dire ni au cceur, ni

    a 1 esprit. C est 1 air, entendons-nous, c est 1 accent qui fait la chanson ! Oui,c est 1 accentuation qui met en relief le sens d une serie de sons, comme elle

    fixe le sens des mots, des propositions, des phrases grammaticales. Plus celte

    accentuation est naturelle, calquee sur 1 attraction, 1 action et la reaction mu-

    tuelles des notes, sur le sentiment qu elles sont susceptibles d exprimer, plusle sens devient lumineux, accessible a 1 intelligence. Plus 1 accentuation s eloi-

    gne de cette pensee, plus le sens devient obscur, inaccessible a I esprit. Or, la

    ou I esprit ne regne pas, domine un principe purement sensuel.L accentuation musicale a pour mission, au moyen de sons forts, de reveler a

    1 intelligence de 1 auditeur, qui alors compare, juge etcomprend, les trois entiles,les trois bases sur lesquelles repose tout le systeme musical moderns. Ces basessont : la tonalite dans son double mode, la mesure et le rythme.

    Ici nous ne nous occuperons que des deux dernieres de ces bases.Nous savons que les mesures sont engendrees et delimitees par des accents

    ou sons forts arrivant dc 2 en 2, de 3 en 3, ou de 4 en 4 coups ou temps, regu-

  • 03

    licrement frappe s. Ces sons forts tombent loujours sur le premier temps de

    chaque mesure, et sont appeles thesis , accents melrigues ou temps forts. Ouand

    on parlc de la mesure en general, c est cette division, ceUe fragmentation,

    binaire ou ternaire, d une regularite absolue qui est sous-entenduc. Quand on

    parle d une mesure, c est un troncon de cette fragmentation, c est un groupe de

    sons entre deux thesis ou temps foils, entre deux barres de mesure, qu on a en

    vue.

    Mais dans la musique, les mesures et les temps ne repre"sentent que des mots,

    mono-, bis-, tri-syllabiques. Pas plus que les mots dans le discours ils ne consti

    tuent des propositions, des phrases. Par eux seuls, mesures et temps n ont pas

    de sens musical proprement dit. Pour les rendre aptes a exprimer une penseemusicale complete, il faut grouper en une entile deux, trois ou quatre mesures

    et les soumettre a un autre principe, a une discipline plus elevee : le rythme-

    Le rythme exerce une force attractive, logique ; c est le Saint-Esprit de la

    musique, dit Hans de Bulow ; c est le rnedialeur entre les virtualites expressivesdes sons, noire entendemenl et noire sentiment. 11 a la puissance de coordonner

    une suite de sons, une suite de rnesures et d imprimer a cet ensemble _le carac-

    lere d entite, d individualite, et de 1 impregner d un element intellectual. Achacun de ces groupes, ou rythme, appele kola par les Grecs, notreentendement

    se plait a attribuer un sens, une signification jM2/c/^Me; car chacun est susceptible de provoquer tel ou tel sentiment, telle ou telle emotion dans notre ame !

    Comme les mesures, les rythmes soul caracterises et delimites par des accent*,des sons forts arrivant periodiquement de 2 en % de 3 en 3, de 4 en 4 mesures,etc. Ces sons forts sont appeles ictus ou accents rythmiqnes ! Les rythmes peu-vent avoir leur note initiale et finale sur chaque temps ct sur chaque partie du

    temps de la mesure; les ictus, ou notes de support des arceaux rythmiquesdoivent tomber sur le 1" temps d une mesure.

    Grace a Fattraclion, a I appellation que les sons, vivifies par le rythme, exer-

    cent les uns sur les autres, le dernier de chaque groupe procure a 1 oreille la

    sensation d une fin d idee musicale plus ou moins complete, c est-a-dire d unarret, d un repos, suivi d un silence.

    Le mot rythme, comme le mot mesure, a deux significations : une generate ei-une speciale. On parle du rythme en general el d un, deux, Irois rythmes, etc.,

    \. Thesis, mot grec qui veut dire poser, abaisser .2. Gounod le dit exccllemment : Les sons tout seuls ne constituent pas plus la musique que les

    mots tout seuls ne constiiuent la langue. Les mots ne forment une proposition, une phraseintelligible, que s ils sont associes entre eux par un lien logique repondant aux lois de Fenten-denient. II en est de meme des sons qui doivent obeir a certaines lois d attraction, d appellationqui regissent leur production successive ou siinultane e pour devenir une realite musicale, unepensee musicale. (Meneslrel du 2-2 Janvier 188:!.)

  • - 64

    comme on parle do la mesure en general el d une on dc plusieurs mesures

    speciales.Dans le Rijlhme musical, page 5, nous avons compare les groupes rylhmiqucs

    aux arceaux ou travees que presents 1 architecture. En effet, comme lesarccanx,

    les rythmes soul poses sur des points ftappui, de support, nppeles ictus. Gomine

    les points d appui des travees, les ic.lus des rylhmes peuvent etre precedes et

    sitivis de notes d ornement, nullement indispeasables a leur solidite. Les noles

    a la tele d un rythme, celles qui precedent I ictus initial, s appellent anacrouses,

    integrantes, anacrouses de broderie ou d ornement, notes d attaque, notes

    d elan. Les notes a In fin d un rythme, celles qui suivent Wete final, sontappeleesnotes candales, feminines ou soudures. Le mot ictus ne s applique qu au premieret dernier temps fort d un rythme suv lesquels il est, pour ainsi dire, appuye,tandis que le mot thesis s appliquu a tous les temps forts, ou premiers tempsdes mesures, qu un rythme peut renfermer. Done un rythme pent avoir plusieurs thesis, mais il ne peut avoir que 2 ictus au plus. (Voyez page 73 1 exemplede la Traviata.)

    Mesures et rythmes, nous venous de le voir, ferment deux entiles, deux indivi-

    dualites distinctes. Oui, mais elles sortent du meme principe; elles sont enfanU

    du meme pere : Finfini du temps; elles ont une meme mere : la necessite de

    cliviscr le temps, de le partager au moyen de sons forts qui portent a notre

    oreille cette fragmentation et la rendcnt sensible a notre intelligence. Mais, la

    mesure s est arrelee dans la sphere de { instinct ; elle ne parvient qu a apportera notre oreille la notion de la fragmentation, de la division reguliere, machinale

    du temps. Le rythme s est eleve plus haut : il a atteint la sphere de \ intelligencea laquelle il se presente sous la forme d une entile intelligible, comprehensible.

    Or, quand les elements de force, les accents metriques et rythmiques quicaracterisent et delimitent mesure et rythme, qui leur impriment independanceet personnalite, coincident, quand la thesis et Yicttis, quand 1 accent metrique et

    rythmique tombent sur une m^me note, ils lui communiquent un redoublementde force, de synergic, une vitalite particuliere, une porte intellectuelle et

    psychique etonnante. De cet accouplement d accents, produit synthetique de la

    compenetration de deux elements : mesure et rythme, il resulte un effluve, un

    rayon de lumiere intellectuelle qui, avec une force et une vitesse fulgurantes,envahit 1 entendement. Instantanement la raison de 1 auditeur et de 1 executant

    reconnait 1 harmonie des phenomenes metriques pergus par le sentiment et des

    phenomenes rylhmiguesreQus par Vintelligence. Instantanement cette unite dansla diversite, elle la transporte dans la sphere superieure ou 1 homme comprendce qu il sent et s en rend compte dans la plenitude de la clarte spirituelle : la

    conscience ! !

  • 65 -

    Oui, unifjuement cle cette penetration cle 1 esprit du rythme dans In matierefournie par la mesure, uniquemeut do cette fecondation spirituelle, resulte In

    comprehension d une ceuvre musicale !

    Et cclui-la seul, musicien vraiment superieur, qui possede la faculte de saisir

    cette penetration, peut gouter dans toute leur plenitude esthetique les ravisse-

    ments quo la musique, cet art divin, est capable de procurer. Quoad cette fusionn est pas percue, ou quand cette assimilation n a pas lieu ; quand mesure et

    rythme se tournent le dos et chevauchent chacun de sou cote; quand les notes

    fortes, les thesis, qui delimitent les mesures, ne coincident pas avec les notes

    fortes, avec les ictus qui delimitent les rythmes; quand le lien qui doit unir

    indissolublemeiit mesure et rythme est rompu, 1 unite se disloque, se desa-

    grege, 1 idee s en echappe : on bdtonne la mesure raachinalement , dit Liszt,

    mais aussitot Fame subit des tiraillements, des malaises ; rincomprehensible et

    I obsciu1 envahissent notre cerveau; le sens et 1 esprit disparaissent de la mu

    sique et ne laissent place qu a un plaisir purement sensuel!

    II est facile de se procurer la preuve de ce que nous avancons ici. Changez la

    mesure de quelques morceaux correctement ecrits ; rcmplacez la mesure a

    2 temps par celle de 4 temps, la mesure 6/8 par celle de 3/8 et vice versa; mettez

    un chant a 4 temps en mesure a 3 temps au moyen du displacement des barres

    de mesure;chantez un air au rebours, en reculant de la derniere a la premiere

    note, ct vous verrez qu il n a pas de sens; de suite clarte, idee, intelligibilite en

    disparaitront. Pourquoi ? Paree que thesis et ictus lombent au hasard sur des

    notes sans importance, ni metrique, ni rythmique; parce queaucun liezi, aucune

    force logique et attractive ne les dominent et ne les disciplinent.Done, il y a des mesures bonnes et des mesures mauvaises, fausses. Mais dire

    a priori que telle mesure est bonne, que lelle autre est mauvaise, c est affirmer

    une lot superieure; c est reconnaitre un principe auquel il faut se conformer,sous peine de mal faire ; c est s incliuer devant une necessite.

    Comment et ou trouver cette loi? Ce n est ni impossible, ni meme difficile.Connaissant le role et I importance de la force de Y accent qui resulte dela

    concordance entre la mesure et le rythme, nous n avons done qu a cherclier lacause de ce phenomene : les principes en decouleront d eux-memes.

    Page 4 et page 51 du Rythme musical, nous avons affirme que la dernierenote d un rythme, d une periode, d une phrase musicale doit tomber au com

    mencement de la mesure, sur le temps fort. Pourquoi ? Voici 1 explication phy-siologique et psychique de cetle necessite, dans laquelle reside, selon nous, la

    base de toute la science, de toute la theorie du rythme musical.L homme nail avec des penchants esthetiques ; il porte en lui le sentiment du

    beau, le besoin de mesure, de regularite, d ordre, de symetrie. La nature lui

  • - 66 -

    offre deux infinis dans lesquels il puise les materiaux necessaires poursatisfaire

    a ses instincts dc creation artistique : Vespace et le temps. Ne pouvant ni embras-

    scr ni elreindre ces in finis, il les divise, les fragmente. 11 divise pour regner!

    Dans 1 cspace, I homme plante des jalons, des points de repere, des pointsd appui, pour briser 1 uniformite de la ligne droite. Ainsi,

    il realise 1 architec-

    ture et les arts plastiques. Leurs points statiques, de support,sont solides,mate-

    riels : c est la terre, la rnatiere qui les lui fournit. Dans le temps, I homme, pouren briser la contiintite et pour en obteuir la rupture et la sensation de sa frag

    mentation, etablit des points d arrel afin de satisfaire a ses besoins njthmi-

    ques : il realise ainsi la poetique et la musique. Leurs points d appui, leurs

    limites sont intangibles; ce sont des impressions, des instants physiolorjiqiies:c est son organisme, c est sa respiration qui les lui fournit.

    Lerythme est done a la musique ce qu est la symetrie a 1 architecture ; il

    resulte de la division de 1 infini du temps, au moyen de notes plus fortes, de

    grandes valeurs ou de silences, comme la symetrie resulte de la division de

    1 espace par 1 interruption de la ligne continue au moyen de points statiques, de

    repere.

    Le njthme presente des points Garret, des repos, des silences periodiquesf

    ;

    la symetrie offre des jalons, des points de repere distances regulierement ou

    irregulierement.

    Mais, quelle est la mesure, quel est le terme de comparaison au moyen

    duquel I homme peut mesurer, diviser le temps ? En d autres termes, quelle est1 origine de la mesure et du rythme ?

    fividemment cette origine ne peut resider que dans v.n phenomene dont lesmouvements reguliers offrent Valternance de force et de faiblesse, le retour

    periodique de deux en deux, de trois en trois d un choc, d un son, d une syllabedont la force plus yrande impressionne plus particulierement le sentiment et

    lui apporte la sensation de repos, d arret. La respiration, seule, possede cette

    particularity. Done, c est la respiration qui est le prototype de la mesure musi-

    cale et le generateur du rythme ; c est dans la respiration que reside la faculte,la puissance de mesurer le temps et de fournir a notre ame la sensation de

    repos, d arret dans le temps2

    .

    En effet, la respiration se compose de deux instants physiologiques, de deux

    1. C est le silence qui en musique remplit 1 office du bistouri. 11 divise line oeuvre musicale enphrases, periodes et rythmes; il coupe les rythmes en troncons, en fragments et produit les

    incises, dont chacune evidemmenl, comme les rythmes. a un commencement et une fin que 1 ac-centuation doit faire sentir et ressortir.

    2. Chose curieuse, il pjrait que les peuples de 1 Asie, en parlant d une personne mourantn,disent : elle n a plus que quelques respirations a. vivre.

  • 67

    mt>it.i niii !ity : \ aspiration et Yexpiralion. L aspiralion personnifie 1 action, 1 ex-

    piration represente le repos, le temps d arret. 1?expiration est symbolisee par le

    temps fort de la mesurt , la thesis, le frappe; Vaspiration correspond au coup

    faible, a Varsis de la mesure, au leve. II est de toute evidence qu avant de rendre

    il faut prendre; avant de baisser, il faut lever. Exemple :

    J J J J J J etc.V

    La respiration, divisant le temps en fragments egaux, engendre spontanementla mesure a 2 temps.

    Ce n est pas seulement la mesure a 2 temps que la respiration engendre,mais aussi celle a 3 temps. Ecoutez respircr une personne qui dort d un som-meil calme, tranquille; le temps qui s ecoule entre 1 expiration et 1 aspirationest deux fois plus long que celui qui s ecoule entre 1 aspiration et 1 expiration.Une personne a 1 etat calme respire a 3 temps : Exemple :

    J J J | J J J etc.V V V

    Prendre et rendre, telle est la fonction physiologique de 1 homme. La premiere chose que fait un etre en venant au rnonde, c est aspirer, prendre 1 air.

    La derniere chose qu il fait c est expirer, rendre le dernier soupir : c est Yarrel,le repos supreme ! Done, le temps frappe de la mesure correspondant au

    mouvement physiologique expiration, symbolisant Fetal de I am? en repos,

    repondant ainsi a une concordance physiologique et psychique, est seul aple a

    apporter a notre sentiment la sensation de repos, A arret, de fin rythmique.Voila pourquoi loutes les constructions rythmiques ne peuvent avoir leur ictus,leur note d arret, que sur le premier temps ou temps fort

    1. Voila pourquoi nos

    phrases musicales, aussi bien que celle des Grecs, des Chinois, etc., se termi-

    nent sur le premier temps. Le rythme, c est 1 element absolu de la musique.La demonstration que nous venons de faire nous permet de regarder les lois

    suivantes comme certaines, d une evidence irrefutable. Bien entendu, nous

    n avons pas la prevention de legiferer : ces lois ne nous appartiennent pas. C est

    une elude comparee, longue et patiente des oeuvres de Bach, Mozart, Beetho

    ven, de tous les maitres classiques, qui nous a permis de les saisir. Les voicitelles que nous les avons formulees, page 93 de notre Traitb du Rijthme.

    1.11 est vrai que les corapositeurs emploient frquemment certains precedes artificiels qujsemblent porter atteiule a cetle regie. II n en est rien. Ces precedes consistent a faire suivre1 ictus final par des notes qui produisent I effet d un remplissage, d une expiration. Leur but estde retablir la symetrie entre le rythme Onal et les rytlimes precedents, d amortir un arret tropbrusque, de reniplir le vide qui resulterait d un long silence, negation meme de la musique, d e-teindre tous les desirs de 1 oreille et d apporter au sentiment la sensation d une fin complete. Maisla fin reelle se trouve toujours sur le 1" temps.

  • - OS -

    1 Une note tombant sur le temps frappe pent scule offrirau sentiment la

    sensation de rcpos. Done I ictus finald un rythme doit tomber sur le premier

    temps ou temps fort de la mesure: il doit fit re precede d mie barre de mesure.

    Si done, dans une mesure a 2 temps, 2,4, 6, S, elc.(Yiclustombe sur le 2 temps,

    sur le leve, c est quo la mesure est faufivc,ma!

    formulee^Daasce cas, il faul

    dedonbler chaque mesure et mettre, au mains mentalement,Tine barre de mesure

    devant le 2" temps. Par exemple dans YAdagio de laSonalc pathetique, dans

    celiii de la Sonate, 0/>. 2, n" 3, de Beethoven, il faut fairede chaque mesure

    2 mesures, prendre comme unite de temps la croche,battre la mesure deux fois

    plus vile qu auparavant, c est-a-dire fairedeux mouvements de la main dans le

    meme espacc de temps qu on employait a n enfaire qu un seid ; en un mot,

    remplacer une mesure en mouvement Adagio par deux mesuresen mouvement

    Andante. Si, dans une mssure a 4 temps, Y ictus tombe continuellement sur le

    3 temps, il faut de meme dedoubler chaque mesure, mettre une barrede mesure

    devant le 3e temps, transformer une mesure d 4 temps en 2 mesures d 2 temps.Par exemple, dans le Nocturne mi ?, Op. 9, n" 2, de Chopin, et dans son Im

    promptu en la\> ecrits a 12/8, il faut faire de chaque mesure 2 mesures d 6\8,tout en conservant le meme mouvement.

    2 Au point de vue purement metrique, les notes d egale valeur qui commen-

    cent les mesures ont une egale force. La force que recoil la blanche, la noire ou

    la croche, etc., qui commence la premiere mesure, est egale d la force que

    recoil la blanche, la noire ou la croche, etc., qui commence les 2% 3% 4, etc.,

    mesures. Done, si parmi ces notes il y en a une plus forte, c est qu elle tire sa

    force d un element rylhmique ou pathetique, etranger a la mesure.

    3" II n y a pas de mesures fortes et de mesures faibles. II n y a que des temps

    forts et des temps faibles. Ce qu on appelle mesures faibles sont des anacrouses,

    des notes d elan, d attaque ou de broclerie : elles doivent se trouver devant la

    barre de mesure, avant le frappe . (Voyez page 7 du Rythme musical.}4 Le 3* temps n est pas fort metriquement ; comme toute autre note de la

    mesure, il peut deveuir fort pour une raison rylhmique ou pathetique. Exemple :

    3^pT

    u

    Le si de la premiere mesure, note aigue, prend un leger accent pathetique ;

    le si de la deuxieme mesure prend un leger accent rylhmique, parce qu il

    1. Les Irois quarts des valses modernes sont anacrousiqu.es, ecrites dans une fausse mesure etout inspire 1 idee fausse des mesures fortes et faibles. Toutes ces valses devraient etre ecrites a

    6/4 ou a 6/8.

  • EJNIVERSITE DE MONTREALMusique B ; b!i:.t

    - 69

    cst precede d un temps divise contenant deux crochcs : cliantez 3 noires :

    soli-la-si, et 1 accent disparait ; le re de la 3" mesure est une vote voisinc digue:meltez 3 do noires et sa force disparait. Eli-mine:- tons les elements rythmiqueset pathetiques et le 3

    e

    temps devient faille :

    Voyez aussi la Senate, Op. 49, n" 2, et le Rondo Allegro de la Sonate pathetiquede Beethoven. Des 4 noires qui en remplissent un grand nombre de mesures,c est plutot la 2 qui serait plus forte, parce que la premiere succede a une

    anacrouse ou termine le trait qui precede.5 Les rythmes etant de longueurs diverse? et contenant souvent plusieurs

    thesis intermediaires, il faut, autant que possible, employer des mesures dont

    hi longueur reponde a 1 espacement des ictus et a 1 elendue des rythmes.C est le rythme qui determine la mesure! C est 1 arrivee periodique de deux

    en deux, de trois en trois, de quatre en quatre mesures de Yictus rythmique qniexige telle mesure et non telle autre !

    Done, pour trouver la bonne mesure, guettezl ictus final des rythmes ; mettezune barre de mesure devanl lui

    ; complez le nombre de temps entre ces barressuccess! ves et vous aurez la mesure normale, la bonne, la vraie, celle qiii fiision-

    nera mesure et rythme, et leur donnera unite, cohesion, homogeneite ; celle quietablira 1 harmonie entre la raison et le sentiment; celle qui evitera le malaise,les tiraillements

    ;celle qui rendra 1 oeuvre comprehensible !

    Constatons encore que souvent on rencontre des rythmes qui semllent avoirYictus final sur le temps faible et qui pourtantne 1 ont pas ! En les examinantde pres, on s apercoit que ce sont des ictus fictifs, deplaccs : ce sont des rythmesfeminins masculinises, rendus forts, soil par la division en. plusieurs notes dui", 2 ou 3" du temps de la derniere mesure d un rythme, soil par une syncope,soit par 1 interpolation d un silence precedant la note finale. (Voyez dans le

    Rythme musical, la note page 23; page 4(3, 1" et 2e

    regies, et pages 77 et 90.)Example : Vivace de la Sonate, Op. 79, de Beethoven.

    au lieu de

    rythme femiuia.

    Enfin, pages 42 et 43 du Rythme, nous avons vu que les progressions melo-

    diques engendrent souvent des periodes irregulieres de 3, 5 mesures, etc. Les

    progressions ont encore un pouvoir plus perturbateur, plus extraordinaire : elles

  • 70

    peuvent deplacer, reculer a la fin d une mesureV ictus d un rythme. Yoyez :

    Beethoven, Senate, Op. 27, n 2 : Presto arjitato, 2 et 4e

    mesures, etc. Imaginez-

    vous que Beethoven ait interrompu la progression et mis Victus surle premier

    temps de la deuxieme mesure! Quel vide, quel silence! Voyez aussi clans ID

    Polonaise en la, Op. 40, de Chopin, la derniere mesure de la phrase en re

    majeur.Tels sont les principes, telles sont les lois qui doivent guicler les composi

    teurs. Qu ils s y conferment en ecrivant, et leur musique deviendra claire, etfacilement comprehensible pour celui qui 1 execute comme pour celui qui1 entend.

    Tout musicien qui ne s y conforme pas, court le risque de rendre sa musiquede prime abord incomprehensible et de priver 1 executant et 1 auditeur de la

    jouissance intellectuelle et esthetique, que son ccuvre est susceptible de leur

    procurer.

    Toute notre presente etude prouvant 1 importance du role que joue 1 accen-tuation resultant de la fusion de la mesure et du rythme pour la comprehensiond une oeuvre musicale, le lecteur doit necessairement conclure que les compositeurs font tout leur possible pour rendre cette accentuation claire, visible,

    palpable, qu ils s evertuent a la rendre facilement saisissable.

    De"trompez-vous. Quoique les compositeurs aient a leur disposition un

    systeme de notation parfait, d une clarte incomparable, ils ne s en servent le

    plus souvent que pour embrouiller, cacher leurs pensees1

    .

    C est surtout 1 accentuation resultant de la fusion de la mesure et du rythmequi est le plus souvent negligee; ce sonl les principes qui president a leurs

    rapports que les jeunes compositeurs semblent ignorer, aussi bien en Francequ en Allemagne, aussi bien en Angleterre qu en Italie !

    Venons a 1 application et aux preuves.

    Page 49 du Rythme, nous avons donne 1 exemple suivant, comme com-mencant sur le deuxieme quart du premier temps. Exemple :

    fejL. ,^=-mC est une erreur : il commence sur le deuxieme quart du deuxieme temps

    parune anacrouse et devrait etre ecrit comme suit :

    FrfcCT :cr

    \. Yoyez Histoire de la notation musicale, par Ernest David et Matliis Lussy; ouvrage cou-ronne par 1 Institut (section des Beaux-Arts). Iiuprime, aux frais de 1 Etat, a rimprimerie natio-nale.

  • 71

    Indubitablement Yicftts tombe sur Ic sol de la premiere mesure, les trois premieres notes re, mi, fa ft, forment an acrouse.

    Enfiu, page 41, dernier exemple, nous citons la Chanson a boire, le Brindisi

    de la Traviata, comme offrant des rythmes de 6 et de 4 mesures.

    B

    _,___

    -.

    -

    _

    rJ*~~*Tr -S^

    Bu-voiis au bon-heup de la vi - e, Aux doux moments oil Ton ou - bli- e.

    C est encore ua exemple fautif. Voici comment il devrait etre ecrit :

    3 mesures. r/thme feminin. 2 mesures.anaur. ictus. iutus. ictus. ictus.

    F-,*j!.

    ^j-.-*-^ ff y-g=^^^

    ^ *^

    Cu - vons au boaheur de la vi - e, Aux doux moments oil Ton oti - bli - e.

    Evideminent, Victus tombe sur le premier re, sur le fa aigu de la troisieme

    mesure, sur le premier ut de la quatrieme et sur Yut de la cinquieme mesure.

    Done, c est une periorle de cinq mesures et non de dix. Les trois premieresmesures en forment le premier rythme, la these ; les deux dernieres Yanti-these.

    Comparez 1 adaptation des paroles et vous remarquercz que sous la forme actuelle

    paroles et musique s harmonisent mieux; la premiere syllabe aux y> dudeuxieme vers ne tombe plus sur la derniere note du rythme feminise, car ce

    re ne peut etre considere comme anacrouse, mais bien sur I ictus du deuxieme

    rythme. Done, I exemple cite page 41 du Ryllime contenait des fautes de mesureet de prosodie.

    Ges exemples prouvent qu a 1 epoque ou nous avons publie le Trails de I ex

    pression, en 1873, nous ignorions les lois que nous venons d exposer.Nous ne soupconnions alors ni leur existence ni leur importance !

    Voici comment notre attention fut attiree sur ce sujet.Nous entendions chanter avec des paroles le n" 36, Op. 67, des Romances

    sans paroles de Mendelssohn, appele la Serenade.

    Le chanteur se balancait, dodelinait, trainait sur la premiere mesure d une

    maniere si extraordinaire, que nous en fumes frappe.Comment peut -on trainer, s attarder pareillement sur !a premiere mesure

    d uu chant ? Cela nous paraissait etonnant, suspect.

    Aussitot nous nous mimes a i analyse de ce numero, dont voici le commencement :

  • 72

    Tout portc a cruire que Ic rytlime de ce chant est thetique,c est-a-dire qu il

    commence sur le temps fort et que Victus initial del air tombe sur le premier*/.

    Eh bien, il n en est ricn ! Remarquons que cette premiere mesure du chant cst

    la quatrieme du morceau et qu elle est precedee.de trois mesures dans1 accom-

    pagnement, formant une espece d introduction qui pose le dessinde I accompa-

    gnement suivant. Pourquoi le chant commence-t-il sur la quatrieme mesure de

    1 accompagnement et non sur la troisieme ? L air offre-t-il des rythmes com

    poses de trois mesures ? Nullement. Mais alors pourquoi commencer sur la

    quatrieme mesure et non sur la troisieme ou la cinquieme ? La reponse est

    facile. Chantez ou jouez Fair avec les mesures d introduction, guettez la note quiprend Yictus final, la note forte ; il est certain que c est sur la plus grandevaleur du rythme, sur le si de la septieme mesure que tombe Victus final du

    premier rythme. Gontinuez de chanter ou de jouer et toujours Yictus tomberade quatre en quatre mesures sur le premier temps. En ce cas, dira-t-on, Men

    delssohn s esttroinpe"

    : il aurait du commencer apres la quatrieme mesure d in

    troduction et non apres la troisieme. Non, Mendelssohn s est trompe en ecrivant

    la mesure a 3/8, tandis qu il la fallait a 6/8; il s est trompe en ajoutant foi a1 erreur qu il y a des mesures fortes et des mesures failles; il etait victime,comme tantd autres musiciens, de ce fatal prejuge. Yoila la cause de son erreur.Jouez 1 accompagnement tel qu il est ecrit ; supprimez la premiere mesure duchant ; commencez 1 air par les notes : sol %, mi, re $. Vous verrez que 1 idee

    musicale ne souffre pas de cette mutilation. Exemple :

    **~| r| I -- m

    A 1 instant on reconnait 1 air;chante ou joue sur 1 accompagnement, il ne

    laisse rien a desirer comme identitc; il est devenu seulement un pen moins

    expressif, un pen lourd, de svelte, de gracieux qu il etait : tout au plus aimerait-

    on que la premiere note du chant, que Yictus sol fut precede d une note ana-

    crousique ou d un gruppetto. Exemple :

    Sous cet aspect, 1 air regagne presque toute son elegance et son entrain.

    Done, :-< ->?sure initiale de 1 air, telle que Mendelssohn 1 a ecrite, forme uneanacrouse brou - - Mais, enfm, qui nous autorise a enlever ces notes? Qui? 1 au-teur lui-meme ! En eflet, a la 20 mesure il les remplace ; il les enchevetre dansun dessin rythmique qui leur ote compieLei-^at le caractere anacrousique etleur donne cette fois le caractere de notes initiales, torucaat sur le premiertemps du rythme.

  • 73

    Encore une fois, ces notes forment une anacrouse brod