L'ANALYSE DES IMPLICATIONS DANS LES PRATIQUESSOCIANALYTIQUES : CELLES DE L'ANALYSTE OU/ET CELLES DESON CLIENT ? Danielle Guillier L'Harmattan | L'Homme et la société 2003/1 - n° 147pages 35 à 53

ISSN 0018-4306

Article disponible en ligne à l'adresse:

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Pour citer cet article :

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Guillier Danielle, « L'analyse des implications dans les pratiques socianalytiques : celles de l'analyste ou/et celles de

son client ? »,

L'Homme et la société, 2003/1 n° 147, p. 35-53. DOI : 10.3917/lhs.147.0035

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L'analyse des implications dans les

pratiques socianalytiques : celles de

I'analyste ou/et celles de son client ?

DanielleGuttmn

< Faire l'analyse de ses implications > paraît généralement allerde soi lorsqu'on se donne à voir dans son afliliation au courant del'analyse institutionneller (AI), qu'il s'agisse des dispositifsd'intervention sociale référés à la socianalyse ou d'une recherche,par exemple une maîtrise ou une thèse universitaire < en AI > 2

dont le processus de recherche ne s'appuie pas sur un tavail de

1. Référé au corpus fondé par René Lourau et Georges [.apassade et quej'appellerai" pour le distinguer des autres développements théoriques de I'analyse

instiotionnelle, < le courant socianalytique >. Pour plus de commodité, nous

remplacerons désormais dans la suite du texte le terrne d'analyse institutionnellepar AI; Nous simplifierons de même les ærmes inûervention socianalytique en

IS ; contre-transfert instinrtionnel en CIL2.L précaire d€ I'AI à I'université de Paris 8, comme

équipe (LRAI - Laboratoire de recherche en analyse instiutionnelle) de I'un des

laboratoires institués au département des sciences de l'dducæion (LSE -Iaboraoire des sciences de l'éducation), ou bien, en dehors de celui-ci, à travers

des individualités ônt I'appanenance-référence à I'AI est oonnue (par exemple

Rémi Hess ayant quitté le LRAD fait qu'il n'y a pas de doctorat en AI et encore

moins de maîtrise. Toutefois l'équipe LRAI exisant bel et bien, de par des

activités individuelles et oollectives (enseignemen! recherche, édition), il est bienattendu de la recherche soutenue (peut€re et aussi c€tte attente et-elle plus ou

moins fantasmée par le candidat) qu'elle apparaisse ootnme pafiageant quelque

choee de ce qui singularise cette appartenance-référence commune à I'analyseinstiultionnelle comme paradigme théorique et épistémologique de fAI.

LTIomttæ et la Socilté,n" 747-748, janvier-juin 203

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% DaniclleGuuten

terrain au sens d'une action dans/sur les pratiques singulièresd'individus et de groupes instinrés.

Traversant ainsi tous les domaines d'application de I'analyseinstitrtionnelle, < I'analyse de ses implications >r n'est pas non plus

circonscrite à un espace géographique (dans sa singularite socio'hisûorique) puisqu'il y est fait référence dans les pays latino-américains

3 comme dans I'hexagone.EnIïn, injonction, nécessité ou allant de soi, I'analyse des

implications de I'analyste institutionnel dans ses pratiques sembleégalement résister à l'usure du temps. Cette préoccupation,présente dès les ouvrages fondateurs du début de la décenniesoixante-dix

a, reste constanùe dans la production éditoriale de l'AI,loutes généræions confondues 5, et conserve, avec les tavaux lesplus récents de René Lourau t, une place de premier ordre dans lathéorisation de la pratique socianalytique. Pourtant, en dehors de

ceux qui situent leurs tavaux dans ou en rapport avec l'AI et dequelques autres rares milieux, l'analyse des implications dusocianalyste, professionnel de l'intervention or.r/et de la recherche,est loin d'être un gage de sérieux, tant pour les instances devalidation institutionnelle dont il relève que poru I'ensemble de ses

interlocuteurs, clients ou lecteurs, bien au contraire.< Faire I'analyse de ses implications > n'est donc pas sans

risque 7, à moins, bien entendu, que cette analyse, ses effets dans le

processus de production et son résultat (effets de sens d'un

3. Cf. Rachel VDA KAl,fl<HAct et Oswaldo SermN, Azdlise irntitttciot al no

Brasù|, Rio de Janeiro, Editora Rosa dos Tempos, X éd-,1991.

4.René lnuneu,L'analyse iwtitwiomelle, Pais, Édftions de Minuit, 1971 ;

Georges I.APAsSADB, René loureu,Clés pour la sociologie, Paris,

Seghers, 1971.

5. Hormis les liwes de [.ourau, on la trouve dans les revues des années

soixanæ-dix témoignant des préoccupations des analystes institutionnels de la

seconde génération (par exemple Pour,l973), comme dans Les Cahiers dc

l'implication, revue créée par René Lourau et ses étudiants (pour la plupart)

elnL9E7.

6. René l.ounAu, La clé des Cluntps, Paris, Anthropos (coll. poche),

Priq 1997.

7. Danielle GutrlÆR et Dominique Seusott, << Implication : des discours

d'hier anx pratiques d'aujourd'hui >, Les Cahiers de I'implication, n" L,

hiver 197-1998.

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lmplicdiorc et yatiquæ socianalytiquæ 37

dispositif d'inûervention/objet de connaissance) ne restent dans lehuis clos du staff analytique ou de la têæ du chercheur. Celui-cicontrôlerait alors son implication, dans la perspectiveépistémologique, proposée par Georges Devereux t, d'utilisationpar le chercheur de son contre-transfert, à saisir et à analyser,comme paradigme méthodologique...

Mais on entre là dans le vif du zujet: qu'en est-il, dans lespratiques d'analyse/de recherche de I'analyse des implications dusocianalyste/du chercheur ? Sur quels problèmesI'opérationnalisation de ce principe buûe-tælle ? Quelles questionscette mise en Guwe du corpus de I'AI renvoie-t-elle au champthéorique de I'AI, notamment dans son acception de la notiond'implication dans le projet d'analyse de l'institution ? Et enfin,quels sont les rapports enbe l'implication et le conûe-transfen ? Eneffet si I'implication touve son origine dans le concept de contre-transfe( celui-ci continue à la travailler fortement, en négatif. Ceciest manifeste lorsqu'on considère, d'une part, les efforts constantsde Lourau pour I'en démarquere, et, d'autre parÇ sa présence dansla théorisation acûrelle du dispositif socianalytique toujours référéauxprincipes operatoires énonôés en l97l ro.'

C'est dans ce questionnement que se siûre la réflexion que jepropose ici : I'interrogation de I'implication à partir de son usagedans les pratiques d'intervention sociale, telles que je les aipÉcisées précédemment, et de leur instiurtionnalisation (poæntielleeUou effective) dans les secteurs de professionnalisation ouvertsaux institutionnalistes, à savoir la recherche universitaire et laprestation de service. Pour ma part, bien que professionnaliséecomme consultante, je participe aux activites d'un laboratoire derecherche universitaire sans pour autant en êhe salariée n. C'estdans cette interférence institutionnelle que je développe maréflexion

8. Georges DEvEnEUx, De I'angoisse à la méthode dans les sciences ducornporterncnt, Pris, Flammrion, 1980.

9. Cf. René l.ouRau, Sociologue à plein temps, Paris, Êpi, 1976 etInumeuions sociamlytQues.Les anatysews dc l'Église, Paris, Anthropoq l9%.

10. Cf. Rémi HEss, Anûoine StvovgL'analyse institutionnelle, Paris, PURcoll. < Que sais-je? >,193.

11. Danielle GUtrIEn" < Analyse institutionnelle : d'une profession àl' utÉe >, PralQrcs de fornation-atalyses, n" 33, sqltemb re lgTL

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38 DanielleGuruna

Plus précisément, cet article vise à formuler quelques-uns desproblèmes théoriques, politiques et techniçes posés par l'analysedes implications dans les pratiques d'intervention et d'en restaurerainsi le caractere problémæique.

Le parti pris d'étayage de mon propos zur le développement dela pratique socianalytique - dans ses formes principalesd'intervention sociale m'a conduite à distinguer,historiquemenÇ tois grandes périodes: les annees de fondation,avec l'autogestion pédagogigue connme lieu de I'expérimentationdes années soixante ; les années soixante-dix, << âge d'or > del'intewention socianalytique (lS) et la période actuelle,caractérisée, a contrario des années précédenûeSo pil la visibilited'un certain éclectisme des dispositifs d'intervention, rassembléspar Gilles .

Monceau sous l'appellation de cliniquesociana$ltique ".

Revenons ûout d'abord sur la genèse theorique de I'implicationdars le champ de I'AI.

Implicaion d conùe-transfert instilutîonnel

Sur le plan théorique, I'implication (dans son acception en AI)se rattache au concept de contre-Fansfert instiartionnel (CTI).Celui-ci est consfuit, en 1966rt, pil un groupe de psychiatres quitransposo datts le cadre de la psychothérapie institutionnelle uneconception particulière du contre-transfert dans la curepsychanalytique, proposée, en 1962, par deux psychanalystesespagnols

ra.

Ce nouveau concept s'avérera cependant d'un usage mal aisé:les psychiatres institutionnels le rejetteront rapidement, arguantd'une cohabitation impossible entre psychanalyse et sociologie 15,

12. Ou << Socio-clinique institutionnelle > (cf. la contribution de Gilles

Monceau dans ce numéro de L'Hontnu et la Société).

13. Xavier CHANoIT, François GANTHERET, Philippe REFABBRT, Edmond

SANeuR, Paul SIvaooN, < Le contre-transfert institutionnel>, Revue de

psyctotMropie iwtituiornelle, no l, 1966.

14. BoFm. FoLcI-MATBU, < Compte rendu du Congrès des psychanalystes

de l,angue romane de Barcelone >>, 1962t Revue française de psychanalyse,

)o(ur,1963.15. Voir à ce sujet par exemple, René lounnu, op, cit., 1997 .

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Irtplicatiotts et pratiquæ æcianalytiques 39

tandis que I'AI s'y réfère en permanence mais de manièreambiguë.

En effef si la référence hisûorique de l'implication au CTI estaffirmée avec régularité dans les ouvrages des analystesinstinrtionnels, ceci à propos des pratiques d'inûervention et parextension à toute siûration de recherche 'o, la volonté de démarquerla notion d'implication de son assise théorique initiale apparaîtrapidement sans aboutir pour autant à une libération définitive.Articulée initialement au CTI dans les ouvrages fondateurs del'AI t7

et reprise en association étroits avec lui dans un < lexique deI'analyse.-instiUrtionnelle > figurant dans une production collectivede 1973'o, I'implication est présentee en 1976, sous la plume deRené Lourau, comme <r remplaçant les concepts psychothérapiquesd'analyse du transfert et du contre-bansfert instiurtionnels >,utilises precédemment par ce denrier qui, maintenanÇ < préfère leconcept d'implication, issu des sciences physiques et de laphénoménologe '' >. Une vingtaine d'années plus tard, il s'agir4toujours selon René Lourau, d'éviter de juxtaposer les conceptsd'implication et de CTI -.

Enfïn la problématique du transfert et du contre-Eansfert,dissociation que tendait à depasser le concept de CTI, nous allons yvenir, revient en force si I'on prend en compte, d'une part, saprésence dans la définition des principes régissant la socianalyse,principes élaborés en l97l '' et repris à l'identique dans laprésentation de I'analyse instiurtionnelle par Rémi Hess et AnûoineSavoye dans lsur ouwage de 1993n, et d'aufie part, la manièredont René Lourau, en 1997, s'appuie sur la critique, par JacquesLacan, de la problématique transférentielle dans la cure

16. Pr exemple Rémi tlEss, Antoine Sevovg op. clr.

17. René Lomu, op.cit.,1971 ; Georges LÂpAssADB, René lornlu, op. cir.18. POUR, n" 33, 1973: < L'analyse institutionnelle et la formation

permanente, II - Éléments pour une pratique de I'analyse institutionnelle >. Cenuméro fait suite au numéro 32" de la même année : < I - Le mouvementinstitutionnalisto >, dans lequel, déjà, une distance est prise puisque < le conceptd'implication [qui] tend à prendre la place de celui de < qII > >, p. 37 .

19. René toweq op. cit.,1fl6, p. t9 et?il .

20. René Lornlu, op. cit- 1997, p. 9.

21. Cf. Georges lapAssaoe, René Lounlu, ap. ct.22. Cf. Rémi llEss, Antoine SAvoyE, op. cit.

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psychanalytique pour tenter de disjoindre, à nouveau, la question

de I'implication de celle du contre-tansfert: < il est important,pour l'analyse institutionnelle, de noter qu'une théorie deI'implication prend, dans le séminùe sur le transfert fde Jacques

Lacan], la place laissée vide par la critique radicale du conte-hansferto. > Cependan! la critique de Jacques Lacan - pour quila dichotomie tansfert/contre-hansfert est impropre à saisir ce quiest constitutif de la situation d'analyse, dès lors que l'on conçoitavec lui le psychanalysûe comme impliqué initialement dans letransfert de son patient - se situe en amont du CTI dans ce qu'ilreprend de I'apport original des deux psychanalystes espagnols, à

savoir çe le psychanalysûe tansËre,lui aussi, en même temps que

son patient et non seulement en réaction au transfert de ce dernier.La conllictualite de ceûe affiliation théorique me pousse à

réinterroger le CTI, non dans les rapprochements qu'il opère entredémarches psychologiçe et sociologique, mais dans ce en quoi sa

construction théorique pose problème aux pratiques. Monhypothèse est que I'implication, bien que ses développementsthéoriques soient plus larges que cerx du CTI (pæce qu'intéressantl'épistémologie) et qu'elle houve avec les travaux de Lourau unétayage dans les apports théoriques d'aubes chercheurs

24, ne peuts'affranchir de la problématique ûansférentielle qu'en reprenant cequi fait problème dans les pratiques d'intervention sociale des

analysûes instinrtionnels. Il est donc necessaire de s'interesser à lamise en æuvre du CTI et à ce qu'il en reste aujourd'hui, reportédans I'analyse des implications des socianalystes dans leurspratiques.

Quelle est donc cette défrnition particulière du contre-transfertsur laquelle va se consEuire le CTI ? Le contre-transfert comprend( non seulement le transfert de I'analyste ; non seulement laréponse au bansfert du malade; mais aussi la réponse à toutes les

réaliæs (sexe, âge, race, position socioéconomique) de I'analysé,

Z!. René loweu, op. ci!.. 1997, p. 69.

24. Stéphane IJPAsco, Gilbert StMoNDoN, Jacques RAVATII{, David Borna et

d'autres auxquels les derniers travaux de lourau se réfèrent, par exemple: René

Iounlu, Ir4plicalion transduction, Puis, Economica, 1997.

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Itnplicdions et yatiquæ socianatytiques 4l

de l'analyste, et aux signifrcations socioculturelles et economiquesde l'instinrtion psychanalytique æ

>.

Cette conception élargie du conte-ûansfert s'inscrit en critiquede son usage resheint à la seule réaction que le transfert du patientsuscite chez le psychanalysûe et que ce dernier devrait conbôlerafin çr'elle ne soit pas actée dans la situation analytique conduite.De plus, l'élargissement proposé opère un véritable retournementpolitique: le contrs-tansfert inægre également le Eansfert deI'analyste çi, comme son patienl contribue à la construction de lasituation qui va êre le support de I'analyse.

Transposée de la clinique duale à la psychothérapieinstinrtionnelle et, plus largemen! à I'analyse instinrtionnelle, cettedéfrnition du contre-transfert, devenu le CTI, produit uneréélaboration théorique de la sinration d'analyse. L'analyste, lechercheur, le socianalyste ou le praticien qui a ce projet d'analysede I'instinrtion, contribue doublement à la production dynamiquede la forme sociale mise en analyse. D'une part, il est co-producteur de la situatiorL au même tihe que les autes participantset dans le même aveuglement eÇ d'autre part, il y intervientégalement à un second niveau en tant que réponse à ce que lesparticipants projettent sur lui comme conducteur d'une situationd'analyse lorsque celle-ci est clairement visible.

Ce qui m'intéresse dans le concept de CTI est qu'il estconstruit poûentiellement quant à sa mise en Guvre dans lespratiques sociales, sur la dialectique du professionnel, commeposture toujours et nécessairement inscrite dans une logiqued'expertise (il détient un savoir-faire specifique constituant uneoffre utile à la résolution impartiale des problèmes d'autrui), etcelle du politique, comme démenti de cette neutralité duprofessionnel qui, comme tout un chacun" participe à la productionet reproduction des rapports sociaux

En effeÇ le CTI inægre les deux dimensions contadictoires duconte-tansfert:

- Le conte-transfert comme acte second, réponse à contrôler,est tout à fait compatible avec la position d'analysûe comme expert,

25. Xavier CtIANorT, François GANTHERBT, Philippe REFABERT, EdmondSANQITR, Paul SrvADoN, op. cit. ; exuait publié dans Jacques Anoomo, RenéLoURAU, Iæs pédagogies institutionnetles, Paris, PUF, coll. < Pédagogues >>,

L99,4,p.7O.

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42 Danielle Gututtn

o'est-àdire soucieux et capable de maîriser son rapport à une

situation originale dont il est extérieur ;

- Le conFe-transfert dans sa dimension de retournementpolitique, c'est-à-dire comme action première, incontrôlée etconstitutive de la situation objet de I'analyse, dans laquelle lesocianalyste, loanalysteo est englué au même tibe que les autresparticipants. Ce qui renvoie à une position de non-s$cialiste et de

co-acteur du sociopolitique qui constitue la dynamique de lasituation.

Or c'est bien au sociopolitique cornme forces objectives (lesrapports sociaux) et subjectives 0a conscience des act€urs sociauxpris dans vn imaginaire social ^) ravaillant les formes sociales,que l'AI s'intéresse. L'instihrtion, I'objet privilégié par lequel ellecontibue à la recherche sociologique, se donne comme projet de

connaissance construit dans I'interférence du champd'intervention, la situation singulière constituant le support de

I'analyse et le champ d'analyse étant I'ensemble des éléments

sollicités pour décrypter la situation et interpréùer ce qui est mis enjeu dans sa dynamique. Le positionnement de I'analyste, en

extériorité ou en interiorité de I'objet d'analyse, est donc unproblème théorique fondamental.

L'implication ainsi rattachée au CTI, par extension de son usage

à touæ situation de recherche, partage son caractere éminemmentinstable. Et c'est exactement au ceur de cette instabilité, reprise

directe du CTI, que se situe la question de I'analyse desimplications des socianalystes dans leurs pratiques.

Loin du caractere universel que lui conËre son traitement dans

les discours institués des analystes institutionnels (dans lesmanifestations universitaires et les publications), l'analyse par lesocianalyste de ses implications dans ses pratiques, s'ac&ralisera de

manières différentes, en fonction tant des contextes socio-historiques de leur réalisation que des implications professionnelles

de leurs auteurs.Il est temps maintenant d'aller voir du côæ des pratiques et de

se demander comment cette dialectique des déterminationstheoriques (le projet de I'AI dans son paradigme épistémologiqueet théorique) et professionnelles (la place des pratiques

26.Cornélius CAsroRIADIs, L'institution inugbvire de la société, Pais,Seuil 1975.

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socianalytiques, eI égard aux modes d'insertion professionnelledes socianalystes) " a pu fonctionner ?

L'autogestion pédagogique : une pratique de non-spécialiste deI'analyse intëgrant, de fait, l'implicuion des analystes dans lechamp d'analyse

Dans les années soixante, il n'est pas encore questiond'implication (du moins en tant çe notion théorique), ni même deCTI. Pourtant, nous pourrions dire, avgc les conceptsd'aujourd'hui, que dans les pratiques éducatives, laboratoire socialde ce qui deviendra I'AI, l'analyse des implications, notammentcelles de l'analysûe, y occupe une place de premier plan.

C'est dans le domaine pédagogique, plus procisément dans lesformes scolaires de I'institution éducative, que l'AI élabore lesassises théoriques et méthodologiques (auûogestion, analyseur) quiferont sa specificité au sein de la mouvance instiurtionnaliste pluslrge.

L'autogestion pédagogique marque les efforts des fondateurspour inscrire un projet sociopolitique de recherche et d'action,concernant les processus macro- et microsociaux par lesquels lesformes sociales se transforment, au sein de I'activite éducative.Nous sommes ici au temps de la < contre-pédagogie > 2t. Les(futurs) analystes institutionnels sont professionnalisésprincipalement comme enseignants et c'est dans le cadre de leuractivité d'enseignement qu'ils instaurent des dispositifsexperimentaux d'autogestion pédagogique visant à satisfaire leurdemande de recherche. Ils doivent conjuguer des implicationsideologiques contestataires avec leurs implications professionnellesde praticiens du pedagogique.

Si la sinration est évidemment inconfortable, c'est néanmoinscette contadiction qui fécondera tant la theorie que la pratiquesocianalytique. La dimension institutionnelle se dégage dans cettearticulation du miorosocial de la olasse au macrosocial des nonnes

27. On pourrait aussi, en s'rypuyant sur les théorisations récentes de [.ourau,paler d'une dialectique enre implications formelles et existentiellæ.

28. Ahmed lâlÆil, Gilles MoNtneq Institr.tion et implbation. L'æuvre de

René laurag Paris, Syllepse, 2d)2.

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M DanielleGwtuex

qui régissent la forme scolaire, on la découvre dans les effets de lasihration tant sur les élèves que sur I'enseignant.

Prenons, à tite d'exemple, le tavail qu'effecfue Lourau dans sa

classe autogérée du lycée d'Aire-sur-Adour en 1964 et ce qu'enmonte sonjournal :

- C'est à travers les actes observés des élèves mais égalementles modifications de son propre comportement mis en rapport avec

des éléments du contexte scolaire que Lourau saisit I'articulationdialectique entre le microsocial du groupe-classe et le macrosocialde I'institution, ici encore assimilée à l'instance plus globale del'établissement dans son moment organisationnel : < Pendant que

les élèves rédigent les réponses aux questions portant sur la dictee,je note I'influence que les Conseils de Classe ont sur mon attitudeet sur celle des élèves. Pour ma part, je suis encore plus gêné que

d'habiurde dans ma fonction de pure surveillance D.

>

- La situation instaurée par Lourau sur sa seule demande -I'enseignant s'autorise de lui-même à déranger l'ordonnancementhabituel de la classe pour les besoins de sa recherche

30

- produitun questionnement permanent des fonctions implicitementoccupées par I'enseignant, dévoilant certaines dimensions deI'institution scolaire, via la demande sociale qui pèse surI'enseignant et ce qu'il en a interiorisé : rapport au savoir (expert),

à la discipline (surveillance), distance affective dans les relationsavec les élèves, eûc.

Ainsi I'analyste, co-acteur avec les élèves de la dynamiquesociale quo son dispositif expérimental (l'auûogestion Édagogique)produit, se place de fait dans le champ de I'analyse construitcomme élaboration de ce qui se transfère des déterminationsinstitutionnelles dont sont porteurs, à leur insu" tous les participantsà I'ext'rience y compris lui-même. On rebouve cette dimension deretournement politique présente dans le CTI et dans ce qu'en l97lLourau désignera par implication institutionnelle, c'est-à-dire<< I'ensemble des rapports existant, consciemment ou non, entrel'acteur et le système institutionnel. La segmentarité et la

29. René lom.nu, op, cit., 197 6.

30. Démarche que I'on retrouvera plus tard avec des pratiques dites

d'< analyso interno > ; Patrick BoUMARD, Izs srrtarûs de l'intérieur. L'analyse de

la société scolaire W ses acteurs, Paris, Armand Colfu\ 1989.

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transversalite agissent de façon à spécifier et à modifier lesimplications- de chacun, alors que I'idéologie s'emploie à lesuniformiser 3l

>.

L'intemention socùanalytîque (IS) : une protique lormalisée despécùalistes de l'onalyse d non professionnalisée dont la mise enæawep6eproblène

Les annees soixante-dix voient l'avènement de llntewentionsocianalytiques' pu laquelle les institutionnalistes s'engagent surle ûenain de l'interyention, nouveau type de pratique d'analyse etde recherche mené par des psychosociologues et des sociologuesdans la foulee des développements, dès la decennie précédente, dela dynamiçe des groupes.

Les implications professionnelles des institutionnalisûes ontchangé. S'ils ne sont pas tous universitaires, I'institution deréférence et dans une certaine mesure d'appartenance, estl'Universiûe. D'une part des analystes instiûrtionnels de la secondegénération, éurdiants de René Lourau et Georges Lapassade, sontchargés de cours à l'université, et, d'auûe parl c'est par le biais deleurs appartenances universitaires et des publications affichantI'existence d'un groupe constitué autour de René Lourau etGeorges Lapassade que les socianalystes sont sollicites par desclients potentiels.

Ainsi, avec la socianalyse, la pratique d'analyse institutionnelle< s'externalise >. Les socianalystes, à l'instar des consultants,groupe professionnel en plein essor, interviennent dans une unitésociale dont ils ne partagent pas le quotidien, sur la base d'unecommande qui leur est passée et légitime leur incursionmomentanée dans ce quotidien.

Cette période diffrre doublement de la précedente. Tout d'abordparce que l'implication professionnelle paraît dénouée, hormispour ceu( qui se dirigent vers le métier de consultant, opportuniténon négligeable devant les incertitudes de I'insertion universitaire.Ensuite parce que les socianalystes, même s'ils affichent undiscours violemment critique envers la soi-disant neutralite des

31. René Lot RAU, op. cit,, 1971, p. n2 - n3.32. hatique qui connalt elle-même sa contestation à I'intérieur de I'AI (par

Jaogue"s Guigou ou Patrick Bournard par exemplQ.

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aubes praticiens de l'intervention (les chercheurs de I'ARIP 33 par

exemple) apparaissent néanmoins comme des specialistes. Ils sontdétenteurs d'un savoir (théorique et pratique) supposé,suffisamment attractif pour faire l'objet d'une commanded'intervention dans/sur la réaliûe sociale d'un groupe-client.

L'analyse institutionnelle ainsi externalisée ouvre, avec ladialectique inærne au concept d'implication/CTlo une possibilite de

déplacement de I'accent mis sur les implications des socianalystesdans la demande sociale - c'est-à-dire leur participation au

nansfert - vers celles du groupe-client.L'inconfort disparaît mais rend I'analyse de I'institution plus

problématique. Si l'objet de I'analyse visé par une inûerventionsocianalytiçe est, selon la formule de Lapassade, < I'instihrtion de

l'analyse >, c'est-àdire la dynamique des forces qui a contribué à

instihrer la situation d'intervention et ce qu'il en advient in situdans la mise en forme du tavail en cours, comment saisir, dans ce

travail d'institution, objet de I'analyse, la particularité de lademande sociale portée par les socianalystes ? Qu'est-ce qui, de laplace de chacun dans les rapports sociaux de production,intervenants compris, permet que I'intervention ait lieu dansl'alliance invisible des implications de deux formes sociales - les

groupes d'appartenance respectifs du groupe-analyste et dugroupe-client - dans la demande sociale ? Car c'est bien dans

cette oonvergence taciûe que se potentialisent de nouvelles formesde rapports sociaux ? Finalement, que fait-on et à quel typed'institutionnalisation contribue-t-on dans cetts interférence des

champsY ?

Cetæ inærrogation ne se posait sans doute pas de manière aussi

nette qu'aujourd'hui où il est de mise, dans les modes demanagement actuels, d'user de manière régulière d'inûervenants de

toutes sortes pour... analyser les pratiques, les modes de

fonctionnement, etc., d'équipes << autonomes > devant s'investirdans la constuction de projes d'équipe, d'établissements...

Mais revenons aux années soixante-dixL'IS, comme pratique d'intervention sociale de I'AI, marque

une rupture avec l'époque précédente. Elle se présente sous laforme d'un dispositif spécifique, régi par six principes o$ratoires

33. Associration pour la recherche et I'intewention psychosociologiques.

34. René lonnnu, op. cit,,L97.

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hrrylicatioræ et prdiquæ sociatulytiquæ 47

formalisés et diffirsés en l97l dans rure publication cornmune auxdeux fondaleurs 35 et qui serviront de référence permancnæ (ilssont fréquemment désignés en terme de < règles >) dans lespublications de l'A[, taversant le temps jusqu'à aujourd'huipuisqu'ils n'ont jamais fait I'objet d'une reformulation critiçe.

L'IS marque donc une première institutionnalisation de lapratiçe de I'AI dans I'institution éditoriale et ofhe par là un pointd'appui à mon interrogation : comment I'interventionsocianalytique construit-elle son dispositif et quelle place y estdonnee à I'implication des socianalystes ?

L'erternalisation de l'analyse donne à I'analyse de la demandesociale un appui nouveau dans I'existence d'une commande. Celle-ci, dans oe qu'elle exprime de ce qu'il est possible de concevoir, enl'état (objectif et subjectif puisque la commande est uneformulation des commanditaires) des normes sociales en vigueur,comme demmde socialement légitime d'activite sociale (quel typed'action, en raison de quoi et pour quoi faire ?), réintroduit I'accèsà la dynamique institutionnelle dès lors qu'on interrogecollectivement les rapports entre celle-ci et les demandesparticulières qui s'y retrouvent plus ou moins transformées,débarrassées de leur étayage sur des désirs moins avouables(socialement toujours), ainsi que celles que la commande est venuenier.

L'analyse de la commande et de la demande, l'un des sixprincipes opératoires de la socianalyse, ouvre donc l'accès àI'analyse de I'instiurtion par un déplacement de I'accent mis sur lescontadictions constitutives des implications des socianalystes,dans la situation d'analyse instaurée, sur celles du groupe-clientinstituant I'inûervention. C'est oe que reflèæ la formulation de ceprincipe dans le dispositif socianalytique tel qu'il est institué,en 1971, par la publication commune citée :

< L'analyse de Ia demande, comprenant la commande olficielle dustalËclient (responsables de l'organisation), leur demande implicitedéplacée par rapport à la commande, ou oachée derrière la commande, etla demande du groupe-client composé des membres et usagers deI'organisation. L'cnsemble du stsff-client et des groupe-s composant legroupe-client est le collsctifsur lequel porte I'intervention ". >

35. Georges IâPAssADE, René Lotnrtu, op. cit.36. Ibidem. p. 19 de l'édition do, lyl 4.

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8 DanielleGuttutn

De la demande éventuelle des socianalystes il n'est pasquestion. Pourtant demande et commande d'un client se

construisent aussi en réponse à I'existence d'rme ofhe...Il reste à examiner ce qu'il advient des implications du

socianalyste lui-même. Elles sont -évoquées de manières biendiftrentes par deux autres principes " :

- < L'élucidation de la transversalité des appartenances positives etnégatives, des références positives ou négatives aux nombreux group€s,catégories, idéologies et autres particularités qui viennent nierl'appartenanc€ oommune à I'organisation. Les particularitésd'appartenance et de référence traversent I'organisation, car le systèmesooial global, la structure de la société divisée en classes, s€ réfractentdans I'unité microsociale do I'organisation. Si I'instifution est ce quireproduit les rapports sociaux dominants au sein d'une organisation oud'une oollectivité, I'analyse de la trsnsversalité ne peut que se heurter àdes résistsnces, révélatrices des rapports que les acteurs entretiennent avecles institutions, de leur trutsleil instilutiormel >.

- < L'analysc des implications du cherchsur-praticien, c'est-à-diredes réponses que le staffanalytique ou le socianalyste font souvent À leurinsu à la demande et à la commande. Resonnaître ces implications, c'estfaire la plus grande part du travail sooianalytique. [æs obstacles à une tellereconnaissance constituent l'essentiel du champ d'analyse. L'implicationse formule parfois en termes de < T et CTI > ; les obstacles à l'analyse, en

tcrme de < résistances. >

Ces formulations opérationnelles de I'interventionsocianalytiçe présentent un caraotere ambigu de par la reprise des

concepts de transfert et contre-transfert institutionnels, à nouveaudisjoints, et par la référence implicite ou explicite à l'implicationdu socianalysæ.

En effet la conduite d'une socianalyse s'appuie, d'une part, sur< l'élucidation de la transversalits >, celle-ci désignant l'ensemblede ce qui se transfère vra les apparûenances des participants (ycompris les intervenants) à l'analyse - rapportée explicitement au

transfert institutionnel. D'autre part, elle exige également<< I'analyse des implications du chercheur-praticien > mais lesimplications y sont formulées exclusivement sn terme de< réponse >, ce qui met l'accent sur la dimension communémentadmise du contre-trærsfef, à savoir la gestion du transfert parI'analyste.

37.Ibidet\p.2æ.

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Itttplications et prdiquæ socianalytiques 49

L'analyse de I'implication des socianalystes se trouve doncsollicitée à deux niveaux : implicitement, de par l'acceptionthéorique du concept de tansversalité et, expliciæmenÇ dans lecontrôle par le staff socianalytique de son conte-tansfert, au senspsychanalytique classique d'inscription involontaire dans letransfert de son patienl maladresse qui sterilise I'analyse. Cettedifférence d'explicitation, de même que la reprise d'unedichoûomie enFe ûansfert et conhe-tansfert institutionnel, ouvre,cornme la problématique de la commande/demande sociale, unepossibilité de mise à distance des implications des socianalystes ausens initial du contre-transfert institutionnel, c'est-à-dire acûeursdéterminants dans la situation d'analyse comme forrne socialeç'ils ont contibué à instituer.

Enfin, à cette déteniûorialisation potentielle de l'analyse duchamp politique global/reænitorialisation sur le corps... du client,sous-jacenûe au dispositif socianalytique, et aux ambiguites de saformalisation, vont s'ajouter des problèmes pratiques, d'ordrepolitique et technique, rencontrés par les staffs socianalytiquesdans la gestion des commandes d'intervention.

La question des implications des socianalystes se pose, enamont de la sinration d'interventon, dans la constuction du staffd'intervention. L'héterogénéite des implications individuelles, dontcertaines sont perçues comme analyseurs potentiels pourl'intervention, doit permettre I'analyse par les socianalystes delzurs implications instinrtionnelles.

Or cette hétérogénéité constitue aussi une difficulté -importante car elle menace la cohésion du staff - dont unehomogénéite minimale est requise comme base d'accord possiblesur des stratégies d'intervention et des pistes de tavail communes.Ainsi, la tension entre la potentialite analytique du dispositif et samaîtrise se réfracte dans la question pratique de constructiondu staff.

Enfïn, l'analyse des implications des socianalystes va égalementbuûer sur des problèmes techniques. Par exemple : jusqu'où peut-on aller et comment peut-on conduire une analyse des implicationslorsque cela touche à l'intime des personnes et peut donc ête vécusomme violemment intrusif ou bien metFe en jeu des dimensions

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inconscientes face auxquelles, selon certains socianalystes 3t, les

instihrtionnalistes sont démunis ?

Ainsi I'analyse des implications des socianalystes pose desproblèmes d'ordre technique en même temps qu'elle place laconduiûe socianalytiçe dans une situation paradoxale. La conduitede I'analyse exige la construction d'un << analyste collectif >, garant

d'un minimum de cohérence strategique; l'analyse de l'institutionnécessiûe la présence de < corps éûangers > fonctionnant commedes analyseurs des implications de l'analyste collectif. La tensionproduiæ est bien dans la < tenue ensemble > des detx composantesdu contre-tansfert institutionnel : ce que l'analyste tansÊre -cette part de reûoumement politique impartie dans le CTI - et ceque l'analyste contrôle des transferts individuels, groupaux etinstitutionnels que le groupe-client opere sans quoi il n'y a pas

analyse mais repétition.La tentation est grande de dénouer le næud en réduisant le

conhe-hansfert institr,rtionnel à sa dimension < politiquement pluscorrecte > de gestion des transferts du groupe-client (dans l'oublide I'analyse des implications des socianalystes), ouwant la voie à

l'institutionnalisation possible de la socianalyse dans des pratiquesmoins problématiques techniquement et professionnellement.

En effet, les forces d'institutionnalisation des pratiquessocianalytiques, dans les activités de recherche des universitairesou dans celles des prestataires de service, poussent à une évictiondu deuxième constituant du concept de CTI au profit d'un retour àl'acception rostrictive du contre-transfert, consistantessentiellement à gérer, contrôler la manière dont les socianalysûesse sihrent, en réponse à la demande du groupe-client, en ne se

laissant surtout pas prendre dans le tansfert institutionnel, (re)devenant, alors, le seulfait du groupe-client...

C'est dans ce refoulement par les socianalysæs de leursimplications professionnelles (signalé par les ambiguités deformalisation du dispositif de I'IS tout autant que par sa traverséeimmuable de bois décennies de pratiques) et sur lui, que

I'institutionnalisation des pratiques d'intervention de I'AI va sejouer, au détriment de la recherche collective dans laquelle ellesprennent sens, confrontée à l'éclatement des pratiques efectives

38. Laurencc GAVARINI, < L'intervention < assommoir > >, in Jacqueline

FELDÈ{AN (€d-) , Iæ sujet et l'objet : Wications, Paris, CNRSIL'Hanaran, 1986.

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Itttplications etpratiquæ socianalytiques 51

dans des fonnes singulières, inanalysables dès lors que la seuleréférence à l'IS se fait à ûavers son dispositifprinceps confonduavec la réaliæ des pratiques... d'antan, prenant alors valeur demythe.

Après l'< âge d'or )r, la socianalyse entrera, à partir du milieudes années quate-vingt, en retraite.

La clinique sociologique : le retour de la socianalyse dans lespratiques d'intervention sociale, centrée surtout sur lesintplicaia ns des clients

Dans les années soixante-dix, l'offre de I'analyseinstitutionnelle, visible dans les publications, sous la formemonolithique de I'intervention socianalytique au service d'unprojet politique révolutionnaire ou tout au moins violemmentcontestataire, apparaissait comme profondément décalée parrapport aux demandes d'expertise, de formation, de régulaton etd'aide à la résolution de difficultés diverses attendues desprestataires en sciences sociales. Au contaire, les pratiquessocianalytiques actuelles se placent résolument en taitement deproblèmes circonscrits par des approches et des discours largementpartagés : la << violence scolaire >, abondamment médiatisée, Ia< violence D, encore, dans le tavail social, l'éducation spécialiseeou la formation d'adultes sont fréquemment à I'origine derecherches d'intervenants, de formateurs, d'experts, bref deprestataires de sciences sociales. La profe s si onnali sation, secondethématique, a encore accru I'intérêt pour les pratiquesprofessionnelles et un renouvellement des problématiques deformation autour des dispositifs d'analyse des pratiquesprofessionnelles.

La manière dont l'analyse institutionnelle s'insère dans iesdispositifs d'analyse des pratiques professionnelles prend desformes diverses. Il peut s'agir d'une commande passée par unservice, une équipe d'éducaûeurs par exemple. On est alors trèsproche d'une situation d'intervention, même si le caractèremicrosocial des pratiques professionnelles plus ou moinsindividualisées ainsi que la visée strictement pédagogique de lacommande rendent difficile l'élargissement du champd'intervention nécessaire pour poursuivre I'analyse de ladynamique institutonnelle impliquee dans les pratiques à analyser.

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52 DaniclleGwtuen

Mais il exisûe aussi, très éloignée cette fois du contexte habituel de

réalisation de la socianalyse, < l'analyse institutionnelle despratiques professionnelles (AIPP) > qui se réalise, dars le cadre^ de

ia fonnæion continue 3e ou d'un enseignement universitaire a, à

prtir de demandes individualisees.Dans ces dispositifs nouvellement investis par des analystes

institutionnels, s'il est fortement question d'implicationinstiurtionnelle et si I'héterogénéité des appartenances constitue lemoteur de I'analyse, il s'agit exclusivement des implications des

membres du groupe en analyse (excepte donc du socianalyste) etde I'hétérogénéite de celles-ci. A patir d'une verbalisation oralepar un participant (occupant la place de I'analysant) d'un momentvécu dans sa pratique professionnelle, les autres participants (misen position d'analysæs) réagissent en lui proposant des moments

de leur vecu professionnel suscités par ses propos (sur un mode de

type Balint) mais décalés dans la signification qui y est perçue. Ils'agit moins de fonctionner dans I'empathie rogérienne que de

s'étonner de rapprochements inattendus ou de proximitésapparentes sous-tendues par des impliciæs différents. Tandis que

les allant de soi des énoncés de I'analysant sont objet de I'analyse,ceux des analystes font office d'analyseurs. Sous ces fausses

évidences, en appui sur le corpus de I'AI, I'analyse cherche àélucider (à permettre à l'analysant d'élucider) en quoi le contextesingulier dans lequel æuvre le praticien, ses caractéristiquesmatérielles mais aussi les modes de penser et d'agir qui structurentson cadre professionnel et qu'il s'approprie, essentiellement à soninsu, ua la particularité de sa trajectoire (sociale) personnelle,consûuit les habitus (Piene Bourdieu) généraæurs de ses pratiquesprofessionnelles. On reconnaîtra dans cette construction dialectiçe

39. Gilles MoNcEAU, < Analyse des pratiques et des implicationsprofessionnelles des formateurs d'enseignanB >, Colloquc iûernatiowl < Sanirs,rqports aur sanirs et prclessiontalisation >, Réseau francophone de techerche

en éducation et formation" ENFA, Toulouse, 28 et 29 ocobre 1998.

40. Danielle GUILTIER, << Du travail social à I'enseignement: existe-t-il des

professionnalités transversales ? >, in Troisiètru congrès internatioral d'actulitéde la reclurchc en éducation et fornation, AECSE, 1999 ; Danielle Gun:.nn,

< L'analyse instiurtionnelle des pratiques >>, in Claudine BIANcI{ARD - l,AYtrÆ et

Ilominique FABEr (êd.),Travail social et atwlyse dcs pratiqucs professiotuelles,

Pais, L'Hannatlan, 2003.

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Implialiotts et prdiquæ æciaruIytiques 53

d'un ensemble de déterminations institutionnelles, ce que l'AIdesigne par i mpli cations ins ti tuti onnelles.

Ainsi, concept cental dans I'AIPP, l'implication institutionnellepermet de réinhoduire le global social dans le micro de lasubjectivité individuelle sans nécessiter du socianalyste qu'ilréintroduise, dans les situations de travail, l'analyse de sesimplications institutionnelles.

Voici qui réinterroge, donc, soit le concept d'implication dansses rapports avec celui de conte-transfert institutionnel, soit desusages particuliers du concept dans des champs de præiçes où lesproblématiques du sujet social, objet privilégié de lapsychosociologie, et du fonctionnement des sociétes, domaine de lasociologie, interfèrent dans un ajustement pratique/théorique dedeux concepts, implication et institution, qui demanderait à êtrerevisiæ. Cela pourrait être un élément programmatique de larecherche de la clini que soci analyti que.

Laboratoire de reclrcrches en atulyse institutionnelle (LRAI)

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