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L'ANNUAIRE DE LAMEDITERRANEE

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L'ANNUAIREDE LA MEDITERRANEE

2009

Le Statut avancé à l'épreuve del'Union pour la Méditerranée

Page 3: L'ANNUAIRE DE LAMEDITERRANEE

L'Annuaire de la Méditerranée est publié en partenariat avecla Fondation Friedrich EBERT

© Groupement d'Etudes et de Recherche sur la Méditerranée

Dépôt légal: 2010 MO 3073

ISBN: 978-9954-500-02-6

Pré-presse: Babel cornImpression: Al Maârif Al Jadida

Page 4: L'ANNUAIRE DE LAMEDITERRANEE

GROUPEMENT D'ETUDES ET DERECHERCHES SUR LA MEDITERRANEE

L'ANNUAIREDE LA MEDITERRANEE

2009

Le Statut avancé à l'épreuve del'Union pour la Méditerranée

PUBLICATION DU GERMAssociation scientifique reconnue d'utilité publiqueB.Q. n° 5560 du 13 septembre 2007 (version arabe)

Correspondance: B.P 8163, Agence des Nations Unies, Agda!, Rabat

Site web: www.gerrn.ma

Page 5: L'ANNUAIRE DE LAMEDITERRANEE

LES ORGANES DU GERM

COMITE EXECUTIF

Habib EL MALKI

Driss KHROUZ

Jamila HOUFAIDI SETTAR

Mohamed MOHATTANE

M. BERRIANE

HamidBEHAJ

FouadAMMOR

MohaMARGHI

Mohamed KHARISS

El Houssine Mohamed AFKIR

Driss AISSAOUIMohamed Larbi EL HARRAS

CONSEIL SCIENTIFIQUE

Habib EL MALKI

Driss KHROUZ

Mohamed MOHATTANE

Jamila HOUFAIDI SETTAR

Miloud LOUKILI

Abdoulwahab MAALMI

Aziz HASBI

Page 6: L'ANNUAIRE DE LAMEDITERRANEE

REDACTEUR EN CHEF

Driss KHROUZ

COMITE DE REDACTIONDriss KHROUZ

Abdelouhab MAALMI

Najia BENSERHIR

Mohamed BENNANI

Mohammed HARISS

Page 7: L'ANNUAIRE DE LAMEDITERRANEE

Sommaire

Avant-propos 9

Présentation du thème 11

Axe 1 : Le Statut avancé et l'Union pour la Méditerranée:quelles interactions et quelles perspectives communes? 13

Le Statut avancé et les perspectives du Maroc dans le projeteuro-méditerranéen

Driss KHROUZ 15

Le Statut avancé, la Politique de voisinage et l'Union pour laMéditerranée au service d'un même dessein

Kamal ELMAHDAOU/ 25

Le « Statut avancé» Maroc/UE : quelle valeur ajoutée à la PEY ?Larbi lAID! et Nezha ALAOU/ 29

Quels enjeux pour le Maroc dans ses rapports avec l'Union européenne?Fouad M. AMMOR ., 67

Le Statut avancé UE-Maroc et les collectivités locales!win MARTiN et Paqui SANTONlA 79

AXE II : Les politiques et les mécanismes de mise en œuvre duStatut avancé 91

Un nouvel instrument financier pour un nouveau Statut avancé!win MARTiN 93

Page 8: L'ANNUAIRE DE LAMEDITERRANEE

8 Le statut avancé à l'épreuve de l'Union pour la Méditérrannée

La question de l'éducation et de la formation, repères et perspectivesPerla COHEN 109

Très grande crise multidimensionnelle et Euromed : chance ouhandicap?

Henri REGNAULT 125

La Turquie et l'Union pour la Méditerranée, entre méfiance et espoirSamim AKGONÜL 137

Vertus et limites de l'intégration économique: le cas des relationsentre la Turquie et l'Union européenne

Deniz AKAGÜL 145

Annexes 157

I. Huitième session du Conseil d'association UE-MAROC 159

II. Conclusions de la présidence du Conseil de l'Union européenne.. 173

Conclusions des 29 et 30 octobre 2009 175

Conclusions du 10 juillet 2009 179

Conclusions des 19 et 20 mars 2009 187

III. Rapport annuel de la Haute Représentante de l'Unionpour la PESC 193

IV. Rapport général sur l'activité de l'Union européenne 201

Les changements apportés au cadre institutionnel 203

Sommet de Copenhague 207

Une Politique de bon voisinage 215

V. Présidence suédoise du Conseil de l'UE 2009 217

Sélection bibliographique 221

Page 9: L'ANNUAIRE DE LAMEDITERRANEE

Avant-propos

Les relations euro-méditerranéennes sont pour la Fondation FriedrichEbert - une organisation d'origine du Nord et représentée depuis desdécennies au Sud - un champ de travail évident et important. Depuisle lancement du processus de Barcelone, en 1995, notre Fondationa accompagné le partenariat euro-méditerranéen dans le cadre deses différents programmes. Avec le lancement de l'Union pour laMéditerranée, nous avons encore intensifié la coopération entre lespartenaires des rives Sud et Nord de la Méditerranée dans le cadre d'unprogramme régional particulier. Tous les bureaux de la FES dans la régionMENA, dans l'Union européenne, notamment nos bureaux à Madrid,à Paris et à Bruxelles, ainsi que nos bureaux dans les autres pays ayantrejoint le partenariat euro-méditerranéen participent à ce processus.

En développant des perspectives social-démocrates, concernantnotamment la dimension sociale du partenariat EuroMed, la FES entendpromouvoir des stratégies politiques alternatives et innovantes, au niveauà la fois national et régional. La FES a noué de longue date des relationsprivilégiées avec ses partenaires au Nord et au Sud: en particulier lesdécideurs au sein des différents gouvernements, les syndicats, la sociétécivile, les universités et les centres de recherche. Outre les partenariatsau niveau national des pays partenaires, la FES soutient également lesréseaux et institutions au niveau régional.

Le programme de la FES a pour objectif de rallier le soutien politiqueau projet EuroMed, partagé par l'ensemble des partenaires susmentionnés.L'approche mise en œuvre pour atteindre cet objectif est, d'une part, deproposer des plateformes de dialogue pour permettre un échange constantentre les cercles politiques, syndicaux et de la société civile aux niveauxnational, régional et euro-méditerranéen, tout en tenant compte, dans le

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10 Avant-propos

même temps, de la dimension Sud-Sud. D'autre part, la FES contribue, parses compétences, aux débats et à l'élaboration de propositions de stratégiespolitiques futures. Dans ce contexte, elle considère sa fonction commeun lien entre les experts et les universitaires, d'une part, et les décideurspolitiques et sociaux, d'autre part.

Au Maroc, nous sommes liés depuis de nombreuses années avec leGERM dans un partenariat étroit et durable qui remonte aux origines duprocessus de Barcelone.

Depuis le début des années 90, le GERM avait été conçu comme ungroupementde recherche etdecollaboration scientifique nationaleet régionalesur les questions méditerranéennes et les relations euro-méditerranéennes.Il s'agissait alors de l'une des premières et rares plateformes au Sud où nonseulement pouvait s'élaborer une perspective Sud sur la question Euromed,mais où pouvait également s'opérer une interaction pionnière et productiveentre des chercheurs-universitaires talentueux, des politiciens engagés et desacteurs enthousiastes de la société civile.

Depuis ces temps, le GERM n'a cessé de jouer ce double rôle à lafois d'acteur de la coopération scientifique Euromed et de promoteur dudialogue politique et civil entre les deux rives. Et depuis ces temps, laFES a toujours appuyé cette orientation et cet engagement du GERM.Ensemble, le GERM et la FES ont réalisé de multiples initiatives d'étude,d'édition, de dialogue et d'échange sur les questions pertinentes pourle partenariat Euromed. Cette coopération se poursuit aujourd'hui surles sujets actuels d'intérêt pour le processus de Barcelone, la Politiqueeuropéenne de voisinage et l'Union pour la Méditerranée. Un intérêtparticulier et partagé entre le GERM et la FES nous porte également àdonner à l'avenir une priorité à l'accompagnement du nouveau cadre departenariat bilatéral entre le Maroc et l'UE, le Statut avancé.

Nous tenons à adresser nos remerciements les plus sincères à notrepartenaire, le GERM, pour la confiance qu'il nous a témoignée pendanttoutes ces années. Nos remerciements vont également et particulièrementaux experts et auteurs des contributions publiées dans cet Annuaire de laMéditerranée 2009.

Ulrich StorckFriedrich-Ebert-Stiftung

Maroc

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Le Statut avancé à l'épreuvede l'Union pour la Méditerranée

G.E.R.M.

Présentation

La Méditerranée est aujourd 'hui non seulement un espace géographiqueet historique, elle est de plus en plus un enjeu stratégique: un espace detensions, de conflits et de guerres qui se cachent souvent derrière lesinstrumentalisations des civilisations et des religions, un centre où se jouel'avenir de la paix et de la démocratie dans le monde. Elle est la premièredestination touristique, la principale route énergétique dans le monde etl'espace le plus important des flux migratoires internationaux.

Les accords de partenariat, depuis le processus de Barcelone jusqu'à« l'Union pour la Méditerranée », en passant par les accords d'association,la Politique de voisinage et le Statut avancé (s'agissant du Maroc), ont crééun nouveau cadre ainsi que de nouvelles formes de coopération dans larégion méditerranéenne.

Ces différents formats renouvelés de partenariat et d'association visentd'abord et avant tout à permettre à l'Europe de disposer d'un cadre plusadapté pour conduire ses relations avec les pays tiers et remédier auxlignes de division qui résultent des élargissements successifs de l'Union.De nouvelles frontières se dessinent, et de nouveaux voisins apparaissent.Aussi l'Union se dote-t-elle de nouveaux mécanismes et de nouveauxinstruments de coopération et d'association avec les pays non candidats àl'adhésion dont le dernier né est le « Statut avancé », dont est bénéficiairele Maroc depuis 2008.

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12 Présentation

Parallèlement, en lançant le projet de l'Union pour la Méditerranée,outre qu'elle s'efforce aussi de se repositionner politiquement etstratégiquement en Méditerranée, l'Europe marque de nouveau sonintérêt pour le Sud et tente de relancer sa coopération avec les paysméditerranéens tiers sur de nouvelles bases et selon une autre vision, plusparticipative et plus concrète. L'Union pour la Méditerranée introduit ainsiune coprésidence du Nord et du Sud et un secrétariat conjoint avec unsecrétaire général issu du Sud, et elle propose six projets structurants dedéveloppement pour la région méditerranéenne.

Dans ce contexte, le Maroc se trouve engagé dans un double formatde partenariat: le « Statut avancé », qui est un cadre bilatéral de traitementdifférencié, et l'Union pour la Méditerranée, qui est un cadre rénové departenariat multilatéral. En vertu du premier format, le Maroc renforce sonrapprochement avec l'UE jusque et y compris dans la PESC et la PESD.Dans le second format, il est appelé à participer activement aux efforts desdeux rives en vue d'un espace méditerranéen de paix, de coprospérité et dedéveloppement, de démocratie et des droits de l'homme.

C'est sur ces deux formes de partenariat que des éléments de réflexionsont présentés dans cette édition de l'Annuaire du GERM. Ils sont lerésultat de la rencontre scientifique annuelle du GERM organisée les 4 et5 décembre 2009 à Rabat avec la collaboration de la Fondation FriedrichEbert, sur le thème «Le Statut avancé à l'épreuve de l'Union pour laMéditerranée ». Les travaux de la rencontre se sont articulés autour dedeux axes, à savoir:

• le Statut avancé et l'Union pour la Méditerranée: quelles interactionset quelles perspectives communes ?

• les politiques et les mécanismes de mise en œuvre du Statut avancé.

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Axel

Le Statut avancé et l'Union pour laMéditerranée: quelles interactions et

quelles perspectives communes ?

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Le Statut avancé et les perspectives du Marocdans le projet euro-méditerranéen

Driss KHROUZ (1)

Introduction

Le Maroc est lié à l'Union européenne par un cadre global depuis sonadhésion à la déclaration de Barcelone en novembre 1995. Des relationsmultidimensionnelles existent entre les deux parties depuis 1969.

Leur ancrage politique et institutionnel s'est consolidé et ne cesse degagner en intégration et en adaptation aux changements dans le monde,aux structurations régionales, aux étapes du processus européen et auxévolutions du Maroc lui-même, bien entendu.

Le Statut avancé conclu entre le Maroc et l'Union européenne à lasuite du sommet européen du Luxembourg, le 13 octobre 2008, n'est niune rupture avec le processus euro-méditerranéen engagé depuis 1995,ni une nouvelle architecture issue du nouveau projet, l'Union pour laMéditerranée.

Pour bien comprendre les dimensions, la portée, les instruments et lesimpacts du Statut avancé, il est indispensable de le replacer dans son cadreinstitutionnel pour mieux cerner ses caractéristiques.

Le cadre global

Contrairement à des déclarations répandues et souvent diffusées àtort, il n'y a pas de «pagaille en la demeure» dans les différentscadres institutionnels euro-méditerranéens. L'argument souvent invoquéconsidère que la politique européenne de voisinage est une remise en causedu processus de Barcelone et que le Statut avancé signe le dépassementde ce dernier, dont l'Union pour la Méditerranée est une mise à mort.QUant au partenariat oriental, il est interprété comme un contrepoids de

0) Directeur de la Bibliothèque Nationale du Royaume du Maroc; Professeur de l'Enseignementsupérieur de Sciences économiques à la faculté de droit, Université Mohammed V-Agda!, Rabat;Secrétaire général du G.E.R.M.

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16 Driss Khrouz

tout le reste en faveur des six républiques qui ont émergé de l'implosionde l'Union soviétique: la Géorgie, l'Arménie, la Moldavie, l'Ukraine,l'Azerbaïdjan et la Biélorussie.

Peut-être la multitude des appellations et des instruments manque-t-ellede pédagogie, ce n'est pas pour autant qu'il y a confusion et désordre. Siconfusion il y avait, ce serait du côté de celles et de ceux qui confondent cadrepolitique, déclaration, accord juridique et instruments de mise en œuvre.

Que retenir en définitive ?

Au-delà des joutes oratoires, somme toute conventionnelles dans lesprises de position partisanes et conjoncturelles, le partenariat entre l'Unioneuropéenne et les pays du sud et de l'est de la Méditerranée est un processus,un cheminement non linéaire. Il est le résultat des positionnements des unset des autres et des réalités politiques et géostratégiques dans le monde,au sein de l'Union européenne et dans chaque pays du sud et de l'est dela Méditerranée.

Les avancées et les résultats obtenus sont évidemment en deçà despronostics et encore plus des attentes et des besoins. Tout le processusest handicapé par les conflits à dimension régionale, par les écarts dedéveloppement, par les dossiers litigieux, par les dynamiques sociales etpolitiques internes et par les enjeux de pouvoir et d'instrumentalisation desopinions publiques.

Le conflit israélo-palestinien est un blocage majeur dans le monde et enMéditerranée. La dynamique issue des accords de Madrid et surtout d'Oslos'est totalement disloquée sous l'effet de l'intégrisme des gouvernementsisraéliens, de l'aveuglement intégriste radical des colons sionistes etdes évangélistes intégristes américains, russes, ukrainiens, lituaniens,estoniens, polonais et autres hongrois et européens qui financent lescolonies et autres expansions territoriales.

L'ascension de l'intégrisme islamiste avec le Hamas et l'incurie desresponsables qui ont dirigé du côté palestinien enclavent toute la régiondans un étau de surenchères idéologiques et religieuses où la Syrie etsurtout l'Iran deviennent les véritables maîtres d'ouvrage des enjeuxgéostratégiques régionaux. L'agression disproportionnée et meurtrièrecontre les populations de Gaza a enclenché des forces dont les effets nepeuvent être, au moins à moyen terme, que négatifs et incontrôlables.

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Le Statut avancé et les perspectives du Maroc dans le projet euro-méditerranéen 17

L'invasion de l'Irak, la quasi-guerre civile qui y règne et le retourdes vieux démons des règlements de compte de toujours entre lesinstrumentalisations des religions et des différentes appartenances entrechiites et sunnites en Irak et dans tout l'Est méditerranéen ne sont pas debonne augure non plus.

L'équation islamiste de ces postures non seulement à travers leHamas, le Jihad islamique, le Hezbollah, le Liban, le Yémen mais aussi àtravers l'Afghanistan, le Pakistan et, bien entendu, la Turquie, puissancerégionale émergente, est un paramètre déterminant dans tout scénarioméditerranéen.

Toute perspective doit, pour être crédible, prendre en considérationl'émergence de quatre pôles dans cette partie de la Méditerranée, et ceSont tous des pôles qui s'appuient sur ou sont adossés à un soubassementreligieux de l'Etat et de sa puissance:

- Israël s'appuie sur son mythe biblique sioniste pour nier les droits desPalestiniens et les positions des justes et des démocrates israéliens ;

- le Hamas inscrit sa politique, non dans les intérêts de l'Etat detous les Palestiniens mais dans un combat universel pour la Oummaislamique, rejoignant en cela deux forces antagonistes, les wahhabistes etles hanbalites, d'un côté, et les chiites, de l'autre;

- l'Iran, chef de file du chiisme idéologique international, est au centredes rapports de force dans le monde; sa probable maîtrise de la menacenucléaire en fera un acteur central en Méditerranée ;

-la Turquie, dont les négociations pour l'adhésion à l'Union européenneSont plutôt mal engagées, est une puissance politique et militaire dont lerôle est très important tant au sein des Etats musulmans et de l'Otanqu'entre l'Asie centrale et l'Europe.

L'Union européenne dont la puissance économique et technologiquen'a pas les supports politiques et militaires correspondants, s'est enliséedans son fonctionnement endogène. Les élargissements successifs ontaccru ses dimensions, fait reculer ses frontières, lui ont donné de nouveauxvoisins et continuent à lui lancer des défis inédits.

Bloqué pour des problèmes de procédures et de référendum, ledéveloppement institutionnel n'a été mis en œuvre qu'à la suite de laratification du traité de Lisbonne par l'ensemble des 27 pays membres à la

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18 Driss Khrouz

fin de 2009. Sa mise en œuvre et toutes les restructurations et les culturesqu'elle suppose ne sont pas chose aisée.

Il est légitime de se poser la question -les choses ayant tellement changéentre 1995 et 2009 - de savoir si la Méditerranée est aussi primordiale pourl'Europe aujourd'hui qu'elle l'était après les grands reclassements que lemonde a connus suite aux grands événements de 1989 à 1993 !

C'est peut-être tout cela qui, a posteriori, peut donner une légitimitéprospective et imaginaire au projet de "l'Union méditerranéenne" lancépar le président Nicolas Sarkozy à Tanger en octobre 2007.

L'Union pour la Méditerranée

Le projet annoncé par le candidat Nicolas Sarkozy aux électionsprésidentielles françaises connaît une évolution intéressante. Lancé enoctobre 2007 à Tanger, ce concept revêtait alors une force et une énergiecapables à elles seules d'ouvrir les plus grands chantiers de paix, deréconciliation et de co-développement en Méditerranée.

Le Président Sarkozy a dû faire des concessions face à la réactionde la Grande-Bretagne et de l'Espagne, mais surtout de la chancelièreallemande Angela Merkel.

Le 10 décembre 2007 à Rome, le président du Conseil italien, RomanoProdi, et le Premier ministre espagnol, José Luis R. Zapatero, ont adhéréà ce qui est devenu l'Union pour la Méditerranée et non l'Union de laMéditerranée qui a remplacé l'Union méditerranéenne.

Le sommet franco-allemand de Hanovre en mars 2008 a définitivementramené ce projet dans le giron de l'Union européenne, faute de quoi il étaitcondamné à rester dans les promesses électorales comme des tas d'autresprojets.

Le Conseil européen de mai 2008 a défini le cadrage institutionnelde ce projet, et c'est à Marseille en novembre 2008 que l'Union pour laMéditerranée a été officiellement proclamée à la suite du sommet des chefsd'Etat et de gouvernement qui l'a consacrée à Paris le 13 juillet 2008.

L'Union pour la Méditerranée est composée de 43 membres, ceux derUE (27) plus les 10 du processus de Barcelone auxquels s'ajoutent la

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Le Statut avancé et les perspectives du Maroc dans le projet euro-méditerranéen 19

Mauritanie, Monaco, le Monténégro, la Bosnie-Herzégovine, la Croatie,l'Albanie et la Ligue des Etats arabes.

Dorénavant il s'agit du Processus de Barcelone: une Union pour laMéditerranée. Elle est une organisation internationale intergouvernementale.

Le couperet sarkozien qui a décrété l'échec du Partenariat euro­méditerranéen et son remplacement par l'Union méditerranéenne n'est plusde mise. L'UPM est une étape dans le processus de Barcelone. Selon BenitaFerrero Waldner, commissaire européen aux relations extérieures, « il n'estni une alternative à l'élargissement, ni une perspective d'adhésion ».

Qu'est-ce alors?

Une union autour de projets concrets dont la vocation est de créer lessynergies entre les entreprises et les associations, les autres acteurs nongouvernementaux et les programmes bilatéraux et multilatéraux.

Ces projets structurants devaient créer ces ponts et ces liens nécessairesque les conflits, les problèmes de sécurité, les écarts de conditions de vieet les peurs migratoires n'ont pas pu consolider jusqu'ici.

Le Conseil européen propose à la Commission européenne de mettreen œuvre quatre grands chantiers.

• les autoroutes maritimes et terrestres ;

• la coordination énergétique et la promotion des énergies solaires ;

• la dépollution de la Méditerranée ;

• la recherche et la formation.

Aux quatre programmes cités précédemment s'ajoutent d'autres:la protection civile contre les catastrophes naturelles, une initiativeméditerranéenne de développement des affaires et une université euro­méditerranéenne.

La conception, la réalisation et le financement de ces projets doivent sefaire par des initiatives du Nord et du Sud.

Les financements privés étant les plus attendus, à côté de ceux de l'UE,les attentes vis-à-vis des pétrodollars du Golfe sont très fortes.

L'UPM est coiffée par deux co-présidents: un de la rive Nord et un dela rive Sud. Les présidents Nicolas Sarkozy et Hosni Moubarak sont lespremiers choisis. L'alternance est prévue pour deux ans.

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20 Driss Khrouz

À cause de l'invasion de Gaza par l'année israélienne, le Conseil del'Union ne s'est réuni au complet avec l'ensemble des membres pas mêmeune seule fois depuis sa création.

Un secrétariat général hébergé à Barcelone est composé d'un secrétairegénéral, un Jordanien, et de six secrétaires généraux adjoints.

Si l'UPM a le grand mérite d'avoir essayé de sortir de sa torpeur leprocessus entamé en novembre 1995 à Barcelone, elle s'est, elle-même etpour le moment, enlisée dans ce qu'elle a voulu éviter: la prééminence dela politique et des rapports de force entre blocs, religions et nationalismessur le reste !

La force suggestive de l'intitulé est une vertu en soi; le terme d'union ale mérite, au moins dans les discours, de fixer un horizon, puisse-t-il créerun mythe rassembleur!

Mais en évitant de retenir et de souligner avec force le socle voulud'un espace de démocratie et de droits de l'Homme, la charte de l'UPMtombe dans le piège du pragmatisme choisi comme stratégie. Il en est demême du contournement de la question centrale en Méditerranée, celle dela nécessaire paix israélo-palestinienne.

C'est de cette impasse qu'ont émergé de nouvelles volontés d'allerde l'avant. La Politique européenne de voisinage (PEV) avait retenu leprincipe que, faute d'avancer tous ensemble, entre l'UE et le PSEM ilserait préférable que l'Europe progresse avec le pays ou les pays quisont le mieux engagés dans les réformes et qui souhaitent des traitementsadaptés et à la carte, le « Statut avancé» en est l'illustration.

Le Statut avancé

Après neuf ans de négociations sur un statut adapté à ses avancées dansla coopération avec l'Union européenne, le Maroc a pu finalement aboutirà un accord dans ce sens.

Le 13 octobre 2008, le Conseil de l'Union européenne réuni auLuxembourg a entériné l'accord sur le Statut avancé entre le Maroc etl'Union européenne. Le Maroc est ainsi le premier pays de la rive sud àbénéficier de ce statut.

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Le Statut avancé et les perspectives du Maroc dans le projet euro-méditerranéen 21

Les rappels sur le contexte institutionnel montrent bien que, quoiquecomplexe, l'édifice euro-méditerranéen a une cohérence dans l'ensemble.Les problèmes qui se posent de façon aiguë sont au niveau des réalisationset dans l'impact sur les objectifs attendus et les attentes suscitées par cetélan généreux de novembre 1995, à la suite de la guerre des Balkans, del'invasion de l'Irak et de l'accord israélo-palestinien.

Le Statut avancé n'est donc pas un nouvel accord d'association qui sesubstitue au reste. Il est une déclaration politique, dont l'objectif est decanaliser les moyens, les commissions de travail et les instruments déjàen place, pour créer une meilleure convergence entre le Maroc et l'Unioneuropéenne.

Il s'agit d'accompagner les réformes sérieuses et structurelles engagéespar le Maroc depuis une quinzaine d'années.

La réforme de la justice et la gouvernance des institutions, larestructuration du système de l'enseignement et de la formation, de mêmeque la modernisation de l'arsenal législatif et réglementaire sont lessupports de la nécessaire stratégie d'harmonisation.

Tout cela est bien entendu complexe et ne peut se faire que de façongraduelle, progressive et maîtrisée. Le rôle de ces réformes de fond étantdéterminant, les engagements des deux parties ne peuvent souffrir aucunetergiversation ou flottement.

Un accord de libre-échange global et approfondi devrait promouvoir unedynamique d'ouverture et de croissance pour plus d'investissements, plusde création d'emplois et plus d'échanges avec les marchés européens.

Cet accord concerne l'agriculture et les services dont l'importance etla complexité sont des enjeux de taille. Il concerne également d'autresdomaines aussi importants que la propriété intellectuelle, la concurrence,l'accès aux marchés publics, la lutte contre l'émigration clandestine,contre le blanchissement de l'argent, contre les cultures et les exportationsde drogue et pour le développement durable.

Les manifestations de cette convergence devraient se situer notammentau niveau des normes. Cette question est souvent méconnue et sous-estimée.Les normes ne concernent pas que l'Etat, mais de plus en plus les réseauxd'entreprises, d'associations, d'universités et autres centrales d'achat et dedistribution. Elles touchent à des domaines aussi variés que les équivalences

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22 Driss Khrouz

de diplômes, les curricula des formations, les échanges d'expertise, lesdroits d'installation, l'agriculture, les règles phytosanitaires, etc.

La dimension humaine «people to people» bien soulignée par ladéclaration de l'Union pour la Méditerranée est centrale. Fernand Braudelsouligne bien que «la Méditerranée est un carrefour, non pas unecivilisation mais plusieurs civilisations superposées ».

Cette cohérence dans la convergence suppose l'adaptation des moyens etdes instruments qui ont été mis progressivement en place, notamment dansle Plan d'action qui accompagne la Politique européenne de voisinage.

Tout en choisissant les priorités et les hiérarchisations qui luiconviennent dans cette perspective, le Maroc s'engage à progresser versl'acquis communautaire.

Autant cela semble plutôt maîtrisé dans les échanges de produitsmanufacturés, autant tout est à faire dans les autres domaines. Sans cela,le libre-échange global restera biaisé, et la convergence des cohérencesvers l'acquis communautaire se fera de façon éparpillée par secteur et pardomaine d'activité.

L'une des questions, et non des moindres, est celle de la compensationdu rétrécissement de l'acquis communautaire, notamment dans les servicesau fur et à mesure des élargissements successifs de l'Union européenne.

Les régimes préférentiels qui sont utilisés à 80 % par les pays del'Union européenne alors qu'ils ne le sont qu'à 30 % par le Maroc, sontune autre contrainte à lever.

L'intégration progressive du Maroc aux marchés intérieurs de l'Unioneuropéenne est une perspective certes difficile mais très stimulante pourle Maroc.

Reste à donner des contenus à travers des politiques et des actionsde mise en œuvre à cette articulation du Maroc par des programmationsprécises et viables et par l'interaction avec les réseaux européens ettranseuropéens de coopération entre entreprises, entre universités, par lacoopération décentralisée et les jumelages des collectivités territoriales etpar des proximités humaines et associatives.

Le nouvel élan pris par la Fondation Anna Lindh pour le dialogueentre les cultures augure bien de toutes les promesses à tenir et de toutes

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Le Statut avancé et les perspectives du Maroc dans le projet euro-méditerranéen 23

les contraintes à lever, notamment pour promouvoir plus de respectentre les cultures et les religions et pour une meilleure connaissance etreconnaissance entre les peuples. Le rôle du dialogue sur les religions et lechoix des valeurs démocratiques et des droits de 1'homme constitue un desfondements de cette dimension humaine de voisinage et de coopération.Ce sont là des choses de plus en plus difficiles par les temps qui courent,mais ce n'est par parce que les résultats ne sont pas probants que le cadreet la philosophie ne le sont pas.

L'Union est de loin le premier pourvoyeur d'aide publique multilatéraleet bilatérale pour le Maroc, et les prêts de la BEI sont en progression.

Le Maroc, qui a adhéré au Centre Nord-Sud pour l'interdépendanceet la solidarité du Conseil de l'Europe en juillet 2009, exprime bien sonoption pour les valeurs démocratiques dont le Conseil de l'Europe estl'institution par excellence.

C'est bien en décembre 1999 que le Secrétariat général du Conseilde l'Europe avait proposé au Maroc cette adhésion. Une lettre duPremier ministre de l'époque, Abderrahman Youssoufi, avait demandéau ministre marocain des Affaires étrangères et de la Coopération deformaliser l'adhésion. Entre 1997 et 2002, un des représentants du Sudétait Marocain. Il était vice-président du Conseil exécutif du Centre Nord­Sud, dont le président de l'époque, Miguel Angel, avait tout fait pour cetteadhésion, qui a finalement eu lieu dix années plus tard. C'est tant mieux,même si rien n'explique que le ministère des Affaires étrangères marocainait attendu dix ans pour répondre à cette invitation !

Le Conseil européen prévu pour le début du mois de juin 2010 àBarcelone devra discuter de la « feuille de route» sur le Statut avancéque le Maroc va présenter le 8 mars à Grenade au sommet Maroc-Unioneuropéenne. Un nouveau plan d'action avec de nouveaux instrumentsfinanciers sera alors négocié avec l'Union européenne pour la période2011-2013.

Le Maroc devra choisir, parmi les milliers de normes de convergence,celles qui lui semblent prioritaires pour plus d'harmonie avec les marchésintérieurs européens.

Le Statut avancé, qui va probablement connaître un début d'applicationaprès le sommet européen, n'est pas gagné d'avance. Il est plein d'atouts

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24 Driss Khrouz

qu'accompagnent d'énormes contraintes. Le Maroc et l'Union européenneont bien saisi les perspectives stratégiques de cette étape avancée dansle rapprochement. Le Statut avancé est une convergence globale maisgraduelle et par étapes cumulatives et vertueuses. Il suppose des refontestotales dans toutes les dimensions de la société, de la culture et del'économie marocaines.

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Le Statut avancé, la Politique de voisinageet l'Union pour la Méditerranée au service

d'un même dessein

Kamal EL MAHDAOUI (2)

La dimension européenne et euro-méditerranéenne, qui est un choixstratégique de la politique étrangère du Maroc, est marquée par sonengagement à développer ses relations avec son voisinage immédiat. Dansce cadre, l'engagement du Maroc pour le renforcement de ses relationsavec l'UE ne date pas d'aujourd'hui, il a évolué depuis plusieurs décenniesen passant par l'Accord de coopération, l'Accord d'association, le Pland'action dans le cadre de la Politique européenne de voisinage (PEV) et,enfin, le Statut avancé en 2008. Ce choix stratégique traduit la convictionet l'engagement du Maroc qui considère que la coopération avec l'Unioneuropéenne est fructueuse pour les deux parties, peut accompagner ladynamique endogène du Maroc et peut contribuer positivement au projetde société moderne voulu par le Maroc.

En parallèle, les relations bilatérales Maroc-UE ont été accompagnéespar une dimension régionale, en l'occurrence l'engagement du Marocdans le cadre du Processus de Barcelone en 1995, mais aussi dans d'autresespaces sous-régionaux tels que le « Forum méditerranéen» et le « Dialogue5+5 », où notre pays a joué un rôle actif en faveur du renforcement desrelations euro-méditerranéennes. Cet engagement a été confirmé encoreune fois pare fait qu'il a été l'un des premiers pays à soutenir « l'Unionpour la Méditerranée» (UPM) - qui est basé sur les acquis du Processus deBarcelone - vu l'apport qualitatif de ce projet en termes de co-appropriationde la coopération via des structures paritaires (co-présidence et secrétariat)et sa dimension-projet susceptible de traduire la volonté politique duPartenariat et de concrétiser des actions de coopération qui renforceraientaUssi bien la crédibilité du projet que sa visibilité dans la région.

(2) Conseiller, chef du service «Coopération régionale euro-méditerranéenne », direction desAffaires européennes, ministère des Affaires étrangères et de la Coopération.

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26 Kama! El Mahdaoui

L'accent va être mis ici sur l'aspect régional (Processus ce Barceloneet Union pour la Méditerranée) qui a vu au cours de ces dernières annéesle lancement d'autres initiatives, en l'occurrence la PEY et le SA, tout enabordant l'interaction entre ces trois exercices.

Le Processus de Barcelone est né en 1995 dans un contexte particuliermarqué par les espoirs de réaliser la paix au Proche-Orient dont voulaitprofiter toute la région pour hisser la coopération régionale vers, justement,une zone de paix, de sécurité et de prospérité. Toutefois, durant plusieursannées, le Processus de Paix au Proche-Orient a malheureusement tenu enotage le Partenariat euro-méditerranéen l'empêchant de réaliser pleinementses objectifs.

D'autre part, il Y a lieu de souligner un élément très important. Dansle cadre de l'Euromed, « l'esprit de Barcelone », si l'on peut se permettrecette appellation, est basé sur le consensus par lequel devrait passer toutedécision ou action à l'échelle euro-méditerranéenne. Avec ce principes'installe dès le départ une sorte d'autocensure, dans la mesure où il estquasi impossible d'arriver à ce consensus sur l'ensemble des sujets, surtoutsur des thématiques-clés telles que la paix au Proche-Orient, la participationdes ONG au Processus de coopération, les réformes politiques, les droitsde l'homme, les droits des femmes, la démocratie, etc.

Cette situation difficilement gérable, et dont tout le monde étaitconscient, a été marquée par une évolution majeure en 2004, en l'occurrence,le lancement par l'Union européenne de la PEY.

Le Maroc a été l'un des premiers pays à appuyer et à adhérer à la PEYen adoptant le Plan d'action Maroc-UE. En adoptant cette démarche, leMaroc n'a pas cherché à se singulariser ou à viser l'exclusivité. Notre paysétait et reste convaincu que cette nouvelle politique hisserait ses relationsbilatérales avec l'UE et constituerait certainement un apport positif pourla coopération régionale dans son ensemble.

On constate donc que l'année 2004 a insufflé une nouvelle dynamiquesur le plan régional. Car un an après, les partenaires Euromed se sont atteléà travailler ensemble sur des idées susceptibles de redynamiser le Processusde Barcelone (idées entérinées par les conclusions de la Conférenceministérielle du Luxembourg en mai 2005). Cette nouvelle dynamiquea été couronnée par la célébration du lOe anniversaire du Processus deBarcelone, à l'occasion du sommet de Barcelone tenu en novembre 2005,

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Le Statut avancé, la Politique de voisinage et l'Union pour la Méditerranée... 27

où les chefs d'Etat et de gouvernement ont adopté un programme de travailquinquennal ainsi que le Code de conduite sur le terrorisme.

D'autre part, la PEY, en mettant en place un nouvel et un seulinstrument financier pour la région, a intégré, de facto, dans son champd'intervention, le financement du Processus de Barcelone. De ce fait,on a constaté la persistance du « cordon ombilical» qu'est l'Instrumentde voisinage, liant Processus de Barcelone et PEY. Avec cette nouvelledonne, on a assisté à l'intégration et à la concrétisation du principe de« différenciation» dans le cadre régional, qui appuie de facto le principede « coopération renforcée» prôné justement par le Maroc dans le cadrede la PEY. Ce nouveau tableau a abouti à une nouvelle phase dans lacoopération euro-méditerranéenne selon la philosophie suivante: on peuttravailler ensemble sur le plan régional, mais on peut le faire à plusieursvitesses, avec un ou plusieurs partenaires et en fonction du degré et de lavolonté du partenaire concerné à aller de l'avant sur un ou plusieurs axesde coopération.

Le résultat aujourd'hui est qu'on se trouve devant un aspect bilatéral(PEV et SA) qui est certainement bénéfique et complémentaire de lacoopération régionale, dans la mesure où il assurera l'ancrage de larégion à l'Union européenne en mettant en place un partenariat étroitentre rUE et ses voisins et apporter une substance concrète à l'Unionpour la Méditerranée. Car sans progrès sur les aspects bilatéraux, lesprogrès réalisés sur le plan régional risqueronnt d'être très faibles et serontcompromis par les aléas conjoncturels que connaît la région, principalementà cause du blocage au niveau du Processus de paix au Proche-Orient. Dansle même ordre d'idées, le Statut avancé du Maroc auprès de l'UE auracertainement un effet de levier susceptible de renforcer la coopération- à travers le renforcement du dialogue politique et des mécanismes dedécisions conjoints - entre le Maroc et rUE, d'une part, mais aussi entrel'Union européenne et les autres partenaires méditerranéens, d'autre part,qui ont justement commencé à manifester un intérêt pour emboîter le pasau Maroc.

Aujourd'hui, avec l'Union pour la Méditerranée, on constate que lacoopération régionale est renforcée, grâce à la dimension-projet de l'UPMet la mise en place de structures paritaires permettant la co-appropriationet une meilleure visibilité de l'Euromed. L'Union pour la Méditerranée

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28 Kamal El Mahdaoui

s'érigera comme la plateforme d'une gouvernance euro-méditerranéennerénovée, réussira le saut institutionnel et politique souhaité à l'échellerégionale et recréera un espace politique, économique et humain qui soitsolidaire et compétitif.

De son côté, le Statut avancé est en parfaite symbiose avec le projetd'Union pour la Méditerranée, car il se met au service du même granddessein, celui de l'intégration au niveau de la région euro-méditerranéenne.Il n'y a aucune contradiction entre la démarche du Statut avancé et cellede l'UPM. Au contraire, il y a convergence et complémentarité, car ellesversent dans le même grand chantier de l'intégration de l'espace euro­méditerranéen. Le Maroc, qui a opté pour le statut avancé conformémentau principe de la politique de voisinage selon lequel chaque pays avance àson propre rythme, a réaffirmé, par son adhésion rapide et sans équivoque àl'idée de 1'UPM, qu'il participera pleinement à toutes les actions entreprisesdans ce cadre. Dans ce contexte, on ne peut que souligner notre profondeconviction que le Maroc, l'Europe et la région euro-méditerranéenne ontle même destin et que la sécurité, la paix et le développement de tous nepeuvent être atteints sans l'engagement de chacun dans une entreprise departenariat ambitieux bénéfique à l'ensemble de la région.

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Le « Statut avancé» Maroc/UE :quelle valeur ajoutée à la PEY ?

Larbi lAIDINezha ALAOUI (3)

Introduction

Dans un document conjoint adopté en octobre 2008, lors de laseptième session du Conseil d'association UE/Maroc, l'Union européenneet le Maroc ont annoncé leur décision de renforcer substantiellement leursrelations de partenariat dans la perspective d'un statut avancé demandé parle Maroc. Cette décision a entériné les séries de propositions présentéeset discutées à l'occasion des réunions régulièrement tenues par le groupede travail ad hoc constitué lors de la session précédente et qui visaient àdonner corps au «Statut avancé» en allant dans le sens de la concrétisationde cette ambition.

Une question légitime peut être posée initialement. Le Maroc a adoptéet mis en œuvre un Plan d'action dans le cadre de la Politique européennede voisinage (PEV). Pourquoi donc plaider en faveur d'un statut avancé?Le cadre actuel ne suffit-il plus à l'ambition du Maroc? Le cheminementpartenarial Maroc-UE s'est développé de manière dynamique. Il s'estcaractérisé par l'adaptation continuelle des relations, la capacité àrénover, de manière évolutive, le cadre contractuel qui les régit. Il acherché à appréhender les évolutions de l'Union européenne, à travers sesélargissements successifs et rester à l'écoute des évolutions géostratégiquesqui ont caractérisé la région. La proposition marocaine part de la volontéPolitique de consolider les acquis, d'ouvrir des perspectives. Un retoursur le bilan de l'Accord d'association, surtout sur son volet commercial,montre que celui-ci prédomine encore dans les relations et milite pourUn réajustement des relations de partenariat. Le projet de statut avancé

(3) L. Jaidi, professeur d'économie, Université Mohamed V à Rabat et président de la FondationAbderrahim Bouabid, Maroc; N. Alaoui, avocate au barreau de Kénitra, coordinatrice destribunaux arabes contre la violence et présidente de l'Union de l'action féminine.

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30 Larbi Jaidi, Nezha Alaoui

réaffirme le double ancrage du Maroc dans la politique de vOlsmagerenforcée et dans la politique euro-méditerranéenne revitalisée par le Planquinquennal de Barcelone II. Les deux dynamiques se renforçant dans uneplus grande synergie d'action. Son référentiel, ce sont les expériences lesmieux réussies de l'Espace économique européen et des phases de la pré­adhésion des pays candidats. Ses principes fondateurs: tendre vers uneconvergence réelle, institutionnelle avec l'Union européenne; agir dans lacoresponsabilité et la codécision pour un partenariat multidimensionnel.

Les deux partenaires ont donc décidé de revisiter le cadre contractuelqui les lie et d'anticiper sur la trajectoire future du partenariat et lui faireouvrir un nouveau dessein plus ambitieux. Une telle ambition puisesa légitimité politique et sa pertinence stratégique dans la recherched'une convergence entre le projet de société que le Maroc est en trainde construire et les ambitions de l'Union européenne de promouvoir,à l'échelle de son voisinage, les valeurs d'ouverture, de progrès et deprospérité. Cette convergence devrait aider aujourd 'hui à se projeter versun partenariat privilégié qui soit en mesure de contribuer utilement àl'émergence d'un ordre euro-méditerranéen rénové.

Cette approche a toujours caractérisé la position du Maroc dans sondialogue avec l'UE. Elle illustre également la volonté et la capacité dupays à renouveler de manière constante sa relation avec l'UE par le biaisd'initiatives nouvelles et ambitieuses. Celles-ci se sont souvent traduitespar des propositions de coopération renforcée à même de tirer vers le haut leprocessus d'intégration euro-méditerranéenne. Le Maroc considère que lerenforcement de l'intégration euro-méditerranéenne requiert l'introductiond'un degré important de flexibilité dans un partenariat à « plusieurs» surle plan bilatéral, mais aussi sous-régional, ou thématique entre pays nonvoisins, car le processus Euromed ne saurait se résumer à une simplejuxtaposition d'accords d'association.

Le Statut avancé ne procède donc point d'une tentation de singularisationou d'un quelconque réflexe d'exclusivité. Il se veut plutôt une contribution,modeste et lucide à la fois, du Maroc à la nécessaire inflexion quedevra connaître la gouvernance de l'espace euro-méditerranéen, car lanouvelle géo-économie telle qu'elle est en train de se développer, lesenjeux sécuritaires qui émergent et l'imbrication croissante des intérêtsstratégiques interpellent les partenaires pour concevoir, au sein de l'espaceeuro-méditerranéen, une approche rénovée du concept de voisinage, de

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Le « Statut avancé » Maroc/UE : quelle valeur ajoutée à la PEY ? 31

manière à maîtriser les impératifs de la mondialisation, à en capitaliser lesatouts et à affronter les défis et menaces à la sécurité collective.

Quelques limites de la zone de libre-échange bilatéral

La mise en place de la zone de libre-échange inscrite dans l'Accordd'association UE-Maroc signifiait essentiellement le passage progressif d'unrégime préférentiel fondé sur des concessions commerciales unilatérales etasymétriques octroyées par l'UE aux exportations manufacturées marocainesà un accord d'association de nouvelle génération devant déboucher surla mise en œuvre de concessions commerciales réciproques. Une telleréciprocité - en l'absence d'une libéralisation plus significative des échangesdes produits agricoles - ne signifie en définitive rien d'autre que l'ouvertureprogrammée, sur une douzaine d'années, du marché marocain aux productionsindustrielles en provenance de l'Union européenne. Le démantèlementtarifaire s'est effectué sur une période de douze ans, sur la base de quatrelistes de produits. Le Maroc a supprimé progressivement tous les droits ettaxes d'effets équivalent pour la totalité des marchandises industrielles enprovenance de l'UE. 58,3 % des importations marocaines totales ont ététouchées par le démantèlement (4). L'impact de cet accord sur la création denouveaux flux de commerce entre le Maroc et l'UE dépendra - toutes chosesétant égales par ailleurs - du comportement de l'élasticité des importationsdes partenaires en relation avec la croissance de leur PIB.

Un déficit commercial accentué

Le Maroc cherchait à tirer un gain potentiel de la croissance deséconomies européennes et du courant d'échange qu'elle génère. Mais,sachant que la communauté était un marché déjà relativement ouvert pourles exportations marocaines, il fallait s'attendre à ce que la croissance dumarché européen bénéficie surtout aux entreprises concurrentes par ledouble effet de l'érosion du système préférentiel et de la généralisationprogressive du libre-échange.

Par contre, la réduction des coûts d'accès des producteurs de l'UE surle marché marocain induite par le démantèlement progressif du systèmetarifaire risquait de causer un détournement des flux au profit des offreurs

(4) La liste des catégories de produits et le rythme des réductions tarifaires à l'intérieur descalendriers ont été définis en fonction de la sensibilité des branches industrielles.

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intra-communautaires et au détriment des approvisionnements externes,réduisant ainsi le courant des échanges avec les partenaires.

Le marché européen représente en moyenne 65 % des exportationsmarocaines. En termes de solde commercial, le déficit des échangesindustriels avec la CEE, principal fournisseur (74 %) et client (63,5 %)s'est creusé depuis la mise en place de l'Accord d'association. Leséchanges commerciaux bilatéraux Maroc-UE ont enregistré une croissancemoyenne de l'ordre de 9 % durant les sept dernières années de mise enœuvre de l'Accord d'association Maroc-UE (2001-2008), en s'établissantà 22,85 milliards d'euros en 2008, contre 11,93 milliards euros. Cettesituation est liée à la hausse aussi bien des importations que des exportations.Les exportations sur le marché Européen sont par une évolution fluctuanteet lente (7,76 milliards d'euros en 2008 contre 5,48 milliards en 2001). Lesimportations marocaines ont connu une croissance soutenue depuis 2001,elles sont passées de 6,56 milliards d'euros en 2001 à 14,67 milliards en2008. Le déficit commercial avec l'UE s'est creusé davantage au détrimentdu Maroc, puisqu'il a atteint son plus haut niveau: 6,48 milliards d'eurosen 2008, contre 1,08 milliard en 2001. Ce qui s'est traduit par une chute dutaux de couverture qui s'est établi à 56 % en 2008 contre 83 % en 2001.

En dépit du ralentissement récent, le Maroc a enregistré une légèreaugmentation de sa part du marché de l'UE pour ses exportations deproduits manufacturés. Les effets de l'Accord sur la dynamique desexportations marocaines ont été substantiellement différents selon lestypes de produits exportés. La croissance du marché européen a été plusfavorable aux exportations dont l'élasticité de la demande est élevée.La part de marché du Maroc dans l'Union européenne sur les quinzeprincipaux points forts à l'exportation ne dépasse 10 % que dans lessecteurs de l'habillement. De fait, sa part de marché n'est relativementforte que sur les secteurs à faible intégration de valeur ajoutée. Dans lessecteurs de la construction mécanique et électrique, de l'automobile, dubois et de la chimie, il n'occupe à ce stade qu'une place très modeste, loinderrière ses concurrents méditerranéens et asiatiques.

La concurrence sur le marché européen est très vive. Les principauxconcurrents de l'industrie marocaine demeurent dans le court terme lespartenaires méditerranéens de la Communauté. Il s'agit de la Tunisie(textiles et engrais) et de la Turquie (articles de bonneterie, vêtementsconfectionnés). Le champ de la concurrence s'élargit dans la durée. Il est

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Le « Statut avancé» Maroc/DE: quelle valeur ajoutée à la PEY ? 33

utile de rappeler que nombre de pays qui ne disposent pas de relationsprivilégiées avec la CEE ont dores et déjà enregistré des performancesSur le marché communautaire plus substantielles que les pays qui ontbénéficié de régimes préférentiels dans le cadre d'accords de coopération.La disparition du régime préférentiel a nivelé les conditions d'entrée desconcurrents. Il s'en est suivi une redistribution des parts de marché enfaveur des pays les plus agressifs.

La première manifestation de l'intensification de la concurrence estvenue de la plus large ouverture du marché européen aux entreprises desPays de l'Europe centrale et orientale (PECQ) avant leur admission etde l'Asie. L'Union européenne s'est engagée dans le cadre des accordsd'association avec les premiers et de l'QMC avec les seconds, à ouvrir sonmarché aux concurrents des Pays du Sud et de l'Est de la Méditerranée.Dans plusieurs secteurs sensibles, le Maroc a subi un effet de ciseaux entreles pays d'Asie et les PECQ, qui ont vu chacun progresser leurs parts demarché.

Cette situation est particulièrement vérifiée dans le cas de l'habillementet des cuirs et chaussures. La forte progression relative des PECQpar rapport au Maroc sur le marché de l'Union européenne a résultéessentiellement des nombreux avantages comparatifs de ces pays (formationet qualification de la main-d'œuvre, existence d'un tissu industriel,proximité géographique, disponibilité des services d'accompagnement).Le maintien de la spécialisation actuelle du Maroc aurait des conséquencesParticulièrement négatives sur son économie.

Sous un autre aspect, la concurrence a encore été plus accentuée parles efforts déployés par les entreprises européennes pour défendre leursparts de marché. Ces entreprises déstabilisées ont misé non seulementSur l'innovation et la qualification de la main-d'œuvre mais aussi sur lesrestructurations et les rapprochements pour résister à une concurrence deplus en plus vive sur les prix. Les stratégies adoptées par les entrepriseseuropéennes consistaient à accroître leur croissance externe, grâce à lacoopération entre rivaux dans des domaines d'intérêt commun, aux fusionset aux absorptions.

La concentration des débouchés de l'industrie marocaine sur quelquespays européens est un handicap à l'élargissement de la pénétration desproduits marocains sur le marché unique. Les entreprises marocaines

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restent encore passives face à la dimension « européenne» de l'UE, quece soit par une plus grande pénétration des produits sur des marchésde grande taille (Allemagne, Angleterre, Italie) ou par une plus grandeinsertion sur des marchés de moindre envergure mais fortement porteurs.Le remodelage de la carte de consommation européenne déjà entamé seracertainement et progressivement accentué par l'élargissement de l'Unioneuropéenne. Les entreprises marocaines devraient saisir les opportunitésqu'offrent les perspectives de croissance de ces marchés à fort contenu enimportations.

Un autre aspect de la dimension du marché européen consiste dansla diversité des produits en circulation dans ses différents segments. Or,une observation de la structure des exportations marocaines indique unefaible diversification. Les vêtements constituent près de 50 % des ventesde produits manufacturés. Les produits finis de consommation restentdominés par la confection, la bonneterie, les articles chaussants et lestapis. Les produits alimentaires sont composés en majorité d'agrumes etde poissons. Peu de biens nouveaux ont intégré le panier d'exportationdurant ces dernières années. C'est là aussi une autre source de vulnérabilitédes entreprises nationales dans un marché aux potentialités immenses etlargement diversifiées.

Sur la base de la réciprocité, le Maroc a ouvert progressivement sonmarché local aux produits industriels européens. Le niveau de couverturede la demande nationale en produits manufacturés importés est de 35 %.Les produits en provenance de la communauté représentent une trèslarge partie de ces importations, soit 74 %. Certes, on peut considérerque la libéralisation du commerce extérieur, entamée depuis le milieu dela décennie quatre-vingts, prédisposait l'économie marocaine à évoluerprogressivement vers une zone de libre-échange avec l'Europe. Selonles données disponibles, la moyenne des taux de protection tarifaire dessecteurs industriels varie de 10 % à 45 % selon les activités (5).

(5) Globalement. la protection tarifaire est plus élevée que la moyenne nationale dans l'agro­alimentaire où certains produits sont «surprotégés» (farines. sucre). Les produits textiles secaractérisent aussi par une protection tarifaire plus élevée que la moyenne (notamment pour le filet le tissu en coton). Dans la chimie et la parachimie. la protection est en général modérée. Quantaux industries métalliques. métallurgiques, électriques et électroniques, la protection élevée estlimitée à quelques produits.

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Mais l'établissement de la zone de libre-échange a augmenté lepotentiel de pénétration des produits européens sur le marché intérieur.Cet élargissement a concerné plus sérieusement les secteurs où la part desimportations était encore limitée, où le taux de protection tarifaire étaitélevé et tendait à se réduire et où le degré de compétitivité des industriesnationales était faible.

L'inadaptation de la politique industrielle au contexte del'ouverture

Les effets de la zone de libre-échange sur le tissu industriel etl'estimation de ses avantages nets pour l'économie marocaine ont variéen fonction des secteurs, de leur degré d'ouverture préalable et de leurniveau de compétitivité. On s'attendait à ce que la progressivité de miseen application de ce projet et les dispositions générales et particulièresqui ont accompagné sa mise en œuvre (Programme Meda, notamment)permettraient d'envisager une ouverture sans heurts. A la conditionévidemment que les politiques d'accompagnement soient efficientes etque les choix opérés s'inscrivent dans la perspective d'une stratégieindustrielle à moyen terme. Ce ne fut pas le cas. Il a fallu attendre l'année2005 pour voir le Maroc s'engager dans une nouvelle politique industrielleen mettant en place un programme volontariste, ciblant des secteursporteurs et mettant en place des dispositifs transversaux pour relever lacompétitivité de l'industrie marocaine (6). Ce programme ne peut avoirde retombées effectives à moyen terme. Dans cette phase de transition, lesystème productif national, atomisé en unités petites et spécialisées dansles séries courtes ou de ré-amortissement, est resté exposé aux chocs del'ouverture, ne disposant pas d'une capacité compétitive élevée face àl'intensification de la concurrence interne et externe.

Au-delà du comportement des indicateurs de performance (croissancemOyenne à un rythme de 3,2 par an entre 2000 et 2007) et en dépit dela diversité de ses activités, l'industrie marocaine continue de souffrirde profonds déséquilibres qui l'handicapent face à l'ouverture de sesfrontières. La compétitivité ne requiert pas seulement une capacité às'insérer dans un processus d'ouverture dans une phase donnée mais aussi

--,-----(6) Le Programme Emergence a été adopté par le ministère de l'Industrie en 2004. Sa mise enœUvre est plutôt lente à se dessiner.

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l'existence d'un appareil de production diversifié capable de générer unecroissance de longue durée. Dans cette perspective, la composition du tissuindustriel, sa densité et sa répartition harmonieuse dans l'ensemble dessecteurs et des tailles sont également des facteurs d'efficacité.

L'inégal développement entre les différentes activités est un desaspects des distorsions du tissu industriel. Les industries de transformationrestent principalement axées sur la production de biens de consommationqui concerne près de 50 % de la production totale, alors que les biensd'équipement comptent pour moins d'un dixième. Dans leur grandemajorité, les produits fabriqués reçoivent un faible degré de transformation,et le taux de valeur ajouté ne progresse pas suffisamment. La diffusiondu tissu industriel sur l'ensemble du territoire est trop lente. Le manqued'intégration de l'industrie nationale est un autre aspect des déséquilibresqui la caractérisent. Il se manifeste dans l'inarticulation de la croissanceindustrielle à celle des mines et de l'agriculture. La faiblesse del'intégration apparaît aussi dans la médiocrité des échanges croisés ouintra-industriels.

La croissance de l'industrie nationale demeure une croissance à faibleproductivité. Bien plus, les indices d'évolution de la productivité réelledans l'industrie nationale montrent une régression dans 8 branches sur15 entre 1999 et 2005. Il s'avère que les secteurs traditionnellementexportateurs ne font pas preuve d'innovation dans l'organisation dutravail et enregistrent des pertes de productivité. Une des causes de cetterégression est le vieillissement de l'appareil productif dans certainesbranches. La deuxième raison est le sureffectif dans certaines branches etentreprises publiques. Enfin, le bas niveau des salaires ne stimule pas le

rendement.

Des stratégies d'entreprise peu évolutives

Parallèlement à la nécessaire amélioration de l'environnementnational, tâche qui interpelle plus fondamentalement les pouvoirs publics,l'entreprise nationale est aussi appelée à relever les défis qui la concernent,plus particulièrement pour espérer un positionnement favorable dans ladynamique du marché européen. L'examen du tissu industriel nationalface aux mutations de l'environnement révèle sa profonde hétérogénéité.La densification du tissu par les nouvelles créations d'entreprise cache

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Le « Statut avancé» Maroc/UE : quelle valeur ajoutée à la PEY ? 37

un déséquilibre entre les unités qui le composent. D'un côté, il y a uneprédominance de PMI (moins de 50 employés) qui forment plus de70 % du total des unités industrielles; d'un autre côté, un petit noyau degrandes entreprises dont la plupart sont des sociétés publiques dont leseffectifs dépassent les 500 personnes. Il s'agit de distorsions structurellesqui freinent la réalisation d'une croissance soutenue et régulière. Dufait des limites de la taille, ces entreprises mènent moins d'actions dansles domaines essentiels de la compétitivité: formation, organisation,technologie. La raison est liée à la faible technicité du management, leséquipes dirigeantes étant naturellement peu importantes. La compétitivitéintrinsèque des entreprises dépend de la compétence accumulée pourtraiter ces fonctions stratégiques.

Les entreprises nationales devaient donc répondre au changement del'environnement par des stratégies adaptées. Or, les entreprises nationalesn'ont pas encore assimilé que les avantages comparatifs, les structuresdu marché et les comportements ne peuvent être considérés comme desdonnées. Elles n'ont pas encore compris que la compétitivité est un jeuséquentiel résultant d'une série d'interactions entre des acteurs actifs. Unjeu dans lequel la mise en œuvre des nouvelles formes d'organisation,l'ouverture de nouveaux marchés et l'introduction de nouveaux produitset procédés mettent continuellement en cause les positions acquises etmodifient les règles du jeu.

La reconnaissance généralisée des normes constitue des acquis dediscipline visant à la qualité régulière des produits. Une inquiétude semblepersister auprès de quelques producteurs nationaux de voir ces instrumentsutilisés pour faire obstacle à un accès libre au marché. Surtout en ce quiconcerne les normes externes c'est-à-dire l'emballage, les conditions decommercialisation, de transport et de manutention. On observe un retardde l'entreprise marocaine à mettre sur le marché des produits conformesaux normes internationales.

Il était donc particulièrement recommandé de renforcer la taille desoffres et consolider les positions acquises par des économies d'échellePOUvant conduire à des effets susceptibles, dans les secteurs concernés, dedéboucher sur des gains importants: un accroissement de la production,Une nouvelle répartition de la production entre les entreprises et uneréallocation des actifs. Cette perspective appelait une restructurationdes entreprises dont l'avantage est d'accélérer l'entrée sur de nouveaux

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marchés ou la réalisation de nouvelles productions à moindre coût. Deplus, la mise en commun de ressources pouvait fournir des financementsà des conditions plus favorables; elle pouvait également répartir les coûtsfixes élevés et améliorer le savoir-faire technologique. Or, de ce point devue, le programme de mise à niveau des entreprises marocaines a accuséun retard particulièrement handicapant. Ses dispositifs, ses mécanismesd'appui (financement), son ciblage ont souffert de grandes insuffisances etont accentué la réticence des entreprises à adhérer à ce programme.

La dynamique du marché unique a eu des implications sur le secteur dela distribution de l 'DE. Ont ainsi été mises en œuvre des associations seconcrétisant par des prises de participation croisées, voire des fusions. Lacollaboration entre distributeurs (achats groupés, marques commune, etc.)est aussi une méthode de plus en plus suivie pour affronter le grand marchédans de bonnes conditions. Ces modes de collaboration renforceront lapuissance d'achat face aux producteurs notamment des petits pays commele Maroc. Plus précisément, le regroupement des approvisionnements apermis à ces grands distributeurs de rechercher des fabricants nationauxsusceptibles de produire à façon et de favoriser l'obtention de grandesséries. Les entreprises exportatrices marocaines ne sont pas parvenues àrenforcer leur pouvoir de négociation face aux grands distributeurs, ellesn'ont pas initié des actions en commun qui auraient permis de répartir lesrisques et d'explorer davantage de pistes. Elles ont souffert d'un manqued'effets de complémentarité par la combinaison d'informations sur lesmarchés et de capacité en matière de marketing.

L'entreprise marocaine avait un grand avantage à gérer les changementsimpulsés par la réalisation du marché européen et les accords d'association(dimension, concurrence, normalisation des produits, etc.) en développantune stratégie de coopération multiforme avec les entreprises européennes(commerciale, productive, technologique). L'objectif étant de créer et devaloriser des relations communes denses et variées en vue de maîtriserà long terme la présence sur les marchés. Il est généralement admis quel'impact favorable de l'accord de libre-échange sur le solde commercial nese produira qu'à long terme lorsque des investissements étrangers aurontpermis de renforcer les structures productives de l'économie récipiendaire.Les délocalisations vers le Maroc ne représentent actuellement, selontoute vraisemblance, qu'une part limitée des délocalisations européennesvers l'ensemble du monde. Elles sont principalement le fait de PME

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Le « Statut avancé » Maroc/UE : quelle valeur ajoutée à la PEY ? 39

investissant sur place ou recourant à la sous-traitance, dans des secteursbien précis et limités: textile-habillement, cuirs, construction électrique,biens de consommation courante. Quelques grandes entreprises sont pourleur part présentes dans des secteurs tels que l'électronique (SGS Thomsonau Maroc) ou la construction mécanique (Merlin-Gerin).

L'encouragement de la délocalisation appelle une identification desconditions et des secteurs dans lesquels pourraient se développer à moyenterme des partenariats industriels plus étroits avec le Maroc, permettantaux entreprises européennes de demeurer compétitives par rapport à leurshomologues occidentales et aux entreprises marocaines de conquérir desparts de marché dans ces pays et de maîtriser ainsi une situation plusconcurrentielle de plus en plus marquée.

Le Statut avancé: une feuille de route ancrée sur le Plan d'action

Les engagements réciproques qui figurent dans ce document conjointtracent une feuille de route pour le développement progressif et soutenudes relations bilatérales dans de nombreux domaines. Les actions etpropositions retenues couvrent les dimensions politique, économique,financière et humaine ainsi que la participation du Maroc à certainsprogrammes et agences communautaires. Les partenaires considèrentque le Statut avancé devra se traduire par un raffermissement de lacoopération politique entre le Maroc et l'Union européenne en vue d'uneplus grande prise en compte de leurs priorités stratégiques respectives,par une intégration progressive du Maroc au marché intérieur de l'UEaVec notamment un soutien financier approprié et en phase avec l'ampleuret le caractère ambitieux de cette nouvelle évolution. Le Statut avancéa également pour vocation une plus grande implication des entitésterritoriales, des acteurs économiques et des partenaires sociaux des deuxParties dans l'objectif de promouvoir les synergies entre ces intervenantset de concrétiser l'appropriation commune de ce partenariat.

Le Statut avancé permet de donner une nouvelle impulsion à lacoopération de l'UE avec le Maroc, et demain avec les autres paysimpliqués dans la PEY, notamment en relevant le dialogue politique,en renforçant les mécanismes de décision conjoints et en augmentant lavisibilité du partenariat. D'un point de vue concret, les actions retenuestracent une «feuille de route» évolutive pour le développement desrelations bilatérales UE-Maroc. On peut s'interroger sur la valeur ajoutée

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du Statut avancé par rapport aux engagements pris dans le cadre de la PEYet du Plan d'action établi à cet effet.

Le dialogue politique et stratégique : une dimension de « plus»

Le projet de « Statut avancé» apparaît dans un premier temps comme unappui aux réformes politiques réalisées par le Maroc ces dernières annéespour faire progresser la démocratisation et la modernisation de la société, quibénéficient de l'appui de l'UE, notamment le programme de modernisationdu système judiciaire en vue d'instaurer davantage d'indépendance etd'impartialité, Le programme de modernisation de l'administration a étélancé afin de renforcer les capacités de l'administration et de la rendre plustransparente et plus accessible pour les citoyens, la décentralisation et ladévolution accrue de pouvoirs aux collectivités locales.

Le Maroc joue un rôle de pointe à cet égard. Des progrès importantsont été accomplis grâce à la mise en place d'un mécanisme législatif deprotection et de promotion des droits de l'homme, notamment par l'adoptiond'une loi réactualisée contre le recours à la torture, en conformité avec lescritères des Nations Unies. Les réserves relatives à un certain nombrede conventions sur les droits de l'homme ont été levées. Des progrèsont été réalisés dans le domaine de la liberté de la presse. La réformedu code de la famille en 2004 a permis de grandes avancées concernantl'élaboration d'un cadre juridique garantissant l'égalité entre les hommeset les femmes. Le Maroc a aussi renforcé sa politique sociale à traversles objectifs poursuivis par l'Initiative nationale pour le développementhumain, qui accorde la priorité aux investissements dans les zones lesmoins développées du pays et vise à fournir les services de base qui fontcruellement défaut, tels que l'eau potable et l'enseignement.

Toutefois, si des avancées concrètes sont été réalisées en matièrede démocratie et des droits de l'homme, les réformes restent encore àconsolider ou à entreprendre. Des entraves à la liberté subsistent, lesdysfonctionnements du système judiciaire risquent de vider de leurcontenu les réformes législatives entamées. La réforme de la justice,annoncée comme prioritaire, est ainsi un défi essentiel qu'il est urgent derelever pour asseoir durablement l'État de droit, assurer une protectionefficace des citoyens et améliorer le climat des affaires.

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Le « Statut avancé » MaroclUE : quelle valeur ajoutée à la PEY ? 41

C'est la dimension politique des engagements prévus par les deuxparties et consignés dans le document en référence qui apporte un « plus»aux initiatives et programmes déjà lancés. Dans le document conjoint, lesdeux parties attachent au Dialogue politique et stratégique du Partenariatune importance primordiale. Aussi, le Maroc et l'UE envisagent unesérie de dispositions de concertation: il en est ainsi de la possibilitéd'organiser un sommet Maroc-UE ; de tenir des réunions à New York entrele ministre des Affaires étrangères du Maroc et le Haut Représentant del'UE; d'organiser des réunions informelles entre le ministre des Affairesétrangères du Maroc et ses homologues européens; de prévoir uneParticipation des ministres des départements sectoriels du Royaume duMaroc avec leurs homologues européens; d'envisager une participation del'Ambassadeur et/ou haut(s) fonctionnaire(s) du Royaume du Maroc auxréunions des comités et groupes du Conseil de l'Union européenne.

Toutefois, cette série de propositions a fait l'objet tout simplement d'unaccord de principe pour tenir des réunions sur une base ad hoc, en margedes réunions régulières du Conseil des ministres de l'UE et des enceintesmultilatérales du système des Nations Unies et d'autres organisationsinternationales. L'objectif d'assurer une meilleure coordination despositions des deux partenaires est retenu, mais les modalités de laconcertation restent à définir d'un commun accord et au cas par cas.

Un appel a été adressé aux institutions parlementaires pour la créationd'une commission mixte Parlement marocain-Parlement européen. Cesinstitutions seront formellement saisies pour l'obtention pour le Parlementmarocain du statut d'observateur à l'Assemblée parlementaire du Conseilde l'Europe. Un autre engagement a été prévu dans les dispositifsannoncés en vue d'assurer une cadence régulière des réunions du DialoguePolitique renforcé. Des réunions thématiques entre le Maroc et l'UE(secrétariat général du Conseil/Commission) seront programmées, mais leschamps de ces réunions thématiques n'ont pas été arrêtés. Ils concernentvraisemblablement la question de la démocratie, des droits de l'homm etde la sécurité collective.

Par ailleurs, la coopération sur les questions régionales et internationalesainsi que sur les menaces communes est un axe majeur des relations entreles deux partenaires dans la perspective de promouvoir la paix et lastabilité et de contribuer à la prévention et à la résolution des conflits. Il enest ainsi du conflit du Sahara occidental qui demeure un obstacle majeur

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sur la voie d'une plus grande stabilité régionale, de la coopération et dela prospérité. Il en est de même de la gestion commune de la pressionmigratoire sur les frontières méridionales de l'Europe en convenant quel'immigration clandestine doit être traitée dans le contexte plus large d'undialogue et de la coopération transfrontalière avec tous les pays d'Afriquedu Nord, car l'immigration clandestine est une question qui relève d'uneresponsabilité commune et nécessite une approche régionale dans uneoptique de co-développement.

Le principe d'un accord-cadre pour la participation du Maroc auxopérations de gestion des crises (civiles et militaires) avec l'UE a été retenudans la perspective de renforcer lacoopération et le dialogue Maroc-UE dansle cadre de la PESO. Cet objectif présuppose cependant le développementd'une réflexion commune pour une gestion co-responsabilisée des enjeuxsécuritaires. Cet exercice devrait à cet effet passer par la définitiond'une culture commune de la sécurité. Ce cheminement vers une gestioncoresponsable des enjeux sécuritaires reste tributaire de trois paramètresmajeurs:

- l'intégration de la rive sud comme un partenaire actif de l'espaceeuro-méditerranéen;

-la consolidation d'un environnement géopolitique favorable qui passeinéluctablement par l'engagement actif de l'UE pour la consolidationdu Maghreb;

-l'approfondissement du dialogue de sécurité dans le cadre de la PESO,ce qui serait de nature à donner aux partenaires méditerranéens unebonne visibilité.

Le Maroc apporterait en outre son soutien aux déclarations PESCau cas par cas. La coopération au sein du programme régional Euromedsur la prévention, la préparation et la réponse aux désastres naturels serapoursuivie. Il en est de même du développement du partenariat pour lapaix et la sécurité en Afrique: notamment à travers une contribution duMaroc à la Facilité de la paix pour l'Afrique.

Sur le volet de la Coopération sécuritaire, la feuille de route proposed'approfondir la coopération par la conclusion d'accords (entre le Maroc etle CEPOL); entre le Maroc et l'Office européen de police (Europol). L'UE etle Maroc ont choisi de renforcer leur coopération en matière de lutte contrele terrorisme international. Le Plan d'action avait amorcé la coopération

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dans ce domaine par des dispositions antiterroristes approuvées dans lecontexte de la Politique européenne de voisinage et qui dessinent le cadred'un dialogue structuré et stratégique sur la lutte contre le terrorisme. Lesdeux parties avaient retenu huit axes de coopération portant essentiellementSur la formation et l'assistance technique. Toutefois, le Maroc considèreque le terrorisme ne doit pas détourner l'attention des véritables enjeuxet défis de la région, qui demeurent l'instauration d'une paix durable,le développement socio-économique, la consolidation démocratique etla promotion du rapprochement culturel et humain. Dans le domaine dela coopération judiciaire et de la promotion des droits de l 'homme, ledocument conjoint prévoit un agenda d'actualisation et d'harmonisationdu cadre conventionnel et la création d'instruments spécifiques pour ledéveloppement des mécanismes de contrôle des frontières.

L'intégration profonde ou l'affirmation d'une volonté

Le Maroc attend de l'évolution vers le Statut avancé avec l'Europeune opportunité d'approfondir son accès au marché communautaire etde franchir un «jalon» additionnel dans la perspective d'une intégrationapprofondie de son économie dans le marché unifié européen. La feuillede route affirme la volonté de mettre en place un espace économiquecommun, entre l'UE et le Maroc, caractérisé par une intégration pousséede l'économie marocaine à celle de l'UE. Cet objectif est recherché parla mise en œuvre d'actions conjointes dans quatre axes complémentaires:le rapprochement du cadre législatif du Maroc à l'acquis communautaire,la conclusion d'un Accord de Libre-échange global et approfondi, laCoopération économique et sociale et l'adhésion du Maroc aux réseauxtranseuropéens et coopération sectorielle.

L'intégration du Maroc au marché intérieur de l'Union européenneconstitue un objectif ambitieux qui ne peut être atteint qu'à traversun processus graduel et séquencé, basé sur la reprise progressive del'acquis communautaire de l'UE. Il faut observer que l'effet positif dudémantèlement tarifaire a été freiné par l'augmentation des obstacles non­tarifaires mis en place sur le marché intérieur européen. Ce mouvementest un processus continu qui vise la protection du consommateur etla protection de l'environnement. La législation de l'accès au marchéeuropéen repose sur un dispositif constitué par un ensemble de quelque2000 directives et 650 000 normes. Compte tenu de l'importance du

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marché européen pour les exportations nationales (60 % des exportations

en moyenne), la question de la transposition des normes européennes est

donc un sujet prioritaire.

La reprise de l'acquis communautaire sera probablement un processus

long et coûteux. Elle implique des investissements notamment dans le

domaine de l'environnement, de la santé et de la sécurité au travail et

de la santé publique. Elle suppose une modernisation dans nombre de

secteurs. Des structures administratives efficaces, du personnel formé

sont nécessaires pour mettre en œuvre la réglementation communautaire

dans ces domaines ainsi qu'en matière de protection des consommateurs,

de règles phytosanitaires et vétérinaires et de contrôle des frontières

extérieures. L'ampleur de la tâche sur le plan législatif, administratif ou

financier et les obstacles d'ordre politique expliquent les demandes de

coopération technique et de périodes transitoires formulées par le Maroc.

Pour les pays de candidats à l'adhésion, la Commission européenne

avait défini un cadre pour les périodes transitoires. Elle proposait d'opérer

une distinction. En s'inspirant de ce modèle, le Maroc pourrait mieux

cibler les domaines liés à l'approfondissement du marché unique pour

lesquels des mesures réglementaires pourraient être mises en place

rapidement. Pour les domaines de l'acquis dans lesquels des adaptations

considérables sont nécessaires et qui exigent un effort substantiel, et

notamment d'importantes dépenses financières (environnement, énergie

ou infrastructures par exemple), des régimes transitoires pourraient être

étendus sur une période déterminée.

Dans cette logique, il semble nécessaire de s'appuyer en priorité

sur les structures de l'Accord d'association (sous-comités et groupe de

travail) et sur les instruments de la coopération de jumelage, en leur

donnant une nouvelle impulsion afin de systématiser l'approche dans

tous les secteurs. En tout état de cause, il n'apparaît pas opportun de se

prononcer dans ce domaine avant que ne soient ouverts tous les chapitres

de la négociation : seule une vision globale de la négociation permettra

d'envisager une stratégie particulière et, essentiellement, des concessions

mutuelles incluant des périodes de transition.

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Le « Statut avancé» Maroc/UE : quelle valeur ajoutée à la PEY ? 45

L'Accord de libre-échange approfondi et global : tout sauf lamobilité du travail

Le document conjoint fait référence à la nécessité de la conclusion d'unAccord de libre-échange approfondi (ALEA) qui doit permettre à terme« d'instaurer la libre circulation des marchandises (mesures tarifaires etnon tarifaires), des services, des capitaux et de la présence temporaire despersonnes physiques à des fins professionnelles ».

Les négociations commerciales en cours (libéralisation du commercedes services et du droit d'établissement, d'une part, et libéralisation ducommerce des produits agricoles, des produits agricoles transforméset des produits de la pêche, d'autre part) s'inscrivent dans ce cadre etseront complétées par de nouvelles négociations sur d'autres aspects del'Accord. Les nouvelles négociations devraient prendre en considérationla sensibilité de certains secteurs, prévoir une asymétrie des engagementset une progressivité de leur mise en œuvre.

Un ensemble de mesures, formant un ensemble indivisible et cohérent,Sont suggérées dans le document conjoint pour concrétiser l'ALEA d'unpoint de vue opérationnel: il s'agit notamment de l'accès aux marchéspublics, de la facilitation de l'accès au marché pour les produits industriels,des mouvements de capitaux et des paiements, des mesures sanitaires etPhytosanitaires, des droits de la propriété intellectuelle et industrielle, de laPolitique de concurrence, de la protection du consommateur... Cette listen'est pas exhaustive, et elle sera accompagnée de mécanismes d'alerteou de consultation rapide en matière de mesures ayant un impact sur lecommerce et l'investissement.

Dans ce cadre, lors des négociations Maroc-UE en matière delibéralisation des échanges agricoles, le Maroc avait réitéré son engagementdans ce processus en vue de mettre en place un partenariat réel fondé surUne ouverture progressive et maîtrisée des marchés et adaptée aux réalitéssocioéconomiques du Maroc.

Le chapitre agricole représente une part importante du commerce totalentre l'Union et le Maroc. Les importations agricoles communautairesen 2005 se sont élevées à plus de 13 % du commerce bilatéral et leseXportations agricoles de l'Union vers le Maroc ont représenté 5 % deseXportations totales vers le Maroc. Depuis l'entrée en vigueur de l'accord

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d'association en 2000, les échanges agricoles sont soutenus et font preuved'un dynamisme constant. Cette tendance devrait connaître un sautquantitatif et qualitatif à l'issue des nouvelles négociations que les deuxparties ont entamé en 2006 sur la base de la feuille de route agricole élaboréà la suite des recommandations de la rencontre des ministres Euromed desAffaires étrangères tenue à Luxembourg (31 mai 2005).

Dans la perspective d'une libéralisation des échanges agricoles, leMaroc propose une approche par produit et l'aménagement de périodesde transition. La libéralisation ne peut être que modulée, progressiveet asymétrique. Durant la période de transition, des aides sociales oustructurelles pourraient en outre favoriser la modernisation des exploitationset l'emploi, dans le cadre de programmes de développement agricoleet rural. Un autre volet, et non des moindres dans cette approche, seraitl'appui au développement rural fondé sur la multifonctionnalité. Un appuiqui tendrait à maintenir une agriculture dans les zones en difficulté, par ledéveloppement des infrastructures et services de base, la promotion d'uneagriculture diversifiée et porteuses de valeur ajoutée et le développementd'activités alternatives comme l'artisanat et le tourisme.

L'offre marocaine obéit à deux principes: d'une part, assurer unmeilleur accès au marché communautaire pour les produits marocainset, d'autre part, fixer des délais suffisants pour gérer les transitions etl'accompagnement de l'UE dans le cadre de l'ouverture du secteuragricole marocain. Toutefois, force est de constater que les négociationssur cette libéralisation portent essentiellement sur la vitesse et la méthodepour y parvenir au détriment des enjeux et limites liés à une ouverturebrutale des marchés agricoles. Pour le Maroc, ces enjeux sont liés à unedimension économique, sociale et environnementale. En revanche pourl'UE, les enjeux se posent en termes de concurrence exercée par lespays méditerranéens, surmontée par une régulation et une gestion desmarchés.

Toujours dans le même domaine de l'intégration approfondie, lalibéralisation des services constitue un autre enjeu de l'accès au marché.Les services représentent ainsi 39 % du PIB du Maroc et 23 % de sesrecettes en compte courant. Une ouverture plus grande et efficiente desactivités de services permettrait des gains sensibles en PIB et pourraitrevigorer le partenariat. Dans le cadre de l'Accord d'association, il n'existepas de liste séparée pour la libéralisation du commerce des services au-

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delà de celles mentionnées par l'AGCS lui-même. La question de lalibéralisation des services s'annonce plus complexe que celle des biens.La fourniture est généralement peu transfrontalière, et elle implique laproximité du fournisseur et du client et le déplacement des personnes; lesimperfections du marché sont nombreuses et il y a des difficultés à mettreen place des régulations concurrentielles. L'hétérogénéité des servicesrende difficile l'adoption d'un cadre commun. Il y a d'abord les servicesproduits (le tourisme), la construction, les professions indépendantes, lepetit commerce. Il y a aussi les services facteurs qui agissent sur les prixou sur l'investissement (les banques, les assurances), il y a ensuite lesservices réseaux à externalités fortes. On peut distinguer entre les servicesà la personne (moins mobiles, le coiffeur, l'infirmière) et les services quine sont pas à la personne (comptabilité, consulting, centres d'appels ... ).Les deux partenaires estiment que la libéralisation des services doit êtreadaptée à la situation particulière de chaque sous-secteur, afin de ménagerles transitions nécessaires. Si elle doit être compatible avec les règlesfiXées par l'OMC, elle doit aussi être envisagée dans une perspective deCO-développement entre le Maroc et l'Union européenne, en privilégiantles activités de service les plus créatrices d'emplois au Maroc caractérisépar un nombre élevé de jeunes chômeurs diplômés.

La migration: le domaine évacué

La coopération dans la mise en œuvre de l'approche globale dans ledomaine de la migration est assurément la partie la moins approfondie dela feuille de route. Tout en reconnaissant l'importance de la coopérationdans ce domaine, l'UE affirme qu'elle ne serait prête à la développer quelorsque les négociations relatives à l'accord de réadmission auront étéachevées avec succès. Sur cette question, l'UE maintient sa position surla présomption de la nationalité marocaine pour demander la réadmission,et le Maroc n'accepte pas la clause du «silence vaut consentement»de réadmission dans le cas de dépassement du délai de réponse. LeMaroc demande aussi que « le paquet» de l'accord de réadmission soitaCCompagné d'un accord de facilitation de visa, d'actions de réinsertiondédiées aux réadmis, d'un mécanisme de promotion de la migration légaleet d'un appui technique et financier pour la mise en œuvre de l'accord.

L'DE n'a pas encore donné d'indications sur ce paquet de réadmission.Dans ce contexte, le Maroc considère qu'il ne peut faire davantage de

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concessions à ce stade des négociations dont la partie la plus difficilereste encore à mener sur la question de la flagrance et le procédurier yafférent, d'autant plus que l'accord sera lourd de conséquences, notammentfinancières, pour le Maroc et nécessitera par conséquent des mesuresd'accompagnement pour la réussite de sa mise en œuvre. Dans le mesureoù il n y a pas de vide juridique à l'heure actuelle, puisque les accordsbilatéraux sont en place avec les Etats de l'DE qui accueillent les plusforts contingents de la communauté marocaine, donner le temps au tempssemble être le point de convergence des deux parties sur cette question.

Faut-il néanmoins rappeler que l'DE propose, à travers le conceptde partenariat de mobilité, une nouvelle démarche pour la coopérationavec les pays tiers qui collaborent dans la lutte contre la migrationclandestine et ce, selon un paquet de mesures qui pourrait comprendredes possibilités de migration légale, une assistance pour développer lescapacités de gestion des flux migratoires légaux, des mesures contre lafuite des cerveaux et l'assouplissement des procédures de délivrance devisas de court séjour. Le Maroc est déjà pleinement engagé dans la luttecontre la migration clandestine, notamment à travers les négociationsen matière de réadmission, le renforcement des contrôles aux frontières(11000 hommes dont 5600 affectés à la surveillance du littoral), leséchanges d'informations et la lutte contre le trafic des migrants et la traitedes êtres humains (7). Mais à ce jour, les choses ne sont pas claires en cequi concerne ce nouveau concept. Les discussions en sont à peine à leursdébuts. Elles devraient concerner les questions de fond, notamment pourdéfinir les contours du partenariat pour la mobilité et, éventuellement, voirquels sont les pays avec lesquels il est souhaitable d'initier des projets.Plusieurs pays européens ne sont pas très convaincus de l'opportunitéde ces partenariats pour la mobilité. Certains pays tels que l'Espagne, lePortugal, l'Italie et éventuellement l'Allemagne sont disposés à offrir despossibilités de réalisation de projets-pilotes en matière de migration légaleavec les pays tiers.

Le Maroc est mieux placé dans la région de l'Afrique du Nord pourcoopérer à la réalisation d'un projet-pilote dont la réussite permettrad'assurer la viabilité de ce nouveau concept de partenariat pour la mobilité.Le « paquet réadmission» demandé par le Maroc lors du 12e round des

(7) Le Maroc vient d'adopter au début du mois de juillet 2007 un projet de loi instituant la carted'identité nationale biométrique permettant de s'assurer de l'authenticité du document.

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négociations en matière de réadmission avec l'UE pourrait-il trouvercertains éléments de réponse dans le partenariat pour la mobilité?

Les programmes et agences de l'Union européenne: uneparticipation sélective et conditionnée

Le Maroc, à l'instar des autres pays partenaires de la Politiqueeuropéenne de voisinage (partenaires PEY), peut participer aux agenceset organismes associés à la gestion des politiques européennes ou auxprogrammes de mise en œuvre des politiques communautaires. La PEYprévoit cette possibilité en général dans les plans d'action PEY, et le Marocavait déjà manifesté son intérêt dans ce cadre.

C'est la Commission européenne qui a établi un inventaire desagences et des programmes auxquels les pays PEY pourraient participeret défini, sur cette base, les modalités à suivre (8). La participationoffre un moyen d'encourager le renforcement des institutions et descapacités administratives nécessaires pour concrétiser leur participation.Elle constitue également un moyen pour renforcer les processus deréformes ainsi que le rapprochement avec les normes communautaires,conformément aux objectifs de la PEY et aux plans d'action PEY.

Le Conseil européen de juin 2007 avait permis à la Commissioneuropéenne d'ouvrir, de manière officielle, les négociations avec ungroupe pionnier de pays, en vue de leur participation aux travaux desagences et programmes communautaires. Le Maroc faisait partie dela 1re vague des trois pays (Israël, Moldavie, Maroc) avec lesquels laCommission européenne avait commencé à négocier des protocoles­cadres régissant le cadre juridique de leurs participations et les modalitésfinancières y afférentes (9). Cette participation du Maroc reflétait leniveau d'avancement de la mise en œuvre du Plan d'action Voisinageet la capacité institutionnelle de l'administration marocaine à s'inscriredans cette logique novatrice. L'ambition marocaine était de rentabiliser aumieux cette nouvelle perspective.

------~8).L'opportunitéet l'intérêt d'une participation aux agences et aux programmes communautaires~talent identifiés sur la base de l'expérience acquise dans le cadre du processus d'élargissemente l'Union européenne (UE).

(9) Le premier desdits protocoles était conclu avec l'Israël en avril 2008.

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La commission avait arrêté la liste des programmes auxquels lespays partenaires étaient invités à participer (10). En revanche, d'autresprogrammes communautaires ne sont pas ouverts à la participationdes pays de la PEY en raison de leurs objectifs. La participation auxprogrammes est assujettie à l'acquittement d'une contribution financière,variable selon l'agence ou le programme et reposant sur différents facteurs.Cette contribution s'effectue par un apport au budget général de l'Unioneuropéenne. Une aide générique pourrait être prévue au cas par cas lors dela programmation nationale régulière de l'aide communautaire (11).

Dans d'autres cas, la participation peut consister en une simplecoopération. Certaines agences envisagent une coopération sélectiveavec des pays tiers pour des activités spécifiques (12), alors qued'autres (13) prévoient une collaboration informelle. D'autres, enfin,offrent des perspectives de coopération intéressantes qui existent déjà avecd'autres pays tiers (14). En revanche, le Maroc et les autres pays PEY nepeuvent participer à quelques autres agences dont les activités consistent àaider les États-membres à mettre en œuvre les politiques européennes.

L'intégration du Maroc aux travaux des agences devrait s'effectuerde façon progressive et sélective et prendre en compte les intérêts desdeux partenaires, les avantages mutuels, les conditions à remplir ainsi quela capacité d'absorption des agences concernées. Avant que les accords

(10) Il s'agit du programme-cadre pour la compétitivité et l'innovation, des programmesDouane 2013, Pericles, IDABC, SESAR (EN), MEDIA 2007 et Marco Polo ainsi que lesprogrammes sur la santé publique (2007-2013) et la protection des consommateurs (2007-2013).Certains programmes prévoient des modalités de coopération spécifiques comme le programmeCulture, le programme d'éducation et de formation tout au long de la vie, le 7' programme-cadrede recherche, le programme Hercules II, certains projets relevant du programme-cadre «Droitsfondamentaux et justice» ainsi que les programmes de coopération transfrontalière, transnationaleet interrégionale du Fonds européen de développement régional (FEDER).(II) Afin de stipuler les conditions générales de leur participation, des protocoles aux accordsde partenariat et de coopération et aux accords d'association avec les pays partenaires PEY sontétablis. Ces protocoles prennent la fonne d'accords-cadres. Ils peuvent être négociés avec lespartenaires ayant déjà conclu des plans d'action PEY. Des mémorandums d'entente propres àchaque programme fixent ensuite les règles régissant la participation de chaque pays individuel.Cette procédure pennet une simplification du fonnat d'accord sur les conditions spécifique deleur participation.(12) Comme Eurofound,(13) Tel que le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC)(14) C'est le cas l'Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle auxfrontières extérieures des États membres de l'Union européenne (Frontex), l'Office européen depolice (Europol) et l'Unité de coopération judiciaire européenne (Eurojust) (EN).

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Le « Statut avancé» Maroc/UE : quelle valeur ajoutée à la PEY? 51

de participation ne soient conclus, une phase de familiarisation avec lesagences concernées sera mise en place. Cette phase préparatoire permetnotamment d'adapter les législations et les institutions, pour pouvoireffectivement participer à l'agence (15). Dans la phase de transition, leMaroc ne pourra agir qu'en qualité d'observateur.

Des pourparlers exploratoires ont déjà permis d'avancer sur lesmodalités opérationnelles de participation et d'identifier un intérêt mutuelPOur de telles participations. Le Maroc suggérait de promouvoir, dans cecadre, une démarche progressive et à même de lui assurer une participationéquilibrée au niveau des trois piliers (Marché intérieur/ Justice, Liberté etSécurité/PESC). De même, il suggérait de concevoir des mécanismes definancement novateurs qui pourraient, par exemple, s'inscrire dans le cadrede la coopération thématique mise en place par l'Instrument voisinage.

La feuille de route considère que la participation du Maroc à certainsprogrammes et agences communautaires constitue «une opportunitéimportante pour pérenniser les réformes visant notamment à une meilleureintégration du Maroc au marché communautaire ». Le choix de cesprogrammes et agences obéit à un critère de progressivité eu égard àl'avancée du partenariat Maroc-UE. Le Maroc devrait participer auxagences suivantes: Agence européenne de la sécurité aérienne (EASA),Observatoire européen des drogues et des toxicomanies (EMCDDA),Eurojust, l'Institut d'Etudes de Sécurité. Une participation vraisemblable,mais qui demeure sous réserve des procédures de décision prévues par lesstatuts de ces agences. En outre, l'intégration progressive du Maroc, sur unebase de réciprocité et de confidentialité des données, au système d'alerterapide (RASFF) est prévue. De même que l'idée d'établir une relation decoopération entre le Maroc et l'Agence européenne pour l'environnementCEEA) et l'Agence européenne pour la sécurité maritime (EMSA).

Quatreprogrammes semblentmobiliser l'attentiondu Maroc: Programmecompétitivité et innovation (CIP), Douane 2013 (2008-2013), ProgrammeSESAR, Programme Marco Polo. Le Programme SESAR concerne lagestion du trafic aérien. Il vise à assurer la sécurité et l'efficacité desopérations aériennes, aussi bien au sol qu'en vol. Les transports aériens au

------(5) En effet, pour pouvoir participer aux agences européennes dans les domaines de la sécuritédes réseaux et de l'information (EN/SA), de la sécurité aérienne (AESA), de la sécurité maritimei~MSA) et de l'environnement (AEE) ainsi qu'à l'Agence ferroviaire européenne (AFE) et

AUtorité européenne de sécurité des aliments,

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Maroc sont actuellement confrontés à des défis majeurs: politique des tarifs,efficacité, sécurité, convivialité et modernisation technique sont au centredu développement de ce secteur. Ce sont aussi des questions auxquelles estconfrontée la gestion du trafic aérien européen. Le programme SESAR del'UE prévoit le développement d'une nouvelle génération de systèmes degestion du trafic aérien pour permettre à l'industrie européenne de resterà la pointe du développement technologique. Ce programme peut fairefaire école dans la région méditerranéenne. A travers sa participation auprogramme, le Maroc souhaite relever les défis auxquels il est confrontédans ce secteur.

Le programme Marco Polo (2003-2006), quant à lui, vise à déplacerles marchandises de la route vers des modes plus compatibles avecl'environnement. Dans ce contexte, un recours plus fort à l'intermodalité estnécessaire afin de contribuer à une meilleure utilisation des infrastructuresexistantes et des ressources de service grâce à l'intégration du transportmaritime à courte distance, du rail et du transport fluvial dans la chaînelogistique. L'intermodalité est une composante du plan stratégique que leMaroc met en œuvre dans le secteur de la logistique.

Dans le cadre de la stratégie de Lisbonne renouvelée, le programme­cadre pour l'innovation et la compétitivité (CIP) a été adopté pourla période 2007-2013 afin de stimuler la croissance et les emploisen Europe. Le programme-cadre soutient des actions en faveur de lacompétitivité et de la capacité d'innovation au sein de l'Union européenne.Il encourage en particulier l'utilisation des technologies de l'information,des écotechnologies et des sources d'énergie renouvelables. Les actionssoutenues par ce programme-cadre sont susceptibles d'appuyer lesinitiatives et politiques prises au Maroc en faveur du développement de lasociété de la connaissance ainsi que le développement durable reposant surune croissance économique équilibrée.

Enfin, le programme d'action Douane 2013 (2008-2013) dans laCommunauté a pour but de favoriser la mise en place d'une douaneinformatisée paneuropéenne qui garantit que les activités des douanescorrespondent aux besoins du marché intérieur, qui assure la protectiondes intérêts financiers de la CE et qui renforce la sécurité et la sûreté. Leprogramme est susceptible d'aider l'administration douanière du Marocà renforcer le processus de sa modernisation ainsi qu'à simplifier et àaccélérer les procédures douanières pour favoriser les échanges.

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La participation du Maroc à ces programmes et agences est tributairedes modalités opérationnelles et budgétaires qui seront convenues à ceteffet. Le Maroc souhaite bénéficier de l'appui financier communautairepour sa participation à ces programmes et agences. La Communautépourrait prendre en charge une partie des coûts financiers dont lesmodalités devraient être discutées dans le cadre de la négociation surle protocole. Plus fondamentalement, la participation du Maroc à cesagences et programmes dépend de la mise en œuvre par le Maroc desPolitiques et législations sous-jacentes compatibles avec les objectifsde ces programmes et agences. Dans cette perspective, les négociationsentre la Commission et le Maroc concernant le protocole à l'Accordd'association seront accélérées pour définir un accord-cadre permettant laparticipation du Maroc aux programmes communautaires.

Telle qu'exprimée dans le document conjoint, la feuille de routeépouse les priorités établies du Plan d'action UE/Maroc. Son contenuest en conformité avec la vocation et les principes de la PEY. LaPOlitique européenne de voisinage avait effectivement offert de nouvellesperspectives de partenariat notamment: la perspective de progresser au­delà des relations existantes vers un degré significatif d'intégration, ycompris en offrant au Maroc une participation dans le marché intérieurainsi que la possibilité de prendre progressivement part aux aspects­clés des politiques et des programmes de l'UE, l'approfondissement desrelations économiques et commerciales, une revalorisation de l'étendueet de l'intensité de la coopération politique à travers le dialogue politiquerenforcé, la perspective d'une ouverture graduelle ou d'une participationrenforcée à certains enceintes et programmes communautaires, notammentdans les domaines couverts par le Plan d'action. Le Plan d'action aeXprimé une panoplie de priorités de l'Etat marocain dans des domainesqui rentrent dans la perspective de l'Accord d'association aussi bien auniveau politique qu'au niveau économique et social.

Lors de la réunion du septième Conseil d'association, un groupe detravail ad hoc a été chargé de conduire cette réflexion et de faire despropositions au prochain Conseil. Il est spécifié que la mise en œuvre de cespropositions se fera à court et à moyen termes, et aucun calendrier n'a étéretenu dans cette perspective. Le Conseil d'association a tout simplementdonné des instructions aux différents sous-comités et groupe de travailmis en place d'assurer le suivi des différentes mesures techniques qui ont

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été identifiés dans le document conjoint. C'est la réflexion commune quidevait être entamée dès le début 2009 qui spécifiera la nature et la formeque pourrait prendre l'instrument qui prendra la suite du Plan d'actionvoisinage UE et, éventuellement, de l'Accord d'association.

Le « Statut avancé» : une approche extensible à souhait?

Nous disions en introduction que le statut avancé ne procède pointd'une tentation de singularisation ou d'un quelconque réflexe d'exclusivité.Il s'inscrit dans la perspective d'étendre la coopération à l'ensemble despays de la Méditerranée du sud et de l'est et aux pays impliqués dans laPolitique de voisinage. Différentes initiatives prises en 2008 tendent à leconfirmer.

La Jordanie et la Thnisie sur la voie du Maroc

La Jordanie, qui a signé en 2002 un accord d'association, veutaujourd'hui passer à la vitesse supérieure. En novembre 2008, elle ademandé de bénéficier d'un statut avancé dans la perspective de nouerune coopération plus étroite avec l'UE. La Jordanie souhaite devenirplus "euro-compatible" dans certains secteurs (transports, énergie ouenvironnement). Amman espère alors accéder aux financements européenspour développer ces secteurs. Il n'y a pas encore de calendrier fixé pourl'ouverture des négociations. La Jordanie s'inscrit dans la démarche de cequi a déjà été fait pour le Maroc.

La Jordanie a conçu un plan national pour faire avancer les réformespolitiques afin de consolider la démocratie, la responsabilité del'administration, la transparence et la justice dans le pays et pour forgerun modèle de pays moderne islamique et arabe, fondé sur la connaissance.La politique européenne de voisinage se veut une contribution au pland'action économique et social du gouvernement jordanien (2004-2006),qui vise à lancer un processus de réforme socio-économique durable. Ledegré d'ambition des relations entre les deux partenaires dépendra duniveau d'engagement de la Jordanie en faveur des « valeurs communes»et de sa capacité à mettre en œuvre les priorités définis d'un communaccord.

Dans l'immédiat, l'accord d'association reste la base solide decoopération entre rUE et la Jordanie. Mais de nouvelles perspectives

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Le « Statut avancé » Maroc/DE: quelle valeur ajoutée à la PEY? 55

de partenariat sont ouvertes par la Politique européenne de vOlsmage,notamment: la perspective de s'acheminer, au-delà de la coopération, vers undegré important d'intégration économique, y compris par le renforcementde la portée et de l'intensité de la coopération politique, la possibilitéd'une convergence de la législation économique, l'approfondissement desrelations commerciales et économiques pour les étendre progressivementà l'agriculture et au secteur des services, la poursuite de la réduction desobstacles commerciaux et la participation au marché intérieur de l'UE, lapossibilité d'une ouverture progressive des programmes communautairesqui s'y prêtent ou d'un renforcement de la participation jordanienne à cesprogrammes, et par des actions de jumelage pour permettre le respect desnormes de l'UE.

Le Plan d'action constitue une première étape dans ce processus. Leplan d'action définit tout un ensemble de priorités dans les domainesrelevant du champ d'application de l'accord d'association. Parmi cespriorités : l'accent sur la démocratisation de la vie politique dans le cadredu plan national pour le développement politique, le développement de laliberté des médias et de la liberté d'expression et la mise en place d'unernagistrature indépendante et impartiale, la coopération dans le processusde paix au Moyen-Orient et la lutte contre le terrorisme, l'adoption dernesures pour une plus large libéralisation des échanges de marchandises,de produits agricoles, du commerce des services, la gestion efficace desflux migratoires et le développement des secteurs et réseaux de transport,de l'énergie et de la société d'information.

On attend de la mise en œuvre du Plan d'action qu'elle contribue aurespect des dispositions de l'accord d'association, qu'elle soutienne lesobjectifs de réforme nationale de la Jordanie et favorise « la poursuite deSon intégration dans les structures économiques et sociales européennes ».

La Jordanie souhaite rapprocher la législation, la réglementation et lesnormes jordaniennes de celles de l'Union européenne. Cette perspective:ontribueraégalement à poserdes fondations stables en vue d'une intégrationeconomique plus poussée, fondée sur l'adoption et la mise en œuvre derègles et de réglementations économiques et commerciales susceptibles destirnuler les échanges, les investissements et la croissance.

C'est aussi en fonction de la réalisation des objectifs du Plan d'actionet de l'évolution globale des relations entre l'UE et la Jordanie que laPOssibilité d'établir une nouvelle relation contractuelle pourrait prendre

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fonne. L'opportunité de conclure de nouvelles dispositions contractuellessera examinée en temps opportun. Il pourrait s'agir d'un accord européende voisinage dont la portée sera définie en fonction des progrès accomplisdans le respect des priorités fixées dans le plan d'action.

L'Accord d'association avec la Tunisie est entré en vigueur en 1998.Les mesures en vue du démantèlement tarifaire tunisien et de la librecirculation des produits industriels avec l'UE ont pris fin en janvier 2008,deux années avant l'échéance initiale de 2010. La Tunisie est ainsi lepremier pays à avoir franchi cette étape importante vers l'objectif d'établirune zone de libre-échange Euromed en 201016. Les négociations ontdémarré sur la poursuite de la libéralisation progressive du commerce desservices et du droit d'établissement, ainsi que des produits agricoles, desproduits agricoles transfonnés et des produits de la pêche. La finalisationde ces négociations, accompagnée d'avancées dans l'approximationrèglementaire, constitue une nouvelle étape dans les relations UE/Tunisieet vers l'intégration de l'économie tunisienne dans le marché unique.

La coopération institutionnelle, à travers le Conseil d'association UE­Tunisie, et ses sous-comités ou groupes de travail, a pennis de progresserdans la mise en œuvre du Plan d'action PEY (17). Si des progrès ontété enregistrés dans de nombreux domaines de coopération repris dansle Plan d'action (réfonnes économiques et réglementaires, politiquesociale, protection des droits de la femme, coordination en matière delutte contre le terrorisme, la gestion des frontières, la coopération surles questions migratoires ... ), c'est en matière de démocratie que lesobjectifs fixés n'ont pas été atteints. L'approfondissement du dialoguen'est pas parvenu à lever les points de friction sur les questions de droits del'homme, notamment en matière de liberté d'association et d'expression etd'indépendance de la justice (18). Ce sont des défis qu'il reste à releverpour asseoir durablement l'Etat de droit, élément essentiel d'un véritablerapprochement vers l'UE, surtout pour pouvoir bénéficier des dispositionsdu Statut avancé.

(16) En matière commerciale, la Tunisie a été le premier partenaire de la région à entrer en zonede libre-échange pour les produits industriels.(17) Le Plan d'Action PEV entre l 'DE et la Tunisie a été adopté en juillet 2005, pour une périodede trois à cinq ans.(18) Voir le premier rapport de suivi adopté en décembre 2006 et le deuxième en avril 2008.

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Le « Statut avancé» Maroc/UE : quelle valeur ajoutée à la PEY ? 57

La Tunisie a manifesté son intérêt pour un partenariat renforcé avecl'UE dans le même esprit que le « statut avancé» qui a été mis en placeaVec le Maroc. La Tunisie est le pays le plus avancé dans la mise en œuvrede la ZLE, puisque depuis le 1er janvier 2008, tous les tarifs pour lesproduits industriels ont été abolis, deux années en avance sur l'échéanceinitiale. Une intense coopération institutionnelle, à travers le Conseild'association UE-Tunisie, le Comité d'association et les dix sous-comitésou groupes de travail institués, a permis aux deux parties de progresserdans la mise en œuvre de l'Accord d'association et du Plan d'action PEYqui a été adopté en juillet 2005. Les négociations bilatérales avec rUESur la poursuite de la libéralisation progressive du commerce des serviceset du droit d'établissement ont été lancées en mars 2008, ainsi que lesnégociations pour la libéralisation du commerce des produits agricoles,des produits agricoles transformés et des produits de la pêche.

C'est dans ce contexte, lors de la 7e session du Conseil d'associationUE-Tunisie, tenue en novembre 2008, que la Tunisie, en commun accordaVec rUE, a décidé de constituer un comité ad hoc chargé d'engager uneréflexion commune pour définir le cadre et les objectifs d'un partenariatrenforcé permettant à la Tunisie d'accéder à un statut avancé dans sesrelations avec rUE. Le ministre des Affaires étrangères M. AbdelwahebAbdallah, en a fait l'annonce devant la Chambre des conseillers, soulignantla satisfaction de la Tunisie quant aux « progrès accomplis dans la mise enœuvre de notre plan d'action commun ». En matière de démocratie et dedroits de l'homme, le dialogue dans le cadre du sous-comité compétent aété poursuivi et approfondi, mais il n'en reste pas moins que les objectifsfiXés, notamment en matière de libertés d'association et d'expression,n'ont pas été atteints. Benita Ferrero-Waldner, Commissaire aux relationsextérieures et à la politique européenne de voisinage a précisé: «NousaVons également réussi à établir un dialogue constructif au sujet des droitsde l'homme et nous sommes confiants qu'il sera développé davantage afinqu'il puisse produire des progrès.»

, Au début de 2009, la Tunisie et rUE ont entamé des discussions pourelaborer une «feuille de route» destinée à rehausser le niveau de leurPartenariat et lui conférer un « statut avancé» dans le cadre de la Politiquede voisinage. Mais on n'est qu'au début du processus de réflexion parUn groupe de travail conjoint dont les travaux n'ont pas encore démarré.Cette réflexion devrait se dérouler dans le même esprit que celui qui

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a conduit à la mise en place d'un partenariat renforcé entre l'UE et leMaroc. La Tunisie s'apprête à adhérer à la Commission de Venise quise compose actuellement des 47 pays membres du Conseil de l'Europeet de quelques autres pays non européens. L'adhésion à la Commissioneuropéenne de Venise (organe consultatif du Conseil de l'Europe sur lesquestions constitutionnelles) constituera un prélude pour bénéficier d'unstatut plus renforcé au Conseil de l'Europe puis au Conseil parlementairede l'Europe.

Elle portera vraisemblablement sur le large éventail des actionsprioritaires définies par le Plan d'action et qui correspondent aux champsd'application de l'Accord d'association. Parmi ces priorités qui gardenttoutes leur importance figurent notamment les réformes garantissantla démocratie et l'Etat de droit, le renforcement du dialogue politiqueet de la coopération notamment en matière de démocratie et de droitsde l'homme, de politique étrangère et de sécurité et de coopérationdans le domaine de la lutte contre le terrorisme en tenant compte durespect des droits de l'homme, l'amélioration de l'environnement et desconditions pour le développement d'entreprises compétitives et de l'espritd'entreprise, la facilitation du commerce des biens et des services, ycompris par la négociation d'accords de libre-échange, le rapprochementde la réglementation technique, les normes et procédures d'évaluation dela conformité, le développement des secteurs du transport et de l'énergiebasé sur la sécurité et la sûreté, et la gestion efficace des flux migratoires,y compris la possibilité de conclure un accord de réadmission avec laCommunauté européenne.

C'est sur la base d'une évaluation commune des progrès accomplisdans la réalisation des objectifs contenus dans ce plan d'action que l'UEet la Tunisie pourront prendre des décisions concernant l'étape suivantedu développement de leurs relations bilatérales, incluant la possibilité denouveaux liens contractuels. Ceci pourrait prendre la forme d'un Statutavancé ou d'un Accord de voisinage.

Israël ou la confirmation de la dimension stratégique

A fin 2007, le gouvernement israélien a transmis à l'Union européenneun document non officiel demandant un « statut spécial» dans le cadre dela Politique européenne de voisinage. L'État d'Israël voulait ainsi participer

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Le « Statut avancé» MaroclUE : quelle valeur ajoutée à la PEY ? 59

à plusieurs politiques et programmes communautaires, notammentpour renforcer la coopération technologique et commerciale, maiségalement participer aux réunions du Conseil ayant trait à l'économie, àl'environnement, à l'énergie ou à la sécurité. Cette demande a été examinéeet accueillie favorablement lors du huitième Conseil d'association entrel'UE et Israël tenu le 16 juin 2008. Il faut ici souligner que les négociationsautour du contenu possible de ce « rehaussement» des relations se sontdéroulées dans la plus grande opacité jusqu'au Conseil d'association (CA).Le texte du Conseil, qui précise que les intérêts et objectifs communs desParties incluent « notamment la résolution du conflit israélo-palestinien parla mise en œuvre de la solution à deux Etats », prévoit le renforcement desrelations politiques, stratégiques, de sécurité et de défense, économiques,commerciales, scientifiques et technologiques...

La position du CA a suscité une vive critique des parlementaireseuropéens tant sur le fond que sur la méthode et l'absence de transparencede ce processus. Tous les groupes politiques confondus concluaient àl'inopportunité d'ouvrir de telles négociations, au vu de la dégradation dela situation et du non-respect des engagements d'Annapolis. De même,le 3 décembre 2008, le Parlement européen a repoussé le vote sur laParticipation accrue d'Israël aux programmes communautaires, au motifqUe la situation humanitaire à Gaza ne se prêtait pas à un rehaussementdes relations avec Israël.

Pourtant, contre toute attente, la proposition du Conseil d'association aété examinée par le Conseil « affaires étrangères et relations extérieures» du8 décembre 2008, qui a affirmé, en guise de conclusion, « la déterminationdu Conseil à rehausser le niveau et l'intensité de sa relation avec Israël, àla faveur de l'adoption du nouvel instrument qui succédera à l'actuel Pland'action « PEY » », sans toutefois, il faut le souligner, définir quel seraitCet instrument. Certes, ce rehaussement des relations bilatérales a été defacto gelé, fin avril 2009. Mais cela n'a pas empêché la poursuite d'unecOopération étroite, tant sur les plans économique et commercial qu'auxniveaux politique et même stratégique.

L'annexe des conclusions du Conseil définit les lignes directrices enVUe du renforcement des structures du dialogue politique avec Israël.Elles consistent en l'ouverture du champ des négociations ministérielles,l'oUverture à Israël du Comité politique et de sécurité de l'Unioneuropéenne, la facilitation de l'audition d'experts israéliens par les

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groupes et comités du Conseil, la systématisation et l'élargissement desconsultations stratégiques informelles, l'approfondissement des échangesthématiques, notamment sur les droits de l'homme, l'encouragementd'Israël à s'aligner sur la Politique étrangère et de sécurité commune,la mise en œuvre d'une coopération de terrain en matière de Politiqueeuropéenne de sécurité et de défense (PESD), l'insertion et l'implicationd'Israël dans les enceintes multilatérales et, enfin, l'approfondissement dudialogue inter-parlementaire.

De fait, l'État d'Israël demandait un partenariat politique qui n'ajamais été accordé à ce jour à aucun pays au titre de la Politique devoisinage. Cette coopération renforcée prévoirait trois réunions annuellesUE-Israël au niveau des ministres des Affaires étrangères et la possibilitépour chaque présidence tournante de l'UE d'inviter un responsable de ladiplomatie israélienne à une réunion des ambassadeurs de l'UE sur lesquestions de sécurité. L'UE se dit prête aussi à envisager « la possibilitéd'inviter Israël à participer aux missions civiles» menées dans le cadre desa politique de défense et de sécurité, « au cas par cas et lorsque l'intérêtcommun s'y prêtera », et à avoir avec Israël, «au moins une fois par an »,un dialogue informel sur les grandes questions stratégiques.

Sur le fond et par respect des normes de droit international etcommunautaires, il est déplorable que l'État d'Israël puisse se voiroctroyer comme une récompense un statut spécifique de quasi membrede l'Union, alors même que, sur le terrain, il accélère la construction decolonies, maintient le bouclage des territoires palestiniens, notammentdans la bande de Gaza, et pratique de nombreuses formes de violation desdroits de l'homme.

Le Partenariat oriental ou le Statut le plus avancé ?

Les partenaires d'Europe orientale et du Caucase du Sud souhaitentintensifier leurs relations avec l'Union européenne. La politique del'Union à leur égard doit être proactive et sans équivoque. Aussi le Conseileuropéen des 19 et 20 juin 2008 a-t-il invité la Commission à élaborer uneproposition relative à un « Partenariat oriental» en soulignant la nécessitéd'une approche différenciée qui respecte la nature de la PEY en tant quecadre stratégique cohérent et unique.

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Le « Statut avancé » Maroc/UE : quelle valeur ajoutée à la PEY ? 61

La communication de la commISSIon a formulé des propOSItIonsporteuses d'un message politique fort insistant sur la mise en œuvre duPartenariat oriental sur la base d'un engagement politique profond etsans faille des États membres de l'Union européenne. «L'Union doit êtreOUverte à ces aspirations en offrant un niveau d'association politique plusélevé et en intensifiant progressivement les relations dans des domainesessentiels. »

Des accords d'association négociés avec les partenaires seraientle nouveau cadre contractuel pour un engagement plus profond, quiremplacerait les accords de partenariat et de coopération actuels. Cesaccords ont pour objet, entre autres, d'instaurer une zone de libre-échangerenforcée et globale avec chacun des pays partenaires.

Trois domaines donnent à ces négociations une dimension plus profondeqUe les relations qui caractérisent le statut avancé en cours avec le Maroc.Tout d'abord, la question de la mobilité: les pays partenaires insistent surle fait qu'elle représente un test décisif du nouveau partenariat qui devraitaVoir pour priorité de promouvoir la mobilité dans un environnementSÛr. L'Union devrait offrir aux partenaires des pactes de «mobilité etsécurité ». L'UE s'est engagée, une fois les accords d'assouplissement etde réadmission effectivement mis en œuvre, à entamer le dialogue avecl'ensemble des partenaires au sujet des déplacements sans obligation devisa. L'Union européenne pratiquerait une ouverture ciblée du marché dutravail de l'Union aux citoyens des partenaires et prendrait des mesuresPour faciliter la migration circulaire, dans le cadre des partenariats pourla mobilité.

Ensuite, le soutien au développement régional des pays partenaires.Certains partenaires sont confrontés à des problèmes structurels résultant defortes disparités économiques entre leurs régions et groupes de population.Ils souhaitent pouvoir tirer parti de l'expérience et des mécanismes desPolitiques économiques et sociales de l'UE. La Commission proposedes protocoles d'accord sur la politique régionale avec les partenairescomme base de dialogue, une coopération au moyen d'un financementsUpplémentaire dans le cadre de programmes-pilotes de développementrégional répondant aux besoins locaux en termes d'infrastructures, decapital humain et de petites et moyennes entreprises (PME) s'inspirant dela Politique de cohésion de l'UE, une coopération directe entre les régionsde l'UE et les pays partenaires, notamment la participation des partenaires

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concernés aux programmes transnationaux existants en Europe du Sud­Est, centrale et septentrionale, et l'extension aux frontières entre lespartenaires de la coopération transfrontalière financée au titre de l'IEVP etactuellement mise en œuvre aux frontières extérieures de l'UE.

Enfin, l'UE propose, à chacun d'eux, un programme global derenforcement des institutions visant à améliorer les capacités administrativesdans tous les secteurs de coopération concernés, programme cofinancé parl'Instrument européen de voisinage et de partenariat (IEVP). La Commissionpropose d'organiser le cadre multilatéral du partenariat oriental à quatreniveaux: des réunions bi-annuelles des chefs d'État ou de gouvernement,des réunions annuelles de printemps des ministres des Affaires étrangères del'UE et des partenaires orientaux, des conférences ministérielles sectorielles,quatre plateformes thématiques devraient être mises en place en fonctiondes principaux domaines de coopération (démocratie, bonne gouvernanceet stabilité ; intégration économique et convergence avec les politiques del'UE, mécanismes mutuels de soutien et de sécurité énergétiques, contactsinterpersonnels). Chaque plateforme adoptera un ensemble d'objectifs­clés réalistes et régulièrement actualisés - avec un programme de travailcorrespondant - et évaluera les progrès réalisés.

L'un des signaux les plus clairs d'un engagement concret de l'UE estun niveau de financement conforme au niveau d'ambition politique dupartenariat. Des ressources financières sensiblement plus élevées sontnécessaires pour réaliser les objectifs définis dans la proposition. Lefinancement actuel au titre de l'IEVP pour les partenaires s'élève à environ450 millions d'euros en 2008. La Commission a l'intention de proposerson augmentation progressive pour qu'il atteigne quelque 785 millionsd'euros en 2013.

Conclusion

Le Statut avancé est donc une approche dynamique, mais qui fixe desrepères dans la progressivité des relations entre les deux partenaires. Il n'apas comme point de départ ni comme promesse une demande d'adhésion,mais il n'exclut pas non plus une adhésion éventuelle à long terme. Entreun non actuel et un oui d'un futur encore assez éloigné, il reste un vastespectre d'actions permettant de créer une dynamique vertueuse, un scénariodans lequel chacun des partenaires serait gagnant. Quel est-il ce scénario

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:: « Statut avancé » Maroc/UE : quelle valeur ajoutée à la PEY ? 63

"gagnant-gagnant" ? La réponse est simple: stabilité, sécurité et prospéritéPartagée. La région est devenue un foyer de crises. L'Europe ne peutrésoudre seule les sources de déstabilisation: immigration clandestine,trafic de drogue, blanchiment d'argent, terrorisme. La pierre angulairede cette perspective est l'ancrage d'une alliance stratégique, condition deSUccès des deux autres volets.

Le Maroc réaffirme sa position d'acteur des relations euro­méditerranéennes et de médiateur dans les relations de voisinage élargiaVec l'Afrique sub-saharienne. S'il est d'abord l'expression d'uneVolonté politique, le Statut avancé est aussi une dimension économiqueet financière d'égale ambition. Ce qui signifie faciliter l'accès des bienset services au marché européen, négocier au mieux le transfert de l'acquiscOmmunautaire, harmoniser les politiques communes (concurrence,fiscalité, monnaie), intégrer le Maroc dans les programmes, réseauxet agences communautaires. Enfin, la dimension culturelle, sociale ethumaine est aussi fortement réaffirmée pour faire en sorte que la frontièrene fasse pas obstacle aux échanges culturels et humains.

Le Statut avancé est-il un modèle unique ou serait-il plutôt une approchequi favorise une différenciation de plus en plus poussée entre les partenairesde la Politique de voisinage, qui menace sa cohérence ? La cohérencede la Politique de voisinage ne serait-elle pas davantage menacée par ledéveloppement d'une différenciation de plus en plus individualisée entre lesPartenaires ? En quelque sorte, chaque partenaire aspire à la déterminationd:un statut ad hoc qui lui soit spécifique et entend renforcer ses relations~Ilatérales avec l'Union européenne, au détriment de la coopération régionalea laquelle est censée aboutir cette Politique de voisinage.

La multiplication de ces statuts ad hoc risque néanmoins de poserquelques problèmes. L'UE doit-elle les encourager et créer une sorte dePolitique d'accords à la carte? Dans ce cas, la politique de voisinagea-t-elle encore une raison d'être? Peut-elle encore apporter une valeura!~Utée substantielle? Le risque d'encourager la différenciation et11lldividualisation des statuts consiste à diluer la solidarité qui peutexister entre l'ensemble des pays voisins et à compromettre définitivementl'objectif de coopération régionale. Or, la coopération régionale peut êtreUn outil de développement et d'autonomie précieux pour le voisinagede l'Union européenne, tout comme elle peut contribuer à résoudre lesConflits gelés. La négociation de statuts ad hoc tend aussi à rendre les

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pays voisins plus dépendants de l'Union européenne, ce qui ne correspondpas forcément à l'objectif de développement visé par la Politique devoisinage.

Au total, si elle est un signe de réussite, dans la mesure où elle traduitl'adaptation à la situation de chaque partenaire, la différenciation est aussiporteuse de risques d'éclatement pour la Politique de voisinage qui, au furet à mesure de sa mise en œuvre, risque de ressembler de plus en plus àune mosaïque d'accords et d'instruments reflétant un voisinage à plusieursvitesses. Tout ceci posera inévitablement, à terme, un problème d'arbitrageentre différenciation et cohérence de la Politique de voisinage.

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Le « Statut avancé» Maroc/DE: quelle valeur ajoutée à la PEY?

Références

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Martin Ivan, How to advance the EU-Morocco «Advanced Status »,

Instituto Complutense de Estudios Intemacionales, Madrid, 2009.République française, Sénat: Rapport d'information sur la Politique

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Royaume du Maroc, Ministère des Affaires étrangères et de la Coopération:Le Maroc et l'UE, le Partenariat Maroc-UE : vers la concrétisation duStatut avancé, 2008.

Page 66: L'ANNUAIRE DE LAMEDITERRANEE

Le Statut avancé:quels enjeux pour le Maroc dans ses rapports

avec l'Union européenne?

Fouad M. AMMOR (19)

Le rapprochement avec l'UE a toujours constitué pour le Maroc unchoix stratégique fondamental de sa politique étrangère. Le Statut avancé,plus que le statut de « voisin» dans le cadre de la politique européenne devoisinage (PEV), permettra au Maroc de renforcer son ancrage stratégiqueavec l'Union européenne. Dans le cadre de la PEY, le Maroc tend àintégrer progressivement le marché intérieur de l'UE et ses structuresréglementaires.

Il y a lieu de rappeler que, depuis que l'ex-président de la Commissioneuropéenne, Romano Prodi, a lancé en 2003 sa phrase laconique mais nonmoins significative « Tout sauf les institutions» à l'égard des partenairesde l'Union européenne, la voie est frayée pour un possible traitementspécial des partenaires, parfaitement en phase avec l'esprit de la Politiqueeuropéenne de voisinage.

Le Maroc, dont le dernier accord d'association avec l'Union européenneest entré en vigueur en 2000, est considéré parmi les quatre meilleurspartenaires de l'UE à côté de l'Ukraine, Israël et la Moldavie, auxquelsl'UE est disposée à offrir des avantages supplémentaires.

En effet le Maroc, conscient de ses atouts - proximité géographique,épaisseur historique aussi bien récente qu'ancienne, participation dans lesprogrammes de sécurité (Dialogue méditerranéen de l'OTAN, Dialogue5+5, PESD) et de coopération (Processus de Barcelone, Union pourla Méditerranée ...), engagement, encore à parfaire, dans des réformesinternes - n'hésite pas à faire valoir son désir de jouir d'un traitement suigeneris. Il fallut attendre quatre ans pour qu'en octobre 2008 l'accord dustatut avancé soit signé entre le Maroc et l'Union européenne.

(19) Chercheur universitaire.

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68 Fouad M. Ammor

Un rappel historique des rapports entre le Maroc et l'UE (CEEauparavant et ce, jusqu'en 1992) montre que la demande du statut avancéest en deçà de l'adhésion pure et simple demandée par Hassan II déjàen 1984 et réitérée en 1987 (20). Le «désir» d'Europe constitue uneconstante dans la politique extérieure du Maroc. Feu Hassan II présenta sademande dans un contexte marqué par la guerre froide et la confrontationEst-Ouest où, selon les termes du défunt roi, l'Europe « manquait de reculstratégique» qu'elle pouvait trouver au Maroc. L'option libérale du Marocen est une composante nodale.

On savait bien à l'époque que la demande d'adhésion n'allait pasaboutir et ce, en dépit du soutien français. François Mitterrand, Présidentdu Conseil européen avait répondu le 15 juillet 1984 à la lettre royale parun soutien explicite à la thèse marocaine: « J'ai exposé le contenu de votrelettre aux chefs de gouvernement des pays membres de la Communautélors du Conseil européen de Fontainebleau. J'ai présenté l'argumentationde votre Majesté et appuyé vos thèses. Les membres du Conseil européenont pris acte de vos intentions (21). »

Plusieurs raisons expliquaient à l'époque la candidature marocaine àla CEE: 1. Les relations avec le voisin algérien dans le cadre de la guerrefroide (et de son soutien tous azimuts au Polisario) étaient au creux de lavague. La non digestion de la marche verte par les algériens était manifestedans leur politique régionale. 2. La Turquie a présenté sa candidatureà la CEE. Le Maroc ne voyait pas la Turquie plus européenne que leMaroc. 3. Les perspectives d'entrée de l'Espagne et du Portugal dans laCommunauté étaient porteuses de difficultés pour le Maroc. Ces deux paysconcurrençaient le Maroc dans un grand nombre de ses produits, surtoutagricoles, destinés à l'exportation.

Hassan lIn'était pas dupe quant au refus réservé à la candidature duMaroc. « Ce refus ne peutêtre que politique etne peut, parconséquent, releverdu seul critère d'appartenance géographique de l'Europe (22). » Avec saténacité habituelle, Hassan II, en montant au créneau, avançait: « Nousvoudrions être à l'Europe ce que le Mexique est à l'Amérique (23). »

(20) Réda Guédira, «Hassan II et la CEE », in Géopolitique n° 10, 1985.(21) Réda Guédira op cit. p. 29.(22) Maroc Soir du 18 novembre 1987, Interview de Hassan II, le 25 octobre 1987 à MmeForsenet, envoyée spéciale de la Télévision suédoise.(23) Entretien avec Hassan II, Libération (France) du mardi 7 juillet 1992.

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Le Statut avancé: quels enjeux pour le Maroc dans ses rapports avec l'U.E ? 69

Le Statut avancé demandé par le Maroc est dans la logique qui a toujoursprésidé à sa perception de l'Europe. «Nous pensons, en ce qui nousconcerne, que le Maroc avait des relations plus étroites avec l'Europe qued'autres pays de la région (24). »

Plus proche de nous, la Politique européenne de voisinage se révèle uncadre permissif du Statut avancé. L'Union européenne, lors du lancementde sa Politique de voisinage en 2003 (devenue réalité le 1er mai 2004),a bel et bien fixé les limites de ses rapports avec ses partenaires. Entreêtre membre à part entière de l'Union européenne et être voisin, il y a unpossible espace de coopération flexible et extensible. Pour explorer cetespace et les possibilités y afférentes, une cellule de réflexion Maroc-UEsur le Statut avancé a été constituée en avril 2003.

Par sa demande de« statut avancé », le Maroc entend tirer le maximumde cet espace. Un groupe de travail ad hoc maroco-européen, dont laconstitution a été décidée à l'occasion du Conseil d'association UE-Marocde juillet 2007, a travaillé tout le long de 2007-2008 pour donner corpsà cette proposition. En octobre 2008, un document conjoint UE-Marocsur le renforcement des relations bilatérales/Statut avancé, en marge du7e Conseil d'association Maroc-UE a été adopté.

Ce groupe de travail, passant en revue les progrès réalisés par le Marocdans le cadre du Partenariat euro-méditerranéen, considère le Maroc sinonun bon «élève» du moins un bon «voisin ». La Politique européennede voisinage (PEV) a permis le renforcement des relations politiques,économiques, commerciales, culturelles et humaines entre les deuxpartenaires. Aussi ce partenariat traite-t-il également des domaines liés àla sécurité collective, à la résolution des conflits, à la bonne gouvernance,à la lutte contre le terrorisme, à la régulation des flux migratoires, etc.

Le groupe de travail voit dans le Statut avancé le moyen de raffermir lacoopération politique en vue d'une plus grande intégration progressive duMaroc au marché intérieur de l'UE avec, entre autres, un soutien financierapproprié eu égard à cette ambition exprimée par le Maroc. Ce groupede travail, qui n'a pas oublié l'implication des entités territoriales, desacteurs économiques et des partenaires sociaux des deux parties en vue

(24) Abdellatif Filali, le Figaro du 26 janvier 1995. Cité par A. Belgourch «Les politiquesétrangères maghrébines », Université Cadi Ayyad, Collection de la Faculté des SJES, Marrakech,série «Thèses et mémoires» n° 8, 2001.

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de concrétiser l'appropriation commune de ce partenariat, a convenu depoursuivre la réflexion relative à la nature et à la forme qui remplacera leplan d'action (mode opératoire de la PEY) ainsi que le lien contractuel quise substituerait à l'Accord d'association en cours.

Au centre des propositions concrètes faites par ce groupe de travail setrouve « l'apprentissage en faisant ». La participation du Maroc à certainsprogrammes et agences communautaires lui permettra d'approfondirles réformes (25) dans le but d'une meilleure intégration au Marchécommunautaire. Le choix de ces programmes et agences est tributaire del'avancée du partenariat Maroc-UE.

Le groupe reconnaît que les réformes que le Maroc doit réalisernécessitent des moyens financiers supplémentaires. Ceux-ci ne pourraientpas être, fondamentalement modifiés avant 2013, dans la mesure où,à l'heure actuelle, les Perspectives financières de l'UE pour la période2007-2013 ont déjà fixé le montant maximal du budget de l'action extérieurede la Communauté. Pour la période restante (2010-2013), un effortsupplémentaire pourrait être envisagé dans le cadre de « l'optimisation del'existant» en tenant compte des réalisations faites par le Maroc dans sesefforts de rapprochement avec l'UE.

D'ici là, suite à l'élargissement de l'Union européenne, la Commissioneuropéenne a jugé bon de prendre des mesures concrètes pour éviter denouveaux clivages entre l'UE et ses voisins. «L'élargissement nous anettement rapprochés de nos voisins d'Europe de l'Est et de la régionméditerranéenne» a déclaré Günter Verheugen, commissaire chargé del'élargissement et de la politique européenne de voisinage. «Aujourd'hui,nous proposons de renforcer nos liens avec ces pays partenaires par denouvelles formes de coopération et d'assistance. Nous voulons leur offrirla possibilité d'être réellement partie prenante dans l'UE élargie pourqu'ils puissent eux aussi se développer et prospérer. Il est dans l'intérêtde l'Europe dans son ensemble de voir l'UE entourée d'un cercle de payspratiquant la bonne gouvernance et proposant de nouvelles perspectives dedémocratie et de croissance économique. »

(25) Le Maroc devrait participer aux agences suivantes : 1. Agence européenne de la sécuritéaérienne (EASA); 2. Observatoire européen des drogues et des toxicomanies (EMCDDA);3. Eurojust ; 4. Institut d'études de sécurité; 5. Programme compétitivité et innovation (CIP) ;6. Douane 2013 (2008-2013) ; 7. Programme SESAR et Programme Marco Polo.

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Le Statut avancé: quels enjeux pour le Maroc dans ses rapports avec l'U.E ? 71

Cette PEY entend dépasser la vision traditionnelle consistant à tracer denouvelles frontières en renforçant l'intégration de son « cercles d'amis ».A l'égard des pays partenaires méditerranéens, la PEY, comme l'Unionpour la Méditerranée, n'entend nullement se substituer au processus deBarcelone de 1995 mais à en approfondir les actions de «proximité ».Cette politique entend mettre en œuvre un traitement quasi individuel deses voisins.

Chaque voisin de l'Union européenne sera traité eu égard à sasituation économique, politique et sociale mais aussi en fonction de soneffort à mettre en pratique les réformes économique, politique et socialenécessaires à son rapprochement aux standards européens. C'est doncune mise en œuvre plus ciblée des instruments mis à disposition par lesAccords d'association conclus entre l'Union européenne et ses voisins quedes Plans d'action sont négociés avec ces pays. Jusqu'à présent, sept paysont déjà négociés ces plans, dont le Maroc.

Cette PEY, ouvrant largement la porte à ces pays en termes decirculation des personnes (à termes non encore spécifiés) et d'accès aumarché européen, limite, cependant, tout espoir quant à l'adhésion deces pays à l'Union européenne. Ce qui semble critiquable dans cettePEY est que, dorénavant (26), il n'y a plus de benchmarking, pas depoint de référence contraignant. Les pays «voisins» peuvent évoluer,dans les différents domaines (politique, économique, sociale) selon leurrythme, leur vouloir, leur volonté. La conditionnalité n'a plus de raisond'être dans la PEY, puisqu'il s'agit d'un traitement « à la carte ». Ce quiautorise à croire que la PEY constitue, en quelque sorte, un recul parrapport au Traité de Barcelone. Si on n'est pas contre la prise en comptedes particularités locales et des contraintes sociales, il n'en demeure pasmoins que l'insistance quant au respect des valeurs communes s'avèreincontournable.

Le Statut avancé : atouts et enjeux

Le Maroc est appelé à faire le plaidoyer de ses multiples atouts (27).Au-delà des choix économiques relatifs à la mise en application des

(26) Fouad M. Ammor, le Partenariat euro-méditerranéen à l'heure de l'élargissement:perceptions du Sud, Publication du GERM, 2004.(27) Nezha Alaoui M'hamedi, Conférence à l'Institut français, 16 décembre 2009.

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72 Fouad M. Ammor

réformes sur le plan de l'incitation à l'investissement, de la promotion d'unclimat compétitif approprié (mise en place du Conseil de la concurrence,Plan Azur, Off-shoring...), les plus importantes avancées sont celles-làmême qui concernent l'environnement humain et la bonne gouvernance.

En effet, depuis 1992, une importante vague de réformes politiques a étémise en œuvre suite à la décomposition du bloc soviétique, deux révisionsconstitutionnelles successives ont été engagées. Les principales réformespolitiques et institutionnelles qui ont pris forme sont les suivantes :

• la création du Conseil consultatif des droits de l'Homme (1990) ;

• la libération des prisonniers politiques et le retour des exilés (août1991, juillet 1993 et mai 1994) ;

·la mise en place des tribunaux administratifs (1993) ;

• la création du ministère chargé des droits de l'Homme (1993) ;

• la création du Conseil constitutionnel (1994) ;

• la création du Conseil consultatif pour le suivi du dialogue social(1994).

Le processus de réformes s'est poursuivi avec l'alternancegouvernementale (1998), l'avènement du Roi Mohammed VI (1999) etl'arsenal des questions sociales et culturelles:

• la création en 2001 de l'Institut royal de la culture amazighe (IRCAM)chargé d'œuvrer à la réhabilitation de la langue et la culture amazigh ;

• la création en décembre 2001 de l'institution Diwan Al Madhalim,instrument dédié au développement de l'intermédiation entre lescitoyens et l'administration;

• l'adoption d'une mesure de discrimination positive en faveur desfemmes lors des élections législatives en septembre 2002, grâce àune liste nationale; ce procédé avait permis l'accès de 30 femmes àla première Chambre du parlement, en plus des 5 femmes qui ont étéélues sur des listes locales ;

• la réforme du code de la famille dans le sens de l'égalité des sexes et duprogrès social (octobre 2003), mettant ainsi fin à une situation d'injusticeet de discrimination à l'égard des femmes qui durait depuis 1957 ;

• la création de l'Instance Équité et Réconciliation Uanvier 2004)destinée à achever le travail de la précédente Commission indépendanted'arbitrage pour l'indemnisation, en recherchant la vérité sur les

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Le Statut avancé: quels enjeux pour le Maroc dans ses rapports avec l'U.E ? 73

violations des droits de l'homme liées aux disparitions forcées etaux détentions arbitraires qui ont eu lieu durant ce qu'on appellecommunément "les années de plomb" ;

• la création du Haut Conseil Audiovisuel (novembre 2003).

La récente restructuration du ministère des Habous et des Affairesislamiques avec, notamment, la réactivation des conseils régionaux et duConseil supérieur des Ulémas. Ceux-ci ont d'ailleurs vu l'entrée, pour lapremière fois, de 36 femmes dans leur composition. La nouvelle réformecomporte aussi la mise en place d'une stratégie visant le renouveau dudiscours religieux dans le sens de l'ouverture, de la modération et de latolérance.

Le 18 mai 2005, le Roi Mohammed VI a, dans un discours, lancél'Initiative nationale pour le développement humain (INDH) en déclarantque « de larges franges de la population marocaine et des zones entières duterritoire national vivent dans des conditions difficiles ».

Ces initiatives, au-delà de leur degré de mise en application, constituentdes avancées notoires dans le sens de l'établissement de la bonnegouvernance ; cependant, la grande faiblesse du Maroc réside dans sesfractures économiques et sociales. Sur le plan socio-économique, leMaroc, en dépit d'efforts importants ces dernières années et l'implicationdu Roi dans la tentative d'atténuation de la pauvreté et de la vulnérabilité,continue à traîner de lourds «boulets ». L'Indice de développementhumain classe le Maroc au 117e rang en 1995 puis au 126e en 2003, au123e en 2006 (28) et au 126e en 2008 (29). Ce classement reste parmiles plus bas du monde.

En effet, si 25 % de la population marocaine demeure économiquementvulnérable, la pauvreté affecte aujourd'hui 13,7 % de la population (23,1 %en zones rurales et 6,3 % en zones urbaines où 30 % de la populationcontinue de vivre dans un habitat insalubre). Le taux d'analphabétisme,selon le recensement 2004, reste en effet élevé (43 %) avec une incidenceencore plus marquée dans les zones rurales (60,5 %). Une part importante

(28) L'IDH est basé sur un indicateur de mesure composite concernant trois dimensions:l'espérance de vie (santé et longévité), l'instruction (alphabétisation et scolarisation) et leniveau de vie mesuré par le revenu en parité de pouvoir d'achat, cf. http://www.yenoo.com/fr/news+article.storyid+1790.htm(29) http://www.lopinion.ma/def.asp?codelangue=23&id_info=l4039&date_ar=2009-l0-8

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de la population de 10 ans et plus (42,7 %) n'a aucun niveau d'instruction(villes, 29,5 % et rural, 59,8 %) (30). La situation étant ce qu'elle est, quepeut espérer le Maroc par l'octroi de ce Statut avancé?

Ce que peut demander le Maroc en vertu de son Statut avancé

Le Groupe de travail ad hoc sus mentionné a effectivement réalisé untravail remarquable en termes de propositions. Il a passé en revue la quasi­totalité des secteurs à la fois économique, politique, social et culturel. Lelisting proposé, par son exhaustivité, risque d'aboutir à l'impression du "toutprioritaire". Il nous semble qu'une tentative de hiérarchisation des actionsà entreprendre en priorité s'avère nécessaire. Cela ne veut nullement direque les autres secteurs ne le sont pas; mais puisqu'il faut gérer la pénuriedes moyens et des efforts, un ordre de priorité des domaines d'interventionest nécessaire. Dans cette veine, trois domaines semblent urgents: 1) uneffort soutenu est à envisager pour résoudre le conflit "gelé" du Saharaqui continue d'absorber une part importante du budget marocain; 2) lacontribution à la réussite de l'édification de la région maghrébine; 3) lamobilisation de davantage de moyens pour concrétiser ce Statut avancé entermes d'implication des acteurs institutionnels et de la société civile.

1. Une plus grande implication de PUE dans la résolution duconflit du Sahara

Jusqu'à présent, l'DE s'est montrée timorée face à la propositionmarocaine relative à une large autonomie des provinces sahariennes dansle cadre de la souveraineté marocaine. Cette proposition négociable dansson principe et sa philosophie n'en a reçu qu'une appréciation de principe.Ce qui est demandé, nous semble-t-il, c'est un peu plus d'engagementpolitique de la part de l'UE qui connaît bien les tenants et les aboutissantshistoriques, politiques et géostratégiques de cette épineuse affaire.

Cet engagement de l'DE est d'autant plus urgent que tout le long dela frontière entre le Maroc et l'Algérie se situe une zone "grise", objet detoutes les surprises. De même, la zone qui s'étend du Sahara jusqu'aux paysdu Sahel est aussi poreuse que vaste nécessitant pour en assurer le contrôle

(30) UNDP country programme document for the Kingdom of Morocco (2007-2011).

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Le Statut avancé: quels enjeux pour le Maroc dans ses rapports avec l'U.E ? 75

des moyens coûteux et sophistiqués. Ici, l'aide de l'UE est évidemmentprécieuse, vu son expérience en matière de "gestion des crises".

Le Sahel (de la Mauritanie au Soudan en passant le Mali, le Niger et leTchad) présente les caractéristiques suivantes:

a) la porosité des frontières, inhérente aux caractéristiques géopolitiquespropres à cet espace ;

b) l'immensité du désert, « vide topologique» difficilement contrôlableet difficilement défendable, passible de multiples fonctions: traficsillicites en tous genres (personnes, armes légères, armes prohibées,déchets nucléaires, etc.), sources de tension et de crises, abri pourbandes criminelles et autres commandos dormants, zone discrète pourtests sensibles (armes chimiques, armes balistiques, entraînementsaériens...), etc.

En fait, le Sahara, zone de transit, zone refuge et zone d'activitéssecrètes, est au croisement de multiples initiatives mises en place par lesgrandes puissances. Dans l'échiquier stratégique mondial, l'arc sahéliencristallise un faisceau de facteurs 'crisogènes' qui ont produit et qui necesseront de produire des conflits aux répercussions préjudiciables àla paix et à la sécurité de la région mais aussi à la paix et à la sécuritéinternationale. La dégradation des économies, la faiblesse et l'usure desinfrastructures éducatives et sociales et la précarisation des ressourcesagricoles sont les traits communs aux Etats du Sahel, rangés pour la plupartdans la catégorie des Etats les moins avancés (PMA). La paupérisation etle chômage croissant, sources de désespoir, offrent un terreau favorableaux rébellions, aux dissidences et aux extrémismes.

Les dangers potentiels peuvent se matérialiser sous plusieurs formes,isolées ou combinées telles que la constitution d'un terreau et d'unsanctuaire pour le terrorisme international (attentats, enlèvements, piraterie,camps d'entraînement; zone grise propice à la multiplication des traficsillégaux: armes, stupéfiants, véhicules, matières premières; source d'uneémigration de masse en direction de l'Afrique du Nord et des rivageseuropéens (jusqu'à présent, ces flux sont relativement maîtrisables);l'investissement massif du produit des détournements et des traficsdans les circuits souterrains des économies occidentales (blanchimentd'argent) ; risque de détournement des ressources stratégiques (pétrole,gaz, uranium), objets de convoitise internationale à des fins subversivesou nuisibles à la stabilité régionale.

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76 Fouad M. Ammor

Aujourd 'hui, les Subsahariens, qui ont toutes les raisons de fuir leur étatde misère et d'insécurité pour aller en Europe, sont en nombre croissantet se chiffrent par milliers. Ils quittent leurs pays et traversent, dans laquasi-totalité des cas, le territoire algérien avant de regagner le Maroc,puis tentent à travers Ceuta et Melilla de passer sur l'autre rive de laMéditerranée: «Des réseaux clandestins (31), véritables organisationsde contrebandes de toutes sortes, traversent l'Algérie du sud au nord pouracheminer les clandestins. » D'autres passent par la Mauritanie pour tenterde rejoindre les Canaries.

Dans son rapport du 20 octobre 2004, le Secrétaire général de l'ONUavait exprimé ses appréhensions « face au trafic d'êtres humains» dans larégion du Sahara occidental. La partie se situant entre le Mur de sécuritéet la frontière algérienne constitue en effet un espace de passage deSubsahariens vers l'Europe via l'Algérie ou s'acheminant vers le nord duMaroc (32), plus proche des côtes européennes. D'où les inquiétudesde Kofi Annan en 2004 par rapport à la zone algérienne occupée par lePolisario «où s'installent des réseaux clandestins (33) ».

(31) Le témoignage de ce Malien est édifiant à ce propos: «Après avoir quitté le Mali, nousavons (il était accompagné de trois de ses compatriotes) été accueillis par des éléments duPOLISARIO auxquels chacun de nous a versé 1 000 euros. D'autres émigrés se sont joints ànous et le nombre augmentait au fur et à mesure que nous progressions. Nous étions pris encharge pour la nourriture et le transport. Ce sont les véhicules algériens et polisariens qui nousont transportés jusqu'à Tindouf. Là, nous fûmes abandonnées à nous-mêmes. Nous avons passéla frontière marocaine au nord. Dans notre traversée algérienne, nous n'avions aucune difficultéavec les autorités qui nous soutenaient. Nous avons vécu une tragédie douloureuse. Nous étionscomplètement vidés et malades (... ). Les Algériens nous fixaient les étapes de notre itinéraire pourrejoindre la frontière marocaines à partir de B'ni Ounif, dernière ville algérienne que nous avonsquittée pour nous cacher dans les montagnes de Figuig au Maroc. » Cf. Mohammed Boughdadi,2007, le Conflit saharien dans le contexte sécuritaire euro-maghrébin, Editions d'impressionBouregreg communication, Rabat, p. 73-74.(32) Fouad M. Ammor «Pour un Dialogue méditerranéen Plus », recherche réalisée dans lecadre d'une bourse d'étude au Collège de l'OTAN à Rome, mai 2008.(33) Aymeric Chauprade (Lecture given at the University of Geneva on 6 June 2005) goes so faras to suggest a link between the Polisario and Al Qaeda networks : «As a result of the combinedeffect of a decrease in its political and military power, and the arrivai of a new generation ofPolisario recruits who have absorbed fundamentalist ideology in Algerian universities. themovement is seeking fresh logistic and ideological impetus.» In Chauprade's view, the Polisariocould eventually swing towards radical Islam and terrorism. This change is being accelerated bythe current transformation of "the Sahara fundamentalist OOlt" into AI Qaeda rear bases mannedby <<500 ta 600 Afghanistan veterans (...) already instalied in what others cali the "grey areas ofthe Sahara.» "Deterritorialization" of terrorist violence, then, would imply that the Sahara couldbe used as a base to prepare terrorist attacks to be executed elsewhere, for logistic support andtransit of armed groups such as the Salafist Group for Preaching and Combat (SGPe), which

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Le Statut avancé: quels enjeux pour le Maroc dans ses rapports avec l'U.E ? 77

2. De bonnes auspices quant à l'édification du Grand Maghreb

La stabilité de la région euro-méditerranéenne est fortement tributairede la démocratisation et du développement de sa rive sud. Cette assertionn'est pas nouvelle, elle est mentionnée dans la quasi-totalité des documentsd'association et de partenariat conclus entre l'UE et ses partenaires (cf.Déclaration de Barcelone du 28 novembre 1995). Si l'espace maghrébinne réussit pas à attirer suffisamment d'investissements, notammenteuropéens, c'est parce que les pays maghrébins continuent à agir en ordredispersé et que leur marché n'est pas attractif. La variabilité du quantumd'investissements drainés d'un pays maghrébin à l'autre et d'une année àl'autre et leur faiblesse ne pourraient pas participer significativement à larésorption du chômage endémique et surtout celui des jeunes (diplômésde surcroît).

Flux des Investissements directs étrangers (en millions de $)

Source : UNCTAD, World Investment Report 2007 ; www.unctad.org/wir or www.unctad.org/fdistatistics.

Pour plus de détails, voir "Definitions and sources" in annex Bandannex tables B 1-3 in WIR07.

Les performances du Maghreb en tant que telles quant aux possibilitésd'attirer les investisseurs étrangers sont très faibles, elles se situentau 55e rang dans l'échelle des destinations des investissements directsétrangers (doc. UNCTAD précité.). Moins de 1/100 des investissementseuropéens y sont destinés (34).

whom Algerians and Americans are only too familiar. A solution to the conflict needs to be foundurgently, to prevent terrorism from taking fOot, cité par Laurence Ammour in Research Paper,Academic Research Branch -NATO Defence College, Rome - n030, november 2006, p. 4.(34) Fouad M. Ammor « L'Union pour la Méiliterranée : que de brèches à colmater », Economia,n° 4, Centre d'études stratégiques, HEM, 4' trim~stre, 2008.

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78 Fouad M. Ammor

3. Un plus grand soutien quant à l'approfondissement de sesréformes économiques, sociales et politiques

Les propositions faites par le Groupe de travail Maroc-DE sont unebonne base de départ. Encore faut-il leur allouer les moyens nécessairespour leur mise en œuvre. Contrairement au programme MEDA, il Y atoutes les raisons de croire que le nouvel instrument financier de l'DE(ENPI) est suffisamment flexible pour répondre, partiellement, à ce cas defigure. Un minimum d'équilibre doit être rétabli entre l'effort de soutienet d'assistance prodigué aux pays "voisins" de l'Est et du Centre et celuiaccordé aux pays du sud de la Méditerranée.

Une plus grande implication des acteurs de la société civile marocaine,notamment dans leurs rapports avec leurs homologues du Nord et de l'Est,est à encourager. Cette proposition ne ferait que concrétiser davantagel'appel du Processus de Barcelone qui insiste explicitement sur cettedimension participative des programmes de coopération universitaires etde recherche tels que Tempus, Erasmus Mundus, en raison de leur rôlefondamental dans le rapprochement des standards et des normes.

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Le Statut avancé DE-Marocet les collectivités locales

Ivan MARTIN et Paqui SANTüNJA (35)

Le Statut avancé accordé le 13 octobre 2008 entre l'Union européenne

et le Maroc dans un «Document conjoint» sur le «renforcement des

relations bilatérales/Statut avancé» (36) est avant tout l'expression de

la « volonté commune du Royaume du Maroc et de l'Union européenne

de nouer un partenariat de plus en plus étroit et mutuellement bénéfique,

couvrant toutes les dimensions et à tous les niveaux, afin notamment de

consolider le processus de réformes et de modernisation économique et

sociale de ce pays (37) ». En tant que telles, les collectivités locales ont

un rôle fondamental à jouer dans cette démarche de modernisation et, par

conséquent, dans le Statut avancé. En effet, le lancement d'un nouveau

cadre de relations privilégiées entre l'UE et le Maroc a ouvert de fortes

expectatives par rapport à la possibilité d'élargir et d'approfondir les

relations déjà existantes entre les collectivités locales euro-marocaines.

Après une brève révision de la politique actuelle menée par le Royaume

du Maroc dans le domaine de la décentralisation et du développement

régional, cet article dédiera son analyse aux potentialités qu'offre le Statut

avancé à la veille du premier sommet entre l'UE et le Maroc.

(35) Ivan Martin est chercheur associé de l'Instituto Complutense de Estudios Intemacionales(Universidad Complutense de Madrid) et Paqui Santonja est assesseur exécutive auprès duSecrétaire d'état pour l'Union européenne du Ministère des Affaires étrangères et de lacoopération espagnol. Les propos ici recueillis impliquent seulement les auteurs et non pas lesinstitutions qu'ils représentent.(36) http://ec.europa.eu/extemaLrelations/morocco/docs/documenCconjoinCfr.pdf.(37) Conclusions du Conseil des affaires générales et des relations extérieures de l'UE des 8-9décembre 2008, http://www.consilium.europaeu/uedocs/cms_dataidocs/pressdatalfr/genall04615.pdf.

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Accompagnement du processus de décentralisation marocain

Le Statut avancé, suivant la dynamique établie par l'UEd'accompagnement des stratégies établies par les états partenaires (38),apparaît dans un premier temps comme un appui aux réformes politiquesengagées par le Maroc ces dernières années pour faire progresser ladémocratisation et la modernisation de la société en profitant de l'appuide l'UE. Le Statut avancé se veut ainsi porteur de réformes dans ledomaine politique permettant le renforcement de la politique engagée parle Royaume du Maroc et offrant un cadre spécifique et plus adapté à laforte et toujours croissante coopération décentralisée entre les collectivitéslocales euro-marocaines.

Dans ce cadre, durant la dernière décennie, des programmesspécifiques dans le domaine de la décentralisation ont commencé à seconcrétiser au Maroc à travers des politiques (39) versant aussi bien surla décentralisation administrative que sur le support au développementterritorial. C'est ainsi que le Plan d'action national pour la régionalisationet le Programme de Modernisation de l'Administration (40) se bâtissentsur la base de la dévolution de compétences auprès des collectivitésterritoriales et la dotation de moyens permettent de mettre en place despolitiques décentralisées qui restent néanmoins encore sous la tutelle duministère de l'Intérieur.

Accompagnant cette démarche, une lecture rapide des différentsdocuments et plans d'action entre l'Union européenne et le Maroc nouspermet de constater l'évolution de l'approche, liée dans un premier tempsà l'appui institutionnel et au support à la décentralisation de façon générale,vers petit à petit, la concrétisation de certains domaines spécifiquesd'intervention pour les collectivités locales marocaines, à savoir: ledéveloppement régional équilibré et l'aménagement du territoire pour

(38) Pour davantage d'information sur les stratégies d'accompagnement des bailleurs de fondsinternationaux envers les Etats, voir: Santonja, Paqui (2010), « Décentralisation et coopérationinternationale: quelle cohérence avec les stratégies nationales? Les cas du Maroc et du Liban »,

en cours de publication dans les Cahiers de la coopération décentralisée de Cités Unies France,juin 2010.(39) Annoncées dans les discours officiels du Roi.(40) Pour une étude détaillée voir les différents documents élaborés par le Ministère de laRéforme de l'Administration Publique:http://unpan1.un.org!intradoc!groups!public!documents!unlunpan031651.pdfhttp://unpan 1.un.org!intradoc!groups!public!documents!cafrad!unpanOO2395.pdf

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Le statut avancé DE-Maroc et les collectivités locales 81

les régions, le développement urbain et les politiques sociales à traversl'INOR pour les villes.

Le niveau local dans le Statut avancé DE-Maroc

Parmi les objectifs signalés par le Document conjoint, il convient desouligner l'intensification de la coopération politique « en vue d'une plusgrande prise en compte de leurs priorités stratégiques respectives », laconvergence des législations pour 1'« intégration progressive du Maroc aumarché intérieur de l'UE » et « la vocation [du Statut avancé à] une plusgrande implication des entités territoriales, des acteurs économiques etdes partenaires sociaux des deux parties dans l'objectif de promouvoir lessynergies entre ces intervenants et de concrétiser l'appropriation communede ce partenariat» ainsi que de «développer la dimension humaine dupartenariat UE-Maroc à travers le renforcement des échanges culturels,éducatifs et scientifiques». Et ce, «avec un soutien financier appropriéet en phase avec l'ampleur et le caractère ambitieux de cette nouvelleévolution ». À cet effet, une «feuille de route» a été établie visant àmatérialiser le Statut avancé en une série d'actions à court et à moyentermes qui seront objet d'une évaluation périodique.

Concernant les collectivités locales, le document conjoint sur leStatut avancé

«encourage le rapprochement entre les représentants des autoritésrégionales et locales marocaines et leurs homologues européens quipermettra de conforter la dynamique de la coopération transfrontalièreet transrégionale promue dans le cadre de la PEY, étant entendu qu'elledevrait respecter les mêmes principes que la coopération transfrontalièreau titre de l'IEVP. Le Maroc ambitionne, à terme, de mettre en réseau lesentités régionales marocaines avec le Comité des Régions (CdR) ».

Les deux éléments à extraire de cette déclaration sont les suivants:

- Continuité explicite des instruments de coopération transfrontalièreet de coopération décentralisée entre le Statut avancé et la Politiqueeuropéenne de voisinage. En effet, il ne semble pas que l'agenda actueldu Statut avancé prévoie des possibilités d'impulser ladite coopération àtravers de nouveaux programmes ou ressources.

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82 Ivan Martîn et Paqui Santonja

- Perspectives d'institutionnalisation des relations entre les autoritésrégionales marocaines et européennes (il est intéressant à signaler que,dans ce contexte, les collectivités locales en tant que telles ne sont pasmentionnées).

a) Institutionnalisation

Quant à la dimension institutionnelle, le Comité des régions de l'UEet le ministère des Affaires étrangères et de la Coopération du Royaumedu Maroc ont déjà établi des contacts préliminaires pour convenir desmécanismes de coopération opérationnelle entre cette institution et lesrégions et villes marocaines. Il est important que cette institutionnalisationne se produise pas uniquement « de haut en bas », mais qu'elle permetteaussi des contacts directs entre les autorités locales européennes etmarocaines et garantisse une implication adéquate du niveau municipale.

b) Un pari pour la promotion de jumelages institutionnels

Dans cette logique, dans le cadre du Document conjoint sur le Statutavancé on retrouve un énoncé qui rappelle l'engagement mutuel de l'UEet du Maroc dans le processus de renforcement et d'approfondissement desréformes politiques et administratives, permettant entre autres l'avancementdans le processus de décentralisation: « L'UE salue l'intention du Maroc derenforcer la décentralisation et de promouvoir le développement régional.L'UE attache une grande importance au développement régional équilibrédans un souci de cohésion sociale. Elle se félicite du lancement de deuxopérations de jumelage au profit d'autorités régionales. » Cependant, misà part cette mention, peu d'éléments de concrétisation se retrouvent dansle texte.

Or le support à la régionalisation n'est plus seulement compris commeun effort pour le développement régional, mais il s'agit aussi de renforcerleur rôle en tant qu'institution au travers d'un instrument spécifique:la promotion de jumelages institutionnels. Initialement prévu commeinstrument pour accompagner la préparation des pays de l'Est de l'Europeà l'adhésion à l'UE, le jumelage institutionnel a été élargi en 2003 auxEtats ayant un Accord d'association avec l'UE, dans le cas concret quinous occupe à travers le Programme d'appui à l'Accord d'associationMaroc-UE. L'originalité de cet outil est de permettre à une administrationou organisme public marocain en charge d'une réforme sectorielle ayant

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pour objectif de rapprocher l'arsenal juridique (législation, réglementation,normes, standards ... ) du Maroc de l'acquis communautaire, de pouvoirchoisir une administration ou un organisme public européens similairespour l'aider à réaliser cette réforme. En effet, à l'issue d'une procédured'identification du projet et de mise en concurrence des 27 Etats-membresde 1'VE, l'État membre partenaire sélectionné par les Autorités marocainess'engage à transférer l'expertise pratique du secteur public disponible dansson administration nationale à l'administration marocaine.

Ceci constitue une expérience pilote unique dans le cadre de laPolitique européenne de voisinage en matière de renforcement descapacités d'une région déterminée. L'objectif commun est de promouvoirle développement de la même région par les moyens propres à chaqueinstitution et les synergies potentielles à générer au profit du territoire, dessecteurs d'activités et des populations bénéficiaires.

Les deux projets de jumelage avec des autorités régionales actuellementen cours au Maroc concernent la Wilaya de l'Oriental et l'Agencede Oriental dont la réalisation a été attribuée à l'Espagne en tantqu'Etat-membre à travers respectivement la Région de Galice et l'Agenceandalouse de coopération internationale. Ils ont pour objectif de permettre,d'une part, à l'Agence de développer ses capacités d'intervention dans lecadre de ses objectifs institutionnels propres et, d'autre part, de permettreà la Wilaya de développer ses capacités en matière de développementintégré et durable de la région.

Le Statut avancé recueille donc ces deux projets, valorisant le fait que lesadministrations bénéficiaires sont des régions. Ceci devrait être l'occasiond'un véritable engagement en faveur non seulement d'une consolidationdes régions comme acteurs-clés ancrés sur le territoire (en cohérenceavec le plan de régionalisation qui devrait être présenté en fin 2010)mais aussi pour renforcer la coopération territoriale avec d'autres régionseuropéennes et ceci avec le support de la Commission européenne (41).Par contre, la mise en exergue du jumelage institutionnel entre régionseuro-marocaines ne peut en aucun cas être le seul fondement de l'appui àla décentralisation et au développement régional déclaré dans le documentconjoint du Statut avancé.

(41) Pour plus de détails au sujet du jumelage des collectivités locales, voir: http://www.gemdev.org/publications/etatdessavoirs/pdf/abouhani.pdf.

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En fait, les deux projets de jumelage entre des autorités régionalesmentionnés ci-dessus pourraient offrir le cadre approprié pour lancerune première étude sur les besoins de renforcement des capacitésadministratives et institutionnelles des divers niveaux des gouvernementslocaux et régionaux du Maroc (42). Plus généralement, le Statut avancéoffrirait également un cadre approprié au lancement d'un vaste programmede renforcement des capacités administratives et institutionnelles au profitégalement des collectivités locales, tel qu'il a été fait dans le cadre duPartenariat oriental établi lors du sommet de Prague du 7 mai 2009 entrel'UE et six pays d'Europe de l'Est et du Caucase méridional (Ukraine,Moldavie, Géorgie, Azerbaïdjan, Arménie et Biélorussie).

Par ailleurs, l'établissement au Maroc de la Commission consultativesur la régionalisation, qui devra dresser un rapport sur la « régionalisationavancée» au Maroc fin 2010 et notamment la démarche ultérieured'adoption et d'éventuelle application de ses propositions, offre uneexcellente opportunité pour matérialiser l'appui de l'UE à ce processuset assurer une participation appropriée des collectivités locales à cettedernière. En ce sens, il est important de souligner que la répartition descompétences entre les divers niveaux de gouvernement est bien plus qu'unsimple question d'efficience et de bonne gouvernance: il s'agit d'unedimension fondamentale du processus de démocratisation, de manière quele processus de régionalisation doit être accompagné par un renforcementeffectif de l'autonomie et des ressources des collectivités locales, et avoirun impact direct sur les conditions de vie des citoyens, aspects que l'onne saurait ignorer.

c) Autres programmes européens concernant les collectivités localesmarocaines

Dans le cadre plus général de la Politique européenne de voisinage(PEV), le Programme indicatif national (PIN) 2011-2013 (43) publiépar la Commission européenne en avril 2010 présente les priorités dela coopération bilatérale UE-Maroc pendant les prochaines années. Eneffet, le document mentionne explicitement la « régionalisation/approcheterritoriale» comme l'un des thèmes transversaux à intégrer dans tous les

(42) Concernant la distribution des compétences entre les divers niveaux de gouvernement auMaroc et la structure institutionnelle territoriale, voir la Fiche Pays Maroc du CGLU (2009b).(43) http://ec.europa.eu/worldlenp/pdf/countryI2011_enpi_csp_nip_morocco3n.pdf.

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Le statut avancé UE-Maroc et les collectivités locales 85

programmes proposés, au même titre que le genre, l'environnement et labonne gouvernance. Il est à signaler l'importance attachée dans ce PINau support au processus de modernisation des administrations publiqueset tout particulièrement à l'articulation entre les services déconcentrésde l'Etat et les attributions des collectivités locales, aussi bien dans lerenforcement des capacités que dans l'amélioration en matière de gestionfiscale. Comme autre nouveauté, mise à part de la régionalisation, il est àsignaler le besoin de renforcement des capacités des collectivités locales.Les principaux programmes inclus dans le PIN qui touchent le domainedes collectivités locales sont les suivants: le Programme de préventionde l'habitat insalubre (qui fait mention du besoin de coordination avec laDirection générale des collectivités locales dans le cadre de son travailsur la planification stratégique urbaine), le Programme de développementrural intégré dans le Nord, la réforme agricole, la modernisation de l'actionpublique (avec l'accent mis sur la régionalisation) et l'appui à la politiqueforestière.

Finalement, dans le chapitre « réussir le Statut avancé », le programmeveut contribuer «à une meilleure implication des entités territoriales,des acteurs économiques et des partenaires sociaux au sein de cepartenariat ».

Programme de coopération transfrontalière. L'accent mis sur lacontinuité des instruments de coopération décentralisée dans le cadrede l'Instrument européen de voisinage et de partenariat (IEVP), qui estl'instrument financier de la Politique européenne de voisinage, soulignecombien il est important de débloquer la participation du Maroc auProgramme de coopération transfrontalière qui y est prévu. L'importancede ce programme réside non seulement dans les ressources considérablesqu'il mobilise, avec une enveloppe financière totale (pour le sud de laMéditerranée et l'est de l'Europe) de 1,181 milliard d'euros pour lapériode 2007-2013, mais surtout dans le fait que pour la première fois dansl'histoire de la coopération externe de l'UE, il applique une méthodologiede gestion et de contrôle propre aux fonds structurels de la politiquerégionale européenne, bien que légèrement simplifiée. En outre, cesressources sont destinées à des programmes de coopération transfrontalièreentre les territoires situés sur les frontières externes de l'UE, c'est-à-direentre les États membres et les pays partenaires qui partagent des frontièresmaritimes ou terrestres, programmes qui seront exécutés par les autorités

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86 Ivân Martin et Paqui Santonja

régionales et locales et des autres acteurs locaux du développement (ONG,chambres de commerce, universités ... ).

Plus concrètement, il comprend le Programme Bassin Méditerranéedestiné à toutes les régions côtières méditerranéennes et qui a déjà été misen œuvre (avec un budget d'environ 171 millions d'euros) (44) et diversprogrammes bilatéraux dont, entre autres, un Programme Espagne-Maroc(avec un sous-programme Andalousie-Maroc et un sous-programme îlesCanaries-Sud du Maroc) avec un budget de 156,7 millions d'euros.Le lancement de ce dernier programme est sujet à un accord préalabledes gouvernements d'Espagne et du Maroc. Cependant, ce dernier adécidé de suspendre pour l'instant sa participation au Programme BassinMéditerranée (qui requiert la signature d'une convention financière avec laCommission européenne) et de ne pas souscrire au Programme Espagne­Maroc, ce qui implique la perte de la moitié des fonds alloués à ceprogramme si l'accord ne se produit pas avant juin 2010 (l'autre moitié,correspondant à des fonds structurels revenant à l'Espagne, serait allouéeà des programmes de coopération transfrontalière gérés par les autoritésrégionales espagnoles).

Au-delà de la perte des ressources financières, qui infirme l'excellentecapacité d'absorption du soutien financier européen qu'a démontréposséder le Maroc (116 % des allocations en 2008), le blocage dulancement du Programme de coopération transfrontalière Espagne-Marocet le refus de participer au Programme Bassin Méditerranée remettenten question la capacité d'adaptation du Maroc à la méthodologie de lapolitique régionale européenne et, par conséquent, sa future participationà cette politique. En effet, l'objectif de l'application de la méthodologiedes fonds structurels aux programmes de coopération transfrontalière del'IEVP était précisément de servir de banc d'essai à« l'accès aux moyensfinanciers communautaires adéquats pour accompagner le Maroc dans unelogique de politique régionalè et de cohésion de l'DE» que mentionne ledocument conjoint.

De ce point de vue, le déblocage de la participation du Maroc auProgramme de coopération transfrontalière revêt une importance crucialepour les perspectives de toute modalité d'élargissement de la politique

(44) www.enpicbcmed.eu/fr/index.html.Programme opérationnel conjoint. www.commed-cglu.org/IMG/pdflProgramme._Fr.pdf.

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Le statut avancé DE-Maroc et les collectivités locales 87

régionale et des fonds structurels au Maroc dans le cadre du Statut avancé,ainsi que pour la participation opérationnelle des collectivités locales etrégionales à ce processus.

Programme CIUDAD. Ce programme (Coopération en matière dedéveloppement urbain et dialogue) compte sur une enveloppe budgétairede 14 millions d'euros pour la période 2009-2011 (dont 8 millions pourle sud de la Méditerranée) et permet aux collectivités locales de rUEet des pays méditerranéens partenaires de mener à bien des projets decoopération et de partenariat, précisément dans l'objectif de promouvoirla compréhension mutuelle, le dialogue et la coopération en soutenantle renforcement des capacités afin de moderniser et de renforcer lesgouvernements locaux et régionaux des pays partenaires (notamment enmatière de planification du développement urbain durable) (45). Lespremiers projets dans le cadre de ce programme ont déjà été approuvés.

Conclusion

La tenue du premier Forum des autorités locales UE-Maroc (46)dans le cadre des activités préparatoires du premier Sommet UE-Marocsous la présidence espagnole de l'UE a permis de mettre en rapport lesinterlocuteurs impliqués et de dresser un premier bilan des résultatsescomptés et réellement atteints au sujet du renforcement institutionnelau support à la décentralisation. « L'engagement de Cordoue », documentdéclaratoire du Forum, annonce ainsi que les collectivités locales euro­marocaines réunies s'engagent, d'une part, « à initier un processus pourla construction d'un agenda commun de la coopération décentralisée entreles autorités locales du Maroc et de l'Union européenne» et, de l'autre, « àimpulser les mesures nécessaires pour développer les outils d'appropriationdans les territoires, afin de faciliter davantage la coopération en tantque complément des efforts de planification stratégique ». Par ailleurs,

(45) Pour une vue d'ensemble des programmes euro-méditerranéens ouverts à la participationopérationnelle des collectivités locales et régionales, voir Ivân Martin (2009), La participationopérationnelle des collectivités locales et régionales au Partenariat euro-méditerranéen. Fiche dedivulgation euromed n° 2 (www.commed-cglu.org/spip.php?rubrique13).(46) Organisé par le Forum des Municipalités Andalouses pour la Solidarité Internationale(FAMSI) en collaboration avec le Secrétariat d'Etat pour loUE du ministère des Affairesétrangères et de la Coopération espagnole et la Direction générale des collectivités locales duministère de l'Intérieur marocain. http://www.andaluciasolidaria.org/index.php?option=com_content&task=view&id=866&Itemid=609

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88 Ivan Martîn et Paqui Santonja

ces mêmes collectivités locales exhortent les responsables européens etmarocains «d'aller de l'avant pour une participation du Maroc dans leProgramme de Coopération Transfrontalière » qui permette une meilleure« articulation entre acteurs de la coopération décentralisée UE-Maroc ».

Le Statut avancé peut offrir un cadre approprié pour rationaliserla coopération décentralisée qui existe déjà entre les autorités localeseuropéennes (notamment françaises, italiennes et espagnoles, mais pasuniquement) et marocaines. Cette coopération n'est pas nouvelle etconstitue le point de départ naturel de la participation des autorités localesdans le Statut avancé UE-Maroc. Les efforts pour le structurer ont donnélieu à la création de nombreux projets et réseaux, telles les initiativesstructurants du PAD Maroc (47) (entre le Maroc et la France), le projetART-GOLD Maroc (48) ou le projet de Ciudades Hermanas andalouseset du Nord du Maroc (AN'MAR) (49). Toutefois, il existe encore denombreuses autorités locales dans l'Union européenne qui seraient prêtesà participer aux projets de coopération décentralisée et d'échanges avecle Maroc, mais qui ne trouvent pas souvent un interlocuteur institutionnelpouvant donner suite à ses demandes. Et le manque d'intégration entre lesprojets de coopération décentralisée et entre ceux-ci et les stratégies dedéveloppement au niveau local empêche de tirer tout le profit possible del'extraordinaire potentiel mobilisateur de ces ressources et de l'expérienceaccumulée de la coopération décentralisée.

En ce qui concerne le dialogue politique entre les collectivités localesmarocaines et européennes (50), un nouveau pas a été franchi avec lacréation de l'Assemblée des collectivités locales et régionales euromed(ARLEM) (51) dans laquelle le Maroc vient d'assumer la présidencedes pays partenaires méditerranéens avec le président de la régiond'Al Hoceima. Ceci permet de promouvoir un véritable dialogue etconstitue un support à la concertation politique qui devra au niveaumarocain avant tout faire un effort pour fédérer les élus locaux et régionaux

(47) Projet d'accompagnement du processus de décentralisation au Maroc, qui organise desassisses de la coopération décentralisée; http://padmaroc.org.(48) http://www.pnud.org.malPOOO56511.asp.(49) http://www.an-mar.org(50) Selon le Document conjoint « le Maroc ambitionne, à terme, de mettre en réseau les entitésrégionales marocaines avec le Comité des Régions (CdR) ».

(51) Pour plus d'informations, voir le site web du Comité des Régions: http://www.cor.europa.eu/pages/DetaiITemplate.aspx?view=detail&id=O1da2561-f039-4abd-a42e-47995ffcOfc5.

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Le statut avancé DE-Maroc et les collectivités locales 89

à travers les structures déjà existantes (entre autres l'Association marocainedes collectivités locales).

Grâce au Statut avancé, de nouvelles fenêtres d'opportunités souvrentpour les collectivités locales euro-marocaines. Il s'agit du cadre le plusapproprié pour continuer à avancer dans l'approfondissement des relationsà travers la mise en place de programmes spécifiques dotés de ressourcesfinancières propres et assurant un espace de dialogue avec les autoritésnationales. Un nouveau sera d'établir des mécanismes effectifs par assurerune implication majeure de la population et des acteurs de la société civiledans cette dynamique de travail et d'échange.

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Références bibliographiques

Ivân Martin et Paqui Santonja

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Jaidi, Larabi (2009): Le statut avancé Maroc-UE : quelle valeur ajoutéeà la PEV? Annuaire de la Méditerranée, 2009. IEMed et CIDOB.Barcelone. http://www.iemed.org/anuari/2009/farticles/fr159.pdf

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Larabi Jaidi et Ivan Martin (2010): Comment faire avancer le StatutAvancé? Documents IEMed, n° 5, IEMed, Barcelone, http://www.iemed.org/publicacions/papers5_ma.pdf.

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Santonja, Paqui (2008): El Instrumento Europeo de Vecindad y suaplicaciôn en el Mediterraneo. Retos y oportunidades desde el mundolocal. Universidad Internacional de Andalucia. Sevilla, marzo, 2008.

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Axe II

Les politiques et les mécanismesde mise en œuvre du Statut avancé

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Un nouvel instrument financierpour un nouveau statut avancé

Ivan MARTIN (52)

Dans le document conjoint sur le Statut avancé approuvé par le Conseild'association UE-Maroc le 13 octobre 2008 (53), les deux partiesse sont mises d'accord pour assurer au Maroc «un soutien financierapproprié et en phase avec l'ampleur et le caractère ambitieux» du Statutavancé, tout en reconnaissant que «l'approfondissement des réformesdécoulant du Statut avancé, et notamment l'approximation réglementaireet la modernisation des infrastructures, ainsi que l'ouverture croissantede l'économie prévue au titre de l'approfondissement de la libéralisation(ALEA), nécessiteront des moyens financiers importants afin de mobiliserl'assistance technique, financer les investissements et accompagner (auniveau social) les inévitables mutations ».

Les deux parties s'engagent donc à une« réflexion conjointe [...] en vuede franchir, à partir de 2013, une nouvelle étape pour l'accès aux moyensfinanciers communautaires adéquats pour accompagner le Maroc dans unelogique de politique régionale et de cohésion de l'Union européenne (UE)et d'adoption de nouvelles procédures de mise en œuvre », c'est-à-direpour envisager un type de participation aux fonds structurels européens.Il ne faut pas laisser passer cette opportunité d'entamer cette « réflexionconjointe» et même aller plus loin et profiter de la période 2010-2013pour avancer dans les préparatifs concrets pour rendre possible cetteparticipation.

Étant donné que les montants maxima de l'action extérieure de l'UEsont fixés dans les Perspectives financières 2007-2013, l'augmentationsubstantielle de l'assistance financière est reportée aux prochaines

(52) Chercheur associé de j'lnstituto Complutense de Estudios Intemacionales (ICEI) à Madrid.(53) http://ec.europa.eu/extemaCrelations/morocco/docs/ documenCconjoinCfr.pdf. Pour uneanalyse exhaustive du Statut avancé, voir Larabi Jaidi et Ivan Martin (2010), Comment faireavancer le Statut avancé UE-Maroc ? 94 pages, Documents IEMed n" 5. IEMed et Groupementd'Etudes et de Recherches sur la Méditerranée (GERM), Barcelone, http://www.iemed.org/publicacions/DocslEMed_5.pdf.

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94 Ivân Martîn

Perspectives financières 2014-2018, qui devraient commencer à êtrenégociées au cours du deuxième semestre de 2010.

Ceci étant, dans le cadre de la planification stratégique de l'Instrumenteuropéen de voisinage et partenariat (IEVP) pour la période 2011-2013, laCommission européenne dispose d'une certaine marge de manœuvre dansla répartition des fonds entre les pays d'une même région. Ainsi, dans leProgramme Indicatif National 2011-2013 pour le Maroc approuvé par laCommission le 3 mars 2010, quelques jours avant le premier Sommet UE­Maroc, le Maroc, avec 580,5 millions d'euros pour cette période, bénéficieeffectivement du montant le plus important en termes absolus, ainsi que del'augmentation en pourcentage la plus élevée parmi les pays partenairesméditerranéens, à l'exception de la Syrie et de la Libye qui partent deniveaux très bas (voir tableau 1).

Tableau 1Allocations bilatérales multiannuelles indicatives

pour 2011-2013 (mill. €)

Enveloppe financière AugmentationPopulation Assistance

Pays provisionnelle par rapport à(mill) Par habitant

2011-2013 (mill. €) 2007-2010 (%) et par an (€)

Maroc 580,5 18,2 % 31 6,2Algérie 172 4,2% 34 1,6Tunisie 240 6,7% 10 8Égypte 449 7,2% 82 1,8

Autorité504 6,3% 4,5 37,3palestinienne*

Jordanie 223 12,2% 6 12,4Liban 150 7% 4 12,5Syrie 129 32,3% 21 2Libye 60 1000% 6 3,3

Pays arabes2507 12,8% 198,5 4,2méditerranéens

* Hors assistance humanitaire extraordinaire.Source : Élaboration propre à partir de documents de la Commission européenne.

Du point de vue du Maroc, cela reste bien sûr en deçà de ses attenteset de ses capacités. En effet, en termes de quantité par habitant le soutienfinancier reste très modeste: de un peu plus de 6 euros par habitant et paran, toujours substantiellement inférieur aux quantités allouées à des pays

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Un nouvel instrument financier pour un nouveau statut avancé 95

de petite taille comme la Tunisie, le Liban ou la Jordanie. L'augmentationaccordée au Maroc doit également être relativisée par rapport à d'autrespays du voisinage, notamment les pays de l'est de l'Europe: ainsi, l'Ukraineverra son enveloppe financière augmenter de 27 % (470 millions en tout)pour 2011-213, et les autres pays du Partenariat oriental bénéficierontencore d'augmentations plus conséquentes: plus de 50 % en moyenne. Larépartition des fonds pour la période indiquée respecte en gros l'accordpolitique de distribuer 1/3 de l'assistance de l'IEVP aux pays voisinsde l'Est et 2/3 aux pays du sud de la Méditerranée (si on ne compte pasles 45 millions destinés à la Russie et en tenant compte du fait que cetterègle de répartition a été adoptée avant l'adhésion des 10 pays de l'est del'Europe qui sont devenus États-membres de l'UE et ne bénéficient doncplus de ces aides). Néanmoins et curieusement, l'assistance moyenne partête et par an pour les pays de l'Est, qui ont commencé à recevoir de l'aidetrès récemment, a déjà devancé celle des pays méditerranéens (5,6 euroscontre 4,2 euros).

À l'évidence, le niveau actuel de l'aide, même s'il a augmenté de façonsoutenue depuis 1995 tant en termes absolus que par habitant, ne suffit nipour mener une politique de convergence réelle entre le Maroc et l'UE, nipour faire face aux grands défis socioéconomiques auxquels est confrontéle Maroc. Dans le meilleur des cas, le montant par tête ne dépassera pasles 6,5 euros par habitant et par an en 2013. Même si c'est une avancéeimportante par rapport aux 4 euros par habitant et par an alloués durantla période 2000-2006, cela s'avère insignifiant en comparaison avec les200 euros par habitant et par an jugés nécessaires par l'UE elle-même.

Tableau 2Assistance financière de l'UE au Maroc (1995·2013)

Allocation AllocationAllocation

(mill.€) par an (mill. €)par an et parhabitant (€)

MEDA 1(1995-1999) 660 132 4,7

MEDA Il (2000-2006) 982 140,3 4,8

IEVP (2007-2010) 654 163,5 5,45

IEVP (2011-2013)* 580 193,3 6,2

Quant aux modalités de l'assistance, il est évident que l'évolution dela logique de coopération par projet vers l'aide budgétaire sectorielle qui

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96 Ivan Martîn

absorbe déjà 100 % de l'assistance au Maroc a été un pas en avant importanten termes d'efficacité. Cependant, si l'on veut effectivement créer un espaceéconomique euro-marocain, la logique de la coopération qui l'a emportéjusqu'à présent doit être remplacée par une logique d'intégration au niveau del'assistance financière (comme complément, par exemple, de la convergencenormative). Cette logique est sous-jacente, par ailleurs, à la Politiqueeuropéenne de voisinage (PEV). Sans convergence réelle et sans politiquede convergence avec des objectifs clairs, la convergence réglementaire et lalibéralisation des échanges perdraient beaucoup de leur sens.

Dans ce contexte, il faut reconnaître que l'on n'a ni profité du sommetUE-Maroc ni de l'année écoulée depuis l'approbation du Document conjointpour entamer la réflexion annoncée dans ce document. Curieusement, laDéclaration adoptée à ce sommet ne fait aucune référence aux Perspectivesfinancières 2014-2020 pour lesquelles, cependant, devront commencer lesnégociations au sein de l'Union européenne au plus tard en 2011 et quidevront définir les nouvelles modalités de coopération financière entrel'UE et les pays du sud et de l'est de la Méditerranée en remplacement del'IEVP (2007-2013) qui a lui-même remplacé les fonds MEDAde la période1995-2006. En effet, le nouvel IEVP était entré en vigueur en janvier 2007,englobant en un seul instrument de financement les fonds MEDA, Phare,Tacis et les autres programmes plus spécifiques (comme Interreg) de soutienaux pays voisins de l'Union européenne. Alors que la première révision àmi-parcours des instruments financiers pour les actions extérieures (54),IEVP compris, a été déjà publiée, il est nécessaire de réfléchir à de nouveauxinstruments financiers pour répondre à la différentiation croissante dans lesrelations de l'Union européenne avec ses voisins méditerranéens.

La nécessité d'un nouvel instrument financier

L'expiration de la période d'exécution des Fonds MEDA (1995-2006) apermis d'évaluer leur efficacité, leur fonctionnement et leur impact (55).Au-delà de l'aide indéniable apportée aux politiques de réforme structurelleet de stabilisation budgétaire de la région, ce qui a contribué de manière

(54) Communication de la Commission européenne au Parlement européen et au Conseil.COM(2009) 196 final, du 21 avril 2009.(55) Une évaluation officielle du Programme MEDA II et de son application vient d'êtrepubliée par la Commission européenne (http://ec.europa.eu/europeaidlhow/evaluation/evaluation_reports/2009/1264_docs_en.htm).

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Un nouvel instrument financier pour un nouveau statut avancé 97

significative à l'assainissement macroéconomique des pays partenairesméditerranéens (PPM) et à la réussite de quelques projets sectoriels ourégionaux, il n'est pas exagéré de dire qu'il existe un large consensus surle fait que les programmes MEDA n'étaient ni par leur volume ni par leurconception un instrument à même de répondre aux énormes défis posésà la région en termes d'emploi, d'environnement - notamment l'accès àl'eau - d'éducation et, bien entendu, de convergence (56).

En effet, les programmes MEDA ont mis en évidence l'existenced'un seuil minimum d'efficacité au-dessous duquel les retombées del'aide sont absorbées par les procédures bureaucratiques, l'assistancetechnique, la planification, etc. Or, les fonds MEDA et l'IEVP sont loind'atteindre ce seuil (dans le cas des Fonds MEDA, la fragmentation desprojets est un obstacle supplémentaire à leur efficacité). Certes, du pointde vue quantitatif, l'IEVP s'est traduit par une certaine augmentation desressources, mais de façon plutôt marginale, puisque nous sommes passésde moins de quatre euros à un peu plus de cinq euros par habitant et paran, ce qui est un progrès mais qui n'altère nullement l'appréciation globalequant à la modestie de l'aide. De ce point de vue, il est vrai que l'aidebudgétaire directe (transferts financiers destinés à des secteurs concretsliés à l'avancement des réformes dans ces secteurs), qui est en train des'imposer comme modalité privilégiée de l'aide en Méditerranée, est unmécanisme qui minimise la question des procédures bureaucratiques et desfrais de gestion. C'est donc probablement la meilleure façon de débourserdes sommes relativement petites, comme dans le cas de la coopérationeuro-méditerranéenne, et c'est cette modalité qui tend à s'imposer dans lecadre de la PEY en remplacement du financement par projets (57).

Cependant, force est de reconnaître que les instruments financiers dontnous disposons actuellement n'arrivent même pas à compenser les pertes derevenus de l'État enregistrées par les Pays partenaires méditerranéens suiteau démantèlement des tarifs douaniers sur les produits industriels européensaprès la création des zones euro-méditerranéennes de libre-échange. Le casdu Maroc peut servir d'exemple. A trois ans de l'achèvement de sa zone de

(56) Pour une analyse récente sur la performance des Fonds MEDA, voir The MEDAProgramme in Morocco 12 Years on: Resu1ts, Experiences and Trends, de Michal Natorski,Documents de CIDüB Mediterraneo n° Il, Barcelone, 2008, http://www.cidob.org/en/content/downloadl7230/725611file/doc_mediterraneo_ll.pdf.(57) Voir la brochure "Aide budgétaire: la manière efficace de financer le développement?",http://ec.europa.eu/europeaidlinfopoint/publications/europeaid/documentslbudgetsupport08_fr.pdf.

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98 Ivan Martîn

libre-échange, ses recettes tarifaires ont diminué de 450 millions d'eurospar an (par rapport aux recettes qu'il aurait réalisées s'il n'avait pas réduitou éliminé ses tarifs sur les produits industriels européens), tandis qu'ilperçoit de l'Union européenne, au titre de la coopération économique etfinancière (dans le cadre de l'IEVP) quelque 165 millions d'euros par an,autrement dit, bien loin de ce qu'il faut pour au moins compenser les pertescausées aux finances de l'État (58).

Malgré cela, ilconvient de souligner que l'IEVP introduit une innovationtrès intéressante, à savoir que 5 % des fonds sont réservés aux programmesde coopération transfrontalière sous-régionaux ou bilatéraux, complétéspar un montant équivalent de fonds structurels européens (qui finançaientles projets Interreg jusqu'à présent), ce qui donne au total un montant de1 180 millions d'euros. Ces programmes de coopération transfrontalièrereprennent la méthodologie des fonds structurels européens, bien quelégèrement simplifiée concernant certaines procédures. Malheureusement,alors que le Programme du Bassin méditerranéen est déjà en route (mêmesi tous les pays du Sud n'y ont pas encore adhéré), parmi trois desprogrammes bilatéraux établis en Méditerranée, deux sont bloqués entrel'Espagne et le Maroc pour des raisons politiques tenant à la participationau programme des villes de Sebta et Melilla; par contre, celui entre laSicile et la Tunisie a déjà été approuvé.

L'Union pour la Méditerranée, pour sa part, ne semble pas apporterbeaucoup de valeur ajoutée en termes de mobilisation de nouvellesressources financières et moins encore dans le contexte actuel de la criseéconomique mondiale. En effet, aucun engagement financier précis n'a étéassumé, ni au Sommet de Paris de juillet 2008, ni à la réunion ministériellede Marseille de novembre 2008, pour financer les projets régionauxsélectionnés. Qui plus est, les débats et propositions qui ont précédéla création de l'UPM ont mis en lumière que l'un des axes essentielspour renforcer le Partenariat euro-méditerranéen doit être la constructiond'infrastructures de toutes sortes (énergie, transports, dépollution ...) etque, par ailleurs, le succès de la plupart des initiatives envisagées (enparticulier en matière d'énergie, de financement et d'investissement ouconcernant l'eau) passe par une série de réformes d'accompagnement

(58) Voir Ivan Martin (2004) : «The Social Impact of Euro-Mediterranean Free Trade Areas :a First Approach with Special Reference to the Case of Morocco », Mediterranean PoUties,vol. 9.3, Taylor & Francis, Londres, p. 422-458.

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Un nouvel instrument financier pour un nouveau statut avancé 99

assurant la création d'un climat propice à l'initiative privée, ce qui est,malgré les progrès réalisés, loin d'être achevé dans les pays partenairesméditerranéens. Or, l'expérience d'intégration européenne prouve quela construction d'infrastructures, même si elle est exécutée par desentreprises privées, a besoin de financement public, notamment si l'onsouhaite parvenir à un certain degré de cohésion régionale (ce quitransforme les infrastructures en de véritables biens publics dont larentabilité sociale dépasse largement la rentabilité financière), surtoutdans le cas des infrastructures environnementales. De même, l'acceptationsociale des réformes encouragées par l'Union européenne dans le domaineéconomique et social est d'autant plus aisée qu'elle est accompagnée d'unsoutien financier conséquent pour aider à en pallier les effets négatifs pourles secteurs et catégories touchés et faciliter ainsi la transition.

C'est dans ce cadre qu'il convient de parler de l'intérêt que présente lapossibilité d'explorer, de concevoir et d'introduire de nouveaux instrumentsfinanciers en Méditerranée. Alors même que nous voulons avancer vers lacréation de la Zone euro-méditerranéenne de libre-échange en 2010 etla participation des pays partenaires au Marché unique européen, celadoit aussi avoir des implications financières, comme cela avait été le caslors de la création du Marché unique en 1993, qui a été accompagnéed'un triplement des fonds de la Politique régionale européenne pourfinancer une authentique politique de cohésion. En effet, la question­clé des relations économiques euro-méditerranéennes est la question dela convergence: sans convergence ni politique de convergence claire,le projet de Partenariat méditerranéen ou, à présent, celui de l'Unionpour la Méditerranée, n'a pratiquement pas de sens, et cela implique lacoresponsabilité quant aux effets des politiques appliquées.

Or, l'Europe a justement, au moins depuis 1993, un instrumentpolitique très rôdé qui a prouvé son efficacité: la politique régionaleeuropéenne et, plus précisément, la politique de cohésion qui a fonctionnéexactement dans cette direction : réussir la convergence interne au sein del'Espace économique européen et la solidarité entre territoires à niveauxde développement très inégaux, tout en promouvant la mise à niveau et lamodernisation du tissu économique des régions à la traîne pour faire face àla concurrence au sein du marché unique. Les instruments de cette politiquesont les fonds structurels. Dans le cadre du Statut avancé, il semble tout àfait logique d'explorer les possibilités d'extension de ces fonds au Maroc.

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100 Ivân Martîn

Cette possibilité qui, il y a quelques années encore, semblait inatteignable,n'est plus si lointaine aujourd'hui.

Vers un Fonds euro-méditerranéen (ou euro-marocain) decohésion

En relation avec les perspectives de l'extension de la méthodologiedes fonds structurels aux pays du Sud de la Méditerranée, et notammentau Maroc, il faut tout d'abord souligner qu'il ne s'agit pas seulement,ni surtout, d'une augmentation substantielle des ressources financièresdisponibles (même si cela reste important), mais d'une méthodologiepropre aux fonds structurels qui déclenche un processus de mobilisation etde transformation institutionnelle (qui ne peut cependant pas fonctionneravec des montants dérisoires). Ces fonds ont un effet transformateur, uneffet de levier, comme dirait le secteur financier, beaucoup plus importantque celui d'une simple injection de ressources supplémentaires. Et ce, aumoins à deux titres:

- En premier lieu, un effet de levier sur la mobilisation de ressources dusecteur privé, c'est-à-dire, un effet multiplicateur. Pour le développementdes pays du Sud de la Méditerranée, cette mobilisation est indispensablemais elle sera très difficile à réussir si les ressources du secteur public ne sontpas mobilisées auparavant. Les investissements publics en infrastructurescaractéristiques du mécanisme des fonds structurels constituent justementle facteur d'attraction majeur pour l'investissement privé (étranger etlocal) et la promotion de l'activité économique. L'expérience de l'Espagnedans les années 90 en est l'exemple le plus éclatant.

- En second lieu, un effet de levier sur les réformes. L'Europe offred'excellents exemples: il est ainsi beaucoup plus facile de promouvoirn'importe quelle conditionnalité envisagée, notamment en termesd'acceptation sociale des réformes, si elle s'accompagne d'une enveloppefinancière conséquente garantissant, y compris à court terme, un rapportcoût-bénéfice positif pour le pays, notamment pour les secteurs et lescatégories sociales les plus touchés par les réajustements. Les résistancesde certaines élites sociales et politiques aux réformes sont alors beaucoupplus faibles.

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Un nouvel instrument financier pour un nouveau statut avancé 101

Évidemment, les pays du Sud ne peuvent, constitutionnellement, avoiraccès aux clés commandant la politique de répartition régionale européennequi est limitée aux seuls États-membres. Mais rien n'empêche la créationde nouveaux instruments financiers calqués sur les fonds structurels, ou des'en inspirer tout en les adaptant aux circonstances des Pays partenairesméditerranéens. Pour commencer, un nouveau Fonds euro-méditerranéende cohésion confirmerait l'engagement de l'Europe pour la convergencenon seulement législative mais économique de ses voisins du Sud.

Pour des raisons liées au volume des ressources nécessaires autant qu'àla préparation des pays partenaires bénéficiaires (capacité d'absorption),il serait impensable d'étendre d'emblée cette formule à tous les pays:il faudrait moduler le nouvel instrument en fonction des avancées de chaquepays en matière de réformes et de l'évolution de ses capacités d'absorptionsur le plan à la fois financier et institutionnel. Dans un premier temps, uneapproche pragmatique consisterait à viser un consensus au sein du paysconcerné (du Sud et de l'Est, car bien que mon analyse ne porte que surles pays méditerranéens voisins, il va de soi que nous devrions envisagerla même innovation autant pour le Sud que pour l'Est de l'Europesimultanément), puis commencer à y appliquer le nouvel instrument à titred'expérience pilote à l'aide d'un fonds de «cohésion-pays ».

De fait, un mécanisme comportant un élément de modulation similaire,bien que d'un montant beaucoup plus limité, a bel et bien été introduit dès2007 avec l'Instrument de gouvernance dont les fonds n'ont été allouésjusqu'à présent qu'à l'Ukraine et au Maroc. Aussi, parmi les pays partenairesméditerranéens, ce dernier serait-il le meilleur candidat pour l'applicationdu nouvel instrument financier de cohésion et ce, pour les mêmes raisons,qui ont conduit au Document conjoint sur le Statut avancé.

Par ailleurs, les fonds structurels européens ont développé une grandevariété d'instruments financiers avec des objectifs adaptés aux spécificitésde chaque région européenne, avant d'atteindre leur complexité actuelle.Concernant les pays méditerranéens, je crois qu'il serait beaucoup pluspertinent dans une première phase de créer un seul fonds, le Fonds euro­méditerranéen de cohésion (59), qui regrouperait tous les objectifs,surtout si l'on prévoit de se concentrer sur un seul pays pilote.

(59) Dans le rapport « Un Partenariat euro-méditerranéen renouvelé pour la paix, l'emploi et ledéveloppement durable. Un nouvel élan du Processus de Barcelone basé sur laconvergence», élaboré

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102 Ivân Martin

De toutes les manières, il faut amorcer au plus tôt le débat sur ladéfinition opérationnelle des modalités d'extension de la politique régionaleeuropéenne (et des fonds structurels) aux pays du Sud méditerranéen (l'UEne s'y étant pas déjà engagée dans le cadre du Statut avancé pour leMaroc ?) : création d'un fonds de cohésion spécifique ou d'une modalitéde participation à la politique régionale européenne (beaucoup pluscompliquée du point de vue juridique et constitutionnel) ; articulation surun seul fonds-pays ou plusieurs fonds structurels thématiques, commedans le cas de l'Europe (et dans le cadre de la PEY, avec l'Instrument degouvernance et le Fonds d'investissement de voisinage (60)); systèmede programmation et rôle des différentes instances de gouvernement,supervision de la Commission, etc.

Il faut également souligner que l'approche territoriale des fondsstructurels est très différente de l'approche macroéconomique ou sectoriellesuivie jusqu'àprésent dans le cadre de la coopération euro-méditerranéenne.Or, pour appliquer cette nouvelle approche territoriale, nous manquonsaujourd'hui d'un instrument aussi essentiel qu'un rapport de cohésiondans la région euro-méditerranéenne, à la manière des rapports émis pourles régions européennes. Et c'est une question fondamentale pour touteextension de la formule des fonds structurels.

Il faudrait compléter ce fonds-pays par un mécanisme de modulationqui garantirait une augmentation progressive des aides structurelles (d'unmontant qui pourrait avoisiner celui du fonds-pays) pour tous les paysintégrés dans le système en fonction de l'avancement de leurs réformeset du développement de leurs capacités administratives et institutionnellesconformément à une feuille de route déterminée (selon le modèle de laPEY, mais avec des plans d'action plus précis en termes de calendriers,priorités et ressources et avec une application effective des principes dedifférenciation et de conditionnalité positive). Ces ressources financièresrenforceraient la coopération bilatérale et ne remplaceraient pas lesressources assignées aux projets régionaux dans le cadre de l'UPM, quiont un rôle structurant.

par l'Institut de la Méditerranée, CESPI et l'IEMed pour la Commission interméditerranéenne dela CRPM pour le Sommet de l'Union pour la Méditerranée de Paris, de juillet 2008, les auteursproposent de créer quatre fonds différents: Med-Regio, Agri-Med, Med-Funds et Cult-Med.(60) Voir une description de ces instruments dans Erwwan Lannon et Ivân Martin (2009) :Rapport sur les progrès du Partenariat euroméditerranéen, IEMed, p. 40-41.

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Quant à la gestion de cet éventuel instrument financier pour la période2014-2020, il conviendrait, en plus du rapport cité sur la cohésion enMéditerranée, de préparer une étude préliminaire sur la transférabilité deces fonds qui posent bien entendu de nombreux problèmes. Certains sonttrès complexes et délicats du fait justement de la méthodologie des fondsstructurels qui renvoie à l'essence de la structure politique, économique etinstitutionnelle d'un pays.

Trois questions semblent fondamentales à cet égard:

- Le rôle de la Commission européenne est essentiel dans le cas desfonds structurels et il devrait l'être assurément aussi dans tout nouveauschéma de cohésion élargi au bassin méditerranéen, comme il l'estdéjà dans le cas des programmes MEDA et de l'IEVP. Mais il faudraitmobiliser plus de ressources humaines car, à mon avis, nous en manquonssérieusement à la Commission européenne pour gérer les programmesméditerranéens.

- En deuxième lieu, la question clé et la plus délicate a trait à la réformeet au renforcement des autorités régionales et locales des pays bénéficiaires,puisqu'elles sont les gestionnaires directs de ces fonds. Cela pose unproblème éminemment politique. Accompagner l'autonomie politique,dont profitent déjà les municipalités de certains pays, en lui associantune autonomie administrative et financière réelle serait une conditionpréalable pour l'adoption de la nouvelle formule. Personnellement, jeconsidère qu'une approche globale telle que celle proposée ici, si elle estsoutenue par des ressources financières substantielles, devrait permettre desurmonter ce problème. Par contre, la question de la capacité administrativedes autorités locales et régionales est plus facile à résoudre. Cela fait partiede la procédure de transformation structurelle, la disponibilité de fonds etl'assistance technique assurant le développement des capacités nécessaires.Nous ne le savons que trop bien en Espagne pour l'avoir utilisé dans laprocédure de distribution et de gestion des fonds structurels, ce qui aamplement contribué à renforcer et à moderniser les administrationslocales.

- Enfin, il va falloir élaborer un système unique de programmationconjointe et de planification stratégique (qui identifierait les retardsstructurels de chaque région, ainsi que ses ressources institutionnelles,humaines, économiques, financières... ), exécuté sous forme de plans

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104 Ivan Martin

opérationnels avec un contrat unique (qui remplacerait les Plans d'actionde voisinage), où convergeraient tous les acteurs travaillant dans une régionet toutes les modalités d'intervention, tous les fonds et mécanismes faisantpartie du nouvel instrument financier de cohésion, comme dans le cadrede la politique régionale européenne. Cela pourrait également servir àaller vers une plus grande cohérence entre les interventions des différentesagences de coopération pour le développement (agences nationales,organismes internationaux, Commission européenne...) travaillant danschaque pays et chaque région.

Concernant les ressources nécessaires, une pleine extension de lapolitique régionale au Maroc aurait certes un impact financier considérable.Si l'on applique la limite des fonds structurels fixée dans les dernièresPerspectives financières 2007-2013, équivalant à 4,25 % du PŒ d'un pays,on arrive à un plafond de deux milliards d'euros par an, ce qui reviendraità multiplier la coopération actuelle par 14 (et atteindre un niveau de prèsde 73 euros par habitant et par an) (61). Ce montant paraît énorme etil n'est évidemment pas réaliste à court terme en raison, entre autres, dela capacité d'absorption limitée du Maroc. Mais il est toujours possibled'appliquer le nouveau fonds par étapes, en augmentant progressivementles dotations annuelles de sorte que l'on arrive en 2020, par exemple, àl'équivalent de 2 % du PŒ en fonction des objectifs atteints de réformeset de convergence réglementaire. Cela supposerait environ un milliardd'euros par an, ce qui représenterait un véritable saut qualitatif dans lacoopération financière avec le Maroc, et aussi, sans doute, pour ce qui estde ses perspectives de convergence avec l'Europe. Mais d'ici là il y a unequestion d'une importance capitale à résoudre au préalable.

Les enjeux du Programme de coopération transfrontalière

En effet, autant le Maroc a fait preuve d'une excellente capacitéd'absorption des fonds qui lui sont alloués, autant le blocage de saparticipation au Programme de coopération transfrontalière mis en placedans le cadre de l'IEVP depuis 2007 risque d'avoir des conséquences

(61) Ivan Martin (2009): «Perspectives financières 2014-2020: quels instruments financierspour la Méditerranée? ", p. 48-57, en IEMed. Europe-Méditerranée. Enjeux, Stratégies, Réformes,Monographies méditerranéennes n° 7, 161 p., Barcelone, http://www.iemed.org/publicacions/detalls/monografia7/5.pdf.

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négatives quant aux perspectives d'une assistance financière plusimportante, inspirée surtout de la politique régionale européenne.

En effet, l'IEVP a réservé 5 % de ses fonds, à compléter par 5 %supplémentaires provenant du Fonds européen de développement régional,à des programmes de coopération transfrontalière entre les territoiressitués le long des frontières externes de l'UE, autrement dit entre des Étatsmembres et des pays partenaires qui partagent des frontières maritimesou terrestres communes. À cet égard, deux types de programme sontprévus: bilatéraux pour les frontières terrestres ou les détroits maritimes,et multilatéraux de bassin, pour les frontières maritimes. Ces programmesseront gérés à partir d'une méthodologie propre aux fonds structurelsencore que légèrement simplifiée, et présupposent un accord de partenariatentre les partenaires impliqués du Nord et du Sud. Ils serviront à financerdes projets de coopération qui seront gérés par les autorités locales etrégionales, mais aussi par d'autres acteurs et partenaires sociaux commeles universités, les syndicats, les organisations patronales, les ONG ou leschambres de commerce. Le Maroc est censé être bénéficiaire de deux deces programmes :

- Le programme Espagne-Maroc, avec un volet Andalousie - nord duMaroc et un autre: îles Canaries - sud du Maroc. Le budget total indicatifest de 156,7 millions d'euros.

- Le programme du Bassin méditerranéen, doté d'un budgetd'environ 173 millions d'euros pour la période 2007-2013. La Régionautonome de Sardaigne gère le Programme en tant qu'Autorité de gestioncommune (62).

Le Programme opérationnel conjoint du Programme Bassin médi­terranéen a été adopté en août 2008 par la Commission européenne (63),et le premier appel à propositions de projets standard a été lancé en mai2009. Or, le Maroc a suspendu pour l'instant sa participation au Programme(qui requiert la signature d'une convention financière avec la Commissioneuropéenne), probablement à cause de la participation des villes de Sebtaet Melilla (qui bénéficiaient déjà des fonds du programme Interreg III pourla coopération transfrontalière avec le Maroc en 2000-2006).

(62) http://www.enpicbcmed.eu/fr/index.html.(63) http://www.commed-cglu.org/IMG/pdf/Programme._Fr.pdf.

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L'entrée en fonction du Programme de coopération transfrontalièreEspagne-Maroc est conditionnée par l'approbation conjointe du programmepar les gouvernements d'Espagne et du Maroc, qui n'a pu avoir lieu jusqu'àprésent. Cela a déjà entraîné la perte des fonds prévus pour 2009 (ou plutôtde la moitié provenant de l'IEVP, tandis que l'autre moitié, correspondantau FEDER, devant être reversée à l'Espagne pour des programmes decoopération transfrontalière de l'Andalousie, Sebta et Melilla, gérés depuisl'Espagne). Si un accord n'est pas conclu entre les deux gouvernementsavant juin 2010, ce sera l'ensemble de l'enveloppe du Programme qui seraperdue.

Même s'il s'agit d'une question purement bilatérale et d'une sommelimitée, l'impact de cet échec est à souligner. Les programmes decoopération transfrontalière ont été conçus comme un premier bancd'essais pour étendre la méthodologie des fonds structurels aux pays duvoisinage et, au moment où le Maroc est censé bénéficier à terme de cesfonds, c'est un très mauvais signe que de ne pas pouvoir utiliser ceux dela première expérience tentée dans ce sens.

Préparer le terrain pour les fonds structurels

En plus de la nécessité de débloquer la participation du Maroc auprogramme de coopération transfrontalière, mener une réflexion, commeprévu dans le Document conjoint, ne suffit pas.

Même si l'absence de Perspectives financières après 2014 empêchede prendre des engagements financiers quelconques, il faut développerun cadre conceptuel clair pour l'assistance financière future qui puisses'insérer dans les négociations des Perspectives financières 2014-2018prévues au cours du deuxième semestre 2010. On peut déjà établir, enconformité avec le Document conjoint, le principe d'extension de laméthodologie des fonds structurels au Maroc, entamer les études pourdéfinir l'ampleur de l'assistance financière « appropriée» mentionnée dansle Document conjoint, par exemple un doublement à partir de 2014, et unquadruplement pour 2018 en fonction des objectifs réalisés. Une étudesur les modalités de cette extension est également nécessaire et devraitêtre entamée immédiatement, pour voir s'il convient de créer un fonds decohésion UE-Maroc spécifique, à l'instar des fonds structurels, ou ouvrirla voie à une participation directe à la politique régionale européenne

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(beaucoup plus compliquée du point de vue juridique et constitutionnel) ?Quelle option adopter? Un seul fonds-pays ou plusieurs fonds structurelsthématiques, comme dans le cas de l'Europe (et dans le cadre de laPEY, avec l'Instrument de gouvernance et le Fonds d'investissement devoisinage) ? Quel système de programmation choisir? Et quel rôle pourles différents niveaux de gouvernement, pour la Commission, etc..

Nous sommes à quatre ans de l'entrée en vigueur des Perspectivesfinancières 2014-2020, et les négociations sont sur le point d'être entaméesà cet effet. Il faut profiter de cette période de transition, pendant laquellenous sommes toujours liés par les Perspectives financières 2007-2013, pourpréparer le terrain afin qu'en 2020, vingt-cinq ans après la Déclaration deBarcelone, on puisse s'assurer que le Partenariat euro-méditerranéen auraété la phase d'une véritable convergence dans la région. Pour ce faire, ilest nécessaire d'avancer sur les axes suivants:

• Garantir une dotation de fonds appropriée en vue de l'application dela politique régionale aux pays méditerranéens, et dans le cours terme àcertains d'entre eux comme le Maroc, bien que de manière progressive etpartielle, au plus tard à partir de 2014, afin d'offrir à nos voisins du Sudune véritable perspective de convergence, un modèle à suivre (effet dedémonstration) et un stimulant efficace pour avancer dans les réformes.Pour avoir un impact réel sur le processus de transformation économique,politique et social des pays partenaires méditerranéens, il faudrait multiplierles fonds de coopération actuels.

• Profiter de cette période de transition (jusqu'en 2014) pour préparerconvenablement l'application élargie de la politique régionale européennedans trois domaines au moins :

- rédiger les rapports et les études nécessaires pour mettre enœuvre ces programmes dans le cadre d'un exercice de planificationstratégique du développement régional dans les différents pays partenairesméditerranéens, notamment au Maroc, selon le modèle des rapports decohésion européens ;

- faire une analyse minutieuse de la transférabilité des fonds structurelseuropéens au Maroc et des problèmes de gestion politique, institutionnelleet financière que cela implique, y compris la question de la nécessitéd'éventuelles réformes institutionnelles;

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108 Ivân Martîn

- le développement des capacités institutionnelles et administrativesdes autorités régionales et locales qui, en principe, sont les vecteursinstitutionnels de ces politiques. Rien n'empêche de s'atteler dès maintenantà la préparation d'un rapport de cohésion et d'études de transférabilité,ni de lancer un programme ambitieux de mise à niveau institutionnelleet administrative (à l'instar des pays voisins de l'Est de l'Europe et duCaucase méridional, dans le cadre du Partenariat oriental établi au Sommetde Prague le 7 mai 2009). Il s'agit de procédures qui demandent peud'argent et qui sont abordables, y compris dans le cadre de la coopérationbilatérale des pays européens. Elles ont en outre des effets bénéfiquesmême en cas d'échec de l'application élargie de la politique régionaleeuropéenne.

Tel est le grand défi de l'Union Européenne en Méditerranée et,plus particulièrement, au Maroc. Tel est le véritable projet structurantpour l'ensemble de la région, et la seule manière cohérente pour l'UEde répondre aux défis colossaux que lui pose son voisinage. L'UE al'expérience de sa politique régionale et le savoir-faire institutionnelrequis. Elle a montré qu'avec de la volonté politique elle est capable demobiliser les ressources nécessaires pour relever tous les défis. Or, laconvergence en Méditerranée n'est pas moins précieuse pour son avenirque la création du Marché unique en 1993, de l'Union économique etmonétaire en 1999, ou de l'élargissement en 2004, sans parler des fondsmobilisés pour faire face à la crise financière et économique mondiale ouau plan de sauvetage de la Grèce en 2010.

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La question de l'éducation et de la formationRepères et perspectives

Perla COHEN (64)

« Chaque civilisation meurt de sa pureté », Senghor« Mon ami, la vie c'est l'art de la rencontre», Vinicio de Moraes

A partir de quelle perspective pouvons-nous examiner la question del'éducation dans le cadre du Statut avancé Maroc - Union européenne? Laquestion n'est pas anodine et elle n'est pas que théorique ; elle impliqueen effet que les propositions qui pourraient en découler s'appuient surl'hypothèse que, d'un point de vue juridique, le Statut avancé permettraitde faire place de façon spécifique à cette dimension au-delà de ce qui estprévu par les statuts d'association antérieurs.

La réponse apportée dictera la logique d'organisation de cettecontribution. La mise en perspective du Statut avancé au regard de l'Unionpour la Méditerranée n'est pas abordée spécifiquement ici, considérantqu'en effet il n'y a pas antinomie et que le cadre bilatéral continue des'inscrire dans les accords multilatéraux existants de Barcelone et de laPolitique de voisinage.

Je me propose, dans un premier temps, de passer en revue la situationactuelle et les logiques d'action de l'Union européenne dans les domainesde l'éducation-formation, dans un deuxième temps, de faire le point de laplace actuelle du Maroc dans l'utilisation des instruments communautairesdisponibles (dans les différents schémas) pour enfin ouvrir quelquesperspectives et pistes dans le cadre du Statut avancé. La question sous­jacente et récurrente étant de savoir si, en somme, il ne s'agit que deprendre place dans les orientations et les programmes communautairesdéjà dessinés et utilisés ou si on peut y voir l'opportunité de dégagerde nouveaux contenus et perspectives qui seraient le propre du Statutavancé (65).

(64) Chargée de mission Europe/ International à l'Université de Toulouse-le Mirail.(65) Larbi Jaidi. «Le statut avancé entre l'UE et le Maroc: un nouveau mode de partenariat?»Ajkar/ldées. n° 14, été 2007.

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La question clef sera alors de savoir comment construire une place etun projet pour les priorités éducatives qui permettent d'insuffler à ce Statutavancé orientations et contenus permettant de doter ce partenariat d'objectifsdurables et de réalisations fructueuses pour le Maroc et réciproquement.

Aussi l'enjeu sera-t-il de trouver le chemin qui permette de tracer sapropre route dans un statut qui se définit comme "Plus que l'association,moins que l'adhésion, tout sauf les institutions" et pour des domainesstratégiques aussi fondamentaux que le sont l'éducation et la formation.

Bref rappel des contextes

Le Statut avancé se présente comme une démarche assumée de lavolonté du Maroc de donner à ses relations avec l'UE des contenus etdes orientations bilatérales propres dans un contexte où se construisentaussi au niveau régional un dialogue et une coopération dans des cadresexistants et renouvelés.

L'Accord d'association et la Politique européenne de voisinageavaient permis un renforcement des relations politiques, économiques etcommerciales ainsi qu'un développement soutenu des échanges culturelset humains.

Le partenariat traite désormais également des domaines stratégiquesliés à la sécurité collective, à la coopération régionale, à la résolutiondes conflits, à la bonne gouvernance, à la lutte contre le terrorisme, à larégulation des flux migratoires, à la promotion des droits de l'homme età la coopération en matière d'emploi et d'affaires sociales. Il s'étend à denouveaux domaines tels que la coopération énergétique, la recherche etl'innovation, l'environnement et le développement durable. Nous plaidonspour que l'éducation prenne sa place pleine et entière dans la famille desgrandes priorités ci-dessus citées.

Un paradoxe à surmonter

Je dirai d'entrée de jeu et de façon qui pourrait paraître un peu tropcatégorique que, de façon générale, l'éducation comme secteur et dans tousses segments ne fait partie ni des secteurs prioritaires, ni de la Politique devoisinage, ni de l'Union pour la Méditerranée ni même du Statut avancé.

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La question de l'éducation et de la formation Repères et perspectives 111

Cela, bien sûr, ne veut pas dire qu'elle n'est pas prise en considération,car elle est présente tant dans le processus de Barcelone que dans lesautres accords cités; cela ne veut pas dire non plus que ce domaine n'aitpas été abondamment traité, mais il l'est sous couvert de programmesmultiples répondant à des logiques internes communautaires et destinésprincipalement à l'enseignement supérieur.

A cet égard en effet, une coopération diversifiée et riche d'expériencestant bi-nationales que multilatérales jalonne ce parcours, et des instrumentsdiversifiés sont disponibles pour l'enseignement supérieur et la recherche.Nous en examinerons les différents aspects.

Pour autant, comme secteur à part entière, l'éducation n'a ni le statutdes autres priorités ni la place qu'elle devrait légitimement occuper euégard au cadre de l'économie mondialisée de la connaissance, ni surtoutdans la perspective historique de la construction de l'Union pour laMéditerranée qui, faut-il le rappeler, rassemble des pays que caractérisentdes niveaux d'éducation et de développement différenciés, des courbesdémographiques contrastées et des conflits exacerbés.

Une coopération et des expériences multiples à capitaliser pourouvrir de nouveaux chemins dans le cadre du Statut avancé

Pour l'heure, les contenus de l'éducation qui semblent se dessinervisent à améliorer la participation des publics universitaires marocains auxprogrammes communautaires ouverts à toutes les régions du monde et auxpays du voisinage. De simples réajustements de quelques programmes etmécanismes ainsi qu'un soutien « logistique» sont prévus pour permettrecette amélioration.

Au regard des enjeux et de la spécificité du Statut avancé, ce simpleréajustement apparaît comme nettement insuffisant. Faudrait-il alors repenseret redéfinir les contenus de cette coopération pour lui assigner des objectifset des moyens plus en adéquation avec les nouvelles réalités du Maroc,celles de l'Europe et celles du monde pour de véritables partenariats etcomplémentarités au sein de la Méditerranée, à fortiori du Statut avancé?

Quelle valeur ajoutée pour les uns et pour les autres? Commentfaire pour que la dimension éducation-formation soit retenue comme unenjeu central, qui prenne en compte les déficiences réelles, qui mette à

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112 Perla Cohen

niveau pour accompagner la mise en œuvre et la réalisation des domaines

affichés dans le Statut avancé, qui prépare les compétences nécessaires et

intermédiaires pour demain et pour répondre aux exigences de la société

et de l'économie de la connaissance ?

De quels repères disposons-nous pour esquisser un panoramagénéral et rendre compte de l'état actuel de la question?

Rappelons d'abord que dans le processus même de construction

communautaire, le domaine de la coopération en matière d'éducation a

été presque totalement absent jusque dans les années 70 ; c'était alors

le Conseil de l'Europe, organe intergouvernemental, qui était chargé de

traiter les dossiers relatifs à l'éducation et à la culture.

La Commission européenne, ce faisant, au fur et à mesure des traités,

développait, par le biais d'instruments politiques comme la coopération et

le partenariat, des programmes spécifiques dotés de budgets propres pour

leur mise en œuvre, parvenant ainsi et plus tard, grâce à l'évolution des

traités et du cadre juridique, à la mise en place d'une véritable direction

Education et Culture, à de nombreux programmes sectoriels, à un plan

stratégique d'ensemble connu sous le nom de Education et Formation

2010 et à une panoplie d'accords avec toutes les régions du monde.

Sans entrer plus en détail dans cet aspect chronologique interne

communautaire, il n'est pas inutile de comprendre ses mécanismes

généraux et leurs particularismes afin d'en dégager des repères utiles pour

notre propos.

Une logique d'ensemble, des objectifs et des instruments

Si l'on observe le modèle communautaire à l'œuvre en matière d'éducation­

formation dans tous leurs segments et dans leurs articulations, nous pouvons

en dégager un schéma d'ensemble dont les éléments seraient les suivants:

- un cadre politico-stratégique : la Déclaration de Lisbonne : « faire de

l'Europe l'économie la plus compétitive », développer l'attractivité desuniversités;

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La question de l'éducation et de la formation Repères et perspectives 113

- un cadre stratégique d'éducation: « Education et Formation 2010 »

adopté en 2002 et qui sert de cadre stratégique à toutes les initiativescommunautaires dans ces domaines (66) ;

- un chapeau commun à tous les segments : Life Long Learning ;

- un objectif mis en œuvre par le biais de programmes qui sont autantd'instruments pour la mise en œuvre communautaire et dont l'objet est deconstruire la dimension européenne de l'éducation dans tous ses segments.Le Programme LLP se compose de :

• quatre programmes sectoriels:- Erasmus pour l'enseignement supérieur,- Leonardo da Vinci pour la formation professionnelle,- Comenius pour l'enseignement scolaire,- Grundtvig pour l'éducation des adultes ;

• quatre programmes transversaux qui concernent la coopérationen politiques et innovation dans l'éducation, l'apprentissage des langues,le développement des contenus et des services fondés sur les nouvellestechnologies de l'information;

• le programme Jean Monnet qui promeut l'enseignement et la recherchesur l'intégration européenne comme un sujet d'études dans les universités;

• un budget: 7Mds d'euros pour la période budgétaire 2007-2013 ;• deux filières parallèles et articulées: connues sous le nom de

Processus de Copenhague pour la filière professionnelle et de Bolognepour la filière universitaire ;

• une articulation entre les deux: EQF (Européen QualificationFramework) ;

• la construction de l'EHEA (Espace européen de l'enseignementsupérieur) et de l'ERA (Espace européen de la recherche) et leursarticulations en cascade, le doctorat lien et passerelle champ d'action tantpour la DG Education que pour la DG Recherche;

• la dimension internationale dans ses déclinaisons multiples etvariées (67).

(66) Commission européenne, Education 2010, «Éducation et fonnation 2010» adopté par leConseil en mai 2009.(67) Communication de la Commission au parlement européen, au conseil, au comitééconomique et social européen et au comité des régions. Un cadre stratégique actualisé pourla coopération européenne dans le domaine de l'éducation et de la fonnation, Bruxelles, le16.12.2008 COM (2008) 865 final.

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La Commission européenne est en charge d'une large panoplied'activités extérieures relatives à la formation et à l'éducation.

Citons des programmes européens d'excellence, éminemmentcompétitifs, ouverts aux pays tiers et organisés à des niveaux régionauxappelés « fenêtres» :

Erasmus Mundus Master et doctorat avec ses multiples fenêtresgéographiques vise à structurer au niveau communautaire des formationsd'excellence multi institutionnelles, à attirer les meilleurs étudiants dans cesformations grâce à des bourses pour enseignants et étudiants et à développerdes partenariats entre rUE et le reste du monde. Jusqu'à la mise en placede la fenêtre Méditerranée, de façon générale, nous pouvons affirmer, au vudes résultats, qu'une infime minorité d'utilisateurs en provenance du sud dela Méditerranée avait bénéficié de ces programmes, depuis la mise en placede la fenêtre, cela gagnerait à être mesuré (DG EACEA).

Le Programme ressources humaines Marie Curie du PCRD : boursespour la formation à la recherche, le financement de réseaux de formation parla recherche (DG recherche) visant l'attraction des meilleures compétencesdans les domaines prioritaires de la recherche communautaire.

En un mot, ces programmes d'excellence éminemment compétitifs visenttant la structuration au niveau communautaire de formations d'excellence etde réseaux intra communautaires que l'accueil des meilleurs en provenancedes autres régions du monde, pays du voisinage compris ; des programmescommunautaires propres au voisinage comme le programme Tempus. Ilcontribue à la construction de la coopération dans l'enseignement supérieurentre l'UE et les pays du voisinage Est et Sud.

Ces programmes tendent à :

• soutenir les réformes structurelles et les efforts de modernisation dansles pays partenaires ;

• promouvoir des valeurs communes et la compréhension mutuelleentre les peuples ;

• promouvoir l'UE comme un lieu d'excellence en formation etrecherche;

• améliorer la qualité des ressources humaines et des services au sein del'UE grâce à la connaissance mutuelle, à la comparaison et au partagede bonnes pratiques.

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La question de l'éducation et de la formation Repères et perspectives 115

Des coopérations aux statuts différenciés avec le monde entier, desgéométries variables et des schémas d'action spécifiques aux différentesrégions.

Citons à cet effet la mise en place de nouvelles dynamiques commecelle de la construction d'espaces communs inte-régionaux d'enseignementsupérieur (UE/Amérique latine, UE/Méditerranée). Cela appelle uneadaptation aux schémas communautaires par les pays concernés, la réformedes systèmes éducatifs, l'adoption des schémas de diplômes (LMD) :

• éxigence qualité, exigence de la bonne gouvernance ;

• mobilité des élites dans les secteurs prioritaires de la connaissance;

• ouverture au partenariat université-entreprise ;

• le développement de la dimension régionale ;

• la coopération par accords spécifiques avec des zones géographiques(pays classés par degré de développement, émergents et industrialisés)qui metenexergue laqualitéde l'éducation supérieure etprofessionnelleet des instruments de programme d'études conjoints. Citons:

- Edulink qui soutient la capacité de construction et d'intégrationrégionale dans les ACP et promeut l'éducation comme moyen deréduire la pauvreté ;

- Asia Linck SHS / Asie;

- ALFA programme de coopération entre les institutions d'éducationsupérieure de rUE et de l'Amérique latine;

- ALBAN programme de masters conjoints UE- Amérique latine;

- le dialogue politique sur l'éducation-formation: accords individuelsavec différents pays comme les accords bilatéraux avec les USA etle Canada sur Education et Formation (plus volet jeunesse pour leCanada) signés en 1995 et renouvelés en 2006. Ils servent de base audéveloppement du « dialogue politique» sur l'éducation. En 2007, undialogue politique sectoriel sur l'éducation s'instaurait avec l'Australieet la Chine aboutissant à la signature d'une déclaration conjointe. En2008 la Commission européenne signait des déclarations similairesavec Israël et l'Inde. Des processus similaires ont été initiés avec leBrésil et le Mexique en 2009. Ces déclarations conjointes sont misesen œuvre par la Commission et les autorités nationales concernéesdans les pays partenaires par le biais de rencontres entre des

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représentants de haut niveau, l'organisation d'études comparativesconjointes des ateliers de travail et des conférences sur des thèmesd'intérêt mutuel.

Elles se fondent sur des notions de coopération équilibrée au niveau del'enseignement supérieur et de la formation professionnelle, de réciprocitéet de mise en œuvre d'actions communes.

Les accords qui viennent d'être renouvelés fournissent un cadrejuridique jusqu'en 2013. Les fonds octroyés ont été considérablementaugmentés par rapport aux accords précédents afin de renforcer et d'étendrela coopération transatlantique en matière d'éducation.

Quid du Statut avancé au regard de tous ces types d'accord ?

En un mot, si nous avons insisté si longuement, d'une part, sur lacohérence globale du dossier éducation intracommunautaire inscrit dans« Education 2010» et, d'autre part, sur la dimension internationale dela coopération et du partenariat tels qu'elle se décline dans les accords àgéométrie variable passés avec la quasi totalité des régions, c'est bien pourrecentrer la question de la forme et des contenus de ce dossier dans le cadredu Statut avancé.

Passons en revue les programmes auxquels émarge le Maroc pourl'heure pour en arriver enfin à la question de savoir ce qui pourrait sedévelopper à l'avenir.

Grosso modo, nous pouvons avancer que le Maroc émarge auxprogrammes communautaires ouverts à la coopération internationale etaux programmes spécifiques destinés aux pays du voisinage Sud et Estcomme TEMPUS.

TEMPUS est un programme structurant destiné à l'enseignementsupérieur, il permet la modernisation et l'adaptation aux acquiscommunautaires, il se décline en quatre lignes et favorise l'adoptiondes modèles et normes prévalents: processus de Bologne; LMD,modernisation des curricula, ECTS, gouvernance, qualité; 40 projetssur les 160 présentés par le Maroc au cours des années 2002-2006 ontété financés. Ils concernent dans 27 cas le développement de curriculum,dans 10 cas la gestion des universités et dans 3 cas le développementinstitutionnel. Quelques universités s 'y sont particulièrement distinguées.

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La question de l'éducation et de la fonnation Repères et perspectives 117

Par ailleurs, le Maroc comme tant d'autres pays est partie prenante detous les programmes communautaires de «portée universelle» ouvertsaux pays tiers. Citons d'abord pour la recherche le PCRD et sonprogramme de mobilité Marie Curie et Erasmus Mundus pour la formationde niveau master et doctorat. Ce sont des programmes d'excellence,promouvant la mobilité des meilleurs en provenance des pays tiers. Ilsvisent la structuration de formations conjointes intra européennes et ledéveloppement de partenariats institutionnels avec des pays tiers; enfinle Programme Jean Monnet, dont la finalité est la connaissance de laconstruction européenne.

Le Maroc émarge aussi à de nombreux programmes sectoriels Euromedet a construit des réseaux de partenariat autour de ces instruments qu'ilpourrait mobiliser pour innover en matière de coopération Ce n'est pasrien et c'est beaucoup car ces programmes ont réellement servi de levierpour des transformations et des adaptations nécessaires et pour placer dansles filières de l'excellence compétitive des chercheurs et des domaines derecherche, quoique de façon assez limitée encore, mais des apprentissagesse font et une vue d'ensemble reste nécessaire.

Un bilan exhaustif reste à faire de toutes ces participations afin d'endégager une base de connaissance sur les comportements des institutionsvis-à-vis de ces programmes et de repérer de façon aussi concise quepossible les domaines scientifiques dans lesquels participent les chercheurset la mobilité qui s'y développe.

Mais au total, les programmes d'excellence de mobilité couvrantprincipalement master et doctorat et dans les programmes du PCRD, touten méritant d'être consolidés et confortés par les moyens nécessaires nes'adressent qu'à une infime minorité de l'élite académique pour le moment.Et la consolidation pour une plus grande participation à ces programmesy compris Tempus, prévue dans le cadre du Statut avancé ne changera passubstantiellement la donne générale car ces programmes ciblent les mêmespublics, peu nombreux dans l'absolu. En tout état de cause, les possiblesnouvelles initiatives ne devraient remettre en cause aucun des programmesexistants, voire permettront de les consolider et de les élargir par ouvertureet préparation en amont de nouveaux publics.

Comment alors réfléchir à une coopération sectorielle avancée intégrantplusieurs segments de l'éducation, promouvant la dimension de réciprocité,

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118 Perla Cohen

favorisant la notion de connaissance et d'ancrage de l'excellence au Marocaussi?

Peut on envisager que le Statut avancé permette d'émarger à desprogrammes intra communautaires «réaménagés» tels que Leonardo,Gruntdvig ou seuls Erasmus Mundus et Jean Monnet resteront ilsaccessibles? En d'autres termes, tous les programmes relatifs à d'autressegments vont-ils s'ouvrir à la participation de partenaires de pays tiers oule seul segment ouvert restera-t-il celui de l'enseignement supérieur?

La décision du Parlement européen et du Conseil du 15 novembre2006 (68) ouvre des perspectives intéressantes dans le cadre duprogramme d'apprentissage tout au long de la vie LLP. En effet, selon cettedécision, des partenaires de pays tiers peuvent participer à des projets,réseaux ou partenariats multilatéraux en vertu de l'article 14, paragraphe 2,à la discrétion de la Commission ou de l'agence nationale concernée.

La décision de soutenir ou non ces partenaires se fonde sur l'importancede la valeur ajoutée susceptible de résulter, au niveau européen, de leurparticipation au projet, réseau ou partenariat en question.

L'objectif premier de cette coopération avec les pays tiers dans le cadredu « Programme Apprendre tout au long de la vie» n'est pas d'apporter del'aide aux pays concernés, cet objectif étant mis en œuvre dans les activitésde coopération extérieure de l'Union, mais bien de soutenir le processusd'amélioration de la qualité de l'éducation et de la formation au sein del'Europe.

Une liste d'actions précises a été ouverte à la participation des PaysTiers, et l'année 2010 est une année pilote. Un tableau spécifique dessous-programmes et des actions ouverts à participation a été élaboré. Ony a notamment noté que tous les sous-programmes sont concernés et queles actions concernent des projets et réseaux multilatéraux, des actions decoopération universités entreprises, etc. Le Maroc figure sur la liste des payséligibles, il est donc concerné tant par Comenius (enseignement scolaire)que par Leonardo (formation professionnelle) et Erasmus (universités) etpourrait dans ces cadres précis aborder tant la question de la problématique

(68) Décision n° InO/2oo6/EC du Parlement européen et du Conseil du 15 novembre 2006établissant un programme d'action dans le champ de Life long learning, JO L327 du 24 novembre2006.

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La question de l'éducation et de la formation Repères et perspectives 119

analphabétisme et illettrisme que celle de la formation professionnelle.C'est une ouverture non négligeable à des segments qui jusque là neconcernaient que des pays de l'Union et qui devrait permette une meilleurearticulation et un échange de bonnes pratiques.

Pour un agenda spécifique de la coopération sectorielleéducation/formation (69)

A l'issue des travaux menés pendant plus de trois ans, les Ateliersculturels méditerranéens pour le dialogue des peuples et des cultures,avaient élaboré un véritable plan d'action culturelle dans le cadre Euro­Méditerranée et l'UPM.

Il nous avait paru alors que l'urgence était de définir le sens, les finalitéset les priorités ainsi que les instruments d'un agenda euro-méditerranéenpour le secteur de l'éducation. Toutes choses étant égales par ailleurs, celareste pertinent dans le cadre du Statut avancé, du moins sur des segmentsspécifiques qui pourraient servir de projets-pilotes généralisables.

Il ne pourrait suffire en effet que les seules logiques de la participationet de l'adaptation aux programmes existants pour le supérieur tiennentlieu d'objectifs et de finalités du partenariat sur le dossier éducatif dans leStatut avancé.

Le plan d'action général des Ateliers culturels s'appuyait sur lanécessité de développer la connaissance et la compréhension mutuelle, de laproduction de richesses et d'emploi, du co-développement méditerranéen.L'Atelier Education, dans ce contexte et pour sa part, lors des réunions deParis, Séville, Alexandrie et Marseille, avait formulé des recommandationsautour de deux axes centraux affirmant qu'un saut qualitatif et quantitatifde la coopération éducation et de la mobilité était indispensable pourl'avenir de tout partenariat entre l'UE et les pays de la Méditerranée.

(69) Perla Cohen, «Atelier Education in Ateliers Culturels méditerranées pour le dialogue despeuples et des cultures", Actes de la conférence de Marseille, ministère des Affaires étrangères,Paris 2008.Il convient de rappeler que les Ateliers culturels conduits par Jacques Huntzinger ont tenuquatre conférences (Paris, Séville, Alexandrie et Marseille). Dans ce cadre, l'Atelier Educationa été coordonné tour à tour par Guy Haug et Perla Cohen, Perla Cohen et Driss Khrouz avec laparticipation de nombreux contributeurs par segment dont sans exclusive Victor Billeh, JacquesFijalkow, Guisela Baumgratz, Laurent Cortese et de nombreux autres intervenants.

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Ces deux axes visaient:

Perla Cohen

- d'une part, une meilleure adaptation permettant une bonne utilisationdes programmes existants (Tempus-Meda, Erasmus Mundus, Marie-Curieet PCRD) tout en soulignant que ces mesures nécessaires resterontinsuffisantes;

- de l'autre, à ajouter à l'existant un programme de coopération etde mobilité spécifique couvrant l'ensemble des segments des systèmeséducatifs.

Ces recommandations avaient permis d'élaborer un projet « EducationMéditerranée (70) » bâti autour d'une idée centrale: l'éducation commesecteur et dans tous ses segments devrait être prise en considération et fairel'objet d'un Plan d'action à l'image d'Education formation 2010 de l'DE.Nos propositions allaient dans ce sens, elles concernaient l'éducationde base, la formation professionnelle, un « Bologne méditerranéen» unvéritable Erasmus méditerranéen avec le développement de l'enseignementde l'interculturel dans les systèmes éducatifs.

Il recommandait notamment de cibler des priorités pour l'effort éducatifen fonction des réalités, des besoins et des projections de développementpour demain intégrant la formation initiale et professionnelle, le supérieur,la formation des formateurs; de bâtir et consolider les bases de connaissanceréciproques, des valeurs partagées ; de construire des passerelles entre lesdifférents systèmes éducatifs permettant de s'y déplacer et de traiter lesquestion de langues.

De plus était suggérée la définition d'un programme de mobilité plusouvert et plus adapté, plus large et plus démocratique en rappelant que laquestion de l'éducation ne concernait pas que l'enseignement supérieur.La formation et l'équipement des maîtres du primaire et du secondaireentre autres nous semblaient primordiaux.

La question des ressources était évoquée sous l'angle de la doublenécessité de mobiliser les ressources nécessaires et de veiller à unemeilleure équité dans la distribution des ressources publiques entre desélites bien formées, les besoins de formation des tranches intermédiairesqui deviennent de plus en plus nécessaires, la qualification de la population

(70) Perla Cohen et Guy Haug, «Pour un agenda éducation euro-méditerranéen dans l'UPM",novembre 2008 ; Actes du colloque de Marseille, novembre 2008.

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La question de l'éducation et de la formation Repères et perspectives 121

active et la prise en considération des publics en difficulté ou sousfavorisés. Ce n'était pas qu'un catalogue à la Prévert ni les élucubrationsde doux rêveurs, nous en retrouvons d'ailleurs les principaux élémentsdans le Programme Indicatif National 2007-2010, et les propositionsfaites en appui à l'Initiative nationale pour le développement humainrécapitulent bien et éclairent les priorités fixées par le Maroc selonses besoins spécifiques, ciblent les différents segments en mettant unaccent particulier sur l'éducation de base et les problèmes que posentanalphabétisme et illettrisme en dépit des efforts importants réalisés enmatière de développement et d'action sociale.

Comment articuler ces options pour en faire des actions à développerdans le cadre du Statut avancé en les intégrant dans les cadres régionauxprévalents qui pour l'heure n'ont pas le secteur éducation dans leuragenda ? Comment bâtir un Plan éducation 2020 qui s'appuierait surEducation formation 2010, en somme comment construire ensemble unagenda éducation? A quel niveau et avec quelles ressources?

S'ouvrir sur de nouvelles perspectives

Le Statut avancé se fonde sur le co-développement, la coresponsabilitéet la convergence des intérêts. Son double ancrage Euromed et Voisinagedans la relation avec l'UE n'exclut en rien ses autres dimensions, ni sesautres ancrages (Maghreb Afrique) ni ses autres relations. La question estalors de bien discerner les niveaux et d'en travailler les articulations afind'éviter doublons et gaspillages et de définir son rôle dans ces différentesconfigurations en s'appuyant sur des mécanismes institutionnels rénovésafin de donner des contenus aux déclarations de principe. En somme, cestatut de partenaire avancé changera- t-illa donne sur le fond?

Si oui, l'objectif sera l'élaboration d'un agenda commun pour l'éducationdans l'économie de la connaissance alors que cela n'a pas été envisagédans le cadre de l'Union pour la Méditerranée. Cet agenda commundevrait s'appliquer aux grands secteurs que sont l'éducation de base, lalutte contre l'analphabétisme et l'illettrisme, la question de la formationprofessionnelle, lieu privilégié de la relation entre formation, emploi etdéveloppement, le dossier de l'enseignement supérieur, dans lequel un sautqualitatif et quantitatif de la coopération et de la mobilité est indispensabletout en s'ouvrant à la problématique de l'éducation interculturelle.

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122 Perla Cohen

Un saut qualitatif et quantitatif est nécessaire en matièred'éducation et de formation: quelques pistes

Il devrait viser à :

- consolider la part prise dans les programmes actuels et identifier denouvelles actions destinées à l'ensemble du système en ciblant les prioritéspar étapes afin de faciliter l'acquisition des connaissances et des compétencesnécessaires à une économie mondiale fondée sur la connaissance;

- promouvoir de meilleures relations entre les citoyens européens et ceuxdes pays partenaires, et améliorer la compréhension des cultures, langues etinstitutions. Des exemples d'accords vertueux et de définition des contenuspeuvent être trouvés ça et la, nous évoquerons l'exemple de l'accord UE­USA d'ordre structurant sur la base des intérêts mutuels des partenaires;

- consolider et soutenir les actions de rapprochement du systèmed'Enseignement Supérieur et de Recherche et de formation professionnellemarocains à l'Espace européen d'Enseignement Supérieur et de RechercheScientifique tout en prenant en considération les réalités objectives et lesdiversités existantes;

- consolider et soutenir des actions communes :

• Projets de diplômes communs ou doubles: cette expérience menéeavec les États-Unis en 2006 soutient des consortia d'établissementsd'enseignement supérieur qui cherchent à créer des programmesd'étude communs intégrés. Dans le cadre de ces programmes, desétudiants passent une importante période d'étude dans le payspartenaire et y obtiennent un diplôme commun ou double ;

• Projets de mobilité communs mis sur pied et gérés par ungroupe d'établissements d'enseignement supérieur et/ou del'enseignement et de la formation professionnels de l'UE et d'unpays partenaire. Les activités mettent l'accent sur la mobilitéà court terme des étudiants (généralement un semestre) avecreconnaissance des périodes d'étude à l'étranger, développementd'un programme commun et échange de stagiaires, de personnelenseignant ou d'administrateurs. La dimension réciprocité noussemble importante à retenir. D'autres pays comme le Mexiqueavaient mis en place dans le cadre de programmes comme lePROMEP des échanges fondés sur des mobilités de courte durée

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La question de l'éducation et de la formation Repères et perspectives 123

qui avaient le double avantage de permettre aux professionnelsmobiles de garder un pied dans leur cadre d'origine et de limiterle phénomène de la fuite des cerveaux ;

• Dialogue et projets axés sur les politiques destinés à aborderdes questions stratégiques liées aux systèmes d'éducation etde formation, ainsi qu'aux politiques de l'UE et de ses payspartenaires. Cette action implique des études, des séminaires,des groupes de travail, des exercices d'étalonnage qui abordentdes problèmes comparatifs de l'enseignement supérieur et dela formation professionnelle, notamment la reconnaissance desqualifications et les questions d'accréditation;

- promouvoir davantage la participation marocaine aux programmesexistants ouverts à la participation des pays du voisinage, et initier uneréflexion sur la participation éventuelle à d'autres programmes pertinentscomme Leonardo pour la formation professionnelle ou mettre en place unefenêtre Leonardo régional méditerranéen;

- utiliser les instruments existants chaque fois que les règles lepermettent pour multilatéraliser les relations (Maroc+Pays de l'UE+ autrerégion Sud-Sud) ;

- investir les programmes (Erasmus, PCRD) pour structurer lesformations doctorales, la recherche en SHS et l'adapter à l'agendacommunautaire pour les SHS ;

- créer des chaires d'excellence «Ibn Khaldoun » (ou autre) en étroitecoopération avec d'autres pays du Maghreb pour favoriser la connaissanceSur ces pays;

- fixer des ambitions à l'Université euro-méditerranéenne de Fès,dont la vocation première telle qu'elle se définit est de promouvoir àl'échelle régionale les valeurs d'ouverture, d'échange et d'inter-culturalitépour qu'elle soit aussi le lieu de l'ancrage de l'excellence au Sud, de laconnaissance du Maroc et de l'universalité de la connaissance.

A titre d'exemple, le Brésil vient d'inaugurer en grande pompel'Université latino-américaine UNILA ouverte à tous les pays latino­américains et avec des enseignements adéquats. En somme, développerdes dimensions structurantes et le; ancrer à des niveaux régionaux etinterrégionaux.

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124 Perla Cohen

- utiliser tous les nouveaux instruments et les programmes thématiquesmis en place au titre de l'action extérieure de l'UE pour développer lacapacité des universités sur les thèmes clefs de la coopération dans leStatut avancé (la question des migrations, la mobilité).

Toutes ces actions nécessiteront le lancement d'études permettantbilans et repérage des besoins en matière de formation et l'identificationdes acteurs avant tout lancement de programme.

- viser:

• une meilleure inclusion sociale par l'éducation et la formationprofessionnelle;

• le développement des connaissances et des compétences de baseindispensables à l'époque de la mondialisation et de la société de laconnaissance, et le développement des outils communs de mesureet de connaissance des pratiques permettant en amont le repéragedes données nécessaires à l'élaboration d'un socle commun deconnaissances et d'un ensemble de valeurs partagées;

• la formation et l'équipement des maîtres du primaire et dusecondaire, y compris avec les outils et technologies de lacommunication;

• l'appui aux efforts de refonte et de restructuration desprogrammes et des institutions d'éducation et de formation, ycompris au développement lié au programme Education 20 IOdel'apprentissage tout au long de la vie et au processus de Bolognedans l'enseignement supérieur.

- construire et consolider les bases de connaissance réciproques, desvaleurs partagées.

En synthèse, il conviendra de préparer de vrais plans d'action à mettreà plat avec les Agences comme EACEA REA; viser l'évaluation desprogrammes mis en œuvre au Maroc pour programmer la structurationde nouvelles actions; mettre à contribution les diasporas marocaines quiont l'avantage de tenir la chaîne par les deux bouts, enfin, tirer les leçonsde l'existant en identifiant les manques et déficiences actuelles au regardde ses priorités propres dans le cadre des instruments existants afin depromouvoir la mise en place de nouveaux instruments.

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La Très Grande Crise Multidimensionnelle etEuromed : chance ou handicap?

Henri REGNAULT

La crise mondiale actuelle n'a rien d'une récession dont on pourraitsortir par des politiques keynésiennes de relance. Il s'agit d'un processusbeaucoup plus lourd, dont l'importance sera au moins égale à celle de laGrande Dépression des années 30 mais dont la nature est profondémentdifférente. Nous sommes dans une Très Grande Crise Multidimensionnelle(TGCM) sans précédent historique, qui ouvre un processus de destructioncréatrice d'une intensité exceptionnelle dans lequel les territoires vonts'insérer inégalement en fonction de leurs capacités à mettre en œuvre despolitiques susceptibles de contenir les effets collatéraux de la destructionet de dynamiser la création. Comment se situe la zone Euromed et plusparticulièrement le Sud de la Méditerranée dans ce processus?

La première partie de cet article, De la Très Grande CriseMultidimensionnelle, emprunte largement à la conclusion « De la naturede la crise » de mon Journal de crise: août 2007-janvier 2010, dessubprimes à l'illusion de la reprise (à paraître en 2010). Elle développerala caractérisation du défi structurel que constitue la TGCM en tantque crise multi-systémique mondiale, à la fois crise de régulation etcrise d'adéquation technologique, débouchant sur une longue période dedestruction créatrice intense.

La deuxième partie, Euromed et la Très Grande Crise Multi­dimensionnelle, est une réactualisation de mes positions exprimées un anplus tôt (71), à la lumière du déroulement du processus de crise et del'approfondissementde ma réflexion. Elle portera, d'une part, sur l'évolutionde l'ordre international liée à la TGCM, entre continuité et rupture del'articulation des processus de mondialisation et de régionalisation, entre

(71) Henri Regnault, «Euromed et la crise systémique globale », séminaire: L'intelligenceéconomique dans l'espace méditerranéen, organisé par l'Association marocaine d'intelligenceéconomique, Casablanca, Technopark, 4-5 décembre 2008.

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Système Monétaire International unifié ou éclaté... et les conséquencespour Euromed ; et, d'autre part, sur les hiérarchies territoriales entre inertieet bouleversement face à la TGCM et le positionnement des territoireseuro-méditerranéens et de leurs politiques territoriales dans le processusde destruction créatrice.

De la Très Grande Crise Multidimensionnelle

La TGCM n'est pas un épisode conjoncturel mais un défi structurel, etles politiques pour la traiter ne relèvent pas de l'action conjoncturelle etdonc pas des recettes keynésiennes de relance (qui ont fait merveille dansla deuxième moitié du 20e siècle pour sortir des récessions). Le problèmen'est pas de relancer mais de refonder. La TGCM est une crise multisystèmes mondiale à haut potentiel de destruction créatrice.

La TGCM est une crise multi-systèmes sans précédent dansl'histoire humaine. Elle est systémique au sens le plus large que l'onpuisse donner à ce mot. Il ne s'agit pas seulement de l'effondrement ensérie des établissements bancaires, la faillite de l'un entraînant la faillited'autres et ainsi de suite. Fort heureusement, nous avons échappé, depeu, à l'automne 2008, à un tel effondrement, l'enchaînement infernal àpartir de la faillite de Lehman Brothers ayant pu être stoppé par l'actiondes banques centrales. Mais, dans la période actuelle, il faut avoir dela crise systémique une conception beaucoup plus large: d'une part, lacrise est celle de l'ensemble du système social (économique, politique,idéologique) et, d'autre part, elle concerne aussi l'articulation de cesystème social et des écosystèmes (épuisement de ressources, disparitionaccélérée d'espèces, environnement et climat).

Par ailleurs, la TGCM est mondiale, autre dimension de multidimensionnalité, au sens spatial: en effet, elle n'est pas seulementcantonnée aux pays dont elle est partie. Le débat couplage / découplageentre les Etats-Unis et le reste du monde (ou entre pays développés etpays émergents) est aujourd'hui tranché dans le sens du couplage: lacrise est contagieuse mais avec décalages temporels, du fait des délais detransmission, et avec des nuances d'intensité suivant les territoires.

Nous sommes confrontés à la concomitance d'une crise derégulation et d'une indispensable rupture technologique imposée parl'inadéquation société humaine / écosystème. La crise de régulation

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La Très Grande Crise Multidimensionnelle et Euromed : chance ou handicap? 127

tient à l'épuisement du modèle fordiste pour cause de mondialisationpuis au caractère insoutenable du modèle de régulation à la Greenspanpar endettement des ménages : par modèle fordiste, pour dire les chosessimplement, on fait référence à la période des Trente Glorieuses pendantlaquelle les salaires ont pu progresser au rythme de la productivité,permettant ainsi une augmentation de la demande de biens deconsommation; par greenspanisme (néologisme pas du tout reconnu parles sphères académiques !) j'entends un ensemble de pratiques monétaires(taux bas) et financières (prêts accordés très facilement, titrisation decréances incertaines ...) qui a débouché sur un très fort endettement desménages, déclenchant le détonateur des subprimes. L'inadéquation entresociété humaine et écosystème tient à l'impossibilité de prolonger lestechnologies actuelles et en particulier le modèle énergétique sous jacentpour cause d'épuisement des ressources fossiles et de suspicion (pas decertitude absolue) d'impact climatique du modèle énergétique carbone.e est cette concomitance qui fonde la spécificité de la TGCM par rapportaux crises antérieures: je ne parle pas seulement des crises conjoncturellesou des chocs pétroliers, mais aussi de la grande dépression des années30 qui, d'une part, n'a pas été aussi globale, ne touchant pas l'ensemblede la planète, et, d'autre part, est restée purement économique, sociale etpolitique dans ses tenants et aboutissants, sans avoir à gérer simultanémentune refondation du modèle technologico-énergétique. Le monde d'avant1929 est celui du pétrole débutant, le monde d'après les années 30 est celuidu pétrole triomphant, dans le même univers technologique et énergétique.Cette fois-ci nous sommes entrés en crise dans l'ère du pétrole finissantet donc d'une absolue nécessité de refonder le modèle énergétique.Cette différence fondamentale entre la TGCM actuelle et la dépressionprécédente devrait refroidir l'ardeur à proclamer la sortie de crise de tousceux qui pensent que les progrès de la « science» économique font que ladépression a été évitée et qu'on sort tranquillement de la parenthèse d'unerécession. La parenthèse va s'étaler sur une longue période, parce qu'on nepeut pas repartir comme avant et qu'il faut négocier un virage compliqué.

La différence avec la grande dépression est saisissante. Limitons­nous ici à deux exemples : dans les années 40 et 50 on ne produit pas lesdenrées agricoles très différemment que dans les années 30 (pas encorede semences hybrides), sous réserve du développement progressif de lamécanisation; des améliorations sont certes intervenues dans l'industrie

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automobile mais la technique de locomotion est la même, fondée sur lemoteur à explosion. Par contre, aujourd'hui, si on se projette dans 20 ans:

- Il est probable que nous ne cultiverons plus les mêmes plantes(l'évolution est déjà amorcée, en dépit de fortes réticences en Europesur l'introduction des semences génétiquement modifiées), dansle cadre des innovations biotechnologiques; la palette des produitsphytopharmaceutiques en sera fortement rétrécie et l'industrie desphytosanitaires profondément réorganisée, et c'est heureux pour lasanté des utilisateurs, la préservation des espèces et des ressourcesen eau (quantitativement si les nouvelles plantes cultivées sont moinsexigeantes en eau, qualitativement si l'utilisation des phytosanitaireset des nitrates est limitée). Nous avons devant nous une nouvellerévolution agricole: après celle des assolements (au 18e siècle), celledes semences hybrides dans la deuxième moitié du 20e

, voici venir celledes biotechnologies. Chacune d'elle a joué un rôle déterminant dans lacapacité de l'humanité à gérer sa croissance démographique.

- Il est probable aussi que nous roulerons encore largement dansdes voitures individuelles sur courtes et moyennes distances, mais sansrecourir à la motorisation pétrolière (au moins dans les zones urbaines) eten développant le moteur électrique, et c'est positif aussi bien en termede nuisances sonores que de qualité de l'air. La poursuite de l'utilisationdes matières énergétiques carbonées encore disponibles et du charbonen particulier suppose le développement des techniques de capture ducarbone (enfouissement du C02), autre front important de l'innovationtechnologique nécessaire.

Cette différence entre la Grande dépression et la TGCM nous interpellesur les cadres théoriques à mobiliser pour approfondir notre compréhensiondes crises et pour proposer des approches opérationnelles de sortie decrise. Les économistes contemporains, lorsqu'ils entendent le mot crise,développent souvent un réflexe quasi pavlovien d'association de mots:Crise ... Keynes ... Relance ... Policy Mix Budgétaire et Monétaire. Eneffet, Keynes s'est imposé au sortir de la crise des années trente comme legrand économiste de la demande et des politiques économiques de soutienà l'activité par un équilibre de plein emploi. Cependant, Keynes n'est peut­être pas la référence qui nous permet de penser et de panser la TGCM :Si la sortie de crise des années 30 s'est faite à technologie constante, lasortie de la crise actuelle ne pourra se faire que dans le cadre d'une rupture

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technologique, Dès lors, c'est vers Schumpeter (72) et son analyse dela destruction créatrice et du rôle des innovations technologiques quenous devons nous tourner. Là où Keynes fut l'économiste d'une crise àtechnologie constante, Schumpeter devrait apparaître comme l'économisted'une crise à rupture technologique. Ce n'est pas en creusant des trouspour les reboucher (façon de verser des salaires et de stimuler la demande,dimension politique budgétaire) ou en faisant voler les hélicoptères deBernanke pour distribuer des dollars (dimension politique monétaire)qu'on brisera la barrière technologique que représente le changementclimatique, l'épuisement de ressources non renouvelables et la nécessitéde nourrir correctement 9 milliards d'habitants à l'horizon 2050.

La très grande crise est donc multidimensionnelle par excellence,avec, d'une part, des dimensions économiques, sociales, politiques etécosystémiques et, d'autre part, des échéanciers temporels à court àlong terme inextricablement liés, qui s'imposent à tous les pays de laplanète. Au-delà des phases de stagnation qui nous attendent à court et àmoyen terme (après une éventuelle purge paroxystique encore à venir),la véritable sortie de crise économique par enclenchement d'un nouveaucycle technologique est inséparable de la réponse aux défis alimentaires,énergétiques, et environnementaux d'une humanité qui poursuit sacroissance démographique. Sans ces avancées technologiques, chaquevelléité de reprise économique un peu sérieuse viendrait se briser sur lesverrous alimentaires et énergétiques : la hausse des prix alimentaires eténergétiques alimenterait une baisse du pouvoir d'achat, une réduction dela demande des autres biens et donc une spirale récessive. Chaque amorcede reprise contiendrait en elle-même son annihilation. La véritable sortie decrise et l'enclenchement d'un nouveau cycle de long terme suppose de fairesauter le verrou alimentaire par la révolution biotechnologique et le verroupétrolier par la conversion énergétique (renouvelable, nucléaire, charbonaVec enfouissement du carbone). Ces deux verrous ne sont d'ailleurs pasindépendants, reliés par la problématique des agro-carburants.

Finalement, il faut bien admettre que la TGCM et la Grande Dépressiondes années 30 sont profondément différentes dans leur nature profonde,dans leurs caractérisations technologiques et économiques, dans lesPolitiques qu'elles appellent et dans les références théoriques auxquelles

(72) Né, comme Keynes, en 1883, par ailleurs année de mort de Marx, premier grand analystede la crise... Quelle année pour l'histoire de la pensée économique!

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130 Henri Regnault

elles renvoient, comme tente de le synthétiser schématiquement - doncsans nuances - le tableau ci-dessous:

La non comparabilité entre la Grande Dépression et la TGCM

Critères de comparaison

Nature profondede la crise

Caractérisation technologique

Caractérisation économique

Politique de sortie de crise

Auteur de référence

Source: « De la nature de la crise» in Regnault H., Journal de crise, août 2007-janvier 2010, Dessubprimes à l'illusion de la reprise, à paraître en 2010.

Euromed et la Très Grande Crise Multidimensionnelle

Comment faire le lien entre la TGCM et Euromed ? La voie la plusdirecte est de nous interroger sur les impacts territoriaux de la TGCM surla zone Euromed en général et sur le Sud méditerranéen en particulier, enpartant d'une définition du territoire aussi opérationnelle que possible pourune telle entreprise.

Les géographes et les aménageurs ont produit de nombreuses définitionsdu territoire, mais au-delà de leur diversité, toutes ces définitions tournentautour de la notion d'espace occupé par des hommes, organisés en sociétéshumaines et modifiant l'espace naturel. Une telle approche du territoire neme permet guère d'avancer beaucoup dans la prospective des impacts dela TGCM. J'ai besoin d'une définition à plus large spectre disciplinairepour ouvrir un pont intellectuel entre la crise et les territoires. Je proposedonc la définition suivante: un territoire est un espace socialisé,régulé, appropriable par ses habitants, susceptible de se projeterdans l'avenir, de définir des stratégies et d'y affecter des ressources.Cette définition introduit une dimension économique à travers la notionde ressources: pas de budget, pas de territoire! Mais c'est aussi unedéfinition politique: pas de liberté de circulation, pas de territoire non

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plus car une telle liberté est la condition minimale de l'appropriation del'espace par ses habitants, qui peut leur faire considérer qu'il s'agit bien deleur territoire. A la lumière de cette définition, la zone Euromed peut-elleêtre considérée comme un territoire? Non, elle est une juxtaposition deterritoires. Voyons pourquoi.

Une telle définition peut s'appliquer à des espaces de tailles trèsdiverses, depuis l'unité territoriale administrative de base, une commune,jusqu'à des ensembles de pays acceptant des règles communes et disposantd'un minimum d'institutions dotées de moyens collectés, directement ouindirectement, auprès des personnes physiques et morales qui occupentou sont en relation avec cet espace. Les nations sont bien évidemmentdes territoires au sens de cette définition. A l'intérieur des nations, lessous-divisions spatiales dotées de budgets propres sont des territoiresau sens de ma définition. A l'échelle plurinationale, de simples accordscommerciaux de type libre-échange ne fondent pas un territoire, qui nepeut pas se limiter à la facilitation des relations marchandes, sans miseen commun de ressources et sans libre circulation des habitants. Ce n'estqu'au stade de l'union douanière que l'on peut éventuellement envisagerUn territoire, si les recettes douanières sont affectées à l'ensemble despartenaires, via un embryon institutionnel, et si une liberté de circulationminimum existe, condition indispensable de l'appropriabilité de l'espacepar ses habitants. L'Union européenne, en tant qu'Union économique,est un vrai territoire, dans lequel des moyens sont mis en commun àtravers des politiques communes (Politique agricole commune et fondsafférents ; politique de cohésion et fonds structurels) et dans lequel existela liberté de circulation (et, au-delà, d'établissement) des citoyens. Mais,hormis l'UE, il faut bien admettre que la portée pratique du territoiremultinational est faible voire inexistante. Sans budget, l'ALENA (fût-il unaccord d'intégration profonde) ne fonde pas un territoire, faute de pouvoircollecter et affecter des ressources, sans parler du symbole de l'absence deliberté de circulation que représentent les fortifications de la frontière suddes Etats-Unis. En dépit de transferts budgétaires (MEDA puis fonds de laPolitique de voisinage) mais sans liberté de circulation la zone Euromedne peut pas y prétendre non plus: tant qu'il existera des visas (et ce n'estpas demain la veille de leur disparition !) ... La zone Euromed ne sera pasUn territoire mais une juxtaposition de territoires.

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Sur la base de cette définition du temtOlre, comment envisager larelation qui s'établit entre les territoires euro-méditerranéens et la TGCM ?Nous nous intéresserons tout particulièrement aux territoires du sud de laMéditerranée, et encore plus spécifiquement à ceux, tels le Maroc ou laTunisie, qui se sont engagés dans la division internationale du travail et plusspécifiquement dans la division internationale des processus productifs ausein de réseaux productifs plurinationaux. Ces territoires ainsi ciblés sontparticulièrement concernés par toute modification de l'ordre économiqueinternational (dans ses dimensions commerciales et monétaires) et par lesconséquences possibles des modifications technologiques sur la hiérarchiedes territoires, en fonction de leur capacité à s'approprier les nouvellestechnologies et des modifications de positionnement dans les chaînes devaleur qui peuvent en résulter.

Euromed et l'évolution de l'ordre économique international:entre continuité et rupture de l'articulation régionalisation!mondialisation ?

Le sud de la Méditerranée est largement engagé dans le processuscommercial multilatéral de l'üMC (sauf l'Algérie et la Libye qui ontun simple statut d'observateur à l'üMC), mais aussi dans le processusrégional euro-méditerranéen (sauf la Libye), voire dans d'autres accordspréférentiels, tout particulièrement le Maroc (accord de libre-échange avecles Etats-Unis). L'articulation de l'ordre multilatéral mondial de l'üMC etde l'ordre préférentiel régional euro-méditerranéen est donc de la premièreimportance pour les territoires du sud de la Méditerranée. Mais, du faitdes bouleversements liés à la TGCM, il faut considérer aujourd'hui que laquestion monétaire internationale surdétermine la question commercialeinternationale, que les choses importantes en matière d'évolution de l'ordreéconomique international se passent au FMI plus qu'à l'üMC, comme entémoigne le désintérêt vis-à-vis de la conclusion du Doha Round.

Le système monétaire international actuel est à l'agonie, victime d'unvice constitutif originel (le statut dominant d'une monnaie nationale - ledollar - comme instrument de règlement des créances internationales, maisd'une monnaie nationale d'une économie moins dynamique qu'elle n'aété) et d'un vice ultérieur dans la conception de la régulation économiqueinternationale: l'admission de la Chine à l'üMC sans droit de regardde la communauté intemationale sur ses mécanismes de change. Les

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marchandises chinoises circulent dans le monde selon des mécanismes demarché libéralisé alors que la parité de la monnaie chinoise est administréepar l'Etat chinois: ce hiatus n'était pas grave tant que l'économie chinoiserestait une « petite économie» au sein de l'économie mondiale, sachantque la plupart des pays en développement administrent ainsi leur tauxde change sans trop perturber les échanges économiques internationaux.Par contre, ce hiatus devient insupportable maintenant que la Chine estun acteur majeur de l'économie mondiale et, depuis peu, le premier paysexportateur mondial. Et les principales victimes ne sont pas tant les paysdéveloppés que les autres pays en développement (dont des pays du sudde la Méditerranée) qui se voient dépossédés de leur potentiel exportateurpar le dumping monétaire chinois.

Ces dysfonctionnements du SMI ouvrent la voie à deux avenirspossibles:

- La reconstruction d'un SMI unifié, débarrassé de ses asymétriesinsupportables, autour d'un étalon monétaire international construit, sousl'autorité du FMI. Toutefois cela ne signifierait pas la prolongation dela situation actuelle. En effet, un nouveau SMI unifié ne pourra fairel'économie d'un mécanisme d'équilibrage tendanciel des échanges: On nepourra plus rejouer la scène d'un gigantesque déficit des USA compensépar un gigantesque excédent de la Chine. L'équilibrage tendanciel deséchanges entre grandes zones régionales par la nécessaire réévaluation desmonnaies des zones excédentaires changera forcément la donne actuelle dela division internationale du travail, au profit de pays en développementqui ne pouvaient trouver leur véritable place dans l'ancien système dufait de la sous-évaluation de la monnaie chinoise. En effet, un nouveauSMI unifié ne saurait tolérer qu'un grand pays comme la Chine puisseadministrer le cours de sa monnaie (donc échapper aux mécanismes demarché sur sa parité monétaire) tout en réclamant le libre jeu du marchépour ses marchandises : c'est là une des contradictions fondamentales dusystème actuel.

- L'incapacité à reconstruire un SMI unifié conduirait inévitablementà un repli partiel des échanges mondiaux dans des zones régionales,autour d'une monnaie dominante: l'euro pour l'Europe et ses zonesPériphériques, le dollar pour les Amériques (avec un éventuel contrepoidsbrésilien sur l'Amérique du Sud), le yen et le yuan en coopérationmonétaire renforcée en Asie. Dans un tel cas de figure, une remontée

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du protectionnisme (à l'échelle régionale, pas nationale) est inévitable,quelles que soient les réticences des grandes firmes habituées à semouvoir dans un espace mondial unifié: la division internationale desprocessus productifs, devra se redéployer, forcée et contrainte, d'uneéchelle mondiale à une échelle régionale. Les échanges internationauxde biens ordinaires seront largement contraints par cette nouvelle donnerégionalisée. Les échanges interrégionaux de biens de haute technologiedonneront lieu à des négociations d'Etat à Etat au coup par coup, commec'est déjà bien souvent le cas.

Dans les deux cas, les pays du sud de la Méditerranée voient s'ouvrirune fenêtre d'opportunité pour les décennies à venir. Sauront-ils exploiterune telle fenêtre pour améliorer leur position dans la hiérarchie desterritoires ?

Euromed et hiérarchie des territoires, entre inertie etbouleversement ?

Au grand jeu des territoires, la TGCM va rebattre les cartes. Laquestion est de savoir dans quelle proportion la hiérarchie actuelle desterritoires est susceptible d'être modifiée. En règle générale et en tempsordinaire, l'inertie des hiérarchies territoriales est forte: Les territoires lesmieux situés dans la division internationale du travail ont entre leurs mainstous les atouts pour rester en haut du classement, et les territoires en basde la hiérarchie n'ont pas les moyens de développer les politiques qui leurpermettrait de remonter. Toutefois les périodes de rupture technologiqueforte, et la période qui s'ouvre en est bien une par excellence, sontpropices à des bouleversements hiérarchiques. On a vu dans années 70et 80, aussi bien sur la sidérurgie (passage à la coulée continue) quesur l'horlogerie (passage à l'électronique), que les barrières à l'entrée(supposées protéger les opérateurs historiques vis-à-vis de nouveauxentrants dans le secteur) pouvaient se retourner, piégeant les anciensopérateurs dans des investissements non amortis alors que les nouveauxconcurrents bénéficiaient de conditions de production optimales. Lesterritoires européens et américains des vieilles technologies sidérurgiqueset horlogères portent encore les stigmates de ces bouleversements sousforme de friches industrielles, alors que la Corée ou Taiwan ont connu undéveloppement accéléré de leur production d'acier et en ont fait la based'une construction navale très performante, et d'une industrie automobile

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en ce qui concerne la Corée. Or les enjeux technologico-énergétiquesqui se profilent sont d'une intensité incomparablement supérieure à ceuxdes années 70 et 80. Le dossier énergétique en période de pic pétrolierdevient vital; le tournant d'une nouvelle révolution agricole se précise.Les territoires qui prendront du retard à s'inscrire dans le nouvel universtechnologique et qui s'acharneront à sauver les emplois des anciennestechnologies seront vite distancés et régresseront dans la hiérarchieterritoriale: ils ne connaîtront de la destruction créatrice que la face sombre!A l'inverse les territoires qui maîtriseront les nouvelles énergies et/ou quisauront participer à la nouvelle révolution agricole expérimenteront desraccourcis de développement qui les feront remonter dans les hiérarchiesterritoriales, la création l'emportant sur la destruction.

Nul ne peut dire aujourd'hui avec certitude quels seront les territoires quisortiront gagnants ou perdants de la TGCM, à un horizon de 15 ou 20 ans,sinon que les territoires gagnants seront les territoires schumpetériensinnovateurs, les perdants les keynésiens relanceurs. Qu'en sera-t-il du sudde la Méditerranée?

Le Sud a au moins un avantage: il n'a pas les moyens d'être keynésienrelanceur ! Mais a-t-il les moyens d'être schumpetérien innovateur? Sansdoute pas en tant que concepteur d'innovations, sauf à la marge, du fait dela faiblesse de son appareil technologique et scientifique. Par contre, il peutchercher à se positionner au mieux dans la mise en œuvre des innovations,en fonction de ses dotations naturelles (énergie solaire en particulier) et deses niches de compétences, en ciblant ses rares moyens sur la formationet la recherche-développement, d'une part, et l'adoption, d'autre part,des normes les plus avancées qui lui ouvriront les marchés du Nord et enparticulier de l'Europe. Mais qu'il n'attende pas que l'Europe lui fournisseune aide financière massive dans cette démarche: la contrainte budgétaireeuropéenne va devenir très forte, dans une période de croissance faible oùles Etats ont dû s'endetter massivement pour sauver leur système financierd'une déroute totale. Dès lors, il n'y a pas d'autre voie pour le Sud qued'améliorer son insertion au marché européen, par une politique normativeexigeante, et de renforcer son attractivité, par une sécurisation maximalede l'investissement.

L'inscription d'un pays dans le cadre du statut avancé vis-à-vis del'Europe peut être un atout dans cette démarche. Mais en aucun cas ce statutavancé n'est à lui seul une garantie de succès. S'il permet la mise en œuvre

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136 Henri Regnault

de pratiques avancées des acteurs économiques et de leur environnementpolitico-administratif, s'il symbolise le passage effectif d'une logiqued'intégration superficielle (suppression des obstacles à l'échange auxfrontières) à une logique d'intégration profonde (mise en œuvre d'unespace productif normativement homogène), alors oui il sera bien unélément décisif pour le développement du Sud dans l'environnementinternational post-crise. Ces pratiques avancées se traduiront par uneremontée de statut dans la division internationale des processus deproduction et par un meilleur positionnement dans les chaînes de valeur,comme a su le faire la Turquie dans les 20 dernières années (passaged'une simple position de sous-traitance de capacité à une sous-traitance despécialité ou d'intelligence, voire jusqu'à la création de marques propres).Mais si le statut avancé n'est pas l'aiguillon et le cadre pour mettre enœuvre des pratiques avancées, il apparaîtra bien vite comme n'étantqu'un nouveau gadget de congratulations diplomatiques, conduisant à denouvelles désillusions dans les relations euro-méditerranéennes.

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La Thrquie et l'Union pour la Méditerranée:entre méfiance et espoir

Samim AKGONÜL (73)

Le processus qui a mené du « Partenariat euro-méditerranéen » à« l 'Union pour la Méditerranée» en passant par« l'Union méditerranéenne»est révélateur quant à la position que la Turquie souhaite occuper à la foisen Europe, en Méditerranée et dans le Proche-Orient. Depuis le début dece processus, Ankara a donné l'impression d'hésiter; du moins a-t-elleexprimé clairement ses préoccupations et même sa méfiance. Celle-ciest due à une conjoncture à la fois interne et externe. Interne parce quedepuis 2002 nous sommes témoins d'une transformation certes ambiguë,mais sans précédent. Externe parce que depuis 1999 à l'égard de l'Unioneuropéenne, et depuis 2005 à peu près à l'égard de son environnementgéopolitique immédiat, la Turquie se destine, à la fois dans le discours etdans les actes, à devenir une puissance régionale.

De ce point de vue, le projet de l'Union pour la Méditerranée est vu:- d'une part, comme une entrave à ces ambitions, car l'initiative

appartient à la France et, depuis quelques années, tout ce qui vient de laFrance suscite la méfiance turque ;

- d'autre part, comme un des moyens de réaliser sa nouvelle politiquerégionale dans la mesure où l'ensemble des pays de la région enverslaquelle la Turquie nourrit ses ambitions en font partie.

Construction européenne versus Processus de Barcelone : lesperceptions turques

Il est bien connu maintenant que le processus d'unification européenneest passé par trois étapes principales. La première étape a commencé aulendemain de la Guerre et a porté sur le partage des richesses, à la fois

(73) Maître de conférences à l'Université Marc Bloch où il enseigne la langue et l'histoireturques, ainsi que la traduction turc-français.

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138 Samim Akgonül

pour mettre en place, dans une perspective keynésienne, la société deprospérité via l'initiative étatique, et pour établir la paix et la stabilitéentre les anciens ennemis d'hier. Il n'est pas erroné de dire que cette étapeétait vue uniquement sous l'angle de la prospérité économique et qu'elleétait considérée comme un outil dans le développement capitaliste. Or,la concurrence capitalisme / communisme des décennies de la guerrefroide a, en quelque sorte, obligé les pays membres ou satellites de laCEE d'instaurer un État social pour annihiler les arguments plausiblesdes adversaires. Par conséquent, l'établissement de la paix a vite étééclipsé par la construction d'un espace économique protégé, consolidant,paradoxalement, le rôle des États en tant qu'acteurs principaux, tout eninstallant une quarantaine autour du bloc soviétique. De ce point de vue,le passage à la troisième étape, celle d'une union politique est tout à faitlogique du point de vue de l'analyse marxisante: l'évolution du projeteuropéen tend à consolider les acquis du capitalisme face au socialisme,par la paix physique d'abord, l'entente économique ensuite, et l'intégrationpolitique enfin.

Cette intégration politique a été ralentie par le rajout d'une nouvelleétape : celle d'une Europe identitaire. Les préoccupations identitairesse conjuguant, comme toujours, très mal avec un projet néolibéralpragmatique, l'attitude des pays souverainistes comme la France, laHollande, l'Irlande ou l'Autriche a forcé les idéologues à réviser leursprétentions pour une Europe-Etat via une constitution. Cette nouvelleétape est due, paradoxalement, à la nouvelle conjoncture d'après 1995. Lesvagues successives d'élargissement vers les pays, donc les populations, del'ex-bloc soviétique ont créé de facto une Europe à deux vitesses où, pourla première fois dans l'histoire de la construction européenne, les relationscentre-périphérie se sont installées au cœur du processus décisionneleuropéen. Dans cette configuration de dominants (Europe de l'Ouest)/dominés (Europe de l'Est), le rejet du projet ultralibéral a été contournépar la ruse avec le traité de Lisbonne, imposé par les parlements, maisrejeté une première fois dans le seul pays où il a été soumis au référendum(l'Irlande), avant d'être finalement accepté au prix d'une pression sansprécédent.

Le projet civilisationnel turc d'enracinement européen, débuté dansla deuxième moitié du 1ge siècle et qui devait être achevé par l'adhésionà l'Union européenne, s'inscrit et par conséquent se heurte, à cette

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La Turquie et l'Union pour la Méditerranée: entre méfiance et espoir 139

quatrième étape de l'Europe identitaire. L'illusion de la disparitiond'un monde bipolaire a contraint les idéologues européens à construiredes nouvelles figures d'altérité, face auxquelles l'identité européennedevait être construite. Parmi ces altérités repoussoirs, les Turcs, entant qu'autres de proximité, proches, mais lointains, semblables, maisdifférents, européens, mais nationalistes, occidentaux, mais ... musulmans,convenaient parfaitement au rôle de miroirs. Ainsi, l'adhésion turqueà l'Union européenne a-t-elle été sans cesse renvoyée aux calendesgrecques, mettant la Turquie dans une situation ambiguë où le désird'Europe cède peu à peu la place à la méfiance voire à l'animosité enverstoutes les initiatives européennes. Dans l'opinion publique turque, où lenationalisme et le souverainisme sont rois, les termes les plus usités vis-à­vis de l'Europe deviennent peu à peu: le double standard, le mensonge, laperte de dignité, l'humiliation, etc.

C'est dans ce contexte de relations biaisées que s'inscrit le nouveauprojet d'intégration régionale apparu en 1995 avec le Processus deBarcelone. Ce projet associant 15 pays de l'Union européenne de l'époqueet les 12 pays du pourtour méditerranéen (Maroc, Algérie, Tunisie, Égypte,Israël, « autorité» palestinienne, Syrie, Jordanie, Liban, Turquie) a étéaccueilli avec espoir en Turquie. En 1995, celle-ci était empêtrée dansdes crises politiques successives et voyait sa perspective européenne bienéloignée. L'élargissement vers l'est avait certes créé un espoir, mais il yavait une crainte géostratégique, celle de la diminution de l'importancestratégique de la Turquie avec la disparition du bloc soviétique. Ankarasentait, pour la première fois, la nécessité de s'ancrer solidement àl'Europe non pas grâce à sa situation géostratégique, mais grâce à sesperformances politiques et économiques. C'est ainsi qu'en 1995, à uneépoque où la candidature turque à l 'Union européenne n'avait pas été encoreconcrétisée, le Processus de Barcelone a été accueilli avec enthousiasmepar la diplomatie turque, bien qu'ignoré par le grand public. Il s'agissaitpour elle d'une de ces voies menant à l'Europe. Cette perception positiveétait cependant conjoncturelle. Le projet était acceptable tant qu'il ne sesubstituait pas à celui de l'adhésion à l'Union européenne et tant qu'iln'excluait pas la Turquie.

La donne change avec les années 2000 à partir du moment où troisnouveaux développements commencent à déterminer la politique turque,mais surtout sa perception du monde.

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140

Vers l'Union européenneséculaire

Samim Akgônül

légitimation d'une aspiration

Paradoxalement, l'objectif d'une intégration totale de la Turquie dansl'Union européenne s'éloigne à partir de 1996, année où l'Union douanièreprévue par l'Accord d'association signé en... 1963 s'est partiellementréalisé. Cette Union, qui n'a pas d'assise internationale dans la mesure oùl'Organisation mondiale du commerce ne l'a toujours pas validée, semblaitêtre le point le plus loin vers lequel la coopération turco-européenne pûtévoluer. Du côté de l'Europe occidentale, cette coopération économiquepermet d'ancrer la Turquie à l'Occident tout en la maintenant dans lesmarges, comme le montrent les débats sur le Partenariat privilégié.

A dix ans d'intervalle, trois chocs successifs, ressentis fortement dansl'opinion publique turque et chez les dirigeants, se produisent au tournantdu siècle. En 1989, la Commission européenne rend un avis négatifsur l'ouverture des négociations d'adhésion, en raison «du contexteéconomique et politique de la Turquie ». L'avis note également que « lasituation des droits de l'homme et le respect de l'identité des minorités,quoique ayant fait l'objet d'une évolution au cours des dernières années,n'ont pas encore atteint le niveau nécessaire pour une démocratie ».

C'est en 1997, avec l'élargissement à 10 autres nouveaux payseuropéens, que la Turquie ressent une fois de plus sa particularité et seconvainc d'être mal aimée. D'une part, ces nouveaux pays étaient ceuxde l'ancien bloc soviétique, or Ankara, qui avait été un rempart contre lebloc de l'Est pendant un demi-siècle, admettait mal que la récompense dece dévouement fût accordée aux anciens rivaux. D'autre part, ce sentimentd'être lâchée par les anciens alliés était renforcé par le fait que Chypre,bien que toujours divisée, devienne elle aussi membre de l'UE. Uneincompréhension s'installe désormais entre la Turquie et l'UE, et à partirde cette date toute initiative venant de cette dernière commence à êtrevue comme un subterfuge destiné à entraver l'adhésion turque à l'Europecommunautaire.

Ce sentiment d'humiliation atteint son paroxysme lorsqu'au sommet deLuxembourg, toujours en 1997, le refus de reconnaître à la Turquie mêmeun statut de candidat à l'adhésion achève de convaincre les élites turquesque l'Europe en tant que telle applique une approche discriminatoire àl'égard de leur pays. On peut bien sûr considérer que cette décision n'était

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La Turquie et l'Union pour la Méditerranée: entre méfiance et espoir 141

que l'expression d'une stagnation, pourtant difficile à défendre auprès de

l'opinion publique turque, dans la mesure où le Conseil européen reprenait

les mêmes termes qu'en 1989 en confirmant « l'éligibilité de la Turquie

à l'Union européenne », mais en ajoutant que « les conditions politiques

et économiques permettant d'envisager des négociations d'adhésion

n' [étaient] pas réunies». Certes, cette « maladresse» est rectifiée en 1999,

lors du Conseil européen d'Helsinki, qui reconnaît indirectement le statut de

candidat officiel de la Turquie. Mais dès l'ouverture des négociations avec

la Turquie en 2005, un discours essentialiste et culturaliste s'est emparé

de certaines capitales européennes comme Paris, Vienne ou encore Berlin.

En effet, une fois que la vocation européenne de la Turquie légitimée par

cette ouverture officielle, la Turquie devient un enjeu électoral interne, un

épouvantail, et elle est marginalisée en tant qu'acteur à part entière dans

l'Europe. La proposition répétée d'un « partenariat privilégié» donne le

sentiment que la Turquie est menée en bateau par l'Union européenne et

que les réformes exigées de l'UE deviennent des concessions.

L'idée d'une Union méditerranéenne, transformée en Union pour la

méditerranée, puis finalement en « Processus de Barcelone: Union pour la

Méditerranée » a été lancée justement lors de la campagne présidentielle

française de 2007 dont les débats ont été littéralement pollués par le sujet

turc utilisé à l'envi par les différents protagonistes. Dans ce climat délétère,

le fait que soit lancée l'idée d'un projet d'Union méditerranéenne a laissé

penser aux Turcs qu'il s'agissait d'une manœuvre de plus pour exclure leur

pays de l'Europe en tant que membre à part entière. D'ailleurs, lors de la

première phase du projet, seuls les pays du pourtour méditerranéen étaient

inclus. Cela donnait l'impression à Ankara qu'il s'agissait d'une tout

autre union, inventée de toutes pièces par la France, pour la détourner de

sa voie. C'est seulement à l'inclusion de l'ensemble des pays de l'Union

Européenne dans le projet qu'Ankara a accepté, du bout des lèvres, de

s'y rallier, se retrouvant ainsi dans la même Union pour la Méditerranée

aVec l'Estonie ou Israël. Une fois dedans, les prétentions et les ambitions

turques changent, la Turquie se mettant à réclamer plus de pouvoir et

plus de prérogatives ambitionnant de devenir, à terme, un des leaders de

la nouvelle Union, si jamais celle-ci existe réellement un jour. Nous yreviendrons.

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142 Samim Akgonül

La métamorphose: une Thrquie nouvelle, une vision ambiguë

La naissance et le développement du projet de l'Union pour laMéditerranée coïncident avec une période de transformation politiqueet sociétale en Turquie. Les deux décennies qui ont suivi le coup d'Étatmilitaire fasciste du 12 septembre 1980 ont connu une instabilité politiqueet une crise économique chroniques, sous la conduite d'un régime semi­militaire avec un semblant de démocratie prétorienne. Du coup, le paysentre dans une période d'isolement relatif, empêtré dans ses peurs interneset externes. Bien que les séquelles souverainistes paranoïaques d'une tellepériode demeurent toujours, il est aisé de constater qu'une métamorphosese met en place dès le débuts des années 2000, notamment sous l'impulsionde la perspective européenne. La montée de l'islam politique des années90, avec une touche anti-européenne, s'était soldée par la fermeture duParti de la Prospérité de la mouvance islamiste « Vision Nationale»en 1998, suivie de la formation d'un gouvernement de coalition secouépar une crise économique sans précédent en 2001. Cette crise a ébranlédurablement la légitimité et la représentativité des partis traditionnels. C'estdans cette conjoncture que la jeune génération de la mouvance islamiste afait scission pour fonder un nouveau parti, sous le leadership de l'ancienmaire très populaire et populiste d'Istanbul, Recep Tayyip Erdogan. Cettenouvelle formation, le Parti de la Justice et du Développement (AKP) anon seulement réuni les déçus des partis du système et les électeurs deszones rurales lassés des positions radicales de Vision Nationale, maisa également adopté une posture nouvelle, très conservatrice et prochedes valeurs islamiques du point de vue sociologique, mais très libéral etrésolument pro-européen du point de vue économique et politique. Choserare dans la politique fragmentée turque, le parti est arrivé seul au pouvoirlors des élections de 2002, et depuis il gouverne seul.

Il ne serait pas exagéré de dire qu'en interne, notamment à partir de2004, les réformes ont transformé le paysage politique de la Turquie,réformes qui, sous l'impulsion de la candidature européenne, ont pu, peu àpeu, éloigner la Turquie de la tutelle militaire et du régime de démocratieprétorienne. Cette nouvelle élite, d'origine rurale mais constituant lanouvelle bourgeoisie nationale, s'est placée dans tous les secteurs dela vie sociale, allant de la politique à l'économie, et de la culture à ladiplomatie. Les « ouvertures» à l'égard des minorités et des musulmansse sont succédées, rendant caduc le discours souverainiste et anti-européen

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La Turquie et l'Union pour la Méditerranée: entre méfiance et espoir 143

des anciennes élites ... qui craignaient justement de perdre leur manière devivre à l'européenne.

A partir de 2006, on sent un ralentissement des réformes, dû en grandepartie aux découragements successifs venant notamment de la France.Parallèlement en revanche, une politique volontariste régionale se faitde plus en plus jour, Ankara voulant ouvertement devenir une puissancerégionale incontournable. Dans cette nouvelle politique étrangère résuméepar le slogan «zéro problème de voisinage », et incarnée par le nouveauministre des Affaires étrangères, Ahmet Davutoglu (surnommé leKissenger turc !), la Turquie donne l'impression de diversifier ses relationsextérieures avec un multilatéralisme assumé. Ainsi, ayant rompu l'allianceavec l'Israël, elle se rapproche davantage des pays musulmans de larégion, y compris l'Iran, tout en menant une politique de rapprochementaVec les ennemis d'hier comme l'Arménie et la Grèce, mais aussi avecla Géorgie, la Russie ou l'Asie centrale. La suppression de visa avec laSyrie, le Protocole de réconciliation avec l'Arménie, les accords militairesaVec la Géorgie, les pourparlers énergétiques avec la Russie pour le projetNabucco, la volonté de jouer les médiateurs entre Israël et la Syrie, ou cellede résoudre le problème chypriote en sont les meilleures illustrations.

Ainsi, le projet de l'Union pour la Méditerranée met les ambitionsturques à l'épreuve. D'une part, la Turquie craint que le projet ne nuiseau processus de son intégration à l'Union européenne, la condamnant enquelque sorte à ce statut insupportable de candidat éternel; d'autre part,elle est bien consciente que le projet peut aussi servir ses prétentions depuissance régionale.

Conclusion

On le comprend bien, la Turquie cherche sa place dans le nouveaumonde post-bipolaire, et elle multiplie les initiatives pour ouvrir des porteset se défaire de son isolement géopolitique. Les uns soupçonnent dansCette nouvelle orientation un changement de cap vers les pays musulmans,les autres considèrent que son accession à l'Union européenne passejustement par cette transformation en une puissance régionale stratégique,mais aussi énergétique. Le même type d'inquiétude avait existé après1990, lorsque Ankara lorgnait de plus en plus vers l'Asie centrale. A partirdes années 2000, le pays a consolidé sa position dans les républiques

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144 Samim Akgonül

dites « turcophones » en abandonnant sa posture condescendante de grandfrère. De même, son approche vers les pays de l'Est méditerranéen semblemanquer de vision d'ensemble et donne l'impression d'un activismetous azimuts sans perspective définie à long terme. Dans ce contexte,la conjugaison de ces trois projets - l'intégration à l'Union européenne,devenir une puissance régionale débarrassée de ses démons internes qui larongent depuis des décennies et être un acteur principal au sein de l'Unionpour la Méditerranée - semble être un pari difficile. Quoi qu'il en soit,ce dernier projet reste très secondaire, voire inexistant, pour les stratègesd'Ankara.

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Vertus et limites de l'intégration économique :le cas des relations entre

la Thrquie et l'Union européenne

Deniz AKAGÜL (74)

Résumé

Au-delà des bénéfices purement économiques qu'elle génère,l'intégration économique est souvent mise en avant pour contournerles difficultés de l'intégration politique. Toutefois, au-delà d'un certainstade, cette instrumentalisation de l'intégration économique atteint seslimites. Les ambiguïtés de la démarche choisie apparaissent dès lors qu'ons'aperçoit des contradictions entre la rationalité économique mue par lesgains absolus et la rationalité politique déterminée par les gains relatifsqui s'inscrit dans le cadre du paradigme de puissance. La problématiquede l'instrumentalisation de l'intégration économique trouve un champd'étude empirique intéressant dans les relations entre la Turquie etl'Union européenne (UE). Ce pays méditerranéen, bien avancé dans laVoie de l'intégration économique avec l'UE, connaît des difficultés dansla réalisation de son intégration politique. En observant les liens entreles intérêts économiques et les états des opinions publiques à l'égardde l'adhésion turque dans les pays membres de l'UE, la présente étudevise à vérifier la validité de l'hypothèse du «doux commerce» deMontesquieu.

Introduction

Le thème «le Statut avancé à l'épreuve de l'Union pour laMéditerranée », suscite au premier abord les questionnements suivants.Qu'est-ce qu'on entend par "Union" ? S'agit-il d'un projet de coopérationqui pourrait se réaliser dans un cadre intergouvernemental ? Ou bien

(74) Économiste, spécialiste des Balkans et de la Méditerranée orientale. Maître de conférencesà l'université de Lille-I et chercheur au laboratoire Médee (Mécanismes économiques etdynamique des espaces européen).

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146 Deniz Akagül

s'agit-il d'un projet plus ambitieux, un projet d'intégration qui nécessiteune construction supranationale ? Dans ce dernier cas, quelle dimension del'intégration est mise en avant? Économique? Ou politique? Bien que cesdeux dimensions entretiennent des interactions, la question mérite d'êtresoulevée dans la mesure où les types de rationalité qui régissent les deuxdimensions sont différents. Assez souvent, l'intégration économique estinstrumentalisée pour contourner les difficultés de l'intégration politique.Mais si l'intégration économique présente l'intérêt de contourner cesdifficultés, elle connaît également ses limites qui montrent que finalementc'est la dimension politique qui prime.

Compte tenu de ces remarques, l'expérience de la Turquie se révèleintéressante à observer, à plusieurs égards. Tout d'abord, parce qu'il s'agitd'un pays méditerranéen candidat à l'adhésion à l'Union européenne(UE). Ensuite, parce que le projet initial prévu par l'Accord d'Ankara(1963) met en avant l'intégration économique. Enfin, l'opposition decertains pays membres au processus d'adhésion rappelle les limites de1'instrumentalisation de l'intégration économique au service de l'intégrationpolitique. Certains pays membres de 1'UE proposent à la Turquie de tronquerle statut de membre à part entière en statut de « partenariat privilégié ».

Les relations entre l'Union européenne et la Turquie remontentpratiquement aux premiers jours de la construction européenne, puisquela Turquie avait déposé une demande d'association en juillet 1959. Avecl'accélération de l'intégration économique dans les années 1980, laTurquie déposait sa demande d'adhésion en avril 1987. Le statut de payscandidat ne sera reconnu que plus de dix années plus tard, en décembre1999. L'ouverture des négociations sera décidée en décembre 2004.Avec un contenu essentiellement économique, l'Accord d'Ankara (1963)qui prévoyait la réalisation d'un marché commun, c'est-à-dire la librecirculation des biens, des personnes et des capitaux, ainsi que l'adhésionde la Turquie à l'échéance de 1995, s'inscrit dans une logique semblable.Il s'agissait pour les Six d'appuyer un pays allié qui constituait l'une despièces maîtresses du dispositif de la défense occidentale dans le climatde guerre froide, à l'aide de l'intégration économique. Après une phasepréparatoire (1965-1972), l'Accord envisageait la réalisation du marchécommun aux termes d'une phase transitoire (1973-1985) et d'une phasedéfinitive qui devait s'achever en 1995.

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Vertus et limites de l'intégration économique: le cas des relations entre la Turquie et l'U.E. 147

En observant la logique de l'intégration européenne et celle de l'Accordd'Ankara, apparaissent certaines similitudes qui révèlent les vertus et leslimites de l'intégration économique comme instrument de l'intégrationpolitique. Dans les deux cas, c'est la dimension économique qui est miseen avant pour avancer dans la voie de l'intégration. Après la coopérationintergouvernementale qui caractérise la période de 1945 à 1951, les paysde l'Europe occidentale choisissent la voie de l'intégration politique, avantd'opter finalement pour un projet d'intégration économique. Le choix del'intégration économique entériné lors de la Conférence des Six à Messine(1955) est précédé des tentatives avortées de création de la Communautépolitique (1953) et de la Communauté européenne de défense (1954).

Les vertus de l'intégration économique

L'intégration économique représentait deux catégories d'intérêts,économiques et politiques. Sur le plan économique, il s'agit de bénéficier,d'une part, des gains de l'échange découlant d'une meilleure allocation desressources et, d'autre part, des économies d'échelle. L'idée de bénéficierdes économies d'échelle grâce à la réalisation d'un grand marché est déjàprésente dans les réflexions de l'Entre-deux-guerres, qui attirent l'attentionsur les pertes engendrées par le morcellement de l'espace économiqueeuropéen à la suite de la dislocation des empires. Ainsi, en 1919, Keynesdénonçait les « pertes en matière d'organisation et d'efficacité économiqueque doivent entraîner les innombrables nouvelles frontières politiques quiviennent d'être créées entre les États nationalistes, avides, jaloux, sansexpérience et économiquement déficients. Les frontières économiquesétaient supportables tant qu'un immense territoire était partagé entrequelques grands empires. Elles cessent de l'être maintenant que lesempires d'Allemagne, d'Autriche-Hongrie, de Russie et de Turquie ont étédivisés en une vingtaine d'États indépendants. Une Union libre-échangiste,comprenant toute l'Europe centrale, orientale, sud-orientale, la Sibérie, laTurquie, et, nous osons l'espérer, le Royaume-Uni, l'Égypte et l'Inde,œuvrerait probablement autant en faveur de la paix et de la prospérité dumonde que la Société des Nations elle-même. »

Quant aux intérêts politiques qui justifient l'instrumentalisation del'intégration économique, ils peuvent se résumer à l'idée de «douxcommerce» de Montesquieu selon laquelle le commerce apporte la paixen établissant des interdépendances entre les pays participants. Selon

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148 Deniz Akagül

Montesquieu: « L'effet naturel du commerce est de porter à la paix. Deuxnations qui négocient ensemble se rendent réciproquement dépendantes: sil'une a intérêt d'acheter, l'autre a intérêt de vendre; et toutes les unions sontfondées sur des besoins mutuels (75). » Plus tard Victor Hugo, qui prônerales États-Unis d'Europe, verra dans la concurrence sur le marché un substitutau champ de bataille (76). La même idée apparaît dans les réflexionsdes économistes qui perçoivent «les transactions économiques commedes problèmes politiques résolus», comme en témoigne la Communautéeuropéenne du charbon et de l'acier fondée en 1950 (77). L'idée centraleétant que le coût d'opportunité d'un conflit armée devenant plus importanten raison des interdépendances, les partenaires commerciaux seront moinsenclins à entamer un conflit armé. L'idée d'une instrumentalisation del'intégration économique à des fins politiques est admise également par leséconomistes contemporains, comme Paul Krugman (78), Celui-ci défendl'idée que les États-Unis devraient soutenir l'ALENA pour des raisonsgéopolitiques, même si cet accord présente peu d'intérêts, voire des coûtsdu point de vue économique, pour les Américains,

L'instrumentalisation de l'intégration économique légitimée par lesavantages économiques et politiques énumérés ci-dessus, semble connaîtrecependant des limites. En dépit des périodes difficiles, le projet d'intégrationprévu par l'Accord d'Ankara a atteint une partie non négligeable de sesobjectifs économiques pour l'UE, notamment avec l'union douanièreréalisée en 1996 à l'échéance prévue. Force est de constater cependantqu'une partie importante des opinions publiques des pays membresémettent un avis défavorable à l'égard de l'adhésion turque. Dès lorsl'observateur est tenté de s'interroger sur la validité de l'hypothèse du« doux commerce» de Montesquieu. Serait-elle infirmée?

(75) Cf. Montesquieu, De l'esprit des lois. Livre XX. chapitre II (de l'esprit du commerce),Garnier Flammarion, Paris, 1979,(76) Dans son discours prononcé le 21 août 1849 lors du Congrès de la paix à Paris, VictorHugo disait qu'« Un jour viendra où il n'y aura plus d'autres champs de bataille que les marchéss'ouvrant au commerce et les esprits s'ouvrant aux idées »,

(77) « The solution is the transformation of the conflict from a political problem to an economictransaction. An economic transaction is a solved political problem. Economics has gained thetitle of queen of social sciences by choosing solved political problems as its domain » Cf. AbbaLerner, «The economics and politics of consumer sovereignty », American Economic Review,62, n° 2.1972, p. 259.(78) Cf.« L'ALENA: des vérités difficiles à dire », in P. Krugman », la Mondialisation n'estpas coupable, La Découverte, Paris, 1998, p. 153-162.

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Vertus et limites de l'intégration économique: le cas des relations entre la Turquie et l'U.E. 149

Intérêts économiques et opinions publiques dans le cas desrelations entre la Thrquie et l'Union européenne

La réflexion menée ici se limitera à l'examen des liens entre lesintérêts économiques et l'état d'avancement de l'intégration politique.L'intégration économique a-t-elle favorisé le processus d'adhésion? Quelest l'impact des intérêts économiques sur l'état des opinions publiquesdans les pays membres ? Quel lien entre les intérêts commerciaux et lesopinions publiques ? Pour les intérêts économiques futurs : quel lien entreles transferts budgétaires et les opinions publiques ?

Le croisement des états des opinions publiques et de l'intensitédes échanges commerciaux entre la Turquie et les pays membres prisindividuellement offre un paysage en conformité, bien que disparate, avecl'hypothèse de départ selon laquelle les opinions publiques devraient êtrede plus en plus favorables au fur et à mesure que l'intensité des échangesaugmente (cf. graphique n° 1).

Graphique 1Intensité des échanges commerciaux et états des opinions

publiques à l'égard de l'adhésion de la Turquie (2005)

Roumonie •

• Crootie

(7,01·5,50)

• Pologne

Hongrie LituonieBulgorie

Portugal (10,08 - 1,43)4• rt• • .EsP+ SlovénieSuède. Irelan e ~~M • Royaume-Uni Malte (4,42 - l,la) 4

Lettonie • ~~ QuieltolieHollande"S Oquie ,UE.25

BelgiQ'1 :far~ UE-15

stono ~inondeGrèce·., • Luxembourg .France • Allemagne

Chypre Autriche.

~ 3,0

l~ 2,5

""V>

§:5 2,0

~i 1,5

<S§ 1,0

:~'0 0,5

!o.o0,0 0,5 l,a 1,5 2,0 2,5

Intensités relatives des échanges commerciaux3,0 3,5

Sources.' L'opinion publique dans l'Union européenne, Terrain: mai-juin 2005, n° 63,Bruxelles, septembre 2005 et IMF, Direction of Trade Statistics Yearbook, 2008. Pour lecalcul des intensités relatives des échanges, voir l'annexe.

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150 Deniz Akagül

La perspective de l'intégration de la Turquie concerne également lesintérêts économiques futurs, notamment à travers les transferts budgétairesau bénéfice de la Turquie engendrés par son adhésion. En effet, l'importancede cette charge financière est l'un des arguments souvent avancés par lesopposants à cette adhésion en Allemagne et en France. Les estimationseffectuées vont de 8 milliards d'euros par an selon le Bureau centraldu plan du ministère de l'Économie des Pays-Bas à 14 milliards par anselon l'Ost Europa Institute de Munich, en passant par les 11 milliards del'Institut de l'économie mondiale de Kiel (79).

Même si le calcul des soldes budgétaires par pays n'est pas exemptd'ambiguïtés, le croisement des états des opinions publiques avec lescontributions nettes des pays membres offre un aperçu instructif (80).La relation attendue entre les contributions nettes au budget de l'UE et lesétats des opinions publiques à l'égard de l'adhésion de la Turquie devraitse présenter sous la forme d'une courbe en U inversé, avec un point deretournement à O. Chez les contributeurs nets pour lesquels la Turquieprésente une charge financière supplémentaire, l'opposition devrait diminuerau fur et à mesure que leurs contributions au budget de l'UE s'affaiblissent.À budget constant, a priori leurs opinions publiques devraient être neutress'il n'y avait que la charge financière comme déterminant. Les écartsobservés traduisent leur préférence entre la Turquie et les pays membresbénéficiaires nets, liée à d'autres motivations qu'économique. Tandis quechez les bénéficiaires pour lesquels la Turquie entre en concurrence dansl'utilisation des fonds communautaires, l'opposition à la Turquie devraitse renforcer avec l'importance des transferts budgétaires en leur faveur. Laproportion d'opinion par rapport aux opinions défavorables devrait atteindreson maximum pour les pays auxquels le budget européen est neutre.

La répartition des onze contributeurs nets entre les cadrans sud­ouest et nord-ouest indique que la majorité des pays contributeurs ont

(79) Cf. A.M. Lejour, R.A. de Mooij and C.H. Capel, Assessing the economic implicationsof Turkish accession to the EU, CPB Netherlands Bureau for Economie Policy Analysis nO 56,The Hague, mars 2004, Quaisser, W. and A. Reppegather, EU-beitrittsreife der Turkei undkonsequenzen einer EU-Mitgliedschaft, Osteuropa institut Munich, Working Paper no. 252, 2004et Hugo Dicke, Die Beitrittsvertrage der EU : eine Bilanzierung, Institut für Weltwirtschaft, KielerArbeitspapier Nr. 1157, Kiel, avril 2003.(80) A propos des limites que représentent les calculs des soldes budgétaires nets des paysmembres voir Jacques Lecacheux, Budget européen: les mirages du juste retour, Notre Europe,Études et Recherches n041, Paris, juin 2005.

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des opinions publiques défavorables à la Turquie, seules les opinionspubliques anglaises et finlandaises sont favorables à la Turquie. Quantà la répartition des quatorze pays bénéficiaires (cadrans sud-est et nord­est), elle est moins évidente à interpréter dans la mesure où la dispersionest importante : huit pays situés dans le cadran nord-est sont favorables,alors que six qui se trouvent dans le cadran sud-est sont défavorables. Sil'on se livre à une interprétation strictement économique, les observationsconfirment néanmoins que la majorité des pays bénéficiaires, donc pluspauvres, sont plus généreux que les pays contributeurs nets plus riches.Car ils sont beaucoup plus nombreux à renoncer à une part plus importantede leur revenu (allant de 0,5 à 2,5% de leur PIB) que ne le sont les payscontributeurs nets avec une part moins importante de leur revenu (entre °et 0,5% de leur PIB) (cf. Graphique n° 2).

Graphique 2Contributions nettes au budget de l'UE (en % du PIB 2006) et étatsdes opnions publiques à l'égard de l'adhésion de la Thrquie (2005)

'" 2,0

~ Pologne0 •:>-

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1,5'"" Slovénie Hongie Portugal Lituan:0,3

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-1,0 -0,5 0.0 0,5 1,0 1,5 2,0 2,5Contributions nettes au budget de l'UE (en % du PIB) Contributeur net: (-), Bénéficiaire net: (+)

Sources: L'opinion publique dans l'Union européenne, Terrain: mai-juin 2005, n° 63,Bruxelles, septembre 2005 et Documentation française, Questions internationales, n° 31,Paris, mai-juin 2008.

Il convient toutefois de remarquer que les motifs qui se trouventderrière l'argument de la charge financière engendrée par l'adhésion

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de la Turquie témoignent du fait que ceux-ci n'obéissent pas à unschéma de rationalité purement économique. Tout d'abord, parce quel'appréciation de l'importance de cette charge renvoie inéluctablement àdes considérations d'ordre politique, voire identitaire (81). En effet, lasolidarité budgétaire qui ne suscite pas d'objections entre les régions d'unmême pays liées par une longue construction identitaire avec ses mythesfondateurs, devient moins évidente lorsqu'il s'agit d'une aide financièreinternationale, comme en témoigne l'attitude généreuse de l'Allemagnevis-à-vis de l'unification qui a suivi la chute du mur de Berlin, en contrasteavec ses réserves sur la progression du budget européen. Sur le planinternational, l'appréciation des aides financières s'appuie d'avantagesur des considérations d'ordre géopolitique. De plus, le calcul destransferts budgétaires ne tient compte que du coût de l'adhésion et ignoretotalement le coût de l'exclusion définitive de la Turquie dont l'évaluations'avère assez complexe, tant sont entremêlés les facteurs stratégiques etgéopolitiques (82). Quelles seront les conséquences (les coûts politiqueset économiques) d'une déstabilisation d'un pays dépourvu de gages destabilité politique et économique qu'apporte l'ancrage européen? Ilconvient donc de s'interroger également sur les intérêts politiques.

(81) Les propos tenus par Hugo Dicke, l'auteur de l'évaluation de l'Institut de l'économiemondiale de Kiel citée plus haut, sont à cet égard révélateurs. Après avoir énuméré ses argumentsd'ordre économique pour le rejet de l'adhésion turque, il termine ses propos avec des argumentsd'ordre culturel. Selon lui« les pays membres n'ont pas encore répondu clairement à la question:où sont les frontières de l'Europe? Sont-elles morales, culturelles ou géographiques? D'un pointde vue géographique, l'essentiel du territoire de la Turquie appartient à l'Asie. D'un point devue culturel, le régime d'Ankara a certes fait de grands efforts vers la démocratie, c'est très biencomme cela et il faut que cela continue. Mais, par exemple, lorsque l'on considère la séparation dela religion et de l'Etat, on constate qu'elle est récente, qu'elle a été décrétée par le haut et garantiepar un pouvoir militaire. J'aimerais savoir comment elle est vécue au sein de la population. Bref,lorsque je regarde la Turquie, j'ai du mal à la compter au nombre des pays qui, géographiquementou culturellement, font partie de l'Europe. » Cf. «Son entrée dans l'Union coûterait très chère »,

l'Express, 12 décembre 2002.(82) Dans un article paru dans le Monde, Nicolas-Jean Brehon, avant de se livrer à uneévaluation de la charge financière de l'adhésion turque, soulignait que « dans ce débat, les aspectsbudgétaires sont évidemment secondaires ». Bien qu'il observe l'importance de cette charge quipromet de poser des problèmes, l'auteur concluait qu'« on peut sans risque avancer l'idée que lanon-adhésion créerait, elle aussi, des problèmes énormes, voire insurmontables, à la constructioneuropéenne. L'Europe a toujours progressé par crises. Nul doute qu'à cette occasion, elle seraitservie, encore plus que de coutume ». Cf. Nicolas-Jean Brehon «Combien cela coûterait-il àl'Union? », le Monde, 21 avril 2004.

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En guise de conclusion

Même si dans un premier temps l'économie joue un rôle stimulant,arrivée à un certain stade de l'intégration, la dimension politique réapparaît.Un schéma en sens opposé est tout à fait valable aussi. Les dimensionséconomiques et politiques sont en interaction lorsqu'il s'agit d'un projetd'intégration. Comme le souligne Bela Balassa, l'un des pères fondateursdes théories de l'intégration économique, «des motifs politiques peuventinciter à ce que l'intégration économique intervienne en premier, maisl'intégration économique réagit aussi sur la sphère politique; de même,si les motifs initiaux sont économiques, le besoin de l'unité politique peutsurgir à une étape ultérieure (83) ».

À côté de ces interactions qui rendent difficile à démêler et à pondérerles différents facteurs qui interviennent dans l'évolution, il convientde souligner que les deux types d'intérêts, économiques et politiques,obéissent à des schémas de rationalité différents. Dans le cadre de larationalité économique, l'existence de gains mutuels suffit pour avancerdans la voie de l'intégration. Le raisonnement s'appuie donc sur des gainsabsolus. Alors que la rationalité politique qui raisonne dans le cadre duparadigme de puissance se réfère aux gains relatifs des États. Ceux-ci,pour maintenir, voire renforcer leur position dans l'échelle de puissance,Sont attentifs à la répartition des gains de façon à ce que leurs partenairesne soient pas trop avantagés. On s'aperçoit finalement que les deuxtypes de rationalités peuvent tomber en contradiction : un comportementrationnel du point de vue économique peut devenir irrationnel du pointde vue politique et vice versa (84). Dès lors, on comprend mieux leslimites de l'instrumentalisation de l'intégration économique au service del'intégration politique.

(83) «Political motives may prompt the first step in economic integration, but economicintegration also reacts on the political sphere; similarly, if the initial motives are economic, theneed for political unity can arise at a later stage. » Cf. Bela Balassa, « The Theory of EconomieIntegration: An Introduction », in Brent F. Nelsen & Alexander Stubb (ed.), The EuropeanUnion. Readings on the Theory and Practice ofEuropean Integration, Lynne Rienner Publishers,London, 2003, p. 179-191.(84) Nous utilisons ici les concepts de l'économie politique internationale qui articule lesdimensions économique et politique dans les relations internationales et nous nous rangeons dansle Courant réaliste selon lequel le politique est le déterminant en dernière instance, en oppositionaux courants libéral et marxiste qui défendent la primauté de l'économique sur le politique. Voirà ce propos, Gérard Kébabdjian, les Théories de l'économie politique internationale, le Seuil,1999, Paris.

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Le retour du politique signifie également celui des intérêts nationauxparmi les déterminants des comportements. Dès lors on se trouve dans laconfiguration internationale fondée sur la coopération entre États, commeen témoigne la diversité des opinions publiques à l'égard de la Turquie ausein de l 'DE. Il serait plus judicieux de parler des intérêts de groupes depays membres au lieu des intérêts de l'DE. La diversité observée à l'égardde la Turquie traduit aussi l'état d'avancement de l'intégration européennequi n'a pas réussi à modérer la défense des intérêts nationaux. Ce qui tend àconfirmer la thèse qui met l'accent sur l'importance des intérêts nationauxdans la construction européenne elle-même et souligne les difficultés del'intégration politique (85).

Annexe : Calcul des intensités relatives des échanges

L'intensité relative des échanges entre deux partenaires se mesure àl'aide de l'indicateur suivant:

\Iy~ \1..ui} = VV.

/. .J

VZL'indicateur met en relation la part du flux bilatéral entre les pays i

et j (V) dans le commerce mondial (v..) avec le produit de la valeur desIl

échanges totaux des deux partenaires (V et V) rapporté au commerce1. .j

mondial au carré (V2•• ).

Source: M. FOUQUIN. «Le développement du régionalisme commercial », La Lettre duCEP/l, nO 118, novembre 1993, Paris.

(85) Dans un ouvrage qui livre l'histoire de l'UE à travers les comportements des hommesd'État, Desmond Dinan souligne l'importance des intérêts nationaux. «There was nothinginevitable about the emergence of European integration in the form with wich we are nowfamiliar. European politicians were (and still are) instinctively averse to sharing nationalsovereignty, despite rhetorical flourishes to the contrary. National leaders decided to sharesoverreignty in supranational organizations primarly because they perceived that it was in theircountries' (and therefore their own) interests to do so. » Cf. Desmond Dinan, Europe Recast.A His/ory of European Union, Lynne Rienner Publishers, Boulder, 2004, p. 1.

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Bibliographie

DenizAkagül et Semih Vaner, l'Europe, avec ou sans la Turquie?, éditionsd'Organisation, Paris, 2005.

Bela Balassa, « The Theory of Economie Integration: An Introduction »,in Brent F. Nelse & Alexander Stubb (ed.), The European Union.Readings on the Theory and Practice of European Integration, LynneRienner Publishers, London, 2003, p. 179-191.

Eurobaromètre 63. l'Opinion publique dans l'Union européenne. Terrain:mai-juin 2005, Bruxelles, septembre 2005.

Hugo Dicke, Die Beitrittsvertrage der EU : eine Bilanzierung, Institut fürWeltwirtschaft, Kieler Arbeitspapier Nr. 1157, Kiel, avril 2003.

IMF, Direction of Trade Statistics Yearbook, 2008.

Gérard Kébabdjian, les Théories de l'économie politique internationale,Le Seuil, 1999, Paris.

J.M. Keynes, les Conséquences économiques de la paix, Gallimard, Paris,2002.

Paul Krugman. Cf.« L'ALENA: des vérités difficiles à dire », inP. Krugman », la Mondialisation n'est pas coupable, la Découverte,Paris, 1998,p. 153-162.

Jacques Lecacheux, Budget européen: les mirages du juste retour, notreEurope, Études et Recherches n041, Paris, juin 2005.

A.M. Lejour, R.A. de Mooij and C.H. Capel, Assessing the economicimplications of Turkish accession to the EU, CPB Netherlands Bureaufor Economie Poliey Analysis n° 56, The Hague, mars 2004.

Abba Lemer, «The economics and polities of consumer sovereignty»,American Economie Review, 62, nO 2, 1972.

Montesquieu, De l'esprit des lois, livre XX, chapitre II (de l'Esprit ducommerce), Garnier Flammarion, Paris, 1979.

Quaisser, W. and A. Reppegather, EU-beitrittsreife der Turkei undkonsequenzen einer EU-Mitgliedschajt, Osteuropa institut Munich,Working Paper n° 252, 2004.

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Annexes

Annexe 1Huitième session du Conseil d'association UE-MAROC

Annexe IIConclusions de la présidence

Annexe IIIRapport annuel de la Haute Représentante de l'Union pour la PESC

Annexe IVRapport général sur l'activité de l'Union européenne

Annexe VPrésidence suédoise du Conseil de l'UE 2009

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Annexe 1

Huitième session duConseil d'association DE-Maroc

Bruxelles, le 7 décembre 2009

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Déclaration de l'Union européenne

1. L'Union européenne (UE) se réjouit vivement de la tenue de lahuitième session du Conseil d'association qui marque une nouvelle étapedans le développement de la relation entre le Maroc et l'Union européenne.Le partenariat avec le Maroc a une valeur fondamentale pour l'UE, comptetenu du rôle qu'il joue non seulement au Maghreb et sur le continentafricain, mais dans toute la région méditerranéenne. Le Maroc continueà se distinguer par sa vision et son engagement au sein de la politiqueeuropéenne de voisinage comme de l'Union pour la Méditerranée. L'UEconsidère que l'approfondissement des relations bilatérales avec le Marocest la concrétisation du principe de différenciation qui est l'un desfondements de la politique européenne de voisinage.

2. Le Conseil d'association du 13 octobre 2008 avait marqué unenouvelle étape dans le renforcement des relations Maroc-UE, grâce àl'adoption du document conjoint visant l'établissement du Statut Avancédu Maroc dans les relations avec rUE. Le document conjoint forme unefeuille de route ambitieuse pour le développement progressif et soutenudes relations bilatérales dans de nombreux domaines. Ce partenariatrenforcé entre rUE et le Maroc traduit la volonté de rUE de répondrepositivement aux attentes et aux besoins spécifiques du Maroc, afin del'accompagner dans son processus courageux de modernisation et dedémocratisation et constitue un approfondissement du cadre existantqu'est l'Accord d'association.

3. Le document conjoint prévoit en particulier un approfondissementde la coopération politique, une intégration plus intense au MarchéIntérieur sur base d'un rapprochement réglementaire progressif avecl'acquis communautaire et de la négociation d'un accord de libre échangeapprofondi et global, ainsi que d'un renforcement de la coopérationsectorielle. Son caractère novateur tient également aux recommandationsqui visent à impliquer d'autres acteurs dans le partenariat entre l'UE etle Maroc (Parlement européen, Conseil de l'Europe, Comité économiqueet social, Comité des régions, associations du monde des affaires, desSyndicats, représentants de la société civile et autres).

4. Conformément à ce que le document conjoint établit, le Groupede travail ad hoc, créé par décision de la sixième session du Conseil

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d'association, a procédé à une évaluation générale sur la mise en œuvredu document conjoint. L'DE considère que les efforts qui ont été déployésdans le cadre de la mise en œuvre du document conjoint, surtout enmatière de dialogue politique, stratégique, économique, ainsi qu'en matièrefinancière et sociale sont à souligner. Le renforcement de la coopérationavec le Conseil de l'Europe est également prometteur. Dans ce contexte,l'DE félicite le Maroc pour être le premier pays non-européen à devenirmembre du Centre Nord-Sud du Conseil de l'Europe.

5. Le Parlement européen a considéré de manière pOSItIve lesrecommandations du document conjoint en matière de coopérationparlementaire et la création de la Commission Parlementaire mixteMaroc-DE est en cours. La Commission a établi des contacts avec leComité économique et social et avec le Comité des Régions et l'DEsouhaite qu'une coopération entre ces deux organes communautaires et lesinstances marocaines équivalentes soit initiée bientôt.

6. L'DE estime qu'il est important d'intensifier le travail conJomtdans les domaines de la coopération sécuritaire, judiciaire et de ladimension humaine. Par ailleurs, l'DE attache une grande importanceà la finalisation des négociations commerciales afin de passer à l'étapesuivante du lancement des négociations sur l'Accord de Libre échangeapprofondi et global. S'agissant du rapprochement du cadre législatif, l'DEconsidère également d'une importance primordiale l'établissement d'uneinstance marocaine de coordination interministérielle de la convergenceréglementaire et l'élaboration d'un programme national de convergenceréglementaire, qui sont des éléments essentiels pour la mise en œuvre dudocument conjoint sur le statut avancé. L'DE estime que le l er SommetMaroc-DE qui aura lieu pendant le premier semestre 2010, traduiracertainement l'importance politique que les deux parties attachent à leursrelations bilatérales et contribuera à leur renforcement.

7. L'DE se félicite de la tenue régulière des réunions des différentssous-comités prévus par l'Accord. Elle se félicite également du nouveauformat agréé pour certains sous-comités sectoriels qui permettra un suiviplus opérationnel des la mise en œuvre du Statut avancé et l'orientationdu travail. Ce nouveau format a commencé à être utilisé et pourrait êtremaintenu ou modifié à la lumière des résultats obtenus.

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Déclaration de l'Union européenne 163

8. Conformément à ce qui est prévu par le document conjoint l'UE etle Maroc ont initié une réflexion sur le nouvel instrument qui prendra lerelais du Plan d'action Maroc qui arrive à son échéance en 2010. Dansce contexte le groupe de travail ad hoc s'est penché sur les objectifs, laméthodologie à suivre, les grands principes et la structure du documentqui remplacera le Plan d'action Maroc. L'UE confirme son engagement àtravailler sur ce document avec le Maroc afin que les deux Parties puissentl'adopter en 2010 et le mettre en œuvre sans délai.

9. En conformité avec la vocation et les principes de la PEV, le Pland'action voisinage UE-Maroc et les conclusions du Conseil d'associationde juillet 2007, le groupe de travail ad hoc a convenu de poursuivre laréflexion concernant la nature et la forme de l'instrument qui prendrale relais du plan d'action et éventuellement, du lien contractuel quiremplacerait l'accord d'association.

10. L'UE se félicite des progrès dans la mise en œuvre par le Maroc duPlan d'action voisinage UE-Maroc, comme en témoignent les rapports desuivi élaborés par la Commission européenne, ce qui a permis l'octroi auMaroc de financements additionnels au titre de la Facilité de Gouvernancede l'Instrument Européen de Voisinage et Partenariat tant en 2007 qu'en2008 et 2009.

Il. L'UE reste pleinement engagée en faveur d'un développementréussi de l'Union pour la Méditerranée (UpM). L'UpM donne unenouvelle impulsion à la coopération de l 'DE avec les pays partenairesméditerranéens, notamment en relevant le dialogue politique, en renforçantles mécanismes de décision conjoints et en augmentant la visibilité dupartenariat à travers le lancement de grands projets régionaux et sous­régionaux. L'DE accueille favorablement la reprise des réunions del'UpM et les efforts en vue de finaliser les Statuts de son Secrétariat.Dans ce contexte, elle remercie le Maroc pour avoir accueilli la deuxièmeConférence ministérielle sur le rôle de la femme dans la société tenue les11-12 novembre à Marrakech et pour tous les efforts déployés pour assurerle succès de celle-ci. Il est maintenant essentiel que l'UpM, fondée sur lesacquis du Processus de Barcelone, soit capable de fournir des résultats leplus rapidement possible. L'UE considère qu'il est fondamental de faire desprogrès pour atteindre les objectifs communs agréés à Paris et à Marseille,aVant toute chose en mettant en place l'architecture institutionnelle del'UpM et en particulier son Secrétariat. Des progrès concrets et des efforts

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conjoints sont aussi nécessaires dans le domaine des projets destinés àrenforcer l'intégration régionale dans la Méditerranée. A cet égard, l'UEsalue l'attitude positive et constructive du Maroc et son engagement àdévelopper cette initiative conjointe.

12. Oans le contexte du renforcement de la coopération euro­méditerranéenne, l'Union européenne attache une importance particulièreà la coopération sous-régionale. Elle salue l'accélération de la coopérationtechnique entre les pays maghrébins et la multiplication des initiatives auniveau des chefs d'entreprises ou des organisations de la société civile.Elle se félicite de la reprise du dialogue entre l'UE et l'Union du Maghrebarabe (UMA) et encourage celle-ci à poursuivre les efforts d'intégrationsous-régionale.

13. L'UE se félicite de l'intérêt marqué du Maroc pour la Politiqueétrangère et de sécurité commune (PESC) et la Politique européennede sécurité et de défense (PESO). Elle apprécie la volonté du Maroc derenforcer les liens dans ces domaines et notamment sa participation activedans la coopération avec les partenaires méditerranéens. Le dialoguepolitique renforcé, dont les réunions se tiennent à intervalles réguliers,constitue un excellent cadre pour progresser dans la coopération et lacompréhension mutuelle. L'UE se félicite de la réunion entre le Maroc etles représentants du Comité Politique et de Sécurité (COPS) qui a eu lieuen 2009. Elle estime que ces réunions devraient se poursuivre dans l'avenirsur une base ad hoc.

14. La participation du Maroc à l'opération ALTHEA de l'UE enBosnie-Herzégovine fut un signal important du soutien pratique du Marocau développement de la PESO. L'UE exprime sa reconnaissance auxautorités marocaines pour leur contribution précieuse à cette opérationet espère que cela constituera un précédent à la participation du Marocà d'autres opérations futures ou en cours de l'UE. Il serait utile de bâtirsur cette première expérience de coopération entre l'UE et le Marocen matière de gestion de crise pour explorer la possibilité de réfléchirau moyen d'organiser de manière plus structurée nos relations dans ledomaine de la PESO, en particulier en envisageant de conclure avec l'UEun accord cadre pour la participation du Maroc aux opérations civiles etmilitaires de gestion de crises et un accord permanent sur la sécurité desinformations classifiées.

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15. L'UE se félicite également de la participation des représentantsdu Maroc aux activités de formation offertes par le Collège européen desécurité et de défense, ainsi qu'aux réunions d'information organiséespendant les exercices de gestion de crises de l'UE.

16. L'UE salue les avancées réalisées par le Maroc dans les chantiersde grande envergure, notamment dans les domaines de l'éducation, dela mise en place d'un nouveau filet social pour les plus pauvres et del'agriculture, et encourage le Maroc à les poursuivre. L'UE se féliciteque ses programmes d'appui sectoriels ont permis d'accompagner desréformes structurantes dans les domaines sociaux et de la gouvernance, etencore dans des secteurs-clés pour le développement socio-économique duMaroc. Toutefois, d'importantes réformes restent encore à mener. Même sile taux de pauvreté est en baisse, les défis sociaux restent encore importants,et nécessiteront une action soutenue et cohérente de redistribution socialeSur le long terme. Par ailleurs, un système judiciaire indépendant ettransparent est essentiel tant pour le respect des droits de l'homme quepour le climat des affaires, conditions clés d'un rapprochement véritableavec l'UE, et il est urgent de poursuivre vigoureusement la réforme de lajustice pour asseoir durablement l'Etat de droit. Dans ce contexte, l'UEréitère sa disposition à accompagner le Maroc sur le chemin qu'il a déjàentamé.

17. A la lumière de ces résultats positifs, l'UE encourage le Maroc àpoursuivre et à accentuer les investissements dans les secteurs sociaux,en particuliers l'éducation, la santé, la formation professionnelle et laCOuverture médicale, afin d'assurer un développement social harmonieuxet de réduire la pauvreté. La poursuite de la croissance dans les secteursporteurs nécessite des ressources humaines bien formées et adaptées auxbesoins du marché du travail. A cet égard, l'UE appelle à de nouvellesréformes sociales et économiques afin d'assurer une plus forte créationd'emplois et une inclusion sociale plus efficace. Dans ce contexte,l'UE se félicite que le Maroc ait fait de la réforme de l'éducation l'unedes principales réformes à entreprendre dans les années à venir. L'UEencourage le Maroc à redoubler d'efforts en vue d'éradiquer le travail desenfants, qui reste encore répandu dans certains secteurs.

18. L'UE salue l'intention du Maroc de lancer un large processus derégionalisation et à promouvoir le développement régional. L'UE attacheune grande importance au développement régional équilibré dans un souci

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de cohésion sociale. Elle appelle les autorités marocaines à renforcerles moyens et les prérogatives dont bénéficient les régions, afin qu'ellesélaborent les stratégies de développement reflétant leurs besoins.

19. Depuis la dernière session du Conseil d'Association, la coopérationentre le Maroc et l'Union européenne en matière de droits de l'homme etdes libertés fondamentales s'est renforcée. L'UE apprécie la tenue régulièredu Sous-comité «Droits de l'homme, démocratisation et gouvernance»dont quatre réunions se sont tenues jusqu'à présent. Ce dialogue continuet l'échange soutenu d'informations témoigne de l'approfondissement dela confiance mutuelle.

20. L'UE reconnaît que les réformes lancées ces dernières annéesont permis de consolider les droits de l'homme et d'élargir le champ deslibertés individuelles. L'UE reconnaît le rôle important du Maroc au sein duConseil des droits de l'Homme des Nations Unies, particulièrement en tantque médiateur entre les différents groupes régionaux et elle l'encourageà poursuivre ses efforts en la matière. L'UE se félicite également de sacoopération plus étroite avec le Maroc au sein de cette instance. Dans lecontexte de l'Examen Périodique Universel du Maroc, l'UE estime quela ratification par le Maroc du Statut de la Cour Pénale Internationaleainsi que le dépôt, annoncé depuis plusieurs années, de déclarationsauprès du Secrétariat Général des Nations Unies concernant la levéede certaines réserves à des Conventions internationales et l'adhésion àcertains Protocoles facultatifs, constitueraient des avancées significatives.Celles-ci permettraient de renforcer l'application de plusieurs instrumentsinternationaux en matière de droits de l'homme

21. L'Union européenne estime que la mise en œuvre de toutes lesrecommandations de l'Instance Equité et Réconciliation (1ER) permettra auMaroc de consolider les acquis réalisés et de progresser dans l'instaurationd'une nouvelle culture de respect et de promotion des droits de l'homme.L'UE se félicite de pouvoir accompagner la mise en œuvre de certaines desrecommandations de l'1ER. Par ailleurs, l'UE rappelle l'importance qu'elleattache à la consolidation de la liberté d'expression et de la protection dessources. L'UE rappelle également l'importance qu'elle accorde à une libertéde la presse qui soit garantie dans le cadre de la législation nationale et quis'inscrive dans le cadre général de la protection de la liberté d'expression,droit fondamental consacré par la Déclaration universelle des droits del'homme. Dans ce contexte, l'UE encourage l'adoption d'un nouveau

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Code de la presse qui soit en conformité avec les normes internationales enla matière, et ne prévoie plus aucune peine privative de liberté à l'encontredes journalistes. Elle invite par ailleurs le Maroc à sauvegarder la libertéd'association et de rassemblement ainsi qu'à la protection des défenseursdes droits de l'homme, notamment dans le territoire du Sahara Occidental.Elle appelle les forces de l'ordre à faire preuve de retenue dans le recoursà la force. L'UE salue le maintien du moratoire sur la peine de mort etencourage le Maroc à abolir la peine capitale.

22. L'UE félicite le Maroc pour l'amélioration des conditions detransparence et la bonne organisation des élections communales du 12 juin2009. Ces élections marquent un nouveau progrès dans le processus dedémocratisation. L'UE salue aussi l'augmentation remarquable du nombrede femmes élues dans ces élections, grâce entre autres à un changementlégislatif, par rapport aux élections communales de 2003.

23. L'UE rappelle sa condamnation ferme et sans équivoque de toutesles formes et manifestations de terrorisme, quels qu'en soient l'origine, lacause ou les motifs invoqués. L'UE souligne l'importance de la mise enœuvre des résolutions 1267 (1999), 1373 (2001) et 1822 (2008) du Conseilde sécurité, ainsi que des autres résolutions pertinentes des NationsUnies et des instruments internationaux en matière de lutte contre leterrorisme, en particulier de la Stratégie globale des Nations Unies contrele terrorisme qui joue un rôle-clé dans la mobilisation internationale dansla lutte contre le terrorisme. L'UE réitère par ailleurs son souhait de voirla négociation sur le projet de la Convention globale contre le terrorismeaboutir rapidement.

24. L'UE rappelle son attachement au respect du droit international dansla lûtte contre le terrorisme, en particulier du droit international des droitsde l'homme, du droit international des réfugiés et du droit humanitaire.La iutte contre le terrorisme et le respect des droits de l'homme ne sontpas contradictoires mais, au contraire, complémentaires et se renforcentmutuellement.

25. L'UE accorde une grande importance à la coopération avecle Maroc en matière de lutte contre le terrorisme qu'elle est prête àdévelopper et approfondir. Elle apprécie le dialogue entamé avec le Maroc,y compris dans le cadre des réunions avec la Troïka de l'UE, qui a permis

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de discuter des moyens de renforcer la coopération dans les enceintesinternationales.

26. L'UE considère que l'Afrique du Nord représente une zoneprioritaire de la lutte contre le terrorisme et la radicalisation. Elle salue lesefforts du Maroc en matière de lutte contre la radicalisation. Elle estimequ'une coopération peut être développée avec le Maroc en matière deprévention et de lutte contre la radicalisation en Afrique du Nord et enEurope. Elle considère que la coopération entre l'UE, le Maroc et lespays de la région sahélo-saharienne doit se développer afin de lutter plusefficacement contre les réseaux terroristes.

27. L'UE salue également les efforts du Maroc dans la lutte contre letrafic de drogues et le crime organisé ainsi que les résultats positifs quiont été atteints. L'UE félicite le Maroc par son association au MAOC-N(Maritime Analysis Center-Narcotics) à titre d'observateur.

28. L'UE se félicite que le Maroc joue un rôle actif dans la mise enœuvre de la stratégie commune Afrique-UE, notamment dans le domainedu partenariat 'changement climatique'. En perspective du sommetAfrique-UE en 2010, l'UE considère qu'un renforcement du dialogueavec l'Union africaine ainsi qu'un développement dynamique de l'Uniondu Maghreb Arabe puissent jouer un rôle important dans la mise en œuvrede cette stratégie.

29. L'UE reste préoccupée par le conflit du Sahara occidental etses conséquences et implications régionales. Elle soutient pleinementles efforts du Secrétaire Général des Nations Unies et de son Envoyépersonnel en vue de trouver une solution politique juste, durable etmutuellement acceptable qui permettra l'autodétermination du peuple duSahara occidental comme le disposent les résolutions des Nations Unies.Elle encourage les parties à continuer de travailler avec l'Envoyé personnelen vue de progresser dans la recherche d'une solution politique négociéeentre les parties, sous les auspices des Nations Unies. L'UE apporte sonplein soutien aux négociations en cours et se félicite des pourparlersinformels à Dürnstein les 10 et Il août 2009 en vue de préparer lacinquième session des négociations. L'UE se félicite de l'engagement desparties de poursuivre de manifester leur volonté politique et de travaillerdans une atmosphère propice au dialogue afin d'entrer dans une phaseplus intensive des négociations de bonne foi et sans préconditions, prenant

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Déclaration de l'Union européenne 169

note des efforts et des développements depuis 2006 ce qui permettra lamise en œuvre des résolutions 1754 (2007), 1783 (2007), 1813 (2008) et1871 (2009) du Conseil de Sécurité et le succès des négociations. L'UEse félicite également de la visite dans la région du Haut Commissaire desNations Unies pour les réfugiés, M Antonio Guterres. Elle encourageles parties à continuer à collaborer avec le HCR dans la mise en œuvredes mesures de confiance. Elle se félicite de la disponibilité du Marocà développer ces mesures de confiance, notamment en favorisant leséchanges par la voie terrestre, dans le cadre de visites familiales. L'UEexprime son attachement à l'amélioration de la situation des droits de1'homme au Sahara occidental; elle rappelle les obligations qui incombentà chaque partie.

30. En matière migratoire, l'UE salue les efforts du Maroc pour faireface à l'immigration illégale, qui ont conduit à une réduction substantiellede ces flux en provenance de ce pays. L'UE réaffirme l'importance qu'elleattache à la conclusion d'un accord de réadmission, qui permettra d'entamerun dialogue en matière de migration et de facilitation des visas.

31. Par ailleurs, l'UE encourage le Maroc à améliorer le cadre législatifet réglementaire dans les domaines de l'asile afin de mettre en place dansles meilleurs délais un système national de prise en charge des demandeursd'asile et des personnes nécessitant une protection internationale.

32. Surle planéconomique, l'économie marocainecontinue d'enregistrerdes performances positives, avec une consolidation de la stabilité desprix, un renforcement de sa position extérieure et un programme deréformes structurelles rendu nécessaire par l'ouverture économique et lesprivatisations.

33. Le fait que le Maroc possède une structure d'endettement solide,une épargne considérable et un système financier peu internationalisé,a mis le pays pour l'essentiel à l'abri de la crise financière mondiale.Cependant le Maroc n'a pu échapper aux conséquences, ces derniers mois,du ralentissement économique vérifié auprès des ses principaux partenaireseuropéens qu'il s'agisse des exportations, ou encore de la forte baisse destransferts des Marocains de l'étranger ou du tourisme.

34. En matière commerciale, l'Union se félicite de la poursuitedes négociations bilatérales concernant la libéralisation du commercedes produits agricoles, produits agricoles transformés et produits de la

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170 Le statut avancé à l'épreuve de l'Union pour la Méditérrannée

pêche qui sont parvenues à la phase finale et espère qu'il sera possibled'arriver à la conclusion d'un accord dans les plus brefs délais. En ce quiconcerne les négociations concernant la libéralisation du commerce desservices et du droit d'établissement, l'Union considère qu'une impulsiondevrait être donnée afin d'arriver à un accord dans les plus brefs délaisdans ce secteur clé pour le développement d'une économie moderne.L'UE estime également qu'il est possible de trouver rapidement unaccord mutuellement avantageux en ce qui concerne les négociationssur le mécanisme de règlement des différents. L'UE salue les effortsmarocains de modernisations des entreprises nationales afin d'augmenterla diversification sectorielle et géographique des exportations. Dans cecontexte, les préparations pour la négociation d'un accord sur l'évaluationde la conformité et l'acceptation des produits industriels se poursuivent.L'DE encourage le Maroc à accélérer son processus d'alignement desa réglementation technique avec le système communautaire dans lessecteurs prioritaires identifiés.

35. En matière de coopération industrielle, l'UE se félicite du rôlemoteur du Maroc dans l'activité d'examen et d'étalonnage de la politiquede l'entreprise conduit dans les neuf pays partenaires méditerranéens enréférence à la Charte euro-méditerranéenne pour l'entreprise, ainsi quedans la poursuite du dialogue euro-méditerranéen sur l'avenir du secteurdu textile/habillement.

36. La mise en œuvre de l'accord de libéralisation du transport aérien adémontré les bénéfices que les deux parties attendaient de cet accord. Cetaccord permet de rapprocher les populations et de fournir des opportunitésde croissance au secteur du tourisme au Maroc. L'UE encourage le Marocà poursuivre le rapprochement réglementaire prévu par l'accord aérien etsoutient les projets de jumelage prévus à cet effet. Plus généralement, ellesalue les importantes réformes engagées dans le secteur des transports.Elle prend note avec intérêt du dossier concernant la liaison fixe sous ledétroit de Gibraltar présenté par le Maroc et l'Espagne.

37. L'UE se félicite de la mise en œuvre satisfaisante de l'accordde partenariat dans le secteur de la pêche, qui produit des résultatspositifs pour le secteur de la pêche des deux parties et qui contribue àl'approfondissement des relations et du dialogue sectoriel entre les autoritésresponsables marocaines et européennes, notamment dans le cadre desréunions régulières de la Commission mixte. L'UE se félicite également du

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Déclaration de l'Union européenne 171

lancement de la nouvelle stratégie de modernisation du secteur de la pêcheau Maroc qui devra maintenant être mise en œuvre en concertation avec lesecteur et avec l'appui financier de l'DE. Dans ce contexte, l'DE porte uneattention particulière aux efforts récents du Maroc en vue de l'éliminationdéfinitive des filets maillants dérivants. L'DE invite le Maroc à utiliser lesfonds disponibles à cette fin dans le cadre de l'accord.

38. L'DE estime que la coopération internationale est essentielle afind'assurer une gestion durable des ressources marines et une meilleuregouvernance des océans. Dans ce contexte, l'DE entend intensifier sesrelations avec le Maroc dans le domaine de la lutte contre la pêche illégale,non déclarée et non réglementée (INN). L'DE invite le Maroc à ratifierl'Accord relatif à la conservation et à la gestion des stocks de poissonsdont les déplacements s'effectuent tant à l'intérieur qu'au-delà de zoneséconomiques exclusives (stocks chevauchants) et des stocks de poissonsgrands migrateurs (Accord de New York).

39. L'DE souligne l'importance de mettre en œuvre des politiques etdes actions qui peuvent assurer le développement durable du Maroc dupoint de vue environnemental, social et économique. La mise en œuvrede la Stratégie Méditerranéenne du Développement Durable agréée en2005 dans le cadre de la Convention de Barcelone pourrait contribuer àla réalisation de cet objectif. L'DE encourage le Maroc à poursuivre leprocessus de ratification des protocoles de la Convention de Barcelone etla mise en œuvre des obligations légales inscrites dans la Convention etses Protocoles.

40. L'DE se félicite de la bonne coopération établie avec le Marocen matière énergétique à la suite de la déclaration commune signée en2007. L'DE réaffirme sa disponibilité à coopérer avec le Maroc dansles domaines de la sûreté et de la sécurité nucléaire mais égalementdans le développement des énergies renouvelables (en particulier lesénergies solaire et éolienne), l'efficacité énergétique, la réforme du secteurde l'électricité, le développement des infrastructures (y compris lesinterconnections régionales), le renforcement des institutions de régulationdu secteur. En particulier, l'DE se félicite de la participation active duMaroc au développement du Plan Solaire Méditerranéen.

41. L' DE souligne l'importance qu'elle attache au renforcement dela coopération bilatérale dans le domaine de l'environnement. Au niveau

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172 Le statut avancé à l'épreuve de l'Union pour la Méditérrannée

régional, la coopération peut être renforcée dans le cadre de la miseen œuvre des activités de l'initiative Horizon 2020, de la composanteméditerranéenne de l'Initiative Eau de l'UE et de la préparation de laStratégie méditerranéenne sur l'Eau. L'UE invite le Maroc à contribueractivement à ses propositions sur le développement d'un régime post 2012en matière de changement climatique. L'UE attache une grande importanceà un dialogue approfondi sur les différents aspects de ce phénomène, yinclus l'adaptation, la réduction des C02 et le transfert des technologies.

42. En matière d'assistance financière, l'UE souligne la bonneperformance du Maroc dans la mise en œuvre des programmes decoopération. La capacité d'absorption de l'aide communautaire et laprogressionconstantedes réformes structurantesontétéjugées satisfaisantes,comme en témoigne le niveau élevé des paiements. L'importance croissantede l'appui budgétaire sectoriel en tant que modalité de l'assistance apermis une appropriation accrue par le Maroc du processus de réformes,et continuera donc à être un instrument de coopération privilégié, au mêmetitre que les jumelages.

43. L'UE se félicite de l'excellente collaboration avec le Maroc pourla préparation du nouveau Programme indicatif National (PIN) 2011­2013 qui sera soumis sous peu aux instances compétentes de l'UE pouradoption.

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Annexe II

Conclusions de la présidencedu Conseil européen - Bruxelles

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Conseil de l'Union européenne, Bruxelles

Conclusiondes 29 et 30 octobre 2009

Soulignant qu'une prompte clarification du cadre institutionnel estnécessaire pour assurer le bon fonctionnement de l'Union, le Conseileuropéen espère que le processus de ratification sera rapidement achevé, defaçon à ce que le traité entre en vigueur d'ici la fin de l'année. Le Conseileuropéen a arrêté la position de l'UE en ce qui concerne la Conférence deCopenhague sur le changement climatique, qui se tiendra prochainement,ce qui permettra à l'UE de jouer un rôle constructif pendant la phase finaledu processus de négociation, en particulier sur des questions clés tellesque le financement, le transfert de technologies, l'adaptation, l'atténuationdu changement climatique et la bonne gouvernance. Le Conseil européena fait le point de la situation économique, financière et de l'emploi, ensoulignant notamment la nécessité d'élaborer une stratégie coordonnéede sortie des politiques de relance généralisées une fois la reprise assurée.Il a adopté la stratégie de l'UE pour la région de la mer Baltique, quiconstitue un cadre intégré devant permettre de relever des défis communs.Il a fait le point des progrès accomplis dans la mise en œuvre des mesuresconcernant l'immigration clandestine et a demandé que de nouveauxefforts soient consentis, notamment en ce qui concerne le renforcement del'agence Frontex. Enfin, le Conseil a examiné la situation en Afghanistanet au Pakistan.

La stratégie de l'UE pour la région de la mer Baltique

Le Conseil européen adopte la stratégie de l'UE pour la région de lamer Baltique et approuve les conclusions du Conseil en la matière (doc.13744/09). Cette stratégie constitue un cadre intégré devant permettre derelever des défis communs, parmi lesquels les problèmes environnementauxurgents liés à la mer Baltique, et de contribuer à la réussite économique de

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176 Le statut avancé à l'épreuve de l'Union pour la Méditérrannée

la région et à sa cohésion économique, sociale et territoriale, ainsi qu'à lacompétitivité de l'UE.

Le Conseil européen engage toutes les parties concernées à agirpromptement et à veiller à ce que la stratégie, qui pourrait constituer unexemple de macro-stratégie régionale, soit pleinement mise en œuvre.Il invite la Commission à présenter au Conseil un rapport sur l'étatd'avancement des travaux d'ici juin 2011.

L'immigration et l'asile

Le Conseil européen note avec satisfaction les progrès qui ont étéréalisés dans la mise en œuvre des mesures qu'il avait indiquées lors desa réunion de juin 2009 en ce qui concerne l'immigration clandestine enMéditerranée. Une réponse européenne déterminée, fondée sur la fermeté,la solidarité et la responsabilité partagée, reste essentielle, conformémentau Pacte européen sur l'immigration et l'asile et à l'approche globale surla question des migrations.

Le Conseil européen préconise que l'on continue de mener une actionconcertée pour lutter contre ce problème selon une approche globale etpour éviter de nouvelles tragédies en mer.

Le Conseil européen prend acte du lancement du projet piloteconcernant la répartition, sur une base volontaire, des bénéficiaires d'uneprotection internationale présents à Malte, et il invite instamment lesautres États membres à participer au projet. Il note aussi que les travauxen vue de la création du Bureau européen d'appui en matière d'asile ontbien progressé et demande qu'un accord soit dégagé à ce sujet avant la fin2009. En outre, il prend acte des travaux en cours relatifs au renforcementde l'agence Frontex. Il se félicite qu'une intensification du dialogue avecla Turquie sur les questions de migration ait été engagée et demande quedes mesures concrètes soient prises rapidement, notamment en ce quiconcerne la réadmission et les contrôles aux frontières, conformément àses conclusions de juin 2009.

Toute action visant une gestion viable à moyen et à long terme desmigrations doit s'appuyer sur une politique de l'UE vaste et globale,inscrite dans une perspective d'avenir et conforme au droit international.

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Conclusion des 29 et 30 octobre 2009 177

C'est ce qui ressortira du programme pluriannuel de Stockholm, qui doitêtre adopté en décembre.

Dans ce contexte, le Conseil européen:

- plaide en faveur d'efforts supplémentaires visant à adopter, mettre enœuvrai et évaluer des instruments et à poursuivre la réalisation du régimed'asile européen commun, le problème des mouvements secondairesinternes devant être abordé, de même que celui de la solidarité concrèteet effective dont doivent bénéficier les États membres qui subissent despressions particulières ;

- demande un renforcement des capacités opérationnelles de l'agenceFrontex, dont le développement doit se poursuivre, et invite la Commissionà présenter des propositions à cet effet au début de 2010 ; ce renforcementpourrait être basé sur les éléments suivants:

i) l'élaboration de procédures opérationnelles communes clairesqui énoncent des règles claires concernant la participation à desopérations conjointes en mer, tenant dûment compte de la nécessitéd'assurer la protection des personnes démunies qui se déplacent enflux mixtes, conformément au droit international;

ii) une coopération opérationnelle accrue entre l'agence Frontex et lespays d'origine et de transit ;

iii) l'examen de la possibilité d'affréter régulièrement des vols deretour communs financés par l'agence Frontex ;

- invite la Commission et les États membres à accélérer la miseen œuvre de l'approche globale sur la question des migrations, enmettant l'accent sur son application stratégique et effective, y compris lesprogrammes de protection régionaux. Dans ce contexte, il sera essentiel deveiller à mettre efficacement à profit l'ensemble des instruments financiersexistants qui sont pertinents en la matière;

- invite la présidence et la Commission à intensifier le dialogue avec laLibye sur la gestion des migrations et sur les mesures à prendre par rapportà l'immigration clandestine, y compris la coopération en mer, les contrôlesaux frontières et la réadmission ;

- insiste sur l'importance que revêtent les accords de réadmissioncomme moyen de lutter contre l'immigration clandestine.

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178 Le statut avancé à l'épreuve de l'Union pour la Méditérrannée

Les relations extérieures

Le Conseil européen approuve les conclusions de la session du Conseildu 27 octobre sur l'Afghanistan et le Pakistan et salue l'adoption duplan pour une action renforcée de l'UE dans la région. Ce plan d'actionrenforcera la capacité civile de l'appareil d'État de ces deux pays.

L'Union européenne est désormais mieux à même de répondre auxproblèmes auxquels la région est confrontée.

L'UE salue le travail accompli par les institutions électorales enAfghanistan, qui a permis de sauvegarder la crédibilité du processusélectoral. Le Conseil européen souligne que le deuxième tour de l'électionprésidentielle doit être crédible, ouvert à tous, sûr et refléter la volonté dupeuple afghan. Le Conseil européen rappelle sa confiance dans la capacitédes Nations unies à diriger la coordination des efforts consentis par lacommunauté internationale

Le Conseil européen est lui aussi préoccupé par la détérioration dela sécurité au Pakistan, et il apporte son soutien au gouvernement duPakistan dans les efforts qu'il déploie pour reprendre le contrôle de toutesles régions du pays. L'Union européenne est prête à venir en aide à lapopulation touchée.

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Conseil de l'Union européenne, Bruxelles

Conclusiondu 10 juillet 2009

Face à la récession la plus profonde qu'ait connue le monde depuis ladeuxième guerre mondiale, le Conseil européen a de nouveau montré quel'Union était déterminée à dépasser les difficultés actuelles et à se tournervers l'avenir en prenant une série de décisions afin de résoudre rapidementet efficacement une vaste gamme de problèmes.

Convaincu que le traité de Lisbonne offrira un cadre plus efficace àl'action de l'Union dans un grand nombre de domaines, les chefs d'Étatou de gouvernement se sont mis d'accord sur des garanties juridiquesdestinées à répondre aux préoccupations du peuple irlandais, préparantainsi la voie d'une nouvelle consultation de celui-ci au sujet de cetraité. Les chefs d'État ou de gouvernement ont également entrepris lespremières démarches du processus de désignation du président de laprochaine Commission.

La crise économique continue de revêtir une importance capitalepour les citoyens. Les mesures d'envergure prises jusqu'ici pour soutenirle secteur bancaire et, plus généralement, l'économie réelle ont permisd'éviter un effondrement financier et de laisser entrevoir la perspectived'une croissance réelle. Le Conseil européen a pris un certain nombrede décisions en vue d'aboutir à la création d'une nouvelle architecturede surveillance financière dont le but sera deprotégerle système financiereuropéen contre les risques futurs et de faire en sorte que les erreurs dupassé ne puissent jamais se reproduire. Il convient de s'attaquer avec unepriorité absolue aux effets de la crise sur l'emploi en aidant les personnesà conserver leur emploi ou à en trouver un nouveau.

Lutter avec succès contre le changement climatique permettra égalementd'évoluer vers une économie durable et de créer de nouveaux emplois. Le

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180 Le statut avancé à l'épreuve de l'Union pour la Méditérrannée

Conseil européen a réalisé de nouveaux progrès dans la mise au pointde la position de l'DE en vue de la Conférence de Copenhague sur lechangement climatique qui se tiendra à la fin de l'année. II a marquéclairement son intention de conserver un rôle moteur dans ce processus eta appelé le reste de la communauté internationale à jouer pleinement sonrôle afin de parvenir à un résultat fructueux et ambitieux à Copenhague.

Les dirigeants européens ont exprimé la vive préoccupation que leurinspire la situation dramatique dans la région méditerranéenne et se sontmis d'accord sur un certain nombre de mesures visant à aider les Étatsmembres qui sont en première ligne à faire face à l'afflux d'immigrantsclandestins et à prévenir de nouvelles tragédies humaines.

Les dirigeants européens continuent à s'intéresser tout particulièrementau rôle de l'DE dans le monde. Ils ont insisté sur l'importance stratégiquedes relations transatlantiques et salué le lancement du Partenariat oriental.Les dirigeants européens ont également souligné que le processus de paixau Proche-Orient demeure une priorité essentielle de l'DE en 2009. LeConseil européen a confirmé une nouvelle fois qu'il attache une grandeimportance à la stabilité et à la sécurité en Afghanistan, au Pakistan, ainsique dans l'ensemble de la région. II a adopté des déclarations sur l'Iranet la République populaire démocratique de Corée. Dans une déclarationconcernant la Birmanie / le Myanmar, les dirigeants européens ontdemandé la libération immédiate et inconditionnelle de Mme Aung SanSuu Kyi.

Mise en place d'un nouvel ordre financier

Le rapport du Conseil sur l'efficacité des mécanismes de soutienfinancier (doc. 10772/09 + ADD souligne à quel point les opérationsde recapitalisation et les systèmes de garantie publics ont joué unrôle primordial pour prévenir l'effondrement du secteur financier et ontcontribué à protéger les intérêts des déposants. En favorisant l'octroi decrédits à l'économie réelle, ces mesures ont également permis de préserverdes emplois.

Si cette stratégie coordonnée à l'échelle de l'DE a permis de stabiliserles marchés financiers, le contexte dans lequel les établissements financiersmènent leurs activités reste difficile et le resserrement des flux de créditpersiste. II s'ensuit que les gouvernements doivent rester vigilants et être

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Conclusion du 10 juillet 2009 181

prêts à prendre les mesures supplémentaires qui pourraient être nécessairesen vue de recapitaliser ou d'assainir les bilans. Les tests de résistance encours dans toute l'UE aideront à mieux évaluer la résilience du systèmefinancier de rUE, contribueront à améliorer la confiance des marchésfinanciers et faciliteront la coordination des actions engagées au niveaude l'UE. Toutes les mesures doivent être compatibles avec les principesdu marché unique, assurer des conditions équitables et tenir compte d'unestratégie de sortie crédible.

La Commission est invitée à continuer de surveiller les mesures prisespour soutenir le secteur financier et à formuler de nouvelles orientationssur le retour à la viabilité du secteur bancaire.

La crise financière a fait apparaître clairement la nécessité d'améliorerla réglementation et la surveillance des établissements financiers, tant enEurope qu'à l'échelle mondiale. Remédier aux défaillances qui ont étémises au jour par la crise actuelle concourra à en prévenir de nouvelles.Cela contribuera également à rétablir la confiance dans le systèmefinancier, notamment en renforçant la protection des déposants et desconsommateurs, et facilitera le redressement de l'économie européenne.

Des progrès considérables ont d'ores et déjà été accomplis en ce quiConcerne le renforcement du cadre réglementaire de l'UE, en particulierun accord a été dégagé concernant la directive sur l'adéquation des fondspropres, le règlement relatif aux agences de notation de crédit et la directive«Solvabilité II>>. Le Conseil européen appelle à réaliser de nouveaux progrèsen ce qui concerne la réglementation des marchés financiers, notammentla réglementation concernant les fonds d'investissement alternatifs, lerôle et les responsabilités des dépositaires, ainsi que la transparence et lastabilité des marchés des dérivés. Le Conseil européen invite égalementla Commission et les États membres à accélérer leurs travaux et à réaliserdes progrès rapides en vue de contrer les effets procycliques des normesréglementaires, en ce qui concerne par exemple les exigences en matièrede fonds propres et les actifs dépréciés. Il invite également les Étatsmembres à prendre sans tarder des mesures en ce qui concerne les salairesdes dirigeants et les rémunérations dans le secteur financier, en tenantcompte des recommandations formulées par la Commission.

La communication présentée par la Commission le 27 mai 2009 etles conclusions du Conseil du 9 juin 2009 indiquent la voie à suivre

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182 Le statut avancé à l'épreuve de l'Union pour la Méditérrannée

en vue de la mise en place d'un nouveau cadre pour la surveillancemacroprudentielle et microprudentielle. Le Conseil européen est favorableà la création d'un comité européen du risque systémique, qui sera chargéde surveiller et d'analyser les risques potentiels pour la stabilité financièreet, le cas échéant, émettra des alertes sur les risques, formulera desrecommandations quant aux mesures à prendre et en surveillera la mise enœuvre. Les membres du conseil général de la BCE éliront le président ducomité européen du risque systémique.

Le Conseil européen recommande également qu'un système européende surveillance financière constitué de trois nouvelles autorités européennesde surveillance soit mis en place afin d'améliorer la qualité et la cohérencede la surveillance au niveau national, de renforcer la surveillance desgroupes transnationaux par la mise en place de collèges des autorités desurveillance et d'élaborer un «règlement uniforme» applicable à tous lesétablissements financiers exerçant des activités sur le marché unique.Eu égard aux charges éventuelles qui peuvent en découler pour les Étatsmembres, le Conseil européen souligne que les décisions adoptées par lesautorités européennes de surveillance ne devraient empiéter en rien sur lescompétences budgétaires des États membres. Pour autant que ces conditionssoient réunies et en complément des conclusions du Conseil du 9 juin2009, le Conseil européen estime que le système européen de surveillancefinancière devrait disposer de pouvoirs de décision contraignants etproportionnés lui permettant d'établir si les autorités de surveillance seconforment aux exigences fixées dans un règlement uniforme et dans lalégislation communautaire pertinente, et de trancher en cas de désaccordentre les autorités de surveillance de l'État d'origine et de l'État hôte, ycompris au sein des collèges des autorités de surveillance. Les autoritéseuropéennes de surveillance devraient également disposer de pouvoirsde surveillance à l'égard des agences de notation de crédit. Le Conseileuropéen souligne en outre qu'il importe de veiller à ce que le nouveaucadre favorise des marchés financiers européens sains et compétitifs.

Le Conseil européen se félicite de l'intention de la Commission deprésenter, au plus tard d'ici le début de l'automne 2009, des propositionslégislatives en vue de l'établissement du nouveau cadre de surveillancefinancière dans l'UE, en respectant parfaitement l'équilibre descompétences et la responsabilité financière et en tenant pleinement comptedes conclusions du Conseil du 9 juin 2009. Ces propositions devront

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Conclusion du 10 juillet 2009 183

être adoptées sans tarder afin que la mise en place du nouveau cadresoit entièrement achevée dans le courant de 2010. Le Conseil européenfera le point des progrès réalisés lors de sa réunion d'octobre 2009 et, sinécessaire, fournira des orientations supplémentaires.

Il est également important de progresser encore dans la mise en placed'un cadre transfrontière global pour la prévention et la gestion descrises financières. Le Conseil européen invite la Commission à présenterdes propositions concrètes sur la manière dont le système européen desurveillance financière pourrait, en cas de crise, jouer un rôle importantde coordination des autorités de surveillance, dans le plein respect de lacompétence des autorités nationales en matière de maintien de la stabilitéfinancière et de gestion des crises pour ce qui est des conséquencesbudgétaires potentielles et en respectant pleinement les attributions desbanques centrales, s'agissant notamment de la fourniture d'une aided'urgence en cas de crise de liquidité.

L'Union européenne continuera à jouer un rôle de premier plan auniveau mondial, en particulier au sein du G20. Elle invite ses partenairesinternationaux à mettre pleinement en œuvre les engagements pris àWashington et à Londres, notamment en ce qui concerne l'augmentationdes ressources allouées aux institutions financières internationales etl'accélération de la réforme du cadre réglementaire et financier. Le Conseileuropéen invite le Conseil et la Commission à veiller à ce que soit élaboréeminutieusement une position coordonnée de l'UE avant le sommet du G20qui se tiendra les 24 et 25 septembre 2009.

Il engage également la présidence et la Commission à évoquersystématiquement la question de la réglementation et de la surveillancemondiales lors de leurs contacts avec leurs partenaires internationaux, ycompris au plus haut niveau.

En ce qui concerne les ressources du FMI, les États membres sesont déjà déclarés disposés à apporter rapidement et à titre temporaireun soutien d'un montant total de 75 milliards d'euros. En principe, lesÉtats membres sont prêts à assumer leur part des nouveaux besoins definancement, au fur et à mesure que ceux-ci se présenteront à moyen terme,en fonction de leur poids économique, tel qu'il ressort de leur quote-part,dans le cadre des nouveaux accords d'emprunt, dans le contexte d'unerépartition équitable de la charge au niveau mondial, en tenant compte du

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184 Le statut avancé à l'épreuve de l'Union pour la Méditérrannée

lien nécessaire entre contribution et représentation. Afin de garantir unereprise équitable et durable pour tous, l'UE réaffirme sa détermination àaider les pays en développement à réaliser les objectifs du Millénaire pourle développement (OMD) et à honorer nos engagements respectifs enmatière d'aide publique au développement (APD).

Immigration clandestine

Les événements survenus récemment à Chypre, en Grèce, en Italie età Malte montrent qu'il est urgent d'intensifier les efforts pour prévenir etcombattre efficacement l'immigration clandestine aux frontières maritimesméridionales de l'UE et éviter ainsi que des tragédies humaines ne seproduisent à l'avenir. Une réponse européenne déterminée, fondée surla fermeté, la solidarité et la responsabilité partagée, est essentielle,conformément au Pacte européen sur l'immigration et l'asile et à l'Approcheglobale sur la question des migrations. La mise en œuvre de ces instrumentsdoit être accélérée, notamment en ce qui concerne la coopération avec lespays d'origine et de transit. Toutes les activités menées dans la régionoccidentale de la Méditerranée, ainsi qu'aux frontières est et sud-est,doivent se poursuivre.

Compte tenu de la situation actuelle d'urgence humanitaire, il estnécessaire de mettre en place et d'appliquer rapidement des mesuresconcrètes. Le Conseil européen appelle à la coordination de mesuresvolontaires concernant la répartition interne des bénéficiaires d'uneprotection internationale qui se trouvent dans les États membres exposésà des pressions particulières et disproportionnées ainsi que des personnesparticulièrement vulnérables. II se félicite de l'intention de la Commissionde prendre des initiatives dans ce domaine, en commençant par un projetpilote concernant Malte. II prie instamment le Conseil et le Parlementeuropéen de parvenir à un accord permettant la création rapide du Bureaueuropéen d'appui en matière d'asile. Le Conseil européen souligneégalement qu'il est nécessaire de renforcer les opérations de contrôle auxfrontières coordonnées par FRONTEX, d'établir des règles d'engagementclaires pour les patrouilles communes et des dispositions précises pour ledébarquement des personnes sauvées, et de recourir davantage à des volsde retour communs. Dans ce contexte, il plaide en faveur d'une actionrésolue visant à lutter efficacement contre la criminalité organisée et lesréseaux criminels se livrant à la traite d'êtres humains.

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Conclusion du 10 juillet 2009 185

Le Conseil européen souligne la nécessité de renforcer nettement lacoopération avec les principaux pays d'origine et de transit. Il invite laCommission à étudier les possibilités de coopération concrète avec lespays tiers conformément aux mandats antérieurs adoptés par le Conseil.L'efficacité des accords de réadmission de l'DE doit être renforcéedans le cadre des politiques extérieures générales de l'DE. Il convientde s'employer en priorité à mener à bien les négociations en vue de laconclusion d'accords de réadmission avec les principaux pays d'origine etde transit, tels que la Libye et la Turquie; d'ici là, les accords bilatérauxexistants devraient être mis en œuvre de manière appropriée.

Le Conseil européen invite le Conseil à tenir dûment compte de ce quiprécède lors de l'élaboration du nouveau programme-cadre pluriannueldans le domaine de la liberté, de la justice et de la sécurité. Le Conseileuropéen invite la Commission à présenter, lors de la prochaine réuniondu Conseil européen, de nouvelles propositions reposant sur une réponseappropriée à ces problèmes.

Relations extérieures

Le Conseil européen a adopté des déclarations sur le Pakistan etl'Afghanistan (Annexe 5), sur la Birmanie/le Myanmar (annexe 6), surla République populaire démocratique de Corée (annexe 7) et sur l'Iran(annexe 8).

Le Conseil européen se félicite du lancement du partenariat oriental.Il rappelle que la poursuite de la mise en œuvre de cette initiativedans ses dimensions tant bilatérales que multilatérales est importante etmutuellement bénéfique pour l'DE et les partenaires d'Europe orientale, etqu'elle contribue à apporter la prospérité et la stabilité aux citoyens de tousles pays concernés. Il appelle la Commission et les prochaines présidencesà poursuivre leurs travaux, conformément à la déclaration commune dusommet qui s'est tenu à Prague le 7 mai 2009.

Le processus de paix au Proche-Orient demeure une priorité absoluepour l'DE en 2009.

Le Conseil européen entérine les conclusions adoptées lors de lasession du Conseil du 15 juin.

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186 Le statut avancé à l'épreuve de l'Union pour la Méditérrannée

Le Conseil européen réaffinne l'importance stratégique des relationstransatlantiques, comme cela a été souligné lors du sommet infonnel UEEtats-Unis qui s'est tenu le 5 avril 2009 à Prague. Le Conseil européen sefélicite de la déclaration conjointe du 15 juin 2009 concernant la fenneturedu centre de détention de Guantanamo, qui marque un nouveau départ enmatière de coopération dans le domaine de la lutte contre le terrorisme,fondée sur les valeurs communes, le droit international et le respect desdroits de l'homme et de l'État de droit. De plus, le Conseil européensalue la proposition des États-Unis de renforcer la coopération avecl'UE sur les questions énergétiques. Il se réjouit en outre à la perspectived'un approfondissement de la coopération avec les États-Unis en ce quiconcerne le changement climatique, les questions régionales, les affaireséconomiques et le développement.

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Conseil de l'Union européenne, Bruxelles

Conclusiondes 19 et 20 mars 2009

Travailler ensemble au niveau mondial

Une crise d'ampleur mondiale appelle des réponses au niveau mondial.Il faut agir de manière coordonnée et au bon moment si l'on veut remettrel'économie mondiale sur la voie de la relance. Conformément auxconclusions du sommet de Berlin et de la réunion ministérielle du G20,l'UE assume sa part de responsabilité pour soutenir la demande et prendratoutes les initiatives nécessaires. Nos efforts doivent trouver un échoapproprié au niveau international.

L'Union européenne jouera un rôle de premier plan au niveau mondialpour ce qui est de favoriser un retour rapide à une croissance économiquedurable, de renforcer notre capacité à gérer les crises, de faire progresser laréforme des marchés financiers et de soutenir les pays en développementafin d'éviter de compromettre les progrès réalisés ces dernières années,ce qui nuirait à la stabilité économique et politique de ces pays. Lesommet du G20, qui se tiendra à Londres, a un rôle essentiel à jouer dansla réorganisation du système financier mondial et le rétablissement de laconfiance des acteurs économiques à travers le monde. Dès lors, le Conseileuropéen adopte d'un commun accord le texte figurant à l'annexe 1 et invitele Conseil et la Commission à donner au sommet du G20 la suite voulue.

Dans ce domaine, l'Union européenne s'efforcera de promouvoir desmécanismes consultatifs multilatéraux auxquels des groupes régionauxpourraient participer.

Politique européenne de voisinage

Partenariat oriental

Promouvoir la stabilité, la bonne gouvernance et le développementéconomique à ses frontières orientales revêt une importance stratégiquepour l'Union européenne. Dans le prolongement de la communication de

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188 Le statut avancé à l'épreuve de l'Union pour la Méditérrannée

la Commission du 3 décembre 2008, le Conseil européen se félicite del'établissement d'un Partenariat oriental ambitieux et adopte la déclarationfigurant à l'annexe des présentes conclusions. Il demande que l'ensembledes dispositions nécessaires soient prises en vue de préparer le sommetinaugural du Partenariat oriental qui se tiendra avec les pays partenairesle 7 mai 2009.

Le Partenariat oriental a pour objectif de promouvoir la stabilité etla prospérité parmi les partenaires orientaux de l'UE concernés par lapolitique européenne de voisinage. Le Conseil européen affirme, selonles termes figurant dans la déclaration, sa volonté de promouvoir unengagement bilatéral renforcé et un nouveau cadre multilatéral associantl'UE, l'Arménie, l'Azerbaïdjan, la Biélorussie, la Géorgie, la Républiquede Moldavieetl 'Ukraine, en vue d'accélérer les réformes et le rapprochementdes législations et de poursuivre l'intégration économique.

Le Conseil européen invite en outre la Commission ainsi que lesprésidences actuelle et future à faire progresser rapidement la mise enœuvre pratique du Partenariat, en liaison avec les partenaires, et demandeà la Commission de présenter le moment venu un rapport sur la premièreannée de mise en œuvre du Partenariat oriental.

Union pour la Méditerranée

Le Conseil européen réaffirme sa volonté de renforcer son partenariatavec ses partenaires de la rive sud du bassin méditerranéen. Il souhaite quela mise en œuvre des projets définis lors du Sommet de Paris soit relancée.À cet égard, il importe d'accélérer les travaux relatifs à la mise en place dusecrétariat permanent de l'Union pour la Méditerranée à Barcelone.

Aider les pays en développement à réagir aux effets de la crise

Œuvrer en faveur du développement mondial, qui fait partie de lasolution à la crise mondiale et contribue à la paix et à la stabilité.

Respecter les engagements visant à accroître l'aide au développement.Réaffirmer la volonté d'atteindre les objectifs du Millénaire pour ledéveloppement. Tenir les promesses qui ont été faites en matière d'aidepour le commerce et accorder un accès aux marchés en franchise de droitset sans contingent aux pays les moins développés.

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Conclusion des 19 et 20 mars 2009 189

Mettre pleinement à profit les autres sources publiques de financement,telles que les crédits à l'exportation et les garanties d'investissement,ainsi que le soutien axé sur le développement dans les domaines de larecherche et de la technologie, de la paix et de la sécurité, de la migrationet du changement climatique. Renforcer l'efficacité et la coordination desinstruments et des ressources.

Permettre aux banques multilatérales de développement de contribuerà pallier les effets de la crise dans les pays en développement, enparticulier en ce qui concerne les populations les plus pauvres et les plusvulnérables.

Relations UE Etats-Unis

Le Conseil européen a été informé par la présidence de l'étatd'avancement des préparatifs du sommet informel UE-États-Unis, quise tiendra le 5 avril 2009 à Prague. Le Conseil européen réaffirmel'importance stratégique des relations transatlantiques. Il convient que lesdiscussions devraient porter en particulier sur les questions économiques,la sécurité énergétique, le changement climatique et l'approche stratégiqueà adopter à l'égard de la région située entre la mer Méditerranée et la merCaspienne.

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190 Le statut avancé à l'épreuve de l'Union pour la Méditérrannée

Texte adopté d'un commun accord en vue du sommet du G20qui se tiendra à Londres

Annexe à la conclusion de mars

Conduire l'action nécessaire sur le plan international pour favoriser unretour rapide à une croissance économique durable

Sur la base des résultats du sommet de Berlin et de la réunionministérielle du G20, poursuivre la coordination, au niveau international,des mesures de relance budgétaire. Mettre rapidement en œuvre lesprogrammes de relance budgétaire prévus. Se préparer à mettre fin auxmesures de relance macroéconomique sans créer de perturbations.

S'attacher en priorité à rétablir le fonctionnement des marchés ducrédit et à en faire bénéficier l'économie, ce qui est essentiel pour garantirl'efficacité des mesures de relance budgétaire. Agir en temps utile et d'unemanière coordonnée en veillant à ce que les règles du jeu restent les mêmespour tous.

Veiller à ce que les mesures budgétaires soient compatibles avec desobjectifs à plus long terme tels que la viabilité des finances publiques, lerenforcement de la productivité et la nécessité de faire face aux problèmesque représentent le vieillissement de la population et le changementclimatique.

Préserver l'ouverture des marchés et éviter toute forme de mesuresprotectionnistes (pas de nouvelles entraves aux investissements ni auxéchanges commerciaux et pas de nouvelles restrictions à l'exportation).S'efforcer de parvenir rapidement à un accord sur les modalités duProgramme de Doha pour le développement, en vue d'obtenir des résultatsambitieux et équilibrés.

Soutenir une initiative multilatérale relative aux crédits commerciaux,le tassement de ces crédits contribuant à aggraver la contraction ducommerce mondial. Appuyer les actions visant à ce que l'ensemble desentreprises, et notamment les PME, aient accès, dans les pays développéscomme dans les pays en développement, aux crédits commerciaux,rapidement et sans qu'il en résulte de distorsions.

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Conclusion des 19 et 20 mars 2009 191

Aider les pays en développement à réagir aux effets de la crise

Œuvrer en faveur du développement mondial, qui fait partie de lasolution à la crise mondiale et contribue à la paix et à la stabilité.

Respecter les engagements visant à accroître l'aide au développement.Réaffirmer la volonté d'atteindre les objectifs du Millénaire pour ledéveloppement. Tenir les promesses qui ont été faites en matière d'aidepour le commerce et accorder un accès aux marchés en franchise de droitset sans contingent aux pays les moins développés.

Mettre pleinement à profit les autres sources publiques de financement,telles que les crédits à l'exportation et les garanties d'investissement,ainsi que le soutien axé sur le développement dans les domaines de larecherche et de la technologie, de la paix et de la sécurité, de la migrationet du changement climatique. Renforcer l'efficacité et la coordination desinstruments et des ressources.

Permettre aux banques multilatérales de développement de contribuerà pallier les effets de la crise dans les pays en développement, enparticulier en ce qui concerne les populations les plus pauvres et les plusvulnérables.

Renforcer notre capacité à gérer et à éviter les crises auniveau mondial

Charger le FMI de suivre et de faire progresser, en étroite coopérationaVec le Forum sur la stabilité financière (FSF), la mise en œuvre du pland'action concernant la réglementation financière adopté lors du sommet duG20 à Washington en novembre 2008.

Améliorer les instruments de surveillance dont dispose le FMI afinde renforcer le rôle important qu'il joue dans la prévention des crises.Renforcer la coopération entre le FMI et le FSF afin de recenser lesrisques et les faiblesses systémiques provenant du secteur financier et desa réglementation et veiller à ce que les membres prennent des mesuresvisant à y remédier.

Accroître de manière très substantielle les ressources du FMI afin quecelui-ci puisse venir en aide à ses membres d'une manière rapide et souples'ils connaissent des difficultés en matière de balance des paiements.

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192 Le statut avancé à l'épreuve de l'Union pour la Méditérrannée

Le cadre régissant l'octroi des prêts accordés par le FMI doit être réorganiséet adapté afin de renforcer la capacité du Fonds à éviter les crises et à yréagir. Dans le contexte spécifique de la crise, les États membres de l'DEsont disposés à apporter, sur une base volontaire, rapidement et à titretemporaire, un soutien à la capacité de financement du FMI sous la formed'un prêt d'un montant total de 75 milliards d'euros.

Appuyer la réforme de la gouvernance des institutions financièresinternationales (IFI). Mettre rapidement en œuvre la réforme des quotes­parts et de la représentation au FMI, qui a été adoptée en avril 2008.Réformer le FMI afin qu'il reflète mieux le poids économique relatif desacteurs de l'économie mondiale et revoir le processus de sélection desdirigeants des IFI en améliorant sa transparence et en le fondant davantagesur les mérites. Saluer le fait que le FSF comprenne désormais tous lesmembres du G20, l'Espagne et la Commission européenne, et appuyer lerenforcement institutionnel du FSF.

Œuvrer à un consensus sur une charte pour une gouvernance économiquedurable, fondée sur les mécanismes du marché mais évitant les excès, etl'adopter, ce qui constituerait un premier pas vers un ensemble de normesen matière de gouvernance mondiale.

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Annexe III

Rapport annuel de la HauteReprésentante de l'Union pour la PESC

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Politique étrangèreet de sécurité commune (PESe)

Rapport annuel de la Haute Représentante de l'Union pourles affaires étrangères et la politique de sécurité au Parlement européenSur les principaux aspects et les choix fondamentaux de la PESC-2009

Introduction

L'Union européenne joue aujourd'hui un rôle majeur sur la scèneinternationale. Forte d'une population de près de 500 millions d'habitants,PUE représente plus de 25 % du produit intérieur brut (PIB) mondial,fournit la moitié de l'ensemble de l'aide au développement et contribuepour un cinquième aux importations et exportations mondiales; elle estdonc un acteur politique de premier plan, qui doit concilier ses intérêtsen matière de sécurité au niveau régional mais aussi mondial avec lesresponsabilités qui en découlent. C'est un rôle que les Européens commeles non-Européens souhaitent lui voir jouer.

L'Union européenne s'est dotée d'une politique étrangère commune,par laquelle elle s'exprime d'une seule voix sur les grandes questionsinternationales. Elle joue un rôle essentiel dans le processus de paixau Proche-Orient, dans les relations diplomatiques avec l'Iran et pourrenforcer la stabilité dans les Balkans occidentaux, y compris au Kosovo.Partout dans le monde, les soldats, les policiers et les juges qu'elle déploieaident à sauver des vies et à stabiliser les pays et régions qui sortentd'un conflit, du Kosovo à l'Afghanistan et des Territoires palestiniens auTchad. Quand survient une catastrophe, l'UE apporte une aide d'urgence.Elle a désigné un Haut Représentant, M. Javier Solana, qui est le visageet la voix de l'UE à l'étranger. La stratégie de sécurité qu'elle a adoptéeoriente son action face aux menaces auxquelles le monde est confronté etsert de base aux relations stratégiques qu'elle entretient avec les pays etrégions partenaires clés, avec qui elle tient régulièrement des sommets.Aux quatre coins du monde, les représentants spéciaux de l'UE œuvrent àla réalisation des objectifs de l'UE en matière de politique étrangère.

L'Union européenne a noué des relations privilégiées avec sesvoisins les plus proches dans les Balkans occidentaux et dans la région

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méditerranéenne. Elle a tissé avec le reste du monde un vaste réseau derelations complexes dans les domaines de la coopération politique, deséchanges et de l'aide au développement, et elle joue un rôle essentiel dansles accords internationaux sur le commerce, l'environnement et les droitsde l'homme. Depuis janvier 2007, à la suite du dernier élargissement, qui avu l'adhésion de 12 nouveaux pays et a mis fin aux divisions qu'a connuesle continent au XXe siècle, l'Union compte 27 États membres.

La Politique étrangère et de sécurité commune (PESe)

Les bouleversements géopolitiques qui ont suivi la chute ducommunisme à la fin des années 80, la réunification de l'Allemagne,les conflits dans l'ex-Yougoslavie durant les années 90 et la menace queconstitue le terrorisme international ont amené les dirigeants de l'UE àcréer et à développer, dans le cadre du traité de Maastricht en 1993 etdu traité d'Amsterdam en 1999, des instruments formels de diplomatieet d'intervention. Ces traités ont donné à l'Union les moyens de réagirface aux crises auxquelles elle s'est trouvée confrontée à ses portes etde projeter ses valeurs à travers le monde entier; ils ont remplacé lacoopération politique européenne (lancée en 1970 puis officialisée en1986), qui prévoyait simplement que les États membres se consultent envue de coopérer sur les grandes questions de politique internationale.

La Politique étrangère et de sécurité commune (PESe) a étéinstituée par le traité de Maastricht, adopté en 1992 et entré en vigueuren 1993, et elle a été renforcée par le traité d'Amsterdam, adopté en 1997et entré en vigueur en 1999. Avec la Politique européenne de sécuritéet de défense (PESD), le traité d'Amsterdam a doté la PESC d'un voletopérationnel et susceptible de conduire ultérieurement à une structure dedéfense commune. La PESC a encore été renforcée dans le cadre du traitéde Nice, adopté en 2001 et entré en vigueur en 2003.

Le traité sur l'Union européenne a fixé comme objectifs à la PESela sauvegarde des valeurs communes, des intérêts fondamentaux, del'indépendance et de l'intégrité de l'Union, le renforcement de lasécurité de l'Union, le maintien de la paix et le renforcement de lasécurité internationale, la promotion de la coopération internationale et ledéveloppement et le renforcement de la démocratie et de l'État de droit,ainsi que le respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

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Politique étrangère et de sécurité commune (PESC) 197

Depuis le traité d'Amsterdam, le rôle du Conseil n'a cessé de prendrede l'importance. Ce traité a créé le poste de Haut Représentant pour lapolitique étrangère et de sécurité commune, destiné à être occupé par«une personnalité ayant une stature importante sur le plan politique» afinde conférer un poids diplomatique à la PESC et d'en assurer la continuité.Cette fonction est associée à celle de Secrétaire général du Conseil. LeConseil européen de Cologne, en 1999, a nommé Secrétaire général/HautReprésentant M. Javier Solana, qui est le premier à occuper ce poste et dontle mandat a été reconduit en 2004 pour une nouvelle période de cinq ans.

Le Haut Représentant a pour rôle, selon le traité, d'assister la présidencedans la formulation des décisions de politique. Il agit aussi au nom duConseil en conduisant le dialogue politique avec des tiers et il est le chefde l'Agence européenne de défense. Aux côtés de la présidence et ducommissaire chargé des relations extérieures, M. Javier Solana représentel'UE dans le Quatuor, chargé du processus de paix au Proche-Orient. Il areçu mandat de la communauté internationale pour la représenter dans lespourparlers menés avec l'Iran sur la question de son programme nucléaire.Il a incarné le rôle actif joué par l'UE dans un certain nombre de paysdes Balkans occidentaux, y compris l'ancienne République yougoslavede Macédoine, où il a conduit les négociations relatives à l'accordd'Ohrid, ainsi qu'en Serbie et au Monténégro, entre lesquels il a facilité laconclusion de l'accord de Belgrade, et encore au Kosovo. Il a égalementjoué un rôle actif auprès des pays d'Europe centrale et orientale, y comprisl'Ukraine et la Moldavie.

Un certain nombre de représentants spéciaux de l'Union européenne,nommés par le Conseil sur recommandation du Haut Représentant,assistent celui-ci dans son action et sont chargés de développer et decontribuer à mettre en œuvre les objectifs de l'Union en matière depolitique étrangère à travers le monde. Il y a actuellement Il représentantsspéciaux (RSUE). Le Haut Représentant a également nommé plusieursreprésentants personnels chargés de questions spécifiques, telles que lanon-prolifération des armes de destruction massive, les droits de l'hommeet les affaires parlementaires.

Les représentants spéciaux de PUE

Le traité d'Amsterdam a créé un ensemble de structures de soutien autravail du Haut Représentant. L'unité de planification de la politique et

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198 Le statut avancé à l'épreuve de l'Union pour la Méditérrannée

d'alerte rapide, au sein du Secrétariat général du Conseil, est composéede diplomates nationaux et d'experts du Conseil et de la Commission.Elle suit l'évolution de la situation politique internationale, avertit leHaut Représentant et le Conseil des crises susceptibles de se produire etexamine leurs conséquences éventuelles pour l'Union, ainsi que les lignesde conduite à envisager, permettant ainsi à l'Union d'agir avec plus derapidité et d'efficacité.

Le traité de Nice a institué une structure permanente, le Comitépolitique et de sécurité (COPS), qui est composé de représentantsdes États membres ayant le rang d'ambassadeurs. Le COPS est aucœur du fonctionnement de la PESC. Il suit l'évolution de la situationinternationale dans les domaines relevant de la PESC et de la PESO etcontribue à la définition des politiques. Il se réunit au moins deux fois parsemaine et exerce, sous la responsabilité du Conseil, le contrôle politiqueet la direction stratégique des opérations de gestion de crise.

Le Centre de situation conjoint de l'UE (SITCEN), créé en 2002, assurel'alerte précoce et une veille internationale et analyse le renseignementpour le Haut Représentant de l'UE et et son équipe, ainsi que pour lesdivers organes de décision de l'Union européenne dans le domaine de laPESC, de la PESO et de la lutte contre le terrorisme. Le SITCEN assurela surveillance et l'évaluation des événements internationaux 24 heuressur 24 et 7 jours sur 7. Les informations et les analyses fournies par leSITCEN sont de nature civile et militaire et portent sur tous les aspects dela gestion de crises par l'UE.

Formulation et conduite de la politique étrangère

Le Conseil européen (composé des chefs d'État ou de gouvernementdes 27 États membres et du président de la Commission) fixe les principesgénéraux et les orientations générales de la PESC, y compris pour lesquestions ayant des implications en matière de défense. Il se réunit enprincipe quatre fois par an.

La présidence du Conseil, assurée à tour de rôle pour une périodede six mois par chacun des États membres, représente l'Union pour lesmatières qui relèvent de la PESC et exprime la position de l'Union dansles organisations internationales et au sein des conférences internationales.Elle est assistée par le Haut Représentant, qui contribue à la formulation, à

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Politique étrangère et de sécurité commune (PESe) 199

l'élaboration et à la mise en œuvre des décisions de politique européennes.

La présidence, le Haut Représentant et le président de la Commissioneuropéenne tiennent des réunions au sommet avec les pays et régionspartenaires de l'DE.

Le Conseil - réuni en formation «Affaires générales et relationsextérieures» (CAGRE) composée des ministres des affaires étrangèresdes États membres - se réunit une fois par mois et examine les questionsrelevant des relations extérieures ainsi que les questions institutionnelles.Il définit et met en œuvre la politique étrangère et de sécurité commune del'DE sur la base des orientations définies par le Conseil européen. La lignepolitique est formulée sur la base du consensus et de la résolution collectivedes problèmes. Les positions officielles du Conseil sont diffusées sous laforme de «conclusions» ou de «déclarations» du Conseil. Des déclarationssont également faites par la présidence et par le Haut Représentant. Depuisla fin des années 90, les ministres de la défense de 1'DE se réunissentrégulièrement. Bien qu'il n'y ait pas de session du Conseil formellementconsacrée à la défense en tant que telle, il se tient durant chaque présidenceau moins une réunion informelle des ministres de la défense et ceux-ciparticipent à une session du Conseil «Relations extérieures» consacrée aux

questions politico-militaires.

Les travaux du Conseil sont préparés par le Comité des représentantspermanents (Coreper), pour ce qui concerne les travaux dans leurensemble, et par le Comité politique et de sécurité (COPS), pour ce quiest des questions politiques et de sécurité. Les groupes de travail dans ledomaine de la PESC, composés d'experts des États membres de l'DE et dela Commission, se réunissent sur une base géographique (Proche-Orient,Balkans occidentaux, par exemple) ou thématique (droits de l'homme,Nations unies, lutte contre le terrorisme, par exemple). Ils préparent lesréunions du COPS et du Coreper. Ils procèdent à des analyses communesde la situation dans les pays tiers et de questions multilatérales et établissent

des positions communes possibles. Ils élaborent des propositions demesures de mise en œuvre de la PESC, telles que les déclarations dela présidence au nom de 1'DE, en vue de leur approbation par le COPSpuis par le Conseil. Ils formulent également à l'intention du COPS desrecommandations en vue de futures initiatives dans le domaine de laPESe.

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Annexe IVRapport général sur l'activité de

l'Union européenne

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Les changements apportésau cadre institutionnel

Certains des changements apportés aux institutions en 2009 relevaientdu fonctionnement normal de l'UE: tel était par exemple le cas del'élection du Parlement européen et des préparatifs liés à la mis en placed'une nouvelle Commission. En revanche, la ratification du traité deLisbonne et l'attribution des nouveaux mandats qu'il crée ont été le pointd'orgue d'un processus particulier entamé alors que l'UE ne comptaitencore que 15 États membres.

Un nouveau traité pour une Union plus efficace. Le traité deLisbonne est entré en vigueur le 1er décembre 2009.

Avec le traité de Lisbonne, qu'est-ce qui change?

Les citoyens peuvent mieux faire entendre leur voix et, pour lapremière fois, contribuer directement au processus législatif de l'Unioneuropéenne: une nouvelle «initiative citoyenne» leur permet en effetd'attirer l'attention des législateurs sur des préoccupations partagées parUn grand nombre d'entre eux. Les parlements nationaux ont quant à euxla possibilité d'intervenir davantage dans le processus de prise de décisionde l'UE, et de mieux orienter ses domaines d'action grâce au dispositifde consultation précoce au sujet des propositions législatives de l'UE.Le processus législatif de l'UE devient beaucoup plus transparent: eneffet, le Conseil de ministres doit ouvrir ses réunions au public lorsqu'iladopte de nouveaux textes législatifs. Et les députes européens, qui sontles représentants directement élus des citoyens, ont davantage leur mot adire sur les actes législatifs de l'UE et sur son budget, car de nouveauxdomaines sont désormais soumis a la procédure de codécision, quiimplique la participation du Parlement européen.

Dans le même temps, l'UE elle-même se voit dotée d'un nouveaustatut juridique. Ses compétences sont plus étendues que jamais et sesprocessus de prise de décision ont été simplifies. Le Conseil adopterases décisions à la majorité qualifiée -et non plus à l'unanimité- dans denouveaux domaines particulièrement importants comme la lutte contrele changement climatique, la sécurité énergétique et l'aide d'urgence, ce

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204 Le statut avancé à l'épreuve de l'Union pour la Méditérrannée

qui rendra l'action de l'UE plus rapide et plus efficace. A partir de 2014,les décisions du Conseil devront être approuvées par au moins 55 % desEtats membres (au moins 15 d'entre eux) représentant au moins 65 % dela population de l'UE.

Les institutions chargées de faire fonctionner l'UE sont modifiées et lesprocédures sont devenues plus démocratiques. Le Conseil européen élit unprésident du Conseil européen pour un mandat de deux ans et demi, afin dedonner davantage de visibilité et de cohérence a l'action de l'UE. Le hautreprésentant pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, qui estaussi l'un des vice-présidents de la Commission, assurera la promotion del'action de l'UE sur la scène internationale et défendra ses intérêts et sesvaleurs al'étranger; il pourra s'appuyer sur un nouveau service européenpour l'action extérieure, compose de diplomates et de fonctionnaires. Letraite confirme également le pouvoir confie au Parlement européen d'élirele président de la Commission sur proposition du Conseil européen.

L'euro est confirmé comme la monnaie de l'UE

Le rôle international de l'UE est confirme tant pour sa contribution ala paix et a la sécurité que pour la promotion de ses valeurs que sont ledéveloppement durable, la solidarité et le respect mutuel entre les peuples,le commerce libre et équitable, l'éradication de la pauvreté, la défense desdroits de l'homme et le respect du droit international.

Le rôle de l'UE ne se limite plus au maintien de la paix, a la préventiondes conflits et au renforcement de la sécurité internationale, mais s'étenddésormais aux opérations de désarmement, aux missions de conseil etd'assistance en matière militaire, et aux opérations de stabilisation al'issue des conflits.

La capacité de l'UE à lutter contre la criminalité transfrontalière,l'immigration illégale, la traite des êtres humains et le Trafic d'armes et dedrogues est accru, le Parlement européen et la Cour de justice voyant leursrôles respectifs renforcés.

Les objectifs sociaux de l'UE sont renforces, puisque toutes lespolitiques et les mesures de l'UE doivent tenir compte de la promotiond'un niveau d'emploi élève, et que les services de base sont reconnuscomme étant d'intérêt public.

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Les changements apportés au cadre institutionnel 205

La promotion du développement durable, la lutte contre le changementclimatique, le développement des énergies durables et la garantie du bonfonctionnement du marche de l'énergie deviennent des priorités.

En ce qui concerne la législation de l'UE, force de loi est donnée auxdroits et aux libertés énonces dans la charte des droits fondamentaux,tels que la protection des données a caractère personnel, le droit d'asile,l'égalité devant la loi et l'absence de discrimination, l'égalité entre leshommes et les femmes, les droits des enfants et des personnes âgées, laprotection contre le licenciement abusif et l'accès a la sécurité sociale et al'aide sociale. L'Union adhérera également à la convention européenne desauvegarde des droits de l 'homme et des libertés fondamentales.

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Sommet de Copenhague

« Ce qui s'est passé et ce qui ne s'est pas passé»

Les résultats de la conférence des Nations unies sur les changementsclimatiques qui s'est tenue en décembre dernier à Copenhague sontdécevants. Après deux semaines d'intenses négociations, une trentaine depays dont les États-Unis, la Chine, l'Inde et le Brésil ainsi que certainsÉtats membres de l'Union européenne et la Commission européennesont parvenus, le dernier jour, à un accord limité. Cet accord contient uncertain nombre d'éléments positifs; notamment, il confirme - au niveaumondial, pour la première fois - l'objectif de limitation à 2° C de lahausse des températures, et les engagements pris quant au montant del'aide financière à accorder aux pays en développement pour faciliter leuradaptation au changement climatique sont conformes aux propositionsde la Commission. Globalement toutefois, l'accord de Copenhague estbien loin de répondre au niveau d'ambition de l'UE. De surcroît, du faitde l'opposition d'une poignée de parties, la conférence s'est contentée deprendre note de l'accord sans l'entériner formellement. En conséquence,de nouveaux efforts devront être déployés pour parvenir à un accordglobal juridiquement contraignant lors de la prochaine conférence desNations unies sur les changements climatiques qui se tiendra à Mexico ennovembre 2010.

La préparation de Copenhague

En dépit des maigres résultats de Copenhague, le travail accompli,durant la conférence et au cours des mois qui l'ont précédés, pourrapprocher les textes de négociation constitue un bon point de départ pourparvenir un accord global juridiquement contraignant d'ici à la fin del'année 2010. L'UE a joué un rôle décisif à cet égard.

Avec en point d'orgue la conférence de Copenhague, l'année 2009 estune année cruciale pour la lutte contre le changement climatique, maisc'est en fait le changement climatique qui a façonné cette Commission, etje suis convaincu que c'est cette même question qui définira les orientations

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208 Le statut avancé à l'épreuve de l'Union pour la Méditérrannée

de la prochaine Commission. Pourquoi cela ? Parce que la politique del'environnement, en général, et la politique climatique, en particulier, sontdes questions européennes par essence. Aucune frontière nationale n'arrêteles émissions de carbone. Les décisions que nous prenons - ou que nousne prenons pas - au sein de l'Union ont une incidence directe sur lesforêts pluviales du Brésil et de Bornéo, ainsi que sur l'épaisseur de lacalotte glaciaire au Groenland, a déclaré Jose Manuel Barrios à l'occasionde la conférence de la Semaine verte de la Commission, à Bruxelles, enjuin dernier.

Tout au long de la période qui a précédé la conférence de Copenhague,l'Union européenne a adressé des messages vigoureux et clairs aux autrespays et a ainsi fait preuve de l'autorité politique nécessaire pour réussir àcontenir le réchauffement de la planète en dessous de 2°C. Afin d'encouragerles autres grands émetteurs à prendre des mesures énergiques et ce faisantaugmenter les chances de parvenir a un accord global suffisammentambitieux, l'UE s'est engagée à porter ses réductions d'émissions à 30 %à condition que les autres pays industrialisés s'engagent collectivement àobtenir des réductions comparables et que les pays en développement quiconnaissent un développement économique rapide contribuent à l'accordglobal dans la limite de leurs possibilités.

L'Union européenne a arrêté sa position pour les négociationsinternationales sur le climat dans le cadre de réunions des ministres del'Environnement et des Finances ainsi que du Conseil européen, et plusparticulièrement à l'issue d'une réunion ministérielle informelle tenue àAre en juillet, du Conseil Environnement d'octobre au Luxembourg et duConseil européen d'octobre. En octobre, le Conseil Environnement a eneffet donné un coup d'accélérateur en approuvant un cadre de négociationpour l'UE. L'Europe a là encore affirmé son rôle de chef de file dansla lutte contre le changement climatique en se déclarant favorable àdes réductions à long terme des émissions de gaz a effet de serre allantencore plus loin que les 80 % dont faisait état le communiqué adopté enjuillet au sommet du G8 à L'Aquila, en Italie. Elle a également préconisédes objectifs de réduction des émissions pour les transports aériens etmaritimes internationaux, auxquels le protocole de Kyoto ne s'appliquepas mais qui constituent une source d'émissions qui croit rapidement.L'UE a fait une dernière fois le point sur ses positions et stratégies avantla conférence de Copenhague lors d'une session extraordinaire du Conseil

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Environnement tenue le 23 novembre à Bruxelles, au cours de laquelleYvo de Boer, secrétaire exécutif de la Convention-cadre des Nationsunies sur les changements climatiques, a présenté l'état d'avancement desnégociations et les propositions des autres parties.

Les grandes lignes de la position de l'UE sont les suivantes:

Les mesures prises pour réduire les émissions globales doivent avoirpour objectif de maintenir le réchauffement de la planète sous la barre des2 oC. Cela implique que les émissions globales culminent d'ici à 2020 auplus tard, qu'elles soient réduites d'au moins 50 % par rapport à leur niveaude 1990 d'ici à 2050 et qu'elles continuent de décroître par la suite; à longterme, l'DE et les autres pays développés devront réduire leurs émissionsde 80 à 95 % par rapport aux niveaux de 1990 d'ici à 2050; les émissionsdes transports aériens et maritimes internationaux devront être réduites de10 et 20 % respectivement par rapport aux niveaux de 2005 d'ici à 2020,dans le cadre d'accords internationaux; précisions sur les exigences del'DE: les pays industrialisés devront réduire leurs émissions de 25 à 40 %d'ici à 2020, et les pays en développement devront réduire les leurs de15 à 30 %, par rapport aux niveaux qui auraient été atteints en l'absencede toute mesure; l'objectif d'une hausse maximale des températuresde 2°C reste le référentiel pour l'évaluation des réductions des émissionsdes autres pays; explicitation de la position de l'DE en ce qui concernela manière de lutter contre la déforestation et de mener une politique degestion forestière durable, ainsi que sur les contributions des secteurs del'agriculture et de la foresterie à la réalisation des objectifs en matière declimat: il faut agir rapidement pour réduire la déforestation de moitié d'icià 2020 et pour y mettre un terme d'ici à 2030 ; les coûts supplémentairesque les pays en développement devraient supporter, dans le cadre d'unaccord mondial ambitieux, pour atténuer le changement climatique et s'yadapter sont estimés à 100 milliards d'euros par an d'ici à 2020. Dne partiede cette somme, de l'ordre de 22 à 50 milliards d'euros, devra provenird'Un financement public international auquel l'DE est prête à contribuerpour une part honorable. Pour la période 2010-2012, un financementa mise en œuvre rapide de l'ordre de 5 à 7 milliards d'euros par an àl'échelle mondiale est nécessaire pour aider les pays en développementà renforcer leurs capacités de lutte contre le changement climatique;des règles comptables doivent être établies pour les émissions liées àla foresterie et à l'utilisation des terres; développement du mécanisme

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sectoriel d'échange des droits d'émissions et réforme du mécanisme dedéveloppement propre; précisions concernant la position de l'UE sur lagestion des excédents de quotas d'émission pour la période 2008-2012,qui peuvent aller à l'encontre des ambitions environnementales de l'UE ;calendrier serré et orientations précises pour la mise en place du cadreréglementaire juridiquement contraignant.

Le Parlement européen s'est résolument associé aux efforts mis enœuvre pour parvenir à un accord ambitieux et juridiquement contraignantlors de la conférence de Copenhague. En octobre, sa commission del'environnement a appelé les chefs d'Etat ou de gouvernement à fairefigurer la question du changement climatique au premier rang des prioritéset à préserver le rôle de chef de file de l'UE lors des négociations deCopenhague. Elle a précisé qu'un accord international devrait garantirque les pays développés réduisent leurs émissions collectivement demanière significative (dans une proportion correspondant au haut de lafourchette comprise entre 25 et 40 %, avec un objectif de réduction àlong terme d'au moins 80 % par rapport à 1990 d'ici à 2050) et que lespays en développement, considérés globalement, limitent la croissancede leurs émissions de sorte que celles-ci se situent entre 15 et 39 % endeçà du niveau qui serait atteint dans un scénario de statu quo. Unerésolution adoptée lors de la session plénière de novembre a entérinéces recommandations et enjoint aux dirigeants de l'UE de prendre desinitiatives politiques pour que le sommet soit un succès. Forte de sonpropre train de mesures sur le climat et l'énergie, l'UE s'est affirméeen faisant preuve d'initiative à l'approche des négociations. En mai, laCommission a proposé que l'UE soumette une modification du protocolede Kyoto. L'idée a été rapidement approuvée par le Conseil, et, le 10 juin,la présidence tchèque et la Commission européenne, au nom des Etatsmembres de l'UE et de l'Union européenne, soumettaient conjointementla proposition de modification au secrétariat des Nations unies responsablede la conférence de Copenhague.

La proposition concernait le traitement à réserver au changementd'affectation des terres, les améliorations à apporter aux mécanismes dela marche du carbone et les approches possibles pour cibler les émissionssectorielles. L'une des principales contributions de l'UE aux négociations deCopenhague a été son insistance afin d'obtenir un accord sur le financementde l'aide à apporter aux pays en développement en vue de lutter contre le

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Sommet de Copenhague 211

changement climatique, question cruciale pour l'obtention d'un accord àCopenhague. En septembre, la Commission à présenté une communicationvisant à augmenter le financement international destiné à aider les pays endéveloppement à lutter contre le changement climatique. Elle y expliquaitque, d'ici à 2020, les pays en développement devraient probablementsupporter des coûts annuels d'environ 100 milliards d'euros pour réduireleurs émissions de gaz à effet de serre et s'adapter aux conséquences duchangement climatique. La majeure partie du financement nécessaireproviendra de sources nationales et d'une marche du carbone internationalélargi, mais un financement public international de quelque 22 à 50milliards d'euros devrait également se révéler nécessaire. La Commissiona proposé que les pays industrialisés et les pays en développement lesplus avancés sur le plan économique apportent ce financement public enfonction de leur part de responsabilité dans les émissions et de leur capacitécontributive. Dans ces conditions, la contribution de l'UE pourrait êtrecomprise entre 2 et 15 milliards d'euros par an d'ici à 2020. Parallèlement,les représentants des institutions européennes se sont tournés vers lesautres partenaires. La Commission et les présidences tchèque et suédoiseont consacré beaucoup de temps et d'énergie aux dialogues bilatérauxsur le changement climatique avec leurs grands partenaires comme leCanada, la Chine, le Japon, la Corée du Sud, la Russie, les Etats-Unis,l'Inde, le Brésil et l'Afrique du Sud. Une délégation de la commissionde l'environnement du Parlement européen s'est rendue à Washington àla fin d'octobre pour y rencontrer des membres du Congrès américain ets'entretenir avec eux de la conférence de Copenhague, et le Parlementeuropéen a envoyé des représentants officiels à la conférence des Nationsunies en décembre. L'année a été ponctuée de cinq réunions à haut niveaupour préparer la conférence de Copenhague, et l'UE a activement participéà chacune d'elles, exhortant sans relâche les pays développés à s'engagerà réduire de façon significative leurs émissions de gaz à effet de serre.Lorsqu'à seulement quelques semaines de la conférence de Copenhague,les Etats-Unis et la Chine ont fait de nouvelles propositions, le Premierministre suédois, Fredrik Reinfeldt, et le président de la Commissioneuropéenne, Jose Manuel Barroso, les ont accueillies par une déclarationconjointe: «Nous nous réjouissons d'apprendre - il y a tout juste24 heures - que les Etats-Unis et la Chine ont indiqué chacun, à l'aide dechiffres concrets, ce qu'ils étaient disposés à faire en matière de réductiondes émissions. Les Etats-Unis et la Chine sont des partenaires essentiels

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212 Le statut avancé à l'épreuve de l'Union pour la Méditérrannée

dans ces négociations. Nous ne pouvons pas nous permettre d'échouer àCopenhague... Nous continuerons d'exhorter les Etats-Unis, la Chine ettous nos autres partenaires dans ces négociations à aller jusqu'aux limitesde ce qui est possible pour parvenir à un accord à Copenhague... » Lefait qu'un autre grand pays en développement, à l'instar du Brésil et del'Indonésie, soit prêt à faire des propositions chiffrées concrètes est unsigne encourageant. En plus de leurs engagements antérieurs, les dirigeantseuropéens sont convenus, lors de leur sommet de décembre, d'allouer2,4 milliards d'euros par an sous la forme d'un financement a mise enœuvre rapide entre 2010 et 2012 pour faciliter la mise en place de mesuresd'adaptation au changement climatique dans les pays en développement.Ce niveau de financement dépasse les engagements initialement pris parles Etats membres au début de l'année.

Un accord limité

Néanmoins, le résultat est bien en deçà des attentes de rUE. Laprésidence du Conseil et la Commission européenne n'ont pas ménagéleurs efforts pour faire avancer les négociations tout au long des deuxsemaines durant lesquelles s'est déroulée la conférence de Copenhague, enmaintenant les engagements de rUE et en enjoignant les parties dans lesnégociations de s'engager plus fermement. Pourtant, les résultats obtenus- sous la forme de l'accord non contraignant - ne sont pas à la hauteurdes espérances de l'UE.

L'accord obtenu prévoit:

- le maintien de l'objectif d'une hausse maximale des températuresinferieure à 2 oC ;

- l'engagement de dresser la liste des objectifs de réduction desémissions des pays développés et des mesures d'atténuation à prendre parles pays en développement d'ici à 2020 ;

- un financement a mise en œuvre rapide, de 20,685 milliards d'eurosd'ici à 2012, de la part des pays industrialisés, pour aider les pays endéveloppement à prendre des mesures immédiates en faveur de l'adaptation,de la réduction des émissions, de la recherche et du renforcement descapacités, y compris pour la prévention de la déforestation;

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Sommet de Copenhague 213

- un financement à long terme de 68,95 milliards d'euros par an d'ici à2020, ainsi que des mécanismes pour soutenir le transfert de technologie etla foresterie. L'accord comporte en annexe une liste sur laquelle les pays,ou les groupes de pays, pourront indiquer leurs engagements en matièrede réduction des émissions ou les mesures de lutte contre le changementclimatique envisagées. Cependant, l'accord n'est pas juridiquementcontraignant. Il n'est pas suffisamment ambitieux pour que l'UE ait étéamenée à modifier son objectif de réduction des émissions en le portantà 30 % d'ici à 2020.

«Nous sommes venus ici, à Copenhague, pour sortir de l'impasse.Ou nous agissons, ou nous n'arriverons à rien. Or, nous voyons à présentcertains pays faire des efforts et fixer des objectifs ; même des pays quiavaient annoncé qu'ils ne prendraient pas d'engagements ont avancé deschiffres », a indiqué le président du Conseil, Fredrik Reinfeldt.

Le président de la Commission européenne, Jose Manuel Barroso, adéclaré quant à lui: «Cet accord vaut mieux que pas d'accord du tout,mais il n'est clairement pas à la hauteur de l'objectif que nous nous étionsfixés, et je ne cacherai pas ma déception». Il a toutefois ajouté : « c'est lapremière étape d'un processus très important ».

Les prochaines étapes internationales ont été renvoyées aux conférencesdes Nations unies de Bonn et de Mexico en 2010. Les engagements prispar l'Union européenne durant l'année restent toutefois valables et ilsseront honorés. Ils sont en effet contraignants pour tous les Etats membresde l'Union européenne.

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Une politique de bon voisinage

La politique européenne de voisinage, l'Union pour la Méditerranéeet le partenariat oriental, qui permettent de nouer des relations spécialesSur la base de valeurs et d'objectifs partagés, ont continué d'apporter desbénéfices mutuels à l'UE et aux pays situés à ses frontières orientales etméridionales.

Politique européenne de voisinage

En avril, une étude de la Commission a confirmé un approfondissementdes relations de l'UE avec les pays couverts par la politique européennede voisinage, malgré la récession mondiale et les conflits au Caucase et auMoyen-Orient. Cette politique avait pour but de consolider le processusde modernisation et de reforme à travers des accords politiques et desliens économiques plus étroits pouvant rapprocher ces voisins du marchéintérieur et accroitre la coopération dans des domaines sortant du cadreordinaire des relations diplomatiques. Elle s'est révélée particulièrementefficace sur les questions économiques et réglementaires.

Partenariat et Union

La guerre de 2008 en Géorgie et le différend au sujet des fournituresde gaz entre la Russie et l'Ukraine au début de l'année 2009 ont misen lumière la fragile stabilité des frontières orientales de l'UE et ontsouligné combien la sécurité de l'UE dépend de la sécurité de ses voisins.L'importance des liens entre l'UE et nombre de ses voisins orientaux a étédémontrée au cours de l'année par le lancement du partenariat oriental lorsd'une cérémonie organisée à Prague en mai sous la présidence tchèque.Ce nouveau partenariat oriental vise à renforcer les relations généralesde l'UE avec ses six voisins orientaux - Arménie, Azerbaïdjan, Belarus,Géorgie, Moldavie et Ukraine. Il envisage des accords qui pourraientdéboucher sur des zones de libre-échange étendues, une associationpolitique plus approfondie et une intégration progressive dans l'économiede l'UE. Il prévoit aussi de simplifier les formalités de voyage vers l'UE et

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216 Le statut avancé à l'épreuve de l'Union pour la Méditérrannée

encourage la démocratie et la bonne gouvernance, la sécurité énergétique,les reformes économiques et la protection de l'environnement. Le forumde la société civile du partenariat oriental a vu le jour en novembre 2009 àla suite d'une recommandation du Parlement selon laquelle la Commissionet les gouvernements partenaires devraient consulter plus étroitement lespouvoirs locaux et la Société civile.

En février 2009, le Parlement européen avait déjà plaidé pour la créationaccélérée d'une zone de libre-échange entre l'Arménie, l'Azerbaïdjan,la Géorgie, la Moldavie et l'Ukraine, ainsi que pour une coopérationrenforcée avec la Turquie et la Russie. Le Parlement a également déclaréqu'il était favorable à une assemblée parlementaire (Euronext) associantle Parlement européen aux parlements des pays du partenariat oriental. Enbordure méridionale, l'Union pour la Méditerranée a accompli des progrèssupplémentaires en 2009, en axant ses efforts sur les contacts politiqueset les projets d'assistance concrets, et ce malgré le contexte politiquedifficile.

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Présidence suédoise duConseil de l'Union européenne 2009

I. Les questions d'intégration sous la Présidence suédoise del'Union européenne

Sous la Présidence suédoise, un nouveau programme de travail, appeléprogramme de Stockholm, a été négocié dans les domaines de la liberté,de la sécurité et de la justice. L'une des nombreuses questions abordéesdans le cadre de ce programme est la coopération européenne en matièrede politique d'intégration, pour laquelle l'objectif de la Présidence est derenforcer l'échange de connaissances et d'expériences.

Dans le domaine des politiques d'intégration, la coopération de l'UErepose sur le principe de subsidiarité, ainsi que sur une vision communeselon laquelle une politique d'intégration efficace est nécessaire pourprotéger les droits de l'individu et optimiser le potentiel des migrations.Les politiques nationales d'intégration pourraient être améliorées aumoyen d'échanges actifs fondés sur les principes fondamentaux partagésde connaissance et de d'expérience au sein de l'Europe. La coopérationde l'UE devrait épauler les Etats membres dans le développement depolitiques ambitieuses, conformément aux conclusions du Conseilconcernant l'intégration en novembre 2008.

Le programme de Stockholm couvre diverses questions en relation à laliberté, la sécurité et la justice, ainsi que l'intégration.

Dans le cadre des efforts déployés pour consolider le corpus deconnaissances sur l'intégration et le développement urbain, la Présidencesuédoise a organisé une directive visant à offrir aux femmes plus de facilitéspour démarrer et gérer une activité économique ainsi qu'à améliorer lasituation des conjointes collaboratrices. A la fin de l'année 2009, le Conseila également discuté de la manière dont la dimension de l'égalité entre lesfemmes et les hommes peut être renforcée dans la suite de la coopération

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218 Le statut avancé à l'épreuve de l'Union pour la Méditérrannée

européenne en faveur de la croissance économique, d'une augmentationdu taux d'emploi et d'un renforcement de la compétitivité.

Les 16 et 17 novembre s'est tenu le Sommet européen sur l'égalité auquelont participé environ 300 personnes, dont des ministres, des représentantsd'organismes officiels nationaux agissant pour l'égalité et d'organisationsnon gouvernementales européennes, ainsi que des partenaires sociaux. LeSommet sur l'égalité - initié par la Commission de l'UE en juin 2005 etdont les précédentes éditions ont été organisées à Berlin et Paris - est unévénement annuel qui se tenait pour la troisième fois.

Ce sommet visait, par un échange de savoirs et d'expériences, à renforceret rendre plus performantes les activités engagées pour lutter contre toutesles formes de discriminations, ainsi qu'à promouvoir une égalité de droitset de chances pour tous au sein de l'Union. Cette rencontre avait pourthème principal la coopération au service de l'égalité et a également permisdes discussions approfondies, notamment sur l'intégration des questionsd'égalité, la discrimination multiple et les législations en la matière.

II. Conférence sur la future coopération européenne sur unepolitique en faveur de la jeunesse

Les 12 et 14 septembre 2009 s'est tenue à Stockholm une conférencesur la future coopération européenne sur une politique en faveur de lajeunesse. Pendant trois jours, 250 représentants de la jeunesse des Etatsmembres de l'UE et des pays candidats à l'adhésion ont discuté, avec lesdirecteurs généraux de la jeunesse, des décisionnaires et des experts, desbases du futur cadre stratégique de la coopération de l'Union européenneen matière de politique de jeunesse pour la période 2010-2018.

Dans son allocution de clôture, le dernier jour de conférence, MmeNyamko Sabuni, ministre suédoise des questions de jeunesse, a déclaré:« La politique en faveur de la jeunesse touche aux problèmes les pluspréoccupants de notre époque : le chômage des jeunes et la nécessitéd'améliorer les systèmes d'éducation et de santé. Cette conférence aprouvé que les jeunes, les organisations de jeunesse et les fonctionnairespeuvent travailler ensemble. Je suis convaincue que nous avons fait unpas supplémentaire vers l'instauration du nouveau cadre stratégique decoopération en faveur de la jeunesse. Nous devons nous assurer que le

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Présidence suédoise du Conseil de l'Union européenne 2009 219

futur de l'Europe se trouve entre de bonnes mains. Nous sommes face à unemission d'une importance capitale, à laquelle nous ne pouvons faillir. »

Mme Sabuni a souligné que la crise économique risquait fort d'aggraverla situation pour les jeunes, à moins que quelque chose ne soit fait auniveau de l'UE. Les jeunes font partie des groupes de population les plusaffectés en des temps difficiles. Avant même l'explosion de la crise, plusd'un tiers de l'ensemble des citoyens de l'UE entre 15 et 24 ans n'étaientni sur le marché du travail ni dans l'éducation.

M. Tine Radinja, Président du Forum européen de la jeunesse, s'est ditsatisfait d'une approche plus participative et plus inclusive de la politiquede jeunesse:

« Nous œuvrons depuis longtemps et sans relâche pour la mise en placed'un dialogue structuré qui ne divise pas artificiellement les jeunes maisqui, au contraire, les rapproche des institutions et des gouvernements.Cette conférence est un bel exemple de la façon dont les choses doivent sepasser si nous voulons continuer à aller de l'avant. »

M. Pierre Mairesse, directeur à la DG Education et Culture de laCommission européenne, a affirmé: « J'estime que nous sommes à deuxdoigts d'un accord sur ce que sera la politique européenne de la jeunesse aucours des prochaines années. J'ai le sentiment que nous sommes parvenus à unconsensus sur toutes les grandes questions, mais également sur l'importancedu travail de jeunesse en général. Par conséquent, je pense qu'un accord surle cadre de la politique sera trouvé pendant la Présidence suédoise. »

Conférence sur le thème« L'intégration des nouveaux immigrants - pleinsphares sur les incitations et le travail », les 14 et 16 décembre 2009. L'objectifprincipal en était de souligner l'importance de l'échange de connaissanceset d'expériences sur l'intégration des nouveaux immigrants, en mettantl'accent sur l'importance d'incitations pour accélérer l'accès au marché dutravail. La conférence s'adressait à tout un éventail d'acteurs: chercheurs,responsables politiques, praticiens, représentants des organisations nongouvernementales et employeurs. Quelque 200 personnes y ont participé.

La conférence a examiné l'intégration des nouveaux arrivants, sousdivers angles: les différents chemins vers l'emploi, le rôle des employeurs,l'économie sociale et l'importance de l'éducation, de même que l'impactdu logement sur l'intégration.

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Sélection bibliographique

2009

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Pistes bibliographiques

I. Rapports, cahiers, statistiques et catalogues de la Méditerranée

1. Rapports

• Rapport annuel de la FEMIP 2009Inscrite dans le cadre de la politique européenne de voisinage et de

l'Union pour la Méditerranée, la FEMIP favorise la modernisation etl'ouverture des économies des pays partenaires méditerranéens. La FEMIPregroupe l'ensemble des instruments d'intervention de la BEI en faveurdu développement économique et de l'intégration des pays partenairesméditerranéens.

• Rapport annuel de la Banque mondiale 2009 (septembre 2009)Le Rapport annuel est préparé par les administrateurs de la Banque

internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD) et del'Association internationale de développement (IDA), conformément auxrèglements des deux institutions.

• Rapport de suivi mondial 2009 (avril 2009)La crise financière mondiale compromet la réalisation des objectifs de

développement pour le Millénaire (ODM) à l'horizon 2015 et crée unesituation d'urgence en matière de développement, selon un rapport de laBanque mondiale et du FMI.

• Rapport annuel 2009 de la FEMDHLa Fondation euro-méditerranéenne de soutien aux défenseurs des

droits de l'Homme (FEMDH) qui a pour objectif de soutenir les défenseursdans les pays du sud de la Méditerranée a publié son rapport annuel 2009.Le rapport met l'accent sur les actions entreprises par la FEMDH au coursde l'année 2009.

• Mediterra 2009 : repenser le développement rural en MéditerranéeChangement climatique, gestion responsable des ressources hydriques,

dynamiques foncières, diversification économique, tels sont les défispour la durabilité et la compétitivité des agricultures méditerranéennes.Mediterra 2009 fait ici le bilan des mises en œuvre agricoles et ruralesde la Stratégie méditerranéenne de développement durable (SMDD) etapporte un regard neuf sur les politiques déployées en milieu rural.

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224 Le statut avancé à l'épreuve de l'Union pour la Méditérrannée

2. Cahiers de la Méditerranée

Revue d'études sur la Méditerranée sur une longue période (XVIe-XXIesiècles) - au sens braudélien, et privilégiant les recherches pluridisciplinaires.

• Migration et religion en France en texte intégral, mise en ligne du

vol. 78 (2009).

• Les Morisques. D'un bord à l'autre de la Méditerranée, Parution

du n° 79 (2009).

• Migration et religion en France (tome 2), Parution du vol. 78 (2009).

3. Catalogue du Centre de documentation méditerranéen

• Indicators and framework for analysing the technical andeconomic performance of irrigation systems at farm level. Irrigationand Drainage. 2009/07, Le Grusse P., Mailhol J.-C., Bouaziz A., Zaïri A.,

Raki M., Chabaca M., Djebbara M., Ruelle P. (2009).

• Efficiences économiques comparées des systèmes de productiondans différentes situations d'accès à la ressource en eau: application

dans le périmètre irrigué du Gharb (Maroc). Harbouze R., Le Grusse P.,

Belabes K., Raki M., Bouaziz A., Ruelle P (2009).

• Le SIG, un outil de gestion de l'eau dans un périmètre irrigué:cas du secteur S7 au Gharb, Maroc. Omari S., Bord J.-P., Bouaziz A.,

Le Grusse P, Poussin J.-c., Ruelle P (2009).

4. Statistiques du Catalogue des publications et de la documentation(MEDSTAT)

Statistiques sociales

• La croissance de la population ralentit et l'espérance de vieaugmente dans la région euro-méditerranéenne, 2000-2007; numéro

66/2009, date de sortie: 24/08/09, nombre de pages: 8, code produit:KS-SF-09-066

• L'observation des changements démographiques dans la régioneuro-méditerranéenne au cours de la période 2000-2007. La publicationest disponible en anglais, enjrançais et en arabe.

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Pistes bibliographiques 225

Statistiques de l'énergie

L'Energie: un secteur-clé pour les pays partenaires méditerranéens,numéro 57/2009, date de sortie: 30/07/09, nombre de pages: 8, codeproduit: KS-SF-09-057.

Le secteurde l'énergie constitue un des axes fondamentaux du partenariateuro-méditerranéen. Le renforcement des infrastructures énergétiquesméditerranéennes (projets d'interconnexion des réseaux électrique et gazier,projets de raffineries et d'oléoducs ; projets de production d'électricité etde gaz naturel), les échanges entre les PPM et rUE et surtout l'ouverturedu secteur énergétique dans les pays méditerranéens nécessitent un suivique seules des statistiques de l'énergie répondant aux normes et standardsinternationaux sont en mesure d'assurer. La publication est disponible enanglais, en français et en arabe.

Guide sur la compilation de statistiques sur les migrationsinternationales dans la région euro-méditerranéenne(septembre 2009)Ce guide présente un résumé des concepts et des cadres de travail sous­

jacents à la migration internationale, notamment des stocks et des flux,ainsi que des différentes sources administratives et statistiques disponiblesqui fournissent ou apportent des estimations relatives à la migrationinternationale. La publication est disponible en anglais et en français.

Forum final MEDSTAT II: diffuser les bonnes pratiques statistiquesGuillet 2009)

La publication présente en détaille travail qui a été fait durant les derniersmois du programme MEDSTAT II pour améliorer la visibilité des donnéeset des bonnes pratiques statistiques dans les pays partenaires méditerranéens(PPM) et revient sur les différentes étapes qui ont conduit à l'organisationd'événements et d'activités techniques au niveau de certains PPM.

Tendances socio-économiques dans la région euro-méditerranéenne,2000-2007

Elle présente une analyse comparative de données souvent inéditesrelatives aux changements socioéconomiques observés entre les payspartenaires méditerranéens (PPM) et les 27 pays de l'Union européenneau cours de la période 2000-2007.

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226 Le statut avancé à l'épreuve de l'Union pour la Méditérrannée

Tendances sodo-économiques dans la région euro-méditerranéenne,2000-2007

Cette publication présente une analyse de l'évolution des équipementset des flux de transport dans les pays partenaires méditerranéens entre2000 et 2007.

II. Articles

• Terres agricoles et eau en Méditerranée: la coopération contre larareté (avec Sébastien Abis) Géopolitique-PUF, n° 107, 2009, p.92-97

• Faim des villes, faim des campagnes, le retour du politique, IRIS,http://www.affaires-strategiques.info/spip.php ? article 2130, 20 octobre 2009.

•Islam,développement,démocratie :leslimitesde1'instrumentalisationreligieuse, Futuribles, septembre 2009, p. 57-67

• Monde arabe: sortir de l'essentialisme islamique, revue New

Medit, volume VIII n02, 2009.

• Le Liban, un pays d'eau: pour combien de temps? Un dossierde l'IRIS (institut de recherches internationales et stratégiques) dans lecadre des législatives de 2009 (http://www.affaires-strategiques.info/spip.php ?article1262). Mai 2009.

• Les enjeux agricoles et alimentaires en Méditerranée, in Questionsinternationales (La découverte), n° 36, mars 2009, p.7S-S0.

III. Ouvrages et chapitres d'ouvrages

• Maghreb face aux défis de l'ouverture en Méditerranée, Histoireet perspectives méditerranéennes. Développement, Tiers monde,Economie Maghreb, Monde Arabe, Moyen Orient et Méditerranée.

Editions l'Harmattan, Sous la direction de Lahsen Abdelmalki, KarimaBounernra Ben Soltane et Mustapha Sadni-lallab.

• Discours et savoirs sur les langues dans l'aire de la Méditerranée.Edition l'Harmattan, Teddy Arnavielle et Christian Camps (Ed.) Langue

et parole

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Pistes bibliographiques 227

• Nouvelle Méditerranée, Conflits et coexistence pacifique. Il nuovoMediterraneo conflitti e coesistenza pacifica. Bilingue français-italien.

Edition l'Harmattan, sous la direction de Dominique Bendo-SoupouGéopolitique, Relations internationales, Diplomatie Méditerranée.

• Emergence en Méditerranée, investissements internationaux etdélocalisations

Edition l'Harmattan, Hakim Ben Hammouda, Nassim Oulmane, RenéSandretto, Histoire et perspectives méditerranéennes.

• Europe pour la Méditerranée, de Barcelone à Barcelone (1995-2008)Edition l'Harmattan, Bichara Khader, actualité sociale et politique.

Géopolitique, Relations internationales, Diplomatie Maghreb, Mondearabe, Moyen-Orient Géopolitique.

• Chypre : un enjeu géopolitique actuelEdition l'Harmattan, Emel Akcali, Histoire et perspectives

méditerranéennes Géopolitique, Relations internationales, Diplomatie,Diplomatie Europe, Chypre Grèce Turquie.

• Influence juridique islamique au Maghreb :Algérie-Libye-Maroc­Mauritanie-Tunisie

Edition l 'Harmattan, Stéphane Papi Préface de Robert Charvin, Histoireet perspectives méditerranéennes. Droit, Justice, Religion, Maghreb,Monde arabe, Moyen-Orient.

• L'Europe au miroir de la TurquiePolitique européenne, nO 29, automne 2009.Edition l'Harmattan, Auteur: Nicolas Monceau et Collectif.

IV. Liens utiles

• Site de MEDSTAT II - Final Forum :http://www.medstat-finalforum.org

• Site officiel du programme MEDSTAT II :http://epp.eurostat.ec.europa.eu/portallpage/portallmedstat/introduction!

• Direction générale de la concurrence :http://ec.europa.eu/dgs/competition/indexjr.htm

• Direction générale de la recherche:http://ec.europa.eu/research/index.cfm?lg=fr

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228 Le statut avancé à l'épreuve de l'Union pour la Méditérrannée

• Centre commun de recherche :http://ec.europa.eu/dgs/jrc/index.cfm

• Direction générale de la société de l'information et des médias:http://ec.europa.eu/dgs/information_society/indexjr.htm

• Éducation:http://ec.europa.eu/education/indexjr.htm

• Direction générale de l'énergie et des transports:http://ec.europa.eu/dgs/energy_transport/index_en.htm

• Marché intérieur :http://ec.europa.eu/intemaCmarket/indexjr.htm

• Direction générale de l'élargissement:http://ec.europa.eu/enlargement/indexjr.htm

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