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Chroniques annuelles 2017 de l’actualité Belgique 1 CIPF COMITÉ INTERNATIONAL DES PÉNALISTES FRANCOPHONES L’opposition en procédure pénale belge depuis la loi Pot-Pourri II Olivier Michiels Conseiller à la cour d’appel de Liège Chargé de cours à l’Université de Liège I. Introduction 1. La procédure pénale belge a subi, à la suite de la réforme « pot-pourri II » 1 , des modifications importantes. Le législateur a notamment revisité, de manière substantielle, les règles qui encadrent les voies de recours. Dans les lignes qui vont suivre, nous nous attarderons exclusivement sur les innovations apportées par la loi « pot-pourri II » en matière d’opposition. Le Code d’instruction criminelle dispose que si la personne citée, ou l’avocat qui la représente 2 ne comparaît pas au jour et à l’heure fixés dans la citation, elle sera jugée par défaut 3 . La personne condamnée par défaut peut faire opposition 4 . L’opposition est une voie de recours ordinaire. Le but de ce recours est de permettre à la partie qui n’a pu faire entendre ses moyens de ramener la cause devant la juridiction qui a précédemment statué afin d’en obtenir un réexamen contradictoire. L’opposition est donc une voie normale de rétractation consistant à substituer une décision contradictoire à la décision rendue par défaut 5 . Elle est, selon l’expression du chevalier Braas, communément qualifié de recours « du juge mal informé devant le juge bien informé » 6 . Pour la Cour européenne des droits de l’homme, une procédure se déroulant en l'absence du prévenu n'est pas en soi incompatible avec l'article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme. Il demeure néanmoins que selon la Cour un déni de justice est constitué lorsqu'un individu condamné in absentia ne peut obtenir ultérieurement qu'une juridiction statue à nouveau, après l'avoir entendu, sur le bien- fondé de l'accusation en fait comme en droit, alors qu'il n'est pas établi qu'il a renoncé 1 Loi du 5 février 2016 modifiant le droit pénal et la procédure pénale et portant des dispositions diverses M.B., 19 février 2016 2 Cette représentation est de droit en Belgique en vertu de l’article 185 du Code d’instruction criminelle ; voy. C.E.D.H., Van Geyseghem c. Belgique, 21 janvier 1999, Rev. dr. pén., 1999, p. 780 et note de M. A. BEERNAERT ; C.E.D.H., Goedhart c. Belgique, 20 mars 2001, J.L.M.B., 2001, p. 1003 et obs. F. KUTY. 3 Voy. l’article 186 du Code d’instruction criminelle. 4 Voy. les articles 171 (pour le tribunal de police), 187 (pour le tribunal correctionnel) et 208 (pour la cour d’appel) du Code d’instruction criminelle. 5 A. BRAAS, Précis de procédure pénale tome 2 : livre second du code d’instruction criminelle, 1951, p. 633. 6 Ibidem, p. 633 ; O. MICHIELS, L’opposition en procédure pénale, Les Dossiers du Journal des tribunaux, n° 47, Larcier, 2004, pp. 9-10 ; M.A. BEERNAERT, H.D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de la procédure pénale, La Charte, 8 e éd., 2017, p. 1451.

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Chroniques annuelles 2017 de l’actualité Belgique

1 CIPF COMITÉ INTERNATIONAL DES

PÉNALISTES FRANCOPHONES

L’opposition en procédure pénale belge depuis la loi Pot-Pourri II

Olivier Michiels

Conseiller à la cour d’appel de Liège Chargé de cours à l’Université de Liège

I. Introduction 1. La procédure pénale belge a subi, à la suite de la réforme « pot-pourri II » 1, des modifications importantes. Le législateur a notamment revisité, de manière substantielle, les règles qui encadrent les voies de recours. Dans les lignes qui vont suivre, nous nous attarderons exclusivement sur les innovations apportées par la loi « pot-pourri II » en matière d’opposition. Le Code d’instruction criminelle dispose que si la personne citée, ou l’avocat qui la représente2 ne comparaît pas au jour et à l’heure fixés dans la citation, elle sera jugée par défaut3. La personne condamnée par défaut peut faire opposition4. L’opposition est une voie de recours ordinaire. Le but de ce recours est de permettre à la partie qui n’a pu faire entendre ses moyens de ramener la cause devant la juridiction qui a précédemment statué afin d’en obtenir un réexamen contradictoire. L’opposition est donc une voie normale de rétractation consistant à substituer une décision contradictoire à la décision rendue par défaut5. Elle est, selon l’expression du chevalier Braas, communément qualifié de recours « du juge mal informé devant le juge bien informé »6. Pour la Cour européenne des droits de l’homme, une procédure se déroulant en l'absence du prévenu n'est pas en soi incompatible avec l'article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme. Il demeure néanmoins que selon la Cour un déni de justice est constitué lorsqu'un individu condamné in absentia ne peut obtenir ultérieurement qu'une juridiction statue à nouveau, après l'avoir entendu, sur le bien-fondé de l'accusation en fait comme en droit, alors qu'il n'est pas établi qu'il a renoncé

1 Loi du 5 février 2016 modifiant le droit pénal et la procédure pénale et portant des dispositions diverses M.B., 19 février 2016 2 Cette représentation est de droit en Belgique en vertu de l’article 185 du Code d’instruction criminelle ;

voy. C.E.D.H., Van Geyseghem c. Belgique, 21 janvier 1999, Rev. dr. pén., 1999, p. 780 et note de M.

A. BEERNAERT ; C.E.D.H., Goedhart c. Belgique, 20 mars 2001, J.L.M.B., 2001, p. 1003 et obs. F. KUTY. 3 Voy. l’article 186 du Code d’instruction criminelle. 4 Voy. les articles 171 (pour le tribunal de police), 187 (pour le tribunal correctionnel) et 208 (pour la cour d’appel) du Code d’instruction criminelle. 5 A. BRAAS, Précis de procédure pénale tome 2 : livre second du code d’instruction criminelle, 1951, p.

633. 6 Ibidem, p. 633 ; O. MICHIELS, L’opposition en procédure pénale, Les Dossiers du Journal des

tribunaux, n° 47, Larcier, 2004, pp. 9-10 ; M.A. BEERNAERT, H.D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de la procédure pénale, La Charte, 8e éd., 2017, p. 1451.

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à son droit de comparaître et de se défendre, ni qu'il a eu l'intention de se soustraire à la justice 7. 2. Une fois la décision par défaut prononcée, la partie défaillante n’a pas l’obligation de former opposition. En effet, rien ne lui interdit de privilégier la voie de l’appel et de soumettre sa cause à la juridiction de second degré. Quel que soit le choix du justiciable, toute décision rendue par défaut doit faire l'objet d'une signification par huissier. Cette signification aura lieu à l'initiative du ministère public ou éventuellement de la partie civile ou de l’administration poursuivante. Cette formalité est indispensable pour porter officiellement à la connaissance du défaillant l'existence et la teneur de la décision rendue par défaut. Par signification d’une décision rendue par défaut, il faut entendre la remise, par exploit d’huissier, d’une copie conforme et, partant, intégrale de la décision signifiée8. La signification du jugement pénal, qu'elle intervienne à l'initiative du ministère public ou de la partie civile, profite, en ce qui concerne l'écoulement des délais de recours, à l'autre partie qui n'a pas pris l'initiative de cette signification9. Précisons encore que la signification se fera conformément aux articles 32 et suivants du Code judiciaire et elle aura lieu, en principe, à personne. Si elle ne peut être faite à personne, elle se fera au domicile, à la résidence ou au domicile élu ou, à défaut, au procureur du Roi. En effet, lorsque le destinataire de l’exploit n’a en Belgique ou à l’étranger10 ni domicile, ni résidence, ni domicile élu, la signification de la décision se réalisera conformément à l’article 40 du Code judiciaire au parquet du procureur du Roi. Cette signification à parquet doit être admise lorsque le domicile du destinataire en Belgique n'est pas connu et que cette ignorance est imputable à la négligence de ce dernier11. L’on notera que la signification par le ministère public au ministère public ne nécessite pas l’intervention d’un huissier de justice, puisqu’elle est réputée accomplie par

7 C.E.D.H., 12 février 1985, Colozza c. Italie; C.E.D.H., 13 février 2001, Krombach c. France; C.E.D.H., 1er mars 2006, Sejdovic c. Italie ; C.E.D.H., Da Luz Domingues Ferreira c. Belgique, 24 mai 2007 ;

J.L.M.B., 2009, p. 4 et note de P. THEVISSEN, « L'information du justiciable quant aux voies de recours : lorsqu'apparaissent les lacunes d'un système »; C.E.D.H., Hakimi c. Belgique, 29 juin 2010 ; C.E.D.H.,

Faniel c. Belgique, 1er mars 2011, J.L.M.B., 2011, p. 794 et note de P. THEVISSEN, « La notification des règles d'opposition comme condition du procès équitable » ; C.E.D.H., Singh et autres c. Belgique,

2 octobre 2012 ; C.E.D.H., Lena Atanasova c. Bulgarie, 26 janvier 2016. 7 C.E.D.H., Lena Atanasova c. Bulgarie, 26 janvier 2016. 8 M.A. BEERNAERT, H.D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de la procédure pénale, La Charte, 8e

éd., 2017, pp. 1461-1462 ; Cass., 26 janvier 2011, RG P.11.0035 F. 9 M. FRANCHIMONT, A. JACOBS et A. MASSET, Manuel de procédure pénale, 4e édition, Larcier,

Bruxelles, 2012, p. 998. 10 Voy. l’article 7 de la Convention européenne d’entraide judiciaire en matière pénale du 20 avril 1959; Cass., 27 avril 2011, RG P.10.1752.F. 11 Cass., 10 mai 2006, Rev. dr. pén., 2006, p. 1171 et note d’O. MICHIELS, « L’élection de domicile en procédure pénale ».

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Chroniques annuelles 2017 de l’actualité Belgique

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l’apposition, sur l’acte, de mentions lui donnant date certaine par un greffier d’un tribunal ou d’une cour12. La Cour européenne des droits de l’homme a encore imposé à la Belgique, dans plusieurs arrêts de condamnation13, d’informer, concrètement, le justiciable sur les voies de recours existantes, y compris lorsque la signification a lieu sur le territoire national. L’État belge a reconnu la nécessité d’une telle information et a pris des mesures dans ce sens comme en témoigne la circulaire du 28 juin 2008 « relative à la notification de ses droits à une personne condamnée par défaut détenue ou non au sein du Royaume ou à l’étranger »14. 3. L’opposition formée par la partie défaillante est soumise au respect de conditions de forme et de délais. Nous le savons le droit d’accès au juge ne peut pas être absolu et peut souffrir de limitations. Celles-ci ne doivent cependant pas empêcher le justiciable d’exercer un recours effectif contre une décision susceptible de léser ses droits. En d’autres termes, les restrictions imposées au droit d’accès au juge doivent avoir un but légitime et s’inscrire dans un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé15. La loi « pot-pourri II » a, comme nous l’avons annoncé, apporté certaines modifications à la matière. Celles-ci portent tout particulièrement sur les formes de l’opposition (point II) et les décisions susceptibles d’être prononcées à l’issue d’un tel recours (point IV). Dans cette brève chronique, nous avons pris le parti de nous attacher exclusivement à ces nouveautés, tout en prenant soin de rappeler les délais d’opposition (point III) et les conséquences d’un appel dirigé contre une opposition non avenue (point VI). Nous envisagerons encore la manière dont la Cour constitutionnelle s’est prononcée sur le recours en annulation dirigée contre la loi « pot-pourri II » (point V) et nous terminerons par une rapide conclusion (point VII). II. Les formes de l’opposition 4. L’opposition est, en principe, signifiée aux parties contre lesquelles elle est formée. C’est, en effet, la signification par exploit d’huissier qui saisit la juridiction compétente. L’opposition peut être dirigée conjointement contre les condamnations civiles et pénales. Si le prévenu entend remettre en cause les seules condamnations civiles de la décision querellée, l’opposition est signifiée uniquement à la partie civile. Parmi les modifications apportées par la loi « pot-pourri II » qui touchent aux formes de l’opposition, nous en retiendrons deux.

12 Voy. l’article 40 in fine du Code judiciaire. 13 C.E.D.H., Da Luz Domingues Ferreira c. Belgique, 24 mai 2007 ; C.E.D.H., Hakimi c. Belgique, 29 juin

2010 ; C.E.D.H., Faniel c. Belgique, 1er mars 2011 ; voy. encore Cass., 9 avril 2008, P.08.0051.F. 14 Col. 5/2008 du 28 juin 2008 du Collège des procureurs généraux. 15 O. MICHIELS, La jurisprudence de la Cour constitutionnelle en procédure pénale : le Code d’instruction criminelle remodelé par le procès équitable ?, Limal, Anthemis, 2015, pp. 541-543.

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La première porte sur la suppression de la possibilité de former opposition contre les jugements prononcés par le tribunal de police par la simple déclaration au bas de l’acte de signification en application de l’ancien article 151 du Code d’instruction criminelle16. Quand bien même cette forme d’opposition était fort peu usitée en pratique, l’on ne peut que regretter que le législateur supprime une forme de l’opposition rapide et gratuite. La seconde est relative à l’opposition formée par le détenu ou l’interné et qui est faite par déclaration au directeur de l’établissement pénitentiaire ou à son délégué17. En effet, à l’origine, le directeur de la prison ne pouvait dresser procès-verbal de la déclaration de l’opposition du détenu que s’il était constaté que ce dernier n’était pas détenteur de la somme nécessaire pour couvrir les frais dus à un huissier de justice. Cette condition d’indigence a été supprimée par la loi « pot-pourri II » dès lors qu’elle était perçue comme une « source de complications et d’injustices sans avoir aucun intérêt pratique »18. Cette modification doit être saluée. Il n’est pas inutile de préciser que la Cour constitutionnelle fut interrogée, par voie de question préjudicielle posée par la Cour de cassation par arrêt du 12 décembre 2014, sur l’incidence de cette condition d’indigence qui, si elle n’est pas rencontrée, empêchait le détenu de former opposition entre les mains du directeur alors que les déclarations d’appel ou de recours en cassation d’un même détenu pouvaient être faites sans restriction aux directeurs de ces établissements ou à leur délégué. La réponse de la Cour constitutionnelle fut limpide ; elle estima qu’en « réservant la possibilité d’exercer la voie de recours disponible par une déclaration faite au directeur de la prison ou à son délégué, aux détenus qui souhaitent interjeter appel d’un jugement ou se pourvoir en cassation contre un jugement ou un arrêt et en excluant cette même possibilité pour les détenus qui souhaitent faire opposition à un jugement du tribunal correctionnel les condamnant par défaut à une peine correctionnelle, le législateur a porté atteinte, sans justification raisonnable, au droit à un égal accès au juge »19. 5. L’opposition emporte, conformément à l’article 187 § 3 du Code d’instruction criminelle, de droit citation à la première audience après l’expiration d’un délai de quinze jours ou, si l’opposant est détenu, de trois jours. Selon la jurisprudence de la Cour de cassation, la citation a une audience plus lointaine que celle qui suit l’expiration du délai de quinze ou trois jours m’entraine pas la déchéance de l’opposition du prévenu20. III. Les délais d’opposition

16 N. COLETTE-BASECQZ et E. DELHAISE, « La phase de jugement et les voies de recours : éléments

neufs », in La loi « pot-pourri II » : un recul de civilisation, Anthemis, 2016, p. 162. 17 F. CLOSE, « Les déclarations de recours faites au directeur de l’établissement pénitentiaire ou à son

délégué », Rev. dr. pén., 2010, pp. 152-163. 18 Doc. Parl., Ch., sess. 2015-2016, n° 54-1418/005, p. 22. 19 C. Const., 5 février 2016, n° 93/2016. 20 Cass., 12 février 2003, Rev. dr. Pén., 2003, p. 912 et note « La déchéance de l’opposition du prévenu en matière correctionnelle ».

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Le délai ordinaire d’opposition

6. Le délai d’opposition est de quinze jours21. Ce délai ordinaire d’opposition court non point à partir de la date de la décision rendue par défaut mais bien à compter de la date de la signification régulière de cette décision. Le délai se calcule conformément au droit commun ; le dies a quo ne compte pas contrairement au dies ad quem (l’opposition doit donc intervenir au plus tard le quinzième jour).22 Si le dernier jour est un samedi, un dimanche ou un jour férié légal, le délai est prolongé jusqu’au plus prochain jour ouvrable. 23 L’augmentation du délai, conformément à l’article 55 du Code judiciaire24, n’est pas applicable au délai ordinaire d’opposition en vertu de l’article 3 de l’A.R. n° 301 du 30 mars 1936.25 Seule une signification régulière de la décision rendue par défaut donne ouverture au délai d’opposition26. La Cour de cassation rappelle que l’article 6.1 de la Convention européenne des droits de l’homme impose que la signification mentionne le droit de former opposition ainsi que les délais impartis pour l’exercer27. A contrario, ce délai ne court pas si la signification est irrégulière 28 . En outre, rien n’empêche la partie condamnée par défaut de former opposition dès qu’elle a eu connaissance de la décision et ce, quand bien même celle-ci n’aurait pas été signifiée.29

Le délai extraordinaire d’opposition 7. À l’expiration du délai ordinaire d’opposition, lorsque la décision prononcée

par défaut n’a pas pu être signifiée à personne30, le prévenu peut former opposition dans les quinze jours qui suivent celui où il a pris connaissance de la signification. Il s’agit du délai extraordinaire d’opposition 31 . En pratique, il appartient au juge d’apprécier souverainement à quel moment le prévenu a pris connaissance de la signification.32 Ce dernier n’a pas la charge de prouver la

21 voy. l’article 187 § 1er alinéa 1er du Code d’instruction criminelle. 22O. MICHIELS, L’opposition en procédure pénale, Les dossiers du Journal des Tribunaux, Larcier, n°

47, 2004, pp. 41-51. 23 Article 644 du Code d’instruction criminelle. 24 L’article 55 du Code judiciaire prolonge les délais à l’égard de la partie qui n’a ni domicile, ni résidence,

ni domicile élu en Belgique. 25 Cass., 3 janvier 1990, Pas., 1990, p. 510 ; Cass., 1 mars 1988, Pas., 1988, p. 785 ; Cass., 16 mai

2001, Pas., 2001, n° 287. 26La Cour de cassation précise que la signification doit contenir une copie intégrale de la décision (Cass., 6 juin 2012, J.L.M.B., 2012, p. 1510). 27 Cass., 9 mars 2016, J.L.M.B., 2017, p. 636; voy. encore C.E.D.H., Da Luz Domingues Ferreira c. Belgique, 24 mai 2007 ; C.E.D.H., Hakimi c. Belgique, 29 juin 2010 ; C.E.D.H., Faniel c. Belgique, 1er

mars 2011. 28 Cass., 14 novembre 1989, Bull., 1990, p. 322 ; J.T., 1990, p. 327. 29 Comme l’indiquent toutefois M. FRANCHIMONT, A. JACOBS et A. MASSET, le prévenu ne peut faire

opposition à un jugement autant de fois qu’il le veut, sous prétexte que ledit jugement ne lui a pas encore été signifié. En effet, le jugement déclarant l’opposition non avenue forme corps avec le

jugement par défaut, lui restitue toute sa force et le rend définitif de telle sorte qu’il ne peut plus être attaqué par voie de l’appel. (Manuel de procédure pénale, 4ème éd., Larcier, 2012, p. 1001, note

subpaginale n° 58). 30 C’est-à-dire que la signification n’a pas été faite en parlant à la personne du prévenu. 31 Cass., 9 mars 2016, J.L.M.B., 2017, p. 636. 32Cass., 3 janvier 1989, Bull., 1989, p. 473 ; Pas., 1989, p. 473. Le juge peut notamment se fonder sur des présomptions : voir Cass., 11 mai 1988, Pas., 1988, p. 1112 ; Bull. ass., 1989, p. 76, note J.R. La

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date à laquelle il a connu la signification de la décision prononcée par défaut. C’est en effet au ministère public ou, le cas échéant, à la partie civile qui voudrait soutenir que l’opposition est tardive à établir la preuve de la prise de connaissance de la signification par le prévenu.

Le délai extraordinaire débute le lendemain du jour où le prévenu a eu connaissance de la signification33. Il n’est pas exigé qu’il ait eu effectivement connaissance du contenu de l’exploit ou de la décision rendue par défaut.34 En effet, le prévenu informé de la signification est par ce fait averti qu’il lui appartient de prendre connaissance de l’exploit et du jugement35. Si le délai extraordinaire expire un samedi, un dimanche ou un autre jour férié légal, il sera prorogé jusqu’au plus prochain jour ouvrable conformément à l’article 644, alinéa 1er du Code d’instruction criminelle. Le délai extraordinaire est encore augmenté, par application des articles 55 du Code judiciaire et 3 de l’A.R. n° 301 du 30 mars 1936, si la décision rendue par défaut et signifiée au prévenu à l’étranger n’a pas été faite à personne.36 Rappelons que l’augmentation du délai d’opposition, en vertu de l’article 55 du Code judiciaire, n’est pas applicable au délai ordinaire d’opposition. Comme le délai ordinaire d’opposition, le délai extraordinaire ne peut courir en l’absence d’une signification régulière de la décision rendue par défaut.

Le cas particulier du détenu à l’étranger 8. L’article 187 § 1er alinéa 3 du Code d’instruction criminelle réserve un sort particulier à la personne condamnée par défaut et qui prend connaissance de la signification de la décision par la signification d’un mandat d’arrêt européen, d’une demande d’extradition ou qui a été arrêtée à l’étranger au moment où le délai d’opposition n’a pas encore expiré. La volonté du législateur a été de postposer le point de départ du délai d’opposition lorsque le prévenu est détenu à l’étranger et qu’il prend connaissance de la signification durant cette incarcération ou moins de quinze jours avant celle-ci. Le délai d’opposition commencera, en principe, à courir à partir de la remise du prévenu en Belgique pour autant qu’il n’ait pas été, entretemps, remis en liberté par l’autorité étrangère37.

La prescription de la peine

Cour précise « d'une part, les dispositions des articles 1349 et 1353 du Code civil sont étrangères à la

matière répressive ; (…) d'autre part, le juge du fond apprécie en fait la valeur probante des éléments qui lui sont régulièrement soumis. ». 33 Cass., 20 novembre 2001, RG P.00.0494.N. 34 Cass., 21 octobre 1986, Pas., 1987, p. 235 et note ; Cass., 3 mai 1988, Bull., 1988, p. 1051 ; Pas., 1988, p. 1051 ; Cass., 8 juillet 1997, Bull., 1997, p. 780. 35 Bruxelles, 17 avril 1989, Rev. dr. pén, 1990, p. 89. 36 Cass., 28 mai 2002, RG P.02.0364.N ; Cass., 18 octobre 1994, Pas., 1994, p. 826 et note ; Cass., 1

mars 1988, Bull., 1988, p. 785. 37 Cass., 14 avril 2015, Pas., 2015, n° 248.

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Chroniques annuelles 2017 de l’actualité Belgique

7 CIPF COMITÉ INTERNATIONAL DES

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9. L’article 187 § 1er alinéa 4 du Code d’instruction criminelle dispose que s’il n’est pas établi que le prévenu a eu connaissance de la signification, il pourra faire opposition jusqu’à l’expiration des délais de prescription de la peine. Pour la Cour de cassation, le délai de prescription de l’action publique est, à l’expiration du délai ordinaire d’opposition, suspendu et remplacé par le délai de prescription de la peine. Le délai suspendu ne reprend son cours qu’à la date de l’opposition, déclarée recevable, formée contre le jugement rendu par défaut38. Il s’ensuit qu’une opposition formée par le prévenu, après la prescription de la peine, sera jugée irrecevable et ce même lorsque le prévenu a pris connaissance de la signification postérieurement à la date de la prescription de la peine39. Une décision prononcée par défaut qui a été régulièrement signifiée acquiert, à l’échéance du délai ordinaire d’opposition, force de chose jugée sous la condition résolutoire d’une opposition recevable diligentée dans le délai extraordinaire40. Aussi, une telle décision rendue par défaut peut parfaitement servir de base à la récidive, donner lieu à une mention dans le casier judiciaire ou, le cas échéant, faire obstacle à l’octroi d’un sursis ou au bénéfice de la suspension du prononcé de la condamnation. En somme, la décision prononcée par défaut qui, en raison de l’expiration du délai de prescription de la peine, ne peut plus être revue par voie de l’opposition devient ipso facto un antécédent judiciaire définitif. La Cour constitutionnelle a estimé que cette règle ne violait pas la Constitution et que le législateur a pu adéquatement estimer que l’opposition, formée dans le délai extraordinaire, ne pouvait être reçue que lorsque la peine n’est pas prescrite en application des articles 91 à 93 du Code pénal. Faisant preuve d’un certain pragmatisme, la Cour observe, en effet, que plus la période entre le jugement par défaut et l’opposition est longue plus il sera malaisé pour le juge de réexaminer la cause et moins il sera justifiable, au regard des droits de la partie civile cette fois, de bousculer ses intérêts41. IV. Les décisions sur opposition

L’opposition irrecevable 10. L’article 187 § 5 du Code d’instruction criminelle dispose que l’opposition est déclarée irrecevable notamment :

- lorsque la signification n’a pas été faite dans les formes et délais légaux, sauf cas de force majeure ;

- si le jugement n’a pas été rendu par défaut ; - si l’opposant a formé préalablement un appel recevable.

38 Cass., 24 mai 1995, J.T., 1995, p. 718 ; O. MICHIELS, L’opposition en procédure pénale, Les dossiers

du Journal des Tribunaux, Larcier, n° 47, 2004, p. 46. 39 Cass., 22 février 1994, Pas., 1994, p. 193. 40 Cass., 9 octobre 1985, Pas., 1986, p. 138. 41 C. const., 6 novembre 2014, Rev. dr. pén., 2015, p. 370 et note O. MICHIELS « L’opposition et le délai de prescription de la peine ».

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L’opposition sera pareillement déclarée irrecevable en application de l’adage « opposition sur opposition ne vaut ». Dès que le juge déclare l’opposition irrecevable, la décision prononcée par défaut sort ses pleins et entiers effets42. Le titre préliminaire du Code de procédure pénale prévoit encore que la prescription de l’action publique est suspendue lorsqu’un prévenu forme une opposition qui est déclarée irrecevable ou non avenue pendant le traitement de celle-ci. Cette suspension court depuis l’acte d’opposition jusqu’à la décision constatant que l’opposition est irrecevable ou non avenue43.

L’opposition déclarée non avenue: 11. Si l’opposition est recevable, il appartiendra encore au juge d’apprécier si celle-ci n’est pas non avenue. L’« opposition non avenue » signifie que l’opposition est recevable mais considérée comme étant frappée de déchéance, ce qui implique que le jugement rendu par défaut contre lequel l’opposition était dirigée demeure inchangé. Il s’agit d’une sanction particulière qui est imposée en raison de circonstances déterminées, liées au comportement de l’opposant. Il s’ensuit que la décision qui déclare l’opposition non avenue a pour conséquence que la juridiction qui a statué par défaut ne doit pas réexaminer le fond de l’affaire dans le cadre d’une procédure d’opposition. La décision rendue par défaut subsiste et est uniquement susceptible d’appel ou, si elle est rendue en degré d’appel, de pourvoi en cassation44.

12. La loi « pot-pourri II » a étendu les hypothèses dans lesquelles l’opposition est déclarée non avenue. Cette extension a été justifiée, lors des débats parlementaires, par le constat qu’« en son état actuel, la procédure de l’opposition fait l’objet d’abus de la part de certains prévenus dont le défaut est soit dû à leur propre négligence, soit utilisé comme stratégie de défense dilatoire visant à un dépassement du délai raisonnable, voire à une prescription de l’infraction du chef de laquelle ils sont poursuivis. L’opposition étant admise en première instance et en degré d’appel, il arrive qu’une affaire soit traitée à quatre reprises » 45 . Il résulte encore des travaux préparatoires que cette extension « sert en outre les intérêts des victimes, qui sont souvent découragées par l’obligation de suivre les débats à plusieurs reprises, avec les pertes de temps et les frais d’honoraires d’avocats qui en découlent »46.

42 M.A. BEERNAERT, H.D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de la procédure pénale, La Charte, 8e éd., 2017, p. 1473 ; voy. encore l’article 187 § 4 du Code d’instruction criminelle. 43 Voy. l’article 24 alinéa 3 du titre préliminaire du Code de procédure pénale; Cass., 1er mars 2017,

R.G. n° P.16.1283.F 44 C. Const., 21 décembre 2017, n° 148/2017, point B. 32.2 45 Doc. parl., Chambre, 2015-2016, DOC 54-1418/001, p. 73. 46 Doc. parl., Chambre, 2015-2016, DOC 54-1418/001, p. 72.

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L’article 187 § 6 du Code d’instruction criminelle dispose, dès lors, que l’opposition sera déclarée non avenue : 1° si l’opposant, lorsqu’il comparaît en personne ou par avocat et qu’il est établi qu’il a eu connaissance de la citation dans la procédure dans laquelle il a fait défaut, ne fait pas état d’un cas de force majeure ou d’une excuse légitime justifiant son défaut lors de la procédure attaquée. La reconnaissance de la force majeure ou de l’excuse invoquée reste soumise a l’appréciation souveraine du juge ; 2° si l’opposant fait a nouveau défaut sur son opposition, et ce dans tous les cas, quels que soient les motifs des défauts successifs et même si l’opposition a déjà été reçue.

La décision qui statue sur les mérites de l’opposition 13. Dès l’instant où l’opposition est déclarée recevable, sans qu’elle ne puisse être jugée non avenue, il appartient naturellement à la juridiction saisie de poursuivre l’instruction de la cause. La saisine du juge est déterminée par l’acte d’opposition ; il ne peut être question de statuer au-delà de celui-ci. Le juge peut se borner à confirmer la décision par défaut puisque, dans cette hypothèse, la décision sur l’opposition s’incorpore à la décision rendue par défaut et se confond avec elle47. V. Les moyens soulevés devant la Cour constitutionnelle en matière d’opposition 14. Lors de l’examen du recours en annulation dirigé contre la loi « pot-pourri II », la Cour constitutionnelle sera interrogée sur la question de savoir si les notions d’« excuse légitime » et de «reconnaissance de la force majeure ou de l’excuse invoquées restant soumise à l’appréciation souveraine du juge », utilisées par l’article 187, § 6 du Code d’instruction criminelle sont compatibles avec le principe de légalité combinés ou non avec les articles 6 et 13 de la Convention européenne des droits de l’homme, avec l’article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et avec les principes généraux du droit relatifs au droit à un procès équitable, au respect des droits de défense, au droit d’accès au juge et au droit à un recours effectif48. La Cour Constitutionnelle, pour poser le débat, rappellera que la loi pénale doit être formulée en des termes qui permettent à chacun de connaître, au moment où il adopte un comportement, si ce comportement est punissable ou non et la peine éventuellement encourue. Les principes de légalité et de prévisibilité sont, en effet, applicables à l’ensemble de la procédure pénale. Ces dispositions entendent exclure tout risque d’intervention arbitraire de la part du pouvoir exécutif ou du pouvoir judiciaire dans l’établissement et l’application des peines. Le principe de légalité en matière pénale ne va toutefois

47 Cass., 28 novembre 1990, Pas., 1991, p. 318.

48 C. Const., 21 décembre 2017, n° 148/2017, point B.33 ; D. VANDERMEERSCH et M.A. BEERNAERT, « La Cour constitutionnelle recadre le législateur « pot-pourri II » : l'arrêt 148/2017 du 21 décembre

2017 », J.T., 2018, p. 86.

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pas jusqu’à obliger le législateur à régler lui-même chaque aspect de l’incrimination, de la peine ou de la procédure pénale. Plus précisément, il n’empêche pas que le législateur attribue un pouvoir d’appréciation au juge ou au ministère public. Il faut en effet tenir compte du caractère de généralité des dispositions législatives, de la diversité des situations auxquelles elles s’appliquent et de l’évolution des comportements qu’elles répriment49. En l’espèce, la Cour constitutionnelle souligne que ce n’est pas la légalité de l’incrimination ou de la peine qui est en cause mais celle de la procédure pénale. L’exigence de prévisibilité de la procédure pénale garantit à tout citoyen qu’il ne peut faire l’objet d’une information, d’une instruction et de poursuites que selon une procédure établie par la loi et dont il peut prendre connaissance avant sa mise en œuvre. La Cour constitutionnelle poursuit en relevant que le législateur ne manque pas au droit au procès équitable et aux exigences émises en matière d’opposition par la Cour européenne des droits de l’homme en voulant combattre les abus de la procédure d’opposition par une limitation des possibilités d’exercer cette voie de recours. La Cour constitutionnelle observe encore qu’en prévoyant que l’opposition est déclarée non avenue si le défaut n’est justifié ni par la « force majeure » ni par une « excuse légitime », le législateur a sciemment laissé une grande marge d’appréciation au juge tout en garantissant au justiciable, conformément aux standards européens, que « le recours en opposition reste effectif pour les prévenus défaillants qui n’ont ni renoncé à comparaître et à se défendre ni eu l’intention de se soustraire à la justice »50.

15. En ce qui concerne « l’excuse légitime » et la reconnaissance d’un « cas de force majeure » qui restent soumises à l’appréciation souveraine du juge du fond, la Cour constitutionnelle énonce qu’il appartient à la Cour de cassation de veiller à ce que ces notions ne soient pas interprétées de manière arbitraire et de vérifier si le juge a pu légitimement déduire des faits qu’il est ou non question de force majeure ou d’excuse légitime51.

La force majeure est une notion exigeante qui suppose qu’il soit démontré que le défaut est imputable à un événement imprévisible et insurmontable. Elle n’est guère nouvelle et la jurisprudence52 en a cerné la portée. Il n’en est pas de même pour l’excuse légitime.

Celle-ci a été définie restrictivement par la Cour de cassation 53 comme toute circonstance invoquée pour expliquer l’absence du défaillant pour laquelle on peut faire

49 O. MICHIELS, La jurisprudence de la Cour constitutionnelle en procédure pénale : le Code d’instruction criminelle remodelé par le procès équitable ?, Limal, Anthemis, 2015, pp. 284-293. 50 C. Const., 21 décembre 2017, n° 148/2017, point B.35.2. 51 C. Const., 21 décembre 2017, n° 148/2017, point B.35.3. 52 Voy. par exemple, Cass., 12 février 2013, Pas., 2013, n° 98 ; Cass., 12 janvier 2012, Pas., 2012, n °

33 ; Cass., 8 avril 2009, Pas., 2009, n ° 248 ; Cass., 3 mai 2011, Pas., 2011, n ° 292; Cass., 29 juin 2010, Pas., 2010, n °472; Cass., 27 avril 2010, Pas., 2010, n °285. 53 Cass., 25 avril 2017, n° P.17.0066N; D. VANDERMEERSCH, « Les voies de recours après la loi Pot-pourri II », in La loi Pot-pourri II, un an après, Larcier, 2017, p. 246.

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preuve de compréhension sans que l’on puisse cependant lui reprocher une faute ou une négligence.

La Cour constitutionnelle, quant à elle, en se fondant sur les travaux préparatoires de la loi, retient que la notion « d’excuse légitime » doit être interprétée en tant qu’elle couvre des cas qui ne peuvent être assimilés à des hypothèses de force majeure et où l’opposant avait connaissance de la citation mais invoque un motif faisant apparaître que son absence ne signifiait pas qu’il souhaitait renoncer à son droit de comparaître et de se défendre, ou se soustraire à la justice.

L’on perçoit que la définition apportée par la Cour constitutionnelle à la notion d’excuse légitime veille à laisser au juge une certaine marge d’appréciation, elle-même contenue par les limites du principe de légalité.

La Cour constitutionnelle estime encore que les nouvelles modalités procédurales qui encadrent l’opposition, et qui se rapprochent de la procédure en réhabilitation54, ne contreviennent pas à l’article 13 de la Constitution qui implique un droit d’accès au juge compétent. En effet, la Cour insiste sur le fait qu’il appartient au législateur de décourager les abstentions injustifiées sans toutefois qu’il ne soit porté atteinte aux droits du prévenu de comparaître, avec s’il échet, l’assistance d’un conseil, s’il est démontré qu’il voulait faire entendre sa défense et qu’il n’a pas voulu se dérober à l’exercice de l’action publique.

Pour la Cour, les conditions cumulatives55 qui encadrent les hypothèses dans lesquelles le juge peut déclarer l’opposition non avenue – à savoir, d’une part, la preuve, qui doit être rapportée avec certitude par la partie publique ou la partie civile, de la prise de connaissance par l’opposant de la citation et, d’autre part, le fait que le prévenu démontre à suffisance l’existence d’un cas de force majeure ou d’une excuse légitime, sans qu’il ne soit tenu d’en apporter la preuve – ne heurtent pas le droit d’accès à un tribunal.

16. En ce qui concerne le défaut réitéré qui conduira également le juge a déclaré l’opposition non avenue, la Cour constitutionnelle convient qu’il peut être justifié qu’une absence soit appréciée plus sévèrement à l’égard d’une partie qui a déjà fait défaut et qui, par son opposition, a pris l’initiative de provoquer un débat contradictoire. Cependant, la Cour constitutionnelle retient que l’opposition ne peut être déclarée non avenue si une cause de force majeure justifie l’absence de l’opposant au cours de la procédure d’opposition56.

VI. L’appel dirigé contre l’opposition déclarée non avenue 17. L’article 187 § 9 du Code d’instruction criminelle dispose que l’appel diligenté contre l’opposition non avenue saisit le juge d’appel du fond de l’affaire même si aucun appel n’a été formé contre le jugement rendu par défaut.

54 Voy. l’article 630 du Code d’instruction criminelle. 55 Voy. aussi Cass., 14 décembre 2016, R.G. n° P.16.1155.F. 56 La Cour, dans cet arrêt du 21 décembre 2017, n° 148/2017, cite Doc. Parl. , 2015-2016, Doc. 54-1418/001, p. 81 et Doc. 54-1418/005, pp. 110-111.

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Il s’ensuit que le juge d’appel devra, s’il est régulièrement saisi et dans la limite de sa saisine, se prononcer sur le fond de la cause57. L’appel dirigé contre un jugement déclarant une opposition non avenue garantit de la sorte au justiciable que le juge d’appel s’attachera à examiner les mérites des actions remises en cause devant lui. En revanche, la juridiction d’appel, si ce n’est sous l’angle des frais, n’est pas en mesure, lorsque le premier juge estime que l’opposant ne peut se prévaloir « d’une excuse légitime », de sanctionner l’appréciation qui en a été faite et qui a concrètement privé le justiciable de la possibilité d’obtenir une rétraction de la décision prononcée par défaut. Le législateur a, en effet, décidé de soustraite au contrôle des juridictions d’appel l’examen de l’appréciation faite par le premier juge qui porte sur les causes de la non-comparution de l’opposant. Ce faisant, il convient d’observer qu’aucun contrôle effectif de la décision entreprise en tant qu’elle s’attache à la notion « d’excuse légitime » - condition procédurale qui est, en définitive, laissée à l’appréciation souveraine de chaque juge d’instance - n’est organisé. Un tel constat est susceptible, non seulement de situations discriminantes entre les justiciables, mais encore de porter atteinte à la prévisibilité de la procédure pénale tout en restreignant, quand elle en est saisie, le contrôle de la juridiction d’appel de la condition d’ « excuse légitime » et de l’effectivité que doit, en règle, avoir la voie de recours de l’opposition. Une question préjudicielle posée par la cour d’appel de Liège et qui porte sur cette problématique est actuellement pendante devant la Cour constitutionnelle58. VII. Conclusion 18. Le législateur est en droit d’encadrer les voies de recours et de limiter celles-ci. En matière d’opposition, la loi belge s’est fixée comme objectif de combattre les abus de la procédure, en limitant la possibilité de faire opposition à un jugement rendu par défaut, tout en ayant égard au droit des parties d’être entendues et aux exigences émises en la matière par la Cour européenne des droits de l’homme. L’approche choisie, qui consiste à combiner la force majeure et le motif valable, s’apparente à celle du droit français qui permet l’opposition, d’une part, dans les situations où le prévenu n’a pas eu connaissance effective de la citation qui n’a pas été signifiée à personne et, d’autre part, dans les situations où la citation a été signifiée à personne mais le prévenu peut valablement justifier son absence59.

57 Cass., 11 janvier 2017, R.G., n° P.16.1085.F 58 M.B., 28 mars 2017, p. 40.283 la question formulée par la cour d’appel de Liège est la suivante : « L'article 187, paragraphes 6, 1°, et 9, alinéa 2, du Code d'instruction criminelle en ce qu'il conditionne

l'examen des mérites de l'opposition à la nécessité pour l'opposant de se prévaloir d'une cause légitime, tout en limitant le contrôle de la juridiction d'appel quand elle est saisie de griefs portant sur cette

condition procédurale qui a été appréciée de manière discrétionnaire par le premier juge, viole-t-il les

articles 10, 11, 12 et 13 de la Constitution, combinés le cas échéant avec les articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques de

New York ? » 59 Voy. les articles 410 à 412 du Code de procédure pénale français.

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Ce constat nous rappelle que le droit d’accès au juge peut être soumis à des conditions de recevabilité pour autant que celles-ci n’aboutissent pas à restreindre ce droit de manière telle qu’il s’en trouve atteint dans sa substance même.

En matière d’opposition, et sous la réserve des interprétations données à l’article 187 § 6 du Code d’instruction criminelle par la Cour constitutionnelle, le droit d’accès à un tribunal est, selon cette haute Cour, sauvegardé.

Cette analyse s’inscrit dans l’enseignement de la Cour européenne des droits de l’homme qui estime qu’il « n’incombe pas à l’accusé de prouver qu’il n’entendait pas se dérober à la justice, ni que son absence s’expliquait par un cas de force majeure. En même temps, il est loisible aux autorités nationales d’évaluer si les excuses fournies par l’accusé pour justifier son absence étaient valables ou si les éléments versés au dossier permettaient de conclure que son absence était indépendante de sa volonté »60. Il n’en reste pas moins que les appréciations que porteront les juges sur la notion d’« excuse légitime », en tenant compte notamment des difficultés personnelles et sociales auxquelles le justiciable défaillant est confronté61, n’ont pas fini d’agiter la jurisprudence et la doctrine belge.

60 C.E.D.H., Lena Atanasova c. Bulgarie, 26 janvier 2016. 61 Corr. Liège, (div. Huy), 1er septembre 2016, J.L.M.B., 2017, p. 640.