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6 actualités Actualités pharmaceutiques n° 498 Septembre 2010 Les décrets d’application de la loi HPST ne sont pas tous parus. À la clé, l’accès des pharmaciens à des rémunérations à l’honoraire en rapport avec leurs nouvelles missions. Les syndicats ont décrété la grève des gardes pour obtenir une négociation sur la viabilité économique de l’officine. L e premier anniversaire de la promulgation, au Journal officiel, de la loi Hôpital, patients, santé et territoires (HPST) n’a pas tenu ses promes- ses. Sur les 300 textes réglemen- taires d’application, une bonne centaine n’avait pas été publiée en date du 21 juillet 2010. L’es- sentiel de la production régle- mentaire a porté sur la nouvelle gouvernance, tant à l’hôpital que dans l’organisation du système de santé. Roselyne Bachelot, ministre de la Santé, a, dès le 15 juin, assuré aux sénateurs que « 140 textes dont 8 ordon- nances ont été pris » et que tous les autres sont « en cours de publication ». Pourtant, certains subissent un blocage “techni- que” et d’autres nécessitent un examen devant le Conseil d’État et l’autorité de la concurrence. Les textes officinaux font partie des manquants. Aucune des dispositions desti- nées à concrétiser la reconnais- sance du rôle du pharmacien dans les soins de premier recours n’est parue. Si ce n’est un arrêté (JO du 1 er juin) accordant la possibilité, parmi 97 contracep- tifs oraux, de dispenser ceux prescrits, au vu d’une ordon- nance expirée depuis moins d’un an. Décidé sans concer- tation ce “transfert de compé- tence” soulève des objections chez les médecins qui qualifient la mesure de « dangereuse ». Le statut de l’officinal En matière de coopération entre professionnels de santé, les offi- cinaux attendaient le décret pré- cisant leur rôle de “pharmacien de coordination” prévu à l’item n° 7 de l’article 38. C’était comp- ter sans la détérioration des tré- soreries des officines. En cause : une marge dégressive passée de 32 à 21 % en vingt ans. Bien que partageant le constat des syn- dicats officinaux (FSPF de Phi- lippe Gaertner , UNPF de Claude Japhet, USPO de Gilles Bonne- fond) 1 sur la précarisation écono- mique des officines, le ministère n’avait pas émis, début juillet, la moindre proposition après trois mois de concertation. Quid du rééquilibrage de la part consa- crée à la dispensation dans le prix administré du médicament ? Les trois syndicats ont alors lancé, le 10 juillet, une grève des gardes et obtenu du ministère qu’il débatte de leurs revendi- cations d’ici le 15 septembre. Le volet ambulatoire qui, pour l’essentiel, reste en chantier, se révèle des plus sensibles. À tel point que la ministre a gelé deux mesures destinées à lutter contre les déserts médicaux : l’obliga- tion faite aux médecins de décla- rer leurs vacances à l’Ordre et le contrat santé solidarité. Mais elle devrait faire paraître le décret sur les nouvelles missions du phar- macien d’officine dans les soins de premier recours (article 38), disposition qui a semé l’émoi chez les médecins et a passé, le 13 juillet, l’étape du Conseil d’État. Dans le cadre d’un proto- cole portant sur les traitements chroniques, l’officinal désigné par le patient serait le correspondant de l’équipe de soins et pourrait, après en avoir informé le méde- cin, renouveler périodiquement des traitements, ajuster la poso- logie et effectuer des bilans de médication. La FSPF déplore que les prescripteurs n’aient pas été associés. Mais Philippe Gaertner compte profiter de la reprise des négociations sur la modification de la marge dégressive lissée (MDL) pour « préparer le volet économique de l’article 38 ». À l’USPO, on entend obtenir le financement d’expérimentation de ces nouvelles missions. Mais bien que favorable à étudier une évolution du mode de rémuné- ration non plus basée sur un pourcentage du chiffre d’affaires mais incluant aussi une rémuné- ration à l’acte, la ministre a pré- venu qu’il ne s’agira pas pour autant d’augmenter l’Ondam (Objectif national des dépenses d’assurance maladie). Claude Japhet prévient : il s’opposera à la transformation de la marge en honoraire. L’article 51 en question Les dispositions découlant de l’article 51 sur les coopérations entre les professions de santé ont donné matière à un arrêté qui, paru au JO du 15 janvier , fait l’unanimité contre lui. Après le rejet du recours gracieux de sept ordres de santé, dont celui des pharmaciens, le col- lectif interassociatif de patients (CISS) demande son annulation devant le Conseil d’État. En février, les ordres avaient contesté le modèle de proto- cole type proposé qui confie au directeur général de l’ARS le soin d’autoriser tout adhé- rent à un protocole à exécuter des actes hors de son champ de compétence sans que les ordres puissent s’assurer de sa qualification. Pour le CISS, ceci va à l’encontre de la qualité des soins. En mars, la Fédération nationale des infirmiers (FNI) avait déjà déposé un recours en Conseil d’État pour faire annu- ler un arrêté « qui ouvre la porte à l’exercice illégal ». L’Union nationale des professions de santé (UNPS) s’est irritée que le ministère réduise la coopération interprofessionnelle à des trans- ferts ou des partages d’actes. Médecins, pharmaciens et autres ont eu droit dans les délais aux textes (JO du 3 juin) sur les élections aux unions régionales de professions de santé instau- rées à l’article 123 par région et par profession libérale, et sur les critères de représenta- tivité de leurs syndicats (JO du 30 mai). L’enjeu du passage par les urnes, le 29 septembre pour les médecins et le 16 décembre pour les pharmaciens, est l’ac- tualisation de la représentativité de leurs syndicats. Les résultats vont départager ceux qui seront habilités à signer des conven- tions s’ils réunissent au moins 30 % des suffrages exprimés au niveau national et ceux qui pour- ront s’opposer à une convention s’ils en réunissent 50 %. Serge Benaderette Journaliste, Paris (75) [email protected] HPST L’application de la loi tributaire des négociations sur la marge des officines 1. FSPF : Fédération des syndicats pharmaceutiques de France ; UNPF : Union nationale des pharmacies de France ; USPO : Union des syndicats de pharmacies d’officine.

L’application de la loi tributaire des négociations sur la marge des officines

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6actualités

Actualités pharmaceutiques n° 498 Septembre 2010

Les décrets d’application

de la loi HPST ne sont

pas tous parus. À la clé,

l’accès des pharmaciens

à des rémunérations

à l’honoraire en rapport

avec leurs nouvelles

missions. Les syndicats

ont décrété la grève

des gardes pour obtenir

une négociation sur

la viabilité économique

de l’officine.

Le premier anniversaire de la promulgation, au Journal officiel, de la loi Hôpital ,

patients, santé et terri toi res (HPST) n’a pas tenu ses promes-ses. Sur les 300 textes réglemen-taires d’appli ca tion, une bonne centaine n’avait pas été publiée en date du 21 juillet 2010. L’es-sentiel de la production régle-mentaire a porté sur la nouvelle gouvernance, tant à l’hôpital que dans l’organisation du système de santé. Roselyne Bachelot, ministre de la Santé, a, dès le 15 juin, assuré aux sénateurs que « 140 textes dont 8 ordon-nances ont été pris » et que tous les autres sont « en cours de publication ». Pourtant, certains subissent un blocage “techni-que” et d’autres nécessitent un examen devant le Conseil d’État et l’autorité de la concurrence. Les textes officinaux font partie des manquants.Aucune des dispositions desti-nées à concrétiser la reconnais-sance du rôle du pharmacien dans les soins de premier recours n’est parue. Si ce n’est un arrêté (JO du 1er juin) accordant la possi bi li té, parmi 97 contracep-

tifs oraux, de dispenser ceux prescrits, au vu d’une ordon-nance expirée depuis moins d’un an. Décidé sans concer-tation ce “transfert de compé-tence” soulève des objections chez les médecins qui qualifient la mesure de « dangereuse ».

Le statut de l’officinalEn matière de coopération entre professionnels de santé, les offi-cinaux attendaient le décret pré-cisant leur rôle de “pharmacien de coordination” prévu à l’item n° 7 de l’article 38. C’était comp-ter sans la détérioration des tré-soreries des officines. En cause : une marge dégressive passée de 32 à 21 % en vingt ans. Bien que partageant le constat des syn-dicats officinaux (FSPF de Phi-lippe Gaertner , UNPF de Claude Japhet, USPO de Gilles Bonne-fond)1 sur la précarisation écono-mique des officines, le ministère n’avait pas émis, début juillet, la moindre proposition après trois mois de concertation. Quid du rééquilibrage de la part consa-crée à la dispensation dans le prix administré du médicament ? Les trois syndicats ont alors lancé, le 10 juillet, une grève des gardes et obtenu du ministère qu’il débatte de leurs revendi-cations d’ici le 15 septembre. Le volet ambulatoire qui, pour l’essentiel, reste en chantier, se révèle des plus sensibles. À tel point que la ministre a gelé deux mesures destinées à lutter contre les déserts médicaux : l’obliga-tion faite aux médecins de décla-rer leurs vacances à l’Ordre et le contrat santé solidarité. Mais elle devrait faire paraître le décret sur les nouvelles missions du phar-macien d’officine dans les soins de premier recours (article 38), disposition qui a semé l’émoi

chez les médecins et a passé, le 13 juillet, l’étape du Conseil d’État. Dans le cadre d’un proto-co le portant sur les traitements chroniques, l’officinal désigné par le patient serait le correspondant de l’équipe de soins et pourrait, après en avoir informé le méde-cin, renouveler périodiquement des traitements, ajuster la poso-logie et effectuer des bilans de médication. La FSPF déplore que les prescripteurs n’aient pas été associés. Mais Philippe Gaertner compte profiter de la reprise des négociations sur la modification de la marge dégressive lissée (MDL) pour « préparer le volet économique de l’article 38 ». À l’USPO, on entend obtenir le financement d’expérimentation de ces nouvel les missions. Mais bien que favorable à étudier une évolution du mode de rémuné-ration non plus basée sur un pourcentage du chiffre d’affaires mais incluant aussi une rémuné-ration à l’acte, la ministre a pré-venu qu’il ne s’agira pas pour autant d’augmenter l’Ondam (Objectif national des dépenses d’assurance maladie). Claude Japhet prévient : il s’opposera à la transformation de la marge en honoraire.

L’article 51 en questionLes dispositions découlant de l’article 51 sur les coopérations entre les professions de santé ont donné matière à un arrêté qui, paru au JO du 15 janvier , fait l’unanimité contre lui. Après le rejet du recours gracieux de sept ordres de santé, dont celui des pharmaciens, le col-lectif interassociatif de patients (CISS) demande son annulation devant le Conseil d’État.En février, les ordres avaient contesté le modèle de proto-

cole type proposé qui confie au directeur général de l’ARS le soin d’autoriser tout adhé-rent à un protocole à exécuter des actes hors de son champ de compétence sans que les ordres puissent s’assurer de sa qualification. Pour le CISS, ceci va à l’encontre de la qualité des soins. En mars, la Fédération nationale des infirmiers (FNI) avait déjà déposé un recours en Conseil d’État pour faire annu-ler un arrêté « qui ouvre la porte à l’exercice illégal ». L’Union nationale des professions de santé (UNPS) s’est irritée que le ministère réduise la coopération interprofessionnelle à des trans-ferts ou des partages d’actes.Médecins, pharmaciens et autres ont eu droit dans les délais aux textes (JO du 3 juin) sur les élections aux unions régionales de professions de santé instau-rées à l’article 123 par région et par profession libérale, et sur les critères de représenta-tivité de leurs syndi cats (JO du 30 mai). L’enjeu du passage par les urnes, le 29 septembre pour les médecins et le 16 décembre pour les pharmaciens, est l’ac-tualisation de la représentativité de leurs syndicats. Les résultats vont départager ceux qui seront habilités à signer des conven-tions s’ils réunissent au moins 30 % des suffrages exprimés au niveau national et ceux qui pour-ront s’opposer à une convention s’ils en réunis sent 50 %. �

Serge Benaderette

Journaliste, Paris (75)

[email protected]

HPST

L’application de la loi tributaire des négociations sur la marge des officines

1. FSPF : Fédération des syndicats pharmaceutiques de France ; UNPF : Union nationale des pharmacies de France ; USPO : Union des syndicats de pharmacies d’officine.