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Monsieur Alain Guerreau L'atelier monétaire royal de Mâcon (1239-1421) In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 29e année, N. 2, 1974. pp. 369-392. Citer ce document / Cite this document : Guerreau Alain. L'atelier monétaire royal de Mâcon (1239-1421). In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 29e année, N. 2, 1974. pp. 369-392. doi : 10.3406/ahess.1974.293478 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_1974_num_29_2_293478

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Monsieur Alain Guerreau

L'atelier monétaire royal de Mâcon (1239-1421)In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 29e année, N. 2, 1974. pp. 369-392.

Citer ce document / Cite this document :

Guerreau Alain. L'atelier monétaire royal de Mâcon (1239-1421). In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 29e année, N.2, 1974. pp. 369-392.

doi : 10.3406/ahess.1974.293478

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_1974_num_29_2_293478

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MONNAIES MESURES ET MARCHANDISES

ier monétaire royal

de Ma on

1239-1421

intérêt et la complexité des problèmes monétaires de la fin du Moyen Age échappent aucun historien Pour la France la documentation disponible est malheureusement très lacunaire rendant aléatoire toute tentative de synthèse Nous avons pensé en étudiant ensemble des documents relatifs un atelier il serait plus facile apprécier la valeur et les limites de cette documentation atelier de Ma on importance secondaire offre un cadre étude suffisamment restreint pour permettre de présenter et exploiter en quelques pages la plupart des documents qui nous renseignent sur lui Acquis par Saint Louis en 1239 lors de achat du comté de Ma on sa fermeture fut décidée en 1413 atelier continua cependant de fonctionner durant une dizaine années en raison de occupation bourguignonne Nous étudierons abord durant la période royale puis durant la période bour guignonne en nous attachant trois problèmes essentiels le personnel approvisionnement en métal précieux enfin la production des espèces et le versement des bénéfices

Rappelons brièvement un atelier monétaire était alors une entreprise commerciale établie sur la base un contrat entre le roi et un marchand le

maître le roi prêtait le bâtiment et fixait les normes de production le marchand se chargeait de trouver le métal et de diriger la production Le marchand et le roi se partageaient les bénéfices La bonne marche de affaire était surveillée sur place par des officiers royaux le tailleur essayeur et les deux gardes Un contrôle supplémentaire avait lieu Paris sur des échantillons prélevés dans chaque lot de pièces frappées

Le personnel de atelier comprenait donc trois catégories nettement dis tinctes les travailleurs manuels les officiers royaux et les maîtres

Les travailleurs manuels des ateliers monétaires étaient groupés au sein de deux organisations corporatives solidement structurées le Serment de France et le Serment Empire Ces deux groupes étaient représentés dans la plupart des ateliers fran ais La Bibliothèque Nationale conserve un

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registre de délibérations des Parlements des ouvriers et monnayers du Serinent Empire pour la deuxième moitié du xive siècle et le début du xve Ces

Parlements étaient des réunions des délégués des ouvriers et monnayers de chaque atelier au cours desquelles étaient débattus tous les problèmes professionnels atelier de Ma on fut représenté en 1350 1351 i353 i355 39 I397 absence des Ma onnais entre 1355 et 1390 peut

expliquer soit par la disparition du Serment Empire Ma on durant cette période soit plus probablement par le fait que ceux de Ma on furent alors représentés par leurs compagnons de Lyon Pour autant que nous puissions en uger après le cas de Ma on les liens familiaux jouèrent un grand rôle dans la cohésion du groupe en 1390 Jean Vincent était procureur des ouvriers et monnayers de Lyon et Ma on En 1392 Ma on était représenté par Martin Vincent George Vincent et André Vincent Dans chaque atelier on trouvait des ouvriers oper arii et des monnayers monetarii) moins nombreux et mieux payés tous dirigés par un prévôt chargé en particulier du choix des nouvelles recrues et de la réception de leur serment5 Tous ces compagnons jouissaient de divers privilèges concédés par le roi en particulier de exemption fiscale La ville de Ma on qui voulut leur faire payer des impôts et les attaqua devant le Parlement perdit son procès échec qui ailleurs eut pour consé quence ils ne figurèrent pas dans les rôles de taille ce qui nous empêche de les connaître et même de les dénombrer exactement peut-être étaient-ils une dizaine Nous avons pas davantage de moyen de préciser le niveau social de ces compagnons En revanche un point semble clair si certains entre eux étaient origine mâconnaise la mobilité était la règle générale probablement en raison de intermittence de activité des ateliers

Pour la deuxième moitié du xive et le début du xve siècle nous connaissons les noms de dix-sept gardes de la Monnaie de Ma on Dans ordre Helias Gau tier février-juillet 1350 Jean Lambert novembre 1350 10 Jean Touchet

B.N. manuscrit latin 9070 Ce manuscrit de par son intérêt considérable au point de vue social et monétaire mériterait une publication complète Ibid. fol r0 20 v0 2i v0 22 r0 79 r0 88 r0 99 VO v0 Ibid. fol 79 r0 Ibid. fol 88 En 1397 le Parlement entérina deux décisions relatives Ma on Pierre Mouthon

de Masc lequel estoit ouvrier si esté mué et changié monnoier lui absent ins tance de Martin Vincent et pour certaines causes qui ont esmeu le prevost et procureux de Parlement general et commis sondit serment audit Martin Vincent prevost de Masc le jour de may an dessus dit

Item ehan Mouton de Masc esté fait ouvrier de grâce especial lui absent pour certaines causes qui ce onts esmeu le prevost et procureux de Parlement general et commis le serment Martin prevost de Masc le 7rlle jour de may an dessus dit Ibid. fol loo

Archives communales de Ma on BB fol et 53 atelier de Paris le plus considérable de France ne comptait en 1416 une

dizaine de compagnons du Serment de France Maurice REY Le domaine du roi et les finances extraordinaires sous Charles VI Paris 1965 pp 128-129

En juillet 1354 par exemple les généraux demandèrent au maître ehan Lambert que il leur certiffiast tantost quelle quantité ouvriers et monnoyers il conviendroit

envoyer la monnoye de Masc pour ce que ceulx icelle monnoye en estoient fuiz avecques plusieurs aultres choses de SAULCY Recueil de documents relatifs his toire des monnaies frappées pay les rois de France depuis Philippe II Fran ois Ier

Paris 1879 323 SAULCY pp 274 277 Ibid. 287

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GUERREAU UN ATELIER MON TAIRE AU MOYEN AGE

juillet 1350-mars 1357 11 Pierre Le Mire et Jean Durantin mars 1357 12 Pierre David et Jean Guillon mai 1360 13 Jean de Mons et Gef rin Malbin avril 1361 14 Pierre Pavais et Jean Arène novembre 1362 15 Pierre de Velli et Giles de Saint-Liénard octobre 1379 16 Antoine de Busseron février 1391)17 Pierre Babolier février 1401 mai 1404 18 Jean Bercaut mai 1404 novembre 1419 19 Etienne Peronin 1401-1426 20 Parmi eux six étaient ma onnais Pierre David Jean Guillon Jean Arène Pierre Babolier Jean Bercaut Etienne Peronin) Helias Gautier était de Limoges Giles de Saint-Liénard de Dijon Nous ne connaissons pas origine des autres mais nous connaissons certains des postes ils occupèrent soit avant soit après leur passage Ma on Jean Touchet avait été garde Saint-Quentin et le fut ensuite Limoges Poitiers Saint-Lô Toulouse 21 Jean Durantin fut garde Montpellier après avoir été Ma on 22 Jean de Mons Saint-Quentin 23 Pierre Pavais Angers 24 Antoine de Busseron avait abord été tailleur La Rochelle puis garde Poitiers il fut ensuite garde Saint-André 25 Ces fréquents déplacements qui ne correspondaient pas des carrières au sens où nous entendons actuellement il avait pas avancement répondaient sans doute au souci des autorités monétaires parisiennes éviter que le même garde ne reste trop longtemps au même endroit ce qui aurait pu nuire son efficacité Nous avons été frappé par opposition qui existe cet égard entre la période 1357-1362 et le début du xve siècle pour les six premières années huit gardes différents Au contraire de 1401 1419 trois seulement tous ma onnais peut-être faut-il voir là expression une tendance un certain enracinement des officiers au moment même où la notion office commen ait

prendre corps 26 Le groupe des officiers comportait également un tailleur Aleaume Hary

juin 1373-juillet 1385 27 Hanequin de Hache partir de juillet 1385 28 et un essayeur Macé de Valenciennes février 1398-avril 1399 qui deviendra essayeur Paris puis général-maître des monnaies en 1426 29 Jean de La Tui-

11 Ibid 277 12 Ibid 372 Ibid 434

i4 Ibid 15 Ibid 477

Ibid 546 17 Ibid II 65 18 Ibid II pp ui 123

Ibid II pp 126 157 174 241 II pp ni 123 142 157 241 308 310 313 358 370 20 Ibid

Ibid 21 pp 277 372 389 396 402 477 22 Ibid 468 23 Ibid pp 532 533 24 Ibid 1.1 490 25 Ibid II pp 33 49 69 82 26 ce sujet AüTRAND Offices et officiers royaux en France sous Charles VI

Revue Historique 1969 pp 285-338 On peut songer une autre explication comme on le verra plus loin les conditions exploitation des ateliers furent très différentes avant 1360 gros bénéfices et dans la période 1360-1413 pratiquement pas de bénéfices Les risques de fraudes et de corruption se trouvaient réduits autant et la nécessité de déplacer les gardes se faisait moins sentir

27 SAULCY 521 II 30 28 Ibid. II 30 29 Ibid. II pp 102 135 53 349> 368

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lene avril 1399-1422 il venait Angers et fut nommé Nevers 30 en 1422) Plusieurs de ces officiers furent échevins Ma on 31 Aleaume Hary en

1364 1373 1377 1382 1388 et 1394 Jean de La Tuilerie en 1417 et 1420 Pierre Babolier en 1369 1372 1378 1379 et 1382 Etienne Peronin en 1406 1413 1414 1423 et 1426 Jean Bercaut en 1383 1384 1390 1395 1400 1401 1407 1416 et 1418 Une telle participation administration de la ville tend prouver que ces personnages jouissaient de revenus non négligeables et un prestige social important

De 1296 1413 nous avons repéré les noms de vingt-quatre maîtres parti culiers de la Monnaie de Ma on Guy de Tornemare 1296 32 Jean Desmoulins mars 1298-1300)33 Pierre Blanc novembre 1298 34 Pierre Torretans 1300)35 Thomas Goyère 1327-1330 36 Stevenin Lacoste 1327 37 Pierre Lauvergnat 1327-28 38 Giles Le Mire 1328 39 Michelet Chignerel 1329-30 40 Jean Bernier avant 1339 41 Pierre Baut avant 1339 42 Brunet Pismontain 1338-39 43 Pierre Mercier décembre 1348-1 uin 1349 44 Jean Boneau août 1349-mars 1350 45 Elie Amiel février 1350 Jean Tachier avril 1350 47 Jean Lambert 1354-55 48 Jean Le Fondeur mai î-juin 1365 49 Jean Perrusse 1363 50 Jean Chamoissin mars 1377 51 Perrin Qui-Dort 1385- 1392 52 Humbert Violet février 1392 53 André de Rousselay 1398-1404 54 Huguenin de Fraguenas 1404-1413 55 Parmi eux deux Ma onnais Pierre Mercier Perrin Qui-Dort) un Chalonais Jean Bernier trois Lyonnais Pierre Baut Jean Chamoissin Humbert Violet) un Limousin Jean Boneau) un Parisien Huguenin de Fraguenas et deux hommes peut-être de souche

30 Ibid. II pp 105 Toy 302 Une liste des échevins de Ma on été publiée en appendice ARCELIN Indicateur héraldique et généalogique du Ma onnais Ma on 1865

32 FAWTIER Comptes du Trésor 1206-1316-1384-14 )... Paris 1930 13 33 ViARD Les Journaux du Trésor de Philippe IV le Bel Paris 1940 nos 21 776 875 939 1138 1298 1442 3722 FAWTIER et MAILLARD Comptes royaux

1285-1314) t. Paris 1953-1956 II no 22490 34 Journaux du Trésor de Philippe IV no 1442 35 Comptes royaux 1285-1314) no 22420 36 Archives Nationales KK fol r0 26 v0 50 r0 77 r0 121 v0 37 A.N. KK fol r0 38 A.N. KK fol ro 50 39 A.N. KK fol 50 r0 40 A.N. KK fol 102 ro 148 ro 41 A.N. JJ 72 no 77 fol 62 42 A.N JJ 72 no 77 fol 62 Voir également VIARD Journaux du Trésor de Phi

lippe VI... Paris 1899 no 760 43 SAULCYt 225 44 Journaux du Trésor de Philippe VI n03 1395-1396 1471-1472 1894-1895 45 Journaux du Trésor de Philippe VI nos 2348-2349 3700-3702 4489-4494 4554 46 SA LCYt 274 47 Ibid. pp 432 434 48 Ibid. 323 A.N. 893 49 Ibid. pp 432 434 435 493- 50 A.N. JJ 93> no 225

SA LCY 542 52 A.N. JJ 142 fol 61 et KK fol 197 22i 291 53 A.N. JJ 142 fol 54 SAULCY II pp ni 112 ii8 121 123 i28 A.N. KK 14 fol 138 55 SAULCY II pp 128 157 A.N. KK fol v0 voir VIARD Les Journaux

du Trésor de Charles IV le Bel Paris 1917 no 3343 Philippus de Fraguenasco civis parisiensis

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GUERREAU UN ATELIER MON TAIRE AU MOYEN AGE

italienne Brunet Pismontain et Jean Perrusse au total une majorité de gens de la région Ma on Chal Lyon Comme les officiers les maîtres se dépla aient peut-être en raison de nécessités commerciales concurrence plus

grand profit Pierre Blanc fut maître Rouen en 1310 56 Stevenin Lacoste Saint-Pour ain en 1326 57 Jean Bernier Tours en 1346 53 Pierre Mercier

Saint-Pour ain en 1370 59 Jean Boneau Angers en 1362 60 Jean Chamoissin devint général-maître des monnaies du Dauphine en 1377 61 Perrin Qui-Dort fut maître Saint-Pour ain en 1360-61 62 Huguenin de Fraguenas tint le compte de la Monnaie de Figeac en 1396 63 Notons que trois marchands prirent successivement ferme les Monnaies de Ma on et de Saint-Pour ain Or Saint-Pour ain était atelier fran ais le plus proche de Ma on et dans deux de ces trois cas homme était un Ma onnais le ferme de atelier de Ma on intéressait donc dans une certaine mesure des marchands envergure simplement locale ou régionale Mais côté de ceux-là nous avons six maîtres qui faisaient partie de familles étrangères la région et spécialisées dans les affaires monétaires Voici les membres de ces six familles que nous avons retrouvés Nicolas Desmoulins général-maître des monnaies 1316-1324 64 Etienne Desmoulins maître Saint-Pour ain 1325 65 Nicolas Desmoulins junior maître Montreuil-Bonin 1325 66 Pierre Lacoste maître Mont pellier 1355-56 puis Toulouse 1358 67 Huguenin Bernier maître Rouen 1355 G8 Drouin Bernier maître Saint-Quentin 1381 puis Dijon 1388 69 un autre Jean Bernier garde Paris 1421 puis Auxerre 1422 70 Jean Lambert général-maître des monnaies 1333-1349 71 Barthélémy Perrusse maître Saint-Quentin 1299 72 Humbert Violet garde de la monnaie de Lyon en 1416-1773 Guérard de Rousselay maître Sainte-Menehould 1402 74 Narde de Rousselay maître Dijon 1413-1426 75 Cette enume ration est elle seule éloquente une prosopographie générale du personnel des ateliers monétaires serait sûrement très riche en enseignements autant que comme nous avons montré il existe des liens très nets entre les maîtres des ateliers et les généraux-maîtres qui étaient eux des officiers et qui for maient au moins en partie le brain-trust royal en matière monétaire

approvisionnement en métaux précieux des ateliers est sans doute le

56 Ibid 172 57 Ibid 157 58 Ibid 250 59 Ibid 512 60 Ibid 476 61 Ibid II 62 Ibid pp 462-463 63 Ibid II 95 64 Journaux du Trésor de Charles IV passim 65 Journaux du Trésor de Charles IV nos 3835 3843 66 Journaux du Trésor de Charles IV nos 7997 8oii 67 SAULCY pp 319 335-339 35 80 68 Ibid 308 69 Ibid II pp il 39 48 70 Ibid II pp 300 373 377-379 71 Ibid 217 250 Journaux du Trésor de Philippe VI nos 3354 4384 72 Ibid 153 73 Ibid II pp 193 ig8 74 Ibid II pp 119 121 75 Ibid II pp 289 381

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MONNAIES MESURES ET MARCHANDISES

problème-clef de histoire monétaire Les documents qui nous renseignent sur ce point crucial sont malheureusement rares trop rares pour nous en donner une idée très nette Dans la liasse 893 76 des Archives Nationales se trouve un petit cahier de huit feuillets sur lequel furent consignés tous les achats argent effectués par le maître Jean Lambert entre le février et le

mars 1355 cet argent devant servir fabriquer la monnaie de pied 32 que on frappait alors Jean Lambert acquit 308 marcs argent un prix variant entre l6 s.t et s.t le prix était s.t lorsque le marchand qui avait apporté argent se faisait payer en bonne monnaie argent et i2 s.t il voulait être payé en billon cette forme de paiement coûtait bien sûr plus cher au maître il fallait alors inclure plus de métal vil et surtout frapper davantage de pièces ce qui augmentait le coût de production Les marchands apportaient leur métal et venaient chercher la monnaie frappée deux trois semaines plus tard Ceux qui voulaient la toucher comptant devait consentir un rabais ce qui explique que le prix du marc descende s.t Le maître disposait donc par rapport aux prescriptions royales une légère marge de man uvre Notre document cite les noms de dix-huit changeurs mais sept entre eux Jean Le Fondeur Jean de La Mûre Michaut Le Grolier Barthélémy de Prisse Aleaume Hary Jean du Verger et Pierre Guillon four nirent 80 du total les trois premiers cités 55 eux seuls Qui étaient exactement ces personnages et comment se procuraient-ils du métal Il nous est difficile de répondre avec certitude sans doute avait-il parmi eux une majorité de changeurs lyonnais et quelques changeurs de Ma on si tant est il agisse là de deux groupes nettement distincts

Ce sont probablement les besoins de atelier qui contribuèrent fixer des changeurs Ma on Leur existence nous est confirmée dès la fin du xme siècle par la mention de la présence aux foires de Chalon-sur-Saône dès cette époque des grands changeurs de Masc 77 Le quartier le plus riche de Ma on appelait ailleurs quartier des Changes En avril 1326 les campsores baillivie matisconensis composèrent avec les gens du roi qui les accusaient de certains méfaits 78 Mais oublions pas que Lyon faisait alors partie du bailliage de Ma on La lutte contre le faux monnayage et la circulation de mauvaise mon naie fut une des préoccupations constantes de administration royale au xive siècle et étude de cette lutte nous renseigne de deux manières sur appro visionnement des ateliers une part lorsque nous constatons des saisies espèces au profit des ateliers et autre part contrario lorsque nous percevons les formes de activité prohibée des changeurs et des faux- monnayeurs

Au tournant du xine et du xive siècle un compte isolé rendu par le châ-

76 Cette liasse renferme tous les documents isolés concernant atelier monétaire de Ma on Les pièces ne sont malheureusement pas numérotées ce qui interdit toute référence précise Signalons ce propos que nos références constantes aux deux premiers tomes du recueil de De Saulcy sont une manière commode éviter les références archives trop longues et trop fastidieuses ouvrage de De Saulcy doit en effet être considéré comme un excellent inventaire analytique plutôt que comme un recueil de documents Les erreurs sur les chiffres et les insuffisances de lecture sont très nombreuses Le travail en reste pas moins fondamental pour tous les problèmes monétaires en particulier

cause du très précieux index situé la fin du tome IV 77 TOUSSAINT Les foires de Chalon-sur-Saône des origines au XVIe siècle Dijon

1910 32 78 Journaux du Trésor de Charles IV no 10046

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GUERREAD UN ATELIER MON TAIRE AU MOYEN AGE

telain de Ma on devant le bailli du lieu nous montre les résultats de la lutte contre la circulation espèces interdites entre Pâques et la Toussaint 1300 79 Cette lutte était menée par les prévôts et les sergents du bailliage au nombre une vingtaine le total des pièces furent livrées atelier de Ma on qui les transforma en espèces légales tout en retenant 30 de la somme pour frais divers Chaque sergent per ut titre de récompense un cinquième de la somme saisie par lui Le restant fut partagé entre les châtelains de Ma on et Saint-Gen- goux et le prévôt de Ma on

Par la suite nous trouvons affaire de 1326 déjà citée mais la grande époque de la lutte contre la contrebande des espèces et la circulation de mau vaise monnaie fut le règne de Charles et le début de celui de Charles VI en 1385 de nombreux marchands et changeurs furent trouvés coupables de ces pratiques Lyon en 1355 80 Chal en 1357 81 Ma on en 1361 82 En mai 1365 Bertrand Gasch fut chargé de la répression des fraudes et sa lettre de commission nous en donne une description explicite 83

Ou bailliage de Masc et ou ressort de Lyon et repairent ou conversent plusieurs genz qui font et forgent fausses monnoies or et argent et contrefaites aux notre et roognent les nostres icelles monnoies avec plusieurs autres monnoies contrefaites dehors nostre royaume et deffendues courir mettent et alloent en nostre royaume portent le bon billon or et argent de nostre royaume hors icelui et en rapportent monnayes contrefaites et deffendues et les alloent et en marchandent en nostre royaume par quoy le cours de nos monnoies est empesché Et avec ce aucuns qui portent leurs billon autre monnoie que la plus prochaine du lieu ou il ont pris et achaté

Les changeurs réalisent donc leurs profits selon deux méthodes en fabri quant et en utilisant des pièces de mauvais aloi et en spéculant sur les diffé rences de cours des métauxen divers lieux Une grande campagne lancée en 1374 aboutit de nombreuses saisies Lyon 8ît Chal 85 et Ma on 86 où le bailli découvrit que abbé de Saint-Ouen de Joux près de Saint-Claude faisait frapper de faux blancs au pied 34e quand le pied légal était le pied 24 ordonnance du juillet 1374 reprend en les précisant les ordonnances antérieures 87

Comme. nous eussions fait certaine ordonnance sur noz monnayes. en faisant commandement. que nul ne fust si hardi de prendre mectre ou alloer autres monnayes que celles ausquelles nous avons donné cours. et il soit venu nostre

79 Comptes royaux 1281-1314) nos 22472 22507 B.N. manuscrit latin 9018 fol 65) 80 A.N. JJ 84 no 469 fol 241 lettre de rémission pour Fran ois et Jean Chamoissin

changeurs Lyon pour leur trafic de fausse monnaie contre composition de 100 deniers or 31 octobre 1355 Parmi les changeurs qui livrèrent de argent Jean Lambert en février 1355 figuraient également des marchands lyonnais qui firent ces apports

titre de composition 81 A.N. JJ 85 no 143 fol 66 vo rémission pour la veuve de Jean Chandelier de

Chal marchande épiées inculpée avoir exercé sans autorisation le change dans sa maison exporté du royaume des monnaies or et argent et mis en circulation des pièces ayant pas cours

82 A.N. JJ 86 fol 278 rémission pour Michele Moyront de Ma on poursuivi pour cause de trafic illégal de monnaie avec Empire

83 Recueil des Ordonnances des rois de France IV 558 84 Ordonnances VI pp 38-39 85 Ordonnances VI pp 39-40 86 SAULCY 525 87 Ordonnances VI

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MONNAIES MESURES ET MARCHANDISES

congnaissance que plusieurs changeurs porteurs de billon merciers taverniers espiciers marchans et autres noz subgectz ont porté ou fait porter et font chacun jour hors de nostre Royaume en la Conté de Savoye et en plusieurs autres pays de Empire et ailleurs grant quantité de billon tant or comme argent en esloignant et délaissant nos monnayes ausquelles ilz sont tenuz de les porter..

La Savoie et les pays Empire étaient directement mis en cause oublions pas en effet que le bailliage de Ma on jouxtait la Bresse où pullulaient les usuriers juifs et les casanes astésanes en raison de la très grande libéralité des autorités savoyardes 88 La répétition des mêmes condamnations dans les ordonnances successives prouve bien il agissait un mal chronique et ailleurs les maîtres des ateliers monétaires étaient pas comme nous allons le montrer les derniers se livrer ce trafic et fabriquer de la fausse monnaie

ensemble de ces témoignages nous semble peu près concordant la source essentielle approvisionnement de atelier de Ma on consistait en pièces étrangères ou décriées apportées par des marchands et des changeurs de la région Lyon-Mâcon-Chalon Les mines du Beaujolais et du Lyonnais eurent jamais une importance considérable en dépit de ce affirme ordon nance de 1413 89 En nostre seneschaulcée de Lyon grant quantité de mynes et minières ouvertes et ouvrir lesquelles tiennent plomb argent et cuivre desquelles est yssu et yst grant nombre de matière argent de plomb et de cuivre.

Notre information sur la production des ateliers provient de deux sources essentielles les comptes généraux de la monarchie et les comptes de boîtes envoyés la Cour des Monnaies Les documents ûnanciers généraux de la monarchie nous sont parvenus comme on sait état de débris Il en existait trois types principaux les journaux les extraits les livres de recettes et de dépenses 90 Les journaux ont été excellemment publiés par Jules Viard 91 et on peut donc retrouver chaque type de recettes grâce aux index Quant aux extraits et aux livres de recettes et de dépenses leur présentation plus métho dique permet de retrouver assez aisément les rubriques concernant les ateliers monétaires Pour atelier de Ma on voici ce que on obtient sous une forme simpliûée

Journaux mars 1298-mars 1300 59 127 l.t 92 janvier 1322-mai 1326 290 l.t 93 mars 1349-avril 1350 28 330 l.t 94

88 Voir surtout A.-M PATRONE Le Gasane astigiane in Savoia Torino 1959 Dans cette perspective il aurait un grand avantage étudier histoire monétaire savoyarde et suisse Se limiter ce qui se passait dans le royaume serait une très grossière erreur de méthode

89 Ordonnances pp 161-162 90 Une bonne introduction diplomatique étude de ces documents accès délicat

été donnée par Jules Viard dans introduction aux Journaux du Trésor de Philippe VI 91 On reste étonné devant le peu usage qui été fait de ces trois grosses publications

dont intérêt sur le plan économique social politique est énorme Il faut évidemment pour les lire avoir quelques notions de finances et de comptabilité médiévales

92 Journaux du Trésor de Philippe IV nos 21 865 875 939 1138 1298 1326 1442 3722 On remarquera ailleurs que dans le total des sommes versées par atelier nous incluons systématiquement les assignations ce que pas fait Jules Viard dans ses calculs ce qui rend notre avis inutilisables les chiffres il indique pp LXI-LXII

93 Journaux du Trésor de Charles VI 9348 94 Journaux du Trésor de Philippe IV nos 1386 1395-1396 1471-1472 1894-1895

2348-2349 3700-3702 4489-4494 4554

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GUERREAU UN ATELIER MON TAIRE AU MOYEN AGE

VERSEMENTS AU TR SOR mars 1298 mars 1300

VERSEMENTS AU TRESOR mars 1349-avril 1350

FRAPPE ARGENT décembre 1338 mai 1339

FRAPPE OR décembre 1338 1339

part de chaque atelier dans la production totale du royaume

ô2ô5 20 30

La production des ateliers monétaires royaux dans la première moitié du xive siècle

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MONNAIES MESURES ET MARCHANDISES

Livres de recettes et de dépenses 1320-1321 95 juin 1327-décembre 1330 256 l.t 96 1374-1384 97 1385-1386 îî l.t 98 1387-1388 99 1389 250 fr 100

101 1398 105 l.t.102 1400-1402 103

Extraits 1408-1409 200 l.t 10A

Citons également un compte du bailliage de Ma on de 1248 qui inclut le revenu de atelier 775 l.t 105 et un compte général de la Toussaint 1296 qui mentionne un versement de ooo par le maître de atelier de Ma on 106 Tous ces chiffres sont très délicats interpréter ce sont des béné fices mais comme nous ignorons dans le plupart des cas si ces bénéfices résultent de frappes or ou argent et au surplus nous sommes incapables appré cier importance de la marge bénéficiaire nous pouvons seulement conclure que de gros versements indiquent une activité soutenue tandis que des verse ments faibles ou inexistants peuvent correspondre soit au chômage de atelier soit une exploitation non-bénénciaire de atelier Si nous acceptons de considérer comme un échantillonnage représentatif la suite de chiffres dont nous disposons nous sommes frappés par opposition entre la première partie du xive siècle où les bénéfices étaient fréquents et la seconde où ils étaient minimes la remise en ordre du système monétaire fran ais par Charles partir de 1360 semble correspondre au renoncement des autorités financières

tirer du monnayage des profits substantiels Les comptes de boîtes étaient les cédules qui accompagnaient les boîtes

scellées contenant des échantillons de monnaie prélevés par les gardes au cours de la production et envoyés Paris pour être vérifiés La cedule pré cisait généralement les dates de fabrication les caractéristiques légales du type de pièces frappées le nombre de pièces frappées le poids et le prix du métal utilisé Ces comptes sont donc extrêmement précieux ils nous permettent de connaître avec précision la masse de la production et la marge bénéficiaire théorique Ces comptes sont malheureusement très peu nombreux

95 B.N. manuscrit latin 9787 96 A.N KK fol v0 77 ô02 I21 v0 97 A.N KK 98 A.N KK il fol 197 221 99 A.N KK ii

100 A.N KK ii fol 291 éï A.N KK 14 102 A.N KK 14 fol 138

A.N KK 14 104 A.N KK fol v0 105 Recueil des Historiens de la France XXI 280 De moneta facta Matiscone

videlicet de 24500 l.t. solutis portionibus capituli et Guillelmi de Germore videlicet pro libra II d.t. 775 d.t

Comptes royaux 1285-1314 no 270 13

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GUERREAU UN ATELIER MON TAIRE AU MOYEN AGE

ne couvrant que trois courtes périodes décembre 1338 mai 1339 avril- mai 1360 octobre 1400 mars 1404 107 Le compte de 1355 qui figure dans notre tableau est une reconstitution partir des chiffres indiqués par le cahier achats argent étudié plus haut Nous ne pouvons donc pas partir eux ne serait-ce esquisser une évolution Ils nous paraissent cependant confirmer deux points pour mai 1360 nous voyons deux prix différents achat du marc argent qui correspondent bien deux frappes distinctes il l.t pour des blancs de 15 d.t et 15 s.t pour des pièces un denier tournois autre part importance et amplitude des variations de la marge théorique jus en 1360 contrastent singulièrement avec sa faiblesse et sa stabilité durant les quatre premières années du XVe siècle nous trouvons ici croyons-nous explication de opposition constatée précédemment propos des bénéfices versés Notons ce propos aucun versement été effectué par ate lier de Ma on de 1400 1402 alors que nous avons la preuve il fonc tionnait

Sans vouloir bâtir une géographie des frappes monétaires dans la France du xive siècle il nous paru indispensable utiliser quelques documents permet tant de saisir la place relative de chaque atelier et par là apprécier au moins grossièrement importance de celui de Ma on observation rapide des tableaux et des croquis relatifs aux versements au début et au milieu du xive fait ressortir la prépondérance incontestée de Paris mais une répartition en pro vince sensiblement modifiée dispersion plus grande augmentation de impor tance relative de la moitié nord de la France Or la position de Ma on ne paraît pas modifiée très faible dans les deux cas 29 et 26

Le contraste entre la répartition des frappes argent et des frappes or en 1338-39 est encore plus flagrant Pour argent les onze ateliers travail laient tous honorablement alors que la production or intéressait guère que cinq centres et que Paris jouissait une supériorité écrasante les écarts importants entre les versements des divers ateliers étaient donc probablement dus surtout aux différences de production de pièces or Or là encore Ma on se maintient dans une position très secondaire 14 pour or et 42 pour argent Au début du xve siècle la situation relative de Ma on telle elle resort du compte général 305 108 était pas sensiblement différente 035 pour or et 66 pour argent Les raisons de ce phénomène dont on pourrait être tenté de penser elles sont ordre structural nous échappent et nous échapperont tant que des études ensemble précises auront pas été effectuées pour cerner les liens probables entre flux monétaires flux écono miques et frappes espèces

Le mode de versement des bénéfices paraît avoir connu une évolution sen sible Au milieu du xme siècle le revenu de atelier était intégré ensemble des

107 Les comptes de la première série 1338-1339 sont extraits un compte général des boîtes du royaume 913 les autres font partie de 893 exception un compte tiré de 305 novembre oi-décembre 1402)

108 Ce compte est un des rares qui bénéficient une très bonne étude REY Le 305 Deuxième partie tude histoire monétaire en France au début du

xve siècle Annales littéraires de Université de Besan on 1954 pp 27-52 propos de la suprématie de Paris en matière de frappe or on ne manquera pas de se reporter au travail du même auteur REY Les émissions écus la Couronne Hôtel des Monnaies de Paris vers la fin du xive siècle et dans les premières années du xve 1385- 1413 Mélanges Paris 1951 595-603

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MONNAIES MESURES ET MARCHANDISES

revenus domaniaux du bailliage Au demeurant des rentes pesaient sur lui109 ces rentes étaient nxées au prorata de la production de atelier comme autres rentes proportionnelles aux péages sur lesquels elles étaient assignées exis tence de ces rentes témoigne bien de la nature du seigneuriage dans esprit des gens du xme siècle Cette conception effa rapidement elle avait sans doute disparut dès la fin du xine et nous voyons en 1324 le bailli racheter une de ces rentes qui devait lui apparaître comme une anomalie 110

Les Journaux du Trésor de Philippe IV nous montrent un autre système les versements directs au Trésor après transport des espèces plusieurs reprises sont mentionnés des frais de déplacement entre Paris et Ma on de sergents du Châtelet pro pecunia adducenda 111 Le système des assignations était également employé mais ne portait dans le cas de Ma on que sur un pourcentage très faible du total En 1349-50 apparaît enfin une troi sième méthode plus évoluée les versements par intermédiaire du changeur du roi en occurrence Michel Anseau bourgeois de Paris 112 dont les services consistaient probablement éviter le transfert de fonds par utilisation de lettres de change ou autre moyen analogue

Soulignons enfin que les fraudes des maîtres de atelier étaient sans doute constantes Les enquêtes administratives du xive siècle étaient très aléatoires or des découvertes infractions emaillen toute notre période Helias Gautier qui était garde Ma on en 1350 fut exécuté pour ses malversations 113 En 1355 Pierre Guillon monnayer Ma on fut reconnu coupable de délits en matière de fabrication et de circulation monétaires 114 En avril 1360 le maître particulier Jean Tachier fut emprisonné sur ordre de Gaucher de Vannes général-maître qui avait découvert des irrégularités dans sa gestion 115 En 1363 un autre monnayer de Ma on Jean Henriet de Sancerre reconnut avoir forgé chez lui de argent qui lui avait été remis par le maître particulier Jean Perrusse 116 En 1392 Jean Hazart en inspection découvrit que les maîtres particuliers Humbert Violet et Perrin Qui-Dort faisaient monnayer de or dans atelier depuis quatre ans sans en avertir les gardes 117 En 1411 Huguenin de Fraguenas fut inquiété pour escharceté de son ouvrage or 118 Tous ces cas sont sans doute expression un même phénomène la tentation constante pour les dirigeants de atelier utiliser leur situation pour se livrer sans trop de risques au faux-monnayage tentation laquelle ils succombèrent sans doute très fréquemment

109 SAULCY pp 129 131 147 le doyen et le chapitre de Ma on une part la famille de Germole autre part ont droit un denier pour chaque livre frappée dans atelier de Ma on

io Journaux du Trésor de Charles IV no 6369 La rente fut rachetée par le bailli Francon Avenières contre 800 l.t

ni Journaux du Trésor de Philippe IV nos 1295 1869 112 Journaux du Trésor de Philippe VI nos 1471 3700-3702 4489-4494

A.N. JJ 84 no 13 fol v0 114 A.N. JJ 85 no fol 53 r 115 SAULCY pp 432 434

A.N. JJ 93 no 225 117 A.N. JJ 142 fol Les maîtres composèrent ooo l.t 118 SAULCY II 157

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GUERREAU UN ATELIER MON TAIRE AU MOYEN AGE

ordonnance du 28 août 1413 119 décidait le transfert de la monnaie de Ma on Lyon Le roi invoquait plusieurs arguments Lyon était plus proche des mines du Beaujolais et du Lyonnais les troubles dans le Beaujolais ren daient incertain approvisionnement de Ma on en métal venant du Sud tandis au Nord existait atelier de Dijon qui frappait des pièces Chal au moment des foires Cette mesure fut probablement inspirée en grande partie par les bourgeois de Lyon dans leurs efforts pour développer le commerce et les foires dans leur ville 120 Au demeurant elle était logique car rien ne justifiait la présence un atelier Ma on et celui qui trouvait ne devait son importance très secondaire au fait il avait été le premier atelier royal de la région au milieu du xme siècle 121

En septembre 1413 des gardes furent nommés Lyon 122 ils furent re us dans leur office en décembre 1415 en même temps on demandait édifi cation de atelier 123 En 1417 encore une ordonnance pour la frappe de or et de argent fut envoyée la fois Lyon et Ma on 124 atelier de Lyon avait semble-t-il peine démarré lorsque les Bourguignons installèrent Ma on en septembre 1417 La décision de fermeture survenait au moment même où exacerbaient la tension politique et les luttes de factions Depuis 1411 des passages de troupes dans la région contribuaient augmenter inquié tude et la nervosité de la population Les échevins qui jusque là avaient été en conflit continuel avec les compagnons de atelier propos de fiscalité accordèrent avec eux pour prendre la défense de atelier et essayer de le maintenir Ma on Les compagnons engagèrent en contrepartie participer aux dépenses de la ville en fournissant une contribution globale refusant donc toujours leur inscription sur les rôles de tailles 125 Sans doute cette situation est-elle pas étrangère au procès qui opposa en 1415 les compagnons du Serment de France et ceux du Serment Empire de atelier de Ma on devant la Cour des Monnaies 126

Dès 1416 les intentions du duc de Bourgogne devinrent manifestes puisque administration royale tenta par tous les moyens en empêcher les effets le février 1416 il fut interdit aux gardes de Lyon de recevoir comme maître particulier quelque prix que ce soit Amiot Viard qui était un des hommes affaires du Duc 127 Le 14 juillet 1417 le Cour des Monnaies décida même la

119 Ordonnances pp 161-162 120 Hypothèse qui nous été suggérée par Fa vier izi Il semble en effet au xine siècle atelier de Ma on ait joué un certain rôle

en particulier dans expansion du tournois Pour le Forez voir FO RNIAL Les villes et économie échange en Forez aux XIIIe et XIVe siècles Paris 1967 pp 503-505. Le fait semble confirmé par le compte de saisies de monnaies pour 1300 étudié plus haut les espèces saisies furent comptabilisées en viennois les espèces fournies par atelier monétaire en tournois Au xme siècle on trouvait essentiellement deux unités de compte en Ma onnais le viennois tournois viennois et le ma onnais tournois ==

ma onnais) 122 SAULCY II 177 123 Ibid. II 187 124 Ibid. II pp 200 20i 125 Archives communales de Ma on BB il fol 98

A.N. fol 145 Entre les ouvriers du Serment de Empire de la Monnaie de Masc et les ouvriers du Serment de France fol 146 v0

127 SAUbCY II 189

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MONNAIES MESURES ET MARCHANDISES

fermeture nouvel ordre des ateliers de Dijon et de Chal alors sous contrôle ducal128 Le 21 juillet les gardes de Ma on re urent ordre de ne pas accepter Amiot Viard comme maître de la Monnaie de Ma on 129 les conditions économiques habituelles étaient bouleversées les marchands ne travaillant plus seulement dans leur propre intérêt se rangeaient dans un parti et les ate liers monétaires devenaient un enjeu politique âprement disputé

Notre information pour la période 1417-1421 est une singulière richesse aussi lui consacrons nous un développement particulier Cela tient deux faits un côté la Cour des Monnaies conservé vingt-trois comptes de boîtes ma onnais allant de juin 1419 mars 1421130 de autre le rattachement de fait du Ma onnais la Bourgogne partir de septembre 1417 nous permet de bénéficier depuis cette date de la qualité exceptionnelle du fonds de la Chambre des Comptes de Dijon mine inépuisable de renseignements de toutes natures 131

La main-d uvre de atelier comprenait toujours des compagnons du Serment de France et des compagnons du Serment Empire 132 atelier connut des difficultés de recrutement la fin de 1419 puisque le général- maître Thomas Orlant dût faire appel des ouvriers lombards 133

Les officiers établis Ma on en 1417 demeurèrent en fonction les deux gardes Etienne Peronin et Jean Bercaut ce dernier fut remplacé en 1419 par Guillaume Revendeur 134 et essayeur Jean de La Tuilerie qui fut remplacé en 1422 par Marc Frote 135

Si le personnel demeure de établissement ne subit pas de modification les maîtres eux changèrent Depuis la fin de 1417 juin 1420 atelier fut dirigé par les frères Perrenot et Jean Furet Il agissait de deux membres une famille franc-comtoise de la région de Pontarlier 136 qui comme celle des

128 Ibid. II 203 129 Ibid. II 203 130 Ces comptes sur parchemin 893 ont été très abîmés et sont de lecture

diincile De Saulcy pas fait toutes les restitutions qui imposaient 131 Nous avons puisé une part dans la série des comptes généraux et dans le groupe

articles relatifs aux affaires monétaires 11201 11215) 132 B.N. manuscrit latin 9070 fol 124-125 133 Thomas Orlant se rendit Masc et Chalons pour mettre provision au fait

des ouvriers et monnayers qui étaient ennuyés de chômer cause de la cherté des vivres ustensiles et autres nécessités desdites monnaies et envoya quérir des ouvriers mon- nayeurs en Lombardie et ailleurs POCQUET DU HATJT-JUSSE La France gouvernée par Jean sans Peur Paris 1959 247

134 SA LCY II pp 308 309 3> 358 37 135 A.N. fol v0 136 J.-T de MESMAY Dictionnaire historique biographique et généalogique des

anciennes familles de Franche-Comté II 1961 pp 1063-1066 notice no 414 Ils travaillèrent abord directement au compte du Duc au sein du consortium qui prit

ferme les quatre ateliers Auxonne Cuisery Saint-Laurent et Ma on pour un an partir de décembre 1417 Puis ce fut théoriquement pour le compte du Roi en juin 1420 Durant cette deuxième période ils furent parfois associés un autre marchand Girard Robot ou Barthélémy de Rezei deux personnages qui avaient également partie liée avec le Duc La production consista peu près exclusivement en argent Quelques centaines de pièces or furent cependant frappées par Jean Furet en 1418 Archives départementales de la Or 1649 fol 34 De septembre 1420 février 1421 Jean Furet tint seulement le compte au nom un groupe de seize marchands qui avaient affermé en bloc les monnaies du royaume 893 SAULCY II 270 ensemble de la gestion des frères Furet devait comporter de nombreuses irrégularités en 1422 Jean Furet fut arrêté Paris puis élargi contre une caution de ooo l.t Les gardes

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GUERREAU UN ATELIER MON TAIRE AU MOYEN AGE

50 40

20

10

POURCENTAGE DE NE MARGE FICIAIRE en marcs SOMME FRAPPEE en

-J

marcs

1417 1418 1419 1420 1421 atelier de Ma on pendant la crise monétaire de 1417-1421

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MONNAIES MESURES ET MARCHANDISES

Viard Auxonne attacha au Duc sa fortune et son ambition Pendant près de trois ans ces deux frères travaillant en étroite collaboration avec entou rage ducal réussirent tirer de exploitation de atelier des bénéfices énormes en le faisant fonctionner un train enfer un rythme il avait sans doute jamais connu

Les intentions ducales en matière monétaire se formèrent dès 1413 Dès 1416 nous voyons Jean Furet qui occupait alors aucune fonction précise se rendre en Suisse pour se procurer abondantes quantités argent contre de or 137 Pendant toute cette période est en effet des marchands suisses et peut-être allemands auront recours les maîtres des ateliers bourgui gnons Par la suite Jean Furet indiqua les noms de ses fournisseurs pour 1419 Nicolas Dyespay marchant de Berne Piètrement Malche un nomme Foguille

marchant de Fribourg et Jacquemin Roole marchant de Genève 138 Le mécanisme de base des crises monétaires des xive et xve siècles est assez

bien connu les autorités commencent par décrier les monnaies argent exis tantes celles-ci doivent donc être apportées aux ateliers qui fondent ce métal et fabriquent des pièces un pied supérieur au précédent ce qui permet de dégager une appréciable marge bénéficiaire139 mais ce moment-là les prix nominaux qui ont tendance aligner sur la valeur en argent des pièces montent140 autrement dit la livre tournois en tant que monnaie de compte perd de la valeur et le prix nominal du marc argent élève autant Si on veut continuer dans la même direction il faut donc accorder aux chan geurs et aux détenteurs de métal un prix nominal plus élevé pour chaque marc Pour maintenir la marge bénéficiaire il faut alors procéder une nouvelle élévation du pied de la monnaie Cette course de vitesse entre la hausse des prix et affaiblissement de la monnaie ne peut évidemment durer bien long temps Les autorités procèdent alors un retour la bonne monnaie ce qui doit en principe avoir pour effet de faire revenir les prix leur niveau

normal antérieur on juge cet effet atteint on peut recommencer au point de départ Ce petit jeu serait possible indéfiniment il entraînait pas un dérèglement de plus en plus profond des mécanismes économiques les prix ne reviennent plus leur niveau antérieur le gouvernement doit alors élever de plus en plus le pied de la monnaie est alors toute économie qui se bloque il devient impossible de trouver de argent et il faut bien arrêter

Guillaume Revendeur et Etienne Peronin durent produire les plègeries des deux frères SAULCY II pp 303 î8 309-310 313)

137 Ce traue nous est connu parce que Furet fut alors arrêté Ain par les officiers savoyards et dut faire intervenir le Duc de Bourgogne pour récupérer son métal

BERGIER Genève et économie européenne de la Renaissance Paris 1963 321 138 TUETEY Journal de Clément de Fauquembergue. )) II Paris

1915 241 139 Dans la mesure où la masse argent représente une plus grande valeur nominale

après le monnayage avant 140 estimation réelle des prix en valeur argent et non en valeur nominale été

notre avis parfaitement démontrée pour le xiv siècle par MISKIMIN Money prices and foreign exchange in fourteenth-century France New Haven et Londres 1963

Cela obligeait ailleurs les comptables de périlleuses acrobaties il leur fallait convertir les sommes touchées ou versées en marcs argent au fur et mesure des opérations puis revenir au compte en livres en nn exercice Voir MOLLAT Quatre documents relatifs histoire monétaire de tat bourguignon Revue du Nord XL 1958 pp 341-344

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GUERREAU UN ATELIER MON TAIRE AU MOYEN AGE

Dans le cas de la crise de 1417-1421 ces mécanismes élémentaires furent sérieusement compliqués par deux phénomènes adjacents la multiplication des autorités politiques donc monétaires et le recours généralisé aux marchés de métaux étrangers En présence de plusieurs autorités monétaires les déten teurs argent avaient naturellement tendance offrir leur métal celle qui en proposait le meilleur prix où une concurrence acharnée visant empêcher adversaire de se procurer du métal et tarir la production de ses ateliers Dans ces conditions le retour périodique la bonne monnaie était tout

fait impossible ce qui confère cette crise un de ses aspects les plus originaux

Dans ce climat achat systématique de métal sur une place étrangère paraissait naturel Mais la seule manière de se procurer de argent étranger était de fournir en contrepartie de or Comme des agents autorités rivales se retrouvaient sur les mêmes marchés ils livraient là aussi une vive concurrence qui avait pour effet de faire baisser le rapport or-argent dans des proportions invraisemblables Mais inverse pour obtenir cet or sur le marché fran ais il fallait le payer de plus en plus cher où partir un certain moment une spéculation sur les espèces or qui jusque là avaient pas été atteintes 141 Tous ces phénomènes se combinant on obtint rapidement des prix nominaux fantastiques qui rendirent de plus en plus faibles les bénéfices réels de exploitation des ateliers Dans ces conditions les marchands ne intéressèrent plus aux fermes des ateliers qui durent cesser pratiquement leur activité 142

Deux membres de la Chambre des Comptes de Dijon arrivèrent Ma on le 20 septembre 1417 143 un eux Dreux Maréchal trouva dans les caisses de atelier très petite saveur Mais les conseillers du Duc surent rapidement

porter remède sous impulsion en particulier Amiot Viard 144 Les opé rations commencèrent réellement en décembre 1417 Un consortium de plu sieurs marchands prit ferme en bloc pour un an les quatre ateliers Auxonne Saint-Laurent-lès-Chalon Cuisery et Ma on 145 Le pied de la monnaie amené

53 permit de commencer la frappe avec une marge théorique de 39 Dès février 1418 il fallut ajuster le prix du marc argent et le pied de la mon naie en regart la chierté de or 146 En octobre 1418 alors que les bénéfices

141 La meilleure analyse demeure celle de Ph WOLF Commerces et marchands de Toulouse... Paris 1954 pp 327-334

142 Notons que les méthodes que nous venons de décrire sont peu de choses près les mêmes utilisaient les trafiquants et les faux-monnayeurs au xive siècle et que dénon aient les ordonnances que nous avons étudiées plus haut spéculation sur le métal utilisation de mauvaise monnaie etc.)

143 RICHARD Trois lettres concernant occupation de Ma on par les Bourgui gnons Annales de Bourgogne XXXIII 1961

144 Amyot Viard marchand Auxonne en Bourgogne. qui il quelque temps par ordre du Duc de Bourgogne et la requête de plusieurs généraux de finances entre mit lui très connaissant en fait de monnaie et prit grande peine et diligence par grande subtilité et aguet de faire valoir les monnaies du roi spécialement Troyes Chalons et Masc lesquelles auparavant de très petite valeur ont été durant son entreprise et sont encore de très grand revenu POCQUET DU HAUT-JUSSE La France gouvernée par Jean sans Peur 288

145 Archives départementales de la Or 11215 fol 146 A.D Or 11215 fol 30 en leur compteroit pour chascun marc

argent qui seroit emploier en ouvraige desdiz 12 ooo marcs autel pris que les maistres des monnoyes Auxonne Saint Laurens Cusery et Masc ou un eulx en donneroient en regart la chierté de or.

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MONNAIES MESURES ET MARCHANDISES

tendaient déjà diminuer sérieusement le pied fut ramené par désir de se concilier avec le Dauphin qui frappait depuis juin ce pied 147

Entre-temps en janvier le Duc avait fait régulariser la situation de atelier de Ma on en se faisant donner par la reine Isabeau les profits et le gouver nement des ateliers bourguignons pour un an janvier 1418 148 Le roi approuva ce don par une déclaration du 12 octobre 1418 149 puis donna son quitus administration ducale le 25 mars 1419 150 En fait la réalité financière ne se trouva guère modifiée car les bénéfices de atelier allèrent la caisse du receveur général royal151 mais caisses royale et ducale étaient pratiquement confondues 152

Le Dauphin Charles avait commencé en juin 1418 frapper monnaie au pied ooe Le Duc aligna sa frappe sur celle du Dauphin en octobre mais pour tant la guerre monétaire enflamma bientôt En avril le pied bourguignon fut amené 80 et est durant été de 1419 que furent apparemment réalisés les plus gros bénéfices de atelier de Ma on 153 En août il passa 96 mais le pied du Dauphin était loo depuis juin et passa 120 en octobre En décembre 1419 les marchands bourguignons se plaignirent de trouver Genève des agents du Dauphin qui payaient le marc argent l.t au-dessus du prix officiel fixé par le Duc 154 Il fallut donc relever le cours du marc et les béné fices de atelier de Ma on tombèrent un niveau très faible La production elle-même baissa sensiblement En avril et mai 1420 le cours du marc argent atteignit progressivement le niveau record de 26 l.t 155 tandis que le pied était porté 128 en avril puis 160 en juin La production reprit quelque peu mais les bénéfices réels de atelier allaient toujours en amenuisant alors

147 DUMAS-DUBOURG propos de atelier royal de Dijon Aper us sur la poli- tique monétaire des Ducs de Bourgogne Jean sans Peur et Philippe le Bon Annales de Bourgogne XXXIV 1962 30

148 A.D Or 15 fol 133 v0 149 A.D Côte-dOr 15 fol 131 v0 Les termes de cette confirmation sont légè

rement différents de ceux de la donation en ce ils affirment plus clairement le droit imprescriptible du roi Cette différence provoqua des difficultés au moment de apurement des comptes des maîtres particuliers.

150 A.D Or II20I 151 Ce receveur fut en 1418-1420 Pierre Gorremont un des serviteurs du Duc

dont les comptes ailleurs tenus selon les méthodes de comptabilité bourguignonnes et non pas royales sont conservés aux A.D de la Or 1593 et 1602 POCQUET DU HAUT-JUSSE Le compte de Pierre Gorremont receveur général du royaume 1418-1420) Bibliothèque de cole des Chartes XCVIII 1937 pp 66-98 234-282 Voir pp 88-89 le tableau récapitulatif des recettes des ateliers monétaires par receveur.

152 DUMAS-DUBOURG propos de atelier royal de Dijon art cité 16 153 Apparemment car il agit seulement de leur date apparition dans les comptes

des receveurs Peut-être avait-il un certain décalage entre le versement et la production les maîtres assurant souvent des avances au Duc en échange un profit personnel plus élevé Voir A.D Or 11215 fol

154 Jehan de Plaine par lettres du décembre 1419 en récompense de pertes subies Genève sur une grande quantité argent et de billon il lui fallut acheter afin de fournir ouvrage promis et il paya plus grand prix que le roi avait ordonné en toutes ses monnaies parce que les gens et marchands tenant la monnaie de Lyon pour le Dauphin avaient forgé moindre pied aloi que le roi et payaient Genève 20 francs du marc argent. POCQUET DU HAUT-JUSSE La France gouvernée par Jean sans Peur 277.

155 En fait Dijon le marc atteignit 36 l.t en mai 1421 DUMAS-DUBOURG art cité 31 Nous renvoyons une fa on générale cet article qui contient une très bonne chronologie des faits)

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GUERREAU UN ATELIER MON TAIRE AU MOYEN AGE

même que le pourcentage théorique de marge était élevé 44 Durant ce même temps et en juin 1422 le pied des monnaies du Dauphin grim pait de fa on vertigineuse Dès novembre 1421 voyant que la lutte devenait sans objet les autorités ducales avaient rétabli le pied 30 atelier ducal de Dijon conserva une certaine activité 156 Celui de Ma on chôma sans doute dès la fin de 1421 au plus tard en 1422 La situation militaire dans la région était devenue très critique 157 et il est peu près certain que les autorités bourguignonnes ne voulurent pas prendre le risque de voir un atelier en acti vité tomber entre les mains du Dauphin

Dès lors un profond silence documentaire étendit sur atelier de Ma on seulement entrecoupé de trois notes brèves et ultimes en 1435 le traité Arras stipula que les revenus de atelier royal de Ma on seraient versés au Duc 158 Deux officiers royaux se présentèrent Ma on au début de 1436 pour tenter sans succès de rouvrir atelier 159 En janvier 1438 les gens de la Cour des Monnaies adressèrent aux gardes de la Monnaie de Ma on une lettre leur enjoignant envoyer Paris les boîtes de leur atelier 160 Cette lettre demeura évidemment sans réponse Finalement en 1475 les bâtiments de atelier furent cédés aux chanoines de Saint-Augustin dont le monastère avait été détruit quelques années auparavant161

Quoique dispersés et très lacunaires les documents relatifs atelier de Ma on ne font pas totalement défaut entre le milieu du xme siècle et les premières années du XVe siècle Ils permettent au moins de caractériser les grands traits des principales étapes de son activité le xme les crises et les mutations en 1360 la stabilité de 1360 1413 enfin la crise de 1417-1421 Il est permis de croire que la plupart des autres ateliers fran ais plus impor tants seront mieux éclairés que celui de Ma on le jour où on attachera les étudier Nous sommes persuadés en tout cas que des études globales du personnel de ces ateliers et de la répartition géographique des émissions seraient extrêmement suggestives

Alain GUERREAU Ma on

156 Ibid. 31 157 DENIAU La commune de Lyon et la guerre bourguignonne 141 -1431) Lyon

1934 395 et Archives communales de Mac BB 13 fol 70 158 Dou ARCO La chronique Enguerran de Monstrelet 162 159 A.D Or 11210 lettre du procureur général du bailliage de Ma on

aux gens des Comptes de Dijon mars 1436 Jehan Le Roy general maître des mon nayes du Roy nostre seigneur et Jehan Chambellant vallet de chambre de Monseigneur le Dauphin arrivèrent en ceste ville de Masc le premier jour de mars et ont apporté lettres patentes du Roy nostre seigneur et lettres douses de par messeigneurs des monnayes contenant ilz fassent fere monnaye or et argent en ceste dite ville de Masc n. et ont fait assamblé les marchans de ceste dite ville de Masc qui ont acoustumé de se entremectre en fait de change et ont unques trouver esdits marchans personne qui vouisu prendre charge de fere aucun ouvrage de monnoye.

160 A.N. fol 31-32 A.D Or et Archives communales de Ma on AA fol 119-120

387

Page 21: L'atelier monétaire royal de Mâcon, 1239-1421 (A. Guerreau)

MONNAIES MESURES ET MARCHANDISES

où venait le métal frappé Ma on

Depuis la rédaction de cet article les hasards de nos recherches nous ont permis ou suggéré plusieurs identifications grâce auxquelles se précise notre connaissance des sources approvisionnement en métal de atelier de Ma on

Parmi les dix-huit personnages qui vendirent de argent Jean Lambert en 1355 Jean du Verger changeur de Lyon fut Conseiller de cette ville en 1356 Jean de La Mure important drapier lyonnais cité depuis 1334 fut Consul de sa ville en 1338 1340 1353 I35 1359 Son nom est probablement origine géographique peut-être tiré de celui du bourg de Lamure-sur-Azergues ouest de Villefranche Or cette partie sud du Beaujolais était justement le secteur minier le plus important de la région dont faisait mention ordonnance de 1413 et sur lequel nous avons quelques documents du milieu du xve siècle Jacques ur possédait des mines de cuivre et de plomb argentifère Chessy- les-Mines dans la vallée de Azergues Joux dans celle de la Turdine Saint-Pierre-la- Palud Brussieu Argentière Argentière dans celle de la Brévenne Par ailleurs le nom de Jean Le Fondeur ne serait-il pas mettre lui aussi en rapport avec une activité minière ou métallurgique

Lors de la crise de 1417-1421 essentiel de argent frappé provenait de Genève Parmi les quatre marchands cités par Jean Furet lors de instruction de son procès trois sont bien connus des historiens suisses Piètrement Malche est autre que Petermann Malchi ou Maltschi bourgeois de Fribourg où il occupa de nombreuses fonctions officielles de 1419 1433 obtint même au nom de la ville une bulle pontificale confirmant le droit de monnayage municipal Jacquemin Roole est Jacques Rolle syndic de Genève en 1419 et 1431 qui fut agrégé la noblesse Empire en 1431 par Sigismond et mourut en 1463 Nicolas Dyespay enfin est Niklaus von Diesbach marchand et orfèvre fils un séna teur de Bern Il établit abord Nürnberg revint en 1415 Bern où il occupa diverses fonctions officielles Il fut agrégé la noblesse Empire en 1434 De 1416 1422 il prit

ferme avec deux autres bourgeois la concession de toutes les mines de la vallée de Hasli haute vallée de Aar autour de Meiringen Il était autre part resté en contacts commer ciaux avec Nürnberg Il eut vers 1417 de vifs démêlés avec Job Hugen bourgeois de Nürnberg propos de achat de métaux Or vers 1421 Jost Hang bourgeois de Nürnberg avait un débiteur insolvable Ma on serait-ce le même marchand dans les deux cas Le débiteur insolvable ne serait-il pas justement Furet En dépit du caractère hypothé tique de ce dernier rapprochement nous pouvons saisir concrètement le cheminement du métal depuis les mines de Empire atelier de Ma on les relais étant Nürnberg Bern Fribourg Genève

Compléments bibliographiques

LE GENTILHOMME institution des monnayers du serment Empire dans le royaume Arles et de Vienne et ses filiales en France de 1343 1541 Positions des thèses des élèves de cole des Chartes 1931 pp 141-155 FouRNiAL Monnaie de Lyon et monnaie de Vienne La circulation monétaire en Lyonnais et en Forez au xme siècle Cahiers histoire 1959 pp 103-130

DO Les sergents Lyon aux xive et xve siècles B.P.H.C. 1964 pp 283-292 BONNET Les changeurs lyonnais au Moyen Age 1350-1450 Revue historique 1973 pp 325-352

388

Page 22: L'atelier monétaire royal de Mâcon, 1239-1421 (A. Guerreau)

GUERREAU UN ATELIER MON TAIRE AU MOYEN AGE

GuiGUE Cartulaire municipal de la ville de Lyon Lyon 1876 pp 462 128- 467 passim LUCE De exploitation des mines et de la condition des ouvriers mineurs en France au xve siècle Revue des questions historiques 1877 pp 189-203 JOLY tablissements de Jacques ur dans le Lyonnais 1444-1453 B.E.C 1928 pp 70-80 et 1932 pp 314-330 LACO exploitation des mines de Saint-Genis-Terrenoire par le chapitre de Saint-Just C. 1964 pp 293-305 RLER ATTINGER GODET Historisch-biographisches Lexikon der Schweiz Deutsche Ausgabe Neuchâtel 1929 s.v Malchi

E.-L DUMONT Armoriai genevois Genève 1961 373 Vicomte de GHELLINCK-VAERNEWYCK La généalogie de la maison de Diesbach Gand 1921

PP 43-50 Vicomte de GHELLINCK-VAERNEWYCK Le chartrier de la maison de Diesbach Gand 1889

56 SCHULTE Geschichte des mittelalterlichen Handels und Verkehrs zwischen Westdeutsch- landund Italien nouv ed. Berlin 1966 200

R.-H BAUTIER Marchands voituriers et contrebandiers du Rouergue et de Auvergne Trafics clandestins argent parle Dauphine vers les foires de Genève 1424 1963 pp 669-688

389

Page 23: L'atelier monétaire royal de Mâcon, 1239-1421 (A. Guerreau)

MONNAIES MESURES ET MARCHANDISES

ANNEXES

Comptes de boîtes de atelier de Ma on 141 -1421

Date du compte

juin 1419

juin 1419

juillet 1419

juillet 1419

juillet 1419

juillet 1419

juillet 1419

juillet-décembre 1419

novembre 1419

novembre 1419

décembre 1419

janvier-février 1420

février 1420

mars 1420

avril 1420

avril 1420

mai 1420

mai-juillet 1420

juillet 1420 septembre 1420-

vrier 1421 janvier 1421

mars 1421

Type de la pièce

gros de 20 d.t gros de 20 d.t gros de 20 d.t gros de 20 d.t gros de 20 d.t gros de 20 d.t gros de 20 d.t gros de 20 d.t gros de 20 d.t gros de 20 d.t

pièce de d.t

gros de 20 d.t gros de 20 d.t gros de 20 d.t gros de 20 d.t gros de 20 d.t

pièce de d.t

gros de 20 d.t gros de 20 d.t gros de 20 d.t gros de 20 d.t

pièce de d.t

gros de 20 d.t

Quantité de pièces

958 ooo

48 ooo

48 ooo

48 ooo

24 000

24 000

598 ooo

198 ooo

325 ooo

79 ooo

192 000

248 ooo

484 ooo

96 ooo

ooo

184 ooo

ooo

256 ooo

000

465 ooo

802 000

33 îî

ooo

Prix achat du marc l.t.

i5

i5

i5

i5

i5

15

15

22

Prix du marc monnayé piedla l.t.

20

20

20

20

20

20

20

24

24

24

24

24

26.13.4

26.13.4

24

24

24

32

40

40

Poids de métal monnayé

en marcs

991

200

200

200

100

100

2491

687

îî

274

67

512

300

208

638

325

968

670

64

Marge en

marcs

997

50

50

50

25

25

622

215

1438

86

21

515

102

48

146

27

208

015

424

730

28

Marge en

25

25

25

25

25

25

25

34

34

23

23

23

44

44

44

39

44

390

Page 24: L'atelier monétaire royal de Mâcon, 1239-1421 (A. Guerreau)

GUERREAU UN ATELIER MON TAIRE AU MOYEN AGE

Comptes de boîtes de atelier de Ma on 1338-1404

Date du compte

24 octobre 1338- 1339

28 novembre 1338- janvier 1339

28 novembre 1338- janvier 1339

deniers la 5-11 janvier 1339

5-11 janvier 1339

janvier- mai 1339

li janvier- mai 1339

février-mars 1355

avril-mai 1360

mai 1360

mai 1360

octobre 1400- vrier 1401

février 1401- novembre 1401

novembre 1401 décembre 1402

janvier 1403- mars 1404

Type de la pièce

deniers or au lion

25 s.t deniers la couronne

d.t doubles deniers

d.t

couronne d.t

doubles deniers

d.t deniers la couronne

d.t doubles deniers

d.t blancs la couronne

d.t blancs 15 d.t

blancs 15 d.t

deniers d.t

blancs d.t

blancs d.t

blancs d.t

blancs d.t

Quantité de pièces

19 ooo

240 8oo

il 520

58 8oo

324 480

924 8oo

502 000

12 000

000

105 îî

113 000

170 ooo

277 ooo

357 ooo

Prix achat du marc l.t.

59.10

4.12

4.12

4.8-

II

II

10.15

6.5

6.5

6.5

6.5

Prix du marc monnayé piedï l.t.

62.10

12

6.15

6.15

6.15

6.15

Poids de métal monnayé en marcs

380

l82

307

8o

82

2253

73

i3o8

625

2383

27.5

697

049

709

203

Marge en

marcs

i8

43

7i

375

445

538

52

75

52

78

127

Marge en

48

23

23

20

20

17

41

83

33

75

75

75

75

391

Page 25: L'atelier monétaire royal de Mâcon, 1239-1421 (A. Guerreau)

MONNAIES MESURES ET MARCHANDISES

Atelier

La production des ateliers monétaires royaux dans la première moitié du XIVe siècle

Versements Versements Frappe argent mars i2()8- mars 1349- décembre 1338- mars 1300 avril 1350 mai 1339

l.t l.t l.t frappées

Frappe or décembre 1338-

mai 1339

pièces mises en boîtes 0/

Agen Angers Bruges Figeac Limoges Loches Ma on Mont-de-Dôme Montpellier Montreuil-Bonin Paris Rouen Saint-Pour ain Saint-Quentin Sommieres Toulouse Tournai Troyes

98673

59 127

204 027 751

76 099 239 866 427 632 152 7î

4>9

29

101 37

38

213 76

8o 630

390 34 74 loo 28 33

88o

310 îîî 149 830 40 8î 82 950

050 105 650 50 250

08 75

12 32 69 26

34

287 139 37 77

57 99 4.7

33450 36380

88o 148

îîî 45470 88990

480 8é 930 47

4.2 46

106

76 57 112 131 80

103 59

38

110 048 207

32 496 266

4.1 390 7.7

12 é85 99

45

Versements de atelier de Ma on de février 1418 août 1420

après les comptes de Pierre Gorremont Receveur général du royaume A.D Or I5 3-B i6o2 et de Jean Fraignot Receveur général de Bourgogne A.D Or

I594-B 1598.

Mois 1418 1419 1420

l.t marcs l.t marcs l.t marcs

Janvier Février Mars Avril Mai Juin Juillet Août Septembre Octobre Novembre Décembre

392

43

10947

23 445 70

625 6521

133

3658

309 227 684

39 4î8 322 475 244

8583 400 ïé8 88ï

14038 400

29

5084 300 550

572 227 68

592 703 üï

255

212

148

900 12 394 6757 4787

400 îîî

îîî

412 515 28l

250