1

L’attention Une lecture avant d’aller plus loin

Qu’est-ce que l’attention ? 3

Deux exemples d’expériences 4Trois formes d’attention 5

A\L’attentionsélective 5Deux exemples d’expériences 5

B\L’attentionexécutive 7Trois exemples de tests 8

C\Lavigilance 9L’attention : un équilibre 10

A\Deuxsystèmesdedistraction 10B\Notreintention 12

L’attentiondivisée 13Un exemple de tests 13Deux exemples de gestion des ressources mentales 14

L'attention sociale (ou conjointe) 16Lecerveauattentif 18

Ensavoirplus

2

L’escamoteur,tableauattribuéàJérômeBosch(1450-1516)Le prestidigitateur exécute un tour de passe-passe qui de toute évidence capturel’attentiondupersonnageenroberouge.Ilenauraquelquesdésagréments…

3

Qu’est-ce que l’attention ? Nous avons tous une idée de ce qu’est l’attention. C’est unmot que nous employonsfréquemment.Pourtantbizarrementilestdifficilederépondreàcettequestion...quiencontientbeaucoupd’autres.Notreattentionest-ellesanslimite?Est-ontoutletempsattentif?L’attentiondépend-elleuniquementdenotrevolonté?Peut-onfaireattentionàplusieurstâchesàlafois?La distraction est-elle le contraire de l’attention ? Notre attention peut-elle êtremanipulée?Concentrationetattentionsont-ilssynonymes?etc.L’attentionestunefonctiondenotrecerveau.Elle nous permet de faire des choix, instant après instant, dans le flux incessantd’informationsquinousarrivent.Noschoixontdesconséquences:ilsdéterminentnotrecomportement et nos actions ainsi que la qualité de nos apprentissages, de notrerelationaumondeetdenoscontactsaveclesautres.Avecousansattention,c’esttoutenotreconnaissancedumonde,desautresetdenous-mêmequiestbouleversée.L’attention est une faculté essentielle, en particulier pour l’apprentissage: ellesélectionneles«grains»etlesemmèneaucerveauoùilsseront«moulus».Autrementdit,ellenoussertàprivilégier, temporairement,unélémentdumondeautourdenousou de notre monde intérieur pour qu’il bénéficie de l’essentiel de nos ressourcescognitives.Etdonc,ellenoussertaussiànégligerd’autreséléments.Chacundenoussaitsubjectivementmaisclairements’ilfait,ounon,attention.Quepeut-on évaluer objectivement de l’attentiond’un individu ? On ne peut pas évaluerdirectement l’attention.On lamesureenobservantdescomportementsetenchiffrantuneperformance.Laquestionclassiquedel’enseignantdemandantàunélève«qu’est-cequejeviensdedire?»estuntestdel’attentionestimantlecomportementoulaperformance. L’attentionestl’undesthèmesmajeursderecherchedessciencescognitives.Parmilestrèsnombreusesméthodesd’étudesdel’attention,lapsychologieexpérimentalefigureenbonneplacedepuislongtemps.

4

Deux exemples d’expériences

Ø Expérience pour tester la capacité à orienter son attention dans l'espace (test de M. Posner, 1980)

Leparticipantestassisfaceàunécrand’ordinateuretdoitfixersonregardsurunepetitecroixcentrale.Descarréssontplacésdechaquecôtédecettecroix.Desfiguresvontapparaîtredansl'unou l'autrede ces carrés. Leparticipantdoit cliquer leplusvitepossible lorsqu'il voitune

figure (ici une étoile) apparaître dansl'undescarrés.Avant que l’étoile n'apparaisse, leparticipantreçoitunindice:icil'undesdeuxcarrésestmisenévidenceparunebordureverte.

Troisconditionssontpossibles:- lecarrésignaléestceluiquiaccueilleral’étoile- l’étoilen’apparaîtpasdanslecarrésignalé- pasdesignalousignaldanslesdeuxcarrés.

Lestempsderéactionsontmesurés.L’expériencemontrequelaréponseestplusrapidequandl’étoileapparaîtdumêmecôtéquel’indice,quandlaréponseestanticipée.Cetestmesurelacapacitédechangerdefocusd'attentionaprèsquecelle-ciaétéorientéeversunstimulusàunendroit.

Ø Expérience pour tester l’attention soutenue : le test de barrageDes lettres B et des chiffres 8 sont disposés aléatoirement sur une feuille. La tâche consisteà barrer tous les chiffres 8, le plus rapidementpossible.L’examinateur présente la feuille au participantpendant un temps déterminé. A la fin de ce temps,le nombre total de cibles correctement barréesest compté, ce qui mesure la performanceduparticipant.Vousremarquezquecesdeuxtestsétudientdesphénomènesattentionnelsdistincts.Lepremierétudie ledéplacementde l’attentionvisuelledans l’espace; le secondun typed’attentionqu’onappelle attention soutenue.Pour étudier l’attention, les scientifiquesl’onteneffet,enquelquesorte,décortiquée.

5

Trois formes d’attention Troissystèmesattentionnels,chacunimpliquanttroisréseauxcérébrauxdistincts,sontsouventdécrits:unsystèmedesélectionouattentionsélective,unsystèmedecontrôleexécutifouattentionexécutiveetunsystèmedevigilance.

A\ L’attention sélective

Comme le psychologue américainMichael Posner l’a proposé, on peut se représenterl’attentioncommelefaisceaud’unprojecteurquel’ondirigesur la perceptiond’unobjet physique (ce quenous voyons,entendons, etc.) ou d’un phénomène mental (une pensée),parmi d’autres. Grâce à l’attention, des informations, quiauraient pu rester ignorées, arrivent à notre cerveau et ysonttraitées.Cette image est frappante dans la mesure où elle nous ditqu’à chaque moment nous ne percevons qu’une partiede notre environnement. Ce à quoi nous ne faisons pasattention, ce qui n’est pas dans le faisceau lumineux, à un

momentdonné,restedansl’ombre,ignoré.

Deux exemples d’expériences

Ø L’expérience du gorille (1999) Deux chercheurs américains, Simons et Chabris, ont conçul’expérience suivante.Les sujetsquiparticipentà l’expériencedoivent regarder unevidéomontrant des joueurs de basket.Ils ont pour consigne de compter le nombre de passes quesefontlesjoueurshabillésenblanc.Totalementconcentréssurcette tâche de comptage, lamoitié des participants ne voientpas un personnage déguisé en gorillequi traverse la scène,s’arrête,sefrappelapoitrineetrepart.

Comme leur attention est fixée sur le ballon et les joueurs blancs, leur système attentionnelles empêche de percevoir ce qui se passe en dehors de ces quelques cibles claires et ils sont«aveugles»àtouteautrechose.Il faut ajouter que l’enregistrement des déplacements oculaires des spectateurs montre queleursregardssesontposésplusieursfoissurlegorilleincongru.Ils’agitdecécitéinattentionnelle.https://www.youtube.com/watch?v=vJG698U2MvoCetteexpérience,devenuetropconnue,aétéremaniée:voirlavidéohttps://www.youtube.com/watch?v=IGQmdoK_ZfY

6

Ø L’expérience de la porte (1998) SimonsetLevin,deuxchercheursaméricains,montrent,dansunevidéo,unescènederue.Unpassant(quiestunexpérimentateur)s’adresseàunpiétonpourluidemandersonchemin.Lepiétoncommenceàexpliquerladirectionàprendre.Acemoment,desdéménageurs(expérimentateurseuxaussi)passent entre le passant et le piéton avec une porte qui lesdissimulel'unàl'autrependantunedemi-seconde.Pendantcecourt instant, le passant expérimentateur échange sa placeavecundesdéménageurs.

Danslamoitiédescas,lepiétonneserendpascomptequesoninterlocuteurachangé.Ils’agitdecécitéauchangement.Voirlavidéo:http://viscog.beckman.illinois.edu/flashmovie/12.phpCesexpériences,etd’autresenlaboratoireoudansnotreviequotidienne,nousmettentface aux limites de notre attention, à notre «aveuglement» à certaines parties d’unescène.C’eststupéfiantdeserendrecomptedetoutcequ’onmanque!Nousprenonsainsiconsciencequenousnoustromponsdansl’idéequenousavonsdenotreattention.Noussurestimonssanscessenosproprescapacitésattentionnelles.Nouspensonsquesiunevidéonousmontreunévénementaussiextraordinairequ’ungorille traversantunmatchdebasket,nouslepercevronsforcément:cen’estpaslecas!Lacécitéinattentionnelleestuneréalité.Ellepeutavoirdesconséquencesgravesdanslaviequotidienne:conduireoutéléphoner,ilfautchoisir!Nous avons également tendance à surévaluer la quantité d'informations que nouspercevonsautourdenous:nouspensonsgénéralementquenoussommescapablesdepercevoirl’essentieldecequisepasseautourdenous.Ornotreattentionadeslimites,malgrétousleseffortsquenouspouvonsfaire:lorsquenoussommesattentifsàunobjetouunetâche1,cequiestautourdenousnouséchappe.Parmi la multitude d’informations qui nous arrivent à chaque instant dans la viequotidienne,notrecerveausélectionnecellesquiluiparaissentimportantesenfonctiondenosgoûts,oudenoshabitudes,oudecequenouscherchonsàfaireàcemoment-là.Par conséquent d’autres informations ne sont, du coup, peu ou pas enregistrées parnotrecerveau,etnousnepouvonspasoupeulesapprendre.Uneinformationquenotrecerveau ne sélectionne pas, à laquelle notre cerveau ne fait pas attention, reste pournouspratiquementinexistante.

1Unetâcheestreprésentéeparlebutàatteindreaumoyendeconnaissancesdansunenvironnementdonné.

7

Notreattentionagitenréalitécommeungoulotd’étranglement.Elledistillelesinformationsquiarriverontaucerveau,empêchantcelui-cid’êtresubmergé d’informations et évitant unesurchargecognitive2.Ilnesuffitpasquedesimagesarriventsurnotrerétine, il faut aussi que notre cerveau y soitattentif.L’attentionsélectiveconcernenonseulementl’attentionvisuelle,maisaussitoutesnosmodalités sensorielles. Imaginez-vous dans un cocktail. C’est un brouhaha, plusieurspersonnes parlent enmême temps. Ne vous est-il pas arrivé de faire comme si vousécoutiez lapersonneen facedevous,alorsquevous tendiez l’oreilleàcequisedisaitderrièrevous?

B\ L’attention exécutive Vous êtes au volant d’une voiture et vous allez vous arrêter, comme toujours,automatiquement,aufeurouge.

Soudain une sirène de pompiers! Qu’allez-vous faire, vous arrêter au feu commed’habitude ou brûler le feu pour laisserpasserlespompiers?Leproblèmedoitêtrerésolu très rapidement. Le cerveau détectele conflit, examine les conséquences desdeux options et oriente les aiguillages desréseaux de neurones pour que l’action laplusopportunesoitentreprise.

Le système cérébral mis en jeu dans cette situation est désigné comme attentionexécutiveoucontrôleexécutifdel’attentionouconcentration.Lecontrôleexécutifdel’attentionestunensembledeprocessusquiagissentdanslaviequotidiennedefaçonindissociableetharmonieuse.Ilmetenjeunosperceptionsetnosintentions pour résister à la distraction et pour exécuter une action en activant lesopérationspertinentes.Ilaunlienétroitaveclamémoiredetravailquimetà jour,aufuretàmesuredelaprogressiondel’action,lareprésentationmentaledelasituationenprenant en compte les informations adéquates pour le but à atteindre et la survenueéventuelled’informationsnouvelles.La description des tests de psychologie expérimentale illustre ce qu’est le contrôleexécutifdel’attentionetsescomposants.

2Lachargecognitivecorrespondàl’intensitédutraitementcognitifmisenœuvreparunindividulorsqu’ilréaliseunetâchedonnéedansuncontexteparticulier.La réductionde la charge cognitive et la remédiation aux situationsde surcharge cognitivedans la viequotidienne, scolaire et professionnelle, chez des adultes ou chez des enfants, font partie du domained’applicationdecettethéorie.

8

Trois exemples de tests

Ø Le test de Stroop (1935) (toujours très utilisé de nos jours) Onprésenteauxparticipantsunesuitedemotsindiquantdesnomsde couleurs (vert, bleu, rouge, ...). Chaquemot est écrit avec uneencrecolorée.Lemotet lacouleurdel’encresontsoitcongruents(lemotbleuestécritenbleu)soitnoncongruents(lemotbleuestécritenrouge).Les participants doivent nommer, le plus rapidement possible, lacouleurdanslaquelleestécritchacundesmots.Lesmesuresmontrentque,encasdenoncongruence,letempsde

réactionetlenombred’erreurssontaugmentéschezlessujetsbonslecteurs.Lebonlecteurestfaceàunconflit.Ildoitinhiberl’automatismedelalecture,faireuneffortpourconcentrersaperceptionsurlacouleurdel’encreetassocierlacouleurdel'encreàsonnom. Ø Le test d’Eriksen (1974)

Cinq flèches apparaissent à l’écran. Le participant doitindiquer si la flèche présentée au centre se dirige vers ladroiteoulagauche.Lesflèchesprésentéesdepartetd’autredelaflèchecentralepointentsoitdanslamêmedirectionquecelle-ci, soit dans la direction opposée. Le participant atendanceàêtredistraitpar lecontextequereprésentent lesautres flèches: il a besoindeplusde temps etcommetplusd’erreurs pour déterminer la direction de la flèche centrale

quandlesflèchesdepartetd’autredecelle-cipointentdansladirectionopposée.Lesflèchesdepartetd’autredelaflèchecentralesontdesinformationsgênantesauxquellesilfautrésisterpoursefocalisersurlatâche. Ø Le test de Corsi (1972)

Leparticipantestfaceà un écran sur lequel s’affichent neufcarrésbleusdont certainsvontdevenir jaunes lesunsaprès lesautres, de manière aléatoire. Le participant doit garder enmémoire quels carrés sont devenus jaunes et leur ordred’apparition,puislesreproduit.Cetestmesurelacapacitédelamémoiredetravailvisuo-spatiale.La difficulté de la tâche augmente avec l’augmentationprogressivedunombredecarrésàmémoriserdanslaséquence.Les adultes sont capables de reproduire sans se tromper des

séquencesde6carrésenmoyenne.

9

C\ La vigilance En2018,desscientifiquesrecherchentdesmétéoritesenAntarctique:ilsmarchenten

regardantparterre,balayantlesolduregard,pendantplusieursheures,dansunétatd’alerte,devigilance:soudainl’œildel’und’euxestattiréparunepierreétrange!https://lejournal.cnrs.fr/articles/chasseurs-de-meteorites-en-antarctique-0

La vigilance, ou état d’alerte, ou attention soutenue, est primordiale dans certainsmétiersquidemandentderéagir rapidementà lasurvenued’événementsrares.Ellead’ailleurs été définie en référence au travail des contrôleurs aériens chargés desurveillerunécranradarpendantdesheures. Il y a bien longtemps, 1 million d’années et plus, il fallait exercer une vigilanceexceptionnelle pour se procurer de la viande et éviter les prédateurs. Nos ancêtreschasseursmettaientenœuvrel’attentionsoutenuepourpisterlessigneslaissésparlesanimaux(attentionassociéeàtoutenotrepaletted’atoutscognitifs,commeladéduction,lamémoire,l’élaborationd’hypothèses,etc.pourattraperlaproieconvoitée).Denosjours,certainsjeuxvidéod’actioncultiventl’attentionsoutenue.Desconditionsexpérimentales ontmis en évidence que ceux qui jouent à ces jeux vidéo deviennenthyper-réactifsàcertainescibles importantespour le jeu,mêmeaprèsunlongmomentd’attente: autrement dit, ces joueurs améliorent nettement leurs performances devigilance. Cependant, il n'est pas du tout certain qu'ils réussissent à exercer leurvigilancedefaçonaussispectaculaireendehorsducontexteludiqueetmotivantdecejeuvidéospécifique…autrementditàgénéraliserlesprogrèsdusàcetentraînement.

10

L’attention : un équilibre L’attentionestmobile.Ellesedéplacedenotrelectureàlamoucheentréeparlafenêtre,denotreclavieràlaportequiclaque…Tous, nous ressentons les déplacements de notre attention et l’alternance incessanteentre distraction et attention. Dans la vie quotidienne, nous sommes tout le tempsattentifs à quelque chose, souvent de façon fugace et légère. Ce qui apparaît commemoinsfacile,c’estderesterattentifuncertaintempssurlamêmetâche.Notreattentionsedéplaceenfonctiondeforcesquisontmaîtrisablespourcertainesetpourd’autresincontrôlablesoutrèsdifficilementcontrôlables.Jean-PhilippeLachauxnouspropose l’image trèsparlantede lapoutre:accomplirunetâchenousamèned'unpointdedépartàunpointd'arrivée,commelorsdelatraverséedelapoutre.Etcommesurunepoutre,nouspouvonsàchaqueinstantêtredéstabilisé,voiretomber,sinotreattentionestdéviée.Ilestaussifaciledevisualiserqu'uneactivitépeutdemanderuneattentionplusoumoinslongue,plusoumoinscontinue(ouintense)selon la largeur de la poutre, avec des conséquences plus oumoins graves en cas dechute(enfonctiondesahauteur).Demêmequelatraverséedelapoutrenedemandepasdeforce,maisdel’équilibre,demêmelemaintiendel'attentionrésulted'équilibres.Toutaulongdelatraverséedelapoutre,nousressentonsdesforces(noshabitudes,unévénement inattendu) qui peuvent nous déséquilibrer, auxquelles il faut résister parpetitestouches.Quellessontcesforces?

A\ Deux systèmes de distraction Lehurlementd’unesirèneou laveste fluode l’automobilisteenpannesur l’autoroute

capte votre attention. Ce sont deux exemplesimpliquantlepremiersystèmededistraction.

Desneuronessituésà l’arrièredenotrecerveausontcapablesdedétecterrapidementlesobjetsouévénementssaillantset ilsréoriententnotreattentionenune fractiondeseconde.Cetteréorientation,quiestunedistraction,peutavoirdesavantages.Ellenouspermetd’éviterunaccidentoud’échapperàundanger;ellenousrappellel’existencedumondeenvironnant;nousallonspouvoirapprendrequelquechosedenouveauounousadapteràunchangement.

11

La saillance est unmécanismepuissantdedistraction.Tout cequi est brillant, ouquiclignote,ouquieststrident,toutcequiestnouveau,insolite,inattendu,estsaillantpournotreattentionetl’attire.Lesvisageshumains,etparticulièrementleregard,fontpartiedes«objets»saillants.Sidanslebrouhahad’uncocktail,quelqu’unprononcevotrenom,vousallezl’entendre:votrenomdevientsaillantpourvotreattention,quiseréorienteversluiparcequ’ilestévidemmenttrèsimportantpourvous.La saillance à laquelle tend à succomber spontanément notre attention est largementexploitéepar lesmédiasou les agencespublicitaires.Notre attentionestune fonctioncognitiveconvoitée!Desbudgetsimportantssontconsacréspourcréeretfairecirculerdesmassesd’informations(affiches,films,musique,Internet,images,etc.)defaçonàcequ’ellescapturentnotreattention.L’économiedel’attentionestaujourd’huidevenueunsecteuràpartentièredel'économie.Lesecondsystèmededistractionestillustréparl’imagedecegarçonquiavaittellement

plus envie de jouer à la toupie (outoton) que de prendre sa plume, sesfeuilles et ses livres! La toupiepourrait être aujourd’hui un jeuvidéo…Jean-Siméon Chardin (1699-1779) L'enfant autoton/MuséeduLouvre

Ce second système cérébral appelé circuit de la récompense évalue notreenvironnementenfonctiondecequinousestutile,decequinousintéresse,decequinousfaitenvie,decequenousdétestons...Il enregistre des associations entre ce que nous faisons ou percevons et ce que nousressentons.Selonquenotreressentiestagréableounon,ilattribueunevaleur,positiveounégative,àcetteassociation.Lecircuitdelarécompensenousrendplusattentifàcequinousestplusagréable,cequinousfaitplusenviedefaireoudevoir:encelailestdéstabilisel’attention.Cesdeuxsystèmes,lecircuitdelarécompenseetlesystèmed’orientationréflexeverscequiestsaillant,ontuncontrepoids,notreintention.

12

B\ Notre intention Cetteenfantadécidéde faire lapesée laplus justeet laplusprécisepossibleetelley

mettoutesonattention!©FondationLamainàlapâte

L’attention peut être dirigée de manière volontaire, vers ce qui nous apparaît, aprèsréflexion, comme vraiment important : ce que nous avons à faire. Alors que noussommes soumis à des flux incessants de tentations de toutes sortes, nous sommescapablesdeleurrésistergrâceàuntroisièmesystèmedeneurones.Lorsquejedécidedefaireattentionàunobjet,debraquerlefaisceaulumineuxsurlui,jedécide simultanément d’éteindre d’autres projecteurs. Ce choix n’est pas toujourssimple.Bienaucontraire,ilimpliquetrèssouventdesconflitsinternes,desrapportsdeforces entre différents réseaux cérébraux qui évaluent de manière différente ce quim’importe à unmoment donné. Mais le cerveau sera d’autant plus efficace pour unetâchedonnée,quenousauronstriécequiestutileàsaréalisationetcequil’estmoinsoupas.PourJean-PhilippeLachaux,notreintentiondoitêtreclaire,unique,concrèteetàcourtterme.Notonsaupassagequepuisquecequiestimportantpourmoin’estpasforcémentcequiest importantpourmonvoisinaumêmemoment,monattentionrévèlecequicomptepourmoietl’importancerelativequ’êtresetchosesontàmesyeuxàunmomentdonné.Notre intention de faire attention à telle ou telle cible varie en fonction de facteurspropresàchacun:curiosité,motivation,stress,habitudes,manquedesommeil.Chacund’entrenousenafaitl’expérience!Choisir la tâche est crucial: en effet, si nous cherchons, volontairement, à réaliserplusieurstâchesàlafois,notreattentionseramiseendifficulté.

13

L’attention divisée :

faire attention à plusieurs tâches à la fois ?

LecanardlapindupsychologueaméricainJosephJastrow(1900)

Surcetteimage,voyez-vousuncanardouunlapin?Entoutcas,vousnevoyezjamaislesdeux en même temps. Vous oscillez entre les deux interprétations. Vous devez enbloquer une pour passer à l'autre, vous ne pouvez pas sélectionner les deuxinterprétationsenmêmetemps.Osciller,alterner,c’estcequefaitnotreattention.

Un exemple de tests

Ø Le trail making test ou test des tracés Ondemanded’abordauparticipantde relier,dans l’ordre, des points qui portent deschiffres. C’est facile, il a une tâche unique àréaliser.Ensuite,onluidemandederelierdansl’ordredes points qui portent soit des chiffres, soitdes lettres, en alternant chiffres et lettres(1, A, 2, B, 3, C,...). Il faut faire attentionalternativementauxchiffresetauxlettres.On mesure le temps mis dans les deuxconditionsetlenombred’erreurs.

Selon lesrésultatsderecherchesenneurosciencescognitives,onnepeutpas,dansdenombreusesconditions,accomplirdeuxtâchescomplexesoucoûteusesenattentionenmêmetempssansquelaperformancedel’uned’ellesnesoitdiminuéeouquelenombred’erreursaugmente.L’attention,nousl’avonsdit,agitcommeungoulotd’étranglement.

14

Deux exemples de gestion des ressources mentales

- Onpeutdiscuteretmarcherenmême tempsparcequemarcher surun terrainplatetdégagéestuneactivitéquenousavonsautomatisée.Maissileterraindevientaccidenté,la marche n’est plus automatique, elle mobilise des ressources attentionnelles, et ducoup,ladiscussiondevientmoinsvive.Laperformancediminue.

- Onvousproposederetenirunesuitede7chiffres.C’estfacile.Puisonvousdemandede

répéterbla-bla-bla,c’estfacile.Maissionvousdonnelaconsignederetenirlasuitede6à7chiffrestoutenajoutantlarépétitionde«blablabla»,celadevienttrèsdifficile.Onamontréquecettedoubletâchesaturelamémoiredetravail.

Deschercheursontmisenévidencequelorsquenousavonsengagénotreattentiondansunetâche,lesstimulinonpertinents,ceuxquineconcernentpaslatâche,sontlaissésenattente par le cerveau. Dans la vidéo du gorille, le gorille est vu, mais de manièreinconsciente,carilnefaitpaspartiedelatâchedemandéequiestdecompterlescoredesjoueursenblanc.Si deux tâches se présentent enmême temps, notre système attentionnel se divise etbascule de l’une à l’autre. La bascule se passe très rapidement, en quelquesmillisecondes sans que nous en soyons conscients.Nous ne pouvons donc pas être“multitâche”,faireattentionàdeuxtâchesenmêmetemps.Même si nous avons tendance à penser que nous faisons deux tâches à la fois, il y aalternance.Cephénomèneestappeléle«clignementattentionnel»(paranalogieavecleclignement des yeux): immédiatement après avoir perçuun signal, le cerveau attendavantderéceptionnerlesignalsuivant.Leclignementtémoignedelacompétitionpourlesressourcesattentionnelles.Cecinousramèneàlamétaphoreducoupdeprojecteur:le clignement attentionnel nous indique que les zones d'ombre autour du faisceau delumièrenesontpasseulementspatiales,ellessontaussitemporelles.

15

Libérer des ressources attentionnelles : l’atout de l’apprentissage Pourtantdanslaviequotidienne,noussommestrèssouvent,sinontoutletemps,ensituationde «multitâche»: prendre des notes en écoutant le cours et en regardant les diapos quil’illustrent,rédigeruntextesurordinateurtoutentéléphonantetensurveillantl’arrivéedemails,jouerd’uninstrumentdemusiquedansunorchestre,conduiretoutensurveillantlespiétons, lacirculation, lespanneaux indicateurs…Pourqueces tâchessoientassuréesavecuneperformanceacceptable,celaauncoût!Lesentrainementsdiminuentlecoûtcognitifetpermettentl’automatisationdestâches,c’estàdirequ’onpeutlesfairesansyfaireattention,etlalibérationderessourcesattentionnelles.S’entraîneràapprendreunetabledemultiplicationparcœurdemandebeaucoupd’attention,maisonestpayéderetourquandleurrécitationdevientautomatique.De même apprendre à lire demande un grand effort d’attention. Il faut passer en revuechacunedeslettresdanslebonordre,delagaucheversladroite,sansenoublierune,toutensesouvenantdeleurscorrespondancesaveclesphonèmesetenlesassemblantenmémoirepour former un mot. Les neuroscientifiques constatent qu’à ce stade, l’activité cérébralerecruteunréseauderégionscérébralestrèsétendu.Maisaufuretàmesurequela lectures’automatise,lamobilisationdecesrégionsdécroit.L’automatisationestdoncunobjectifessentielde l’apprentissage.Dans lecasde la lecture,ellepermetdelibérerdesressourcesattentionnellesquiserontutiliséesparexemplepourlacompréhensiondecequiestécrit.Notonsqu’unefoisqu’unetâcheestautomatisée,ilpeutdevenirdifficiledel’inhiber.Danslecas de la lecture, une fois qu’elle est automatisée, il devient difficile de ne pas lire et deconsidérer lemotseulementcommeunobjetquelconque.Dans le testdeStroop,quenousavons évoqué, nous devons inhiber la lecture dumot «bleu» lorsque nos yeux se posentdessus,etporternotreattentionsurlacouleurdel'encre.Libérer des ressources attentionnelles : la simplification des tâches Lorsd’unapprentissage,ilfautdébusqueretéliminercequiestannexeetquiconsommeenparasitedesressourcesattentionnelles.Ils’agitdesimplifieraumaximumlatâchedemandéeàl’enfant.Unenfantpeuttrèsviteêtreensituationdedoubleoudemultitâchecequil’empêcheraderéussircequ’onluidemandedefaire,oud’assimilercequ’onluidemanded’assimiler.S’iln’apas automatisé la lecture par exemple, il ne peut pas libérer son attention de la phase dedéchiffragepourl’alloueràuneautretâche.L’éducateurdoitalorsdécomposerlestâchesquisont en compétition pour l'attention de l'élève et veille à ne pasmultiplier les sources destimuli(commecertainslivresavectropdepolicesdecaractères,descompositionsdepagetropcompliquéesettropd’illustrations,Cette démarche de simplification est cruciale pour lesenfants souffrant de troublesspécifiquesdesapprentissages(dyslexie,dyscalculie,dyspraxie,etc.). Ilspeuventsetrouverconfrontés à une tâche, qui n’est une tâche unique que pour un élève ayant automatisé lalecture ou le calcul, mais qui pour eux représente une tâche multiple, avec plusieurscomposantesnon-automatisées.

16

Attention sociale ou attention conjointe Sur ce tableau peint par Renoir vers 1895, son fils regarde le jouet que sa nurse

Gabrielle regarde et lui montre. Le petitJean fait attention à cette figurine parceque Gabrielle y fait attention. L’adulte etl’enfant observent conjointement unélémentd’intérêt.Cettepeintureestuneimagedel’attentionconjointeousociale.AugusteRenoir:Gabrielleandtheartist'sson,Jean-CollectionofMr.andMrs.PaulMellon/NationalGalleryofArt/USA

La capacitéd’attention conjointe (diteaussipartagée)apparaît trèsprécocement chezl’enfant.Onobservefacilementquelebébépréfèrenettementlessignauxhumainsparrapport aux signaux dumonde extérieur. Il prête une attention toute particulière auregarddesadultes.Observeretsuivreleregarddesautresluipermeteneffetdeportersonattentionaumondequelesadultesregardentetdeleconnaîtreàtraverseux.Trèstôt,lebébécomprendqu’unadulte,parsonregardouenpointantsondoigt,l’inviteàobserverquelquechose, chercheàattirer sonattentionsur telou telobjet,queceladoitêtreimportantetqu’ilvapouvoirapprendrequelquechose.Cescontactsvisuelsouverbaux induisent chez l’enfant un état d’apprendre, ce que certains chercheursnomment une « posture pédagogique ». En retour, l’enfant reprend l’initiative etproposeàl’adultedepartageravecluiunintérêt.Cette posture pédagogique due à l’attention conjointe existe non seulement entre unadulte etunenfant,mais aussi entredeux (ouplusieurs) enfants.Elle faitnaîtreet se

développer une coopérationd’intention entre eux et facilite laréalisationd’actionscommunes.©FondationLamainàlapâte

L’attentionconjointeestliéeàlacognitionsocialedanslamesureoùelleparticipeàlacompréhensionquelesautresontunbut,undésir,unepensée,desétatsémotionnels.

17

Ellenousfait,defaçontrèsrapide,partageravecautruiuneinformation,cequirevientàmettreencommununpeudenospensées.Par exemple, le changement d’orientationdu regardd’autrui agit sur nous commeunsignal.LorsquedeuxpersonnesAetBbavardentl’uneenfacedel’autre,siAdétournebrusquementsonregardversuncôté,Bvaquasiinstantanémentdirigersonregardversce même côté. L’attention est partagée, un échange se produit, une information, unintérêt ou un désir devient commun : ce peut être un danger qui nous menace, unepublicité,ungâteaudansunedevanturedepâtisserie,...Les écrans et plus généralement les nouvelles technologies de communication, siprésentsaujourd’huidansnosvies,sont-ilscapables,àcertainségards,demodifiercesinteractions,surtoutchezlestout-petits?

18

Le cerveau attentif L’attentionestune fonctiondenotrecerveau indispensableaubonfonctionnementdetoutes les autres fonctions cognitives. Elle est véritablement au centre dufonctionnement cognitif: elle permet d’amplifier ou de diminuer le traitementd’informationspar lecerveau,maiségalementd’organiser l’actionou le travailmentalpourl’optimiser.Les informationsdenotreenvironnementsontperçuesparnosorganesdessens,puissonttransportéespardesnerfsendirectiondedifférentesrégionsducerveau;maisunepartieseulementdecesinformationsontunréelimpactsurlecortexpréfrontal3,“chefd’orchestre“ des fonctions cognitives dehaut niveau. C'est l'attentionqui décidede laprise en compte, ou non, d'une information par le cortex préfrontal, et c'est doncl'attentionquidécidedenotreperméabilitéàcequinousentoure.Ø Le cerveau et la lecture d’un mot Quandvouslisezavecattention,l’informationvisuelletransmisedepuisl’œilaucerveauarrivedansl’airevisuelleàl’arrièreducerveau,puissepropageauseindecelui-cipouratteindre ses régions les plus antérieures, chargées de la compréhension et de lamémorisation:vouscomprenezetvousretenezcequevousêtesentraindelire.Danslecasd’unelecturedistraite,lecerveauréagittrèsdifféremment,l’informationnedépassepasl’airevisuelle.Vousvoyezleslettres,maisvousn’enfaitesrien.Visualisationparimagerieparrésonancemagnétiquefonctionnelle(IRMf)

ImagesfourniesparJean-PhilippeLachaux

Lapartiegauchedel’imagemontrelaréactiond’uncerveauattentiflorsdelalectured’unmot.Lapartiedroitemontrecelled’uncerveauinattentif.Les zones cérébrales activées sont en rouge. Les zones désactivées sont en bleu. Certainesrégions cérébrales essentielles pour la compréhension et la mémorisation (encadrées) sontactivesuniquementlorsquel’attentionestengagée.Dans le cerveau, faire attention signifie sélectionner et privilégier l’activation d’unréseaudeneuronesparmid’autres (desneuronesde la perception, de lamémoirede

3Lapartielaplussuperficielleducerveauestconstituéeparlecortexappeléaussisubstancegrise.C’estauniveauducortexqu’arriventetpartentlesinformationstransmisesparlesneurones.Lelobefrontaletsapartieantérieureappeléelobepréfrontalsontparticulièrementdéveloppésdansl’espècehumaine.Chacunedesfonctionscognitivesdehautniveau(raisonnement,comportementssociaux,langage)impliquelecortexpréfrontalcommechefd’orchestre,maisaussid’autresrégionsdanslesautreslobes.

19

travail,delamotricité)pourenrenforceretenstabiliserl’activité,souventaudétrimentdel’activitédegroupesdeneuronesconcurrents.La fonctiondecegroupedeneuronessélectionnésdéfinitalorsceàquoinous faisonsattention. Si ce groupeestpar exemple spécialisédans laperceptiondeparoles, nousserons capables, au milieu d’une foule, de ne faire attention qu’à une conversationparticulièreaumilieud’unbrouhaha.Maisnotreattentionpeutaussiseportersurdesélémentsplus abstraits, selon la fonctiondugroupedeneuronesvisé : c’est ainsiquenous faisons plus particulièrement attention au «sens» d’un texte, plutôt qu’à sonorthographe, si le système neuronal visé par l’attention est spécialisé dans l’analysesémantique.Lorsque nous faisons attention, la cible de notre attention gagne en clarté : nous ensommesglobalementplusconscients.

Mars2019MerciàJean-PhilippeLachauxpoursaprécieuserelecture.