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TEXTE INTÉGRAL Laurent Gaudé Salina LYCÉE Classiques & Contemporains &

Laurent Gaudé - Decitre.fr · Pour que seule la poussière connaisse leur blessure ! SALINA. Elles sont blessées ? ... chose à Lalibela et à Sowumba qui fait qu’elles ne peuvent

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Laurent GaudéSalina

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Laurent GaudéSalina

Présentation, notes, questions et après-texte établis par

CÉCILE PELLISSIER

professeur de Lettres

Classiques Contemporains&

SommairePRÉSENTATION

Laurent Gaudé . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5Contexte littéraire, réception . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7Résumé de Salina . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11

SALINA (TEXTE INTÉGRAL)I – Le sang des femmes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15II – La dernière vertèbre. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 71III – Le don des larmes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 115

Après-texte

POUR COMPRENDRE

Étapes 1 à 6 (questions) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 146

GROUPEMENT DE TEXTES

Écritures tragiques et représentations . . . . . . . . . . . . . . . . 158

INTERVIEW EXCLUSIVE

Laurent Gaudé et Vincent Goethals répondent aux questions de Cécile Pellissier . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 163

INFORMATION / DOCUMENTATION

Bibliographie, Internet . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 169

Le sang des femmes

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PERSONNAGES

MAMA MELITA, mère de Sissoko, grand-mère de Saro et Kano,environ soixante ansSISSOKO DJIMBA, chef de la ville et du clan Djimba, environquarante ansKHAYA DJIMBA, femme de Sissoko Djimba, environ quaranteansSARO DJIMBA, fils aîné de Sissoko et Khaya, environ vingt ansKANO DJIMBA, fils cadet de Sissoko et Khaya, environ quinze oudix-huit ansSALINA, environ quinze ou dix-huit ansLALIBELA, jeune femme nubile1, environ vingt ansSOWUMBA, jeune femme nubile, environ vingt ansUne femme de chambre de Khaya DjimbaL’aliénéLes gardes

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1. En âge d’être mariée, car apte à concevoir un enfant.

1. LE LINGE

Salina entre sur scène, portant un énorme bac d’eau. Elle le poseà terre et reprend son souffle. Elle regarde autour d’elle, visiblementinquiète de ce lieu qu’elle ne connaît pas.

SALINA. Mama Melita ? (Silence. Un temps. Elle refait un toursans oser s’aventurer trop loin.) Mama Melita ?

Entre Mama Melita. Elle avance lentement, le dos courbé.

MAMA MELITA. C’est toi, Salina ?SALINA. Oui. J’apporte l’eau.MAMA MELITA. Bien, bien mon enfant.SALINA. Est-ce que je laisse le bac ici ?MAMA MELITA. Oui, oui, très bien.SALINA. C’est tout ce que tu voulais, Mama Melita ?MAMA MELITA. Attends, mon enfant. Attends. Tu vas m’aider.SALINA. T’aider ?MAMA MELITA. Oui.SALINA. Mais…MAMA MELITA. Oui, oui, je sais. Ne sois pas si pressée.SALINA. Qu’est-ce que tu veux que je fasse ?MAMA MELITA. Tu vas voir. Attends. Je vais aller les prévenir

que tu es là.SALINA. Prévenir qui ?

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Mama Melita s’en va sans répondre. Salina attend, tourne unpeu sur elle-même. Lorsque Mama Melita revient, elle porte sous lebras un énorme ballot de draps blancs.

MAMA MELITA. Elles arrivent. Elles finissent de se laver et des’habiller et elles nous rejoignent.

SALINA. Qui ?MAMA MELITA. Sowumba et Lalibela.SALINA. Qu’est-ce qu’elles font ici ?MAMA MELITA. Elles sont venues se laver.SALINA. Pourquoi viennent-elles se laver ici ?MAMA MELITA (amusée par toutes ces questions). Ah, mon

enfant ! Pour que seule la poussière connaisse leur blessure !SALINA. Elles sont blessées ?MAMA MELITA (riant). Mais non, Salina. Ne t’inquiète pas.SALINA. Mama Melita ?MAMA MELITA. Oui ?SALINA. Est-ce que je peux m’en aller maintenant ?MAMA MELITA (silence. Elle l’observe). Viens. Approche-toi.

(Salina s’approche. Nouveau silence. Mama Melita sourit.) Tu n’aspas à avoir peur.

SALINA. Je n’ai pas peur.MAMA MELITA. Ah non ?SALINA. Non. Mais je ne comprends pas pourquoi tu m’as

demandé de venir. Je ne comprends pas ce que Lalibela etSowumba font ici et pourquoi elles ne t’aident pas puisqu’ellessont là, près de toi.

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MAMA MELITA. Et si je te répondais qu’il est arrivé quelquechose à Lalibela et à Sowumba qui fait qu’elles ne peuvent plusm’aider et que c’est à toi de le faire à leur place ? Si je te disaisque tout ce que nous allons faire, ici, toi et moi, c’est un peu delessive et rien d’autre ?

SALINA. Ici ? Dans ce bac ?MAMA MELITA. Oui.SALINA. Si tu veux que je t’aide, Mama Melita, je t’aiderai.

Mais je ne comprends pas pourquoi il faut que j’amène ici unbac d’eau alors que la rivière coule à deux pas.

MAMA MELITA. Je t’ai appelée ici pour que tu t’occupes deLalibela et de Sowumba et que tu voies des choses que tu n’asencore jamais vues.

SALINA (comme une enfant). Mama Melita, je n’ai pas envie derester. Est-ce que je ne pourrais pas venir t’aider un autre jour ?

MAMA MELITA. Non, mon enfant. C’est ton tour.

Entrent Lalibela et Sowumba, deux jeunes femmes, belles etcoquettes.

LALIBELA. Ah, ah, voilà la nouvelle recrue de Mama Melita !SOWUMBA. La petite Salina nous a rejointes ! Elle va partager

nos secrets !LALIBELA. Tu es contente d’être ici ? Tu es fière que ce soit ton

tour de porter l’eau et d’être avec les femmes ?SALINA. Je ne sais pas ce que vous faites ici et je ne veux pas

le savoir.

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LALIBELA. Quel sale caractère elle a !SOWUMBA (moqueuse). Tu ne sais pas ce que nous faisons ici ?

Et tu ne sais pas non plus que certains hommes attendent avecde plus en plus d’impatience que tu te décides à nousrejoindre ?

LALIBELA. Comme Saro, par exemple, qui vient nous deman-der chaque jour si tu es prête.

SOWUMBA. Et chaque jour nous lui disons en riant qu’il fau-dra qu’il attende encore un peu.

SALINA. Pourquoi est-ce que vous me parlez de Saro ? Je n’airien à faire avec lui.

SOWUMBA. Rien ?SALINA. Rien du tout.LALIBELA. Mais oui, Sowumba, ne sois pas bête ! Tu sais bien

que tout ce qui intéresse Salina, c’est Kano, le petit frère deSaro !

SALINA. Taisez-vous !SOWUMBA. Et pourtant, crois-moi, Salina, la façon dont Saro

te regarde lorsque tu passes devant lui n’a rien à voir avec lafaçon dont te regarde son frère. Il sait ce qu’il attend et il com-mence à perdre patience.

LALIBELA. Il a bien vu que tu avais changé ces derniers temps.(Rires.) Il a soupesé de son regard d’homme tes seins (elle luitouche les seins) et il les a trouvés à son goût. Tout le mondeattend Salina. Tout le monde sait que c’est pour bientôt.

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SALINA (énervée). Je ne sais pas de quoi vous parlez mais jepeux vous dire que s’il s’agit de quelque chose que Saro attendde moi, il peut attendre longtemps.

LALIBELA. Tu crois cela ?SALINA. Je vous le dis et vous pouvez le lui répéter.SOWUMBA. Tu ne sais rien de ce que tu dis. Tu peux nous

croire. Il n’y a qu’à te regarder pour savoir que c’est pour bien-tôt. Très bientôt. Et si Saro attend quelque chose de toi, il n’estpas assez bête pour l’attendre de tes mains. (Lalibela l’agrippepar-derrière. Sowumba lui met la main au sexe.) C’est de là qu’ilattend ce qu’il veut ! (Elle soulève la robe de Salina, plonge sa têtesous ses jupes et respire bruyamment.) Et crois-moi, il n’a pluslongtemps à attendre.

Éclats de rire. Salina se débat et hurle.

SALINA. Je m’en vais. Et ne comptez plus sur moi pour vousapporter de l’eau.

MAMA MELITA. Calme-toi, mon enfant, calme-toi. (Aux deuxfemmes.) Allez-vous-en. Laissez-nous. Allez ! Fichez le camp.

LALIBELA. Tu verras, Salina, tu reviendras bientôt. Régulière-ment. Pour te soustraire aux regards des hommes et pour queMama Melita soit la seule à laver ton linge.

Elles sortent.

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SALINA. Vous pouvez lui dire, Mama Melita, à votre petit-fils,qu’il n’a rien à attendre de moi.

MAMA MELITA. Ne te mets pas en colère. Oublie tout cela.Chaque chose en son temps. Nous avons du linge à laver.

SALINA. Pourquoi est-ce qu’il faut le laver ici, ce linge ? Loinde la ville et de la rivière.

MAMA MELITA. Ne pose plus de questions, Salina. Tiens. (Elleattrape un coin du drap et lance l’autre bout à Salina.) Déplie ledrap.

(Elles le déplient. Il est taché de sang. Salina est interloquée.Elle lâche le drap, met ses mains devant sa bouche, silencieuse etstupéfaite.)

Tu te demandes ce que c’est, mon enfant. Tu te demandesquel combat a eu lieu ici et qui a souffert de tant de blessurespour laisser de telles traces. Toutes ces questions, je me les suisposées, moi aussi, à ton âge. C’est le sang des femmes, monenfant. Le sang des femmes. Que nous ne lavons pas dans larivière pour qu’il ne souille pas l’eau douce. Que nous tenonsici caché aux yeux de tous, comme cela a toujours été. Le sangdes femmes qui monte en toi et se mettra bientôt à couler.

Salina s’enfuit en courant.

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POUR COMPRENDRE

Étape 1 Préparation à la lecture........................................................................ 146Étape 2 Salina ............................................................................................................................... 148Étape 3 Mariages, deuil et exil............................................................................ 150Étape 4 Confrontations................................................................................................. 152Étape 5 Regrets et pardons .................................................................................... 154Étape 6 Synthèse ...................................................................................................................... 156

GROUPEMENT DE TEXTESÉcritures tragiques et représentations............................................................ 158

INTERVIEW EXCLUSIVELaurent Gaudé et Vincent Goethals répondent aux questions de Cécile Pellissier ................................... 164

INFORMATION/DOCUMENTATIONBibliographie, Internet......................................................................................................... 169

Après-texte

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DRE

Lire1 Observez les différents titres (celuide l’œuvre, des trois grandes partieset des sous-parties numérotées).Quelles hypothèses de lecture suggè-rent-ils ? Quelle est leur fonction ?

2 Comparez et commentez les troislistes des personnages (p. 16, 72, 116).

3 Établissez le tableau scénique despersonnages pour chacune des troisgrandes parties : observez comment ilsse succèdent, quelle est leur présenceet leur simultanéité sur scène. Indiquezégalement comment se répartit et sequantifie la prise de parole. À partir deces observations, dites quel est lenombre minimum requis de comédienset déterminez quel(s) rôle(s) on peutattribuer à chacun d’eux.

4 Faites l’arbre généalogique du clanDjimba.

5 Relevez toutes les références spatio-temporelles et indiquez quels sont lesdifférents lieux et moments de l’ac-tion. Quelle est la durée écoulée entreles trois grandes parties ? Et entre lessous-parties ?

6 Observez la photo de la couver-ture : qui sont les personnages repré-sentés, dans quel lieu et à quel moment de l’action ? Relevez les ré-pliques que les acteurs sont en trainde prononcer à votre avis.

7 Analysez les différents « récits ».Qui les prononce et pour quoi faire ?Pourquoi leur mise en page diffère-t-elle ?

8 Faites la liste des événements qui sesont déroulés hors scène. Par quelmoyen sont-ils révélés au spectateur ?

9 Comment l’auteur a-t-il structuré sapièce ? Ce découpage vous paraît-iltraditionnel ?

10 Repérez, dans les didascalies etdans les dialogues, des indicationsqui renvoient à l’aspect spectaculairede la pièce (décors, costumes, régie,gestuelle, disposition dans l’espace,etc.) et commentez-les.

11 Quels sont les objets et acces-soires privilégiés ?

ÉcrireÉcrit d’argumentation

12 Commentez l’affirmation de Lau-rent Gaudé : « Salina est une pièce an-tique. »

Écrit d’invention

13 Rédigez la fiche de préparation per-sonnelle établie par l’un des acteurs :les scènes où il intervient, les acces-soires dont il a éventuellement besoin,les sentiments qui l’occupent par rap-port à son rôle, les questions qu’il sou-haite poser au metteur en scène…

146 PRÉPARATION À LA LECTURE

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Chercher14 Faites une recherche sur le mythede Médée.

15 Faites une recherche sur la struc-ture de la tragédie grecque.

16 Faites une recherche sur les mé-tiers du théâtre.

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LA TRAGÉDIE GRECQUE

On situe la première représentation d’une tragédie grecque vers 534 av. J.-C., à Athènes. Le culte de Dionysos, dieu de la vigne et de la fertilité, enfut l’origine : pour les fêtes qui lui étaient consacrées, l’État organisait

durant trois jours un concours dramatique financé en partie par un riche citoyen(le choreute) et auquel tout le peuple assistait. C’était donc une activité civique,ce qui explique la place occupée par les grands problèmes nationaux de laguerre et de la paix, de la justice et du civisme et, parfois, de l’actualité. La tragédie reprenait les faits historiques, les thèmes, mythes et légendesconnus de tous, diffusés depuis longtemps par l’épopée. Mais l’auteur en pro-posait une interprétation personnelle en mettant en lumière une émotion, uneexplication, une signification qu’on n’y avait pas lues avant lui. Elle mêlaitdeux éléments de nature distincte : le chœur (représentant la communauté)et les acteurs (représentant l’individu), qui n’évoluaient pas sur le même lieu.Le chœur, mené par le coryphée, placé en contrebas sur l’orchestra, pouvaitdialoguer avec les acteurs, les conseiller, les encourager voire les menacer ;mais il restait indépendant de l’action en cours. Il ne s’exprimait qu’en chan-tant ou en psalmodiant et aussi en dansant. Les acteurs, qui se déplaçaientdevant la skéné, étaient en nombre très réduit (le protagoniste, accompagnéd’un ou deux acteurs). Ils tenaient donc tous les rôles en alternance et por-taient de grands masques, des costumes richement ornés et des attributs dis-tincts (sceptre du roi, épée du guerrier, etc.), ce qui permettait au public de lesdiscerner et de les reconnaître de très loin. La structure de la tragédie est dirigée par le principe de l’alternance et de lacontrainte spatiale. Les deux lieux séparés, le fait qu’il n’y ait pas de rideau,le nombre réduit d’acteurs et le manque de place obligent, dans le textemême, à distinguer différentes parties (les épisodes), séparées nettement parles morceaux lyriques exécutés par le chœur.

À SA

VOIR

PAGES 15 À 143

Laurent Gaudé Salina

Salina, l’enfant de sel, petite étrangère venue d’on ne sait où,a été adoptée par le clan Djimba. Elle aime Kano, mais est contrainted’épouser Saro. Brutalisée et humiliée, Salina refuse de sesoumettre. Lorsque son mari meurt, Salina croit qu’elle va enfinconnaître le bonheur… Mais ses espoirs se brisent rapidement.Elle ne se laisse alors plus mener que par la haine et l’esprit devengeance, jusqu’à ce qu’une jeune femme lui apporte l’apaisementfinal.

Cette pièce contemporaine, construite sous forme de triptyque,ouvre l’espace de la tragédie antique à d’autres univers. Enréécrivant certains mythes, en variant les formes dramatiqueset en mêlant les genres, elle permet aux élèves d’aborder lethéâtre et ses représentations et de découvrir l’originalité d’uneécriture actuelle, forte et poétique. En outre, une interview croisée de Laurent Gaudé et du metteuren scène Vincent Goethals permettra aux élèves d’entrerdans les coulisses de la création.

NIVEAU 4 : recommandé pour les classes de seconde (enseignementgénéral), première (toutes séries) et terminale littéraire.

ISBN 978-2-210-75533-8

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